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30/04/2019 | CJUE | N°T-530/18

CJUE | CJUE, Ordonnance du Tribunal, Roumanie contre Commission européenne., 30/04/2019, T-530/18


ORDONNANCE DU TRIBUNAL (huitième chambre)

30 avril 2019 ( *1 )

« Recours en annulation – FEAGA et Feader – Décision d’exécution de la Commission – Notification au destinataire – Publication de la décision au Journal officiel de l’Union européenne – Délai de recours – Point de départ – Tardiveté – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑530/18,

Roumanie, représentée par M. C.-R. Canţăr, Mmes E. Gane, C.‑M. Florescu et O.-C. Ichim, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre>
Commission européenne, représentée par Mmes J. Aquilina et L. Radu Bouyon, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet un...

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (huitième chambre)

30 avril 2019 ( *1 )

« Recours en annulation – FEAGA et Feader – Décision d’exécution de la Commission – Notification au destinataire – Publication de la décision au Journal officiel de l’Union européenne – Délai de recours – Point de départ – Tardiveté – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑530/18,

Roumanie, représentée par M. C.-R. Canţăr, Mmes E. Gane, C.‑M. Florescu et O.-C. Ichim, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mmes J. Aquilina et L. Radu Bouyon, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation partielle de la décision d’exécution (UE) 2018/873 de la Commission, du 13 juin 2018, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2018, L 152, p. 29), en ce qu’elle écarte certaines dépenses effectuées par la Roumanie,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. A. M. Collins, président, Mme M. Kancheva (rapporteur) et M. G. De Baere, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

Antécédents du litige

1 Le 13 juin 2018, la Commission européenne a adopté la décision d’exécution (UE) 2018/873, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2018, L 152, p. 29, ci-après la « décision attaquée »). Par la décision attaquée, la Commission a appliqué à la Roumanie une correction financière d’un montant total de 90133370,64 euros
concernant notamment la sous-mesure 1a eu égard aux mesures relevant du Système intégré de gestion et de contrôle (SIGC) dans le cadre du « Développement rural Feader » pour les exercices financiers 2015 et 2016 et les sous-mesures 3a, 5a, 3b et 4b eu égard aux mesures non liées à la surface dans le cadre du « Développement rural Feader Axe 2 » pour l’exercice financier 2014.

2 L’article 1er de la décision attaquée dispose :

« Les montants indiqués en annexe, qui concernent les dépenses engagées par les organismes payeurs agréés des États membres et déclarées dans le cadre du FEAGA ou du Feader, sont écartés du financement de l’Union. »

3 L’article 2 de la décision attaquée prévoit notamment :

« [L]a Roumanie [es]t destinataire […] de la présente décision. »

4 Le 14 juin 2018, la décision attaquée a été notifiée à la représentation permanente de la Roumanie auprès de l’Union européenne sous le numéro C(2018) 3826.

5 Le 15 juin 2018, la décision attaquée a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne.

Procédure et conclusions des parties

6 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 septembre 2018, la Roumanie a introduit le présent recours.

7 Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 12 octobre 2018, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

8 Le 26 novembre 2018, la Roumanie a déposé ses observations sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission.

9 Par mesure d’organisation de la procédure du 24 janvier 2019, le Tribunal a demandé à la Commission des renseignements concernant d’éventuelles différences entre le texte notifié et le texte publié de la décision attaquée.

10 Par courrier du 4 février 2019, la Commission a déféré à la demande du Tribunal en fournissant les renseignements demandés.

11 Dans la requête, la Roumanie conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler partiellement la décision attaquée :

– en ce qui concerne la sous-mesure 1a dans son intégralité (montant de 13184846,61 euros afférent aux exercices 2015 et 2016) ;

– en ce qui concerne les sous-mesures 3a, 5a, 3b et 4b dans leur intégralité (montant de 45532000,96 euros afférent aux exercices 2014, 2015 et 2016) et, à titre subsidiaire, partiellement pour la période antérieure au 19 septembre 2015 (montant de 21315857,50 euros) ;

– condamner la Commission aux dépens.

