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07/05/2019 | CJUE | N°T-239/17

CJUE | CJUE, Arrêt du Tribunal, République fédérale d'Allemagne contre Commission européenne., 07/05/2019, T-239/17


ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

7 mai 2019 ( *1 )

« FEAGA et Feader – Dépenses exclues du financement – Dépenses effectuées par l’Allemagne – Correction financière forfaitaire appliquée au titre de la fréquence insuffisante des contrôles clés – Obligation de calcul et de comptabilisation annuelle des intérêts – Articles 31 et 32 du règlement (CE) no 1290/2005 – Article 6, sous h), du règlement (CE) no 885/2006 – Obligation de motivation – Proportionnalité »

Dans l’affaire T‑239/17,

République

fédérale d’Allemagne, représentée initialement par MM. D. Klebs et T. Henze, puis par M. Klebs, en qualité d’agent,

partie r...

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

7 mai 2019 ( *1 )

« FEAGA et Feader – Dépenses exclues du financement – Dépenses effectuées par l’Allemagne – Correction financière forfaitaire appliquée au titre de la fréquence insuffisante des contrôles clés – Obligation de calcul et de comptabilisation annuelle des intérêts – Articles 31 et 32 du règlement (CE) no 1290/2005 – Article 6, sous h), du règlement (CE) no 885/2006 – Obligation de motivation – Proportionnalité »

Dans l’affaire T‑239/17,

République fédérale d’Allemagne, représentée initialement par MM. D. Klebs et T. Henze, puis par M. Klebs, en qualité d’agent,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. D. Triantafyllou et M. Zalewski, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objetune demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation partielle de la décision d’exécution (UE) 2017/264 de la Commission, du 14 février 2017, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2017, L 39, p. 12), en ce qu’elle concerne la République fédérale d’Allemagne,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. A. M. Collins, président, Mme M. Kancheva (rapporteur) et M. G. De Baere, juges,

greffier : Mme N. Schall, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 13 novembre 2018,

rend le présent

Arrêt ( 1 )

[omissis]

En droit

[omissis]

Sur le premier moyen, tiré de l’absence de caractère erroné du calcul et de la présentation des intérêts

29 La République fédérale d’Allemagne soutient que la décision attaquée viole les dispositions combinées de l’article 31, paragraphe 1, et de l’article 32, paragraphe 5, du règlement no 1290/2005 ainsi que de l’article 6, sous h), et de l’annexe III du règlement no 885/2006. À cet égard, elle fait valoir que ni l’article 32 du règlement no 1290/2005, ni la jurisprudence du Tribunal, ni les dispositions sectorielles de la législation relative aux restitutions à l’exportation, ni le document de
travail AGRI-2007-62817-03-00, ni le document d’orientation no 1 sur la présentation à la Commission des tableaux de l’annexe III et de l’annexe III bis du règlement no 885/2006 jusqu’au 1er février 2009 (ci-après le « document d’orientation no 1 ») n’imposent une obligation relative au calcul et à la comptabilisation annuels des intérêts en vue de leur imputation au moyen de la règle des 50/50. Dès lors, en l’absence de violation, par les autorités allemandes, des dispositions du droit de
l’Union relatives au calcul et à la présentation des intérêts, la correction financière de 5 % appliquée par la Commission dans la décision attaquée ne saurait être justifiée.

30 En particulier, la République fédérale d’Allemagne fait valoir, à titre principal, que l’article 32 du règlement no 1290/2005 se borne à fixer, de manière générale, une répartition des pertes selon la règle des 50/50, de sorte que les intérêts et les sanctions soient également partagés par moitié entre l’Union et les États membres et qu’ils ne soient pas réputés réglés par ces derniers du seul fait du partage de la créance principale. Elle estime ainsi que la seule exigence du législateur de
l’Union consiste à indiquer séparément les différents montants devant être recouvrés afin de permettre, le cas échéant, une ventilation distincte des sommes individuelles non encore récupérées.

