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24/09/2019 | CJUE | N°T-105/17

CJUE | CJUE, Arrêt du Tribunal, HSBC Holdings plc e.a. contre Commission européenne., 24/09/2019, T-105/17


ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)

24 septembre 2019 ( *1 )

« Concurrence – Ententes – Secteur des produits dérivés de taux d’intérêt libellés en euros – Décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE – Manipulation des taux de référence interbancaires de l’Euribor – Échange d’informations confidentielles – Restriction de concurrence par objet – Infraction unique et continue – Amendes – Montant de base – Valeur des ventes – Article 23, paragraphe 2, du r

glement (CE) no 1/2003 – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑105/17,

HSBC Holdings plc, établie à Londres (Roya...

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)

24 septembre 2019 ( *1 )

« Concurrence – Ententes – Secteur des produits dérivés de taux d’intérêt libellés en euros – Décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE – Manipulation des taux de référence interbancaires de l’Euribor – Échange d’informations confidentielles – Restriction de concurrence par objet – Infraction unique et continue – Amendes – Montant de base – Valeur des ventes – Article 23, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1/2003 – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑105/17,

HSBC Holdings plc, établie à Londres (Royaume-Uni),

HSBC Bank plc, établie à Londres,

HSBC France, établie à Paris (France),

représentées par Mme K. Bacon, QC, MM. D. Bailey, barrister, M. Simpson, solicitor, et Mes Y. Anselin et C. Angeli, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. M. Farley, B. Mongin et Mme F. van Schaik, en qualité d’agents, assistés de M. B. Lask, barrister,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation partielle de la décision C (2016) 8530 final de la Commission, du 7 décembre 2016, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire AT.39914 – Euro Interest Rate Derivatives), et, d’autre part, à la réformation du montant de l’amende infligée aux requérantes,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre élargie),

composé de MM. M. Prek (rapporteur), président, E. Buttigieg, F. Schalin, B. Berke et Mme M. J. Costeira, juges,

greffier : Mme M. Marescaux, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 19 mars 2019,

rend le présent

Arrêt

I. Antécédents du litige

1 Par sa décision C (2016) 8530 final, du 7 décembre 2016, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire AT.39914 – Euro Interest Rate Derivatives) (ci-après la « décision attaquée »), la Commission européenne a constaté que les requérantes, HSBC Holdings plc, HSBC Bank plc et HSBC France, avaient enfreint l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE en prenant part, du 12 février au 27 mars 2007, à une infraction unique et continue
ayant eu pour objet l’altération du cours normal de fixation des prix sur le marché des produits dérivés de taux d’intérêt libellés en euros (Euro Interest Rate Derivative, ci-après les « EIRD ») liés à l’ « Euro Interbank Offered Rate » (Euribor) et/ou l’Euro Over-Night Index Average (EONIA) [article 1er, sous b), de la décision attaquée] et leur a infligé de manière solidaire une amende d’un montant de 33606000 euros [article 2, sous b), de la décision attaquée].

2 Le groupe HSBC (ci-après « HSBC ») est un groupe bancaire dont l’une des activités est la banque d’investissement, de financement et de marché. HSBC Holdings est la société faîtière d’HSBC. HSBC Holdings est la société mère de HSBC France et celle-ci est la société mère de HSBC Bank. HSBC France et HSBC Bank sont en charge de la négociation des EIRD. HSBC France est responsable des soumissions de taux au panel de l’Euribor (considérants 58 à 61 de la décision attaquée).

3 Le 14 juin 2011, le groupe bancaire Barclays (Barclays plc, Barclays Bank plc, Barclays Directors Ltd, Barclays Group Holding Ltd, Barclays Capital Services Ltd et Barclays Services Jersey Ltd, ci-après « Barclays ») a saisi la Commission d’une demande d’octroi d’un marqueur au titre de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2006, C 298, p. 17), en l’informant de l’existence d’un cartel dans le
secteur des EIRD et en exprimant son souhait de coopérer. Le 14 octobre 2011, Barclays s’est vu accorder une immunité conditionnelle (considérant 86 de la décision attaquée).

4 Entre le 18 et le 21 octobre 2011, la Commission a procédé à des inspections dans les locaux d’un certain nombre d’établissements financiers à Londres (Royaume-Uni) et à Paris (France), dont ceux des requérantes (considérant 87 de la décision attaquée).

5 Les 5 mars et 29 octobre 2013, en application de l’article 11, paragraphe 6, du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 TFUE] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), la Commission a engagé une procédure d’infraction à l’encontre des requérantes ainsi que de Barclays, du Crédit agricole SA et du Crédit agricole Corporate and Investment Bank (ci-après, prises ensemble, « Crédit agricole »), de Deutsche Bank
AG, de Deutsche Bank Services (Jersey) Ltd et de DB Group Services (UK) Ltd (ci-après, prises ensemble, « Deutsche Bank »), de JP Morgan Chase & Co., de JP Morgan Chase Bank National Association et de JP Morgan Services LLP (ci-après, prises ensemble, « JP Morgan »), de Royal Bank of Scotland plc et the Royal Bank of Scotland Group plc (ci-après, prises ensemble, « RBS ») et de la Société générale (considérant 89 de la décision attaquée).

6 Barclays, Deutsche Bank, la Société générale et RBS ont souhaité participer à une procédure de transaction en application de l’article 10 bis du règlement (CE) no 773/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission, en application des articles [101 TFUE] et [102 TFUE] (JO 2004, L 123, p. 18), tel que modifié. HSBC, le Crédit agricole et JP Morgan ont décidé de ne pas participer à cette procédure de transaction.

7 Le 4 décembre 2013, la Commission a adopté à l’égard de Barclays, de Deutsche Bank, de la Société générale et de RBS la décision C (2013) 8512 final, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE [Affaire AT.39914, Euro Interest Rate Derivatives (EIRD) (Settlement)] (ci-après la « décision de transaction »), par laquelle elle a conclu que ces entreprises avaient enfreint l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE en participant à une
infraction unique et continue ayant eu pour objet l’altération du cours normal de fixation des prix sur le marché des EIRD (considérant 95 de la décision attaquée).

A. Procédure administrative à l’origine de la décision attaquée

8 Le 19 mars 2014, la Commission a adressé aux requérantes, ainsi qu’au Crédit agricole et à JP Morgan, une communication des griefs (considérant 98 de la décision attaquée).

9 Les requérantes ont pu consulter sur DVD les parties accessibles du dossier de la Commission et leurs représentants ont bénéficié d’un accès supplémentaire au dossier dans les locaux de la Commission (considérant 99 de la décision attaquée). Les requérantes ont également eu accès à la communication des griefs adressée aux parties ayant transigé, aux réponses de ces parties ainsi qu’à la décision de transaction (considérant 100 de la décision attaquée)

10 Le 14 novembre 2014, les requérantes ont présenté leurs observations écrites à la suite de la communication des griefs et se sont exprimées lors de l’audition qui s’est déroulée du 15 au 17 juin 2015 (considérant 104 de la décision attaquée).

11 Le 6 avril 2016, la Commission a rectifié la décision de transaction en ce qui concerne la détermination du montant de l’amende de la Société générale. Les requérantes ont eu accès à cette décision rectificative ainsi qu’à la correspondance sous-jacente et aux données financières corrigées soumises par la Société générale (considérants 105 et 106 de la décision attaquée).

B. Décision attaquée

12 Le 7 décembre 2016, la Commission a adopté, sur la base des articles 7 et 23 du règlement no 1/2003, la décision attaquée. L’article 1er, sous b), et l’article 2, sous b), de cette décision sont ainsi libellés :

« Article premier

Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 101 du traité et l’article 53 de l’accord EEE en prenant part, durant les périodes indiquées, à une infraction unique et continue concernant des produits dérivés de taux d’intérêt en euros. Cette infraction, qui s’étendait à l’ensemble de l’EEE, a consisté en des accords et/ou des pratiques concertées ayant pour objet de fausser le cours normal des composantes des prix dans le secteur des produits dérivés de taux d’intérêt en euros :

[…]

b) [les requérantes] du 12 février 2007 au 27 mars 2007 […]

Article 2

Les amendes suivantes sont infligées pour l’infraction visée à l’article 1er :

[…]

b) [les requérantes], solidairement responsables : 33606600 EUR. »

1.   Produits en cause

13 Les infractions en cause portent sur les EIRD, c’est-à-dire des produits dérivés de taux d’intérêt libellés en euros indexés sur l’Euribor ou sur l’EONIA.

14 L’Euribor est un ensemble de taux d’intérêt de référence visant à refléter le coût des prêts interbancaires fréquemment utilisés sur les marchés internationaux de capitaux. Il est défini comme un index du taux auquel les dépôts interbancaires à terme en euros sont offerts d’une banque de premier plan à une autre banque de premier plan au sein de la zone euro. L’Euribor se calcule sur la moyenne des prix offerts quotidiennement par un panel, composé pendant la période concernée par la décision
attaquée de 47 banques de premier plan – dont les banques mentionnées au point 5 ci-dessus –, adressés à Thomson Reuters en tant qu’agent de calcul de la Fédération bancaire européenne (FBE) entre 10 h 45 et 11 h 00 du matin. Les banques fournissent des contributions pour les quinze taux d’intérêts différents de l’Euribor, qui varient, selon leur terme, d’une semaine à douze mois. L’EONIA remplit une fonction équivalente à l’Euribor, mais en ce qui concerne des taux quotidiens. Il est calculé par
la Banque centrale européenne (BCE) sur la base d’une moyenne des taux pour les dépôts interbancaires en blanc (« unsecured ») du même panel de banques que celui utilisé pour la fixation de l’Euribor (considérants 20 à 27 de la décision attaquée).

15 Les EIRD les plus fréquents sont les accords de taux futurs (« forward rate agreements »), les swaps de taux d’intérêt (« interest rate swaps »), les options sur taux d’intérêt, et les contrats à terme (« futures ») de taux d’intérêt (considérants 4 à 10 de la décision attaquée).

2.   Comportements reprochés aux requérantes

16 Au considérant 113 de la décision attaquée, la Commission a décrit le comportement reproché aux banques mentionnées au point 5 ci-dessus de la manière suivante :

« Barclays, Deutsche Bank, JPMorgan Chase, Société générale, Crédit agricole, HSBC et RBS ont participé à une série de contacts bilatéraux dans le secteur des EIRD, qui consistait essentiellement en les pratiques suivantes entre les différentes parties :

a) à certaines occasions, certains traders employés par différentes parties ont communiqué et/ou reçu des informations sur les préférences quant au choix de taux d’intérêt inchangés, bas ou élevés pour certaines échéances Euribor ; ces préférences dépendaient de leurs expositions/positions de trading ;

b) à certaines occasions, certains traders de différentes parties ont communiqué et/ou reçu l’un de l’autre des informations détaillées, non publiquement connues/disponibles, sur les positions de trading ou les intentions concernant de futures soumissions Euribor pour certaines échéances d’au moins une de leurs banques respectives ;

c) à certaines occasions, certains traders ont également exploré les possibilités d’aligner leurs positions de trading sur des EIRD sur la base d’informations telles que celles décrites [sous] a) ou b) ;

d) à certaines occasions, certains traders ont également exploré les possibilités d’aligner au moins une des futures soumissions Euribor de leurs banques sur la base d’informations telles que celles décrites [sous] a) ou b) ;

e) à certaines occasions, au moins un des traders impliqués dans de telles discussions a contacté les responsables des soumissions Euribor de la banque concernée, ou a déclaré qu’un tel contact serait établi, afin de demander qu’ils soumettent à l’agent de calcul de la FBE des taux dans une certaine direction ou à un niveau spécifique ;

f) à certaines occasions, au moins un des traders impliqués dans de telles discussions a déclaré qu’il rendrait compte ou avait rendu compte de la réponse du responsable des soumissions avant l’heure quotidienne de la soumission des taux Euribor à l’agent de calcul ou, dans les cas où ce trader avait déjà discuté de ce point avec le responsable des soumissions, a communiqué cette information reçue de ce dernier au trader d’une autre partie ;

g) à certaines occasions, au moins un trader d’une partie a divulgué à un trader d’une autre partie d’autres informations détaillées et sensibles sur la stratégie de trading ou de fixation du prix des EIRD de sa banque ».

17 Au considérant 114 de la décision attaquée, la Commission a ajouté que « [e]n outre, à certaines occasions, certains traders employés par différentes parties ont discuté du résultat du fixing des taux Euribor, y compris les soumissions de banques spécifiques, après le fixing et la publication des taux Euribor du jour ».

18 La Commission a estimé que ces comportements relevaient d’une infraction unique et continue.

19 Aux fins de justifier cette qualification, en premier lieu, la Commission a retenu que lesdits comportements disposaient d’un objectif économique unique (considérants 444 à 450 de la décision attaquée), constitué par la réduction des flux de trésorerie que les participants auraient à payer au titre des EIRD ou par l’augmentation de ceux qu’ils devaient recevoir. En deuxième lieu, elle a estimé que les différents comportements relevaient d’un schéma de comportement commun, dès lors qu’un groupe
stable de personnes était impliqué dans l’entente, que les parties avaient suivi un schéma très similaire dans leurs activités anticoncurrentielles et que les diverses discussions entre les parties couvraient des sujets identiques ou qui se recoupaient et avaient donc un contenu identique ou partiellement identique (considérants 451 à 456). En troisième lieu, elle a estimé que les traders participant aux échanges anticoncurrentiels étaient des professionnels qualifiés et connaissaient ou auraient
dû avoir connaissance de la portée générale et des caractéristiques essentielles de l’entente dans son ensemble (considérants 457 à 483).

20 Elle a estimé que HSBC avait participé à cette infraction unique et continue tout en soulignant que les échanges bilatéraux avec Barclays étaient en eux-mêmes constitutifs d’une infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE (considérant 486 de la décision attaquée).

21 En ce qui concerne la durée de cette participation, la Commission a pris comme point de départ à l’égard de HSBC le 12 février 2007 (considérant 620 de la décision attaquée) et comme date de fin le 27 mars 2007 (considérant 625 de la décision attaquée).

3.   Calcul du montant de l’amende

a)   Montant de base de l’amende

22 En ce qui concerne, en premier lieu, la détermination de la valeur des ventes des banques ayant participé à l’entente, dans la mesure où les EIRD ne génèrent pas de ventes au sens usuel du terme, la Commission a déterminé la valeur des ventes par le biais d’une valeur de remplacement. En outre, au vu des circonstances de l’espèce, elle a estimé qu’il était préférable de ne pas prendre en compte la valeur de remplacement annualisée, mais de se fonder sur la valeur de remplacement correspondant aux
mois de participation des banques à l’infraction (considérant 640 de la décision attaquée). Elle a rappelé ne pas être tenue d’appliquer une formule mathématique et disposer d’une marge d’appréciation lorsqu’elle détermine le montant de chaque amende (considérant 647 de la décision attaquée).

23 La Commission a estimé approprié de prendre comme valeur de remplacement les recettes en numéraire générées par les flux de trésorerie que chaque banque a obtenus de son portefeuille d’EIRD liés à toute échéance Euribor et/ou EONIA et conclus avec des contreparties établies dans l’EEE (considérant 641 de la décision attaquée) auxquelles a été appliqué un facteur de réduction uniforme de 98,849 %.

24 La Commission a, dès lors, pris comme valeur des ventes à l’égard des requérantes le montant de 192081799 euros (considérant 648 de la décision attaquée).

25 En ce qui concerne, en deuxième lieu, la gravité de l’infraction, la Commission a pris en compte un facteur de gravité de 15 % dans la mesure où l’infraction a porté sur la coordination des prix et des accords de fixation de prix. Elle a ajouté un facteur de gravité de 3 % en se référant à la circonstance que l’entente avait concerné l’ensemble de l’EEE et avait porté sur des taux pertinents pour l’ensemble des EIRD et que lesdits taux, portant sur l’euro, revêtaient une importance fondamentale
pour l’harmonisation des conditions financières sur le marché intérieur et pour les activités bancaires dans les États membres (considérants 720 et 721 de la décision attaquée).

26 En ce qui concerne, en troisième lieu, la durée de l’infraction, la Commission a souligné avoir pris en compte la durée de la participation de chaque participant à l’entente en « nombre de mois arrondis vers le bas et au prorata », ce qui a conduit à l’application aux requérantes d’un coefficient multiplicateur de 0,08 % (considérants 727 à 731 de la décision attaquée).

27 En quatrième lieu, la Commission a ajouté un montant supplémentaire de 18 % de la valeur des ventes, qualifié de « droit d’entrée » dans la mesure où l’infraction a consisté en une fixation horizontale des prix, afin de dissuader les entreprises de participer à de telles pratiques, indépendamment de la durée de l’infraction (considérants 732 à 734 de la décision attaquée).

28 La Commission a, dès lors, fixé le montant de base de l’amende des requérantes à 37340000 euros (considérant 735 de la décision attaquée).

b)   Montant final de l’amende

29 En ce qui concerne la fixation du montant final de l’amende, la Commission a retenu que HSBC avait joué un rôle plus marginal ou mineur dans l’infraction qui ne saurait être comparé aux acteurs principaux et lui a accordé une réduction de 10 % du montant de base de l’amende (considérants 747 à 749 de la décision attaquée). L’article 2, paragraphe 1, sous b), de la décision attaquée inflige donc aux requérantes une amende d’un montant final de 33606000 euros.

II. Procédure et conclusions des parties

30 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 février 2017, les requérantes ont introduit le présent recours.

31 Sur proposition de la deuxième chambre du Tribunal, le Tribunal a décidé, en application de l’article 28 du règlement de procédure du Tribunal, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie.

32 Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre élargie) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, a posé des questions écrites aux parties le 30 janvier 2019. Le 14 et le 15 février 2019, la Commission et les requérantes, respectivement, ont répondu aux questions posées par le Tribunal.

33 Le 8 mars 2019, le Tribunal a adressé aux parties une question additionnelle, en vue d’une réponse lors de l’audience de plaidoiries.

34 Le 18 mars 2019, le Tribunal a décidé, les parties ayant été entendues, de tenir l’audience de plaidoiries à huis clos, en application de l’article 109 du règlement de procédure.

35 Lors de l’audience du 19 mars 2019, les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal. Lors de cette audience, il a été demandé à la Commission de fournir des explications additionnelles sur la détermination du facteur de réduction de 98,849 % qu’elle avait appliqué aux recettes en numéraire.

36 Le 2 avril 2019, la Commission a répondu à la question du Tribunal.

37 Le 10 mai 2019, les requérantes ont présenté leurs observations sur la réponse de la Commission.

38 Le 28 mai 2019, la Commission a présenté ses observations.

39 Par décision du 4 juin 2019, le Tribunal (deuxième chambre élargie) a clos la phase orale de la procédure.

40 Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler l’article 1er de la décision attaquée ;

– à titre subsidiaire, annuler l’article 1er, sous b), de la décision attaquée ;

– à titre encore plus subsidiaire, annuler partiellement l’article 1er, sous b), de la décision attaquée, en ce qu’il y est considéré qu’elles ont participé à une infraction unique et continue ;

– annuler l’article 2, sous b), de la décision attaquée ;

– à titre subsidiaire, réduire substantiellement l’amende qui leur est infligée en application de l’article 2, sous b), de la décision attaquée à un montant que le Tribunal juge approprié ;

– condamner la Commission aux dépens ou, à titre subsidiaire, à une partie appropriée de leurs dépens.

41 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours ;

– condamner les requérantes aux dépens.

III. En droit

42 Dans le cadre de leur recours, les requérantes présentent à la fois des conclusions en annulation de l’article 1er et de l’article 2, sous b), de la décision attaquée et des conclusions en réformation du montant de l’amende infligée par ledit article 2, sous b). Il sera distingué entre, d’une part, l’examen des demandes en annulation de l’article 1er de la décision attaquée et, à titre subsidiaire, de l’article 1er, sous b), de ladite décision et, d’autre part, l’examen de la demande en
annulation de l’article 2, sous b), de ladite décision, par lequel la Commission a infligé une amende de 33606000 euros aux requérantes, ainsi que de la demande de réformation du montant de cette amende.

43 Dans la mesure où les requérantes présentent à la fois des demandes d’annulation de la décision attaquée et de réformation du montant de l’amende infligée, il convient de souligner, de manière liminaire, que le système de contrôle juridictionnel des décisions de la Commission relatives aux procédures d’application des articles 101 et 102 TFUE consiste en un contrôle de la légalité des actes des institutions établi à l’article 263 TFUE, lequel peut être complété, en application de l’article 261
TFUE et sur demande des parties requérantes, par l’exercice par le Tribunal d’une compétence de pleine juridiction en ce qui concerne les sanctions infligées en ce domaine par la Commission (voir arrêt du 26 septembre 2018, Infineon Technologies/Commission, C‑99/17 P, EU:C:2018:773, point 47 et jurisprudence citée).

44 S’agissant, en premier lieu, de la portée du contrôle de légalité prévu à l’article 263 TFUE, celui-ci s’étend à l’ensemble des éléments des décisions de la Commission relatives aux procédures d’application des articles 101 et 102 TFUE dont le juge de l’Union assure un contrôle approfondi, en droit comme en fait, à la lumière des moyens soulevés par la partie requérante et compte tenu de l’ensemble des éléments pertinents soumis par cette dernière (voir arrêt du 26 septembre 2018, Infineon
Technologies/Commission, C‑99/17 P, EU:C:2018:773, point 48 et jurisprudence citée).

45 Il convient de rappeler, toutefois, que les juridictions de l’Union ne peuvent, dans le cadre du contrôle de légalité visé à l’article 263 TFUE, substituer leur propre motivation à celle de l’auteur de l’acte en cause (voir, en ce sens, arrêt du 24 janvier 2013, Frucona Košice/Commission, C‑73/11 P, EU:C:2013:32, point 89 et jurisprudence citée).

