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09/07/2019 | CJUE | N°T-660/18

CJUE | CJUE, Ordonnance du Tribunal, VodafoneZiggo Group BV contre Commission européenne., 09/07/2019, T-660/18


ORDONNANCE DU TRIBUNAL (première chambre)

9 juillet 2019 ( *1 )

« Recours en annulation – Communications électroniques – Article 7 de la directive 2002/21/CE – Fourniture en gros d’accès fixe – Puissance significative conjointe sur le marché – Obligations réglementaires spécifiques imposées aux opérateurs – Projet de mesures mis à disposition par l’autorité réglementaire nationale – Observations de la Commission – Absence d’ouverture de la seconde phase de la procédure – Acte non susceptible de recours – Article 130 du

règlement de procédure – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑660/18,

VodafoneZiggo Group BV, établie à Utrec...

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (première chambre)

9 juillet 2019 ( *1 )

« Recours en annulation – Communications électroniques – Article 7 de la directive 2002/21/CE – Fourniture en gros d’accès fixe – Puissance significative conjointe sur le marché – Obligations réglementaires spécifiques imposées aux opérateurs – Projet de mesures mis à disposition par l’autorité réglementaire nationale – Observations de la Commission – Absence d’ouverture de la seconde phase de la procédure – Acte non susceptible de recours – Article 130 du règlement de procédure – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑660/18,

VodafoneZiggo Group BV, établie à Utrecht (Pays-Bas), représentée par Mes W. Knibbeler et A. Pliego Selie, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. G. Braun et Mme L. Nicolae, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision prétendument contenue dans la lettre du 30 août 2018 que la Commission a adressée à l’Autoriteit Consument en Markt (Autorité des consommateurs et des marchés, Pays-Bas), autorité réglementaire néerlandaise, et contenant ses observations formulées en application de l’article 7, paragraphe 3, de la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre
réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre ») (JO 2002, L 108, p. 33), sur un projet de mesures mis à sa disposition par ladite autorité (affaires NL/2018/2099 et NL/2018/2100),

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de Mme I. Pelikánová, président, MM. P. Nihoul et J. Svenningsen (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

Antécédents du litige

1 La requérante, VodafoneZiggo Group BV, est une société de droit néerlandais active dans le secteur des communications électroniques, offrant des services de fourniture d’Internet fixe, de télévision et de téléphonie par réseau câblé. À ce titre, ses activités relèvent de la réglementation de l’Union européenne applicable à ce secteur, en particulier de la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services
de communications électroniques (directive « cadre ») (JO 2002, L 108, p. 33, ci-après la « directive-cadre »), telle que modifiée, en dernier lieu, par la directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009 (JO 2009, L 337, p. 37).

Sur les procédures de consultation établies par la directive-cadre

2 Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, première phrase, de la directive-cadre, celle-ci tend à créer un cadre harmonisé pour la réglementation des services de communications électroniques, des réseaux de communications électroniques et des ressources et services associés ainsi que de certains aspects des équipements terminaux pour faciliter l’accès des utilisateurs handicapés. À ce titre, la directive-cadre fixe les tâches confiées aux autorités réglementaires nationales (ci-après les
« ARN »), à savoir le ou les organismes chargés par chacun des États membres de l’une ou de plusieurs de ces tâches. Celles-ci incluent notamment, ainsi que cela est prévu à l’article 16 de ladite directive, la réalisation d’analyses des marchés pertinents, lesquelles peuvent conduire à l’imposition par les ARN d’obligations réglementaires spécifiques, également dénommées « mesures correctrices », pour des opérateurs disposant d’une puissance significative sur l’un des marchés relevant de la
directive-cadre.

3 À cet égard, ainsi que cela ressort, en substance, du considérant 15 de la directive-cadre, celle-ci prévoit que, lorsque les ARN entendent prendre des mesures dans l’exercice de leurs tâches, y compris des mesures correctrices, elles doivent, dans certains cas, procéder, d’une part, conformément à son article 6, à une consultation publique au niveau national permettant de recueillir les observations des parties intéressées sur le projet de mesures et, d’autre part, en vertu de son article 7,
paragraphe 3, à une consultation au niveau de l’Union impliquant tant la Commission européenne que les ARN des autres États membres et l’Organe des régulateurs européens des communications électroniques (ORECE) (ci-après la « procédure de consultation européenne »).

4 La procédure de consultation européenne vise à mettre en place une coordination entre l’ARN à l’origine du projet de mesures, les autres ARN, la Commission et l’ORECE afin d’assurer l’application cohérente de la directive-cadre. Conformément à l’article 7, paragraphe 3, de cette directive, l’ARN ayant l’intention de prendre une mesure doit mettre à la disposition de ces autres acteurs institutionnels le projet de mesures ainsi que les motifs sur lesquels la ou les mesures sont fondées afin qu’ils
puissent lui adresser, dans un délai d’un mois non prolongeable, leurs observations (ci-après la « première phase de la procédure de consultation européenne »). Conformément à l’article 7, paragraphe 7, de la directive-cadre, l’ARN doit ensuite tenir « le plus grand compte » de ces observations.

5 Dans certains cas définis dans la directive-cadre, la Commission peut toutefois émettre des réserves et décider de prolonger l’examen d’un projet de mesures mis à disposition par une ARN en ouvrant un nouveau délai dans le cadre d’une nouvelle phase de la procédure de consultation européenne (ci-après la « seconde phase de la procédure de consultation européenne »).

6 Tel est le cas, d’une part, en application de l’article 7, paragraphe 4, de la directive-cadre (ci-après la « seconde phase de l’article 7 »), lorsque la ou les mesures envisagées visent à définir un marché pertinent qui diffère de ceux recensés par la Commission ou à désigner ou non une entreprise comme disposant, individuellement ou conjointement avec d’autres, d’une puissance significative sur le marché (ci-après une « PSM ») et que cette ou ces mesures auraient des incidences sur les échanges
entre les États membres. Dans de tels cas, si la Commission a indiqué à l’ARN qu’elle estimait que le projet de mesures ferait obstacle au marché unique ou si elle a de graves doutes quant à sa compatibilité avec la législation de l’Union et, en particulier, avec les objectifs visés à l’article 8 de la directive-cadre, l’adoption du projet de mesures est retardée de deux mois supplémentaires, lequel délai ne peut pas être prolongé. En outre, la Commission doit informer les autres ARN de ses
réserves. À l’issue de ce délai de deux mois, la Commission peut, en vertu de l’article 7, paragraphe 5, de la directive-cadre, exiger que l’ARN concernée retire son projet de mesures (ci-après le « droit de veto ») ou lever ses réserves concernant ledit projet.

7 D’autre part, conformément à l’article 7 bis, paragraphe 1, de la directive-cadre (ci-après la « seconde phase de l’article 7 bis »), l’ouverture de la seconde phase de la procédure de consultation européenne peut être décidée lorsque la ou les mesures envisagées visent à imposer, à modifier ou à supprimer une obligation réglementaire spécifique, c’est-à-dire une « mesure correctrice », incombant à un opérateur conformément à certaines dispositions de la directive-cadre, de la directive 2002/19/CE
du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu’à leur interconnexion (JO 2002, L 108, p. 7), et de la directive 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive « service universel ») (JO 2002, L 108, p. 51). Dans pareil cas, la Commission
peut notifier à l’ARN concernée et à l’ORECE les raisons pour lesquelles elle estime que le projet de mesures constitue une entrave au marché unique ou a de sérieux doutes quant à sa compatibilité avec la législation de l’Union. Dans ce cas, le projet de mesures ne peut pas être adopté avant l’expiration d’un nouveau délai de quatre mois suivant la notification de la Commission, conformément à l’article 7 bis, paragraphes 1 et 5, de la directive-cadre. À l’issue de ce délai, la Commission peut, en
vertu de l’article 7 bis, paragraphe 5, de la directive-cadre, soit émettre une recommandation demandant à l’ARN concernée de modifier ou de retirer le projet de mesures, soit lever ses réserves concernant ledit projet.

8 Ainsi, lorsque la Commission a des réserves sur divers aspects du projet de mesures mis à sa disposition, elle peut ouvrir tant la seconde phase de l’article 7 que la seconde phase de l’article 7 bis.

9 Enfin, s’agissant des mesures adoptées par les ARN dans le cadre de la mise en œuvre de la directive-cadre, l’article 4 de celle-ci prévoit un droit de recours national contre de telles décisions.

