ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)
20Â septembre 2019Â ( *1 )
« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative Idealogistic Compass Greatest care in getting it there – Marque internationale figurative antérieure IDÉA – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »
Dans l’affaire T‑716/18,
The Logistical Approach BV, établie à Uden (Pays-Bas), représentée par Mes R. Milchior et S. Charbonnel, avocats,
partie requérante,
contre
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. V. Ruzek, en qualité d’agent,
partie défenderesse,
l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant
Idea Groupe, établie à Montoir de Bretagne (France), représentée par Me P. Langlais et C. Guyot, avocats,
ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 21 septembre 2018 (affaire R 2062/2017‑4), relative à une procédure d’opposition entre Idea Groupe et The Logistical Approach,
LE TRIBUNAL (cinquième chambre),
composé de M. D. Gratsias, président, Mme I. Labucka (rapporteur) et M. I. Ulloa Rubio, juges,
greffier : M. I. Dragan, administrateur,
vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 5 décembre 2018,
vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 22 février 2019,
vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 20 février 2019,
vu la question écrite du Tribunal aux parties,
à la suite de l’audience du 15 mai 2019,
rend le présent
Arrêt ( 1 )
[omissis]
En droit
13 À l’appui du recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Elle conteste les appréciations de la chambre de recours relatives au public pertinent, à la comparaison des services, à la comparaison des signes et à l’existence d’un risque de confusion.
[omissis]
Sur le public pertinent
18 Selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma
(RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].
19 En l’espèce, et dans la mesure où la marque antérieure est un enregistrement international désignant l’Union, la chambre de recours a concentré son analyse du risque de confusion sur la perception du public anglophone de l’Union. Elle a considéré que le public pertinent était composé tant de « consommateurs moyens » que de spécialistes professionnels et que le grand public faisait généralement preuve d’un niveau d’attention moyen tandis que le public professionnel était susceptible de faire
preuve d’un niveau d’attention élevé.
20 La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir considéré que le public pertinent était « mixte », composé tant du grand public que de professionnels, et de n’avoir pas défini le public pertinent pour chacun des services, en se limitant à donner quelques exemples. En particulier, s’agissant des services couverts par la marque demandée, elle fait valoir que les services « transbordement de marchandises palettisées, y compris multimédia ; services de groupage pour des marchandises
palettisées et non palettisées, soit dans le cadre de services dédiés, soit dans le cadre de services globalisés ; services de transport de marchandises de taille spéciale et non en vrac (par exemple machine ou équipement) » s’adressent exclusivement au public professionnel, tandis que les services « transports sécurisés ; service de livraison express pour des destinations spécifiques ; organisation d’envoi pour le retour de marchandises et conseils dans le domaine de la logistique en matière de
transport » concernent aussi bien le grand public que les professionnels.
21 Quant aux services couverts par la marque antérieure, les services « déchargement de marchandises de wagons, avions, navires et camions ; remorquage ; location de véhicules ; entreposage de supports de données ou de documents stockés électroniquement ; logistique industrielle et portuaire, pilotage de flux, manutention et commission de transport pour les marchandises ; affrètement de véhicules, navires et avions ; approvisionnement des lignes d’assemblage et manutention d’éléments aéronautiques »
seraient destinés au seul public professionnel, tandis que les services « transport ; emballage, stockage et entreposage de marchandises ; informations en matière de transport et en matière d’emballage et d’entreposage de marchandises ; services de transit ; acheminement routier et ferroviaire de marchandises ; remorquage ; location de véhicules » s’adresseraient tant aux professionnels qu’au grand public.
22 L’EUIPO fait valoir que l’argument de la requérante est inopérant dans la mesure où la chambre de recours a considéré l’existence d’un risque de confusion tant pour les services destinés au grand public que pour les services destinés au public professionnel manifestant un niveau d’attention élevé. Cette approche est également soutenue par l’intervenante.
23 À cet égard, il convient de rappeler que la perception des marques qu’a le consommateur moyen de la catégorie de produits ou de services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale du risque de confusion (voir arrêt du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, EU:C:2007:252, point 59 et jurisprudence citée).
24 De même, conformément à la jurisprudence citée au point 18 ci‑dessus, le niveau d’attention du public pertinent est susceptible de varier en fonction des produits ou des services en cause. Ce niveau d’attention influence notamment la perception des signes.
25 Il en découle que la définition du public pertinent et de son niveau d’attention pour chaque service ou chaque catégorie de services revêt une importance significative lors de l’appréciation du risque de confusion.
26 Or, comme le fait valoir la requérante, en l’espèce, la chambre de recours a considéré que les services en cause s’adressaient au grand public et aux spécialistes, en se limitant à donner des exemples de services destinés au grand public, à savoir les « services de livraison express pour des destinations spécifiques » ou l’« organisation d’envoi pour le retour des marchandises ». Ce faisant, elle a défini le public pertinent pour les services en cause de manière globale. Elle n’a toutefois pas
identifié quels étaient les services qui s’adressaient uniquement aux professionnels manifestant un niveau d’attention élevé et quels services étaient destinés à la fois aux professionnels et au grand public, ce dernier faisant preuve d’un niveau d’attention moyen.
27 Certes, dans la mesure où, ainsi que le soutient l’EUIPO, la chambre de recours a considéré, aux points 56 et 57 de la décision attaquée, que le risque de confusion existait tant pour les services s’adressant à la fois aux professionnels et au grand public que pour ceux s’adressant uniquement aux professionnels, il lui était possible, pour des raisons d’économie de procédure, de ne pas identifier le consommateur moyen pour chaque service en cause.