31 À titre subsidiaire, la République fédérale d’Allemagne soutient, d’une part, que la comptabilisation annuelle des intérêts n’est prévue de manière juridiquement contraignante que depuis l’entrée en vigueur du règlement no 1306/2013 ainsi que du règlement d’exécution no 908/2014, qui seraient inapplicables en l’espèce. D’autre part, elle fait valoir que la Commission a méconnu le document d’orientation no 1 en exigeant une mise à jour des intérêts à la fin de chaque exercice budgétaire.

32 La Commission conteste l’ensemble de ces arguments, en relevant que le premier moyen repose sur une interprétation erronée de l’article 31, paragraphe 1, et de l’article 32, paragraphe 5, du règlement no 1290/2005, lu en combinaison avec l’article 6, sous h), du règlement no 885/2006. En substance, elle fait valoir que, si aucune disposition du droit de l’Union ne régit l’obligation de comptabilisation des intérêts en particulier, il n’en demeure pas moins que le tableau de l’annexe III du
règlement no 885/2006 fait clairement référence aux exigences de l’article 6, sous h), dudit règlement, en vertu duquel les informations relatives aux montants indiqués dans ce tableau doivent être communiquées annuellement à la Commission. Selon cette dernière, il ressort de ladite disposition, lue en combinaison avec l’article 32 du règlement no 1290/2005, qu’il existe une obligation de comptabilisation annuelle des montants déclarés dans le tableau de l’annexe III du règlement no 885/2006.

33 À titre liminaire, il convient d’observer que, dans le cadre de son premier moyen, la République fédérale d’Allemagne cherche à démontrer que la décision attaquée doit être annulée, en fonction de son premier chef de conclusions, en ce que la Commission aurait méconnu l’article 31 et l’article 32, paragraphe 5, du règlement no 1290/2005, lus en combinaison avec l’article 6, sous h), et l’annexe III du règlement no 885/2006, en appliquant une correction financière au titre d’une déficience des
contrôles clés résultant de la violation de l’obligation de comptabilisation et de calcul annuels des intérêts qui pèsent sur la République fédérale d’Allemagne.

34 Il convient donc de déterminer, dans le cadre de l’examen du premier moyen, s’il existait une obligation de calcul et de présentation annuels des intérêts à la charge de la République fédérale d’Allemagne, afin d’établir une éventuelle violation du droit de l’Union. En ce qui concerne la question de savoir si, d’une part, l’application d’une correction financière était justifiée en l’espèce et, d’autre part, si ladite correction était proportionnée, elle sera traitée dans le cadre du cinquième
moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité.

35 Il importe de rappeler, en outre, que le tableau de l’annexe III du règlement no 885/2006 est un instrument pour calculer les montants qui sont imputés aux États membres dans le cadre de l’application de la règle des 50/50. Il s’ensuit que l’obligation de calculer les intérêts sur une base annuelle suppose nécessairement d’adopter, au préalable, une comptabilisation d’exercice, établie conformément au modèle de l’annexe III du règlement no 885/2006, de sorte que l’obligation de calcul et de
comptabilisation des intérêts sur une base annuelle constitue logiquement une seule et même obligation.

36 Par ailleurs, l’article 32 du règlement no 1290/2005, relatif aux obligations des États membres, s’agissant de la récupération des sommes auprès de bénéficiaires ayant commis des irrégularités ou ayant fait preuve de négligence, vise, dans son paragraphe 5, les situations particulières dans lesquelles l’État membre n’a pas récupéré les sommes, soit dans un délai de quatre ans après la date du premier acte de constat administratif ou judiciaire, soit dans un délai de huit ans si le recouvrement
fait l’objet d’une action devant les juridictions nationales. Dans de telles situations, il est alors précisé que « [l]’État membre concerné indique séparément dans l’état récapitulatif visé au paragraphe 3, premier alinéa, les montants pour lesquels le recouvrement n’a pas été effectué dans les délais prévus au premier alinéa du présent paragraphe ».