Sur la procédure ayant donné lieu à l’acte attaqué

10 Le 27 février 2018, l’Autoriteit Consument en Markt (Autorité des consommateurs et des marchés, Pays-Bas, ci-après l’« ACM »), l’ARN néerlandaise, a, conformément à l’article 6 de la directive-cadre, publié un projet de mesures à des fins de consultation publique.

11 Le projet de mesures concernait notamment l’analyse du marché de la fourniture en gros en position déterminée. Dans celui-ci, l’ACM considérait que certains opérateurs, dont la requérante, bénéficiaient, sur ce marché, d’une puissance significative conjointe sur le marché et proposait d’imposer des obligations réglementaires spécifiques à ces opérateurs, conformément à l’article 16 de la directive-cadre.

12 Les parties intéressées ont été invitées à présenter leurs observations sur le projet de mesures pour le 10 avril 2018. La requérante a soumis des observations dans le délai prévu.

13 Le 31 juillet 2018, l’ACM a mis le projet de mesures à la disposition de la Commission, de l’ORECE et des ARN des autres États membres, conformément à l’article 7, paragraphe 3, de la directive-cadre. Le projet de mesures ainsi transmis a été enregistré par la Commission sous les références « NL/2018/2099 » et « NL/2018/2100 ».

14 À la suite de la transmission du projet de mesures, la Commission a, au titre de l’article 5, paragraphe 2, de la directive-cadre, sollicité des informations complémentaires auprès de l’ACM le 6 août 2018 et reçu une réponse de celle-ci le 9 août suivant. Le même jour, la Commission a envoyé une demande complémentaire d’informations, à laquelle l’ACM a répondu.

15 Le 8 août 2018, la requérante a soumis des observations à la Commission concernant le projet de mesures.

16 Le 30 août 2018, la Commission a, au titre de l’article 7, paragraphe 3, de la directive-cadre, adressé à l’ACM une lettre contenant ses observations (ci-après l’« acte attaqué ») sur le projet de mesures, sans estimer nécessaire d’ouvrir la seconde phase de la procédure de consultation européenne. Ces observations ont été publiées sur le site Internet de la Commission le 31 août 2018.

17 Le 27 septembre 2018, l’ACM a adopté sa décision, laquelle identifie certains opérateurs, dont la requérante, comme bénéficiant d’une puissance significative conjointe sur le marché de la fourniture en gros en position déterminée et leur impose des obligations réglementaires spécifiques. Dans l’annexe I de cette décision, l’ACM explique la manière dont elle a tenu compte des observations de la Commission.

18 À la suite de cette décision, la requérante aurait, ainsi que cela est prévu par l’article 4 de la directive-cadre, introduit un recours contre la décision de l’ACM devant le College van Beroep voor het bedrijfsleven (Cour d’appel du contentieux administratif en matière économique, Pays-Bas).

Procédure et conclusions des parties

19 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 novembre 2018, la requérante a introduit le présent recours. La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler l’acte attaqué ;

– condamner la Commission aux dépens.

20 Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 23 janvier 2019, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 130 du règlement de procédure du Tribunal. Dans son exception, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours comme étant manifestement irrecevable ;

– condamner la requérante aux dépens.

21 Par actes déposés au greffe du Tribunal respectivement le 1er février 2019 pour le Royaume des Pays-Bas et le 27 février 2019 pour T‑Mobile Netherlands Holding BV, T‑Mobile Netherlands BV, T‑Mobile Thuis BV et Tele2 Nederland BV, ceux-ci ont demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

22 Le 15 mars 2019, la requérante a présenté ses observations sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission, dans lesquelles elle conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter ladite exception et déclarer le recours recevable ;

– annuler l’acte attaqué ;

– condamner la Commission à supporter ses propres dépens et ceux de tout intervenant.

En droit

23 En vertu de l’article 130 du règlement de procédure, lorsque, par acte séparé, le défendeur demande au Tribunal de statuer sur l’irrecevabilité ou l’incompétence, sans engager le débat au fond, ce dernier doit statuer sur la demande dans les meilleurs délais, le cas échéant après avoir ouvert la phase orale de la procédure.

24 En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide de statuer par la voie d’une ordonnance motivée sans poursuivre la procédure.

25 À l’appui de son exception d’irrecevabilité, la Commission soulève en substance deux fins de non-recevoir, qu’il convient d’examiner successivement. En premier lieu, l’acte attaqué ne constituerait pas un acte susceptible de recours au sens de l’article 263 TFUE dès lors qu’il ne produirait pas d’effets juridiques contraignants. Il constituerait tout au plus un acte préparatoire n’établissant pas de position définitive de cette institution. En second lieu, la requérante n’aurait pas qualité pour
agir au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, dès lors que l’acte attaqué ne la concernerait pas directement.

26 S’agissant du caractère attaquable de l’acte attaqué, la Commission considère que les motifs d’irrecevabilité, tels que retenus par le Tribunal dans les ordonnances du 12 décembre 2007, Vodafone España et Vodafone Group/Commission (T‑109/06, EU:T:2007:384), et du 22 février 2008, Base/Commission (T‑295/06, non publiée, EU:T:2008:48), sont transposables au cas d’espèce.

27 La requérante, qui considère que la Commission aurait dû ouvrir la seconde phase de la procédure de consultation européenne, soutient pour sa part que l’acte attaqué produit des effets juridiques contraignants, de sorte que le Tribunal serait compétent pour se prononcer sur sa légalité au titre de l’article 263 TFUE. En effet, la situation juridique de la requérante serait affectée, dès lors que, selon elle, des observations formulées en vertu de l’article 7, paragraphe 3, de la directive-cadre
lient l’ARN concernée, que de telles observations constituent une autorisation permettant à l’ARN concernée de procéder à l’adoption du projet de mesures examiné et que la transmission de telles observations affecte les droits procéduraux de la requérante lorsque la Commission s’abstient d’ouvrir la seconde phase de la procédure de consultation européenne. L’ordonnance du 12 décembre 2007, Vodafone España et Vodafone Group/Commission (T‑109/06, EU:T:2007:384), évoquée par la Commission, ne serait
pas pertinente en raison des différences, concernant les circonstances factuelles et juridiques, entre l’affaire ayant donné lieu à ladite ordonnance et le cas d’espèce. Par ailleurs, l’acte attaqué ne constituerait pas un acte préparatoire dès lors qu’il refléterait la position définitive de la Commission en concluant la procédure de consultation européenne.

28 À cet égard, selon une jurisprudence constante, sont considérés comme des actes attaquables, au sens de l’article 263 TFUE, les actes pris par les institutions, quelles qu’en soient la nature ou la forme, qui visent à produire des effets de droit contraignants de nature à affecter les intérêts de la partie requérante, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique (voir, en ce sens, arrêts du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, EU:C:1981:264, point 9 ; du 17 juillet 2008,
Athinaïki Techniki/Commission, C‑521/06 P, EU:C:2008:422, point 29, et du 20 septembre 2016, Mallis e.a./Commission et BCE, C‑105/15 P à C‑109/15 P, EU:C:2016:702, point 51).

29 Pour déterminer si un acte contesté devant le juge de l’Union au titre de l’article 263 TFUE produit des effets juridiques contraignants, il y a lieu de s’attacher à la substance de cet acte et d’apprécier lesdits effets à l’aune de critères objectifs, tels que le contenu de ce même acte, en tenant compte, le cas échéant, du contexte de l’adoption de ce dernier ainsi que des pouvoirs de l’institution qui en est l’auteur (voir, en ce sens, arrêt du 20 février 2018, Belgique/Commission, C‑16/16 P,
EU:C:2018:79 , points 31 et 32 et jurisprudence citée).

30 Par ailleurs, lorsqu’il s’agit d’actes dont l’élaboration s’effectue en plusieurs phases, notamment au terme d’une procédure interne, ne constituent en principe des actes attaquables que les mesures qui fixent définitivement la position de l’institution concernée au terme de cette procédure, à l’exclusion des mesures intermédiaires dont l’objectif est de préparer la décision finale (voir, en ce sens, arrêt du 22 juin 2000, Pays-Bas/Commission, C‑147/96, EU:C:2000:335, point 26 et jurisprudence
citée).

