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19/09/2019 | CJUE | N°T-783/17

CJUE | CJUE, Arrêt du Tribunal, GE Healthcare A/S contre Commission européenne., 19/09/2019, T-783/17


ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

19 septembre 2019 ( *1 )

« Médicaments à usage humain – Suspension de l’autorisation de mise sur le marché de produits de contraste contenant du gadolinium – Articles 31 et 116 de la directive 2001/83/CE – Principe de précaution – Égalité de traitement – Proportionnalité – Impartialité »

Dans l’affaire T‑783/17,

GE Healthcare A/S, établie à Oslo (Norvège), représentée par MM. D. Scannell, barrister, M. G. Castle et Mme S. Oryszczuk, solicitors,

partie req

uérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. M. Wilderspin et A. Sipos, en qualité d’agents,

partie défe...

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

19 septembre 2019 ( *1 )

« Médicaments à usage humain – Suspension de l’autorisation de mise sur le marché de produits de contraste contenant du gadolinium – Articles 31 et 116 de la directive 2001/83/CE – Principe de précaution – Égalité de traitement – Proportionnalité – Impartialité »

Dans l’affaire T‑783/17,

GE Healthcare A/S, établie à Oslo (Norvège), représentée par MM. D. Scannell, barrister, M. G. Castle et Mme S. Oryszczuk, solicitors,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. M. Wilderspin et A. Sipos, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision d’exécution C(2017) 7941 final de la Commission, du 23 novembre 2017, concernant, dans le cadre de l’article 31 de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain (JO 2001, L 311, p. 67), les autorisations de mise sur le marché de produits de contraste contenant du gadolinium à usage humain qui
contiennent une ou plusieurs des substances actives « acide gadobénique, gadobutrol, gadodiamide, acide gadopentétique, acide gadotérique, gadotéridol, gadoversétamide et acide gadoxétique », en tant que cette décision concerne l’omniscan,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. H. Kanninen, président, L. Calvo‑Sotelo Ibáñez‑Martín (rapporteur) et Mme I. Reine, juges,

greffier : M P. Cullen, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 29 janvier 2019,

rend le présent

Arrêt

I. Antécédents du litige

1 La requérante, GE Healthcare A/S, est une filiale norvégienne entièrement détenue par GE Healthcare Inc. Elle fait partie du groupe de sociétés GE Healthcare, actif dans plusieurs activités médicales et pharmaceutiques à travers le monde.

2 La requérante est le fabricant de l’omniscan (gadodiamide) et est titulaire des autorisations de mise sur le marché (ci-après les « AMM ») de ce produit dans quinze États membres.

3 L’omniscan est un produit de contraste à structure linéaire à base de gadolinium (ci-après le « gadolinium linéaire », par opposition aux produits de contraste également à base de gadolinium, mais à structure macrocyclique (ci-après le « gadolinium macrocyclique »). Il est administré par voie intraveineuse et est utilisé en tant qu’amplificateur de contraste, afin d’améliorer les images obtenues dans l’imagerie par résonance magnétique (ci-après l’« IRM ») et dans l’angiographie par résonance
magnétique. Les produits de contraste à base de gadolinium permettent d’améliorer la visualisation des tumeurs et des lésions chez les patients et d’optimiser la précision du diagnostic de maladies chroniques comme le cancer et les maladies cardiaques. Ils sont classés parmi les médicaments.

4 Dans le courant de l’année 2010, le comité des médicaments à usage humain (ci-après le « CHMP ») a constaté l’existence d’un lien entre les produits de contraste à base de gadolinium et les fibroses néphrogéniques systémiques chez les patients souffrant d’une insuffisance rénale sévère. Ce constat a conduit à l’adoption de mesures de gestion de ce risque. Ces mesures incluent des avertissements figurant dans les informations sur le produit, des restrictions à l’utilisation chez les patients
souffrant d’une insuffisance rénale et une contre-indication chez les patients ayant une insuffisance rénale grave ou aiguë.

5 Le 14 janvier 2016, a eu lieu une évaluation commune de documents rassemblant et analysant les effets indésirables provoqués par des médicaments, autrement dit de rapports périodiques actualisés relatifs à la sécurité (ci-après les « RPAS »). Lors de cette évaluation des RPAS consacrée aux produits de contraste à base de gadolinium, le comité pour l’évaluation des risques en matière de pharmacovigilance (ci-après le « PRAC ») a observé que des publications faisaient état d’une rétention du
gadolinium dans le corps humain, notamment dans le cerveau, mais qu’aucune conséquence clinique de cette rétention n’avait été identifiée jusqu’alors. À ce stade, le PRAC a estimé que la balance bénéfice-risque de l’omniscan demeurait positive. Néanmoins, le PRAC a recommandé d’ajouter l’accumulation et la rétention du gadolinium dans le cerveau dans le plan de gestion des risques et d’y préciser que la signification clinique de cette rétention était une information qui faisait défaut. Finalement,
le PRAC a suggéré que cette accumulation et ses conséquences cliniques fassent l’objet d’un examen approfondi.

6 Le 9 mars 2016, la Commission européenne a déclenché la saisine prévue à l’article 31 de la directive 2001/83, au motif qu’un réexamen des produits de contraste à base de gadolinium devrait permettre une évaluation plus approfondie des preuves de leur accumulation dans le cerveau. La Commission a ajouté qu’un tel examen devrait également permettre une réévaluation de la balance bénéfice-risque de ces produits, afin de déterminer si les AMM devaient être maintenues, modifiées, suspendues ou
retirées.

7 L’article 31, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2001/83 prévoit une procédure selon laquelle, « [d]ans des cas particuliers présentant un intérêt pour l’Union, les États membres, la Commission, le demandeur ou le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché saisissent le [CHMP] pour que la procédure visée aux articles 32, 33 et 34 soit appliquée avant qu’une décision ne soit prise sur la demande, la suspension ou le retrait de l’[AMM] ou sur toute autre modification de l’[AMM]
apparaissant nécessaire ». En outre, le deuxième alinéa de l’article 31, paragraphe 1, de la directive 2001/83 dispose que « [l]orsque la saisine résulte de l’évaluation des données relatives à la pharmacovigilance d’un médicament autorisé, le [PRAC] est saisi [...]. Le [PRAC] émet une recommandation [...]. La recommandation finale est transmise au [CHMP] ».

8 Au terme d’une première recommandation du 9 mars 2017, le PRAC a recommandé notamment la suspension de l’AMM de l’omniscan.

9 Le 20 mars 2017, la requérante a demandé le réexamen de la première recommandation du PRAC. Dans cette demande de réexamen, la requérante a fait valoir que cette première recommandation reposait sur des erreurs et des omissions, qu’il n’avait pas été fait une juste évaluation du rapport bénéfice-risque de l’omniscan et que le principe de précaution n’avait pas été appliqué correctement. La requérante a, par ailleurs, contesté la composition du groupe d’experts consulté par le PRAC. Enfin, la
requérante a considéré que la suspension de l’AMM de l’omniscan était disproportionnée au vu de la possibilité d’adopter d’autres mesures de minimisation des risques.

10 Le PRAC a formulé une seconde recommandation le 6 juillet 2017. Elle ne diffère guère de la première.

11 Le PRAC a ainsi admis que le gadolinium pouvait être détecté dans le cerveau après son administration. Il a également observé que les conséquences cliniques à long terme de sa rétention dans le cerveau restaient inconnues et que, même si aucun effet indésirable d’ordre neurologique n’avait encore été démontré comme découlant de cette accumulation, les données à long terme étaient limitées. Le PRAC a néanmoins considéré que l’absence ou l’insuffisance d’informations disponibles sur les effets du
gadolinium dans les études de cas ne pouvaient être considérées comme une preuve de l’absence de toxicité de ce produit dans le cerveau. Compte tenu notamment de données suggérant une déchélation des produits linéaires in vivo et des zones du cerveau touchées, le PRAC a considéré que des effets néfastes, tels des troubles de la motricité fine ou des troubles cognitifs, ainsi que des interactions potentielles avec des maladies étaient plausibles. Le PRAC a donc estimé que les préoccupations liées
au potentiel de lésions neurologiques associées à l’accumulation de gadolinium dans le cerveau étaient raisonnables et sérieuses. Néanmoins, le PRAC a émis l’opinion que, si les produits à base de gadolinium linéaire et macrocyclique avaient tous deux la capacité d’atteindre le cerveau, les produits linéaires y étaient retenus pendant un an ou plus, tandis que les produits macrocycliques ne montraient qu’une augmentation passagère de la concentration du gadolinium dans le cerveau et étaient
éliminés plus rapidement.

12 Par ailleurs, et alors que la requérante faisait valoir que l’omniscan bénéficiait d’une indication unique pour l’imagerie de perfusion myocardique dans quatre États membres en raison de l’intérêt spécifique qu’il présentait pour cette imagerie, le PRAC a contesté cet intérêt. Le PRAC a observé que l’omniscan bénéficiait également d’une indication pour une IRM du corps entier qui englobait l’imagerie du cœur, y compris l’imagerie de perfusion myocardique. Le PRAC a également rappelé que l’emploi
de produits de contraste à base de gadolinium étaient contre-indiqué chez les patients atteint d’insuffisance rénale grave ou aiguë, mais a constaté que, à la suite de l’introduction de mesures de minimisation des risques en 2010, aucun nouveau cas confirmé de fibrose néphrogénique systémique n’avait été observé. Le PRAC a encore fait état d’apparition de plaques cutanées à la suite de l’injection de gadolinium linéaire. Enfin, en ce qui concerne des réactions d’hypersensibilité, le PRAC a admis
que le résumé des caractéristiques de l’omniscan comprenait déjà des avertissements et des mesures de réduction des risques appropriés, mais a aussi relevé que les prétendues différences entre l’omniscan et les autres produits de contraste à base de gadolinium étaient, à cet égard, trop ténues pour influencer la balance bénéfice-risque.

13 Au vu de ce qui précède, en tenant compte de l’existence de produits de substitution et de l’existence de préoccupations graves en ce qui concerne de potentiels troubles neurologiques, ainsi que des risques déjà associés à l’utilisation de produits de contraste à base de gadolinium linéaire, y compris le risque significatif de fibrose néphrogénique systémique et d’apparition de plaques cutanées, le PRAC a considéré que les patients ne pouvaient supporter ces risques dans l’attente de preuves
scientifiques concluantes concernant les effets neurotoxiques à terme de l’omniscan et que l’avantage de ce produit en matière de contraste dans l’IRM ne l’emportait pas sur ces risques.

14 En définitive, le PRAC, dans sa seconde recommandation, a réitéré sa conclusion que le rapport bénéfice-risque des produits de contraste à base de gadolinium linéaire n’était plus favorable et que, sauf exceptions, leurs AMM devaient être suspendues, tandis que les AMM des produits macrocycliques devaient seulement être modifiées. Comme dans sa première recommandation, le PRAC a préconisé que cette suspension ne puisse être levée qu’à la condition que les titulaires d’AMM fournissent des données
indiquant soit l’existence de bénéfices importants sur le plan clinique qui n’étaient alors pas établis et qui l’emporteraient sur les risques associés au produit, soit que le produit ne conduisait pas à la rétention du gadolinium dans les tissus, y compris dans le cerveau.

15 La seconde recommandation du PRAC a été transmise au CHMP. Le CHMP a rendu son avis le 20 juillet 2017. Malgré des opinions divergentes des représentants de douze États membres et des représentants norvégiens et islandais, il y marque, en substance, son accord avec les recommandations du PRAC. En particulier, il y considère que la balance bénéfice-risque de l’omniscan n’est plus favorable..

16 Le CHMP s’est néanmoins écarté sur certains points de la seconde recommandation du PRAC.

17 Le CHMP n’a, tout d’abord, pas repris à son compte l’affirmation du PRAC selon laquelle les produits macrocycliques ne montrent qu’une augmentation passagère du gadolinium dans le cerveau et sont éliminés rapidement. Il a estimé qu’il était suffisant d’observer que « les mesures de gadolinium dans le cerveau [...] ont montré des différences entre les produits linéaires et macrocycliques en termes d’accumulation au fil du temps ».

18 Ensuite, étant donné la large utilisation du gadolinium et l’absence de données concernant les effets indésirables de son accumulation dans le cerveau, le CHMP a considéré que ces effets néfastes et les interactions potentielles de ce produit avec des maladies étaient « possibles » plutôt que « plausibles », car « plausible » impliquerait un risque de préjudice plus élevé.

19 Le CHMP a, enfin, estimé que le risque d’apparition de plaques cutanées associé par le PRAC à l’exposition au gadolinium linéaire ne reposait que sur un nombre limité de cas et qu’il ne pouvait, par conséquent, constituer un motif pertinent de suspension des AMM.