46 S’agissant, en second lieu, de l’étendue de la compétence de pleine juridiction reconnue au juge de l’Union à l’article 31 du règlement no 1/2003 conformément à l’article 261 TFUE, celle-ci habilite le juge, au-delà du simple contrôle de légalité de la sanction, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à supprimer, à réduire ou à majorer l’amende ou l’astreinte infligée (voir arrêt du 26 septembre 2018, Infineon Technologies/Commission, C‑99/17 P, EU:C:2018:773,
point 193 et jurisprudence citée).

47 En revanche, la portée de cette compétence de pleine juridiction est strictement limitée, à la différence du contrôle de légalité prévu à l’article 263 TFUE, à la détermination du montant de l’amende (voir arrêt du 21 janvier 2016, Galp Energía España e.a./Commission, C‑603/13 P, EU:C:2016:38, point 76 et jurisprudence citée).

A. Sur les demandes d’annulation de l’article 1er de la décision attaquée et, à titre subsidiaire, de l’article 1er, sous b), de ladite décision

48 À l’appui de leurs demandes d’annulation de l’article 1er de la décision attaquée et, à titre subsidiaire, de l’article 1er, sous b), de ladite décision, les requérantes avancent cinq moyens.

49 Le premier moyen concerne la qualification d’infraction par objet retenue par la Commission.

50 Par les deuxième, troisième et quatrième moyens, les requérantes contestent la qualification d’infraction unique et continue retenue par la Commission. Le deuxième moyen porte sur la conclusion de la Commission selon laquelle les accords collusoires établis par HSBC et les autres parties faisaient partie d’un plan d’ensemble poursuivant un objectif unique. Les troisième et quatrième moyens concernent, respectivement, l’intention de HSBC de contribuer à cet objectif et sa connaissance du
comportement des autres participants à l’infraction.

51 Le cinquième moyen concerne l’adoption de la décision attaquée postérieurement à une décision de transaction dans laquelle la Commission aurait déjà pris position sur la participation de HSBC à l’infraction en cause. Les requérantes en déduisent que la Commission a violé les principes de la présomption d’innocence et de bonne administration ainsi que les droits de la défense.

1.   Sur le premier moyen, portant sur la qualification d’infraction par objet au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE

52 Dès lors qu’est en cause la qualification d’infraction par objet appliquée par la Commission, il convient de rappeler que, pour relever de l’interdiction énoncée à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, un accord, une décision d’association d’entreprises ou une pratique concertée doit avoir « pour objet ou pour effet » d’empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence sur le marché intérieur.

53 À cet égard, il ressort de la jurisprudence de la Cour que certains types de coordination entre entreprises révèlent un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour qu’il puisse être considéré que l’examen de leurs effets n’est pas nécessaire (arrêts du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 49, et du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 113 ; voir également, en ce sens, arrêt du 14 mars 2013,
Allianz Hungária Biztosító e.a., C‑32/11, EU:C:2013:160, point 34).

54 La distinction entre « infractions par objet » et « infractions par effet » tient à la circonstance que certaines formes de collusion entre entreprises peuvent être considérées, par leur nature même, comme nuisibles au bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence (arrêts du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 50, et du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 114 ; voir également, en ce sens, arrêt du
14 mars 2013, Allianz Hungária Biztosító e.a., C‑32/11, EU:C:2013:160, point 35).

55 Ainsi, il est acquis que certains comportements collusoires, tels que ceux conduisant à la fixation horizontale des prix par des cartels, peuvent être considérés comme étant tellement susceptibles d’avoir des effets négatifs sur, en particulier, le prix, la quantité ou la qualité des produits et des services qu’il peut être considéré inutile, aux fins de l’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, de démontrer qu’ils ont des effets concrets sur le marché. En effet, l’expérience montre que
de tels comportements entraînent des réductions de la production et des hausses de prix, aboutissant à une mauvaise répartition des ressources au détriment, en particulier, des consommateurs (arrêts du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 51, et du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 115).

56 Dans l’hypothèse où l’analyse d’un type de coordination entre entreprises ne présenterait pas un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence, il conviendrait, en revanche, d’en examiner les effets et, pour l’interdire, d’exiger la réunion des éléments établissant que le jeu de la concurrence a été, en fait, soit empêché, soit restreint, soit faussé de façon sensible (arrêts du 14 mars 2013, Allianz Hungária Biztosító e.a., C‑32/11, EU:C:2013:160, point 34 ; du 11 septembre 2014,
CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 52, et du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 116).

57 Selon la jurisprudence de la Cour, il convient, afin d’apprécier si un accord entre entreprises ou une décision d’association d’entreprises présente un degré suffisant de nocivité pour être considéré comme une restriction de concurrence « par objet » au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, de s’attacher à la teneur de ses dispositions, aux objectifs qu’il vise à atteindre ainsi qu’au contexte économique et juridique dans lequel il s’insère. Dans le cadre de l’appréciation dudit contexte, il
y a lieu également de prendre en considération la nature des biens ou des services affectés ainsi que les conditions réelles du fonctionnement et de la structure du ou des marchés en question (arrêts du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 53, et du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 117 ; voir également, en ce sens, arrêt du 14 mars 2013, Allianz Hungária Biztosító e.a., C‑32/11, EU:C:2013:160, point 36).

58 En outre, bien que l’intention des parties ne constitue pas un élément nécessaire pour déterminer le caractère restrictif d’un accord entre entreprises, rien n’interdit aux autorités de la concurrence ou aux juridictions nationales et de l’Union d’en tenir compte (arrêts du 14 mars 2013, Allianz Hungária Biztosító e.a., C‑32/11, EU:C:2013:160, point 37 ; du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 54, et du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission,
C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 118).

59 En ce qui concerne plus particulièrement l’échange d’informations entre concurrents, il convient de rappeler que les critères de coordination et de coopération constitutifs d’une pratique concertée doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité relatives à la concurrence, selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu’il entend suivre sur le marché commun (arrêts du 4 juin 2009, T‑Mobile Netherlands e.a.,
C‑8/08, EU:C:2009:343, point 32, et du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 119).

60 Si cette exigence d’autonomie n’exclut pas le droit des opérateurs économiques de s’adapter intelligemment au comportement constaté ou attendu de leurs concurrents, elle s’oppose cependant rigoureusement à toute prise de contact direct ou indirect entre de tels opérateurs de nature soit à influencer le comportement sur le marché d’un concurrent actuel ou potentiel, soit à dévoiler à un tel concurrent le comportement qu’il a été décidé de tenir sur ce marché ou qu’il a été envisagé d’adopter sur
celui-ci, lorsque ces contacts ont pour objet ou pour effet d’aboutir à des conditions de concurrence qui ne correspondraient pas aux conditions normales du marché en cause, compte tenu de la nature des produits ou des prestations fournies, de l’importance et du nombre des entreprises et du volume dudit marché (arrêts du 4 juin 2009, T‑Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, EU:C:2009:343, point 33, et du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184,
point 120).

61 La Cour a ainsi jugé que l’échange d’informations entre concurrents était susceptible d’être contraire aux règles de la concurrence lorsqu’il atténuait ou supprimait le degré d’incertitude sur le fonctionnement du marché en cause avec comme conséquence une restriction de la concurrence entre entreprises (arrêts du 2 octobre 2003, Thyssen Stahl/Commission, C‑194/99 P, EU:C:2003:527, point 89 ; du 4 juin 2009, T‑Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, EU:C:2009:343, point 35, et du 19 mars 2015, Dole Food
et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 121).

62 En particulier, il y a lieu de considérer comme ayant un objet anticoncurrentiel un échange d’informations susceptible d’éliminer des incertitudes dans l’esprit des intéressés quant à la date, à l’ampleur et aux modalités de l’adaptation du comportement sur le marché que les entreprises concernées vont mettre en œuvre (arrêt du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 122 ; voir également, en ce sens, arrêt du 4 juin 2009, T‑Mobile
Netherlands e.a., C‑8/08, EU:C:2009:343, point 41).

63 Par ailleurs, une pratique concertée peut avoir un objet anticoncurrentiel bien qu’elle n’ait pas de lien direct avec les prix à la consommation. En effet, le libellé de l’article 101, paragraphe 1, TFUE ne permet pas de considérer que seules seraient interdites les pratiques concertées ayant un effet direct sur le prix acquitté par les consommateurs finaux (arrêt du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 123 ; voir également, en ce sens,
arrêt du 4 juin 2009, T‑Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, EU:C:2009:343, point 36).

64 Au contraire, il ressort dudit article 101, paragraphe 1, sous a), TFUE qu’une pratique concertée peut avoir un objet anticoncurrentiel si elle consiste à « fixer de façon directe ou indirecte les prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction » (arrêts du 4 juin 2009, T‑Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, EU:C:2009:343, point 37, et du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 124).

65 En tout état de cause, l’article 101 TFUE vise, à l’instar des autres règles de concurrence énoncées dans le traité, à protéger non pas uniquement les intérêts directs des concurrents ou des consommateurs, mais également la structure du marché et, ce faisant, la concurrence en tant que telle. Dès lors, la constatation de l’existence de l’objet anticoncurrentiel d’une pratique concertée ne saurait être subordonnée à celle d’un lien direct de celle-ci avec les prix à la consommation (arrêts du
4 juin 2009, T‑Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, EU:C:2009:343, points 38 et 39, et du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 125).

66 Enfin, il convient de rappeler qu’il résulte des termes mêmes de l’article 101, paragraphe 1, TFUE que la notion de pratique concertée implique, outre la concertation entre les entreprises concernées, un comportement sur le marché faisant suite à cette concertation et un lien de cause à effet entre ces deux éléments (arrêts du 4 juin 2009, T‑Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, EU:C:2009:343, point 51, et du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184,
point 126).

67 À cet égard, la Cour a considéré qu’il y avait lieu de présumer, sous réserve de la preuve contraire qu’il incombait aux opérateurs intéressés de rapporter, que les entreprises participant à la concertation et qui demeurent actives sur le marché tiennent compte des informations échangées avec leurs concurrents pour déterminer leur comportement sur ce marché. En particulier, la Cour a conclu qu’une telle pratique concertée relevait de l’article 101, paragraphe 1, TFUE même en l’absence d’effets
anticoncurrentiels sur ledit marché (arrêts du 4 juin 2009, T‑Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, EU:C:2009:343, point 51, et du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 127).

68 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le premier moyen, par lequel les requérantes contestent la qualification d’infraction par objet appliquée à chacune des catégories de comportements incriminés par la Commission. Elles divisent leur argumentation en deux branches selon qu’elle porte, d’une part, sur les comportements liés à la manipulation des soumissions à l’Euribor du 19 mars 2007 et, d’autre part, sur des comportements non liés à cette manipulation, à savoir des
échanges entre les traders de HSBC et des traders d’autres banques sur leurs positions de trading ou sur leurs prix médians.

69 À l’article 1er de la décision attaquée, la Commission a retenu que l’article 101 TFUE avait été enfreint du fait d’une infraction consistant « en des accords et/ou des pratiques concertées ayant pour objet de fausser le cours normal des composantes des prix dans le secteur des [EIRD] ».

70 Ces accords et/ou pratiques concertées reprochés aux banques, dont HSBC, ont été décrits aux considérants 113, 358 et 392 de la décision attaquée. Ainsi que le soulignent à juste titre les requérantes, ceux-ci peuvent être organisés en trois groupes selon qu’ils portent, premièrement, sur la manipulation des soumissions à l’Euribor [considérants 113 et 358 et considérant 392, sous a) : échanges portant sur leurs préférences pour un niveau de taux de l’Euribor ; considérants 113 et 358 et
considérant 392, sous d) : échanges portant sur la possibilité d’aligner les soumissions à l’Euribor ; considérants 113 et 358 et considérant 392, sous e) : contact par le trader impliqué du responsable des soumissions Euribor au sein de sa banque ; considérants 113 et 358 et considérant 392, sous f) : accords pour rendre compte des tentatives pour influencer les soumissions à l’Euribor], deuxièmement, sur des échanges portant sur des positions de trading en ce qui concerne les EIRD [considérants
113 et 358 et considérant 392, sous b) : échanges portant sur leurs positions de trading/expositions respectives ; considérants 113 et 358 et considérant 392, sous c) : échanges portant sur la possibilité d’aligner leurs positions de trading] et, troisièmement, sur des échanges portant sur des informations détaillées non accessibles au public sur leurs intentions et stratégie en matière de prix des EIRD [considérants 113 et 358 et considérant 392, sous g)].

71 Le Tribunal estime qu’il convient de traiter de manière liminaire deux observations de la Commission et des requérantes.

72 En premier lieu, la Commission fait valoir que les requérantes contestent à tort les divers comportements reprochés à HSBC sur une base individuelle et met en exergue leur interdépendance. En substance, elle fait valoir qu’il est artificiel de distinguer selon que sont en cause la manipulation du 19 mars 2007, des échanges portant sur les positions de trading et des échanges portant sur des informations détaillées non accessibles au public sur leurs intentions et stratégie en matière de prix des
EIRD, en l’espèce les prix médians des EIRD.

73 Une telle critique ne peut cependant être suivie. En effet, la distinction effectuée par les requérantes ne fait que reprendre celle opérée par la Commission dans la décision attaquée et rappelée au point 70 ci-dessus. De plus, il ressort, notamment, des considérants 365, 387, 393 et 442 de la décision attaquée que la Commission a estimé que ces comportements avaient pour objet de restreindre la concurrence non seulement collectivement, mais également sur une base individuelle.

74 En second lieu, les requérantes font observer que, dans certains motifs de la décision attaquée, la Commission ne justifie pas uniquement l’existence d’un objet restrictif de concurrence en ce que les pratiques en cause auraient faussé le cours normal des composantes des prix dans le secteur des EIRD, mais également par référence à une distorsion d’autres conditions de transactions des EIRD au sens de l’article 101, paragraphe 1, sous a), TFUE. Elles font valoir que, dans la mesure où une telle
qualification ne figure pas à l’article 1er de la décision attaquée, elle ne peut être prise en compte aux fins de justifier la qualification de restriction par objet retenue par la Commission.

75 La Commission soutient que la formulation du dispositif de la décision attaquée ne s’oppose pas à ce qu’elle s’appuie sur la conclusion de l’existence d’une distorsion d’autres conditions de transaction, dès lors que celle-ci est clairement exposée dans ses considérants.

76 Il y a lieu de rappeler que le dispositif d’un acte est indissociable de sa motivation, de sorte qu’il doit être interprété, si besoin est, en tenant compte des motifs qui ont conduit à son adoption (voir ordonnance du 30 avril 2007, EnBW Energie Baden-Württemberg/Commission, T‑387/04, EU:T:2007:117, point 127 et jurisprudence citée). S’il est vrai que seul le dispositif d’une décision est susceptible de produire des effets juridiques, il n’en reste pas moins que les appréciations formulées dans
les motifs d’une décision peuvent être soumises au contrôle de légalité du juge de l’Union dans la mesure où, en tant que motifs d’un acte faisant grief, elles constituent le support nécessaire du dispositif de cet acte ou si ces motifs sont susceptibles de modifier la substance de ce qui a été décidé dans le dispositif de l’acte en cause (voir arrêt du 1er juillet 2009, KG Holding e.a./Commission, T‑81/07 à T‑83/07, EU:T:2009:237, point 46 et jurisprudence citée).

77 Partant, dans la mesure où la Commission a mis en exergue au soutien de sa conclusion de l’existence de restrictions de concurrence non seulement la coordination et/ou la fixation des prix, mais également la distorsion d’autres conditions de transaction dans le secteur des EIRD, notamment dans les considérants 384, 388, 393, 415, 423 et 488 de la décision attaquée, rien ne s’oppose, en principe, à ce que ce raisonnement soit pris en compte aux fins d’apprécier la légalité de l’article 1er de la
décision attaquée, alors même que celui-ci ne fait pas explicitement référence auxdites conditions de transaction.

a)   Sur la première branche du moyen, contestant la qualification de restriction de concurrence par objet appliquée à la manipulation de l’Euribor du 19 mars 2007

78 Les requérantes font valoir, de manière liminaire, que les banques se font concurrence sur le marché des EIRD lors de la seule conclusion de ces contrats et sur la base du seul taux fixe qui en constitue le prix. Elles estiment que la thèse de la Commission selon laquelle l’objectif des parties à un EIRD serait d’optimiser leur flux de trésorerie omet les activités de tenue de marché et de couverture de risque. Elles considèrent que la présente affaire se distingue de celle ayant donné lieu à
l’arrêt du 10 novembre 2017, Icap e.a./Commission (T‑180/15, EU:T:2017:795), dans laquelle l’importance des activités de tenue du marché n’a pas été discutée, alors qu’il en résulterait que, pour les banques agissant en cette capacité, le taux fixe se détermine différemment et la concurrence n’a lieu que sur la base dudit taux fixe.

79 En ce qui concerne la manipulation du 19 mars 2007, les requérantes reconnaissent, en substance, que celle-ci avait pour objectif de faire baisser l’Euribor-3M le 19 mars 2007 et que, dans ce cadre, un trader de Barclays a sollicité un trader de HSBC pour qu’il demande à la personne chargée des soumissions de taux d’émettre une offre basse le 19 mars 2007, ce qui a été fait. Toutefois, d’une part, elles nient que cette manipulation ait eu pour objectif de fausser les composantes des prix et/ou
des conditions de transaction des EIRD et, d’autre part, elles soutiennent que l’objectif de manipulation des flux de trésorerie ne revêt pas un caractère anticoncurrentiel.

80 En premier lieu, les requérantes nient que cette manipulation ait eu pour objet la coordination et/ou la fixation de composantes des prix des EIRD, ainsi que la Commission l’a souligné au considérant 411 de la décision attaquée, dès lors qu’elle concerne le taux variable des EIRD alors que le prix de ceux-ci est constitué par le taux fixe. L’Euribor-3M ne constituerait pas non plus un facteur pertinent de la détermination du prix des EIRD ou une composante de ce prix. À cet égard, elles
soutiennent que la thèse de la Commission selon laquelle le taux variable est un élément de la détermination du taux fixe à l’occasion de la conclusion de nouveaux EIRD repose nécessairement sur la conclusion de nouveaux contrats à la suite de la manipulation. En se fondant sur une expertise économique effectuée à leur demande, elles soutiennent qu’il aurait été défavorable aux traders concernés d’adapter leurs positions de trading en fonction de la manipulation prévue. Elles en déduisent que le
considérant 411 de la décision attaquée est entaché d’une erreur de droit, d’une erreur manifeste d’appréciation ou d’une insuffisance de motivation.

81 En deuxième lieu, les requérantes soulignent que la décision attaquée semble impliquer que la manipulation du 19 mars 2007 – outre une fixation des prix – constituerait un échange d’informations sur les intentions des traders ayant pour conséquence une réduction de l’incertitude inhérente au marché des EIRD. Elles font valoir que la preuve de ce comportement à l’égard des traders d’HSBC n’a pas été rapportée par la Commission. Il ne serait pas démontré que lesdits traders ont bénéficié d’une
asymétrie informationnelle qui leur aurait permis de proposer de meilleures conditions que leurs rivaux. Elles nient être tenues de démontrer que la concertation n’a influencé d’aucune manière le comportement de HSBC et rappellent que c’est à la Commission de démontrer l’existence d’un objet anticoncurrentiel.

82 En troisième lieu, les requérantes soutiennent que la mention au considérant 388 de la décision attaquée selon laquelle la manipulation constitue une fixation des conditions de transaction au sens de l’article 101, paragraphe 1, sous a), TFUE ne peut être prise en compte, dès lors qu’elle ne figure pas dans le dispositif de la décision attaquée. Elles ajoutent que cet aspect du raisonnement de la Commission est, en toute hypothèse, entaché d’une insuffisance de motivation, dès lors qu’aucune
explication n’est fournie. Cette mention revêtirait également un caractère erroné, dès lors que ne sont pas en cause les droits et obligations des parties en vertu d’un contrat.

83 En quatrième lieu, les requérantes soutiennent que l’objectif de manipulation des flux de trésorerie ne revêt pas un caractère anticoncurrentiel, dès lors qu’il n’a pas été atteint par le biais d’un accord restrictif de concurrence entre traders. Elles rappellent que la concurrence sur le marché des EIRD se fait au moment de leur conclusion et non au niveau des flux de trésorerie qu’ils versent ou reçoivent au titre des EIRD. En substance, elles nient que les flux de trésorerie puissent avoir un
effet indirect sur le prix des EIRD.

84 La Commission conclut au rejet de la présente branche du moyen.

85 Est en cause dans la présente branche du moyen la qualification d’objet restrictif de concurrence appliquée à la manipulation de l’Euribor du 19 mars 2007. La participation matérielle de HSBC à cette manipulation est envisagée, notamment, aux considérants 271, 275, 289, 322, 328 et 329 de la décision attaquée.

86 Il en ressort, en substance, que ce comportement a consisté dans la présentation de soumissions basses le 19 mars 2007 au titre de l’Euribor-3M en vue de diminuer ce taux à cette date, aux fins d’obtenir un gain sur une catégorie de produits dérivés arrivant à échéance à cette date par la différence de taux (le « spread ») avec des produits dérivés indexés sur l’EONIA.