31 Partant, il convient d’apprécier en l’espèce, tout d’abord, si l’acte attaqué constitue un acte attaquable au regard du contexte dans lequel il a été adopté, de son contenu et de son éventuel caractère préparatoire.

Sur le contexte dans lequel l’acte attaqué a été adopté

32 À titre liminaire, il importe de relever que, en premier lieu, dans le cadre de l’attribution des tâches aux ARN et à la Commission, le législateur de l’Union a voulu attribuer un rôle central aux ARN pour atteindre les objectifs visés par la directive-cadre (voir, en ce sens, ordonnance du 12 décembre 2007, Vodafone España et Vodafone Group/Commission, T‑109/06, EU:T:2007:384, points 72 à 75), lesquelles se voient attribuer des compétences réglementaires, consistant notamment à définir, sur la
base des principes du droit de la concurrence, les marchés des communications électroniques se trouvant sur leur territoire (article 15, paragraphe 3, de la directive-cadre), à identifier les opérateurs disposant, individuellement ou conjointement, d’une PSM (article 14 de la directive-cadre) et à déterminer les obligations réglementaires qui doivent, le cas échéant, être imposées à ces opérateurs (article 16, paragraphe 4, de la directive-cadre).

33 Dans l’exercice de leurs fonctions de réglementation, les ARN disposent ainsi d’un pouvoir étendu afin qu’elles puissent apprécier le besoin de réglementation d’un marché en fonction de chaque situation, au cas par cas (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2016, Koninklijke KPN e.a., C‑28/15, EU:C:2016:692, point 36 et jurisprudence citée).

34 En deuxième lieu, la Commission assiste, elle, les ARN et cherche à garantir l’application harmonisée du cadre réglementaire dans l’ensemble de l’Union. Ainsi, la Commission publie des recommandations et des lignes directrices, notamment, au titre de l’article 15 de la directive-cadre, sur les marchés pertinents de produits et de services ainsi que sur l’analyse du marché et l’évaluation de la puissance sur le marché, en vue d’assurer l’application cohérente du cadre réglementaire. En outre, au
titre de l’article 19, paragraphe 1, de la directive-cadre, « la Commission […] peut, en tenant le plus grand compte de l’avis émis par l’ORECE, publier une recommandation ou une décision sur l’application harmonisée des dispositions de [ladite] directive et des directives particulières afin de poursuivre les objectifs énoncés à l’article 8 » (voir, en ce sens, ordonnance du 12 décembre 2007, Vodafone España et Vodafone Group/Commission, T‑109/06, EU:T:2007:384, point 75).

35 En troisième lieu, s’agissant de la procédure de consultation européenne, le libellé des articles 7 et 7 bis de la directive-cadre révèle que, dans le cadre de cette procédure, la Commission joue davantage un rôle de coordination qu’un rôle décisionnel.

36 D’une part, durant la première phase de la procédure de consultation européenne, la Commission peut formuler des « observations » sur tout projet de mesures mis à sa disposition par les ARN, dont ces dernières doivent « [tenir] le plus grand compte », conformément à l’article 7, paragraphes 3 et 7, de la directive-cadre.

37 D’autre part, durant la seconde phase de l’article 7 bis, si la Commission peut, au titre de l’article 7 bis, paragraphe 5, sous a), de la directive-cadre, « émettre une recommandation demandant à l’[ARN] concernée de modifier ou de retirer [son] projet », l’ARN concernée peut cependant décider de ne pas modifier son projet de mesures ou de ne pas le retirer, c’est-à-dire de passer outre la recommandation émise par la Commission, pour autant qu’elle fournisse une justification motivée à cet
égard, ainsi que le prévoit l’article 7 bis, paragraphe 7, de ladite directive.

38 En définitive, ce n’est que dans le cadre de la seconde phase de l’article 7 qu’une ARN peut se retrouver liée par la position de la Commission, en l’occurrence lorsque, en vertu de l’article 7, paragraphe 5, sous a), de la directive-cadre, cette dernière décide d’exercer son droit de veto.

39 C’est notamment à la lumière de ces considérations quant au cadre juridique établi par la directive-cadre, attribuant un rôle central aux ARN, qu’il y a lieu d’examiner les arguments invoqués par la requérante pour justifier l’existence d’effets juridiques contraignants de l’acte attaqué, de sorte qu’il serait susceptible d’un recours devant le juge de l’Union au titre de l’article 263 TFUE.

Sur les arguments tirés de l’exigence de tenir « le plus grand compte » des observations de la Commission

40 La requérante considère que l’exigence, prévue à l’article 7, paragraphe 7, de la directive-cadre, selon laquelle l’ARN concernée doit « [tenir] le plus grand compte » des observations formulées par la Commission, impose de suivre les prescriptions incluses dans ces dernières.

41 En premier lieu, la requérante s’appuie sur l’arrêt du 15 septembre 2016, Koninklijke KPN e.a. (C‑28/15, EU:C:2016:692, points 37 et 38), dans lequel la Cour s’est prononcée sur l’obligation, prévue à l’article 19, paragraphe 2, second alinéa, de la directive-cadre, pour les ARN de tenir le plus grand compte de recommandations publiées par la Commission en application du paragraphe 1 de cette disposition. La Cour a considéré que les ARN devaient suivre, en principe, les indications contenues dans
la recommandation 2009/396/CE de la Commission, du 7 mai 2009, sur le traitement réglementaire des tarifs de terminaison d’appels fixe et mobile dans l’Union (JO 2009, L 124, p. 67). Selon la requérante, l’ACM devait, par analogie, suivre « en principe » les observations formulées par la Commission dans l’acte attaqué.

42 Toutefois, contrairement à ce que soutient la requérante, cette jurisprudence n’implique pas que de telles observations aient un caractère contraignant. Premièrement, il convient de noter que, d’une part, la Cour a également jugé, aux points 34 et 35 de cet arrêt du 15 septembre 2016, Koninklijke KPN e.a. (C‑28/15, EU:C:2016:692), que, conformément à l’article 288 TFUE, une telle recommandation ne revêt, en principe, pas un caractère contraignant et qu’il en découle que l’ARN, lors de l’adoption
d’une décision, n’est pas liée par la recommandation 2009/396. D’autre part, en usant des termes « en principe », sur lesquels insiste la requérante, la Cour a confirmé que l’obligation de suivre les indications contenues dans la recommandation 2009/396 laissait place à une certaine marge d’appréciation de l’ARN et ne la liait donc pas de manière contraignante. C’est ce que confirme la phrase suivante du point 38 dudit arrêt, dans laquelle la Cour précise qu’une ARN peut s’écarter du modèle
« Bulric strict » préconisé par la recommandation 2009/396 s’il lui apparaît, dans le cadre de son appréciation d’une situation donnée, que ledit modèle n’est pas adapté aux circonstances.

43 À cet égard, en instituant les recommandations comme catégorie particulière d’actes de l’Union et en prévoyant expressément qu’elles « ne lient pas », l’article 288 TFUE a entendu investir les institutions habilitées à les adopter d’un pouvoir d’incitation et de persuasion, distinct du pouvoir d’adopter des actes dotés d’une force obligatoire (arrêt du 20 février 2018, Belgique/Commission, C‑16/16 P, EU:C:2018:79, point 26). Ce constat vaut également, par analogie, pour les observations formulées
par la Commission lors de la première phase de la procédure de consultation européenne, en vertu de l’article 7, paragraphe 3, de la directive-cadre, telles que celles formulées dans l’acte attaqué dans la présente affaire.

44 Deuxièmement, la formule « tient le plus grand compte » met en exergue le caractère non contraignant d’observations de la Commission formulées au titre de l’article 7, paragraphe 3, de la directive-cadre. En effet, si de telles observations étaient contraignantes, il ne suffirait pas pour une ARN d’en tenir le plus grand compte, au risque de dénaturer les termes et le but de cette disposition. À ce titre, il convient de relever que les observations de la Commission sont équivalentes à celles
formulées, le cas échéant, par les autres ARN ou par l’ORECE, de sorte que, dans l’hypothèse où les observations de ces divers acteurs institutionnels proposeraient des approches différentes, l’ARN concernée pourrait suivre l’approche proposée par une autre ARN ou l’ORECE plutôt que celle préconisée par la Commission (voir, en ce sens, ordonnances du 12 décembre 2007, Vodafone España et Vodafone Group/Commission, T‑109/06, EU:T:2007:384, points 93 et 94, et du 22 février 2008, Base/Commission,
T‑295/06, non publiée, EU:T:2008:48, points 63 et 64).