20 À la suite de l’avis du CHMP, la Commission a transmis son projet de décision au comité permanent des médicaments à usage humain le 1er septembre 2017, ouvrant ainsi un délai aux États membres pour faire valoir leurs observations. La République tchèque, l’Italie et la Pologne ont émis des objections à l’encontre de ce projet.

21 D’août à novembre 2017, la requérante et la Commission ont encore eu un échange de courriers au sujet de l’avis du CHMP.

22 Le 23 novembre 2017, la Commission a adopté la décision d’exécution C(2017) 7941 final, concernant, dans le cadre de l’article 31 de la directive 2001/83, les autorisations de mise sur le marché de produits de contraste contenant du gadolinium à usage humain qui contiennent une ou plusieurs des substances actives « acide gadobénique, gadobutrol, gadodiamide, acide gadopentétique, acide gadotérique, gadotéridol, gadoversétamide et acide gadoxétique » (ci-après la « décision attaquée »).

23 En vertu de l’article 3, premier alinéa, et de l’annexe IB de cette décision, les États membres doivent suspendre les AMM des produits de contraste à base de gadolinium linéaire, dont l’omniscan. Selon l’article 3, deuxième alinéa, et l’annexe IV de la même décision, la suspension des AMM ne peut être levée qu’à la condition que leur titulaire fournisse des données indiquant soit l’existence de bénéfices importants sur le plan clinique qui n’étaient pas établis et qui l’emportent sur les risques
associés au produit en cause, soit que ce produit n’est pas soumis à une déchélation significative et ne conduit pas à la rétention du gadolinium dans les tissus. Néanmoins, il résulte de l’article 3, troisième et cinquième alinéas, de la décision en question que les États membres peuvent reporter la suspension de l’AMM pour une période n’excédant pas douze mois, lorsqu’ils estiment que les médicaments concernés sont cruciaux.

24 Il ressort des considérants 4 et 5 de la décision attaquée que ses motifs doivent être trouvés dans l’évaluation scientifique du CHMP qui lui est jointe.

II. Procédure et conclusions des parties

25 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 1er décembre 2017, la requérante a introduit le présent recours.

26 Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 1er décembre 2017, la requérante a introduit une demande en référé. Cette demande a été rejetée par ordonnance du 11 juillet 2018, GE Healthcare/Commission (T‑783/17 R, EU:T:2018:503), et les dépens ont été réservés.

27 Le 20 février 2018, la Commission a déposé le mémoire en défense.

28 Le 17 avril 2018, la requérante a déposé la réplique.

29 Le 4 juin 2018, la Commission a déposé la duplique.

30 Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure.

31 Par courrier du 6 novembre 2018, le Tribunal a signifié à la Commission une mesure d’organisation de la procédure à laquelle celle-ci a répondu le 23 novembre suivant.

32 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 29 janvier 2019. Lors de cette audience, la requérante a confirmé que son recours était limité à l’annulation de la décision attaquée en tant qu’elle concerne l’omniscan.

33 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler la décision attaquée ;

– condamner la Commission aux dépens.

34 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours ;

– condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

A. Sur la question de savoir si le recours a pu être introduit au nom de tous les titulaires d’AMM de l’omniscan

35 Selon la Commission, dans sa requête, la requérante affirmerait agir non seulement en son nom propre, mais aussi au nom des autres titulaires d’AMM de l’omniscan faisant partie du groupe GE Healthcare. Dans ces conditions, elle fait observer que la requérante n’a fourni des éléments de preuve à cet égard qu’en annexe à sa réplique et donc tardivement, de sorte que le recours ne pourrait être étendu à ces autres titulaires. Au demeurant, la requérante ne serait pas directement concernée par la
suspension d’AMM détenues par d’autres sociétés.

36 La requérante rétorque qu’elle est directement et individuellement concernée par la décision attaquée, dans la mesure où celle-ci affecte les AMM pour l’omniscan détenues par d’autres sociétés du groupe GE Healthcare, ainsi que par deux autres sociétés distributrices à Chypre et en Allemagne, parce qu’elle est l’unique fabricant de ce produit et que cette décision l’empêche de le mettre sur le marché. Elle produit, en outre, en annexe à sa réplique, des documents émanant de ces sociétés
établissant qu’elle agit également en leur nom. Enfin, en réponse à une question du Tribunal lors de l’audience, la requérante a confirmé qu’elle agissait au nom de tous les titulaires d’AMM de l’omniscan, ce dont il a été pris acte au procès-verbal d’audience.

37 À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 76, premier alinéa, sous a), du règlement de procédure du Tribunal, la requête doit contenir l’indication du nom et du domicile de la partie requérante.

38 Or, la requête n’a, en l’espèce, été expressément introduite qu’au nom de la requérante. De plus, le mandat joint à la requête et délivré aux conseils de la requérante n’a été établi que par celle-ci et en son seul nom. En outre, la circonstance que, afin d’établir la recevabilité de son recours, la requérante ait indiqué incidemment dans sa requête que la décision attaquée portait également atteinte aux intérêts de sa société mère et des autres sociétés du groupe GE Healthcare ne saurait établir
qu’elle agissait non seulement en son nom propre, mais aussi au nom et pour le compte d’autres entités, au demeurant non identifiées dans l’acte introductif d’instance. Dans ces conditions, la requête doit être regardée comme ayant été introduite uniquement au nom de la requérante.

39 La communication, au stade de la réplique, de documents rédigés en cours de procédure et attestant que la requérante agit également au nom d’autres sociétés ne saurait modifier la portée du recours. Elle ne saurait non plus, comme le plaide vainement la requérante, être considérée comme une précision de la position adoptée dans la requête, comme un affinement de l’argumentation qui y est développée ou comme une réponse à des éléments nouveaux. Donner effet à une telle communication, d’une part,
méconnaîtrait l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’article 76, premier alinéa, sous a), du règlement de procédure, ainsi que la nature de la réplique et, d’autre part, permettrait de contourner les règles de l’intervention prévues aux articles 142 à 144 dudit règlement.

40 Par conséquent, sans qu’il soit besoin de s’interroger sur la capacité de la requérante de représenter d’autres sociétés devant le Tribunal, il y a lieu de considérer que le recours a été introduit en son seul nom.

B. Sur les moyens

41 À l’appui de son recours, la requérante invoque cinq moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 116 de la directive 2001/83, le deuxième, de la méconnaissance du principe de précaution, le troisième, de la violation du principe d’égalité de traitement et de non-discrimination, le quatrième, de la méconnaissance du principe de proportionnalité et, le cinquième, de la violation du principe de bonne administration.

42 En réponse à une question du Tribunal posée lors de l’audience, la requérante a marqué son accord sur le fait que les deux premiers moyens sont liés. Il y a, par conséquent, lieu de les examiner ensemble.

1.   Sur les premier et deuxième moyens, tirés respectivement de la violation de l’article 116 de la directive 2001/83 et du principe de précaution

a)   Remarques liminaires

43 La requérante invoquant notamment l’article 116 de la directive 2001/83, il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que cet article dispose que les autorités compétentes suspendent, retirent ou modifient une AMM lorsqu’il est considéré que le médicament est nocif, que l’effet thérapeutique fait défaut, que le rapport bénéfice-risque n’est pas favorable ou que le médicament n’a pas la composition qualitative et quantitative déclarée.

44 Ces conditions de modification, de suspension ou de retrait d’une AMM sont alternatives et non cumulatives (arrêt du 11 décembre 2014, PP Nature-Balance Lizenz/Commission, T‑189/13, non publié, EU:T:2014:1056, point 41). Elles doivent, en outre, être interprétées conformément au principe général dégagé par la jurisprudence, selon lequel la protection de la santé publique doit incontestablement se voir reconnaître une importance prépondérante par rapport aux considérations économiques (arrêt du
19 avril 2012, Artegodan/Commission, C‑221/10 P, EU:C:2012:216, point 99).

45 Par ailleurs, le principe de précaution, qui constitue un principe général du droit de l’Union, habilite en cas d’incertitude les autorités compétentes à prendre des mesures appropriées en vue de prévenir certains risques potentiels pour la santé publique, la sécurité et l’environnement sans avoir à attendre que la réalité et la gravité de ces risques soient pleinement démontrées (voir, en ce sens, arrêt du 10 avril 2014, Acino/Commission, C‑269/13 P, EU:C:2014:255, point 57 et jurisprudence
citée).

46 Par conséquent, conformément au principe de précaution, les risques pour la santé que les motifs mentionnés à l’article 116, premier alinéa, de la directive 2001/83 ont pour but de prévenir doivent revêtir non pas un caractère concret, mais seulement un caractère potentiel (voir, en ce sens, arrêts du 10 avril 2014, Acino/Commission, C‑269/13 P, EU:C:2014:255, point 59, et du 3 décembre 2015, PP Nature-Balance Lizenz/Commission, C‑82/15 P, non publié, EU:C:2015:796, point 23).

47 Dans ce système, l’article 116, premier alinéa, de la directive 2001/83 confère des droits aux entreprises titulaires d’AMM, puisqu’il leur garantit le maintien des AMM tant que l’existence de l’une des conditions pour les modifier, les suspendre ou les retirer n’est pas établie (voir, en ce sens, arrêt du 19 avril 2012, Artegodan/Commission, C‑221/10 P, EU:C:2012:216, point 96). Il s’ensuit, en ce qui concerne la charge de la preuve, que c’est à l’autorité compétente, en l’espèce la Commission,
qu’il incombe d’établir que les conditions relatives au retrait, à la suspension ou à la modification d’une AMM, énoncées par l’article 116 de la directive 2001/83, sont remplies (arrêt du 7 mars 2013, Acino/Commission, T‑539/10, non publié, EU:T:2013:110, point 79).

48 Compte tenu du principe de précaution, la Commission peut néanmoins se limiter à fournir des indices sérieux et concluants qui, sans écarter l’incertitude scientifique, permettent raisonnablement de douter de l’innocuité du médicament concerné, de son effet thérapeutique, de l’existence d’un rapport bénéfice-risque favorable ou de la composition qualitative et quantitative déclarée (arrêts du 3 décembre 2015, PP Nature-Balance Lizenz/Commission, C‑82/15 P, non publié, EU:C:2015:796, point 23, et
du 7 mars 2013, Acino/Commission, T‑539/10, non publié, EU:T:2013:110, point 66).

49 Toutefois, l’adoption d’une décision de modification, de suspension ou de retrait d’une AMM d’un médicament n’est justifiée que si cette décision est étayée par des données scientifiques ou médicales objectives et nouvelles (arrêts du 26 novembre 2002, Artegodan e.a./Commission, T‑74/00, T‑76/00, T‑83/00 à T‑85/00, T‑132/00, T‑137/00 et T‑141/00, EU:T:2002:283, points 174, 177 et 191 à 194, et du 11 décembre 2014, PP Nature-Balance Lizenz/Commission, T‑189/13, non publié, EU:T:2014:1056,
points 44 et 75).

50 À cet égard, l’autorité compétente est tenue d’indiquer les principaux rapports et expertises scientifiques sur lesquels elle s’appuie et de préciser, en cas de divergence significative, les raisons pour lesquelles elle s’écarte des conclusions des rapports ou des expertises produits par les entreprises concernées. Cette obligation s’impose tout spécialement en cas d’incertitude scientifique. Il s’agit de procéder de manière contradictoire et transparente, afin de garantir que la substance
considérée a fait l’objet d’une évaluation scientifique approfondie et objective, fondée sur une confrontation des thèses scientifiques les plus représentatives et des positions scientifiques avancées par les laboratoires pharmaceutiques concernés (voir, en ce sens, arrêts du 26 novembre 2002, Artegodan e.a./Commission, T‑74/00, T‑76/00, T‑83/00 à T‑85/00, T‑132/00, T‑137/00 et T‑141/00, EU:T:2002:283, point 200, et du 11 décembre 2014, PP Nature-Balance Lizenz/Commission, T‑189/13, non publié,
EU:T:2014:1056, point 52).

51 Cela étant, il y a lieu de rappeler, comme l’a admis la requérante à l’audience, que le Tribunal ne saurait substituer sa propre appréciation à celle du PRAC et du CHMP. Son contrôle juridictionnel s’exerce seulement sur la régularité de leur fonctionnement, ainsi que sur la cohérence interne et la motivation de la recommandation du PRAC et de l’avis du CHMP. Sous ce dernier aspect, le juge est uniquement habilité à vérifier si la recommandation et l’avis contiennent une motivation permettant
d’apprécier les considérations sur lesquelles ils sont fondés et s’ils établissent entre les constatations médicales ou scientifiques et les conclusions qu’ils comportent un lien compréhensible (voir, en ce sens, arrêt du 11 décembre 2014, PP Nature-Balance Lizenz/Commission, T‑189/13, non publié, EU:T:2014:1056, point 52).