87 Plus particulièrement, cette manipulation reposait principalement sur une manipulation d’un type d’EIRD, les contrats à terme (« futures ») de taux d’intérêt indexés sur l’Euribor-3M. Essentiellement, par ce type de contrat, une partie, qualifiée d’acheteur, reçoit le taux fixe fixé lors du contrat, tandis que l’autre partie, qualifiée de vendeur, reçoit le taux variable. La manipulation consistait à prendre de manière progressive une exposition très importante « acheteuse », donc pour laquelle
la banque reçoit le taux fixe et paie le taux variable, et par une action concertée à faire baisser le niveau du taux variable à la date d’échéance.

88 La référence aux produits dérivés indexés sur l’EONIA tient dans le fait que les participants à l’entente couvraient leurs expositions « acheteuses » sur les « futures » indexés sur l’Euribor 3-M par des expositions contraires : à savoir, en l’espèce, un contrat de « swap » disposant de la même échéance et indexé sur l’EONIA. Ainsi que cela est mentionné au point 14 ci-dessus, l’EONIA est un taux quotidien calculé par la BCE.

89 Ainsi, en faisant baisser artificiellement le taux de l’Euribor par rapport à celui de l’EONIA le 19 mars 2007, les banques participant à l’entente pouvaient escompter un gain financier.

90 Il ressort des considérants 257 et 258 de la décision attaquée que l’idée de cette manipulation remonte au moins au 1er février 2007, lors de discussions entre des traders de Deutsche Bank, de Barclays et de la Société générale. Il ressort du considérant 271 de ladite décision que, le 12 février 2007, un trader de Barclays a informé un trader de HSBC de ce plan et du considérant 275 de cette même décision qu’une discussion a également eu lieu le lendemain au sujet de cette manipulation. Au
considérant 289 de la décision attaquée, il est fait état d’une conversation en date du 28 février 2007 entre ces deux mêmes traders portant sur la réduction du « spread » entre l’Euribor-3M et l’EONIA. Enfin, au considérant 322 de la décision attaquée, il est fait état d’une discussion en date du 19 mars 2007 par laquelle le trader de Barclays prie le trader de HSBC de demander aux responsables des soumissions de cette même banque de soumettre une cotation Euribor-3M très basse, ce que celui-ci
aurait fait avec succès.

91 Les requérantes ne contestent pas la matérialité des faits relevés par la Commission. Elles considèrent plutôt que ceux-ci ne sont pas à même de justifier la qualification d’infraction par objet retenue par la Commission.

92 Il ressort du considérant 384 de la décision attaquée que la Commission a estimé que la manipulation du 19 mars 2007 avait pour objet d’influencer les flux de trésorerie dus au titre des EIRD dans un sens favorable aux parties à ladite manipulation. Au considérant 411 de la décision attaquée, en réponse à un argument des requérantes réfutant la qualification d’infraction par objet des comportements imputés à HSBC, elle a souligné, en substance, que l’Euribor déterminait directement les flux de
trésorerie dus au titre de la « jambe variable » des EIRD et était également pertinent pour la détermination des flux de trésoreries dus au titre de la « jambe fixe » des EIRD, dès lors qu’il était indirectement pris en compte au moment de la détermination du taux fixe au travers de la courbe de rendement, laquelle se fondait sur les taux variables escomptés.

93 Au considérant 394 de la décision attaquée, la Commission a relevé que l’ensemble des comportements décrits au considérant 392 de sa décision, en ce compris la manipulation du 19 mars 2007, restreignaient la concurrence par la création d’une asymétrie d’information entre les acteurs du marché, dès lors que les participants à l’infraction, d’une part, étaient mieux placés pour savoir à l’avance avec une certaine précision le niveau auquel l’Euribor serait fixé ou devait l’être par leurs
concurrents agissant en collusion et, d’autre part, savaient si l’Euribor à une date spécifique était fixé ou non à un niveau artificiel.

94 Un tel raisonnement ne contient aucune erreur de droit ou d’appréciation.

95 À cet égard, il convient de relever que l’incidence de la manipulation de l’Euribor sur les flux de trésorerie générés par les produits dérivés en cause relève de l’évidence. Les participants ont, le 19 mars 2007, fait artificiellement baisser les taux de l’Euribor de manière à ce que les sommes qu’ils devaient payer au titre de la « jambe variable » des « futures » indexés sur l’Euribor soient plus faibles.

96 Partant, lorsque les traders de HSBC ont négocié la « jambe fixe » de ces « futures », c’est-à-dire le taux fixe gouvernant les paiements qu’ils allaient recevoir, ils étaient en position de le faire en sachant que le taux variable, gouvernant les paiements qu’ils allaient devoir faire, serait bas. Il leur était, ainsi, loisible de proposer un taux plus compétitif que celui de leurs concurrents, dès lors qu’ils savaient que les flux de trésorerie liés à ces contrats demeureraient positifs.

97 Ce comportement a nécessairement restreint la concurrence à leur profit et au détriment des autres opérateurs sur le marché. Il en a été ainsi non seulement de leurs contreparties qui ont vu les paiements reçus au titre de la « jambe variable » des EIRD être artificiellement réduits, mais également des banques qui souhaitaient prendre une position « acheteuse » sur le type d’EIRD en question, mais qui n’ont pas conclu la transaction en raison du taux plus compétitif proposé par les participants à
la manipulation. Une telle manipulation s’est également faite au détriment des opérateurs du marché qui, n’étant pas au courant de ladite manipulation, ont pris des positions de trading contraires à celles de HSBC et de Barclays. À cet égard, il peut être relevé que les termes utilisés par les traders de ces deux banques dans une conversation téléphonique s’étant tenue immédiatement après la manipulation du 19 mars 2007, mentionnée au considérant 329 de la décision attaquée, sont sans équivoque
quant à la perception par ces deux traders des effets négatifs de leur manipulation sur leurs concurrents.

98 Les différents arguments avancés par les requérantes ne sont pas de nature à remettre en cause le bien-fondé de cette conclusion.

99 La première série d’arguments avancée par les requérantes consiste à soutenir que la manipulation de l’Euribor ne peut constituer une restriction de concurrence, dès lors que, en substance, il n’y aurait de relation de concurrence entre les banques qu’à l’occasion de la conclusion des EIRD et sur la seule base du taux prévu au titre de leur « jambe fixe » lequel constituerait seul le « prix » des EIRD.

100 Une telle critique repose sur le postulat que la conclusion des EIRD se ferait sur la seule base d’une concurrence sur la base du taux fixe. Toutefois, ainsi que la Commission l’a justement relevé dans la décision attaquée, les flux de trésorerie générés par un EIRD résultent de la compensation des paiements dus au titre de la « jambe fixe » et de la « jambe variable » de l’EIRD. Ainsi, un trader non seulement sera à même d’améliorer les flux de trésorerie au titre des EIRD en cours, par une
manipulation du taux de référence en fonction de sa position globalement débitrice ou créditrice, mais aussi sera en mesure de négocier le taux fixe des contrats qu’il conclut en disposant d’informations privilégiées en ce qui concerne le taux variable applicable aux dates pertinentes pour la détermination des flux de trésorerie. Sa position concurrentielle ne peut qu’être améliorée par rapport à celle de ses concurrents ne disposant pas d’une telle information.

101 Les requérantes font valoir qu’il n’aurait pas été dans l’intérêt des banques participant à la manipulation du 19 mars 2007 d’adapter leurs positions de trading en fonction de cette manipulation, en se référant aux points 347 à 351 de l’expertise économique (voir point 80 ci-dessus). Toutefois, cette argumentation ainsi que les passages pertinents de ladite expertise ne contiennent que des considérations générales soutenant qu’il ne serait pas dans l’intérêt des banques de proposer de meilleurs
termes que ceux de leurs concurrents au motif que cela réduirait la rentabilité des EIRD. Elle ne permet pas d’infirmer le fait que, bénéficiant d’informations privilégiées sur le taux variable qui s’appliquera aux dates pertinentes, un trader est à même de déterminer le taux fixe qu’il lui convient de proposer aux fins, d’une part, de s’assurer de la rentabilité de l’EIRD, c’est-à-dire qu’il générera des flux de trésorerie positifs pour sa banque et négatifs pour sa contrepartie et, d’autre
part, que ledit taux fixe apparaisse plus intéressant pour la contrepartie que celui offert par ses concurrents.

102 À cet égard, il convient de relever qu’il n’existe pas de contrariété entre, d’une part, la possibilité pour les banques concernées de proposer de meilleures conditions que leurs concurrents et, d’autre part, la qualification d’infraction par objet. En effet, dans les circonstances de l’espèce, cette possibilité constitue plutôt la manifestation de l’altération du processus concurrentiel sur le marché des EIRD au profit des seules banques ayant participé à la collusion.

103 Cette conclusion est d’autant plus fondée au vu des caractéristiques de la manipulation du 19 mars 2007. Il en ressort qu’il était dans l’intérêt des banques de modifier leur position de trading en vue de cette manipulation par l’acquisition d’expositions « acheteuses » aussi importantes que possible sur les « futures » indexés sur l’Euribor-3M dans la perspective de la baisse orchestrée de ce taux. À cet égard, il est révélateur que, lors de la conversation téléphonique entre le trader de HSBC
et celui de Barclays, qui s’est tenue le 19 mars 2007 directement après la manipulation et mentionnée au considérant 329 de la décision attaquée, le trader de HSBC semble regretter de ne pas avoir autant profité de la manipulation que celui de Barclays, lequel avait construit une position « acheteuse » plus importante.

104 Partant, et au vu de l’importance de l’Euribor dans la détermination des flux de trésorerie dus au titre de ces contrats, il y a lieu de rejeter cette première série d’arguments visant à démontrer que la Commission aurait commis une erreur en concluant que le comportement visant à manipuler le taux de l’Euribor-3M à la date du 19 mars 2007 avait un objet restrictif de concurrence. Il en découle également que le Tribunal a été à même d’exercer son contrôle de légalité et que cet aspect du
raisonnement de la Commission n’est, partant, pas entaché d’une insuffisance de motivation, contrairement à ce que soutiennent les requérantes.

105 Dans le cadre d’une deuxième série d’arguments, les requérantes reprochent à la Commission de s’être seulement focalisée sur la négociation pour compte propre des EIRD, en omettant que HSBC négociait des EIRD à des fins de couverture de risque et de tenue de marché.

106 La notion de « teneur de marché » a été définie au considérant 40 de la décision attaquée comme suit : « [l]es teneurs de marché sont des particuliers ou des sociétés qui se déclarent capables et désireux de vendre ou d’acheter des produits financiers, tels que des titres ou des produits financiers dérivés, à des prix déterminés par eux-mêmes de manière générale et continue (au moyen de prix fermes acheteurs et vendeurs), plutôt que pour chaque transaction spécifique ». Cette définition n’est
pas contestée par les requérantes.

107 Dans la mesure où ils interviennent de manière générale et continue sur le marché des EIRD, les « teneurs de marché » concluent un nombre plus important de transactions que les autres acteurs du marché, toujours dans l’objectif de réaliser un profit. L’argumentation des requérantes est que cette recherche du profit, dans le cadre d’un teneur de marché, se ferait principalement par la différence entre les prix d’achat et de vente des nombreux contrats qu’il conclut, c’est-à-dire la différence
entre l’ensemble de ses positions « acheteuse » et « vendeuse », plutôt que par la différence entre le taux fixe et le taux variable de chacun des contrats.

108 Toutefois, si un teneur de marché peut dégager un profit en exploitant l’écart entre le prix auquel il achète et vend des EIRD, cela n’est pas exclusif de la recherche d’un profit fondé sur la différence entre le taux fixe et le taux variable d’un même EIRD. En effet, il apparaît peu vraisemblable qu’un trader négociant un nombre particulièrement important de contrats ne prenne pas en compte la perspective de ce que sera le taux variable, lorsqu’il propose un prix fondé sur le taux fixe.

109 Plus encore, la qualité de « teneur de marché » du trader de HSBC renforce le caractère peu plausible de l’argument des requérantes tiré de ce qu’il n’aurait pas été dans l’intérêt de HSBC d’adapter ses positions de trading en fonction de la manipulation du 19 mars 2007, auquel il a été répondu aux points 101 à 103 ci-dessus. En effet, accepter un niveau plus faible de rentabilité par transaction est tout à fait logique dans la perspective de la conclusion d’un plus grand nombre de transactions.

110 Enfin, s’agissant de la mise en exergue par les requérantes du fait que les EIRD seraient également conclus à des fins de couverture de risques, il suffit de souligner qu’une telle utilisation des EIRD n’ôte rien à la circonstance que les EIRD peuvent également être utilisés par les teneurs de marché à des fins spéculatives, ainsi que l’a rappelé la Commission au considérant 38 de la décision attaquée.

111 Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter la deuxième série d’arguments avancés par les requérantes et de conclure que c’est à juste titre que la Commission a retenu que la manipulation du 19 mars 2007 à laquelle HSBC a participé relevait de la qualification d’infraction par objet au titre de l’article 101, paragraphe 1, TFUE.

112 Dans le cadre d’une troisième série d’arguments, les requérantes critiquent la qualification de fixation des conditions de transaction au sens de l’article 101, paragraphe 1, sous a), TFUE également appliquée par la Commission à la manipulation du 19 mars 2007.

113 Toutefois, dès lors que la qualification d’infraction par objet appliquée à la manipulation du 19 mars 2007 est justifiée à suffisance de droit pour les raisons exposées aux points 94 à 111 ci-dessus, il y a lieu de rejeter ces arguments comme étant inopérants. En effet, à leur égard, il est loisible de faire application de la jurisprudence constante selon laquelle, lorsque certains motifs d’une décision sont, à eux seuls, de nature à justifier à suffisance de droit celle-ci, les vices dont
pourraient être entachés d’autres motifs de l’acte sont, en tout état de cause, sans influence sur son dispositif (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 12 juillet 2001, Commission et France/TF1, C‑302/99 P et C‑308/99 P, EU:C:2001:408, point 27, et du 12 décembre 2006, SELEX Sistemi Integrati/Commission, T‑155/04, EU:T:2006:387, point 47).

114 Au vu de ce qui précède, la première branche du moyen encourt le rejet.

b)   Sur la seconde branche du moyen, portant sur la qualification d’infraction par objet appliquée aux autres comportements reprochés à HSBC

115 Dans le cadre de la présente branche du moyen, les requérantes contestent la qualification d’infraction par objet appliquée par la Commission à des comportements qui ne concernent pas la manipulation de l’Euribor du 19 mars 2007 et sont visés dans la décision attaquée sous la terminologie d’échanges portant, d’une part, sur des « positions de trading » et, d’autre part, sur des « informations détaillées non accessibles au public sur leurs intentions et stratégie en matière de prix des EIRD ».
S’agissant de cette seconde catégorie, ont été relevés à l’encontre de HSBC des échanges qui auraient porté sur les « prix médians » des EIRD.

116 Elles font observer que les échanges en cause dans la présente branche du moyen se limitent à six discussions en ligne entre le 12 février et le 27 mars 2007, ne portant pas sur la manipulation de l’Euribor.

117 Elles soutiennent que les discussions décrites dans la décision attaquée comme des échanges sur des positions de trading étaient insuffisantes pour permettre aux traders en cause de coordonner leurs positions de trading. Les requérantes contestent l’appréciation par la Commission des discussions des 12 et 16 février et des 9 et 14 mars 2007.

118 En ce qui concerne les discussions décrites dans la décision attaquée comme des échanges sur des stratégies en matière de prix, les requérantes réfutent que le prix médian constitue un « prix », une « liste de prix » ou une « composante du prix », de nature à permettre cette qualification et soutiennent que le prix médian n’est pas une information de nature confidentielle et que de telles discussions ont une dimension proconcurrentielle. Elles contestent l’appréciation par la Commission des
discussions des 14 et 16 février 2007.

119 La Commission rétorque que les éléments contestés dans la requête ne sont pas les seules illustrations d’échanges d’informations sensibles auxquels aurait participé HSBC.

120 Elle souligne, s’agissant des discussions décrites dans la décision attaquée comme des échanges sur des positions de trading, que, si certaines d’entre elles sont directement liées à la manipulation du 19 mars 2007, elles visent, en tant que telles, à influencer les flux de trésorerie au titre des EIRD en faussant le cours normal de la concurrence.

121 La Commission considère, s’agissant des discussions décrites dans la décision attaquée comme des échanges sur des stratégies en matière de prix, que les prix médians permettent d’anticiper les prix acheteur et vendeur et, partant, que ces échanges réduisent l’incertitude quant au niveau probable de ces prix, et que la tenue de telles discussions ne correspond pas aux conditions normales de fonctionnement du marché en cause et n’est pas favorable aux consommateurs.

122 Elle maintient l’appréciation qu’elle a portée dans la décision attaquée sur les discussions des 12, 14 et 16 février et des 9 et 14 mars 2007.

123 De manière liminaire, il convient de relever que, s’il ressort de l’examen de la première branche du présent moyen que la participation de HSBC à une infraction par objet est établie à suffisance de droit, l’examen de cette seconde branche conserve néanmoins sa pertinence. En effet, l’existence d’autres comportements anticoncurrentiels dans le chef de HSBC est pertinente s’agissant de l’appréciation de la gravité de la violation de l’article 101, paragraphe 1, TFUE commise par HSBC, ainsi que,
par voie de conséquence, du caractère proportionné de l’amende qui lui a été infligée. En effet, parmi les éléments de nature à entrer dans l’appréciation de la gravité d’une infraction figurent le nombre et l’intensité des comportements anticoncurrentiels (voir, en ce sens, arrêts du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, EU:C:2011:815, point 57 et jurisprudence citée, et du 26 septembre 2018, Infineon Technologies/Commission, C‑99/17 P, EU:C:2018:773, point 197).

124 Le Tribunal constate que l’argumentation des requérantes peut être divisée en deux griefs selon qu’elle porte sur le bien-fondé de la qualification de restriction par objet appliquée par la Commission aux discussions qu’elle a décrites, d’une part, comme des échanges sur les prix médians et, d’autre part, comme des échanges sur des positions de trading.

1) Sur le grief contestant le bien-fondé de la qualification de restriction par objet appliquée aux échanges sur les prix médians

125 Sont en cause deux discussions auxquelles HSBC a participé et qui auraient porté sur les prix médians (également qualifiés de « mids » dans la décision attaquée) des EIRD, en date, respectivement, du 14 février 2007 (considérants 283 à 285 de la décision attaquée), et du 16 février 2007 (considérants 286 à 288 de ladite décision). Ces discussions relèvent de la catégorie des comportements anticoncurrentiels envisagés au considérant 113, sous g), au considérant 358, sous g), et au considérant
392, sous g), de la décision attaquée (échanges portant sur des informations détaillées non accessibles au public sur leurs intentions et stratégie de fixation des prix des EIRD).

126 De la même manière qu’à l’égard de la manipulation du 19 mars 2007, la qualification de restriction par objet de tels échanges a été justifiée par la Commission au considérant 394 de la décision attaquée par référence à la création d’une asymétrie d’information entre les acteurs du marché, dès lors que les participants à l’infraction, d’une part, étaient mieux placés pour savoir à l’avance avec une certaine précision le niveau auquel l’Euribor serait fixé ou devait l’être par leurs concurrents
agissant en collusion et, d’autre part, savaient si l’Euribor à une date spécifique était fixé ou non à un niveau artificiel.

127 Des éléments de motivation portant plus précisément sur les prix médians figurent dans d’autres passages de la décision attaquée.

128 Ainsi, au considérant 32 de la décision attaquée, il est souligné que les termes « run » ou « mids », « expliqués simplement […] peuvent être décrits comme des listes de prix d’un trader, d’un desk de négociation ou d’une banque concernant certains produits financiers standard ». Au considérant 34 de ladite décision, il est mentionné que le terme « mid »« fait référence au prix médian ou moyen entre les prix acheteurs et vendeurs (par exemple perçus, modélisés, cotés ou négociés) pour un produit
spécifique [ ; i]ls constituent souvent une approximation fiable du prix auquel un teneur de marché négocierait avec un client, en particulier lorsque le marché est liquide et que l’écart acheteur/vendeur […] est restreint ».

129 Toujours au considérant 34 de la décision attaquée, la Commission s’est référée à la circonstance qu’une banque lui a expliqué « que les traders de produits dérivés utilis[aient] les points médians sur leurs courbes de rendement pour déterminer les prix acheteurs ou vendeurs qu’ils vont soumettre au marché [ ; s’il] connaît le prix médian d’un concurrent, bien qu’il ne s’agisse pas réellement du prix de transaction, un trader de produits dérivés est davantage en mesure de déterminer les prix
acheteurs et vendeurs effectifs de ses concurrents [… ; l]es prix médians sont utilisés pour établir les prix, gérer les positions de trading et évaluer un portefeuille ».

130 Au considérant 419 de la décision attaquée, la Commission, en réponse aux arguments des requérantes, a relevé que le prix médian constituait l’estimation par chaque trader du prix réel de l’EIRD et qu’il y avait autant d’estimation du prix médian que d’acteurs du marché « étant donné que le mid représent[ait] une perception individuelle du prix, et rév[élait] par conséquent une intention de prix ». À cet égard, elle a rappelé que les requérantes elles-mêmes avaient souligné que le « prix
vendeur » était généralement légèrement fixé au-dessus du prix médian et le prix acheteur légèrement au-dessous de celui-ci et que les fluctuations du mid « tend[aient] à déboucher sur une fluctuation parallèle à la fois de l’achat et de l’offre » et qu’il s’agissait, dès lors, d’une valeur indicative proche des prix.

131 La Commission a également analysé la question du caractère secret ou non des informations échangées et du degré de transparence du marché.

132 Ainsi, au considérant 395 de la décision attaquée, la Commission a mis en exergue que ces échanges allaient bien au-delà d’un échange d’informations relevant du domaine public et avaient pour objectif d’accroître la transparence entre les parties et, partant, de réduire sensiblement les incertitudes normales inhérentes au marché, au profit des parties et au détriment des autres opérateurs.