45 En deuxième lieu, ainsi que le souligne la requérante, la Cour a certes considéré, dans son arrêt du 11 septembre 2003, Altair Chimica (C‑207/01, EU:C:2003:451, point 41), que, même si les recommandations ne visent pas à produire des effets contraignants et ne sont pas en mesure de créer des droits que les particuliers peuvent invoquer devant un juge national, elles ne sont cependant pas dépourvues de tout effet juridique.

46 Toutefois, il convient de distinguer les effets envisagés dans cette jurisprudence des effets juridiques contraignants, allégués par la requérante, de nature à affecter ses intérêts en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique. Premièrement, au même point de l’arrêt évoqué par la requérante, la Cour a expressément illustré les effets juridiques envisagés, en expliquant que les juges nationaux sont tenus de prendre les recommandations en considération en vue de la solution des litiges
qui leur sont soumis, notamment lorsqu’elles éclairent l’interprétation de dispositions nationales prises dans le but d’assurer leur mise en œuvre ou lorsqu’elles ont pour objet de compléter des dispositions du droit de l’Union ayant un caractère contraignant (voir arrêt du 11 septembre 2003, Altair Chimica, C‑207/01, EU:C:2003:451, point 41 et jurisprudence citée).

47 Deuxièmement, l’exigence de tenir « le plus grand compte » a un effet juridique distinct des effets allégués par la requérante, en ce que ladite exigence impose une obligation de motivation. Ainsi, une ARN doit pouvoir expliquer des divergences par rapport aux observations de la Commission (voir, en ce sens, ordonnance du 22 février 2008, Base/Commission, T‑295/06, non publiée, EU:T:2008:48, point 65). C’est également le sens du point 38 de l’arrêt du 15 septembre 2016, Koninklijke KPN e.a.
(C‑28/15, EU:C:2016:692), par lequel la Cour a considéré qu’une ARN peut s’écarter du modèle « Bulric strict » préconisé par la recommandation 2009/396 « en motivant sa position ».

48 À cet égard, l’article 19, paragraphe 2, de la directive-cadre prévoit explicitement que, « [l]orsqu’une [ARN] choisit de ne pas suivre une recommandation, elle en informe la Commission en communiquant la motivation de sa position ». Aucune obligation formelle de motivation n’est prévue à l’article 7, paragraphe 3, de la directive-cadre en ce qui concerne les observations formulées par la Commission sur un projet de mesures transmis par une ARN (voir, en ce sens, ordonnance du 22 février 2008,
Base/Commission, T‑295/06, non publiée, EU:T:2008:48, point 65).

49 À ce titre, dans la présente affaire, l’ACM a expliqué, dans l’annexe I de sa décision du 27 septembre 2018, comment elle a tenu le plus grand compte des observations de la Commission. Le contenu et le libellé de cette annexe indiquent que cette ARN a examiné et commenté les observations de la Commission, sans s’estimer liée par celles-ci.

50 En tout état de cause, une obligation de motivation, qui incomberait aux ARN, ne serait pas de nature à affecter les intérêts de la requérante, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celle-ci (voir, en ce sens, ordonnance du 22 février 2008, Base/Commission, T‑295/06, non publiée, EU:T:2008:48, point 65).

51 En troisième lieu, la requérante affirme que les ARN ne peuvent ignorer des observations formulées dans le cadre de la procédure visée à l’article 7, paragraphe 3, de la directive-cadre, au risque de violer le devoir de coopération loyale prévu à l’article 4, paragraphe 3, TUE. En effet, elle souligne, en se prévalant de l’arrêt du 16 avril 2015, Prezes Urzędu Komunikacji Elektronicznej et Telefonia Dialog (C‑3/14, EU:C:2015:232), que cette procédure consiste, ainsi qu’il ressort du
considérant 15 de la directive-cadre, à garantir que les décisions prises au niveau national n’ont pas d’effet néfaste sur le marché unique ou sur d’autres objectifs du TFUE.

52 Toutefois, le devoir de coopération loyale ne peut conduire à ce que de telles observations aient des effets juridiques contraignants. En effet, le devoir de coopération loyale ne peut aboutir à écarter les conditions de recevabilité expressément prévues à l’article 263 TFUE (arrêt du 20 février 2018, Belgique/Commission, C‑16/16 P, EU:C:2018:79, point 40). Par ailleurs, le législateur de l’Union ayant explicitement déterminé les effets juridiques qu’il souhaitait accorder à des observations
formulées en vertu de l’article 7, paragraphe 3, de la directive-cadre, le devoir de coopération loyale ne saurait avoir une portée plus étendue en accordant des effets juridiques non envisagés par le législateur.

53 En quatrième lieu, la requérante affirme que sa position est confirmée par la jurisprudence nationale, en citant une décision du Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale, Allemagne). Toutefois, l’analyse qui précède ne saurait être remise en cause par une jurisprudence nationale. En effet, en vertu d’une jurisprudence constante, l’exigence d’une application uniforme du droit de l’Union demande que, dans la mesure où une disposition de celui-ci ne renvoie pas au droit des États
membres en ce qui concerne une notion particulière, cette dernière doit trouver, dans toute l’Union, une interprétation autonome et uniforme qui doit être recherchée en tenant compte du contexte de la disposition et de l’objectif poursuivi par la réglementation en cause (voir, en ce sens, arrêt du 9 novembre 2016, Wathelet, C‑149/15, EU:C:2016:840, point 28 et jurisprudence citée). En tout état de cause, l’extrait cité par la requérante ne permet pas de conclure que le Bundesverwaltungsgericht
(Cour administrative fédérale) a considéré que les observations de la Commission produisaient des effets juridiques contraignants au sens de l’article 263, premier alinéa, TFUE.

54 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de constater que l’exigence selon laquelle l’ARN concernée doit « [tenir] le plus grand compte » des observations formulées par la Commission au titre de l’article 7, paragraphe 3, de la directive-cadre n’implique pas que l’acte attaqué ait des effets juridiques contraignants.

Sur les arguments tirés de ce que l’acte attaqué constituerait une autorisation

55 La requérante considère que les observations de la Commission, bien que prises sous la forme d’une lettre, constituent une autorisation permettant à l’ACM d’adopter sa décision du 27 septembre 2018.

56 En premier lieu, la requérante soutient que la transmission d’observations en vertu de l’article 7, paragraphe 3, de la directive-cadre et l’ouverture de la seconde phase de l’article 7 sont les deux branches d’une même alternative, de sorte que la Commission serait face à un choix binaire entre une absence de veto ou un veto du projet de mesures communiqué par l’ARN.

57 Premièrement, il convient de relever que, s’il est vrai que la transmission d’observations et l’ouverture de la seconde phase de la procédure de consultation européenne constituent une alternative, il n’est pas question, contrairement à ce que soutient la requérante, d’un choix binaire entre l’absence de veto ou un veto du projet de mesures communiqué par l’ARN. En effet, lorsque la Commission ouvre la seconde phase de la procédure de consultation européenne, elle agit sur le fondement, selon le
cas, de l’article 7, paragraphe 4, de la directive-cadre ou de l’article 7 bis, paragraphe 1, de ladite directive, voire des deux dispositions à la fois. Or, ce n’est que dans le cadre de la seconde phase de l’article 7 que la Commission peut décider d’exiger que l’ARN retire son projet, pour autant qu’elle ne choisisse pas de lever ses réserves concernant le projet de mesures. En revanche, la seconde phase de l’article 7 bis peut, tout au plus, aboutir à l’émission d’une recommandation incitant
l’ARN concernée à modifier ou à retirer son projet.

58 En réalité, même si l’exercice du droit de veto, prévu à l’article 7, paragraphe 5, sous a), de la directive-cadre, engendre des effets juridiques contraignants en ce que l’ARN concernée ne serait plus en droit d’adopter les mesures initialement envisagées, le fait que la Commission n’exerce pas son droit de veto est équivalent à l’absence d’adoption d’une décision, de sorte que cette posture n’engendre aucun effet juridique contraignant (voir, en ce sens, ordonnances du 12 décembre 2007,
Vodafone España et Vodafone Group/Commission, T‑109/06, EU:T:2007:384, points 105 et 106, et du 22 février 2008, Base/Commission, T‑295/06, non publiée, EU:T:2008:48, points 75 et 76).