52 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’apprécier les arguments de la requérante. Ceux-ci portent sur l’appréciation à la base de la décision attaquée tant des risques que des bénéfices du gadolinium linéaire et de l’omniscan en particulier.

b)   Sur l’appréciation des risques du gadolinium linéaire et de l’omniscan en particulier

53 La requérante critique, tout d’abord, l’appréciation des risques d’effets indésirables d’ordre neurologique liés à l’utilisation du gadolinium linéaire, puis l’appréciation des autres risques liés à cette utilisation. Elle expose, dans ce cadre, que le principe de précaution requiert qu’un risque pour la santé publique ait un caractère plausible et non pas purement hypothétique ou théorique. Or, ce caractère plausible ne ressortirait pas de l’analyse à la base de la décision attaquée.

1) Sur les risques d’ordre neurologique

54 S’agissant des risques d’ordre neurologique, la requérante conteste successivement l’appréciation du PRAC et celle du CHMP.

i) Sur l’appréciation du PRAC

55 La requérante estime qu’aucun élément de preuve nouveau n’étaye l’appréciation du PRAC selon laquelle l’omniscan ferait courir aux patients des risques d’ordre neurologique et que celui-ci a irrégulièrement renversé la charge de la preuve qui lui incombait à cet égard.

– Quant à l’absence de preuve nouvelle

56 La requérante fait valoir que le principe de précaution n’exonère pas l’autorité de son obligation de fournir des indices sérieux et concluants permettant de douter de l’innocuité ou de l’efficacité du médicament en cause. En particulier, postérieurement à l’octroi d’une AMM, la charge de la preuve pèserait sur l’autorité et celle-ci ne pourrait suspendre une AMM que sur la base de données nouvelles et non sur la base d’une simple réévaluation des risques déjà examinés précédemment.

57 Or, en l’espèce, il n’existerait aucune preuve solide, convaincante et nouvelle de ce qu’un risque de lésion neurologique résulterait pour les patients de l’utilisation du gadolinium linéaire et de son accumulation dans le cerveau. Les études sur la rétention du gadolinium dans l’organisme et sa toxicité auraient déjà été disponibles au moment de la procédure d’évaluation unique des rapports périodiques actualisés de sécurité. Le PRAC les aurait déjà examinées à ce moment et aurait conclu que, en
l’absence de preuve d’un préjudice, le rapport bénéfice-risque de l’omniscan demeurait favorable. Les données plus récentes n’auraient pas fait progresser les connaissances, sauf en ce qu’elles auraient révélé une persistance du gadolinium macrocyclique dans le cerveau et son élimination seulement partielle. De plus, une étude de la clinique M. aux États-Unis établirait que des troubles cognitifs ou d’autres troubles neurologiques ne pourraient être associés à l’omniscan.

58 Cette argumentation de la requérante n’emporte cependant pas la conviction.

59 Tout d’abord, selon la jurisprudence citée aux points 45, 48 et 49 ci-dessus, conformément au principe de précaution, la suspension d’une AMM ne doit pas être fondée sur des preuves solides et convaincantes comme le soutient la requérante. Il suffit qu’elle repose sur des indices sérieux et concluants, résultant de données scientifiques ou médicales nouvelles, n’écartant pas nécessairement toute incertitude scientifique, pour autant qu’ils fassent raisonnablement douter, notamment, de l’existence
d’un rapport bénéfice-risque favorable.

60 Ensuite, il convient d’observer que, selon l’article 107 sexies, paragraphes 2 et 3, de la directive 2001/83, la procédure d’évaluation unique des RPAS comporte l’établissement d’un rapport par un rapporteur dans les 60 jours de la réception du RPAS, la possibilité pour les États membres et le titulaire de l’AMM de faire valoir leurs observations dans les 30 jours suivant la réception du rapport par ceux-ci, l’actualisation dudit rapport par le rapporteur dans les quinze jours qui suivent la
réception desdites observations et l’adoption par le PRAC du rapport final et d’une recommandation lors de la réunion suivant cette actualisation. La procédure d’évaluation unique des RPAS implique ainsi une analyse critique du rapport bénéfice-risque d’un produit médicamenteux qui tienne compte de toute information nouvelle sur le médicament et qui peut conduire à la modification, à la suspension ou au retrait de l’AMM. Toutefois, cette procédure demeure relativement concise. Aussi, une analyse
scientifique plus approfondie peut s’avérer nécessaire et requérir l’ouverture d’une autre procédure, telle celle qui est prévue aux articles 31 et 32 de la directive 2001/83. En substance, cette procédure, plus complexe, comporte l’établissement d’un rapport préliminaire par un ou deux rapporteurs, comme en l’espèce, l’envoi de ce rapport pour observations aux titulaires d’AMM et aux États membres, l’établissement, au vu de ces observations, d’un rapport actualisé, l’adoption d’une
recommandation par le PRAC, le tout dans un délai de 150 jours, la possibilité pour les titulaires d’AMM de demander un réexamen, la possibilité de réunir des experts, l’adoption d’une nouvelle recommandation par le PRAC, la communication de cette nouvelle recommandation au CHMP, l’adoption, par celui-ci, d’un avis et sa communication à la Commission, aux titulaires d’AMM et aux États membres, avant que celle-ci prenne une décision.

61 Or, au vu de données récentes, le PRAC a estimé, dans le cadre de la procédure d’évaluation unique des RPAS, que la balance bénéfice-risque de l’omniscan demeurait positive, mais aussi que la signification clinique de la rétention du gadolinium dans le cerveau était une information qui faisait défaut et que cette rétention, ainsi ses conséquences cliniques, nécessiteraient un examen approfondi. Cette suggestion a amené la Commission à ouvrir la procédure au titre de l’article 31 de la directive
2001/83, qui a abouti à la décision attaquée.

62 Dans ces circonstances, les données disponibles au stade de la procédure d’évaluation unique des RPAS ne sauraient être considérées comme étant des données déjà pleinement appréciées et non susceptibles de justifier une suspension de l’AMM de l’omniscan à la suite de la procédure litigieuse.

63 En tout état de cause, il ressort de la seconde recommandation du PRAC que celui-ci s’est notamment fondé sur une cinquantaine d’études publiées en 2016 et en 2017, c’est-à-dire postérieurement à la procédure d’évaluation unique des RPAS.

64 Il est vrai que le PRAC a aussi tiré argument, dans sa seconde recommandation, du fait, déjà avéré depuis 2010, que les produits de contraste à base de gadolinium linéaires ont été associés à un risque important de fibroses néphrogéniques systémiques. Toutefois, cette constatation ne constitue pas le motif déterminant de la seconde recommandation du PRAC et de la décision attaquée. Comme le plaide la Commission, ce risque a été utilisé comme exemple d’effet indésirable de la libération du
gadolinium linéaire dans les tissus et de son accumulation ultérieure, renforçant la crainte que le gadolinium libéré dans le cerveau puisse également avoir un effet toxique. Or, des données déjà connues antérieurement peuvent être prises en compte sans violer le principe de précaution et l’article 116 de la directive 2001/83, dans la mesure où elles sont seulement utilisées pour corroborer l’opinion que l’autorité se forge sur la base de nouvelles données.

65 Au vu de ce qui précède, il y a lieu d’admettre que la seconde recommandation du PRAC était fondée sur des données scientifiques ou médicales nouvelles.

– Quant au renversement de la charge de la preuve

66 La requérante fait grief au PRAC d’avoir fondé sa seconde recommandation sur le fait que l’absence ou l’insuffisance de données ne pouvait être considérée comme une preuve de l’absence de risque d’effet neurologique indésirable lié à la rétention de gadolinium dans le cerveau. Le PRAC lui aurait ainsi transféré irrégulièrement la charge de la preuve qui incombe aux autorités compétentes.

67 Après avoir examiné les données observationnelles disponibles, le PRAC a estimé que, bien que les conséquences cliniques de la rétention du gadolinium dans le cerveau étaient inconnues ou demeuraient obscures, l’absence ou l’insuffisance de données résultant des rapports de cas ne pouvaient être considérées comme une preuve de l’absence de risque d’effet neurologique indésirable.

68 La recommandation du PRAC ne saurait, toutefois, être réduite à cette seule affirmation.

69 Le PRAC s’est, tout d’abord, fondé sur des études montrant que le gadolinium, qu’il soit linéaire ou macrocyclique, a la capacité de traverser la barrière hémato-encéphalique et d’atteindre le cerveau.

70 Le PRAC a ensuite cité des auteurs faisant état de ce que les produits de contraste à base de gadolinium linéaire libèrent davantage de gadolinium dans leur environnement tissulaire que les produits macrocycliques en raison de leur stabilité inférieure et ont donc davantage tendance à s’y accumuler. Il a ainsi été observé que les produits linéaires sont retenus dans le cerveau à un taux dix fois plus important que les produits macrocycliques et qu’ils y restent présents pendant une période
pouvant aller jusqu’à un an, et même plus.

71 Le PRAC a également relevé que, malgré une large utilisation du gadolinium, il n’y avait pas d’étude démontrant des signes cliniques de neurotoxicité consécutifs à une exposition au gadolinium au-delà de 50 semaines après son injection par voie intraveineuse ni de signes histopathologiques au-delà d’une certaine concentration. Néanmoins, le PRAC a attiré l’attention sur le fait que les données sur les effets à long terme de la rétention du gadolinium dans le cerveau étaient encore limitées et que
les effets indésirables susceptibles d’être associés à cette accumulation pouvaient être retardés et subtils et leur notification spontanée soumise à divers aléas. En particulier, le PRAC a pris en considération l’étude de la clinique M. produite par la requérante à l’appui de son produit, mais l’a écartée, notamment parce que ses résultats étaient limités par la taille de l’échantillon de patients pris en considération, par le suivi relativement court des effets potentiels à long terme et par un
manque d’information détaillée sur les méthodes statistiques utilisées et leur fiabilité. De même, le PRAC a estimé que les études fondées sur des expériences menées sur des animaux sains ayant reçu des doses de gadolinium par intraveineuse ne pouvaient être considérées comme couvrant la variable des maladies susceptibles d’être rencontrées chez l’homme, lesquelles pourraient être exacerbées par la rétention du gadolinium dans le cerveau. Par ailleurs, le PRAC a relevé quelques autres études qui
suggèrent un lien entre une exposition au gadolinium et divers effets indésirables, tels que des maux de tête, des troubles de la vision ou de l’audition, des symptômes digestifs, respiratoires ou musculosquelettiques ou encore des troubles de la motricité fine ou des difficultés cognitives en fonction des zones du cerveau affectées par l’accumulation du gadolinium et sa déchélation. Le PRAC a également rappelé que la toxicité du gadolinium avait été mise en évidence dans les cas où il avait été
injecté directement dans le système nerveux central de rats, en ce qu’il provoque des modifications morphologiques et comportementales en fonction de la dose reçue. Enfin, ainsi que cela a déjà été exposé, le PRAC a rappelé, comme preuve de la toxicité de la présence du gadolinium linéaire dans les tissus, que celui-ci a été associé à un risque important de fibroses néphrogéniques systémiques.

72 Le PRAC s’est finalement fondé sur les conclusions d’un groupe d’experts qu’il avait mandaté et qui a lui-même conclu, d’une part, à l’accumulation du gadolinium linéaire dans le cerveau en raison de sa propension à se déchélater et, d’autre part, au fait que cette accumulation pourrait, de manière plausible, avoir des effets indésirables.

73 Force est de constater que le PRAC s’est ainsi fondé sur une appréciation de données scientifiques ou médicales objectives qui n’écartent certes pas toute incertitude scientifique, mais qui pouvaient néanmoins constituer des indices sérieux et concluants, d’une part, de l’accumulation du gadolinium linéaire dans le cerveau dans une proportion et pour une durée plus importantes que le gadolinium macrocyclique et, d’autre part, de potentiels effets toxiques de cette accumulation.

74 Dans ces circonstances, le PRAC a pu, sans renverser la charge de la preuve, considérer que l’absence ou l’insuffisance de données provenant des rapports de cas ne pouvait être considérée comme une preuve d’une absence de risque d’effet neurologique indésirable, dès lors qu’il disposait d’éléments suscitant des doutes raisonnables à cet égard.

75 Les griefs que la requérante invoque à l’encontre de l’appréciation, par le PRAC, des risques d’effets neurotoxiques liés à la rétention du gadolinium dans le cerveau ne sont donc pas fondés.

ii) Sur l’appréciation du CHMP

76 La requérante soutient en substance que le CHMP n’a pas procédé, pour l’essentiel, à sa propre évaluation et que, en tout état de cause, en s’écartant de certaines appréciations du PRAC, il a mis à mal la recommandation de celui-ci.