133 De même, aux considérants 399 à 402 de la décision attaquée, la Commission a rejeté l’argumentation tirée de ce que les informations échangées ne revêtaient pas un caractère sensible du fait que le public y avait largement accès. Elle a estimé que les informations exactes de cotation n’étaient pas largement accessibles sur le marché des EIRD, en faisant valoir qu’il ressortait du dossier que des informations non fiables étaient parfois sciemment communiquées aux plateformes publiques des acteurs
du marché et que les traders avaient besoin des informations sur les prix fixés par d’autres traders pour ajuster leurs propres courbes de prix.

134 Au considérant 403 de la décision attaquée, la Commission n’a pas retenu l’argumentation tirée de la finalité légitime de ces échanges, au motif, en substance, que ceux-ci ne s’inscrivaient pas dans la perspective de la conclusion de transactions entre les traders concernés. Elle a également mis en exergue que de tels échanges entre teneurs du marché donnaient lieu à une plus grande transparence entre eux seulement et non au profit de l’ensemble des acteurs du marché.

135 En outre, au considérant 431 de la décision attaquée, la Commission a réfuté que certaines caractéristiques du marché des EIRD, et notamment sa nature rapide et transitoire, impliquaient que la collusion ne pourrait avoir lieu que par le biais de communications fréquentes sur des détails spécifiques des négociations individuelles, telles qu’une information précise sur des transactions individuelles futures. Elle a réitéré que « les informations échangées sur les détails de transaction (prix
et volumes) de la plupart des EIRD négociés de gré à gré n’étaient pas publiques et [que] les éléments d’information exacts ont été utiles aux traders ».

136 La conversation du 14 février 2007 est envisagée aux considérants 283 à 285 de la décision attaquée. Le trader de HSBC y souligne au trader de Barclays que le trader de Deutsche Bank publie certains de ses prix sur son écran Bloomberg, ce à quoi le trader de Barclays répond que ces prix ne sont qu’indicatifs. Ensuite, la décision attaquée rappelle que « [le trader de Barclays] s’enquiert ensuite du prix exact [du trader de HSBC] pour août [… ; le trader de HSBC] répond “4,012” et précise qu’on
lui a proposé 4,005-4,015 sur le marché un peu avant qu’il ne quitte la conversation en ligne ». La Commission déduit de cette conversation que « [le trader de Barclays] demande [au trader de HSBC] des informations précises sur la fixation des prix en dehors du contexte d’une transaction possible, question à laquelle [le trader de HSBC] répond […] ».

137 S’agissant de la discussion du 16 février 2007, aux considérants 286 à 288 de la décision attaquée, la Commission a retenu que « [le trader de HSBC] et [le trader de Barclays] s’inform[aient] mutuellement de leurs prix moyens respectifs pour un swap [indexé sur l’] EONIA (“T’as quoi 10/11 sp eonia ?”) et un [accord de taux futur] (“et sur le 1011 Jsp fra ?”). [Le trader de HSBC] n’est pas sûr de son prix pour le swap EONIA (“je dois être à la rue […] 4,06 ?”“g 4,0625 en mid”), mais [le trader de
Barclays] le rassure (“non, ça va”) et révèle par la suite les prix des opérations, ajoutant qu’il a réalisé un bénéfice sur [l’accord de taux futur] grâce à des transactions effectuées avec deux autres acteurs du marché qui proposaient des prix différents pour le même contrat ».

138 La Commission n’a pas commis d’erreur en relevant que les échanges sur les prix médians contenus dans ces deux discussions disposaient d’un objet restrictif de concurrence.

139 En premier lieu, il convient de relever que des informations portant sur les prix médians sont, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, pertinentes pour la fixation des prix dans le secteur des EIRD.

140 Premièrement, il est constant entre les parties que la détermination du taux fixe des EIRD par un trader se fait par référence à ce qu’il considère comme être le prix médian, à savoir légèrement en dessous de celui-ci pour son « prix acheteur » et légèrement au-dessus de celui-ci pour son « prix vendeur », ainsi que l’a rappelé la Commission au considérant 419 de la décision attaquée.

141 Deuxièmement, il doit également être considéré que la connaissance du prix médian d’un concurrent permet d’apprécier sa perception de ce que sera le taux variable de l’EIRD à la date de fixing, par application de la courbe de rendement mentionnée au considérant 34 de la décision attaquée, tout au moins s’agissant des EIRD disposant d’une maturité courte. En effet, interrogées lors de l’audience sur la question de savoir si la courbe de rendement d’un EIRD est connue de l’ensemble des opérateurs
du marché ou dépend de la perception individuelle de chaque opérateur, les requérantes elles-mêmes ont souligné que ladite courbe de rendement revêtait un caractère objectif et ne procédait pas d’une appréciation individuelle à l’égard de ce type de produits.

142 En deuxième lieu, il convient de relever que les informations sur les prix médians ne revêtent pas pour les produits dérivés « OTC » (over the counter) c’est-à-dire négociés de gré à gré, le caractère public dont elles disposent à l’égard des produits dérivés négociés sur un marché réglementé. En effet, s’il est constant entre les parties que ces informations sont disponibles ou peuvent être déduites pour toutes parties opérant sur un marché réglementé, tel n’est pas cas pour les produits
dérivés « OTC ».

143 Certes, des informations sur les prix médians relatives à de tels produits peuvent faire l’objet d’une publicité, directement par certains traders ou indirectement par l’intermédiaire de sociétés de courtage. Il n’en demeure pas moins que de telles informations ne sont généralement pas disponibles, ni ne disposent forcément d’un caractère fiable, ainsi qu’en atteste la discussion du 14 février 2007, mentionnée au point 136 ci-dessus, entre le trader de HSBC et celui de Barclays à propos des prix
médians publiés par le trader de Deutsche Bank sur son site Bloomberg.

144 En troisième lieu, il convient de rappeler qu’une distinction peut être effectuée entre, d’une part, les concurrents qui glanent des informations de façon indépendante ou discutent des prix futurs avec des clients et des tiers et, d’autre part, les concurrents qui discutent des facteurs de tarification et de l’évolution des prix avec d’autres concurrents avant d’établir leurs prix de référence. En effet, si le premier comportement ne suscite aucune difficulté au regard de l’exercice d’une
concurrence libre et non faussée, il n’en va pas de même du second, qui contredit l’exigence selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu’il entend suivre sur le marché intérieur, cette exigence d’autonomie s’opposant rigoureusement à toute prise de contact directe ou indirecte entre de tels opérateurs ayant pour objet ou pour effet soit d’influencer le comportement sur le marché d’un concurrent actuel ou potentiel, soit de dévoiler à un tel
concurrent le comportement qu’ils ont décidé ou qu’ils envisagent de tenir eux-mêmes sur le marché (voir arrêt du 14 mars 2013, Dole Food et Dole Germany/Commission, T‑588/08, EU:T:2013:130, points 291 et 292 et jurisprudence citée).

145 En outre, un échange entre concurrents, sur une donnée pertinente pour la détermination des prix et ne disposant pas d’un caractère public, revêt un caractère d’autant plus sensible sous l’angle de la concurrence lorsqu’elle se déroule entre des traders agissant en tant que « teneurs de marché », au regard de l’importance que jouent ceux-ci sur le marché des EIRD. Ainsi qu’il a été souligné aux points 106 et 107 ci-dessus, les « teneurs de marché » interviennent de manière générale et continue
et donc concluent un nombre plus important de transactions que les autres acteurs du marché. Sous l’angle du respect de la concurrence sur le marché, il est d’autant plus fondamental que la détermination de leurs prix se fasse de manière autonome.

146 En quatrième lieu, il y a lieu de relever que les discussions entre les traders de HSBC et de Barclays des 14 et 16 février 2007 ont porté sur des informations précises et exploitables par l’autre partie.

147 Ainsi, il découle de la lecture de la discussion du 14 février 2007 dans son ensemble que non seulement le trader de HSBC divulgue le niveau de son prix médian (4.012), ainsi que le prix des transactions qui lui ont été proposées (4.004/4.0015), mais également les deux traders échangent leur impression sur le niveau et l’évolution des prix.

148 S’agissant de la discussion du 16 février 2007, il ressort des explications fournies par les requérantes elles-mêmes dans leurs observations sur la communication des griefs, que les traders de HSBC et de Barclays ont discuté de leur évaluation du prix médian pour un swap ayant pour base de référence l’EONIA commençant dans dix mois et pour laquelle la date de fixing était un mois plus tard (10/11 swap EONIA) et l’ont comparée avec le prix médian pour un accord de taux futur fondé sur l’Euribor
portant sur les mêmes dates. Il ressort de cette discussion, d’une part, une réévaluation par le trader de HSBC de son prix médian pour le swap fondé sur l’EONIA, à la suite de l’avis donné par le trader de Barclays et, d’autre part, que les parties échangent sur ce que devrait être la différence de prix entre ces deux produits dérivés.

149 En cinquième lieu, il convient de relever que l’argumentation des requérantes tirée du caractère prétendument « procompétitif » des échanges d’informations entre teneurs du marché portant sur les prix médians ne saurait prospérer. En substance, les requérantes font valoir que les échanges sur les prix médians seraient inhérents aux activités des traders, et plus particulièrement des teneurs de marchés, opérant sur le marché des EIRD aux fins de réduire les risques et permettraient de resserrer
les écarts entre cours acheteurs et cours vendeurs à l’avantage des clients.

150 Il est vrai que, en application de la jurisprudence citée au point 57 ci-dessus, l’examen de la qualification d’infraction par objet doit prendre en compte le contexte économique et juridique du marché dans lequel les échanges d’informations se sont déroulés.

151 Il est, certes, également exact que le marché des EIRD présente une caractéristique particulière. Il y est fréquent que les banques concluent des EIRD entre elles, notamment à des fins de couverture de risques. En d’autres termes, la nature même du marché implique que des banques, et notamment celles agissant en tant que teneurs du marché, qui sont des concurrentes s’agissant de l’offre d’EIRD à des clients potentiels, sont également amenées à négocier entre elles et, partant, à se communiquer à
cette occasion des informations confidentielles.

152 Il convient cependant de souligner que cet aspect du contexte économique et juridique du marché des EIRD a été pris en compte par la Commission, dans la mesure où elle a exclu de son analyse les informations échangées dans le cadre de négociations contractuelles.

153 Force est de constater que l’argumentation des requérantes dépasse le cadre de la seule critique de l’absence de prise en compte du contexte économique et juridique du marché des EIRD, mais reproche à la Commission de ne pas avoir pris en compte d’éventuels effets proconcurrentiels des discussions entre traders.

154 À cet égard, il convient de relever que, à l’exception des restrictions accessoires à une opération principale (voir arrêt du 11 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission, C‑382/12 P, EU:C:2014:2201, point 89 et jurisprudence citée), ce n’est que dans le seul cadre de l’appréciation de l’article 101, paragraphe 3, TFUE que d’éventuels effets proconcurrentiels peuvent être pris en compte. En effet, il découle d’une jurisprudence constante que l’existence d’une « règle de raison », c’est-à-dire
d’un examen mettant en balance les effets pro et anticoncurrentiels d’un accord à l’occasion de sa qualification au titre de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, ne saurait être admise en droit de la concurrence de l’Union (arrêt du 29 juin 2012, E.ON Ruhrgas et E.ON/Commission, T‑360/09, EU:T:2012:332, point 65 ; voir également, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2003, Van den Bergh Foods/Commission, T‑65/98, EU:T:2003:281, point 106).

155 Il appartenait, dès lors, aux requérantes soit de démontrer que les discussions sur les prix médians étaient directement liées et nécessaires au fonctionnement du marché des EIRD, soit qu’elles répondaient aux conditions de l’article 101, paragraphe 3, TFUE.

156 D’une part, il convient de relever que les requérantes ne reprochent pas à la Commission d’avoir fait une application erronée de l’article 101, paragraphe 3, TFUE dans le cadre du présent recours.

157 D’autre part, pour autant que l’argumentation des requérantes puisse être comprise comme soutenant que les échanges d’informations sur les prix médians entre teneurs du marché seraient indissociables du fonctionnement du marché des EIRD, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, si une opération ou une activité déterminée ne relève pas du principe d’interdiction prévu à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, en raison de sa neutralité ou de son effet positif sur le plan de la
concurrence, une restriction de l’autonomie commerciale d’un ou de plusieurs des participants à cette opération ou à cette activité ne relève pas non plus dudit principe d’interdiction si cette restriction est objectivement nécessaire à la mise en œuvre de ladite opération ou de ladite activité et proportionnée aux objectifs de l’une ou de l’autre (voir arrêt du 11 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission, C‑382/12 P, EU:C:2014:2201, point 89 et jurisprudence citée). En effet, lorsqu’il n’est
pas possible de dissocier une telle restriction, qualifiée de restriction accessoire, de l’opération ou de l’activité principale sans en compromettre l’existence et les objets, il y a lieu d’examiner la compatibilité avec l’article 101 TFUE de cette restriction conjointement avec la compatibilité de l’opération ou de l’activité principale dont elle constitue l’accessoire, et ce bien que, prise isolément, pareille restriction puisse paraître, à première vue, relever du principe d’interdiction de
l’article 101, paragraphe 1, TFUE (arrêt du 11 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission, C‑382/12 P, EU:C:2014:2201, point 90).

158 Pour qu’une restriction puisse être qualifiée d’accessoire, il convient de rechercher, d’une part, si la restriction est objectivement nécessaire à la réalisation de l’opération ou de l’activité principale et, d’autre part, si elle est proportionnée par rapport à celle-ci (arrêts du 18 septembre 2001, M6 e.a./Commission, T‑112/99, EU:T:2001:215, point 106, et du 29 juin 2012, E.ON Ruhrgas et E.ON/Commission, T‑360/09, EU:T:2012:332, point 64).

159 S’agissant de la première condition, selon la jurisprudence, il convient de rechercher si la réalisation de cette opération ou de cette activité serait impossible en l’absence de la restriction en question. Ainsi, le fait que ladite opération ou ladite activité soit simplement rendue plus difficilement réalisable, voire moins profitable, en l’absence de la restriction en cause ne saurait être considéré comme conférant à cette restriction le caractère « objectivement nécessaire » requis afin de
pouvoir être qualifiée d’accessoire. En effet, une telle interprétation reviendrait à étendre cette notion à des restrictions qui ne sont pas strictement indispensables à la réalisation de l’opération ou de l’activité principale. Un tel résultat porterait atteinte à l’effet utile de la prohibition prévue à l’article 101, paragraphe 1, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission, C‑382/12 P, EU:C:2014:2201, point 91).

160 Cette première condition, appliquée aux circonstances de l’espèce, revient à vérifier si le fonctionnement du marché des EIRD serait rendu impossible sans échanges d’informations sur les prix médians entre teneurs du marché. À cet égard, il suffit de souligner que, certes, les requérantes se réfèrent, dans leurs écritures, aux effets proconcurrentiels que peuvent présenter de tels échanges entre traders, en ce qu’ils leur ont permis de réduire l’incertitude sur le niveau auquel ils pouvaient
être en mesure de couvrir leurs positions, et, partant, de proposer des prix plus favorables. Toutefois, les requérantes ne démontrent pas que le marché des produits dérivés négociés de gré à gré ne pourrait fonctionner sans de tels échanges d’information entre traders agissant en tant que teneurs de marché. Ladite première condition n’est, dès lors, pas remplie en l’espèce.

161 Pour l’ensemble de ces raisons, le premier grief des requérantes doit être rejeté.

2) Sur le grief contestant le bien-fondé de la qualification de restriction par objet appliquée aux échanges sur des positions de trading

162 Est contestée, dans le cadre du présent grief, la qualification apportée par la Commission aux comportements décrits aux considérants 271 à 276 (discussion du 12 février 2007), 286 à 288 (discussion du 16 février 2007), 295 (discussion du 9 mars 2007), 296 à 298 (discussion du 14 mars 2007) de la décision attaquée. Dans sa défense, la Commission soutient que des discussions sur les positions de trading ont eu lieu également les 13 et 28 février et le19 mars 2007.

163 S’agissant des discussions en date des 13 et 28 février et du 19 mars 2007, auxquelles la Commission se réfère, il suffit de souligner qu’elles ont toutes eu lieu dans la perspective de la manipulation de l’Euribor du 19 mars 2007 ou qu’elles présentaient un lien avec cette dernière, et que, partant, il a déjà été conclu qu’elles participaient d’un comportement ayant un objet anticoncurrentiel. Les requérantes ne contestent, au demeurant, pas la qualification de restriction par objet qui leur a
été appliquée, dans le cadre de la présente branche du moyen.

164 Une conclusion analogue doit être effectuée en ce qui concerne les discussions en date des 12 et 16 février 2007, dès lors qu’il a déjà été relevé que la Commission avait à bon droit retenu la qualification de restriction de concurrence par objet à leur égard. D’une part, il ressort de la première branche du présent moyen que la Commission a retenu à juste titre que la discussion du 12 février 2007 s’inscrivait dans le cadre de la manipulation de l’Euribor du 19 mars 2007 et participait d’une
infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE à ce titre. D’autre part, pour les raisons exposées dans le cadre de l’examen du premier grief de la présente branche du moyen, la Commission a également à juste titre retenu que la discussion du 16 février 2007 participait d’une infraction à ce même article 101, paragraphe 1, TFUE, pour autant qu’elle consistait en un échange sur les prix médians. Il n’est, dès lors, pas nécessaire de vérifier si la même occurrence de comportement relève également
de la qualification d’infraction par objet pour un autre motif.

165 Restent, dès lors, seules en cause les discussions des 9 et 14 mars 2007.

166 Ces discussions relèvent de la catégorie des comportements anticoncurrentiels envisagés au considérant 113, sous b), au considérant 358, sous b), et au considérant 392, sous b), de la décision attaquée (échanges entre les traders portant sur leurs positions de trading/expositions respectives en ce qui concerne les EIRD) et aux considérants 113 et 358 et au considérant 392, sous c), de la décision attaquée (échanges entre les traders portant sur la possibilité d’aligner leurs positions de
trading).

167 Il ressort des considérants 394 et 395 de décision attaquée que la même considération que celle utilisée à l’égard de la manipulation du 19 mars 2007 et des échanges sur les prix médians sert à justifier la qualification d’infraction par objet appliquée aux échanges d’informations sur les positions de trading, à savoir qu’ils mettraient les participants dans une situation d’asymétrie d’information favorable, en accroissant la transparence entre les parties et en réduisant sensiblement les
incertitudes normales inhérentes au marché.

168 Il convient de relever qu’aucune définition de la notion de « position de trading » ne figure dans la décision attaquée. Il ressort néanmoins de ses différentes occurrences d’utilisation dans ladite décision que, par cette expression, sont visés la composition du portefeuille d’investissement d’un trader (le « book »), le niveau et le sens de ses expositions sur le marché des EIRD.

169 Des éléments de motivation portant plus précisément sur les positions de trading figurent dans d’autres passages de la décision attaquée.

170 Ainsi, au considérant 390 de la décision attaquée, la Commission a rappelé que, selon RBS, chaque teneur du marché tenait un journal de transactions qui consistait en un inventaire des contrats et en a déduit que « en se révélant mutuellement leur position de trading, les teneurs de marché [étaient] en mesure de déduire leur demande et offre respective relativement à ces contrats, et [pouvaient] utiliser ces informations à leur profit [ ; cela] [pouvait] les amener à adapter leurs propres
modèles de transaction et leur permet[tait] d’être mieux informés que les teneurs de marché concurrents et d’autres acteurs du marché ».

171 Au considérant 417 de la décision attaquée, la Commission a fait valoir que « les échanges concernant les positions de trading […] servaient à vérifier que les intérêts commerciaux des parties étaient convergents, avant qu’elles puissent prendre d’autres mesures concertées pour influencer la valeur des EIRD au détriment des concurrents qui ne participaient pas à l’entente ». Elle a ajouté que, « dans un marché d’EIRD non transparent […], le partage de telles informations permettait aux parties à
l’entente d’être mieux informées que les autres acteurs du marché ». Dans le même considérant, la Commission a également souligné que, « en se révélant leurs positions de trading et donc, en étant capables d’adapter leurs propres modèles de transaction, les parties à l’entente pouvaient influencer la valeur de leurs portefeuilles, influençant par ricochet les conditions des transactions au sens de l’article 101, paragraphe 1, [sous a), TFUE], et de fait affectant la structure de la concurrence
sur le marché des EIRD ».

172 La conversation du 9 mars 2007, qui s’est tenue entre un trader de HSBC et un trader de Deutsche Bank, est envisagée au considérant 295 de la décision attaquée. La Commission y a estimé qu’elle a porté sur les positions de trading spécifiques d’acteurs importants et a eu lieu en dehors du contexte d’une transaction potentielle.

173 La discussion du 14 mars 2007 est envisagée aux considérants 296 à 298 de la décision attaquée. Il en ressort que ladite conversation a porté sur des spéculations passées sur la différence de taux entre l’EONIA et l’Euribor-1M dans le cadre desquelles le trader de HSBC a été perdant, alors que celui de Barclays aurait obtenu un gain financier important. En outre, le trader de Barclays lui explique comment, selon lui, le marché a fonctionné et souligne que cela devrait être la même chose pour les
échéances de juin.

174 Aux fins d’apprécier le bien-fondé de la qualification de restriction par objet appliquée à ces discussions, il convient de rappeler que la Commission a retenu que ces discussions avaient contribué à fausser le cours normal des composantes des prix dans le secteur des EIRD. En outre, notamment au considérant 417 de la décision attaquée, la Commission a également retenu que les conversations sur les positions de trading avaient influencé d’autres conditions des transactions au sens de
l’article 101, paragraphe 1, sous a), TFUE.