59 Deuxièmement, l’ARN concernée tire ses compétences directement des dispositions pertinentes de la directive-cadre et leur exercice ne requiert aucune autorisation de la part de la Commission. Par ailleurs, aucune disposition de ladite directive ne prévoit que l’absence d’ouverture de la seconde phase de la procédure de consultation européenne soit assimilée à une approbation du projet de mesures notifié autorisant l’ARN à agir (voir, en ce sens, ordonnances du 12 décembre 2007, Vodafone España et
Vodafone Group/Commission, T‑109/06, EU:T:2007:384, points 95 et 96, et du 22 février 2008, Base/Commission, T‑295/06, non publiée, EU:T:2008:48, points 66 et 68).

60 Ainsi, si l’ARN décide d’adopter la mesure nationale, dans sa forme initiale ou dans une forme modifiée, les effets juridiques contraignants découlant de cette mesure sont attribuables à l’ARN en question et non aux observations de la Commission ou à l’absence d’ouverture de la seconde phase de la procédure de consultation européenne (voir, en ce sens, ordonnances du 12 décembre 2007, Vodafone España et Vodafone Group/Commission, T‑109/06, EU:T:2007:384, point 106, et du 22 février 2008,
Base/Commission, T‑295/06, non publiée, EU:T:2008:48, point 77).

61 En deuxième lieu, la requérante considère que le fait que les mesures finalement adoptées par l’ACM ont des effets juridiques n’exclut pas l’existence d’effets juridiques contraignants de l’acte attaqué, dès lors que les deux actes résulteraient de processus administratifs distincts et que la procédure de consultation européenne est une étape obligatoire.

62 À cet égard, la procédure de consultation européenne constitue certes une étape obligatoire dans le processus d’adoption des mesures qui relèvent soit des articles 15 ou 16 de la directive-cadre, soit des articles 5 ou 8 de la directive 2002/19 et qui ont des incidences sur les échanges entre les États membres. Toutefois, ce constat ne suffit pas à reconnaître des effets juridiques contraignants aux observations formulées au titre de l’article 7, paragraphe 3, de la directive-cadre. En effet, un
éventuel non-respect de cette étape obligatoire aurait des effets distincts. Ainsi, à titre d’exemple, si une ARN devait ne pas engager la procédure de consultation européenne en s’abstenant de mettre un projet de mesures à la disposition des autres ARN, de la Commission et de l’ORECE ou ne pas attendre l’issue de ladite procédure en adoptant les mesures envisagées, cela pourrait conduire, le cas échéant, à un recours en manquement devant le juge de l’Union ou à un recours contre les mesures
adoptées par l’ARN devant le juge national.

63 Il résulte de ce qui précède que l’acte attaqué ne constitue pas une autorisation qui aurait permis à l’ACM d’adopter son projet de mesures et produirait de ce fait des effets juridiques contraignants.

Sur les arguments tirés de la prétendue affectation de droits procéduraux de la requérante

64 La requérante considère que l’acte attaqué a une incidence sur ses droits procéduraux, dès lors qu’elle serait privée de possibilités de se faire entendre dans le cadre de la seconde phase de la procédure de consultation européenne.

65 En premier lieu, la requérante fait valoir que l’ouverture de la seconde phase de la procédure de consultation européenne implique un certain nombre d’étapes procédurales qui lui permettraient d’être entendue et, le cas échéant, auraient pu influencer les mesures finalement adoptées par l’ACM.

66 Cependant, à supposer même que la sauvegarde des droits procéduraux d’une partie intéressée puisse être de nature à influencer le caractère attaquable d’une décision de ne pas ouvrir une procédure particulière, il importe encore d’examiner si, en vertu de la directive-cadre, la requérante bénéficie de droits procéduraux que le juge de l’Union devrait sauvegarder.

67 À cet égard, premièrement, il doit être rappelé, tout d’abord, que l’article 6 de la directive-cadre prévoit qu’une ARN, lorsqu’elle a l’intention de prendre des mesures ayant des incidences importantes sur le marché pertinent, a l’obligation d’organiser une consultation publique au niveau national afin de permettre aux parties intéressées de présenter leurs observations sur le projet de mesures dans un délai raisonnable. Conformément à l’article 7, paragraphe 3, de la directive-cadre, cette
consultation nationale a lieu préalablement à la consultation européenne, afin que cette dernière ait lieu en connaissance des observations des parties intéressées, ainsi que cela est exposé au considérant 17 de la directive 2009/140, qui a modifié la directive-cadre.

68 Ensuite, il convient de constater que la procédure de consultation européenne telle que conçue par la directive-cadre, qu’il s’agisse de la première ou de la seconde phase, concerne exclusivement les relations entre l’ARN concernée, d’une part, et la Commission, les autres ARN et l’ORECE, d’autre part, puisque la directive-cadre reste muette quant à une éventuelle participation des parties intéressées au niveau de l’Union (voir, en ce sens, ordonnances du 12 décembre 2007, Vodafone España et
Vodafone Group/Commission, T‑109/06, EU:T:2007:384, points 119 à 122, et du 22 février 2008, Base/Commission, T‑295/06, non publiée, EU:T:2008:48, points 90 à 92).

69 En effet, même si la Commission aurait pour pratique, d’une part, de publier sur son site Internet l’acte par lequel elle ouvre la seconde phase de la procédure de consultation européenne et, d’autre part, d’inviter les parties intéressées à présenter leurs observations, aucune disposition de la directive-cadre ne lui impose d’organiser une consultation des parties intéressées au niveau de l’Union et elle peut prendre connaissance des observations des parties intéressées obtenues au niveau
national lors de la consultation publique préalable à la procédure de consultation européenne.

70 En réalité, lorsque la directive-cadre envisage une participation additionnelle des parties intéressées, l’article 7, paragraphe 6, et l’article 7 bis, paragraphe 6, de la directive-cadre prévoient que c’est l’ARN concernée qui organise, au niveau national, une nouvelle consultation publique, et ce conformément à l’article 6 de la directive-cadre.

71 Deuxièmement, l’article 4 de la directive-cadre établit un droit de recours contre les mesures des ARN devant un organisme indépendant dont la décision, si ledit organisme n’est pas de nature juridictionnelle, doit pouvoir être réexaminée par une juridiction au sens de l’article 267 TFUE. Dans le cadre juridique établi par la directive-cadre, les mesures affectant les intérêts des entreprises actives dans le secteur des communications électroniques sont adoptées par les ARN au niveau national, et
non par la Commission, et doivent donc être susceptibles d’un recours effectif au niveau national.

72 Or, l’absence d’ouverture de la seconde phase de la procédure de consultation européenne, comme en l’espèce, implique que la décision finale sera prise au niveau national par l’adoption, le cas échéant, des mesures envisagées. Ainsi, les droits procéduraux des parties intéressées peuvent être sauvegardés devant les juridictions nationales (voir, en ce sens, ordonnances du 12 décembre 2007, Vodafone España et Vodafone Group/Commission, T‑109/06, EU:T:2007:384, points 117 à 121, et du 22 février
2008, Base/Commission, T‑295/06, non publiée, EU:T:2008:48, points 88 à 92).

73 En deuxième lieu, la requérante souligne en particulier le rôle joué par l’ORECE dans la seconde phase de la procédure de consultation européenne. À ce titre, dès lors que ce rôle résulte de modifications de la directive-cadre postérieures à l’ordonnance du 12 décembre 2007, Vodafone España et Vodafone Group/Commission (T‑109/06, EU:T:2007:384), il conviendrait de distinguer le cas d’espèce de celui ayant abouti à ladite ordonnance.

74 À cet égard, l’ORECE peut certes être impliqué désormais dans la seconde phase de la procédure de consultation européenne, au titre de l’article 7, paragraphe 5, et de l’article 7 bis, paragraphes 3 à 5, de la directive-cadre. Toutefois, cette circonstance n’implique pas l’existence de droits procéduraux de la requérante qui devraient être sauvegardés dans le cadre d’un recours au titre de l’article 263 TFUE.

75 Premièrement, il convient de relever, comme le fait à juste titre la Commission, que l’ouverture de la seconde phase de la procédure de consultation européenne n’est pas nécessaire pour permettre à l’ORECE de partager sa position quant au projet de mesures, étant donné que, en vertu de l’article 7, paragraphe 3, de la directive-cadre, ce dernier peut, dès la première phase, adresser des observations à l’ARN concernée dans le même délai d’un mois qui s’applique indifféremment aux ARN et à la
Commission.