– Quant au fait que le CHMP n’aurait pas procédé à sa propre évaluation

77 La requérante fait valoir, s’agissant des effets indésirables d’ordre neurologique, que, dans son avis, le CHMP a marqué, en substance, son accord sur la seconde recommandation du PRAC sans avoir procédé à sa propre appréciation.

78 Il y a cependant lieu de rappeler que ce n’est qu’en présence d’un faisceau d’indices suffisamment concordants, venant étayer l’argumentation de la partie requérante relative à l’absence d’un véritable examen, qu’il incombe à l’autorité de rapporter la preuve d’un tel examen (voir, en ce sens, arrêt du 28 septembre 2004, Tenreiro/Commission, T‑216/03, EU:T:2004:276, point 59).

79 Or, le fait que le CHMP a largement partagé l’opinion du PRAC ne signifie pas qu’il n’aurait pas procédé à sa propre appréciation des données médicales ou scientifiques disponibles. Il en va d’autant plus ainsi que les titulaires d’AMM ont pu faire valoir leur position devant le CHMP le 18 juillet 2017 et que, après avoir exposé le contenu de la seconde recommandation du PRAC et avoir indiqué qu’il était d’accord dans son ensemble avec les conclusions de celui-ci, le CHMP les a nuancées avant de
fournir ses propres conclusions. Enfin, les opinions divergentes des représentants de douze États membres et des représentants norvégiens et islandais, jointes à l’avis du CHMP, révèlent l’existence d’une discussion au sein de celui-ci.

80 Il n’est donc pas établi que le CHMP n’aurait pas procédé à sa propre évaluation des risques neurologiques susceptibles de résulter d’une exposition au gadolinium.

– Quant au fait que le CHMP se serait écarté de certaines appréciations du PRAC

81 La requérante fait observer que le CHMP s’est écarté de certaines appréciations du PRAC, dont il aurait ainsi « mis à mal » la recommandation. Il s’ensuivrait, selon la requérante, que les éléments à la base de son propre avis et de la décision attaquée ne seraient ni solides ni convaincants.

82 La requérante relève, en premier lieu, que, en ce qui concerne le fait qu’il conviendrait de distinguer les produits de contraste à base de gadolinium linéaire de ceux à base de gadolinium macrocyclique, le CHMP a estimé nécessaire de corriger l’affirmation du PRAC selon laquelle « les produits macrocycliques n’indiquent qu’une augmentation passagère du [gadolinium] dans le cerveau et sont éliminés rapidement ». Le CHMP aurait estimé suffisant de constater que « les mesures de gadolinium dans le
cerveau sur des périodes plus longues ont montré des différences entre les produits linéaires et macrocycliques en termes d’accumulation au fil du temps ».

83 Toutefois, la nuance ainsi apportée par le CHMP ne remet pas en cause la constatation que le gadolinium linéaire se déchélate davantage que le gadolinium macrocyclique et qu’il est retenu plus longtemps dans le cerveau. Or, c’est sur la base, notamment, de ces constatations que le PRAC et le CHMP ont distingué les produits de contraste en fonction de leur appartenance à ces deux types de gadolinium et que la Commission a suspendu, sauf exceptions, les AMM des uns et non des autres. Partant,
contrairement à ce que prétend la requérante, la formulation différente adoptée par le CHMP n’est pas de nature à fragiliser les motifs soutenant la décision attaquée.

84 La requérante fait observer, en second lieu, que, dans son avis, le CHMP a estimé qu’il ne pouvait être soutenu, comme l’avait fait le PRAC, que les effets néfastes et les interactions potentielles du gadolinium avec des maladies étaient « plausibles ». La requérante constate également que le CHMP a estimé préférable d’employer l’adjectif « possible » plutôt que l’adjectif « plausible », parce que « plausible » impliquait « un potentiel de dommage plus important ». Elle relève que, pour la même
raison, le CHMP a considéré qu’il convenait d’omettre le terme « encore » de la conclusion du PRAC selon laquelle « aucun effet neurologique indésirable, tel que des troubles cognitifs ou moteurs, [n’a] encore été démontré comme découlant de l’accumulation de gadolinium dans le cerveau ».

85 Au vu des quelques 300 millions de doses de produits de contraste à base de gadolinium administrées depuis 1988 et de l’absence de données concernant les effets de son accumulation dans le cerveau, la requérante soutient que le CHMP a ainsi désavoué la thèse du PRAC qui est à la base de la décision attaquée.

86 Il convient, toutefois, de rappeler que, pour justifier l’adoption d’une mesure au titre de l’article 116 de la directive 2001/83, un risque potentiel suffit (voir point 46 ci-dessus). De plus, contrairement à ce que soutient la requérante, la suspension d’une AMM ne doit pas nécessairement être fondée sur des preuves solides et convaincantes, elle peut reposer seulement sur des indices sérieux et concluants, quand bien même ils n’écarteraient pas toute incertitude scientifique (voir point 59
ci-dessus).

87 Par ailleurs, ainsi que cela a déjà été exposé (voir point 45 ci-dessus), le principe de précaution habilite en cas d’incertitude les autorités compétentes à prendre des mesures appropriées en vue de prévenir certains risques potentiels pour la santé publique, la sécurité et l’environnement sans avoir à attendre que la réalité et la gravité de ces risques soient pleinement démontrées.

88 De plus, si, comme le soutient la requérante, l’évaluation du risque ne peut se fonder sur des considérations purement hypothétiques, la Cour a, toutefois, admis que le principe de précaution justifiait l’adoption de mesures restrictives, même lorsqu’il s’avère impossible de déterminer avec certitude l’existence ou la portée du risque allégué, en raison de la nature insuffisante, non concluante ou imprécise des résultats des études menées, mais que la probabilité d’un dommage réel pour la santé
publique persiste dans l’hypothèse où le risque se réaliserait (arrêts du 10 avril 2014, Acino/Commission, C‑269/13 P, EU:C:2014:255, point 58, et du 3 décembre 2015, PP Nature-Balance Lizenz/Commission, C‑82/15 P, non publié, EU:C:2015:796, point 22).

89 Or, en l’espèce, le CHMP n’a pas fondamentalement contesté l’existence d’un risque en apportant les deux nuances susmentionnées à la seconde recommandation du PRAC. Le CHMP, comme le PRAC avant lui, a certes concédé qu’aucun effet indésirable n’avait été prouvé chez l’homme comme ayant été causé par l’accumulation du gadolinium dans le cerveau, malgré le fait que celui-ci a été largement utilisé. Néanmoins, le CHMP n’a pas remis en cause le point de vue du PRAC selon lequel, premièrement, les
données de sécurité à long terme étaient limitées, deuxièmement, les effets indésirables susceptibles d’être associés à cette accumulation pouvaient être retardés et subtils, et, troisièmement, la notification spontanée d’effets indésirables était soumise à divers aléas. Tout en reconnaissant que des effets neurologiques indésirables, tels que des troubles cognitifs ou moteurs, n’avaient pas été démontrés, le CHMP a admis l’existence d’un risque d’effet indésirable et d’interaction avec des
maladies au vu des données indiquant que les agents linéaires se déchélatent in vivo et des données non cliniques révélant la toxicité du gadolinium déchélaté.

90 Surabondamment, il y a lieu d’admettre, comme le fait valoir la Commission dans ses écrits de procédure, que l’utilisation, par le CHMP, de l’adjectif « possible » plutôt que de l’adjectif « plausible » employé par le PRAC a eu pour but d’éviter de créer un état d’anxiété chez les patients et non de se départir, sur le fond, de la position de ce dernier, puisque le CHMP a entériné sa recommandation de suspendre les AMM des produits de contraste à base de gadolinium linéaire.

91 Au vu de l’ensemble des motifs ci-dessus, la substitution par le CHMP du terme « possible » à l’adjectif « plausible » et sa suppression de l’adverbe « encore » dans la recommandation du PRAC ne sauraient être regardées comme étant significatives pour l’application de l’article 116 de la directive 2001/83 et du principe de précaution. Elles ne sont ainsi pas de nature à affecter la légalité de la décision attaquée.

2) Sur les risques autres que ceux d’ordre neurologique

92 S’agissant des risques autres que ceux d’ordre neurologique liés à l’utilisation du gadolinium comme produit de contraste, la requérante fait observer que le CHMP s’est départi de l’affirmation du PRAC selon laquelle l’apparition de plaques cutanées serait le résultat d’une exposition au gadolinium linéaire, au motif que cette affirmation reposait sur un nombre limité de cas. La requérante soutient également que le fait que le gadolinium puisse entraîner une fibrose néphrogénique systémique chez
des patients souffrant d’une insuffisance rénale sévère ne suffit pas à valider la conclusion selon laquelle la balance du rapport bénéfice-risque est défavorable à l’omniscan, cela parce que le CHMP avait déjà conclu en 2010 que le risque de fibrose néphrogénique systémique était suffisamment pris en compte et neutralisé par des avertissements et par des restrictions à l’utilisation, parce que cet avis a été confirmé six ans plus tard par le PRAC dans le cadre de la procédure d’évaluation unique
des RPAS et parce que, ainsi que cela a déjà été exposé, le principe de précaution ne peut être mis en œuvre pour suspendre une AMM qu’en présence de données nouvelles, inexistantes en l’espèce. Il s’ensuivrait que les effets indésirables autres que ceux d’ordre neurologique ne pouvaient constituer un motif pertinent de suspension de l’AMM de l’omniscan.

93 Toutefois, dans la seconde recommandation du PRAC, le risque d’apparition de plaques cutanées à la suite d’une exposition au gadolinium constitue un motif d’importance secondaire. De plus, la décision attaquée puise ses motifs dans l’avis du CHMP et non dans la recommandation du PRAC. Or, cet avis est lui-même essentiellement fondé sur l’accumulation du gadolinium linéaire dans le cerveau et sur le risque d’effet neurotoxique que cette accumulation peut avoir. Aussi, le fait que le CHMP n’a pas
repris à son compte l’opinion du PRAC concernant le risque d’apparition de plaques cutanées ne saurait affecter la légalité de ladite décision.

94 Quant au risque de fibrose néphrogénique systémique, il est seulement invoqué en tant qu’il corrobore la toxicité du gadolinium dans les tissus et ne constitue pas davantage un motif déterminant de la décision attaquée. De surcroît, il a déjà été exposé (voir point 64 ci-dessus) que des données connues antérieurement peuvent être prises en compte sans violer le principe de précaution et l’article 116 de la directive 2001/83, lorsqu’elles sont seulement utilisées, comme en l’espèce, pour renforcer
l’opinion que l’autorité se forge sur la base de données nouvelles.

95 Au vu de ce qui précède, les griefs soulevés par la requérante relativement aux risques autres que neurologiques ne sont pas de nature à entacher la décision attaquée d’illégalité.

c)   Sur l’appréciation des bénéfices du gadolinium linéaire et de l’omniscan en particulier

96 La requérante fait valoir qu’il incombait aux autorités compétentes de tenir compte des bénéfices que l’omniscan apporte pour l’imagerie de perfusion myocardique et en matière de réactions d’hypersensibilité.

1) Sur le bénéfice de l’omniscan pour l’imagerie de perfusion myocardique

i) Sur les arguments d’ordre médical

97 La requérante soutient que l’omniscan présente un avantage spécifique par rapport à d’autres produits de contraste pour l’imagerie de perfusion myocardique, mais que le PRAC a négligé cet avantage en affirmant, dans sa seconde recommandation, que l’indication pour une IRM du corps entier, dont bénéficient la plupart des autres produits à base de gadolinium, englobe l’imagerie du cœur, y compris l’imagerie de perfusion myocardique.

98 Or, il existerait des différences importantes entre une IRM du corps entier et une imagerie de perfusion myocardique, laquelle serait plus précise et plus efficace pour identifier les personnes présentant un risque de déclencher un accident cardiaque, pour gérer les patients et pour prévenir d’éventuelles issues fatales. De plus, les posologies et les instructions d’administration seraient différentes pour une IRM du corps entier et une imagerie de perfusion myocardique. Par conséquent,
l’affirmation du PRAC selon laquelle l’indication pour une IRM du corps entier englobe l’imagerie du cœur conduirait à demander aux médecins d’ignorer les AMM délivrées par les États membres qui ont expressément autorisé l’omniscan comme unique produit de contraste à base de gadolinium pour l’imagerie de perfusion myocardique. Pourtant, la décision de prescrire en dehors des indications incomberait au seul médecin prescripteur.