37 Selon la jurisprudence, la répartition à parts égales entre l’État membre concerné et le budget de l’Union de la responsabilité financière, telle que prévue à l’article 32, paragraphe 5, du règlement no 1290/2005, s’applique à toutes les incidences de nature financière liées à l’absence de récupération des sommes irrégulièrement versées, au titre desquelles figurent, notamment, les sommes principales ainsi que les intérêts qui s’y rapportent et qui auraient dû être versés au titre de
l’article 32, paragraphe 1, du même règlement (arrêt du 24 novembre 2015, Pays-Bas/Commission, T‑126/14, EU:T:2015:875, point 76 ; voir également, en ce sens, arrêt du 22 avril 2010, Italie/Commission, T‑274/08 et T‑275/08, EU:T:2010:154, points 39, 41 et 44).

38 À cet égard, il y a lieu de relever que les « montants non récupérés », au sens de l’article 32, paragraphes 3 et 5, du règlement no 1290/2005, comprennent le principal, les intérêts et les sanctions.

39 Par ailleurs, l’article 6 du règlement no 885/2006 prévoit que les comptes annuels, visés à l’article 8, paragraphe 1, sous c), iii), du règlement no 1290/2005 et qui doivent être communiqués à la Commission, comprennent, notamment, le tableau des paiements indus à récupérer à la fin de l’exercice, résultant d’irrégularités au sens de l’article 1er, paragraphe 2, du règlement (CE, Euratom) no 2988/95 du Conseil, du 18 décembre 1995, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés
européennes (JO 1995, L 312, p. 1), « sanctions et intérêts y afférents inclus », établi conformément au modèle prévu à l’annexe III du règlement no 885/2006.

40 En vertu d’une jurisprudence constante, il y a lieu, pour l’interprétation d’une disposition de droit de l’Union, de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la règlementation dont elle fait partie (voir arrêts du 7 juin 2005, VEMW e.a., C‑17/03, EU:C:2005:362, point 41 et jurisprudence citée, et du 6 octobre 2005, Sumitomo Chemical et Sumika Fine Chemicals/Commission, T‑22/02 et T‑23/02, EU:T:2005:349, point 47 et
jurisprudence citée).

41 C’est à la lumière de ces principes qu’il y a lieu d’examiner si l’article 6, sous h), du règlement no 885/2006 doit être compris comme obligeant les États membres à calculer et à comptabiliser les « paiements indus à récupérer », dans le tableau prévu à l’annexe III dudit règlement, sur une base annuelle.

42 Il importe de relever, d’emblée, que l’article 6 du règlement no 885/2006 s’inscrit dans le chapitre 2 intitulé « Apurement des comptes », au même titre que l’article 32, paragraphe 5, du règlement no 1290/2005 figure dans le titre IV intitulé « Apurement des comptes et surveillance par la Commission ».

43 En premier lieu, il apparaît que la réponse à la question du calcul et de la comptabilisation annuels des intérêts peut être déduite d’une interprétation littérale de l’article 6, sous h), du règlement no 885/2006. En effet, il convient de relever, premièrement, que l’expression « paiements indus à récupérer à la fin de l’exercice » signifie que, dans le cadre de la transmission des comptes annuels à la Commission, doivent lui être communiqués tous les montants qui n’ont pas encore été récupérés
à la fin d’un exercice financier, autrement dit à la fin d’une année. Deuxièmement, il ressort clairement des termes « sanctions et intérêts y afférents inclus » que lesdits montants comprennent non seulement les paiements indus, mais également les intérêts. Troisièmement, comme lesdits montants sont contenus dans les comptes annuels, ils sont, nécessairement, comptabilisés annuellement.

44 En deuxième lieu, cette interprétation littérale est fidèle à l’économie générale de la procédure d’apurement des comptes qui, ainsi que l’a souligné la Commission dans ses écritures, est une opération annuelle. En effet, il convient de lire l’article 32, paragraphe 5, du règlement no 1290/2005 et l’article 6, sous h), du règlement no 885/2006 à la lumière du considérant 23 du règlement no 1290/2005, selon lequel il convient que « la Commission procède annuellement à l’apurement des comptes » des
organismes payeurs agréés et que « la décision d’apurement des comptes concerne l’intégralité, l’exactitude et la véracité des comptes transmis ». Il en ressort que la Commission, lors de la procédure d’apurement, doit s’assurer qu’aucun des montants établis dans les comptes annuels n’échappe à l’apurement. À cette fin, les renseignements concernant le solde des créances et des recouvrements dans les États membres, communiqués dans les tableaux de l’annexe III du règlement no 885/2006 et joints
aux comptes annuels des organismes payeurs, doivent nécessairement être actualisés annuellement, afin que les comptes desdits organismes soient exacts et mis à jour à la fin de l’exercice financier, en vue de l’apurement.