175 S’agissant de cette seconde qualification, si celle-ci peut, en principe et pour les raisons explicitées aux points 74 à 77 ci-dessus, être prise en compte alors même qu’elle ne figure pas au dispositif de la décision attaquée, c’est, néanmoins, à la condition qu’elle soit motivée à suffisance de droit.

176 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. S’agissant, en particulier, de la motivation des décisions individuelles,
l’obligation de motiver de telles décisions a ainsi pour but, outre de permettre un contrôle judiciaire, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est éventuellement entachée d’un vice permettant d’en contester la validité (voir arrêt du 11 juillet 2013, Ziegler/Commission, C‑439/11 P, EU:C:2013:513, point 115 et jurisprudence citée).

177 Or, ainsi que l’observent à juste titre les requérantes dans leurs écritures, la décision attaquée ne permet pas d’identifier quelles seraient les « autres conditions de transaction » qui auraient été coordonnées à la suite des échanges sur des positions de trading impliquant HSBC. Il en découle qu’une telle justification ne répond pas aux critères rappelés par la jurisprudence mentionnée au point 176 ci-dessus et ne peut, dès lors, être prise en compte à l’occasion du contrôle du bien-fondé de
la qualification de restriction par objet appliquée aux échanges sur les positions de trading.

178 Il convient, dès lors, de vérifier dans le cadre du présent grief si la Commission a pu, à bon droit, retenir que de tels échanges ont faussé le cours normal des composantes des prix dans le secteur des EIRD.

179 À cet égard, il convient de relever, en premier lieu, que des échanges entre concurrents portant sur la composition de leur portefeuille d’investissement ou le niveau de leurs expositions ne disposent pas de la même pertinence pour la fixation des prix sur le marché des EIRD que des informations portant sur les prix médians. En effet, si, pour les raisons exposées aux points 139 à 141 ci-dessus, de telles informations portant sur les prix médians facilitent l’identification du taux fixe proposé
par un concurrent pour un produit dérivé et sa perception de ce que sera le taux variable à la date du fixing, il n’en va pas de même s’agissant d’un échange sur les positions de trading, lesquelles ne portent pas directement sur les taux des EIRD.

180 Interrogée sur ce point lors de l’audience, la Commission a elle-même reconnu que les échanges sur les positions de trading ne disposaient pas, intrinsèquement, de la même portée restrictive de concurrence que des échanges portant sur les prix médians.

181 Cette conclusion est également confortée par la lecture de la décision attaquée. Il en ressort que la majorité des échanges sur les positions de trading ont plutôt eu un caractère complémentaire à d’autres pratiques restrictives de concurrence disposant d’un objet restrictif de concurrence avéré. Ainsi, au considérant 417 de la décision attaquée, la Commission souligne que « les échanges concernant les positions de trading […] servaient à vérifier que les intérêts commerciaux des parties étaient
convergents, avant qu’elles puissent prendre d’autres mesures concertées pour influencer la valeur des EIRD au détriment des concurrents qui ne participaient pas à l’entente ».

182 Ainsi, la grande majorité des discussions sur les positions de trading auxquelles les traders de HSBC ont participé présentaient un lien avec la manipulation de l’Euribor du 19 mars 2007. C’est le cas des discussions avec le trader de Barclays des 12, 13 et 28 février et du 19 mars 2007.

183 Il en va différemment des discussions des 9 et 14 mars 2007, lesquelles n’ont pas eu lieu dans la perspective de la manipulation de l’Euribor du 19 mars 2007.

184 En deuxième lieu, il ressort de la jurisprudence citée aux points 54, 55, 59 et 62 ci-dessus que, si un échange d’informations entre concurrents est susceptible d’être contraire aux règles de la concurrence lorsqu’il atténue ou supprime le degré d’incertitude sur le fonctionnement du marché en cause avec comme conséquence une restriction de la concurrence entre entreprises, la qualification d’infraction par objet doit être réservée à ceux de ces échanges qui révèlent un degré suffisant de
nocivité à l’égard de la concurrence, de sorte qu’il n’est pas nécessaire d’examiner leurs effets. Il en est ainsi, en particulier, d’un échange d’informations susceptible d’éliminer des incertitudes dans l’esprit des intéressés quant à la date, à l’ampleur et aux modalités de l’adaptation du comportement sur le marché que les entreprises concernées vont mettre en œuvre.

185 En troisième lieu, et par voie de conséquence, il convient de vérifier si les informations échangées à l’occasion des discussions des 9 et 14 mars 2007 ont atténué ou supprimé le degré d’incertitude sur le marché d’une manière telle que la Commission pouvait en déduire une incidence sur le cours normal des composantes des prix dans le secteur des EIRD, sans avoir à examiner leurs effets.

186 En ce qui concerne, premièrement, la discussion du 9 mars 2007, il y a lieu de souligner que, au considérant 295 de la décision attaquée, la Commission reproche au trader de HSBC d’avoir informé celui de Deutsche Bank de ses positions de trading en déclarant, notamment, « j’ai fait la patte 5 ans […] je suis flattener à des niveau[x] imbattables ! et je reste short du court euro », ce à quoi le trader de HSBC a répondu « bravo bien joué ». Elle reproche également au trader de HSBC, au cours de
cette même conversation, d’avoir écrit à propos de son portefeuille « flattener euro maintenant 2-5 ans short de juin et sept 7 euribor », ce que la Commission a interprété comme anticipant « une diminution du spread entre le prix des EIRD ayant une échéance entre deux et cinq ans et [que le trader de HSBC] a une position de trading courte sur les contrats à terme de juin et septembre 2007 ». La Commission a également noté que le trader de Deutsche Bank lui a répondu « moi j’ai pas de h8 et de
2y ! », ce que la Commission a interprété comme impliquant qu’il n’avait pas « de contrats à terme de mars 2008, ni sur les EIRD à deux ans ».

187 Il convient, certes, d’observer que les traders ont discuté de la composition de leur portefeuille, échangeant ainsi des informations revêtant un caractère confidentiel, en dehors du contexte d’une transaction potentielle.

188 Toutefois, contrairement à ce que fait valoir la Commission, elle ne démontre pas à suffisance de droit que cette discussion a procuré aux traders un avantage en matière d’information qui pouvait leur permettre d’ajuster en conséquence leurs stratégies de trading.

189 En effet, d’une part, l’impression qui se dégage de cette conversation est que le trader de HSBC se vante auprès de celui de Deutsche Bank d’une bonne opération qu’il a effectuée et que ce dernier le félicite. Les informations fournies, peu précises et peu détaillées, ne permettent pas de voir dans cette conversation l’explicitation d’une « stratégie » dont la connaissance par le seul trader de Deutsche Bank l’aurait mis dans une situation si favorable par rapport à ses concurrents que la
Commission pouvait en déduire que ladite conversation disposait d’un objet restrictif de concurrence.

190 D’autre part, ainsi que le soulignent les requérantes, sans être contredites par la Commission, les bribes d’informations fournies par les traders sur leur portefeuille ne concernent pas les maturités de taux d’intérêt concernées, ni l’ampleur des positions concernées.

191 Or, en l’absence d’informations plus précises de cet ordre, il ne saurait être conclu que cette discussion a atténué ou supprimé le degré d’incertitude sur le marché d’une manière telle que la Commission pouvait en déduire une incidence sur le cours normal des composantes des prix dans le secteur des EIRD, sans avoir à examiner ses effets.

192 En ce qui concerne, deuxièmement, la discussion du 14 mars 2007, envisagée aux considérants 296 à 298 de la décision attaquée, il doit, certes, être relevé que, contrairement à la conversation précédente, l’information échangée entre les traders est précise et claire. Le trader de Barclays informe le trader de HSBC sur la manière d’obtenir à l’avenir un gain financier en jouant sur la différence de taux entre l’Euribor-1M et l’EONIA.

193 Toutefois, force est de constater que, en procédant de la sorte, le trader de Barclays ne fournit aucune information confidentielle au trader de HSBC. Il lui fait seulement part de son observation selon laquelle, en substance, le taux de l’EONIA peut avoir une incidence sur celui de l’Euribor-1M. Or, même si le trader de HSBC ne semblait pas être au courant de cette caractéristique de l’interaction entre ces deux taux, il s’agit d’une simple observation que tous les observateurs du marché
étaient susceptibles d’effectuer. Il ne saurait, dès lors, être considéré que son explication à un concurrent atténue ou supprime le degré d’incertitude sur le marché d’une manière telle que la Commission pouvait en déduire une incidence sur le cours normal des composantes des prix dans le secteur des EIRD.

194 Au vu de ce qui précède, il convient de conclure que les discussions des 9 et 14 mars 2007, individuellement ou conjointement, ne peuvent être considérées comme disposant d’un objet restrictif de concurrence au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE.

195 C’est donc à bon droit que, dans la seconde branche du premier moyen, les requérantes soutiennent que la Commission ne pouvait retenir que les discussions des 9 et 14 mars 2007 disposaient d’un objet restrictif de concurrence.

2.   Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens, portant sur la qualification d’infraction unique et continue appliquée par la Commission

196 Les deuxième, troisième et quatrième moyens visent à contester la conclusion de la Commission portant sur la participation de HSBC à une infraction unique et continue.

197 Selon une jurisprudence constante, une violation de l’article 101, paragraphe 1, TFUE peut résulter non seulement d’un acte isolé, mais également d’une série d’actes ou bien encore d’un comportement continu, quand bien même un ou plusieurs éléments de cette série d’actes ou de ce comportement continu pourraient également constituer, en eux-mêmes et pris isolément, une violation de ladite disposition. Ainsi, lorsque les différentes actions s’inscrivent dans un « plan d’ensemble », en raison de
leur objet identique faussant le jeu de la concurrence sur le marché intérieur, la Commission est en droit d’imputer la responsabilité de ces actions en fonction de la participation à l’infraction considérée dans son ensemble (voir, en ce sens, arrêt du 24 juin 2015, Fresh Del Monte Produce/Commission et Commission/Fresh Del Monte Produce, C‑293/13 P et C‑294/13 P, EU:C:2015:416, point 156 et jurisprudence citée).

198 Une entreprise ayant participé à une telle infraction unique et complexe par des comportements qui lui étaient propres, qui relevaient des notions d’accord ou de pratique concertée ayant un objet anticoncurrentiel au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE et qui visaient à contribuer à la réalisation de l’infraction dans son ensemble, peut ainsi être également responsable des comportements mis en œuvre par d’autres entreprises dans le cadre de la même infraction pour toute la période de sa
participation à ladite infraction. Tel est le cas lorsqu’il est établi que ladite entreprise entendait contribuer par son propre comportement aux objectifs communs poursuivis par l’ensemble des participants et qu’elle avait eu connaissance des comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par d’autres entreprises dans la poursuite des mêmes objectifs, ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu’elle était prête à en accepter le risque (voir, en ce sens, arrêt du 24 juin 2015,
Fresh Del Monte Produce/Commission et Commission/Fresh Del Monte Produce, C‑293/13 P et C‑294/13 P, EU:C:2015:416, point 157 et jurisprudence citée).

199 Ainsi, une entreprise peut avoir directement participé à l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant l’infraction unique et continue, auquel cas la Commission est en droit de lui imputer la responsabilité de l’ensemble de ces comportements et, partant, de cette infraction dans son ensemble. Une entreprise peut également n’avoir directement participé qu’à une partie des comportements anticoncurrentiels composant l’infraction unique et continue, mais avoir eu connaissance de
l’ensemble des autres comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par les autres participants à l’entente dans la poursuite des mêmes objectifs, ou avoir pu raisonnablement les prévoir et avoir été prête à en accepter le risque. Dans un tel cas, la Commission est également en droit d’imputer à cette entreprise la responsabilité de l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant une telle infraction et, par la suite, de celle‑ci dans son ensemble (voir arrêt du 24 juin 2015,
Fresh Del Monte Produce/Commission et Commission/Fresh Del Monte Produce, C‑293/13 P et C‑294/13 P, EU:C:2015:416, point 158 et jurisprudence citée).

200 En revanche, si une entreprise a directement pris part à un ou à plusieurs des comportements anticoncurrentiels composant une infraction unique et continue, mais qu’il n’est pas établi que, par son propre comportement, elle entendait contribuer à l’ensemble des objectifs communs poursuivis par les autres participants à l’entente et qu’elle avait connaissance de l’ensemble des autres comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par ces participants dans la poursuite des mêmes objectifs
ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et était prête à en accepter le risque, la Commission n’est en droit de lui imputer la responsabilité que des seuls comportements auxquels elle a directement participé et des comportements envisagés ou mis en œuvre par les autres participants dans la poursuite des mêmes objectifs que ceux qu’elle poursuivait et dont il est prouvé qu’elle avait connaissance ou pouvait raisonnablement les prévoir et était prête à en accepter le risque (voir arrêt du
24 juin 2015, Fresh Del Monte Produce/Commission et Commission/Fresh Del Monte Produce, C‑293/13 P et C‑294/13 P, EU:C:2015:416, point 159 et jurisprudence citée).

201 Par ailleurs, aux fins de qualifier différents agissements d’infraction unique et continue, il n’y a pas lieu de vérifier s’ils présentent un lien de complémentarité, en ce sens que chacun d’entre eux est destiné à faire face à une ou à plusieurs conséquences du jeu normal de la concurrence, et contribuent, par une interaction, à la réalisation de l’ensemble des effets anticoncurrentiels voulus par leurs auteurs, dans le cadre d’un plan global visant un objectif unique. En revanche, la condition
tenant à la notion d’objectif unique implique qu’il doit être vérifié s’il n’existe pas d’éléments caractérisant les différents comportements faisant partie de l’infraction qui soient susceptibles d’indiquer que les comportements matériellement mis en œuvre par d’autres entreprises participantes ne partagent pas le même objet ou le même effet anticoncurrentiel et ne s’inscrivent par conséquent pas dans un « plan d’ensemble » en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence au
sein du marché intérieur (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2013, Siemens e.a./Commission, C‑239/11 P, C‑489/11 P et C‑498/11 P, non publié, EU:C:2013:866, points 247 et 248).

202 En outre, dans la mesure où la qualification d’infraction unique et continue aboutit à imputer à une entreprise la participation à une infraction au droit de la concurrence, il convient de rappeler que, dans le domaine du droit de la concurrence, en cas de litige sur l’existence d’une infraction, il appartient à la Commission de rapporter la preuve des infractions qu’elle constate et d’établir les éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l’existence des faits constitutifs
d’une infraction (voir arrêt du 22 novembre 2012, E.ON Energie/Commission, C‑89/11 P, EU:C:2012:738, point 71 et jurisprudence citée).

203 Pour établir l’existence d’une infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, il est nécessaire que la Commission fasse état de preuves sérieuses, précises et concordantes. Toutefois, chacune des preuves apportées par cette dernière ne doit pas nécessairement répondre à ces critères par rapport à chaque élément de l’infraction. Il suffit que le faisceau d’indices invoqué par cette institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence (voir arrêt du 1er juillet 2010, Knauf Gips/Commission,
C‑407/08 P, EU:C:2010:389, point 47 et jurisprudence citée).

204 De plus, s’il subsiste un doute dans l’esprit du juge, il doit profiter à l’entreprise destinataire de la décision constatant une infraction. En effet, la présomption d’innocence constitue un principe général du droit de l’Union, qui est aujourd’hui énoncé à l’article 48, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (voir arrêt du 22 novembre 2012, E.ON Energie/Commission, C‑89/11 P, EU:C:2012:738, point 72 et jurisprudence citée).

205 Il résulte également de la jurisprudence de la Cour que le principe de la présomption d’innocence s’applique aux procédures relatives à des violations des règles de concurrence applicables aux entreprises susceptibles d’aboutir à la prononciation d’amendes ou d’astreintes (voir arrêt du 22 novembre 2012, E.ON Energie/Commission, C‑89/11 P, EU:C:2012:738, point 73 et jurisprudence citée).

206 En l’espèce, ainsi qu’il a déjà été souligné au point 70 ci-dessus, la Commission a appliqué cette qualification d’infraction unique et continue à trois groupes de comportements selon qu’ils portent, premièrement, sur la manipulation des soumissions à l’Euribor [considérants 113 et 358 et considérant 392, sous a) : échanges portant sur les préférences pour un niveau de taux de l’Euribor ; considérants 113 et 358 et considérant 392, sous d) : échanges portant sur la possibilité d’aligner les
soumissions à l’Euribor ; considérants 113 et 358 et considérant 392, sous e) : contact par le trader impliqué du responsable des soumissions Euribor au sein de sa banque ; considérants 113 et 358 et considérant 392, sous f) : accords pour rendre compte des tentatives pour influencer les soumissions à l’Euribor], deuxièmement, sur des échanges portant sur des positions de trading en ce qui concerne les EIRD [considérants 113 et 358 et considérant 392, sous b) : échanges portant sur les positions
de trading/expositions respectives ; considérants 113 et 358 et considérant 392, sous c) : échanges portant sur la possibilité d’aligner les positions de trading] et, troisièmement, sur des échanges portant sur des informations détaillées non accessibles au public sur les intentions et stratégie en matière de prix des EIRD [considérants 113 et 358 et considérant 392, sous g)].

207 Les motifs avancés dans la décision attaquée pour justifier cette qualification d’infraction unique et continue figurent aux considérants 442 à 492 de la décision attaquée et sont résumés au point 19 ci-dessus. La Commission a retenu l’existence d’un objectif économique unique (considérants 444 à 450) et a considéré que les différents comportements en cause relevaient d’un schéma de comportement commun (considérants 451 à 456) et que les traders des banques en cause connaissaient ou auraient dû
avoir connaissance de la portée générale et des caractéristiques essentielles de l’entente dans son ensemble (considérants 457 à 483).

208 Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée aux points 197 et 198 ci-dessus, trois éléments sont déterminants aux fins de conclure à la participation d’une entreprise à une infraction unique et continue. Le premier concerne l’existence même de l’infraction unique et continue. Les différents comportements en cause doivent relever d’un « plan d’ensemble » disposant d’un objectif unique. Les deuxième et troisième éléments concernent l’imputabilité de l’infraction unique et continue à une
entreprise. D’une part, cette entreprise doit avoir eu l’intention de contribuer par son propre comportement aux objectifs communs poursuivis par l’ensemble des participants. D’autre part, elle doit avoir eu connaissance des comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par d’autres entreprises dans la poursuite des mêmes objectifs, ou devait pouvoir raisonnablement les prévoir et être prête à en accepter le risque. L’existence de ces trois éléments est contestée, respectivement, dans
les deuxième, troisième et quatrième moyens des requérantes.

a)   Sur le deuxième moyen, contestant l’existence d’un « plan d’ensemble » disposant d’un objectif unique

209 Dans le cadre de leur deuxième moyen, les requérantes contestent l’existence d’un « plan d’ensemble » disposant d’un objectif unique et en déduisent que la qualification d’infraction unique et continue retenue par la Commission est erronée.

210 Les motifs pertinents de la décision attaquée figurent aux considérants 444 à 456 de la décision attaquée, sous le titre « Objectif économique unique » et « Schéma de comportement commun » et ont été résumés au point 19 ci-dessus.

211 L’argumentation des requérantes figurant dans le deuxième moyen peut être divisée en deux branches, selon qu’elle porte, en substance, sur l’objectif unique de l’infraction ou sur l’existence d’un « plan d’ensemble ».

1) Sur la première branche du moyen, portant sur l’objectif unique de l’infraction

212 Selon les requérantes, des discussions entre des traders sur des questions qui sont étrangères à la manipulation des taux de référence ne peuvent relever du même objectif unique que des discussions relatives à la manipulation desdits taux.

213 La Commission estime que l’ensemble des comportements en cause peut être rattaché à l’objectif unique qu’elle a identifié.

214 Au considérant 445 de la décision attaquée, l’objectif unique retenu par la Commission a été présenté comme la « [réduction des] flux de trésorerie [que les parties à l’entente] auraient à payer (ou [l’augmentation de] ceux qu’elles recevraient) et par conséquent [l’augmentation de] la valeur des EIRD qu’elles détenaient dans leur portefeuille, au détriment des contreparties à ces EIRD ».

215 Ainsi que cela a été explicité au point 100 ci-dessus, les flux de trésorerie liés à un EIRD découlent de la différence entre le taux fixe du contrat, c’est-à-dire celui qui est négocié entre les parties, et le taux variable, lequel est fonction du taux de référence.

216 De manière liminaire, il convient de rappeler que la notion d’objectif unique ne saurait être déterminée par la référence générale à la distorsion de la concurrence dans un secteur donné, dès lors que l’affectation de la concurrence constitue, en tant qu’objet ou effet, un élément consubstantiel à tout comportement relevant du champ d’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE. Une telle définition de la notion d’objectif unique risquerait de priver la notion d’infraction unique et
continue d’une partie de son sens dans la mesure où elle aurait comme conséquence que plusieurs comportements concernant un secteur économique, interdits par l’article 101, paragraphe 1, TFUE, devraient systématiquement être qualifiés d’éléments constitutifs d’une infraction unique [arrêts du 12 décembre 2007, BASF et UCB/Commission, T‑101/05 et T‑111/05, EU:T:2007:380, point 180 ; du 28 avril 2010, Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission, T‑446/05, EU:T:2010:165, point 92 ; du 30 novembre
2011, Quinn Barlo e.a./Commission, T‑208/06, EU:T:2011:701, point 149).