99 Il y a cependant lieu d’observer que la requérante fonde son argumentation relative à l’avantage de l’omniscan pour l’imagerie de perfusion myocardique sur des considérations d’ordre médical, que la Commission conteste par des arguments du même ordre, ainsi que sur de la littérature scientifique. Or, comme cela a déjà été rappelé (voir point 51 ci-dessus), le Tribunal ne peut substituer sa propre appréciation à celle du PRAC et du CHMP et son contrôle s’exerce seulement sur la régularité de leur
fonctionnement, ainsi que sur la cohérence interne et la motivation de leurs recommandation et avis. Par conséquent, le Tribunal ne peut examiner le bien-fondé éventuel des affirmations de la requérante.

100 Partant, le Tribunal ne peut davantage se prononcer sur l’argument de la requérante selon lequel la position adoptée par le PRAC et le CHMP en ce qui concerne l’imagerie de perfusion myocardique conduirait à demander aux médecins d’ignorer les AMM délivrées par les États membres qui ont expressément autorisé l’omniscan comme produit de contraste à base de gadolinium pour cette imagerie. En effet, cet argument de la requérante part du postulat, sur lequel le Tribunal ne peut se prononcer, que
l’indication pour l’imagerie de perfusion myocardique serait autonome et ne pourrait être considérée comme un sous-ensemble de l’indication pour le corps entier.

101 En tout état de cause, la Commission souligne à juste titre que lorsqu’un comité, tel que le PRAC ou le CHMP, est saisi de questions présentant un intérêt pour l’Union, dans le cadre de la procédure prévue à l’article 31, paragraphe 1, de la directive 2001/83, il incombe à ce comité de réaliser, à l’échelle européenne, sa propre évaluation du médicament concerné, laquelle est indépendante de l’évaluation des autorités nationales qui ne saurait lui être opposée (voir, en ce sens, arrêt du
3 décembre 2015, PP Nature-Balance Lizenz/Commission, C‑82/15 P, non publié, EU:C:2015:796, points 36 et 37).

ii) Sur les arguments autres que ceux d’ordre médical

102 Après avoir fait valoir des arguments appelant une appréciation d’ordre scientifique, la requérante fait état d’autres griefs portant sur le respect de lignes directrices, sur une méconnaissance de l’obligation de procéder à un examen complet, ainsi que sur une erreur de fait qu’il incombe au Tribunal d’examiner.

– Quant à l’avantage de l’omniscan pour l’imagerie de perfusion myocardique

103 La requérante fait valoir, en premier lieu, qu’en négligeant l’importance de l’indication de l’omniscan dans l’imagerie de perfusion myocardique, le PRAC et le CHMP ont méconnu les lignes directrices de bonnes pratiques en matière de pharmacovigilance, selon lesquelles la balance bénéfice-risque doit être évaluée pour chaque indication.

104 Toutefois, le PRAC et le CHMP ont précisément tenu compte de l’indication spécifique dont l’omniscan bénéficiait dans certains pays pour l’imagerie de perfusion myocardique. Néanmoins, lors de l’appréciation de cette indication, le PRAC et le CHMP ont considéré que, dans la mesure où, d’un point de vue médical, cette imagerie était englobée dans l’indication pour le corps entier, ce qu’il n’appartient pas au Tribunal de vérifier ainsi que cela vient d’être rappelé, cette indication ne pouvait
faire pencher dans un sens favorable la balance bénéfice-risque fondée sur l’accumulation du gadolinium linéaire dans le cerveau et le risque de toxicité de cette accumulation.

105 La requérante prétend, en deuxième lieu, que rien n’indique que le PRAC, dans sa seconde recommandation, et le CHMP à sa suite, auraient tenu compte des observations sur l’indication de l’omniscan dans l’imagerie de perfusion myocardique qu’elle avait fait valoir dans sa demande de réexamen.

106 Dans sa première recommandation, le PRAC avait considéré que l’indication « unique » de l’omniscan pour l’imagerie de perfusion myocardique était dépourvue de pertinence, au motif qu’une indication pour une IRM du corps entier englobait l’imagerie du cœur, y compris l’imagerie de perfusion myocardique.

107 Dans sa demande de réexamen, la requérante a exposé, tout d’abord, qu’elle ne prétendait pas que l’omniscan bénéficiait d’une indication « unique » pour l’imagerie de perfusion myocardique, dès lors que le multihance (acide gadobénique) avait reçu une autorisation pour cet usage dans certains pays et le gadovist (gadobutrol) en Pologne. La requérante a, ensuite, soutenu qu’en considérant qu’une indication pour une IRM du corps entier englobait l’imagerie de perfusion myocardique, le PRAC avait
méconnu le fait que cette imagerie impliquait l’administration d’un agent de stress et constituait un examen fonctionnel et non anatomique, essentiel pour la détection d’une ischémie myocardique.

108 Dans sa seconde recommandation, le PRAC a maintenu que la requérante avait allégué que l’omniscan bénéficiait d’une indication unique pour l’imagerie de perfusion myocardique. Toutefois, même si cette affirmation est ambiguë, elle n’est pas de nature à entacher la décision attaquée d’illégalité dans la mesure où la requérante expose elle-même dans ses écrits de procédure que l’omniscan bénéficie d’une telle indication « unique » dans quatre États membres, à savoir en Croatie, à Chypre, au
Portugal et en Roumanie.

109 Il y a surtout lieu d’observer que, dans sa seconde recommandation, le PRAC a admis, comme le soutenait en substance la requérante, que l’objectif premier de l’imagerie de perfusion myocardique était de détecter des ischémies cardiaques en combinant une imagerie au repos et une autre sous facteur de stress et qu’elle utilisait à cette fin une technique d’imagerie dynamique. Ensuite, le PRAC a relevé que la documentation disponible mentionnait que l’omniscan était indiqué pour les IRM du corps en
général, mais aussi spécifiquement pour d’autres examens, tels que l’évaluation des coronaropathies par imagerie de perfusion myocardique, ce que confirme le résumé des caractéristiques du produit au Royaume Uni, communiqué par la requérante. Le PRAC en a déduit que l’IRM pour le corps entier englobait effectivement l’imagerie de perfusion myocardique. Il a, de surcroît, observé que cette conclusion s’accordait avec l’opinion des experts consultés, selon lesquels les agents de contraste
linéaires et macrocycliques pouvaient être utilisés de manière interchangeable pour l’imagerie cardiaque, de manière telle qu’une différence en ce qui concerne leur utilité clinique n’était pas établie.

110 De plus, le rapporteur du PRAC a observé que la requérante n’avait pas présenté d’élément d’ordre chimique ou physiologique accréditant son point de vue selon lequel des résultats similaires à ceux susceptibles d’être recueillis avec l’omniscan ne pouvaient être obtenus avec d’autres produits de contraste. Le rapporteur a relevé, à cet égard, qu’il avait déjà été montré que des résultats similaires pouvaient être obtenus avec le multihance et le gadovist.

111 Il s’ensuit que la requérante allègue vainement qu’il n’aurait pas été tenu compte des observations sur l’indication de l’omniscan dans l’imagerie de perfusion myocardique qu’elle avait fait valoir dans sa demande de réexamen.

112 La requérante soutient, en troisième lieu, que le PRAC et le CHMP ont minimisé les avantages de l’omniscan en tirant argument du fait qu’il n’était pas l’unique produit de contraste indiqué pour l’imagerie de perfusion myocardique, parce que, en Allemagne, le gadovist, un produit de contraste à base de gadolinium macrocyclique, disposait d’une indication pour l’ensemble du corps considérée comme couvrant également ce type d’imagerie. Or, selon la requérante, le demandeur de l’AMM avait en fait
renoncé à demander une autorisation spécifique pour l’imagerie de perfusion myocardique en raison des préoccupations exprimées par quelques États membres. Il ne serait, par conséquent, pas possible de déduire du fait que le Bundesinstitut für Arzneimittel und Medezinprodukte (Institut fédéral des médicaments et des dispositifs médicaux, ci-après l’« Institut allemand »), a autorisé le gadovist pour le corps entier, qu’il aurait admis que celui-ci était également adapté pour l’imagerie de
perfusion myocardique.

113 Il y a lieu de constater à ce propos que, dans son évaluation préliminaire des motifs de réexamen de la première recommandation du PRAC, le corapporteur du PRAC a effectivement considéré que l’indication du gadovist pour une imagerie de perfusion myocardique avait été inclue, en Allemagne, sous la mention « corps entier ».

114 Il ressort du rapport d’évaluation de l’Institut allemand que le gadovist bénéficiait d’une indication spécifique pour l’imagerie de résonnance magnétique du crâne, de la moelle épinière, du foie et des reins et que le titulaire de cette AMM a demandé, le 13 septembre 2011, que cette indication soit étendue au corps entier.

115 Dans sa discussion des éléments scientifiques, le rapporteur de l’Institut allemand a notamment relevé que l’utilisation du gadovist n’était pas documentée pour certaines parties du corps, telles que le pancréas, le colon ou encore la prostate, qu’elle était controversée pour d’autres, comme l’utérus, mais qu’elle était suffisamment étayée pour l’imagerie de résonnance magnétique cardiaque, y compris l’imagerie de perfusion. Néanmoins, comme le titulaire de l’AMM demandait une extension de
l’indication pour l’imagerie du corps entier, le rapporteur a précisé que ces parties du corps ne seraient plus citées dans la liste des indications. Certains États membres ont soulevé des questions dans le cadre de cette procédure. Un État membre, en particulier, a estimé que, parmi les indications demandées pour le « corps entier », celle pour le cœur méritait une attention particulière et spécialement une comparaison de la résonnance magnétique cardiaque avec d’autres procédés d’examens. Au
vu des réponses fournies par le demandeur de l’AMM, ce point a été considéré comme étant résolu.

116 Contrairement à ce que soutient la requérante, il ne résulte donc pas clairement de ce rapport que le titulaire de l’AMM du gadovist aurait renoncé à demander une autorisation spécifique pour l’imagerie de perfusion myocardique en raison des préoccupations de quelques États. Les assertions de la requérante à cet égard sont d’ailleurs formulées au conditionnel. De surcroît, la Commission fait observer que, dans son rapport préliminaire sur les motifs de réexamen de la première recommandation du
PRAC, le corapporteur du PRAC a confirmé que, au vu d’études, l’Institut allemand avait admis l’indication du gadovist pour l’imagerie de perfusion myocardique sous la mention « corps entier ». Or, dans la mesure où ce corapporteur était membre de cet Institut, il n’est pas vraisemblable qu’il ait mal interprété la position de ce dernier.]

117 Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de considérer qu’il n’est pas établi que le PRAC et le CHMP auraient négligé l’avantage de l’omniscan en ce qui concerne l’imagerie de perfusion myocardique, en estimant à tort que, en Allemagne, le gadovist disposait d’une indication pour l’ensemble du corps considérée comme couvrant également ce type d’imagerie.

– Quant à l’avantage de l’omniscan en ce qui concerne les risques d’hypersensibilité

118 La requérante prétend encore que le PRAC et le CHMP ont mal évalué l’avantage du gadolinium linéaire en ce qui concerne le taux de réaction d’hypersensibilité à ce type de produit de contraste. Elle soutient que l’omniscan, en particulier, serait, à cet égard, mieux toléré que les produits macrocycliques.

119 Toutefois, ainsi que cela a déjà été exposé au point 51 ci-dessus, il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation à celles du PRAC et du CHMP. Par conséquent, il ne saurait trancher la controverse scientifique entre la requérante et ces derniers en ce qui concerne les avantages éventuels d’un produit de contraste comme l’omniscan par rapport aux produits à base de gadolinium macrocycliques.

120 La requérante soutient néanmoins que le PRAC, et à sa suite le CHMP, n’ont pas examiné une méta-analyse du professeur P. que la requérante avait communiquée et qui confirmait la meilleure tolérance des produits de contraste à base de gadolinium linéaire par rapport aux produits macrocycliques.

121 Il ressort toutefois de la seconde recommandation du PRAC que celui-ci a tenu compte de cette méta-analyse, mais qu’il l’a écartée parce que, comme d’autres études, elle présentait certaines limitations importantes tenant à sa conception, à sa dépendance à l’égard de l’enregistrement d’effets indésirables et aux possibilités de sous-déclarations ou de déclaration stimulée par des changements dans l’utilisation des produits. Plus précisément, dans son rapport d’évaluation actualisé daté du
30 juin 2017, le corapporteur du PRAC a observé que la méta-analyse du professeur P. reposait sur une sélection d’effets indésirables signalés rétrospectivement, alors qu’il est bien connu que seule une petite partie des effets indésirables qui se produisent est communiquée aux autorités sanitaires, de sorte que ces communications spontanées d’effets indésirables ne peuvent pas être utilisées pour procéder à une analyse quantitative et à une comparaison entre les produits.

d)   Conclusion sur les premier et deuxième moyens

122 Il résulte de tout ce qui précède que la requérante n’établit pas que la seconde recommandation du PRAC et l’avis du CHMP auraient été entachés d’erreurs ou d’omission.