45 En troisième lieu, il ressort du préambule du règlement no 1290/2005, et notamment des considérants 25 et 26 de celui-ci, que le système de coresponsabilité financière, instauré par l’article 32, paragraphe 5, dudit règlement, vise à protéger les intérêts financiers du budget de l’Union en imputant à l’État membre concerné une partie des sommes dues en raison d’irrégularités et qui n’ont pas été récupérées dans un délai raisonnable. Comme le souligne à juste titre la Commission, en conséquence de
l’absence de calcul et de mise à jour annuels des intérêts de retard, dans le tableau de l’annexe III du règlement no 885/2006 destiné à calculer les montants imputables aux États membres selon la règle des 50/50, il n’était pas possible de connaître le montant exact des intérêts de retard qu’il convenait d’imputer à la République fédérale d’Allemagne. Partant, l’inexactitude des données déclarées au titre du tableau de l’annexe III du règlement no 885/2006 serait incompatible avec la protection
des intérêts financiers du budget de l’Union, ce dernier étant alors exposé au risque de supporter des intérêts de retard qui auraient dû être imputés à l’État membre en cause conformément à la règle des 50/50.

46 Par ailleurs, il convient de relever que, si, comme le soutient la République fédérale d’Allemagne, le modèle de tableau figurant à l’annexe III du règlement no 885/2006 n’impose prima facie aucune obligation explicite de comptabilisation des intérêts dans la colonne destinée à la correction de la créance principale, il ressort de la jurisprudence que, lorsque les intérêts sont dus sur les créances principales, à la fin d’un exercice financier, en vertu d’une réglementation sectorielle de
l’Union, de telles créances d’intérêts doivent être considérées comme résultant de la même irrégularité, au sens de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 2988/95, que celle entraînant le recouvrement des montants indûment reçus, constitutifs des créances principales (arrêt du 2 mars 2017, Glencore Céréales France, C‑584/15, EU:C:2017:160, point 42). Dès lors que le montant de la créance initiale doit être adapté chaque année selon le recouvrement partiel ou total des intérêts dus sur
ladite créance, il convient de mettre à jour les intérêts à la fin de chaque exercice sous la forme d’un montant corrigé et, de ce fait, de les inscrire avec la créance principale dans le tableau concernant les irrégularités. Il en résulte nécessairement que les intérêts doivent être comptabilisés dans la colonne du tableau de l’annexe III du règlement no 885/2006 destinée à la correction de la créance principale.

47 Enfin, en ce qui concerne l’argument formulé par la République fédérale d’Allemagne selon lequel le point 2 E de l’annexe I du règlement no 885/2006 et l’article 5 du règlement (CE) no 883/2006 de la Commission, du 21 juin 2006, portant modalités d’application du règlement (CE) no 1290/2005 du Conseil, en ce qui concerne la tenue des comptes des organismes payeurs, les déclarations de dépenses et de recettes et les conditions de remboursement des dépenses dans le cadre du FEAGA et du Feader (JO
2006, L 171, p. 1), invoqués par la Commission dans la communication de 2015, ne contiennent aucune exigence en ce qui concerne la présentation des données dans l’annexe III du règlement no 885/2006, il convient de relever, d’une part, que ledit point, concernant les procédures relatives aux créances, dispose que « [t]outes les exigences posées aux points 2 A à 2 D s’appliquent, mutatis mutandis, aux prélèvements, aux garanties restées acquises, aux paiements remboursés, aux recettes affectées,
etc., que l’organisme payeur est tenu de percevoir pour le compte du FEAGA et du Feader ». Or, sous le point 2 C de l’annexe I du règlement no 885/2006, il est prévu que l’organisme payeur adopte des procédures conçues de telle sorte que « les déclarations mensuelles, trimestrielles (dans le cas du Feader) et annuelles soient complètes, exactes et établies en temps opportun, et que toute erreur ou omission soit décelée et corrigée, au travers notamment de vérifications et de recoupements
périodiques ». Par conséquent, le point 2 E de l’annexe I du règlement no 885/2006 prévoit que les procédures relatives aux créances doivent être conçues conformément aux exigences formulées au point 2 C. Force est donc de constater que ladite annexe contient une exigence concernant la présentation des données dans le cadre de l’apurement des comptes du FEAGA, bien qu’elle ne vise pas expressément l’annexe III.