12 Dans son exception d’irrecevabilité, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– déclarer le recours irrecevable et le rejeter ;

– condamner la Roumanie aux dépens.

13 Dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, la Roumanie réitère ses chefs de conclusions et conclut également à ce qu’il plaise au Tribunal de déclarer le recours recevable.

En droit

14 En vertu de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure, si la partie défenderesse le demande, le Tribunal peut statuer sur l'irrecevabilité sans engager le débat au fond.

15 En l’espèce, le Tribunal, s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier, décide de statuer sans poursuivre la procédure.

16 À l’appui de l’exception d’irrecevabilité, la Commission soutient que le recours a été introduit tardivement, le 7 septembre 2018. Selon elle, la décision attaquée ayant été notifiée à la représentation permanente de la Roumanie le 14 juin 2018, le délai de recours a expiré le 24 août 2018.

17 Dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, la Roumanie fait valoir que le recours est recevable.

18 En premier lieu, la Roumanie allègue que l’article 263, sixième alinéa, TFUE ne saurait être interprété en ce sens que le point de départ du délai de deux mois pour l’introduction d’un recours en annulation d’un acte de l’Union européenne serait, automatiquement et de manière générale, le moment de l’entrée en vigueur ou de la prise d’effets juridiques de cet acte, au motif que l’article 297 TFUE s’oppose à une telle conclusion.

19 En deuxième lieu, la Roumanie soutient que le point de départ du délai de deux mois pour l’introduction d’un recours en annulation d’un acte qui doit être notifié, mais qui, suivant une pratique constante adoptée de longue date par l’auteur de l’acte, est également publié au Journal officiel, doit invariablement être la publication de cet acte.

20 En troisième lieu, la Roumanie avance que cette solution s’impose d’autant plus au vu des circonstances concrètes dans lesquelles la décision attaquée a été notifiée aux autorités roumaines et publiée. En l’occurrence, l’incertitude juridique due au fait que la décision attaquée a été non seulement notifiée, mais également publiée, serait accentuée par les différences entre le texte communiqué par la Commission à la représentation permanente de la Roumanie le 14 juin 2018 et celui publié au
Journal officiel du 15 juin 2018, lesquelles montreraient que le texte notifié serait pour le moins incomplet.

21 En conclusion, la Roumanie estime que, le texte notifié étant incomplet, la régularité de la procédure de notification a été compromise. En pratique, le moment à partir duquel elle aurait connu avec suffisamment de clarté et de précision le contenu de la décision attaquée ainsi que les motifs sur lesquels celle-ci repose serait celui de la publication complète. Par conséquent, le délai de deux mois pour l’introduction du recours aurait commencé à courir à la date de la publication de la décision
attaquée au Journal officiel, à savoir le 15 juin 2018, et devrait être majoré des quatorze jours prévus à l’article 59 du règlement de procédure et de dix jours au titre du délai de distance invariable prévu à l’article 60 du même règlement.

22 À cet égard, d’une part, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, un recours en annulation doit être formé « dans un délai de deux mois à compter, suivant le cas, de la publication de l’acte attaqué, de sa notification au requérant ou, à défaut, du jour où celui-ci en a eu connaissance ».

23 En outre, conformément à l’article 60 du règlement de procédure, les délais de procédure sont augmentés d’un délai de distance forfaitaire de dix jours.

24 Selon une jurisprudence constante, les délais de recours au titre de l’article 263 TFUE sont d’ordre public et ne sont pas à la disposition des parties et du juge (arrêt du 23 janvier 1997, Coen, C‑246/95, EU:C:1997:33, point 21 ; ordonnances du 19 avril 2016, Portugal/Commission, T‑550/15, non publiée, EU:T:2016:237, point 22, et du 19 avril 2016, Portugal/Commission, T‑551/15, non publiée, EU:T:2016:238, point 22).