123 Partant, il y a lieu de rejeter les premier et deuxième moyens comme non fondés, sans qu’il soit nécessaire d’examiner le dernier argument de la requérante, soulevé dans le cadre du premier moyen, selon lequel les prétendues erreurs et omissions du PRAC et du CHMP ne pouvaient être compensées par le fait que la suspension de l’AMM de l’omniscan était susceptible d’être postposée pendant douze moins par les États membres en vertu de l’article 3 de la décision attaquée.

2.   Sur le troisième moyen, tiré de la violation du principe d’égalité de traitement et de non-discrimination

124 La requérante soutient que la décision attaquée méconnaît le principe d’égalité de traitement et de non-discrimination pour quatre raisons tenant à ce que ses concurrents ont bénéficié d’un traitement favorable pour les produits de contraste dont ils détiennent une AMM.

125 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le principe d’égalité de traitement exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt du 12 juin 2015, Health Food Manufacturers’ Association e.a./Commission, T‑296/12, EU:T:2015:375, point 113 et jurisprudence citée).

a)   Sur le premier cas de discrimination alléguée

126 La requérante voit un premier cas de discrimination dans le fait que les produits de contraste à base de gadolinium linéaire, comme l’omniscan, ont vu leur AMM suspendue, alors qu’une mesure similaire n’a pas été prise à l’encontre des produits de contraste à base de gadolinium macrocyclique. Elle soutient qu’il n’y a aucune raison objective à cette différence de traitement, dans la mesure où il n’y a pas de preuve de lésion causée par la rétention du gadolinium dans le cerveau et dans la mesure
où, de surcroît, le CHMP a considéré que de telles lésions n’étaient pas « plausibles ». Cette différence de traitement reposerait en fait sur la seule prémisse que le cerveau retient plus longtemps les produits de contraste à base de gadolinium linéaire que ceux à base de gadolinium macrocyclique. Toutefois, cette affirmation ne serait pas étayée.

127 Cependant, il ressort des points 69 à 71 ci-dessus que le PRAC a constaté que des données scientifiques, d’une part, montraient que le cerveau retient plus longtemps les produits de contraste à base de gadolinium linéaire que ceux à base de gadolinium macrocyclique et, d’autre part, permettaient de conclure que l’exposition au gadolinium linéaire présente potentiellement, en raison de sa stabilité inférieure, un risque de toxicité par rapport au gadolinium macrocyclique.

128 De plus, il résulte des points 86 et 91 ci-dessus que la substitution par le CHMP du terme « possible » à l’adjectif « plausible » utilisé par le PRAC ne revêtait pas de caractère significatif.

129 Dans ces conditions, la Commission a pu considérer que les deux types de gadolinium présentaient des caractéristiques suffisamment distinctes pour justifier un traitement différencié. Elle n’a ainsi pas méconnu le principe d’égalité de traitement et de non-discrimination.

b)   Sur le deuxième cas de discrimination alléguée

130 La requérante voit un deuxième cas de discrimination dans le fait que, dans la décision attaquée, la Commission a suspendu l’AMM de l’omniscan et non l’AMM du magnevist (acide gadopentétique), alors que ce sont tous deux des produits de contraste à base de gadolinium linéaire. En ce qui concerne le magnevist, la décision attaquée se limiterait à prévoir en son article 4 que les États membres doivent tenir compte des conclusions scientifiques du CHMP pour évaluer l’efficacité et la sécurité des
produits de contraste contenant de l’acide gadopentétique.

131 La requérante prétend que, dans la mesure où il n’y a pas de preuve que la rétention du gadolinium linéaire dans le cerveau provoque des lésions, il n’y a aucune justification objective à distinguer le magnevist des autres produits de contraste à base de gadolinium linéaire, tel l’omniscan, au seul motif que le magnevist serait administré à des doses plus faibles.

132 Comme cela a déjà été exposé aux points 71 et 73 ci-dessus, au vu des données scientifiques, le PRAC a pu estimer qu’il y avait des indices sérieux et concluants que l’accumulation du gadolinium linéaire dans le cerveau présente un risque de neurotoxicité. Dans sa seconde recommandation, le PRAC a, en outre, observé que des études avaient montré que le magnevist est, comme l’omniscan, détecté dans le cerveau après son administration. Néanmoins, le PRAC a également relevé que le magnevist était
utilisé comme produit de contraste dans l’artériographie à une dose 200 fois moins élevée que d’autres produits injectés en intraveineuse, comme l’omniscan. De plus, le PRAC a relevé que, dans ce cas, les patients n’étaient habituellement soumis qu’à une seule exposition de ce produit, tandis qu’ils pouvaient être exposés à l’omniscan à plusieurs reprises.

133 Sur la base de cette différence dans l’administration des deux produits, le PRAC, le CHMP et, à leur suite, la Commission ont pu adopter des approches différentes, notamment distinguer le magnevist et l’omniscan, et considérer, sans violer le principe d’égalité de traitement et de non-discrimination, qu’il y avait seulement lieu d’inviter les États membres à tenir compte de la conclusion selon laquelle la balance bénéfice-risque du magnevist demeurait positive dans le cas d’une injection
intraarticulaire.

c)   Sur le troisième cas de discrimination alléguée

134 La requérante voit un troisième cas de discrimination dans le fait que, dans la décision attaquée, la Commission a suspendu l’AMM de l’omniscan et non l’AMM du multihance et du primovist (acide gadoxétique), alors que ce sont tous des produits de contraste à base de gadolinium linéaire. En ce qui concerne le multihance et le primovist, la décision attaquée se bornerait à prévoir, en son article 4, que les États membres doivent tenir compte des conclusions scientifiques du CHMP pour évaluer
l’efficacité et la sécurité des produits de contraste contenant de l’acide gadobénique ou de l’acide gadoxétique.

135 La requérante fait valoir, à cet égard, que, dans la mesure où le PRAC et le CHMP ont estimé que le multihance et le primovist présentaient un rapport bénéfice-risque favorable en raison de leur utilité dans l’imagerie hépatique, il était discriminatoire de ne pas considérer comme tout aussi bénéfique l’indication spécifique de l’omniscan pour l’imagerie de perfusion myocardique.

136 Force est de constater que ce grief repose sur le postulat que l’omniscan présenterait un intérêt particulier pour l’imagerie de perfusion myocardique. Or, le PRAC et le CHMP ont contesté celui-ci et il y a lieu de rappeler (voir point 99 ci-dessus) qu’il n’appartient pas au Tribunal de trancher la controverse scientifique opposant les parties quant à la question de savoir notamment s’il existe des différences importantes entre l’imagerie « corps entier » et l’imagerie de perfusion myocardique.
De surcroît, il résulte de l’examen des deux premiers moyens (voir points 113 à 117 ci-dessus) qu’il n’est pas établi que le PRAC aurait commis une erreur en considérant qu’une indication pour le « corps entier » couvre l’indication pour l’imagerie de perfusion myocardique reconnue à l’omniscan dans quatre États membres.

137 À l’inverse, le PRAC a observé que le multihance et le primovist présentaient, quant à eux, un avantage pour l’imagerie de phase retardée de lésions hépatiques faiblement vascularisées qu’il est impossible de réaliser avec d’autres produits à base de gadolinium et qu’ils permettaient ainsi un diagnostic précoce de maladies potentiellement mortelles. Dans ces conditions, et malgré les risques résultant de l’accumulation du gadolinium dans le cerveau, le PRAC a considéré que la balance
bénéfice-risque demeurait favorable en ce qui concerne ces deux produits, pour autant que leur usage soit limité à ce type d’imagerie du foie.

138 Dans ce contexte, au vu de leurs qualités différentes, il n’apparaît pas que le principe d’égalité de traitement et de non-discrimination a été méconnu du fait que le multihance et le primovist ont été traités différemment de l’omniscan.

d)   Sur le quatrième cas de discrimination alléguée

139 La requérante relève un quatrième cas de discrimination dans le fait que, alors que la décision attaquée a pour objectif la réduction des risques pour la santé humaine, elle favorise les produits de contraste à base de gadolinium macrocyclique par rapport aux produits à base de gadolinium linéaire au vu d’un hypothétique risque de neurotoxicité, sans prendre en compte le fait que ces derniers, et tout particulièrement l’omniscan, présentent un profil de sécurité plus favorable à l’égard des
risques de réactions d’hypersensibilité majeures, lesquels, s’ils sont faibles, sont néanmoins réels.

140 Cependant, il y a tout d’abord lieu de noter que ni le PRAC ni le CHMP ni la Commission n’ont considéré que le risque de neurotoxicité des produits de contraste à base de gadolinium linéaire était hypothétique. Conformément à l’avis du CHMP auquel elle se réfère dans la décision attaquée, la Commission a considéré que la neurotoxicité de ces produits de contraste était possible.

141 Ensuite, si le PRAC a constaté que des études faisaient état d’un risque de réaction d’hypersensibilité moins élevé, notamment avec l’omniscan, il a néanmoins observé que « les études [sur l’hypersensibilité] présent[ai]ent certaines limitations importantes : la conception de la rétrospective ou de l’étude, la dépendance à l’égard de l’enregistrement d’effets indésirables et les possibilités de sous-déclaration ou de déclaration stimulée par des changements dans l’utilisation des produits ». Le
PRAC a également constaté que « [l]e taux de réactions majeures [était] très faible et les études ayant évalué le taux des réactions d’hypersensibilité avec [des produits de contraste à base de gadolinium] constat[aient] toutes qu’une très faible proportion de patients a[vait] une réaction d’hypersensibilité majeure ». De surcroît, le PRAC a relevé que « [l]e risque d’hypersensibilité [était] couvert de manière adéquate dans les informations des produits de contraste à base de gadolinium ».

142 La requérante produit, il est vrai, une publication de l’American College of Radiology du 4 avril 2017, intitulée « Réponses aux recommandations du PRAC », une déclaration du professeur A. et une méta-analyse du professeur P. dont il résulte que le gadolinium linéaire présenterait, au regard des risques d’hypersensibilité, un profil de sécurité plus favorable que le gadolinium macrocyclique.

143 Toutefois, il n’appartient pas au Tribunal de reconsidérer la décision attaquée au vu d’éléments scientifiques (voir point 51 ci-dessus). En outre, comme cela a déjà été exposé (voir point 121 ci-dessus), le PRAC a considéré que la méta-analyse du professeur P. présentait des limitations importantes. Par ailleurs, la publication de l’American College of Radiology se limite à indiquer sommairement que les produits linéaires « présentent un risque de réaction aiguë plus faible que les produits
macrocycliques » sans étayer cette conclusion. Quant à la déclaration du professeur A., elle est postérieure à la décision attaquée, de sorte qu’elle n’a pu être prise en considération par le PRAC, le CHMP et la Commission. De surcroît, son objectivité et sa force probante ne sont pas avérées dès lors qu’elle a été établie explicitement à l’appui du recours de la requérante.

144 En conséquence, il n’apparaît pas que la Commission ait méconnu, dans la décision attaquée, le principe d’égalité de traitement et de non-discrimination en traitant différemment les produits de contraste à base de gadolinium macrocyclique et les produits à base de gadolinium linéaire, puisque ceux-ci ont des propriétés différentes.

145 Au vu de tout ce qui précède, le troisième moyen n’est pas fondé.

3.   Sur le quatrième moyen, tiré de la méconnaissance du principe de proportionnalité

146 La requérante soutient que la décision attaquée méconnaît le principe général de proportionnalité, même s’il devait être conclu que le rapport bénéfice-risque des produits de contraste à base de gadolinium linéaire n’est pas favorable.

147 Il y a lieu de rappeler d’emblée, à ce propos, que, selon une jurisprudence constante, le principe de proportionnalité, qui constitue l’un des principes généraux du droit de l’Union, exige que les actes des institutions ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante,
et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir arrêt du 7 mars 2013, Acino/Commission, T‑539/10, non publié, EU:T:2013:110, point 85 et jurisprudence citée).

148 À l’appui de son moyen, la requérante soutient, en premier lieu, que la suspension de l’AMM de l’omniscan n’était pas nécessaire. Elle fait observer, à cet égard, que la Commission a estimé qu’un étiquetage et des messages d’avertissement étaient suffisants pour neutraliser les risques réels de fibrose néphrologique systémique et de réactions aigues d’hypersensibilité que présentent tous les produits de contraste à base de gadolinium, mais qu’elle a ordonné, de manière contradictoire, la
suspension des AMM des produits de contraste à base de gadolinium linéaire pour prévenir un simple risque hypothétique lié à la rétention de ces produits dans le cerveau.