48 D’autre part, il convient de constater, à l’instar de la République fédérale d’Allemagne, que l’article 5 du règlement no 883/2006, qui prévoit les règles générales applicables à la déclaration de dépenses et aux recettes affectées, ne contient effectivement aucune exigence relative à la présentation des données dans l’annexe III du règlement no 885/2006. Toutefois, dans la mesure où l’article 32, paragraphe 5, du règlement no 1290/2005, lu en combinaison avec l’article 6, sous h), et
l’annexe III du règlement no 885/2006, impose une obligation de comptabilisation et de calcul annuels des intérêts, l’argument tiré de ce que l’article 5 du règlement no 883/2006 ne contient aucune exigence quant à la présentation des données dans le tableau de l’annexe III n’est pas pertinent.

49 Au vu de ce qui précède, il y a donc lieu de conclure que c’est à tort que la République fédérale d’Allemagne soutient que la Commission a retenu une interprétation erronée de l’article 32, paragraphe 5, du règlement no 1290/2005, lu en combinaison avec l’article 6, sous h), et l’annexe III du règlement no 885/2006.

50 La conclusion établie au point 49 ci-dessus ne saurait être remise en cause par les autres arguments de la République fédérale d’Allemagne.

51 Premièrement, quant à l’argument tiré de ce que la Commission a méconnu le document d’orientation no 1 en exigeant un calcul des intérêts sur une base annuelle, il repose sur une interprétation erronée dudit document par la République fédérale d’Allemagne. En effet, il ressort du document d’orientation no 1 que, parmi les données inscrites au tableau de l’annexe III du règlement no 885/2006, figurent tous les montants correspondant aux paiements indus, y compris les intérêts et les pénalités qui
y sont afférents et qui doivent être mis à jour à la fin de l’année en cours, afin de déterminer les montants dus pour l’exercice suivant.

52 Deuxièmement, s’agissant de l’argument selon lequel l’introduction explicite d’une obligation de calcul et de comptabilisation annuels des intérêts, par le règlement no 1306/2013 et le règlement d’exécution no 908/2014, démontrerait que, avant l’entrée en vigueur desdits règlements, la Commission n’estimait pas nécessaire de procéder à un calcul et une présentation des intérêts sur une base annuelle, il doit également être rejeté. En effet, le règlement no 1306/2013 et le règlement d’exécution
no 908/2014 n’ont pas modifié, de façon substantielle, la situation juridique en matière de déclaration des intérêts restant à récupérer, dès lors que l’obligation de calcul et présentation annuels des intérêts existait conformément au règlement no 1290/2005 et au règlement no 885/2006.

53 En particulier, il y a lieu de relever que les dispositions pertinentes du règlement no 1290/2005 et du règlement no 885/2006 n’ont pas été modifiées de façon significative par l’entrée en vigueur du règlement no 1306/2013 et du règlement d’exécution no 908/2014. L’article 6, sous h), du règlement no 885/2006 et l’article 29, sous f), du règlement d’exécution no 908/2014 imposent, en substance, la même obligation de communication, à la Commission, de tous les montants non encore récupérés à la
fin d’un exercice financier, au titre de l’annexe III en ce qui concerne le règlement no 885/2006 et de l’annexe II en ce qui concerne le règlement d’exécution no 908/2014. Le seul ajout dans cette dernière annexe de la colonne « Z » destinée à la déclaration annuelle des montants d’intérêts restant à récupérer pour les irrégularités constatées à partir du 16 octobre 2014 est sans incidence sur cette constatation.