76 Deuxièmement, la distinction opérée par la requérante entre les observations que peut formuler l’ORECE sur un projet de mesures, dans le cadre de la première phase de la procédure de consultation européenne, et l’avis que cet organe peut émettre, dans le cadre de la seconde phase de la procédure de consultation européenne, en vertu de l’article 7, paragraphe 5, de la directive-cadre, est inopérante.

77 Tout d’abord, l’avis de l’ORECE dans la seconde phase de la procédure de consultation européenne concerne certes l’acte de la Commission ouvrant la seconde phase de la procédure de consultation européenne et les réserves qui y sont exprimées, plutôt que le seul projet de mesures comme cela est le cas dans la première phase. Cependant, ces deux échanges concernent, in fine, le projet de mesures mis à disposition par l’ARN concernée.

78 Pour la même raison, il importe peu que la Commission, en vertu de l’article 7, paragraphe 5, de la directive-cadre, doive tenir « le plus grand compte » de l’avis émis par l’ORECE. Par ailleurs, cette exigence n’est pas pertinente, dès lors que la Commission doit généralement tenir « le plus grand compte de tous les avis, recommandations, lignes directrices, conseils, ou meilleures pratiques réglementaires adoptés par l’ORECE », conformément à l’article 3, paragraphe 3, du règlement (CE)
no 1211/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009, instituant l’ORECE ainsi que l’Office (JO 2009, L 337, p. 1) [abrogé et remplacé par l’article 4, paragraphe 4, du règlement (UE) 2018/1971 du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2018, établissant l’ORECE et l’Agence de soutien à l’ORECE (Office de l’ORECE), modifiant le règlement (UE) 2015/2120 (JO 2018, L 321, p. 1)]. Ainsi, dans la mesure où l’ORECE formulerait des observations avant la Commission dans le cadre
de la première phase de la procédure de consultation européenne, cette dernière devrait de toute façon en tenir le plus grand compte.

79 Troisièmement, la participation, dans le cadre de la seconde phase de la procédure de consultation européenne, de l’ORECE, organe institutionnel distinct des parties intéressées, est sans pertinence quant à la sauvegarde de prétendus droits procéduraux de la requérante.

80 En troisième lieu, la requérante évoque les arrêts du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex (C‑83/09 P, EU:C:2011:341, points 57 à 59), et du 27 février 2014, Stichting Woonpunt e.a./Commission (C‑132/12 P, EU:C:2014:100, point 30), en matière d’aides d’État. Il s’agit d’affaires dans lesquelles la question du respect des droits procéduraux a été invoquée dans le cadre de recours contre des décisions de la Commission, dites « de ne pas soulever d’objections », relevant de l’article 4,
paragraphe 3, du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article 93 du traité CE (JO 1999, L 83, p. 1), depuis lors remplacé par l’article 4, paragraphe 3, du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (JO 2015, L 248, p. 9).

81 Cependant, cette jurisprudence est sans pertinence dans la présente affaire. En effet, d’une part, le contrôle de la compatibilité des aides d’État relève de la compétence exclusive de la Commission, conformément à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, de sorte que ce n’est qu’au niveau de l’Union que les parties intéressées peuvent utilement faire valoir leurs éventuelles observations.

82 Or, en l’espèce, eu égard au fait que les mesures visées par la directive-cadre sont en principe prises au niveau national et non par la Commission, il suffit que les parties intéressées soient entendues au niveau national, à tout le moins lorsque la Commission se limite à formuler des observations au titre de l’article 7, paragraphe 3, de la directive-cadre (voir, en ce sens, ordonnances du 12 décembre 2007, Vodafone España et Vodafone Group/Commission, T‑109/06, EU:T:2007:384, point 128, et du
22 février 2008, Base/Commission, T‑295/06, non publiée, EU:T:2008:48, point 94).

83 D’autre part, les décisions prises par la Commission dans les affaires évoquées par la requérante produisent des effets juridiques contraignants, dès lors qu’elles déclarent explicitement les aides en cause compatibles avec le marché intérieur.

84 Toutefois, en l’espèce, l’acte attaqué ne déclare pas explicitement le projet de mesures compatible avec le droit de l’Union. Le cadre juridique établi par la directive-cadre était applicable avant la mise à la disposition du projet de mesures à la Commission et reste applicable indépendamment de la position prise par cette dernière dans l’acte attaqué. Celui-ci ne produit donc pas d’effets juridiques contraignants et la jurisprudence citée par la requérante n’est donc pas pertinente dans le cas
d’espèce (voir, en ce sens, ordonnance du 12 décembre 2007, Vodafone España et Vodafone Group/Commission, T‑109/06, EU:T:2007:384, points 125 et 127).

85 Eu égard aux considérations qui précèdent, il doit être conclu que l’acte attaqué, qui exclut l’ouverture de la seconde phase de la procédure de consultation européenne, n’affecte pas les droits procéduraux de la requérante.

Sur le contenu de l’acte attaqué

86 Il importe encore d’examiner le contenu de l’acte attaqué afin d’apprécier si celui-ci, nonobstant le contexte dans lequel il a été adopté, produirait néanmoins des effets juridiques contraignants.

Sur les arguments tirés du libellé de l’acte attaqué

87 La Commission relève qu’il ressort du libellé de l’acte attaqué qu’elle n’a pas eu l’intention de lui conférer des effets juridiques contraignants.

88 À cet égard, il convient de relever que, en premier lieu, l’acte attaqué mentionne à plusieurs occurrences qu’il contient des « observations ». Ainsi, d’abord, l’objet de l’acte attaqué précise qu’il s’agit d’« [o]bservations en vertu de l’article 7, paragraphe 3, de la [directive-cadre] », malgré l’usage inapproprié du terme « décision » dans l’intitulé du même objet.

89 Ensuite, sous le titre « Procédure », la Commission rappelle que, « [c]onformément à l’article 7, paragraphe 3, de la [directive-cadre], les [ARN], l’[ORECE] et la Commission peuvent formuler des observations à l’ARN concernée sur les projets de mesures notifiés ».

90 En outre, sous le titre « Observations », la Commission indique qu’elle « a examiné la notification et les informations supplémentaires fournies par l’ACM, [et] souhaite formuler les observations suivantes », introduction complétée par une note en bas de page précisant « [c]onformément à l’article 7, paragraphe 3, de la [directive-cadre] ».

91 Enfin, la Commission rappelle aussi à la fin de l’acte attaqué que, « [c]onformément à l’article 7, paragraphe 7, de la [directive-cadre], l’ACM tient le plus grand compte des observations formulées par les autres ARN, par l’ORECE et par la Commission et peut adopter le projet de mesure qui en découle, auquel cas elle en informe la Commission ».

92 En second lieu, les commentaires de la Commission sont libellés, pour l’essentiel, en des termes non impératifs. Ainsi, d’abord, celle-ci conclut, notamment, qu’elle « ne s’oppose pas au constat de [puissance significative conjointe sur le marché] ».

93 Ensuite, concernant la proportionnalité des mesures correctrices envisagées, la Commission, notamment, « demande à l’ACM de renforcer son raisonnement » concernant le caractère adéquat et proportionné des mesures proposées et « invite l’ACM à mieux expliquer » comment ces mesures permettraient d’atteindre l’objectif d’investissements efficaces.

94 En outre, concernant la mesure de tarification envisagée, la Commission « demande à l’ACM de considérer » une autre approche de contrôle des prix.

95 Enfin, dans ses remarques finales, la Commission, notamment, « invite l’ACM à suivre de près » les développements du marché, en particulier quant à de potentiels engagements portant sur des accords de coopération et des co-investissements et leur impact sur les niveaux d’investissement ainsi que les prix et l’intensité concurrentielle au niveau du détail.

96 Il en résulte que la Commission n’a pas cherché à imposer des obligations juridiquement contraignantes en adoptant l’acte attaqué, une interprétation partagée par l’ACM, le destinataire dudit acte, ainsi qu’il ressort du libellé de sa décision du 27 septembre 2018, en particulier de l’annexe I.