149 Il y a toutefois lieu de relever que la requérante suggère de nouveau à tort (voir point 140 ci-dessus) que la Commission aurait retenu un simple risque hypothétique de neurotoxicité du gadolinium linéaire pour fonder la décision attaquée.

150 De plus, en réponse à une suggestion de la requérante, le PRAC a envisagé d’autres mesures moins strictes de minimisation des risques que la suspension de l’AMM des produits de contraste à base de gadolinium linéaire, mais les a jugées irréalisables ou insuffisantes. Le CHMP s’est rangé à son opinion.

151 En ce qui concerne une éventuelle mise à jour des informations sur l’omniscan, le PRAC a estimé que, l’accumulation dans le cerveau étant une propriété intrinsèque des produits de contraste à base de gadolinium injectés par intraveineuse, une information à ce propos n’entraînerait pas une réduction des risques associés à cette accumulation.

152 Le PRAC a également observé qu’il n’était pas possible de restreindre l’utilisation de l’omniscan à certains groupes de patients, comme cela a été fait pour le risque de fibrose néphrologique systémique ou comme cela a été proposé par 19 États membres, ainsi que par l’Islande et la Norvège, étant donné qu’aucun groupe présentant moins de risque d’accumulation dans le cerveau ne peut être identifié actuellement.

153 Le PRAC a, en outre, estimé que, dans un cadre clinique, il n’était pas réaliste de vouloir restreindre le nombre de doses administrées à un patient au cours de sa vie ou de prendre des mesures concernant la fréquence et le moment des injections, car des expositions au gadolinium peuvent ne pas être enregistrées, notamment en cas de changement de radiologue ou de médecin généraliste.

154 Enfin, le PRAC a considéré que des restrictions à l’utilisation de l’omniscan exposeraient toujours la population à un risque, à défaut de connaître la valeur-seuil sûre de rétention dans le cerveau et d’autres tissus et parce qu’il n’est pas possible de déterminer une période au cours de laquelle aucun effet négatif potentiel n’a le temps de se manifester.

155 Dans ces conditions, il ne peut être considéré que la décision attaquée est entachée de contradiction et est disproportionnée, au motif que la Commission s’est satisfaite d’un étiquetage et de messages d’avertissement pour minimiser les risques de fibrose néphrologique systémique et de réactions aiguës d’hypersensibilité tout en ordonnant la suspension des AMM de la plupart des produits de contraste à base de gadolinium linéaire pour prévenir un risque lié à la rétention de ces produits dans le
cerveau.

156 À l’appui de son moyen, la requérante soutient, en deuxième lieu, que la suspension de l’AMM de l’omniscan n’était pas appropriée. Elle fait valoir, à ce propos, que le caractère disproportionné de la décision attaquée ressort de ce qu’elle entraîne, d’une part, la perte de son indication spécifique pour l’imagerie de perfusion myocardique reconnue dans quatre États membres, ainsi que, d’autre part, la perte d’un produit qui présente un taux de réaction d’hypersensibilité plus faible que
d’autres.

157 Cet argument s’appuie toutefois sur le postulat que l’omniscan présenterait un intérêt particulier pour l’imagerie de perfusion myocardique et en matière de risque d’hypersensibilité majeure. Or, dans la mesure où il n’appartient pas au Tribunal de trancher la controverse scientifique qui existe entre les parties sur ces deux questions (voir points 51, 99 et 119 ci-dessus), le Tribunal ne saurait davantage déduire de ce prétendu intérêt particulier une violation du principe de proportionnalité.

158 Cet argument de la requérante est d’autant moins fondé qu’il résulte de l’examen du premier moyen (voir points 113 à 117 ci-dessus) qu’il n’est pas établi que le PRAC aurait commis une erreur en considérant qu’une indication pour le « corps entier » couvre l’indication pour l’imagerie de perfusion myocardique et alors que, comme cela a été exposé aux points 121 et 141 ci-dessus, le PRAC a écarté les études et la méta-analyse du professeur P. relatives au risque d’hypersensibilité au motif
qu’elles présentaient d’importantes limitations.

159 La requérante déduit également le caractère inapproprié de la décision attaquée de ce que, compte tenu de l’absence de preuve de lésions neurologiques malgré des millions de prescriptions, elle ouvre la totalité du marché des produits de contraste à base de gadolinium à un petit groupe de fabricants de produits à base de gadolinium macrocyclique, alors même que ces derniers produits sont également retenus dans le cerveau.

160 Toutefois, il y a lieu de rappeler que, selon un principe général, dégagé par la jurisprudence, la protection de la santé publique doit incontestablement se voir reconnaître une importance prépondérante par rapport aux considérations économiques (voir point 44 ci-dessus). De plus, le PRAC et le CHMP ont constaté qu’il existait une différence entre les produits de contraste à base de gadolinium linéaire et ceux à base de gadolinium macrocyclique, ces derniers étant retenus dans le cerveau à un
taux dix fois moindre que les produits linéaires et y restant présents moins longtemps (voir point 70 ci-dessus). De surcroît, le PRAC et le CHMP ont observé que les données de sécurité à long terme étaient limitées, que les effets indésirables susceptibles d’être associés à l’accumulation dans le cerveau pouvaient être retardés et subtils et que leur notification spontanée était soumise à divers aléas. Enfin, le PRAC et le CHMP ont signalé l’existence d’études suggérant un lien entre une
exposition au gadolinium et divers effets indésirables (voir point 74 ci-dessus). Dans ces conditions, le fait que les produits de contraste ont été largement inoculés sans que des effets indésirables d’ordre neurologiques aient été mis en évidence ne permet pas de conclure à une violation du principe de proportionnalité.

161 La requérante soutient, en troisième lieu, que les conditions auxquelles la décision attaquée subordonne la levée de la suspension des AMM sont tellement contraignantes que cette suspension équivaudrait à un retrait d’autorisation. En effet, il serait improbable que des bénéfices du gadolinium linéaire non établis actuellement puissent être constatés à l’avenir et que la rétention du gadolinium dans les tissus soit contredite dans le futur.

162 Selon l’article 3, deuxième alinéa, et l’annexe IV de la décision attaquée, la suspension de l’AMM de l’omniscan peut être levée à la condition que son titulaire fournisse des données indiquant soit l’existence de bénéfices importants sur le plan clinique qui n’étaient pas établis et qui l’emportent sur les risques associés au produit en cause, soit que ce produit n’est pas soumis à une déchélation significative et ne conduit pas à la rétention du gadolinium dans les tissus.

163 La Commission fait valoir, à cet égard, qu’il n’est pas rare qu’une nouvelle indication pour un produit apparaisse des années après sa mise sur le marché. La balance bénéfice-risque de l’omniscan pourrait ainsi être réévaluée. La Commission prétend également que la requérante pourrait proposer certaines modifications de la structure ou de la composition de son produit qui le rendraient plus stable, ce qui réduirait son accumulation dans le cerveau.

164 Le Tribunal ne saurait cependant spéculer ni sur la probabilité qu’une nouvelle indication de l’omniscan soit découverte, ni sur la possibilité de modifier la structure ou la composition de celui-ci.

165 De plus, la Commission concède, dans ses écrits de procédure, que les résultats d’études observationnelles destinées à répondre aux préoccupations relatives à la toxicité du gadolinium linéaire sont peu susceptibles d’être disponibles dans un délai raisonnable, compte tenu de l’hétérogénéité de la population de patients qui fait l’objet d’une IRM, du nombre de patients requis pour de telles études et des limitations d’ordre méthodologiques de celles-ci. La Commission relève, en outre, que des
études cliniques interventionnelles, comparant les effets des différents produits, pourraient être considérées comme contraires à l’éthique.

166 Néanmoins, à supposer même que les conditions pour obtenir la levée de la suspension de l’AMM de l’omniscan puissent être difficilement rencontrées, il n’en resterait pas moins que cette suspension n’apparaît pas disproportionnée au vu des points 155 à 160 ci-dessus.

167 Le quatrième moyen n’est donc pas fondé.

4.   Sur le cinquième moyen, tiré de la violation du principe de bonne administration

168 La requérante prétend, en premier lieu, que la procédure n’a pas été impartiale et, en second lieu, que les instances concernées n’ont pas procédé à un examen complet de toutes les observations qu’elle avait soumises.

a)   Sur l’impartialité de la procédure

169 La requérante soutient que le principe d’impartialité a été méconnu en ce que le professeur T. a participé au groupe d’experts dont l’avis a été utilisé dans la première recommandation du PRAC. Or, le professeur T. serait intervenu comme consultant dans une action collective en indemnité dirigée notamment contre elle et se serait trouvé à titre personnel en procès avec elle dans une procédure en diffamation pour ses déclarations au sujet de l’omniscan.

170 Les institutions, les organes et les organismes de l’Union sont tenus de respecter les droits fondamentaux garantis par le droit de l’Union, parmi lesquels figure le droit à une bonne administration, consacré à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2013, Ziegler/Commission, C‑439/11 P, EU:C:2013:513, point 154).

171 L’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux énonce notamment que toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement par les institutions, les organes et les organismes de l’Union.

172 À cet égard, il convient de relever que l’exigence d’impartialité, qui s’impose aux institutions, aux organes et aux organismes dans l’accomplissement de leurs missions, vise à garantir l’égalité de traitement qui est à la base de l’Union. Cette exigence vise, notamment, à éviter des situations de conflits d’intérêts éventuels en ce qui concerne les fonctionnaires et les agents agissant pour le compte des institutions, des organes et des organismes. Compte tenu de l’importance fondamentale de la
garantie d’indépendance et d’intégrité en ce qui concerne tant le fonctionnement interne que l’image extérieure des institutions, des organes et des organismes de l’Union, l’exigence d’impartialité couvre toutes circonstances que le fonctionnaire ou l’agent amené à se prononcer sur une affaire doit raisonnablement comprendre comme étant de nature à apparaître, aux yeux des tiers, comme susceptibles d’affecter son indépendance en la matière (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2007, Komninou
e.a./Commission, C‑167/06 P, non publié, EU:C:2007:633, point 57).

173 Aussi, il incombe à ces institutions, organes et organismes de se conformer à l’exigence d’impartialité, dans ses deux composantes que sont, d’une part, l’impartialité subjective, en vertu de laquelle aucun membre de l’institution concernée ne doit manifester de parti pris ou de préjugé personnel, et, d’autre part, l’impartialité objective, conformément à laquelle cette institution doit offrir des garanties suffisantes pour exclure tout doute légitime quant à un éventuel préjugé (voir, en ce
sens, arrêt du 20 décembre 2017, Espagne/Conseil, C‑521/15, EU:C:2017:982, point 91 et jurisprudence citée).

174 En réponse à une question posée par le Tribunal lors de l’audience, la requérante a précisé qu’elle se prévalait précisément, en l’espèce, d’une violation de l’impartialité objective.

175 S’agissant, plus particulièrement, de cette seconde composante du principe d’impartialité, il convient de relever que, lorsque plusieurs institutions, organes ou organismes de l’Union se voient attribuer des responsabilités propres et distinctes dans le cadre d’une procédure susceptible d’aboutir à une décision faisant grief à un justiciable, chacune de ces entités est tenue, pour ce qui la concerne, de se conformer à l’exigence d’impartialité objective. Par conséquent, même dans l’hypothèse où
c’est uniquement l’une d’entre elles qui aurait manqué à cette exigence, un tel manquement est susceptible d’entacher d’illégalité la décision adoptée par l’autre au terme de la procédure concernée (voir, en ce sens, arrêt du 20 décembre 2017, Espagne/Conseil, C‑521/15, EU:C:2017:982, point 94).

176 Par ailleurs, l’exigence d’impartialité à laquelle sont ainsi soumises les institutions s’étend également aux experts consultés par celles-ci. En particulier, lorsqu’un expert est sollicité pour émettre un avis sur les effets d’un médicament, il importe que ce dernier remplisse sa mission en toute impartialité (arrêt du 9 septembre 2010, Now Pharm/Commission, T‑74/08, EU:T:2010:376, point 88).

177 En l’occurrence, la Commission ne conteste pas les faits rapportés par la requérante au sujet du professeur T. et reconnaît que ceux-ci doivent être appréciés au regard du principe d’impartialité plutôt que par rapport à la politique de l’Agence européenne des médicaments (EMA) sur le traitement des intérêts concurrents des membres des comités scientifiques et des experts à l’aune de laquelle celle-ci les a examinés.