54 En outre, contrairement à ce que fait valoir la République fédérale d’Allemagne, la distinction opérée par le document d’orientation no 5 sur la communication à la Commission des tableaux prévus par l’annexe II et l’annexe III du règlement d’exécution no 908/2014 pour l’exercice budgétaire N entre les « anciens » cas d’irrégularités et les « nouveaux » cas dans le modèle de tableau visé à l’article 29, sous f), du règlement d’exécution no 908/2014 ne permet pas non plus de conclure à une
modification substantielle de la situation juridique en matière de déclaration des intérêts non recouvrés. En effet, il convient de relever, à l’instar de la Commission, qu’une telle distinction n’est opérée que dans le cadre de l’application de la disposition transitoire de l’article 41, paragraphe 5, du règlement délégué (UE) no 907/2014 de la Commission, du 11 mars 2014, complétant le règlement no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les organismes payeurs et autres
entités, la gestion financière, l’apurement des comptes, les garanties et l’utilisation de l’euro (JO 2014, L 255, p. 18), étant donné que ladite disposition distingue, d’une part, les cas dans lesquels un premier acte de constat administratif ou judiciaire a été effectué avant le 16 octobre 2014, à savoir les cas anciens, et, d’autre part, ceux dans lesquels un tel acte est intervenu après le 16 octobre 2014, à savoir les cas nouveaux.

55 Par ailleurs, la République fédérale d’Allemagne ne saurait soutenir que la Commission a adopté une argumentation contradictoire dans sa lettre du 29 novembre 2016 contenant sa position définitive dans la mesure où, si l’exigence relative au calcul et à la comptabilisation annuels des intérêts ne figure explicitement ni à l’article 6, sous h), du règlement no 885/2006, ni à l’article 29, sous f), du règlement d’exécution no 908/2014, il n’en demeure pas moins qu’une telle exigence résulte du
libellé de l’article 6, sous h), du règlement no 885/2006, lu à la lumière de l’économie générale de la procédure d’apurement des comptes et des objectifs poursuivis par la règlementation et qui, en substance, prévoit la même obligation que l’article 29, sous f), du règlement d’exécution no 908/2014.

56 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de considérer que la Commission n’a pas méconnu l’article 31 et l’article 32, paragraphe 5, du règlement no 1290/2005, lus en combinaison avec l’article 6, sous h), et l’annexe III du règlement no 885/2006, et qu’elle a dès lors considéré, à bon droit, qu’il existait une obligation de calcul et de comptabilisation annuels des intérêts, afférents aux sommes non récupérées à la suite d’irrégularités ou de négligence, dans le tableau de l’annexe III du
règlement no 885/2006, en vue de l’application de la règle des 50/50.

[omissis]

  Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

  1) Le recours est rejeté.

  2) La République fédérale d’Allemagne est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission européenne.

Collins

Kancheva

  De Baere

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 mai 2019.

Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.

( 1 ) Ne sont reproduits que les points du présent arrêt dont le Tribunal estime la publication utile.


Synthèse
Formation : Huitième chambre
Numéro d'arrêt : T-239/17
Date de la décision : 07/05/2019
Type de recours : Recours en annulation - non fondé

Analyses

FEAGA et Feader – Dépenses exclues du financement – Dépenses effectuées par l’Allemagne – Correction financière forfaitaire appliquée au titre de la fréquence insuffisante des contrôles clés – Obligation de calcul et de comptabilisation annuelle des intérêts – Articles 31 et 32 du règlement (CE) no 1290/2005 – Article 6, sous h), du règlement (CE) no 885/2006 – Obligation de motivation – Proportionnalité.

Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA)

Agriculture et Pêche


Parties
Demandeurs : République fédérale d'Allemagne
Défendeurs : Commission européenne.

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Kancheva

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:2019:289

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