25 La réglementation de l’Union en matière de délais de recours a pour objectif de satisfaire à l’exigence de sécurité juridique et à la nécessité d’éviter toute discrimination ou tout traitement arbitraire dans l’administration de la justice (voir, en ce sens, ordonnances du 16 novembre 2010, Internationale Fruchtimport Gesellschaft Weichert/Commission, C‑73/10 P, EU:C:2010:684, point 52 ; du 18 décembre 2012, Allemagne/Commission, T‑205/11, non publiée, EU:T:2012:704, point 40, et du 19 avril
2016, Portugal/Commission, T‑550/15, non publiée, EU:T:2016:237, point 23).

26 D’autre part, il convient de rappeler que, au sens de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, la notification est l’opération par laquelle l’auteur d’un acte de portée individuelle, telle qu’une décision prise au titre de l’article 297, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE, communique celui-ci à ses destinataires et les met ainsi en mesure de prendre connaissance de son contenu ainsi que des motifs sur lesquels il repose (ordonnances du 2 octobre 2014, Page Protective Services/SEAE, C‑501/13 P, non
publiée, EU:C:2014:2259, point 30 ; du 18 décembre 2012, Hongrie/Commission, T‑320/11, non publiée, EU:T:2012:705, point 19 et jurisprudence citée, et du 19 avril 2016, Portugal/Commission, T‑550/15, non publiée, EU:T:2016:237, point 24).

27 En outre, selon l’article 297, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE, à la différence des actes qui doivent être publiés au Journal officiel, les décisions qui désignent un destinataire sont notifiées à leurs destinataires et prennent effet par cette notification (arrêt du 17 mai 2017, Portugal/Commission, C‑337/16 P, EU:C:2017:381, point 35 ; ordonnances du 18 décembre 2012, Hongrie/Commission, T‑320/11, non publiée, EU:T:2012:705, point 20, et du 19 avril 2016, Portugal/Commission, T‑550/15, non
publiée, EU:T:2016:237, point 25).

28 Il résulte d’une lecture combinée de l’article 263, sixième alinéa, TFUE et de l’article 297, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE que, en ce qui concerne les recours en annulation, la date à prendre en compte pour déterminer le point de départ du délai de recours est celle de la publication, lorsque cette publication, qui conditionne l’entrée en vigueur de l’acte, est prévue par ce traité, et celle de la notification dans les autres cas mentionnés à l’article 297, paragraphe 2, troisième alinéa,
TFUE, au nombre desquels figure celui des décisions qui désignent leur destinataire (arrêt du 17 mai 2017, Portugal/Commission, C‑337/16 P, EU:C:2017:381, point 36).

29 La Cour a confirmé cette interprétation de l’article 263, sixième alinéa, TFUE en constatant que, s’agissant d’un acte désignant ses destinataires, seul le texte notifié à ces derniers fait foi, quand bien même cet acte aurait été également publié au Journal officiel (arrêts du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission, 56/64 et 58/64, EU:C:1966:41, p. 491, et du 17 mai 2017, Portugal/Commission, C‑337/16 P, EU:C:2017:381, point 37).

30 Or, en l’espèce, la décision attaquée désigne explicitement la Roumanie comme destinataire, ainsi que cela ressort de son article 2, et elle a été notifiée à la représentation permanente de la Roumanie le 14 juin 2018. Au demeurant, la Roumanie ne conteste pas être destinataire de la décision attaquée ni en avoir reçu notification le 14 juin 2018.

31 Dès lors, en vertu de l’article 297, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE, en tant qu’acte de portée individuelle dont la Roumanie est destinataire, la décision attaquée a pris effet à l’égard de la Roumanie par sa notification intervenue le 14 juin 2018. En raison de cette notification, la Roumanie a été en mesure de prendre connaissance du contenu de ladite décision ainsi que des motifs sur lesquels celle-ci repose.

32 Il y a donc lieu de conclure que le délai de recours contre la décision attaquée a commencé à courir à compter de sa notification à la représentation permanente de la Roumanie, et non à compter de sa publication au Journal officiel.