178 La Commission fait toutefois observer que le Tribunal a jugé, dans son arrêt du 9 septembre 2010, Now Pharm/Commission (T‑74/08, EU:T:2010:376, point 93), qu’il ne saurait être déduit de l’obligation d’impartialité l’existence d’un obstacle juridique à ce qu’un expert soit consulté dans le cadre d’une procédure relative à un médicament au seul motif qu’il a déjà rendu un avis relatif à ce même médicament dans le cadre d’une autre procédure. Selon la Commission, tel aurait été le rôle du
professeur T. dans l’action collective à laquelle la requérante se réfère. La Commission relève également que l’intéressé n’était pas l’initiateur de la procédure en diffamation, mais qu’il y était seulement défendeur.

179 Il y a néanmoins lieu d’observer que, en l’espèce, le désaccord entre la requérante et le professeur T. ne se réduit pas à une simple divergence de points de vue d’ordre scientifique entre une entreprise pharmaceutique et un expert. En effet, ce désaccord s’est traduit par un rapport conflictuel qui découle surtout du fait que le professeur T. est intervenu jusqu’en 2010 aux côtés d’avocats dans une action collective en indemnité dirigée notamment contre la requérante en raison de dommages qui
auraient été causés par les produits de contraste à base de gadolinium, et par l’omniscan en particulier. Il s’ensuit que la solution adoptée dans l’arrêt du 9 septembre 2010, Now Pharm/Commission (T‑74/08, EU:T:2010:376) n’est pas transposable en l’espèce. Au contraire, une telle intervention dans le cadre d’un procès pouvait susciter un doute légitime quant à l’impartialité du professeur T. dans la procédure ayant abouti à l’adoption de la décision attaquée.

180 Toutefois, il convient de rechercher si cette circonstance a eu un impact décisif sur le déroulement ou l’issue de la procédure (voir, en ce sens, arrêt du 20 décembre 2017, Espagne/Conseil, C‑521/15, EU:C:2017:982, point 104).

181 Il convient de relever, à cet égard, que le professeur T. ne faisait partie ni du PRAC ni du CHMP, mais seulement d’un groupe d’experts constitué par le PRAC en application de l’article 32 de la directive 2001/83. Le PRAC a désigné ces experts parmi une liste de noms communiqués par les États membres à l’EMA en vertu de l’article 62, paragraphe 2, du règlement (CE) no 726/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et
la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments (JO 2004, L 136, p. 1). Conformément à l’article 32 susmentionné, la mission de ce groupe d’experts était seulement de fournir un avis au PRAC et celui-ci a précisé les sujets spécifiques sur lesquels il devait se prononcer.

182 Certes, il ressort du procès-verbal de la réunion du 5 septembre 2016 du groupe d’experts que, sur les treize membres le composant initialement, six ont déclaré un conflit d’intérêts à des titres divers et n’ont pu prendre part aux conclusions finales, de sorte que ces conclusions n’ont été adoptées que par les membres restants, dont le professeur T. Il n’en demeure pas moins que les conclusions du groupe d’experts ont été arrêtées collégialement par sept membres. Or, la collégialité constitue
une garantie d’impartialité (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 19 février 2009, Gorostiaga Atxalandabaso/Parlement, C‑308/07 P, EU:C:2009:103, point 44). De plus, contrairement à ce que suggère la requérante, rien n’indique que, en raison de ses fonctions ou de son statut, le professeur T. aurait exercé une influence prépondérante au sein de ce groupe restreint. En particulier, il n’en assumait pas la présidence.

183 Il ressort ensuite du procès-verbal de la réunion du 5 septembre 2016 que le groupe d’experts n’a pas pris spécifiquement position sur les risques et les bénéfices de l’omniscan, mais sur un ensemble de molécules dérivées du gadolinium. Il s’est ainsi limité à examiner, d’un point de vue général, la question de la capacité pour le gadolinium d’atteindre le cerveau et de s’y accumuler, les risques liés à cette accumulation, la question de l’interchangeabilité éventuelle des produits de contraste
à base de gadolinium linéaire et macrocyclique, la possibilité ou non d’isoler des groupes de patients pour lesquels l’exposition au gadolinium présenterait un risque accru, la question de savoir s’il est possible de modifier la manière selon laquelle les produits de contraste sont utilisés afin de minimiser les risques et quelles études pourraient être entreprises.

184 De surcroît, le PRAC a consulté le 19 juin 2017 un second groupe d’experts dont le professeur T. ne faisait pas partie. Même si ce second groupe avait un mandat différent du premier comme le soutient la requérante, il n’en reste pas moins que celui-ci s’est prononcé sur les motifs de réexamen qu’elle avait présentés.

185 Par ailleurs, il y a lieu d’observer que le PRAC s’est notamment fondé sur une cinquantaine d’études publiées en 2016 et en 2017 (voir point 63 ci-dessus) qu’il a examinées avec soin en citant beaucoup d’entre elles à plusieurs reprises et en appréciant leurs mérites et leur portée, comme en atteste le dossier.

186 Enfin, les motifs de la décision attaquée doivent être trouvés dans l’avis du CHMP qui a procédé à sa propre évaluation et a nuancé la seconde recommandation du PRAC, ainsi que cela a été constaté au point 79 ci-dessus.

187 Il découle des considérations qui précèdent que la participation du professeur T. au groupe d’experts ne s’avère décisive ni pour le déroulement ni pour l’issue de la procédure qui a abouti à la décision attaquée. Ainsi, cette participation ne conduit pas à constater que la procédure, appréciée dans sa globalité, n’offrait pas des garanties suffisantes pour exclure tout doute légitime quant à l’impartialité de l’intéressé.

188 Par conséquent, le grief tiré de la violation du principe d’impartialité doit être rejeté.

b)   Sur le fait que les instances concernées n’ont pas procédé à un examen complet de toutes les observations soumises

189 La requérante prétend, premièrement, qu’il n’a pas été tenu compte des motifs qu’elle avait présentés à l’appui de sa demande de réexamen. Elle soutient, deuxièmement, que des erreurs factuelles relatives à l’indication spécifique de l’omniscan pour l’imagerie de perfusion myocardique, aux taux de gadolinium dans le cerveau, à la durée de rétention de celui-ci et à la posologie des produits de contraste n’ont pas été corrigées. Elle fait valoir, troisièmement, que les instances compétentes ne se
sont pas prononcées sur des questions relatives aux limites des études sur les IRM, sur l’existence d’incohérences dans la collecte de données et sur une apparente conviction du PRAC que certaines publications avaient été parrainées par les titulaires d’AMM.

190 La requérante ne spécifie toutefois pas les motifs de sa demande de réexamen qui n’auraient pas été pris en considération ni quelles ont été les erreurs factuelles relatives à l’indication spécifique de l’omniscan pour l’imagerie de perfusion myocardique qui auraient été commises. Elle n’identifie pas davantage les erreurs factuelles relatives aux taux de gadolinium dans le cerveau, à la durée de rétention de celui-ci et à la posologie des produits de contraste, qui n’auraient pas été corrigées.
Elle n’identifie pas plus les questions relatives aux limites des études sur les IRM et les incohérences dans la collecte de données sur lesquelles le PRAC, le CHMP et la Commission ne se seraient pas prononcés. Elle se limite, pour tous ces griefs, à renvoyer aux annexes de sa requête. Or, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans les annexes, les moyens et les arguments qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours, les annexes ayant une fonction
purement probatoire et instrumentale (voir arrêt du 31 mai 2018, Kaddour/Conseil, T‑461/16, EU:T:2018:316, point 113 et jurisprudence citée). Les griefs en question sont donc simplement énoncés sans être étayés par une argumentation, contrairement à la règle prévue à l’article 76, sous d), du règlement de procédure. Il s’ensuit que les griefs de la requérante doivent être déclarés irrecevables. Par ailleurs, le fait qu’il n’aurait pas été spécialement répondu au grief de la requérante concernant
l’apparente conviction du PRAC que certaines publications avaient été parrainées par les titulaires d’AMM ne saurait conduire à l’annulation de la décision attaquée, dès lors que, dès le 16 août 2017, l’EMA précisait qu’un parrainage ne devrait pas être considéré en soi comme ayant une incidence sur les conclusions d’une étude.

191 En tout état de cause, il ressort du dossier que la demande de réexamen de la requérante a suscité la réunion d’un groupe d’experts. Les motifs développés par la requérante à l’appui de cette demande ont été évalués et commentés par les rapporteur et corapporteur dans leurs rapports d’évaluation datés du 28 juin 2017. En particulier, il a été constaté aux points 111, 113 et 117 ci-dessus que le PRAC avait réexaminé sa première recommandation concernant l’utilité de l’omniscan pour l’imagerie de
perfusion myocardique au vu des motifs de la demande de réexamen de la requérante et que la prétendue erreur commise à cet égard au vu de l’AMM délivrée au gadovist pour le corps entier par l’Institut allemand n’était pas établie. De plus, le CHMP a lui aussi procédé à un examen du rapport bénéfice-risque du gadolinium et a d’ailleurs nuancé la seconde recommandation du PRAC (voir point 79 ci-dessus).

192 Par ailleurs, comme le soutient la Commission, l’existence d’un désaccord scientifique entre la requérante et le PRAC ou le CHMP ne signifie pas que ses observations relatives à l’indication spécifique de l’omniscan pour l’imagerie de perfusion myocardique, aux taux de gadolinium dans le cerveau, à la durée de rétention de celui-ci et à la posologie des produits de contraste n’ont pas été prises en considération.

193 Il s’ensuit que le grief tiré, par la requérante, de ce que les instances concernées n’ont pas procédé à un examen complet de toutes les observations qu’elle avait soumises doit être rejeté, de même que l’ensemble du moyen tiré de la violation du principe de bonne administration.

194 Au vu de tout ce qui précède, aucun moyen n’étant fondé, il y a lieu de conclure que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

IV. Sur les dépens

195 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission, y compris aux dépens afférents à la procédure de référé.

  Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

  1) Le recours est rejeté.

  2) GE Healthcare A/S est condamnée aux dépens, y compris aux dépens afférents à la procédure de référé.

Kanninen

Calvo-Sotelo Ibáñez-Martín

  Reine

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 septembre 2019.

Signatures

Table des matières

  I. Antécédents du litige
  II. Procédure et conclusions des parties
  III. En droit
  A. Sur la question de savoir si le recours a pu être introduit au nom de tous les titulaires d’AMM de l’omniscan
  B. Sur les moyens
  1. Sur les premier et deuxième moyens, tirés respectivement de la violation de l’article 116 de la directive 2001/83 et du principe de précaution
  a) Remarques liminaires
  b) Sur l’appréciation des risques du gadolinium linéaire et de l’omniscan en particulier
  1) Sur les risques d’ordre neurologique
  i) Sur l’appréciation du PRAC
  – Quant à l’absence de preuve nouvelle
  – Quant au renversement de la charge de la preuve
  ii) Sur l’appréciation du CHMP
  – Quant au fait que le CHMP n’aurait pas procédé à sa propre évaluation
  – Quant au fait que le CHMP se serait écarté de certaines appréciations du PRAC
  2) Sur les risques autres que ceux d’ordre neurologique
  c) Sur l’appréciation des bénéfices du gadolinium linéaire et de l’omniscan en particulier
  1) Sur le bénéfice de l’omniscan pour l’imagerie de perfusion myocardique
  i) Sur les arguments d’ordre médical
  ii) Sur les arguments autres que ceux d’ordre médical
  – Quant à l’avantage de l’omniscan pour l’imagerie de perfusion myocardique
  – Quant à l’avantage de l’omniscan en ce qui concerne les risques d’hypersensibilité
  d) Conclusion sur les premier et deuxième moyens
  2. Sur le troisième moyen, tiré de la violation du principe d’égalité de traitement et de non-discrimination
  a) Sur le premier cas de discrimination alléguée
  b) Sur le deuxième cas de discrimination alléguée
  c) Sur le troisième cas de discrimination alléguée
  d) Sur le quatrième cas de discrimination alléguée
  3. Sur le quatrième moyen, tiré de la méconnaissance du principe de proportionnalité
  4. Sur le cinquième moyen, tiré de la violation du principe de bonne administration
  a) Sur l’impartialité de la procédure
  b) Sur le fait que les instances concernées n’ont pas procédé à un examen complet de toutes les observations soumises
  IV. Sur les dépens

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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : T-783/17
Date de la décision : 19/09/2019
Type de recours : Recours en annulation - non fondé

Analyses

Médicaments à usage humain – Suspension de l’autorisation de mise sur le marché de produits de contraste contenant du gadolinium – Articles 31 et 116 de la directive 2001/83/CE – Principe de précaution – Égalité de traitement – Proportionnalité – Impartialité.

Santé publique

Rapprochement des législations


Parties
Demandeurs : GE Healthcare A/S
Défendeurs : Commission européenne.

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Calvo-Sotelo Ibáñez-Martín

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:2019:624

Source

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