Sur les arguments tirés de l’objet des observations formulées dans l’acte attaqué

97 La requérante soutient que l’ordonnance du 12 décembre 2007, Vodafone España et Vodafone Group/Commission (T‑109/06, EU:T:2007:384), ne serait pas pertinente en l’espèce. Dans l’affaire ayant donné lieu à ladite ordonnance, la Comisión del Mercado de las Telecomunicaciones (Commission du marché des télécommunications, Espagne) avait mis un projet de mesures à la disposition de la Commission, enregistré sous la référence ES/2005/0330, et cette dernière avait formulé des observations en application
de l’article 7, paragraphe 3, de la directive-cadre. À la suite d’un recours introduit devant le Tribunal au titre de l’article 263 TFUE, celui-ci avait conclu notamment que les observations de la Commission ne constituaient pas un acte produisant des effets juridiques contraignants.

98 Selon la requérante, la présente affaire se distinguerait des circonstances pertinentes de celles de l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance du 12 décembre 2007, Vodafone España et Vodafone Group/Commission (T‑109/06, EU:T:2007:384). Ainsi, d’une part, l’acte attaqué contiendrait des observations concernant la définition de marché et les mesures correctrices envisagées par l’ACM, alors que les observations dans le cas ES/2005/0330 portaient sur l’analyse économique de la PSM et auraient ainsi
constitué des réserves de nature moins fondamentale. D’autre part, contrairement à l’analyse de la PSM par l’ARN espagnole dans le cas ES/2005/0330, l’approche de l’ACM dans le cas d’espèce serait manifestement et prima facie contraire au cadre réglementaire, dès lors qu’elle s’écarterait des indications contenues dans les documents d’orientation pertinents, précisément la recommandation 2014/710/UE de la Commission, du 9 octobre 2014, concernant les marchés pertinents de produits et de services
dans le secteur des communications électroniques susceptibles d’être soumis à une réglementation ex ante conformément à la directive-cadre (JO 2014, L 295, p. 79) et les lignes directrices de la Commission sur l’analyse du marché et l’évaluation de la puissance sur le marché en application du cadre réglementaire de l’Union pour les réseaux et les services de communications électroniques (JO 2018, C 159, p. 1).

99 En premier lieu, il convient de relever, comme le fait à juste titre la Commission, que la requérante n’explique pas comment des différences quant à l’objet des observations formulées par la Commission justifieraient de distinguer la présente affaire de celle ayant donné lieu à l’ordonnance du 12 décembre 2007, Vodafone España et Vodafone Group/Commission (T‑109/06, EU:T:2007:384).

100 Premièrement, le libellé de l’article 7, paragraphe 3, de la directive-cadre ne procède à aucune distinction quant à la base de l’objet des observations formulées par la Commission dans la première phase de la procédure de consultation européenne.

101 Deuxièmement, il est vrai que l’objet des réserves de la Commission détermine si celle-ci ouvre la seconde phase de l’article 7 ou la seconde phase de l’article 7 bis, voire les deux. Toutefois, à supposer même que les observations formulées dans le cas d’espèce constituent effectivement des réserves justifiant l’ouverture de la seconde phase de la procédure de consultation européenne, la même disposition, c’est-à-dire l’article 7, paragraphe 4, de la directive-cadre, aurait été applicable tant
dans le cas ES/2005/0330 que dans le cas d’espèce, dès lors que des réserves concernant la PSM ou la définition de marché relèvent chacune du champ d’application de ladite disposition. Par ailleurs, la distinction opérée par la requérante entre l’analyse théorique et l’analyse économique de la PSM est sans pertinence à cet égard.

102 En deuxième lieu, selon la requérante, contrairement au cas ES/2005/0330, le projet de mesures dans la présente affaire irait à l’encontre du cadre réglementaire, en ce que, d’une part, la définition de marché s’écarterait de l’approche présentée dans la recommandation 2014/710 et, d’autre part, l’analyse de la puissance significative conjointe sur le marché ne suivrait pas le cadre analytique des lignes directrices de la Commission sur l’analyse du marché et l’évaluation de la puissance sur le
marché en application du cadre réglementaire de l’Union pour les réseaux et les services de communications électroniques. Or, l’ACM aurait dû en principe suivre les indications contenues dans ces documents d’orientation.

103 À cet égard, il convient de rappeler que l’ACM peut s’écarter des indications contenues dans ces documents d’orientation s’il lui apparaît, dans le cadre de son appréciation d’une situation donnée, que celles-ci ne sont pas adaptées aux circonstances, ainsi que cela a été expliqué aux points 41 à 43 ci-dessus. Dans le cas d’espèce, à la lumière des informations fournies par l’ACM, notamment quant aux spécificités des circonstances de marché aux Pays-Bas, la Commission a jugé suffisant de
formuler des observations sans ouvrir la seconde phase de la procédure de consultation européenne.

104 En troisième lieu et en tout état de cause, il convient de noter que les différences dans l’objet des commentaires formulés par la Commission et l’existence de divergences par rapport aux documents d’orientation, avancées par la requérante, sont dénuées de pertinence quant aux effets juridiques d’observations transmises à une ARN en application de l’article 7, paragraphe 3, de la directive-cadre.

105 Il résulte des considérations qui précèdent que ni le contexte juridique dans lequel l’acte attaqué a été adopté, ni le contenu de ce dernier ne démontrent que celui-ci constituerait un acte produisant des effets juridiques contraignants. Il convient dès lors d’examiner le caractère préparatoire ou non de l’acte attaqué.

Sur le caractère préparatoire de l’acte attaqué

Sur les arguments tirés de l’aboutissement d’une procédure interne

106 La requérante s’oppose à l’argumentation de la Commission selon laquelle l’acte attaqué serait un acte préparatoire. En effet, l’acte attaqué constituerait l’étape finale d’une procédure administrative au niveau de l’Union. Dès lors que la Commission n’aurait plus d’opportunité d’intervenir ultérieurement, l’acte attaqué refléterait la position définitive de celle-ci au terme d’une procédure interne, contrairement aux circonstances pertinentes de la jurisprudence citée à l’appui de l’ordonnance
du 12 décembre 2007, Vodafone España et Vodafone Group/Commission (T‑109/06, EU:T:2007:384, point 97). Par ailleurs, à défaut de reconnaître la nature définitive de l’acte attaqué, il ne serait pas possible de contester la légalité d’actes de cette nature.

107 À cet égard, il convient de relever que, en premier lieu, nonobstant le fait que les observations formulées par la Commission ne soient pas suivies par un autre acte des institutions de l’Union, à la différence, relevée par la requérante, des circonstances pertinentes de la jurisprudence évoquée au point 106 ci-dessus, le Tribunal a explicitement considéré qu’une lettre d’observations de la Commission, au titre de l’article 7, paragraphe 3, de la directive-cadre, constituait un acte de l’Union
préparatoire dans le cadre d’une procédure qui conduit à l’adoption de mesures nationales par l’ARN concernée (ordonnance du 12 décembre 2007, Vodafone España et Vodafone Group/Commission, T‑109/06, EU:T:2007:384, point 97).

108 En deuxième lieu, comme le relève à juste titre la Commission, la procédure de consultation européenne, ayant conduit dans le cas d’espèce à la transmission d’observations par la Commission à l’ARN, ne constitue pas un aboutissement, mais uniquement une étape de la procédure administrative conduisant à l’adoption des mesures commentées dans lesdites observations.

109 Ainsi qu’il ressort de l’analyse qui précède, le cadre réglementaire applicable en l’espèce ne vise pas à instaurer un partage entre deux compétences, l’une nationale, l’autre relevant de l’Union, qui auraient des objets distincts, mais consacre au contraire le pouvoir décisionnel exclusif des ARN. Ce pouvoir n’est modéré que par le droit de veto de la Commission dans certaines circonstances, dont ne relève pas le cas d’espèce, et qui en tout état de cause ne peut aboutir à ce que la Commission
adopte des mesures en lieu et place d’une ARN.

110 L’éventuelle implication de la Commission, des autres ARN et de l’ORECE dans le cours de la procédure conduisant à l’adoption de mesures nationales ne saurait mettre en cause leur qualification de « mesures nationales », lorsque les actes pris par la Commission, les autres ARN et l’ORECE sont une étape d’une procédure dans laquelle l’ARN concernée exerce, seule, le pouvoir décisionnel final sans être liée par les actes préparatoires émanant de ces acteurs institutionnels (voir, par analogie,
arrêt du 19 décembre 2018, Berlusconi et Fininvest, C‑219/17, EU:C:2018:1023, points 41 à 44).