217 Il en découle nécessairement que seules des restrictions de concurrence à l’égard desquelles il a été démontré qu’elles avaient pour objet de fausser le cours normal soit du taux fixe, soit du taux variable des EIRD peuvent relever de l’objectif unique retenu par la Commission. En effet, il serait contraire à la jurisprudence rappelée au point 216 ci-dessus d’inclure dans ledit objectif des comportements restrictifs de concurrence ne disposant pas d’un lien suffisamment étroit avec la fixation
de ces taux.

218 Il convient, partant, de vérifier si les trois groupes de comportements mis en exergue par la Commission et rappelés aux points 70 et 206 ci-dessus peuvent être rattachés à cet objectif unique. À cet égard, il y a lieu de distinguer entre, d’une part, les comportements portant sur la manipulation des soumissions à l’Euribor et, d’autre part, les échanges portant sur des positions de trading en ce qui concerne les EIRD ainsi que ceux portant sur des informations détaillées non accessibles au
public sur les intentions et stratégie en matière de prix des EIRD.

219 En ce qui concerne, en premier lieu, les manipulations des soumissions à l’Euribor, dès lors que le taux variable d’un EIRD est directement fondé sur le taux de référence, celles-ci relèvent nécessairement de l’objectif unique identifié par la Commission.

220 S’agissant de HSBC, peuvent dès lors sans difficulté être incluses dans cet objectif les discussions des 12, 13 et 28 février et 19 mars 2007 envisagées aux points 85, 163 et 164 ci-dessus qui s’inscrivent dans la perspective de la manipulation du 19 mars 2007.

221 Dans leur réplique, les requérantes font valoir, en substance, que la Commission n’a pas démontré que des manipulations concernant différentes maturités de taux de référence étaient suffisamment liées entre elles pour participer d’une même infraction unique.

222 À cet égard, il convient de relever que la Commission a retenu à l’encontre de HSBC la participation à une discussion en date du 27 mars 2007, décrite au considérant 339 de la décision attaquée, au cours de laquelle le trader de Barclays a envisagé la possibilité d’une future manipulation des taux de référence. En raison de cette discussion, dont l’objet restrictif de concurrence n’est pas contesté par les requérantes, la fin de la période infractionnelle retenue à l’égard des requérantes a été
fixée au 27 mars 2007.

223 Alors même que cette critique des requérantes est présentée de manière sommaire et au seul stade de la réplique, elle peut néanmoins être examinée par le Tribunal. D’une part, celui-ci est en mesure de comprendre le sens de cette critique et, d’autre part, elle constitue une simple ampliation de l’argumentation figurant déjà dans la requête et non la présentation d’un nouveau moyen en cours d’instance qui serait interdite par l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure. En effet, cette
critique dispose d’un lien suffisamment étroit avec la requête pour qu’elle puisse être considérée comme résultant de l’évolution normale du débat au sein d’une procédure contentieuse (voir, en ce sens, arrêt du 20 novembre 2017, Petrov e.a./Parlement, T‑452/15, EU:T:2017:822, point 46 et jurisprudence citée).

224 S’agissant du bien-fondé de cette critique, il convient de souligner que, si la jurisprudence mentionnée au point 216 ci-dessus empêche la Commission de retenir une définition de l’objectif unique si large qu’elle s’apparenterait à une référence générale à une distorsion de la concurrence dans un secteur donné, il serait contraire à la logique de la notion d’infraction unique d’imposer à la Commission, dans la définition de cet objectif unique, une obligation de précision telle qu’elle
empêcherait, de fait, d’inclure dans la même infraction des comportements différents.

225 Partant, il convient de conclure que différentes manipulations des taux de référence peuvent relever d’un même objectif unique.

226 En ce qui concerne, en second lieu, les échanges portant sur des positions de trading et sur des informations détaillées non accessibles au public sur les intentions et stratégie en matière de prix des EIRD, il convient de relever, de manière liminaire, que sont seuls concernés ici lesdits échanges qui n’ont pas eu lieu dans la perspective d’une manipulation des taux de référence ou conjointement à celle-ci.

227 En effet, les discussions entre traders qui se sont tenues dans la perspective d’une manipulation des taux de référence ou conjointement à une telle manipulation relèvent de l’objectif unique de l’infraction pour les motifs exposés aux points 219 à 225 ci-dessus. C’est le cas en ce qui concerne HSBC, pour les raisons exposées aux points 181 et 182 ci-dessus, des discussions sur les positions de trading auxquelles ses traders ont participé les 12, 13 et 28 février et 19 mars 2007.

228 Contrairement à ce que semblent soutenir les requérantes, il ne saurait d’emblée être exclu que des échanges portant sur des positions de trading et sur des informations détaillées non accessibles au public sur leurs intentions et stratégie en matière de prix des EIRD, alors même qu’ils n’ont pas eu lieu dans la perspective d’une manipulation des taux de référence ou conjointement à celle-ci, puissent relever de l’objectif unique retenu par la Commission. Cependant, pour les motifs explicités
aux points 216 et 217 ci-dessus, une telle inclusion n’est possible qu’à la condition que la Commission ait démontré que lesdits échanges aient pour objet de fausser le cours normal soit du taux fixe, soit du taux variable des EIRD. S’agissant de HSBC, il découle des points 139 à 161 ci-dessus que tel a été le cas des discussions en date des 14 et 16 février 2007 auxquelles ses traders ont participé.

229 Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter la première branche du moyen.

2) Sur la seconde branche du moyen, contestant l’existence d’un « plan d’ensemble »

230 En substance, les requérantes contestent l’affirmation de la Commission, tirée de ce que les différents comportements collusoires s’inscrivaient dans un plan d’ensemble ayant pour but d’améliorer les positions de trading actuelles et futures de leur banque, au motif qu’il n’existe aucune preuve d’un plan global. À cet égard, elles soutiennent, en substance, que la justification tirée de ce que ces comportements étaient le fait « d’un groupe stable d’individus » ne peut s’appliquer à HSBC. En
outre, la référence au « secret » dans la décision attaquée serait insusceptible d’établir l’existence d’un objectif économique unique à l’égard de comportements, de par leur nature même, très différents. Elles font également valoir que les affirmations de la Commission, selon lesquelles les discussions avaient « la même ou quasiment la même teneur » ou portaient « toujours sur les mêmes types d’opérations » sont erronées en fait au moins en ce qui concerne HSBC.

231 La Commission soutient, en substance, avoir démontré à suffisance de droit l’existence d’un « plan d’ensemble » dans la décision attaquée.

232 Dans la décision attaquée, la Commission a, en substance, fondé l’existence d’un « plan d’ensemble », au considérant 446 de la décision attaquée, sur la circonstance que les parties ont clairement adhéré à une stratégie commune qui limitait leur comportement commercial individuel en fixant les lignes de leur action ou abstention mutuelle sur le marché en remplaçant ainsi la concurrence entre elles par de la coopération au détriment des autres participants sur le marché. Elle a également
souligné, au considérant 451, que l’entente était « dirigée et maintenue » par un groupe stable de personnes et, au considérant 452, que les parties avaient suivi un schéma très similaire dans leurs activités anticoncurrentielles. À cet égard, elle a mis en exergue, aux considérants 452 à 456, que les contacts entre les banques avaient souvent lieu en parallèle ou étaient très rapprochés dans le temps, que le langage utilisé attestait que ces communications étaient communément utilisées par les
personnes participant à l’entente, que les parties prenaient des précautions pour cacher leurs contacts et que les diverses communications avaient un contenu identique ou partiellement identique.

233 Au sein des différents motifs mis en exergue par la Commission dans la décision attaquée, le Tribunal relève que l’élément central de nature à démontrer l’existence d’un « plan d’ensemble » tient dans la mise en exergue, au considérant 451 de la décision attaquée, de ce que l’entente était « dirigée et maintenue » par un groupe stable de personnes.

234 En effet, les autres motifs figurant dans la décision attaquée et résumés au point 232 ci-dessus, telles la similarité des activités anticoncurrentielles des traders sur le marché, leur fréquence ou la volonté desdits traders de garder leur comportement secret, s’ils peuvent conforter l’impression qu’existe un « plan d’ensemble », ne sont pas, à défaut d’éléments plus probants, de nature à démontrer, à eux-seuls, l’existence d’un tel plan.

235 Ce n’est, partant, que dans la seule mesure où ces différents comportements peuvent être vus comme dirigés ou contrôlés par le même groupe de personnes que l’existence d’un tel « plan d’ensemble », justifiant la qualification d’infraction unique, peut être retenue.

236 Il convient, à cet égard, de relever que les requérantes ne contestent pas la matérialité du motif pris de ce que l’entente était dirigée et maintenue par un groupe stable de traders, mais font plutôt valoir qu’aucun des traders de HSBC n’en faisait partie. Force est de constater que cette argumentation ne porte pas tant sur le bien-fondé de la qualification d’infraction unique retenue par la Commission, mais plutôt sur son imputabilité à HSBC, laquelle relève de l’examen du quatrième moyen.

237 Sous cette réserve, il y a lieu de rejeter la seconde branche du moyen et, partant, le deuxième moyen.

b)   Sur le quatrième moyen, contestant la connaissance par HSBC du comportement infractionnel des autres participants

238 Les requérantes reprochent à la Commission d’avoir conclu que HSBC avait, ou aurait dû avoir, connaissance des comportements prétendument infractionnels des autres banques. Elles font valoir que ni les motifs de la décision attaquée portant sur l’ensemble des banques, ni ceux propres à HSBC ne permettent de démontrer que HSBC avait ou aurait dû avoir connaissance de la portée générale et des caractéristiques essentielles de l’entente globale.

239 Les requérantes font, notamment, valoir qu’il peut seulement être déduit de la discussion du 12 février 2007 que le trader de HSBC disposait d’une idée approximative du projet général visant à manipuler l’Euribor-3M le 19 mars 2007, sans toutefois savoir quelles banques participaient, et réfutent que le trader de Barclays ait clairement informé celui de HSBC de la participation d’autres banques à ladite manipulation ou que celui-ci en était pleinement conscient. En toute hypothèse, l’éventuelle
connaissance de la participation d’autres banques à la manipulation du 19 mars 2007 ne vaudrait pas connaissance de la série de contacts de plus grande ampleur entre d’autres banques qui se sont produits sur une plus longue période. De même, la circonstance relevée au considérant 491 de la décision attaquée de ce que le trader de Barclays aurait mentionné à un trader de HSBC – le 27 mars 2007 – une réitération à l’avenir de la manipulation du 19 mars 2007 serait dépourvue de pertinence
s’agissant d’une entente globale entre le 12 février et le 26 mars 2007.

240 La Commission soutient, de manière liminaire, que, par le biais de ses contacts avec Barclays, HSBC a participé à l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant l’infraction unique et continue et que cette circonstance suffit pour qu’elle lui impute la responsabilité de l’ensemble desdits comportements.

241 La Commission fait valoir qu’elle a néanmoins prouvé que HSBC avait connaissance ou pouvait raisonnablement prévoir les comportements infractionnels des autres entreprises. Elle se réfère à cet égard à la teneur des échanges entre HSBC et Barclays les 12 février, 7 et 19 mars 2007. La Commission réfute l’argument des requérantes selon lequel la connaissance par HSBC de la manipulation du 19 mars 2007 n’implique pas celle des autres comportements anticoncurrentiels.

242 Les motifs de la décision attaquée portant sur la connaissance des comportements infractionnels figurent aux considérants 457 à 465 de la décision attaquée, en ce qui concerne les motifs communs à l’ensemble des banques, et aux considérants 471 à 476 de ladite décision, en ce qui concerne les motifs propres à HSBC.

243 En ce qui concerne les motifs communs à l’ensemble des banques, ils reposent sur le postulat, énoncé au considérant 457 de la décision attaquée, que les traders participant aux échanges anticoncurrentiels étaient des professionnels qualifiés et connaissaient ou auraient dû avoir connaissance de la portée générale et des caractéristiques de l’entente. À cet égard, la Commission s’est référée, premièrement, au considérant 458, au contexte très spécifique dans lequel les traders opèrent, marqué par
des échanges bilatéraux, enregistrés et contrôlés. Elle a souligné, deuxièmement, au considérant 459, que les traders impliqués dans les accords savaient que les traders d’autres banques étaient disposés à participer au même type de comportement collusoire concernant les composantes de fixation des prix et d’autres conditions de négociation des EIRD. Elle a, troisièmement, aux considérants 460 à 461 de la décision attaquée, fait valoir que les éléments de preuve montraient qu’il existait une
connaissance générale répandue du caractère déclaratoire du processus de détermination des taux de l’Euribor et, partant, de la possibilité de l’altérer par le biais des soumissions des banques du panel. Elle a, quatrièmement, au considérant 463, mis en exergue le fait que chacune des banques en cause était active sur le marché en cause depuis plusieurs années et que les traders n’ont pas manifesté de surprise lorsqu’une demande de concertation leur était présentée. Elle a déduit de la
conjonction de ces éléments, aux considérants 462 et 464, en substance, que les traders participant à des échanges bilatéraux avaient connaissance ou auraient dû avoir connaissance qu’il était vraisemblable que plusieurs banques soient impliquées dans les arrangements collusoires, même si cette information ne leur a pas été explicitement dévoilée. La Commission a également souligné, au considérant 465, que les traders faisaient l’objet d’un niveau élevé d’enregistrement et de surveillance, de
sorte que leur direction devait être considérée comme ayant eu connaissance, ou comme ayant dû avoir connaissance, des caractéristiques essentielles du plan collusoire et de l’implication de leurs employés dans ledit plan. Elle a ajouté qu’elle devait prendre en compte les précautions prises par les traders pour dissimuler leurs arrangements.

244 En ce qui concerne les motifs propres à HSBC, la Commission a, premièrement, au considérant 471 de la décision attaquée, mis en exergue que, dès le début de la participation de HSBC à l’infraction le 12 février 2007, le trader de Barclays lui a expliqué le plan en vue de la manipulation du 19 mars 2007 d’une manière qui impliquait la participation d’autres banques. Deuxièmement, au considérant 472, elle a souligné que le trader de HSBC était au courant des liens très étroits qui unissaient le
trader de Barclays à ceux de JP Morgan, de la Société générale et de Deutsche Bank. Troisièmement, au considérant 472, elle a relevé que les traders de Deutsche Bank et de Barclays considéraient le trader de HSBC comme un partenaire fiable de l’entente. Elle en a déduit, au considérant 473, que les traders de HSBC savaient ou, du moins, auraient dû savoir que leurs discussions avec Barclays faisaient partie d’un réseau de contacts anticoncurrentiels qui comprenait au moins Barclays, Deutsche
Bank, la Société générale, HSBC et une ou plusieurs autres banques non citées qui contribueraient à la réalisation des effets anticoncurrentiels visés à travers la manipulation du 19 mars 2007. En outre, aux considérants 475 et 476, elle a ajouté que, au vu de la courte période pendant laquelle HSBC a été impliquée dans les échanges collusoires, sa participation au plan avait été continue.

245 De manière liminaire, il convient de souligner que l’argument de la Commission, retranscrit au point 240 ci-dessus, tiré de ce que HSBC aurait participé à l’ensemble des comportements anticoncurrentiels en cause, ce qui suffirait pour qu’elle lui impute la responsabilité de l’ensemble des comportements, ne saurait être suivi.

246 À cet égard, il convient de relever que, tout au moins à l’égard de HSBC, les comportements anticoncurrentiels reprochés ont eu lieu dans le cadre de discussions bilatérales. Ainsi, la circonstance que les discussions auxquelles HSBC a participé aient pu relever de chacune des catégories envisagées aux considérants 113, 358 et 392 de la décision attaquée, à la supposer établie, ne saurait, en elle-même, être suffisante pour imputer à HSBC la responsabilité du comportement infractionnel des
banques avec lesquelles elle n’a pas entretenu de contacts directs. En application de la jurisprudence citée au point 198 ci-dessus, il appartenait à la Commission de démontrer que HSBC avait connaissance de ces comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par les autres banques, ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir.

247 À cet égard, il y a lieu de distinguer entre, d’une part, la manipulation du 19 mars 2007 et l’éventualité de sa réitération et, d’autre part, les autres comportements pris en compte par la Commission au titre de l’infraction unique.

1) Sur la connaissance par HSBC de la participation d’autres banques à la manipulation du 19 mars 2007 et l’éventualité de sa réitération

248 Du 12 février au 19 mars 2007, HSBC a participé à la manipulation décrite aux points 85 à 90 ci-dessus visant à tirer profit de soumissions basses à l’Euribor-3M le 19 mars 2007. En outre, dans une conversation du 19 mars 2007 qui s’est tenue entre l’un des traders de HSBC et le trader de Barclays, mentionnée au considérant 329 de la décision attaquée, a été évoqué le principe d’une réitération de cette manipulation. Cette réitération a de nouveau été envisagée par le trader de Barclays dans une
discussion avec un autre trader de HSBC le 27 mars 2007, mentionnée au considérant 339 de la décision attaquée.

249 Force est de constater que, s’agissant de la manipulation du 19 mars 2007, la Commission dispose de preuves directes démontrant la connaissance par HSBC de ce qu’elle participait à une infraction unique et continue avec d’autres banques.

250 C’est, en effet, à juste titre que la Commission se réfère, au considérant 471 de la décision attaquée, à la conversation du 12 février 2007 comme étant révélatrice de cette connaissance par HSBC de la participation d’autres banques.

251 La lecture de cette conversation montre que le trader de Barclays amène la conversation sur le bénéfice qui pourrait être tiré d’une manipulation du « spread » entre deux produits dérivés, les « futures » fondés sur l’Euribor-3M et des swaps fondés sur l’EONIA le 19 mars 2007.

252 D’une part, il ressort de cette discussion que le trader de Barclays y dévoile à HSBC le « plan d’ensemble » de la manipulation envisagée : à savoir une augmentation progressive des positions « acheteuses » sur les « futures » indexés sur l’Euribor-3M, puis une action concertée en vue de faire baisser ce taux le 19 mars 2007.

253 À cet égard, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la conversation ultérieure du 13 février 2007, dans laquelle le trader de HSBC souligne que le comportement de celui de Barclays n’est pas conforme au plan évoqué la veille, est révélatrice de la bonne compréhension de la manière dont la manipulation doit fonctionner. En effet, le trader de HSBC trouve suspicieux que le comportement de Barclays ne s’inscrive pas dans le sens de la stratégie définie. Si la réponse de Barclays (« je
clean juste quelque truc ») ne semble guère le convaincre (« mouai[s] »), il n’en demeure pas moins que la mise en exergue par le trader de HSBC d’un comportement de Barclays apparemment contraire à la manipulation envisagée est un signe de sa bonne compréhension.

254 D’autre part, le trader de Barclays a souligné dans la conversation du 12 février 2007 que d’autres banques participaient à cette manipulation, même s’il n’a pas souhaité dévoiler leur identité. Il en ressort que le trader de HSBC avait tout à fait conscience que d’autres banques participaient à ladite manipulation.

255 Ainsi, même si leur identité n’a pas été dévoilée par le trader de Barclays, à la suite de cette conversation, le trader de HSBC avait connaissance du fait qu’un certain nombre de banques allaient, par une action concertée, faire baisser le taux de l’Euribor le 19 mars 2007. Partant, il convient de conclure que HSBC avait connaissance des comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par d’autres entreprises dans la poursuite des mêmes objectifs au sens de la jurisprudence citée au
point 198 ci-dessus.

256 Cette conclusion doit également être étendue aux discussions portant sur le principe d’une réitération de cette manipulation, qui se sont tenues les 19 et 27 mars 2007. En effet, les traders de HSBC ayant participé à ces discussions pouvaient raisonnablement prévoir qu’une telle réitération se ferait selon des modalités équivalentes et donc avec d’autres banques.

257 En outre, il doit être conclu que la participation de HSBC à cette infraction unique a eu lieu de manière continue du 12 au 27 mars 2007.

258 À cet égard, il ressort d’une jurisprudence constante que le principe de sécurité juridique impose que, en l’absence d’éléments de preuve susceptibles d’établir directement la durée d’une infraction, la Commission invoque, au moins, des éléments de preuve qui se rapportent à des faits suffisamment rapprochés dans le temps, de façon qu’il puisse être raisonnablement admis que cette infraction s’est poursuivie de façon ininterrompue entre deux dates précises (voir arrêt du 16 juin 2015, FSL
e.a./Commission, T‑655/11, EU:T:2015:383, point 482 et jurisprudence citée).

259 Si la période séparant deux manifestations d’un comportement infractionnel est un critère pertinent afin d’établir le caractère continu d’une infraction, il n’en demeure pas moins que la question de savoir si ladite période est ou non suffisamment longue pour constituer une interruption de l’infraction ne saurait être examinée dans l’abstrait. Au contraire, il convient de l’apprécier dans le contexte du fonctionnement de l’entente en question (voir arrêt du 16 juin 2015, FSL e.a./Commission,
T‑655/11, EU:T:2015:383, point 483 et jurisprudence citée).

260 Certes, au titre du contexte de fonctionnement de l’infraction en cause, il convient de prendre en compte le caractère quotidien de la fixation des taux de l’Euribor. Il en découle nécessairement qu’une manipulation desdits taux voit ses effets limités dans le temps et nécessite d’être réitérée aux fins que lesdits effets se poursuivent (voir, en ce sens, arrêt du 10 novembre 2017, Icap e.a./Commission, T‑180/15, EU:T:2017:795, point 222).

261 De même, il convient de rappeler que, dans les circonstances où la poursuite d’un accord ou de pratiques concertées exige des mesures positives particulières, la Commission ne peut présumer la poursuite de l’entente en l’absence de preuve de l’adoption desdites mesures (voir arrêt du 10 novembre 2017, Icap e.a./Commission, T‑180/15, EU:T:2017:795, point 223 et jurisprudence citée).