28 Toutefois, cette approche n’est compatible avec les principes qui ressortent notamment de la jurisprudence citée aux points 18 et 23 ci-dessus que dans l’hypothèse où la conclusion de la chambre de recours, selon laquelle le risque de confusion existe à la fois pour les services s’adressant à un public \/ composé tant du grand public, manifestant un niveau d’attention moyen, que du public professionnel, manifestant un niveau d’attention élevé, et pour les services s’adressant uniquement au public
professionnel, est exempte d’erreur.
29 En revanche, dans l’hypothèse où la conclusion de chambre de recours visée au point 28 ci-dessus serait erronée, en ce que le risque de confusion n’existerait que pour l’un des publics concernés, il conviendrait d’accueillir le présent grief de la requérante et d’annuler la décision attaquée sur ce fondement. La pertinence du présent grief dépend donc du bien-fondé de la conclusion de la chambre de recours exprimée aux points 56 et 57 de la décision attaquée, lequel sera examiné ci‑après.
Sur la comparaison des services
30 En l’espèce, la chambre de recours a considéré, aux points 25 à  32 de la décision attaquée, que les services en cause étaient identiques. La requérante conteste ces affirmations. Cependant, à ce stade, pour des raisons d’économie de procédure, il y a lieu de partir de l’hypothèse que les services couverts par les marques en conflit sont identiques. C’est dans le cadre de l’appréciation de l’existence du risque de confusion qu’il conviendra de vérifier si, en partant de cette prémisse, la
conclusion de la chambre de recours quant à l’existence de ce risque est valide (voir points 65 à  70 ci-après).
[omissis]
Sur l’existence d’un risque de confusion
[omissis]
63 En l’espèce, la chambre de recours a relevé que les services en cause étaient identiques et que les signes en cause, même s’ils présentaient des différences, avaient un faible degré de similitude sur les plans visuel, phonétique et conceptuel du fait de l’élément « idea », qu’ils ont en commun. Elle a conclu qu’un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 existait en l’espèce, et ce tant pour les services s’adressant au grand public que pour ceux
s’adressant au public professionnel, dans la mesure où ce dernier, à l’instar du grand public, n’avait que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais devait se fier à l’image imparfaite de celles-ci qu’il gardait en mémoire.
64 S’agissant du caractère distinctif de la marque antérieure, la chambre de recours a retenu, à des fins d’appréciation globale du risque de confusion, qu’il était normal, sans examiner les arguments de l’intervenante relatifs au caractère distinctif accru à la suite d’un usage intensif sur le marché. En effet, la chambre de recours a estimé qu’un caractère distinctif moyen était suffisant pour conclure à l’existence d’un risque de confusion en l’espèce.
65 En l’espèce, les signes en cause présentent un faible degré de similitude sur les plans visuel, phonétique et conceptuel (voir points 49, 56 et 61 ci‑dessus). Parmi les facteurs à prendre en compte lors de l’appréciation du risque de confusion figure notamment le niveau d’attention que le public pertinent manifeste à l’égard des services en cause. Or, en l’espèce, la chambre de recours a considéré qu’une partie des services s’adressaient uniquement au public professionnel, dont le niveau
d’attention est élevé et qui prend le temps d’étudier les marques en conflit.
66 À supposer que les services en cause soient identiques, ainsi que l’a considéré la chambre de recours (voir point 30 ci‑dessus), et en prenant en compte le caractère distinctif normal de la marque antérieure (voir point 64 ci‑dessus), la chambre de recours aurait dû exclure l’existence du risque de confusion, à tout le moins pour les services s’adressant uniquement au public professionnel, qui manifestera un niveau d’attention élevé. En effet, en raison du niveau d’attention élevé lors du choix
des services en cause et eu égard au faible degré de similitude des signes en cause, notamment du fait que leurs structures diffèrent, ce qui n’échappera pas à un public particulièrement attentif et avisé, il ne saurait y avoir de risque de confusion quant à l’origine commerciale de ces services.
67 À cet égard, il convient de relever que, contrairement à ce qu’a soutenu la chambre de recours au point 57 de la décision attaquée, la circonstance que les professionnels n’ont que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doivent se fier à l’image imparfaite gardée en mémoire de celles‑ci, ne peut pas conduire à la conclusion selon laquelle l’image des marques en cause serait déterminée, en l’espèce, en grande partie par leur élément commun
« idea ».
68 En effet, bien que l’élément « idea » soit inclus dans l’un des éléments dominants de la marque demandée et qu’il soit l’élément distinctif de la marque antérieure, il ne sera pas retenu par les professionnels comme l’unique élément permettant d’identifier les marques en cause
69 Il s’ensuit qu’il y a lieu d’accueillir le présent moyen en ce qui concerne les services de la marque demandée s’adressant exclusivement au public professionnel.
70 Cependant, dans la mesure où, en l’espèce, la chambre de recours n’a pas identifié de manière exhaustive quels services s’adressaient uniquement aux professionnels manifestant un niveau d’attention élevé et quels services s’adressaient tant aux professionnels qu’au grand public manifestant un niveau d’attention moyen (voir point 26 ci‑dessus), il convient d’accueillir le présent moyen dans sa totalité et d’annuler la décision attaquée dans son ensemble.
[omissis]
 Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (cinquième chambre)
déclare et arrête :
 1) La décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 21 septembre 2018 (affaire R 2062/2017-4) est annulée.
 2) L’EUIPO et Idea Groupe supporteront leurs propres dépens ainsi que, chacun, la moitié des dépens exposés par The Logistical Approach BV.
Gratsias
Labucka
Ulloa Rubio
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 septembre 2019.
Â
Le greffier
E. Coulon
Le président
D. Gratsias
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( *1 ) Langue de procédure : le français.
( 1 ) Ne sont reproduits que les points du présent arrêt dont le Tribunal estime la publication utile.