33 Par ailleurs, l’article 59 du règlement de procédure ne saurait s’appliquer en l’espèce, puisqu’il ne s’applique que dans le cas où le délai pour l’introduction d’un recours contre un acte d’une institution commence à courir à partir de la publication de cet acte au Journal officiel.

34 Cette conclusion ne saurait être infirmée par les arguments de la Roumanie.

35 La Roumanie fait valoir, en substance, que le point de départ du délai de recours en l’espèce est la publication de la décision attaquée au Journal officiel, et non sa notification. Cela découlerait, en premier lieu, de l’absence de corrélation entre, d’une part, le critère du point de départ du délai de recours en annulation d’un acte d’une institution et, d’autre part, le moment de l’entrée en vigueur de cet acte, en deuxième lieu, de la situation atypique causée par une pratique constante de
la Commission consistant à publier de telles décisions tout en les notifiant à leurs destinataires et, en troisième lieu, de différences entre le texte notifié et le texte publié de ladite décision.

36 En premier lieu, la Roumanie allègue qu’il ressort de la jurisprudence que le moment de l’entrée en vigueur ou de la production d’effets de droit ne serait pas automatiquement et invariablement le point de départ du délai de deux mois pour l’introduction d’un recours en annulation et que, pour l’exercice du droit de recours, c’est la fonction consistant à informer effectivement du contenu de l’acte de l’Union qui serait pertinente. Il résulterait de l’absence de corrélation entre le point de
départ du délai de recours en annulation d’un acte d’une institution de l’Union et le moment de l’entrée en vigueur de cet acte que le point de départ du délai de recours contre la décision attaquée, quand bien même celle-ci serait déjà entrée en vigueur et aurait pris effet à l’égard de la Roumanie, pourrait être sa publication ultérieure au Journal officiel.

37 À cet égard, il convient d’observer que l’argumentation de la Roumanie repose sur une confusion entre les conditions de recevabilité d’un recours en annulation, visées par l’article 263 TFUE, et celles relatives à la validité de l’acte attaqué par un tel recours (voir, en ce sens, ordonnance du 11 décembre 2006, MMT/Commission, T‑392/05, non publiée, EU:T:2006:382, point 33). Cette argumentation n’est donc pas de nature à remettre en question la pertinence, en tant que point de départ du délai de
recours, de la notification de la décision attaquée.

38 En outre, l’argumentation de la Roumanie s’avère inopérante dans la mesure où elle cite plusieurs cas de jurisprudence pour lesquels, certes, la publication était le point de départ du délai de recours, mais uniquement en raison de l’absence de notification de l’acte en cause à la partie requérante. Or, en l’espèce, la Roumanie, en tant que destinataire de la décision attaquée, en a dûment reçu la notification, et c’est cette notification qui constitue pour elle le point de départ du délai de
recours.

39 Ainsi, s’agissant de l’allégation de la Roumanie selon laquelle la Cour, dans l’arrêt du 10 mars 1998, Allemagne/Conseil (C‑122/95, EU:C:1998:94, point 35), aurait affirmé que le point de départ du délai de recours contre un acte de l’Union est celui de la publication de l’acte, bien que celle-ci ne soit pas pertinente pour l’entrée en vigueur de cet acte, il suffit de rappeler que, dans cette affaire, l’acte attaqué était un règlement adopté à la suite d’un accord international conclu par
l’Union, à savoir un acte de portée générale adressé à tous les États membres dont la publication au Journal officiel faisait courir le délai de recours et qui n’avait fait l’objet d’aucune notification (voir, en ce sens, ordonnance du 4 juillet 2012, ICO Satellite/Commission, T‑350/09, non publiée, EU:T:2012:341, point 36). Dans cet arrêt, la Cour a déclaré que le critère de la date de prise de connaissance de l’acte en tant que point de départ du délai de recours présente un caractère
subsidiaire par rapport aux critères de la publication ou de la notification de l’acte. Il n’en ressort nullement que le critère de la notification revête un caractère subsidiaire par rapport à celui de la publication.