111 En troisième lieu, en optant pour une procédure administrative qui prévoit l’adoption par la Commission, les autres ARN et l’ORECE d’actes préparatoires à des mesures finales de l’ARN concernée produisant des effets juridiques contraignants et susceptibles de faire grief, le législateur de l’Union a entendu établir un mécanisme particulier de collaboration entre ces acteurs qui repose néanmoins sur la compétence décisionnelle exclusive et finale de l’ARN concernée.

112 Or, l’efficacité d’un tel processus décisionnel suppose nécessairement un contrôle juridictionnel unique qui ne soit exercé qu’une fois prises les mesures de l’ARN concernée mettant fin à la procédure administrative, seules susceptibles de produire des effets juridiques contraignants de nature à affecter les intérêts de la requérante, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique. Ainsi, une lecture de l’article 263 TFUE à la lumière du devoir de coopération loyale justifie que les
actes pris par les acteurs institutionnels autres que l’ARN concernée ne sauraient être soumis au contrôle du juge de l’Union au titre de l’article 263 TFUE (voir, par analogie, arrêt du 19 décembre 2018, Berlusconi et Fininvest, C‑219/17, EU:C:2018:1023, points 47 à 49).

Sur les arguments tirés du droit à une protection juridictionnelle effective

113 La requérante considère que le droit à une protection juridictionnelle effective, consacré notamment par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, commande d’accueillir le recours contre l’acte attaqué devant le Tribunal, dès lors qu’il constituerait l’unique juridiction compétente pour contrôler la validité d’un acte des institutions. Cela s’imposerait d’autant plus que les juridictions nationales accorderaient une certaine autorité à des observations formulées en
application de l’article 7, paragraphe 3, de la directive-cadre.

114 À cet égard, en premier lieu, il convient de rappeler que, si les conditions de recevabilité prévues à l’article 263 TFUE doivent être interprétées à la lumière du droit fondamental à une protection juridictionnelle effective, cette lecture ne peut pour autant aboutir à écarter les conditions expressément prévues par ledit traité (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 98 et jurisprudence citée, et ordonnance
du 28 février 2017, NF/Conseil européen, T‑192/16, EU:T:2017:128, point 74).

115 En deuxième lieu, dans le système mis en place par la directive-cadre, les ARN jouent un rôle central et, à cet égard, l’article 4 de cette directive oblige les États membres à établir un mécanisme de recours contre les décisions de ces autorités, organisant de cette manière un système de protection juridictionnelle complet (voir, en ce sens, ordonnances du 12 décembre 2007, Vodafone España et Vodafone Group/Commission, T‑109/06, EU:T:2007:384, point 101, et du 22 février 2008, Base/Commission,
T‑295/06, non publiée, EU:T:2008:48, point 71).

116 Ainsi, d’une part, lorsque, comme en l’espèce, le rôle de la Commission est limité à la transmission d’observations, en application de l’article 7, paragraphe 3, de la directive-cadre, aboutissant, en principe, à l’adoption d’une décision par l’ARN concernée, un droit de recours est ouvert devant la juridiction nationale concernée. Le cas échéant, cette juridiction nationale peut, conformément à l’article 267 TFUE, adresser des questions préjudicielles à la Cour relatives au cadre réglementaire
de l’Union applicable à une situation donnée. En effet, bien que l’article 263 TFUE exclue le contrôle de la Cour sur les actes non contraignants de l’Union, l’article 267 TFUE lui attribue la compétence pour statuer, à titre préjudiciel, sur la validité et l’interprétation des actes pris par les institutions de l’Union, sans exception aucune (voir, en ce sens, arrêts du 13 décembre 1989, Grimaldi, C‑322/88, EU:C:1989:646, point 8, et du 20 février 2018, Belgique/Commission, C‑16/16 P,
EU:C:2018:79, point 44).

117 D’autre part, si la Commission exerce son droit de veto au titre de l’article 7, paragraphe 5, sous a), de la directive-cadre, la procédure n’aboutit pas à une décision nationale, mais à l’adoption d’un acte de l’Union ayant des effets juridiques contraignants et une voie de recours est alors ouverte, dans ce cas, devant le juge de l’Union au titre de l’article 263 TFUE.

118 En troisième lieu, le fait que des juridictions nationales accordent, dans leur appréciation des faits d’une cause, un poids important aux observations formulées par la Commission au titre de l’article 7, paragraphe 3, de la directive-cadre est sans pertinence. D’une part, l’appréciation faite par les juridictions nationales ne pourrait conduire à conférer à un acte pris par une institution de l’Union des effets juridiques contraignants que ne lui reconnaît pas le droit de l’Union. D’autre part,
en cas de contestation relative à de telles observations entre les parties à un litige devant la juridiction nationale, cette juridiction peut poser des questions préjudicielles à la Cour, ainsi que cela a été expliqué au point 116 ci-dessus.

119 En tout état de cause, il convient de relever que, dans la seule décision de juridiction nationale citée par la requérante à l’appui de son argument, la référence à la position de la Commission constitue un motif parmi d’autres, de sorte que ladite juridiction ne s’est pas exclusivement appuyée sur l’éventuelle autorité accordée à la lettre de la Commission transmise à l’ACM en vertu de l’article 7, paragraphe 3, de la directive-cadre.

120 Ainsi qu’il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent, l’acte attaqué, qui ne produit pas d’effets juridiques contraignants et a un caractère préparatoire, ne constitue pas un acte susceptible d’un recours par la requérante devant le juge de l’Union, au titre de l’article 263 TFUE, afin de contester l’absence d’ouverture de la seconde phase de la procédure de consultation européenne.

121 Partant, l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission doit être accueillie et le présent recours doit être déclaré irrecevable, sans qu’il soit nécessaire d’examiner la seconde fin de non-recevoir, relative à la qualité pour agir de la requérante, ni de statuer sur les demandes d’intervention présentées par le Royaume des Pays-Bas ainsi que T‑Mobile Netherlands Holding, T‑Mobile Netherlands, T‑Mobile Thuis et Tele2 Nederland.

Sur les dépens

122 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Par conséquent, la requérante devra supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière, à l’exception de ceux afférents aux demandes d’intervention.

123 Aux termes de l’article 144, paragraphe 10, du règlement de procédure, lorsqu’il est mis fin à l’instance dans l’affaire principale avant qu’il ne soit statué sur une demande d’intervention, les demandeurs en intervention et les parties principales supportent chacun leurs propres dépens afférents à la demande d’intervention. Par conséquent, le Royaume des Pays-Bas ainsi que T‑Mobile Netherlands Holding, T‑Mobile Netherlands, T‑Mobile Thuis et Tele2 Nederland devront supporter leurs propres
dépens afférents à leurs demandes d’intervention respectives. En outre, la requérante et la Commission supporteront chacune leurs propres dépens afférents à ces demandes d’intervention.

  Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

ordonne :

  1) Le recours est rejeté comme irrecevable.

  2) Il n’y a plus lieu de statuer sur les demandes d’intervention du Royaume des Pays-Bas ainsi que de T‑Mobile Netherlands Holding BV, de T‑Mobile Netherlands BV, de T‑Mobile Thuis BV et de Tele2 Nederland BV.

  3) VodafoneZiggo Group BV supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne, à l’exception de ceux afférents aux demandes d’intervention.

  4) VodafoneZiggo Group, la Commission, le Royaume des Pays-Bas ainsi que T‑Mobile Netherlands Holding, T‑Mobile Netherlands, T‑Mobile Thuis et Tele2 Nederland supporteront chacun leurs propres dépens afférents aux demandes d’intervention.

Fait à Luxembourg, le 9 juillet 2019.

Le greffier

  E. Coulon

Le président

I. Pelikánová

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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : T-660/18
Date de la décision : 09/07/2019
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Recours en annulation – Communications électroniques – Article 7 de la directive 2002/21/CE – Fourniture en gros d’accès fixe – Puissance significative conjointe sur le marché – Obligations réglementaires spécifiques imposées aux opérateurs – Projet de mesures mis à disposition par l’autorité réglementaire nationale – Observations de la Commission – Absence d’ouverture de la seconde phase de la procédure – Acte non susceptible de recours – Article 130 du règlement de procédure – Irrecevabilité.

Télécommunications

Rapprochement des législations


Parties
Demandeurs : VodafoneZiggo Group BV
Défendeurs : Commission européenne.

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Svenningsen

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:2019:546

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