262 Toutefois, en l’espèce, il convient de relever que, le 19 mars 2007, HSBC a non seulement participé à la manipulation prévue à cette date en ayant connaissance de la participation d’autres banques, mais également, par l’intermédiaire de leurs traders, discuté du principe de la réitération de cette manipulation avec Barclays, discussion qui a été poursuivie par un autre trader de HSBC le 27 mars 2007. Il peut, dès lors, être conclu que des mesures positives particulières ont été adoptées au sens
de la jurisprudence citée au point 261 ci-dessus.

2) Sur la connaissance par HSBC de la participation d’autres banques aux autres comportements relevant de l’infraction unique

263 Est en cause ici la question de savoir si la Commission était en droit d’imputer à HSBC, au titre de sa participation à l’infraction unique, l’ensemble des comportements des autres banques concernées.

264 Il ressort de la jurisprudence citée aux points 198 et 199 ci-dessus qu’il était loisible à la Commission de démontrer, alternativement, d’une part, la connaissance par HSBC de l’existence d’autres comportements infractionnels ou, d’autre part, que HSBC pouvait raisonnablement les prévoir. De même, en application de la jurisprudence citée au point 203 ci-dessus, la Commission est en droit de se fonder sur un faisceau d’indices.

265 Toutefois, il résulte de cette même jurisprudence que ce faisceau d’indices, apprécié globalement, doit correspondre à des preuves sérieuses, précises et concordantes. En outre, en application de la jurisprudence citée au point 204 ci-dessus, la présomption d’innocence implique que, s’il subsiste un doute dans l’esprit du juge, il doit profiter à l’entreprise destinataire de la décision constatant une infraction.

266 En premier lieu, force est de constater que c’est à juste titre que les requérantes font valoir, en substance, que la Commission n’a pas démontré à suffisance de droit, dans la décision attaquée, que HSBC avait connaissance, ou aurait dû avoir connaissance, de l’existence d’un « plan d’ensemble » disposant d’un objectif unique, de nature à justifier que lui soit imputé l’ensemble des comportements relevant dudit objectif unique, qu’elle y ait directement participé ou non.

267 En effet, pour les raisons exposées aux points 233 à 235 ci-dessus, il y a lieu de relever que l’élément central permettant de justifier l’existence d’un tel « plan d’ensemble » tient dans le fait que les différents comportements visés dans l’infraction unique retenue ont été dirigés ou contrôlés par le même groupe de personnes.

268 Or, c’est à juste titre que les requérantes soulignent qu’aucun des traders de HSBC ne faisait partie de ce groupe de personnes. Au contraire, il ressort de la décision attaquée que les traders de HSBC n’ont reçu de celui de Barclays qu’une information très parcellaire, limitée à ce qui était strictement nécessaire à sa seule participation à la manipulation du 19 mars 2007, puis à sa réitération.

269 Il ne saurait, dès lors, être conclu que les traders de HSBC auraient dû, d’eux-mêmes, extrapoler des bribes d’informations qui leur avaient été communiquées dans le cadre d’un comportement bien déterminé – la manipulation du 19 mars 2007 – qu’un groupe stable de traders, dont l’identité ne leur a pas été dévoilée, participait à d’autres comportements restrictifs de concurrence sur le marché des EIRD.

270 En second lieu et pour des raisons analogues, les motifs de la décision attaquée, résumés aux points 242 à 244 ci-dessus, ne permettent pas de démontrer que HSBC avait connaissance des comportements infractionnels des autres entreprises ou pouvait raisonnablement les prévoir.

271 En effet, à l’exception de la mise en exergue par la Commission de ce que le trader de Barclays a expliqué au trader de HSBC le plan en vue de la manipulation du 19 mars 2007 d’une manière qui impliquait la participation d’autres banques, force est de constater que les autres éléments avancés par la Commission reposent, en réalité, sur la prémisse que les traders de HSBC auraient dû déduire du fait que des traders d’autres banques opérant sur le marché des EIRD se connaissaient que ceux-ci
s’adonnaient à d’autres pratiques restrictives de concurrence susceptibles d’avoir une incidence sur les flux de trésorerie générés par les EIRD.

272 Force est de constater qu’une telle prémisse ne saurait être retenue sans méconnaître la jurisprudence citée au point 203 ci-dessus.

273 Au vu de ce qui précède, il convient de conclure que la participation de HSBC à une infraction unique et continue ne pouvait être retenue qu’à l’égard, d’une part, de ses comportements propres au titre de ladite infraction et, d’autre part, des comportements des autres banques s’inscrivant dans le cadre de la manipulation du 19 mars 2007 et de son éventuelle réitération.

274 C’est, dès lors, à tort que la Commission a imputé à HSBC d’autres comportements que ceux identifiés au point 273 ci-dessus.

c)   Sur le troisième moyen, relatif à l’intention de HSBC de participer à l’infraction unique et continue

275 Dans le cadre de leur troisième moyen, les requérantes font valoir, en substance, que la condition figurant dans la jurisprudence citée au point 198 ci-dessus – selon laquelle une entreprise doit avoir l’intention de contribuer par son propre comportement aux objectifs communs poursuivis par l’ensemble des participants – n’est pas remplie à leur égard.

276 Dans ce cadre, elles soutiennent, en substance, que HSBC ne pouvait avoir conscience de participer à une infraction unique au regard de la diversité des comportements qui lui sont reprochés. Les requérantes mettent également en avant le fait que HSBC a participé à l’infraction d’une manière différente et plus secondaire que les acteurs principaux.

277 La Commission conclut au rejet de ce moyen.

278 Au vu de la conclusion du Tribunal relative au quatrième moyen, telle qu’elle ressort du point 274 ci-dessus, il suffit d’examiner le présent moyen en ce qui concerne la manipulation du 19 mars 2007 et sa réitération.

279 Or, à leur égard, l’intention de participer à une infraction unique ressort clairement des éléments de preuve avancés par la Commission. S’agissant plus particulièrement de la manipulation du 19 mars 2007, s’il est vrai que le trader de HSBC semble avoir éprouvé des doutes quant au fonctionnement de cette manipulation – ainsi qu’en atteste la discussion du 13 février 2007 et le regret qu’il semble ensuite avoir éprouvé de ne pas avoir construit une position acheteuse plus importante de
« futures » indexés sur l’Euribor-3M –, il n’en demeure pas moins qu’il a participé, conjointement avec les traders des autres banques, à la manœuvre de baisse des taux de l’Euribor-3M le 19 mars 2007, en demandant à la personne chargée des soumissions au sein de sa banque de présenter des soumissions basses ce jour, ce qui a été fait.

280 Il convient, dès lors, de rejeter le troisième moyen.

3.   Sur le cinquième moyen, tiré d’une erreur de droit et d’une violation des formes substantielles eu égard au déroulement de la procédure administrative

281 Les requérantes soutiennent que la décision de transaction a préjugé de la responsabilité de HSBC et a irrémédiablement porté atteinte à leur droit d’être entendues. Elles en déduisent que la décision attaquée devrait être annulée du fait d’une violation, d’une part, du principe de la présomption d’innocence et, d’autre part, des principes de bonne administration et de respect des droits de la défense. Elles se réfèrent également aux déclarations du commissaire Almunia portant sur les résultats
de l’enquête portant sur les EIRD et antérieures à l’adoption de la décision attaquée. Elles soulignent également ne pas avoir eu la possibilité de présenter des observations sur la communication des griefs adressée aux parties ayant décidé de transiger.

282 La Commission conclut au rejet du présent moyen.

283 S’agissant du grief tiré de ce que la décision de transaction aurait été adoptée en violation du principe de la présomption d’innocence, il convient de rappeler que ledit principe constitue un principe général du droit de l’Union, énoncé désormais à l’article 48, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux, lequel s’applique aux procédures relatives à des violations des règles de concurrence applicables aux entreprises susceptibles d’aboutir à la prononciation d’amendes ou d’astreintes
(voir arrêt du 22 novembre 2012, E.ON Energie/Commission, C‑89/11 P, EU:C:2012:738, points 72 et 73 et jurisprudence citée).

284 Le principe de la présomption d’innocence implique que toute personne accusée est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. Ce principe s’oppose ainsi à tout constat formel et même à toute allusion ayant pour objet la responsabilité d’une personne accusée d’une infraction donnée dans une décision mettant fin à l’action, sans que cette personne ait pu bénéficier de toutes les garanties inhérentes à l’exercice des droits de la défense dans le cadre d’une
procédure suivant son cours normal et aboutissant à une décision sur le bien-fondé de la contestation (voir arrêt du 10 novembre 2017, Icap e.a./Commission, T‑180/15, EU:T:2017:795, point 257 et jurisprudence citée).

285 En outre, il découle d’une jurisprudence constante que la Commission est tenue de respecter, au cours d’une procédure administrative en matière d’ententes, le droit à une bonne administration, consacré à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2013, Ziegler/Commission, C‑439/11 P, EU:C:2013:513, point 154 et jurisprudence citée).

286 Aux termes de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux, toute personne a le droit, notamment, de voir ses affaires traitées impartialement par les institutions de l’Union. Cette exigence d’impartialité recouvre, d’une part, l’impartialité subjective, en ce sens qu’aucun membre de l’institution concernée qui est chargé de l’affaire ne doit manifester de parti pris ou de préjugé personnel et, d’autre part, l’impartialité objective, en ce sens que l’institution doit offrir des garanties
suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime (voir arrêt du 11 juillet 2013, Ziegler/Commission, C‑439/11 P, EU:C:2013:513, point 155 et jurisprudence citée).

287 Toutefois, la question de savoir si un éventuel défaut d’impartialité objective de la Commission qui aurait pu découler d’une violation du principe de la présomption d’innocence à l’égard de HSBC à l’occasion de l’adoption de la décision de transaction a pu avoir une incidence sur la légalité de la décision attaquée se confond avec la question de savoir si les constatations opérées dans ladite décision sont dûment étayées par les éléments de preuve que la Commission a produits (voir, en ce sens,
arrêts du 6 juillet 2000, Volkswagen/Commission, T‑62/98, EU:T:2000:180, point 270, et du 16 juin 2011, Bavaria/Commission, T‑235/07, EU:T:2011:283, point 226).

288 Ainsi, à supposer qu’un éventuel défaut d’impartialité objective de la Commission ait pu l’amener à retenir, à tort, d’une part, que les discussions des 9 et 14 mars 2007 auxquelles HSBC avait participé disposaient d’un objet restrictif de concurrence ou, d’autre part, que pouvaient lui être imputés au titre de l’infraction unique et continue certains comportements des autres banques, non liés à la manipulation du 19 mars 2007 ou à sa réitération, il convient de relever que l’illégalité de ces
aspects de la décision attaquée a déjà été relevée au terme de l’examen, respectivement, de la seconde branche du premier moyen et du quatrième moyen.

289 S’agissant des autres constatations opérées dans la décision attaquée, l’irrégularité tenant à un éventuel défaut d’impartialité objective de la Commission ne pourrait entraîner l’annulation de ladite décision que s’il était établi que, en l’absence de cette irrégularité, cette décision aurait eu un contenu différent (arrêt du 6 juillet 2000, Volkswagen/Commission, T‑62/98, EU:T:2000:180, point 283). Or, en l’espèce, dans le cadre de l’exercice d’un contrôle entier des motifs pertinents de cette
décision, il a été constaté que, à l’exception des aspects mentionnés au point 288 ci-dessus, la Commission avait établi à suffisance de droit la participation de HSBC à l’infraction en cause. Dès lors, rien ne laisse supposer que, en l’absence de l’adoption de la décision de transaction préalablement à celle de la décision attaquée, le contenu de cette dernière eut été différent.

290 Dans leur réplique, les requérantes font valoir que le défaut d’impartialité objective de la Commission dans les circonstances de l’espèce est plus grave que dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 6 juillet 2000, Volkswagen/Commission (T‑62/98, EU:T:2000:180, points 270 et 283), et du 16 juin 2011, Bavaria/Commission (T‑235/07, EU:T:2011:283, point 226), dès lors que, dans ces affaires, le défaut d’impartialité se serait produit après que les parties ont été entendues.

291 Force est cependant de constater que le principe selon lequel une irrégularité de ce type n’est susceptible d’entraîner l’annulation de la décision attaquée que s’il est établi que, en l’absence de cette irrégularité, cette décision aurait eu un contenu différent relève d’une jurisprudence bien établie, remontant à l’arrêt du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission (40/73 à 48/73, 50/73, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, EU:C:1975:174, points 90 et 91). À cet égard, il convient de
relever que cet arrêt a été rendu dans un contexte relativement proche de celui de la présente affaire, dès lors que les requérantes reprochaient à la Commission d’avoir violé le principe du procès équitable en émettant certaines déclarations publiques faisant apparaître comme établie l’existence des infractions alléguées, et ce à un moment où les intéressés n’auraient même pas encore pu prendre position sur les griefs les concernant.

292 Pour des raisons analogues, il convient également de rejeter les autres arguments avancés par les requérantes à l’appui de leur grief tiré d’une violation du principe de bonne administration, ainsi que le grief tiré d’une violation de leurs droits de la défense, comme étant inopérants.

293 Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter le cinquième moyen.

4.   Sur les incidences des erreurs constatées dans le cadre des premier et quatrième moyens sur la légalité de l’article 1er de la décision attaquée

294 Selon l’article 1er de la décision attaquée, « [l]es entreprises suivantes ont enfreint l’article 101 du traité et l’article 53 de l’accord EEE en prenant part, durant les périodes indiquées, à une infraction unique et continue concernant des produits dérivés de taux d’intérêt en euros. Cette infraction, qui s’étendait à l’ensemble de l’EEE, a consisté en des accords et/ou des pratiques concertées ayant pour objet de fausser le cours normal des composantes des prix dans le secteur des produits
dérivés de taux d’intérêt en euros : […] b) [les requérantes] du 12 février 2007 au 27 mars 2007 ».

295 Il convient de relever que les erreurs commises par la Commission s’agissant de la qualification qu’elle a retenue en ce qui concerne les discussions des 9 et 14 mars 2007, identifiées aux points 166 à 195 ci-dessus, sont sans incidence sur la légalité de l’article 1er de la décision attaquée et, en particulier, de l’article 1er, sous b), de la décision attaquée, dès lors que la conclusion qui y figure demeure justifiée même en l’absence de la prise en compte de ces deux discussions.

296 Il en va de même des erreurs commises par la Commission s’agissant de la détermination précise des comportements qui pouvaient être imputés à HSBC au titre de la participation à une infraction unique et continue, identifiées aux points 263 à 274 ci-dessus. En effet, la participation de HSBC, conjointement à d’autres banques, à la manipulation du 19 mars 2007 et le fait d’avoir envisagé sa réitération permettent, en eux-mêmes, de justifier à suffisance de droit l’article 1er, sous b), de la
décision attaquée.

297 Toutefois, dans la mesure où, parmi les éléments de nature à entrer dans l’appréciation de la gravité d’une infraction, figurent le nombre et l’intensité des comportements anticoncurrentiels et pour les motifs exposés au point 123 ci-dessus, c’est, éventuellement, à l’occasion de l’appréciation du caractère proportionné du montant de l’amende qu’il appartiendra au Tribunal de tirer les conséquences du caractère erroné de ces appréciations.

B. Sur les demandes d’annulation de l’article 2, sous b), de la décision attaquée et, à titre subsidiaire, de réformation du montant de l’amende imposée

298 Les requérantes contestent la légalité de l’article 2, sous b), de la décision attaquée par lequel la Commission leur a imposé une amende du fait de la participation de HSBC à l’infraction. Ce moyen peut être divisé en quatre branches, dès lors que les requérantes contestent, premièrement, l’utilisation des recettes en numéraire actualisées aux fins d’apprécier la valeur des ventes, deuxièmement, le facteur de gravité appliqué, troisièmement, le montant additionnel appliqué et, quatrièmement,
l’appréciation des circonstances atténuantes. Les requérantes sollicitent, à titre principal, l’annulation de l’article 2, sous b), de la décision attaquée et, à titre subsidiaire, que le Tribunal fasse usage de sa compétence de pleine juridiction aux fins de réduire le montant de l’amende qui leur a été infligé.

299 Dans le cadre de la première branche du présent moyen, les requérantes reprochent à la Commission d’avoir fondé la valeur des ventes sur la base des recettes en numéraire au titre des EIRD reçues par HSBC au cours de la période infractionnelle, auxquelles a été appliqué un facteur de 98,849 %.

300 Le raisonnement de la Commission figure aux considérants 639 à 648 de la décision attaquée.

301 En premier lieu, la Commission a constaté, au considérant 639 de la décision attaquée, que les instruments dérivés de taux d’intérêt ne généraient pas de ventes au sens usuel du terme et a appliqué, par conséquent, une valeur de remplacement spécifique pour la valeur des ventes, laquelle constitue un point de départ pour le calcul des montants des amendes. Au considérant 640, elle a estimé préférable de ne pas se fonder sur la valeur de remplacement des ventes réalisées durant la dernière année,
et, étant donné la courte durée de l’infraction commise par certaines parties, la taille variable du marché des EIRD au cours de la période de l’infraction et les différences de durée de participation des banques concernées, qu’il était plus approprié de se fonder sur la valeur des ventes effectivement réalisées par les entreprises au cours des mois correspondant à la participation de chacune d’elles à l’infraction.

302 Au considérant 641 de la décision attaquée, elle a retenu que les ventes, au sens usuel du terme, correspondaient aux entrées d’avantages économiques dont la forme revêtait le plus souvent celle d’espèces ou de quasi-espèces et a observé que le comportement anticoncurrentiel dans la présente affaire concernait, notamment, la collusion sur les composantes de prix pertinentes pour les flux de trésorerie associés aux EIRD. Pour ces motifs, elle a décidé de déterminer, pour toutes les parties, la
valeur annuelle des ventes sur la base des recettes en numéraires, à savoir les « flux de trésorerie que chaque banque a obtenus de son portefeuille respectif d’EIRD liés à toute échéance Euribor et/ou EONIA et conclus avec des contreparties établies dans l’EEE ».

303 Au considérant 642 de la décision attaquée, elle a retenu un montant de recettes en numéraire de 16688253649 euros s’agissant de HSBC.

304 En deuxième lieu, au considérant 643 de la décision attaquée, la Commission a estimé approprié de réduire les chiffres des recettes en numéraire retenus à l’encontre de HSBC et des autres banques par un facteur uniforme approprié, afin de tenir compte des particularités du marché des EIRD, et notamment de la compensation inhérente à la négociation de produits dérivés. Au considérant 648 de la décision attaquée, ce facteur uniforme a été fixé à 98,849 %.

305 La justification du niveau de ce facteur de réduction s’appuie dans la décision attaquée sur cinq séries de motifs. Premièrement, la Commission s’est, au considérant 644, fondée sur la compensation inhérente à la négociation des produits dérivés en général, évaluée selon l’International Swap Dealer Association comme impliquant une réduction comprise entre 85 et 90 %.

306 Deuxièmement, au considérant 645, elle a mis en exergue la spécificité de la compensation des EIRD, dès lors que la comparaison des recettes en numéraire des parties avec les règlements nets en numéraire au titre des EIRD démontre que l’application d’un taux entre 85 et 90 % aboutirait à des amendes trop dissuasives.

307 Troisièmement, au considérant 646, elle a constaté que l’entente sur les EIRD a occasionné un surcoût nettement plus faible que celui de 20 % généralement causé par ce type d’entente dans les secteurs conventionnels.

308 Quatrièmement, au considérant 647, la Commission a rappelé qu’elle n’était pas tenue d’appliquer une formule mathématique précise et disposait d’une marge d’appréciation lorsqu’elle déterminait le montant de chaque amende.

309 Cinquièmement, au considérant 648, la Commission a souligné avoir appliqué aux destinataires de la décision attaquée le même taux que celui utilisé pour calculer les montants des amendes imposées aux destinataires de la décision de transaction.

310 En troisième lieu, la Commission a répondu aux critiques présentées au cours de la procédure administrative. Dans ce cadre, elle a, aux considérants 656 à 662 de la décision attaquée, réfuté que le recours aux recettes en numéraire actualisées revêtait un caractère inapproprié. Ainsi, elle a fait valoir que, par rapport aux recettes et aux paiements nets en numéraire suggérés par les requérantes, lesquelles pourraient aboutir à des résultats négatifs, la prise en compte des recettes en numéraire
actualisées était plus conforme aux lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2006 »), selon lesquelles les ventes, et non le bénéfice, constituaient le point de départ du calcul des amendes.

311 En ce qui concerne les critiques diligentées à l’encontre du facteur de réduction, la Commission a, notamment, souligné, au considérant 710 de la décision attaquée, avoir été transparente quant à son intention de réduire les recettes en numéraire d’un facteur uniforme d’au moins 97,5 %. Elle a également fait valoir, au considérant 713, ne pas avoir appliqué des facteurs de réduction individuels, dès lors que ceux-ci auraient pu déboucher sur une inégalité de traitement.

312 Dans le cadre de cette branche du moyen, les requérantes avancent, essentiellement, trois griefs pour contester la légalité du calcul de la valeur des ventes. Premièrement, elles contestent le principe même du recours aux recettes en numéraire auxquelles est associé un facteur de réduction de 98,849 %. Deuxièmement, elles estiment que c’est à tort que la Commission a inclus les recettes en numéraire découlant de contrats conclus antérieurement à l’entente. Enfin, troisièmement, elles contestent
la motivation du facteur de réduction.