40 De même, s’agissant de l’allégation connexe selon laquelle le Tribunal aurait déclaré, dans l’ordonnance du 21 novembre 2005, Tramarin/Commission (T‑426/04, EU:T:2005:405, point 49), que, « s’agissant des actes qui, selon une pratique constante de l’institution concernée, font l’objet d’une publication […], c’était la date de la publication qui faisait courir le délai de recours », il suffit de relever que, dans cette affaire, ce n’était pas la partie requérante qui était la destinataire de la
décision ayant fait l’objet d’une notification, mais un tiers intéressé. Or, en l’espèce, la décision litigieuse a dûment été notifiée à la Roumanie, en tant que destinataire de la décision attaquée.

41 Par ailleurs, s’agissant de la référence à l’arrêt du 23 avril 2013, Gbagbo e.a./Conseil (C‑478/11 P à C‑482/11 P, EU:C:2013:258, points 58 et 59), il suffit de relever que la Cour y a jugé que l’article 263, sixième alinéa, TFUE ne serait pas appliqué d’une manière cohérente si, à l’égard des personnes et des entités dont les noms figurent sur les listes contenues dans les annexes des actes adoptés sur la base des dispositions relatives à la politique étrangère et de sécurité commune, le point
de départ pour le calcul du délai d’introduction d’un recours en annulation était la date de la publication de l’acte en cause, et non la date à laquelle celui-ci leur a été communiqué. Il en résultait, selon la Cour, que, si, certes, l’entrée en vigueur d’actes tels que les actes litigieux a lieu en vertu de leur publication, le délai pour l’introduction d’un recours en annulation contre ces actes en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE court, pour chacune desdites personnes et
entités, à compter de la date de la communication qui doit lui être faite. Il ressort manifestement de cet arrêt qu’il convient d’appliquer le critère de la notification ou de la communication individuelle comme point de départ du délai de recours, même lorsque le critère de la publication détermine l’entrée en vigueur de l’acte en cause. Cette jurisprudence ne saurait donc en aucune façon servir la thèse de la Roumanie selon laquelle le point de départ du délai de recours serait la publication,
puisque, bien au contraire, elle la rejette formellement même dans un cas où la publication déterminait l’entrée en vigueur et la prise d’effets juridiques de l’acte en cause.

42 En deuxième lieu, la Roumanie excipe de l’existence d’une pratique constante adoptée de longue date par la Commission consistant à publier au Journal officiel ses décisions écartant du financement de l’Union certaines dépenses effectuées au titre du fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), tout en les notifiant à leurs destinataires. Dans une telle situation atypique où un acte de portée individuelle est également publié, la
modalité par laquelle les destinataires prennent connaissance du contenu de l’acte ainsi que des motifs sur lesquels il repose, de manière à être en mesure d’exercer leur droit de recours dans le délai de deux mois prévu à l’article 263, sixième alinéa, TFUE, pourrait être la publication, et non la notification. Ainsi, lorsqu’un acte a été porté à la connaissance du destinataire de deux façons, en l’occurrence par publication et par notification, le principe de sécurité juridique et le droit à
une protection juridictionnelle effective imposeraient que le point de départ du délai de deux mois pour l’introduction d’un recours en annulation soit la date de publication de l’acte, et non celle de sa notification.