1.   Sur le premier grief, tiré du caractère erroné du recours aux recettes en numéraire actualisées

313 Les requérantes soutiennent que, si c’est à juste titre que la Commission, au considérant 639 de la décision attaquée, a observé que les dérivés de taux d’intérêts « ne gén[éraient] pas des ventes au sens habituel », c’est de manière erronée qu’elle a apprécié ladite valeur des ventes en se fondant sur les recettes en numéraire reçues au titre des EIRD auxquelles a été associé un facteur de réduction de 98,849 %. Elles reprochent à la Commission de n’avoir pris en compte que les seules rentrées
de fonds au titre des EIRD et non les sorties de fonds, alors qu’une manipulation des taux de référence a des incidences sur ces deux aspects. Cette approche aurait contribué à grandement surévaluer les revenus générés par l’activité de trading des EIRD. Elles font valoir que le motif, figurant au considérant 659 de la décision attaquée, tiré de ce que la prise en compte des paiements entrants ne peut aboutir à des ventes nulles ou négatives, ne fait pas des recettes en numéraire un indicateur
approprié de la valeur des ventes. Il en irait de même de la mise en exergue, au considérant 660 de ladite décision, du fait que ce sont les ventes qui constituent le point de départ du calcul des amendes dans les lignes directrices de 2006.

314 La Commission estime que c’est à bon droit qu’elle a apprécié la valeur des ventes par référence aux recettes en numéraire auxquelles a été appliqué un facteur de réduction.

315 Elle fait observer que les sorties de fonds au titre des EIRD n’ont pas été ignorées. L’application du facteur de réduction aurait précisément pour objectif de prendre en compte la compensation inhérente à l’activité de trading. Sous l’angle de la dissuasion, une telle approche serait plus appropriée que celle, privilégiée par les requérantes, des recettes et des paiements nets en numéraire, laquelle pourrait aboutir à des valeurs négatives.

316 Le Tribunal rappelle de manière liminaire que, s’agissant de la légalité d’une décision infligeant une amende, le contrôle approfondi, en droit comme en fait, que le juge de l’Union exerce sur l’ensemble des éléments des décisions de la Commission relatives aux procédures d’application des articles 101 et 102 TFUE, rappelé au point 44 ci-dessus, implique qu’il ne saurait s’appuyer sur la marge d’appréciation dont dispose la Commission, ni en ce qui concerne le choix des éléments pris en
considération lors de l’application des critères mentionnés dans les lignes directrices, ni en ce qui concerne l’évaluation de ces éléments pour renoncer à exercer un tel contrôle approfondi (voir, en ce sens, arrêt du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, EU:C:2011:815, point 62).

317 En premier lieu, il convient de rappeler qu’il est constant entre les parties que les EIRD « ne génèrent pas de ventes au sens usuel du terme », ainsi qu’il est rappelé au considérant 639 de la décision attaquée.

318 En deuxième lieu, alors que l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003 se réfère de manière générale à la gravité et à la durée de l’infraction, la méthodologie privilégiée par la Commission aux fins d’appliquer cette disposition dans ses lignes directrices de 2006 fait jouer un rôle central à la notion de « valeur des ventes », puisqu’elle contribue à déterminer l’importance économique de l’infraction ainsi que le poids relatif de chaque entreprise participant à l’infraction (voir, en
ce sens, arrêt du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission, C‑444/11 P, non publié, EU:C:2013:464, point 76). En effet, aux termes du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, « [e]n vue de déterminer le montant de base de l’amende à infliger, la Commission utilisera la valeur des ventes de biens ou services, réalisées par l’entreprise, en relation directe ou indirecte [...] avec l’infraction, dans le secteur géographique concerné à l’intérieur du territoire de l’EEE ». Dans leur
partie introductive, lesdites lignes directrices précisent, à leur paragraphe 6, que « la combinaison de la valeur des ventes en relation avec l’infraction et de la durée est considérée comme une valeur de remplacement adéquate pour refléter l’importance économique de l’infraction ainsi que le poids relatif de chaque entreprise participant à l’infraction ».

319 En troisième lieu, il convient de rappeler qu’il est loisible à la Commission de ne pas faire application de la méthode énoncée dans les lignes directrices lorsque des motifs le justifient. En effet, les besoins d’un examen particulier de chaque situation individuelle par la Commission lorsqu’elle inflige des sanctions au titre de l’article 23 du règlement no 1/2003 impliquent nécessairement qu’elle s’écarte, le cas échéant, si la spécificité de la situation individuelle l’exige, de la
méthodologie des lignes directrices. Cette possibilité, soulignée par la jurisprudence (arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, points 209 et 210), est désormais explicitement reprise au paragraphe 37 des lignes directrices de 2006.

320 En l’espèce, il y a lieu de vérifier si c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la Commission a apprécié la valeur des ventes des EIRD sur la base des recettes en numéraire actualisées. Cela implique, notamment, d’examiner si l’approche favorisée par la Commission permettait de prendre en compte la compensation inhérente aux EIRD, ces contrats donnant lieu tant à des recettes qu’à des paiements.

321 Il convient de rappeler qu’il ressort des paragraphes 15 et 16 des lignes directrices de 2006 que, en vue de déterminer la valeur des ventes d’une entreprise, la Commission utilisera les meilleures données disponibles de cette entreprise. Lorsque les données rendues disponibles par une entreprise sont incomplètes ou non fiables, la Commission peut déterminer la valeur des ventes de cette entreprise sur la base des données partielles qu’elle a obtenues ou de toute autre information qu’elle
considère comme pertinente ou appropriée.

322 Force est de constater que l’approche privilégiée par la Commission tend à mieux refléter la valeur des ventes – et partant l’importance économique de l’infraction – que l’approche alternative proposée par les requérantes au cours de la procédure administrative, fondée sur les recettes et paiements nets en numéraire. Il s’agirait, en substance, de ne prendre en compte que le solde des flux de trésorerie au cours de la période d’infraction, à savoir une donnée qui se rapproche du bénéfice tiré
des activités de trading.

323 En effet, ainsi que l’a justement rappelé la Commission au considérant 659 de la décision attaquée, une telle limitation irait à l’encontre de la logique qui a présidé à son choix de fixer, dans la méthodologie figurant dans les lignes directrices de 2006, le montant de base par référence à la valeur des ventes, à savoir refléter l’importance économique de l’infraction et le poids de la participation de l’entreprise concernée.

324 Ainsi, dès lors que, d’une part, l’approche privilégiée par la Commission est conforme à la logique sous-jacente au choix de la valeur des ventes et, d’autre part, les requérantes n’ont pas proposé de méthode alternative plus appropriée au cours de la procédure administrative, il ne saurait être conclu que le principe de la prise en compte des recettes en numéraire actualisées revêt, intrinsèquement, un caractère erroné.

325 Il n’en demeure pas moins que, dans l’approche privilégiée par la Commission, il n’importe pas seulement que la détermination du montant des recettes en numéraire soit exempte de vices. Il en va de même en ce qui concerne la détermination du taux du facteur de réduction appliqué.

326 En effet, celui-ci est amené à jouer un rôle essentiel dans la détermination de la valeur des ventes, du fait du montant particulièrement élevé qu’implique la prise en compte des seules recettes en numéraire, c’est-à-dire sans déduction des paiements correspondants.

327 Ainsi, à titre d’illustration, sur la base de l’application des éléments relatifs à la gravité, à la durée, au montant supplémentaire et aux circonstances atténuantes retenus par la Commission dans la décision attaquée, et sans préjuger de l’appréciation du bien-fondé de ceux-ci, le Tribunal relève qu’une variation de 0,1 % du taux dudit facteur aurait une incidence sur le montant final de l’amende de près de 16221000 euros.

328 Il découle de ce qui précède que, dans le modèle privilégié par la Commission aux fins de déterminer la valeur des ventes, la précision du taux du facteur de réduction est fondamentale, dès lors que la plus infime variation dudit facteur est appelée à avoir d’importantes incidences sur le montant de l’amende infligé aux entreprises concernées.

329 Sous cette réserve, il convient de rejeter le premier grief.

2.   Sur le deuxième grief, tiré du caractère erroné de la prise en compte des recettes en numéraire découlant de contrats conclus avant le début de la participation de HSBC à l’infraction

330 Les requérantes soutiennent que la Commission a, à tort, pris en compte les recettes en numéraire actualisées générées par des contrats conclus avant les comportements reprochés à HSBC.

331 La Commission conclut au rejet de ce grief.

332 Ainsi que la Cour a eu l’occasion de le souligner, le paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 a pour objectif de retenir comme point de départ pour le calcul de l’amende infligée à une entreprise un montant qui reflète l’importance économique de l’infraction et le poids de cette entreprise dans celle-ci. Par conséquent, si la notion de « valeur des ventes » visée à ce paragraphe 13 ne saurait, certes, s’étendre jusqu’à englober les ventes réalisées par l’entreprise en cause qui ne relèvent
pas du champ d’application de l’entente reprochée, il serait toutefois porté atteinte à l’objectif poursuivi par cette disposition si cette notion s’entendait comme ne visant que le chiffre d’affaires réalisé avec les seules ventes pour lesquelles il est établi qu’elles ont réellement été affectées par cette entente (arrêt du 7 septembre 2016, Pilkington Group e.a./Commission, C‑101/15 P, EU:C:2016:631, point 19).

333 Partant, des ventes réalisées en vertu de contrats conclus antérieurement à la période d’infraction peuvent valablement être inclues dans la valeur des ventes calculée en application du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, aux fins du calcul du montant de base de l’amende, au même titre que les ventes réalisées en vertu de contrats conclus durant la période d’infraction, mais dont il n’a pas été démontré qu’ils avaient fait spécifiquement l’objet d’une collusion (arrêt du 7 septembre
2016, Pilkington Group e.a./Commission, C‑101/15 P, EU:C:2016:631, point 20).

334 Une telle solution est d’autant plus transposable aux circonstances de l’espèce que la manipulation de l’Euribor à laquelle HSBC a participé affectait le taux variable des contrats indexé sur l’Euribor-3M arrivant à échéance le 19 mars 2007, que la date de leur conclusion soit antérieure ou postérieure au 12 février 2007, point de départ de la participation de HSBC à l’infraction.

335 Le deuxième grief doit, dès lors, être rejeté.

3.   Sur le troisième grief, tiré du caractère insuffisamment motivé du facteur de réduction de 98,849 % appliqué par la Commission

336 Les requérantes font valoir que la détermination du facteur de réduction est entachée d’une insuffisance de motivation, en ce qu’elle ne leur permet pas de comprendre les raisons pour lesquelles le montant de base de l’amende a été fixé à cette hauteur. Elles soulignent, notamment, que celui-ci prend en compte l’hypothèse d’un surcoût hypothétique entre 2 et 4 points de base, sans que soit expliqué en quoi un tel surcoût était réaliste dans des circonstances où une banque ne pouvait, en réalité,
faire varier le taux de référence que de 0,1 point de base tout au plus, comme en attesterait la note en bas de page no 441 de la décision attaquée. Les requérantes rappellent que l’application par la Commission d’une approche nouvelle et inédite de détermination de la valeur des ventes rendait le respect de l’obligation de motivation d’autant plus nécessaire.

337 La Commission fait valoir que le facteur de réduction de 98,849 % est suffisamment motivé, dès lors que les motifs figurant aux considérants 643 à 646 de la décision attaquée permettent aux requérantes de comprendre en quoi ce facteur a été considéré comme approprié. Quant à la mention du surcoût de 2 à 4 points de base pris en compte au considérant 646, il serait précisé dans la décision attaquée qu’il s’agit là d’un surcoût hypothétique. La Commission rappelle, à cet égard, qu’elle dispose
d’une marge d’appréciation lorsqu’elle détermine le montant de chaque amende et qu’elle n’est pas tenue de suivre une approche mathématique.

338 Ainsi qu’il a été reconnu par une jurisprudence constante, l’obligation de motivation prévue à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. Dans cette perspective, la motivation exigée doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de
l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. S’agissant, en particulier, de la motivation des décisions individuelles, l’obligation de motiver de telles décisions a ainsi pour but, outre de permettre un contrôle judiciaire, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est éventuellement entachée d’un vice permettant d’en contester la validité (voir arrêt du
29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, points 146 à 148 et jurisprudence citée ; arrêts du 11 juillet 2013, Ziegler/Commission, C‑439/11 P, EU:C:2013:513, points 114 et 115, et du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission, T‑95/15, EU:T:2016:722, point 44).

339 En outre, l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées par celui-ci au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la
motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 150 ; du 11 juillet 2013, Ziegler/Commission, C‑439/11 P, EU:C:2013:513, point 116, et du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission, T‑95/15, EU:T:2016:722, point 45).

340 La jurisprudence a encore précisé que la motivation devait donc, en principe, être communiquée à l’intéressé en même temps que la décision lui faisant grief. L’absence de motivation ne saurait être régularisée par le fait que l’intéressé apprend les motifs de la décision au cours de la procédure devant les instances de l’Union (arrêts du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 149 ; du 19 juillet 2012, Alliance One International et Standard Commercial
Tobacco/Commission, C‑628/10 P et C‑14/11 P, EU:C:2012:479, point 74, et du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission, T‑95/15, EU:T:2016:722, point 46).

341 À l’égard d’une décision infligeant une amende, la Commission est tenue de fournir une motivation, notamment quant au montant de l’amende infligée et quant à la méthode choisie à cet égard (arrêt du 27 septembre 2006, Jungbunzlauer/Commission, T‑43/02, EU:T:2006:270, point 91). Il lui appartient d’indiquer, dans sa décision, les éléments d’appréciation qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l’infraction, sans être tenue d’y faire figurer un exposé plus détaillé ou les éléments
chiffrés relatifs au mode de calcul de l’amende (arrêt du 13 juillet 2011, Schindler Holding e.a./Commission, T‑138/07, EU:T:2011:362, point 243). Elle doit néanmoins expliquer la pondération et l’évaluation qu’elle a faites des éléments pris en considération (arrêt du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, EU:C:2011:815, point 61).

342 Des précisions apportées par l’auteur d’une décision attaquée, au cours de la procédure contentieuse, complétant une motivation déjà en elle-même suffisante ne relèvent pas à proprement parler du respect de l’obligation de motivation, même si elles peuvent être utiles au contrôle interne des motifs de la décision, exercé par le juge de l’Union, en ce qu’elles permettent à l’institution d’expliciter les raisons qui sont à la base de sa décision. Ainsi, des explications additionnelles, allant
au-delà de son obligation de motivation, peuvent permettre aux entreprises de connaître en détail le mode de calcul de l’amende qui leur est infligée et, de façon plus générale, servir la transparence de l’action administrative et faciliter l’exercice par le Tribunal de sa compétence de pleine juridiction, qui doit lui permettre d’apprécier, au-delà de la légalité de la décision attaquée, le caractère approprié de l’amende infligée. Cependant, cette faculté n’est pas de nature à modifier
l’étendue des exigences découlant de l’obligation de motivation (arrêt du 16 novembre 2000, Cascades/Commission, C‑279/98 P, EU:C:2000:626, points 45 et 47).

343 La Commission se réfère à la jurisprudence citée au point 341 ci-dessus pour souligner, en substance, qu’elle n’était pas tenue d’expliciter de manière précise dans la décision attaquée l’évaluation chiffrée ayant abouti à l’application d’un facteur de réduction de 98,849 %.

344 À cet égard, le Tribunal, relève que, en application de la jurisprudence citée au point 339 ci-dessus, l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce. Or, celles-ci présentent deux spécificités notables.

345 D’une part, la Commission a, dans la présente espèce, décidé de faire application de la méthodologie figurant dans les lignes directrices de 2006 plutôt que de s’en écarter, ce qu’elle aurait été en droit de faire en application de la jurisprudence rappelée au point 319 ci-dessus et du paragraphe 37 desdites lignes directrices. Elle a, dès lors, fait le choix de suivre une méthodologie dans laquelle, pour les raisons exposées au point 318 ci-dessus, la détermination de la « valeur des ventes »
jouait un rôle central, alors même qu’elle avait relevé au considérant 639 de la décision attaquée que les EIRD ne généraient pas de ventes au sens usuel du terme.

346 Partant, il était essentiel que la motivation de la décision attaquée permette aux requérantes de vérifier si la valeur de remplacement choisie par la Commission était éventuellement entachée d’un vice permettant d’en contester la validité et au Tribunal d’exercer son contrôle.

347 D’autre part, ainsi qu’il a été souligné au point 325 ci-dessus, dans l’approche suivie par la Commission, le facteur de réduction joue un rôle essentiel en raison du montant particulièrement élevé des recettes en numéraire auquel il a vocation à s’appliquer.

348 Il en découle que, dans les circonstances de l’espèce, la Commission ayant décidé de déterminer le montant de base de l’amende par application d’un modèle chiffré dans lequel le facteur de réduction est appelé à jouer un rôle essentiel, il était nécessaire que les entreprises concernées soient mises en mesure de comprendre comment elle avait abouti à un facteur de réduction fixé précisément à 98,849 % et que le Tribunal soit à même d’exercer un contrôle approfondi, en droit comme en fait, sur
cet élément de la décision attaquée, en application de la jurisprudence citée au point 316 ci-dessus.

349 Or, il ressort seulement des considérants 643, 644 à 646 et 648 de la décision attaquée que le facteur de réduction devait être supérieur à 90 %, dès lors que, d’une part, la comparaison des recettes en numéraire des parties avec les règlements nets en numéraire au titre des EIRD démontrait que l’application d’un taux entre 85 et 90 % aboutirait à des amendes trop dissuasives et, d’autre part, que l’entente en cause a occasionné un surcoût nettement plus faible que celui de 20 % généralement
causé par ce type d’entente dans les secteurs conventionnels. Au considérant 648 de la décision attaquée, la Commission indique, d’une part, avoir procédé à une estimation des facteurs mentionnés aux considérants 643 à 646 sans toutefois préciser quelle valeur elle a attribué à ces différents facteurs afin de fixer le taux de réduction précisément à 98,849 %. D’autre part, elle indique avoir appliqué la même méthodologie dans la détermination des valeurs de ventes que celle utilisée pour
calculer les montants des amendes dans la décision de transaction. Toutefois, force est de constater qu’aucune indication supplémentaire quant à la détermination du taux de réduction à 98,849 % ne ressort de la décision de transaction.

350 La seule autre indication figurant dans la décision attaquée consiste dans le rappel, au considérant 710, de ce que la Commission avait souligné au cours de la procédure administrative que le facteur de réduction uniforme serait d’au moins 97,5 %.

351 Force est de constater que ces considérations ne fournissent pas aux requérantes une explicitation des raisons pour lesquelles le facteur de réduction a été fixé à 98,849 % plutôt qu’à un niveau éventuellement supérieur. De même, en l’absence d’explications plus détaillées sur les raisons pour lesquelles ces considérations ont conduit à la fixation du facteur de réduction à ce niveau précis, le Tribunal n’est pas en mesure d’exercer un contrôle approfondi en droit et en fait sur un élément de la
décision qui a pu avoir une incidence significative sur le montant de l’amende infligée aux requérantes.

352 Certes, à la suite de l’audience, la Commission a fourni au Tribunal des explications additionnelles concernant la détermination de ce facteur de réduction de 98,849 %. Toutefois, il ressort de la lecture combinée de la jurisprudence citée aux points 340 et 342 ci-dessus que de telles explications additionnelles ne pourraient être prises en compte par le Tribunal, en ce qui concerne le contrôle interne des motifs de la décision, qu’à la seule condition qu’elles complètent une motivation déjà en
elle-même suffisante. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce.

353 Au vu de ce qui précède, il convient de faire droit au troisième grief de la première branche du moyen et d’annuler l’article 2, sous b), de la décision attaquée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres branches du moyen.

354 Dans la mesure où il a été fait droit aux conclusions présentées à titre principal visant l’annulation de l’article 2, sous b), de la décision attaquée, il n’y a pas lieu d’examiner les conclusions en réformation présentées à titre subsidiaire par les requérantes.

Sur les dépens

355 Aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens. Toutefois, si cela apparaît justifié au vu des circonstances de l’espèce, le Tribunal peut décider que, outre ses propres dépens, une partie supporte une fraction des dépens de l’autre partie.

356 En l’espèce, les requérantes ont succombé s’agissant de leurs conclusions en annulation de l’article 1er de la décision attaquée et ont obtenu satisfaction s’agissant de leur demande d’annulation de l’article 2, sous b), de ladite décision. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que chacune des parties supportera ses propres dépens.

  Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)

déclare et arrête :

  1) L’article 2, sous b), de la décision C (2016) 8530 final de la Commission, du 7 décembre 2016, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire AT.39914 – Euro Interest Rate Derivatives), est annulé.

  2) Le recours est rejeté pour le surplus.

  3) HSBC Holdings plc, HSBC Bank plc et HSBC France sont condamnées à supporter leurs propres dépens.

  4) La Commission européenne est condamnée à supporter ses propres dépens.

Prek

Buttigieg

Schalin

  Berke

Costeira

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 septembre 2019.

Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.


Synthèse
Formation : Deuxième chambre élargie
Numéro d'arrêt : T-105/17
Date de la décision : 24/09/2019
Type de recours : Recours en annulation - non fondé, Recours en annulation - fondé, Recours contre une sanction

Analyses

Concurrence – Ententes – Secteur des produits dérivés de taux d’intérêt libellés en euros – Décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE – Manipulation des taux de référence interbancaires de l’Euribor – Échange d’informations confidentielles – Restriction de concurrence par objet – Infraction unique et continue – Amendes – Montant de base – Valeur des ventes – Article 23, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1/2003 – Obligation de motivation.

Ententes

Concurrence


Parties
Demandeurs : HSBC Holdings plc e.a.
Défendeurs : Commission européenne.

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Prek

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:2019:675

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