43 À cet égard, il convient de rappeler, d’emblée, que, dans l’arrêt du 15 septembre 1998, BP Chemicals/Commission (T‑11/95, EU:T:1998:199, points 48 à 51), le Tribunal a relevé qu’il existait une pratique constante de la Commission de publier des décisions telles que celle en cause dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, à savoir une décision en matière d’aides d’État, et a estimé que la requérante pouvait légitimement escompter que la décision litigieuse ferait l’objet d’une publication au
Journal officiel. Cependant, si le Tribunal a certes considéré, en substance, que c’était alors à compter de cette publication que le délai de recours contre la décision en question avait commencé à courir, il a précisé que tel n’était le cas que si, et seulement si, la décision litigieuse n’avait pas été notifiée antérieurement à la requérante. Par conséquent, il ressort dudit arrêt que, même à supposer qu’il existe une pratique constante de la Commission de publier les décisions, telles que
celle en cause en l’espèce, écartant des dépenses du financement des fonds agricoles de l’Union, il convient de prendre en considération, aux fins du calcul du délai de recours, la notification de ladite décision aux États membres destinataires de cette décision, et non sa publication au Journal officiel lorsque cette dernière est intervenue postérieurement (voir, en ce sens, ordonnances du 23 novembre 2015, Slovénie/Commission, T‑118/15, non publiée, EU:T:2015:912, points 27 et 28, et du
19 avril 2016, Portugal/Commission, T‑550/15, non publiée, EU:T:2016:237, points 35 et 36). Or, en l’espèce, il est constant que la décision attaquée a été notifiée à la Roumanie antérieurement à sa publication.

44 Ensuite, la Roumanie ne saurait valablement soutenir que la Commission a fait naître chez les destinataires, compte tenu des circonstances, l’attente légitime qu’une publication au Journal officiel ait lieu à chaque fois qu’elle adoptait des décisions telles que la décision attaquée et que s’ensuivent les conséquences découlant normalement de la publication des actes pour lesquels la réglementation de l’Union prévoit une obligation de publication. En effet, elle n’avance aucun élément permettant
de soutenir que la Commission lui aurait fourni des assurances précises en ce sens (voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2010, Kahla Thüringen Porzellan/Commission, C‑537/08 P, EU:C:2010:769, point 63 et jurisprudence citée ; ordonnances du 23 novembre 2015, Slovénie/Commission, T‑118/15, non publiée, EU:T:2015:912, point 28, et du 19 avril 2016, Portugal/Commission, T‑550/15, non publiée, EU:T:2016:237, point 37).

45 En outre, s’agissant de l’allégation selon laquelle une telle interprétation de l’article 263 TFUE serait contraire au principe de sécurité juridique et au droit à une protection juridictionnelle effective, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante, cette interprétation est pleinement conforme à la finalité des délais de réclamation et de recours, lesquels visent à sauvegarder la sécurité juridique en évitant la remise en cause indéfinie des actes de l’Union produisant des
effets de droit (arrêts du 7 juillet 1971, Müllers/CES, 79/70, EU:C:1971:79, point 18 ; du 17 février 1972, Richez-Parise/Commission, 40/71, EU:C:1972:9, point 6, et du 12 juillet 1984, Moussis/Commission, 227/83, EU:C:1984:276, point 12), et répondent à la nécessité d’éviter toute discrimination ou tout traitement arbitraire dans l’administration de la justice (arrêts du 4 février 1987, Cladakis/Commission, 276/85, EU:C:1987:57, point 11 ; du 29 juin 2000, Politi/ETF, C‑154/99 P, EU:C:2000:354,
point 15, et du 5 mars 2008, Combescot/Commission, T‑414/06 P, EU:T:2008:58, point 43).

46 De surcroît, s’agissant de l’allégation connexe selon laquelle la Cour aurait affirmé, dans l’arrêt du 19 décembre 2012, Leno Merken (C‑149/11, EU:C:2012:816, point 39), que, lorsque les termes d’une disposition manquent de clarté, il y a lieu de tenir compte du contexte dans lequel s’inscrit cette disposition ainsi que des objectifs poursuivis par celle-ci, il suffit de rappeler qu’il est constant que la formulation de l’article 263 TFUE, lu seul ou en combinaison avec l’article 297 TFUE, ne
donne lieu à aucun doute (voir, en ce sens, ordonnances du 23 novembre 2015, Slovénie/Commission, T‑118/15, non publiée, EU:T:2015:912, point 31, et du 19 avril 2016, Portugal/Commission, T‑550/15, non publiée, EU:T:2016:237, point 33).

47 En définitive, force est de constater que c’est précisément l’adoption du seul critère de la notification comme point de départ du délai de recours en annulation contre les actes désignant leurs destinataires qui garantit la sécurité juridique et la protection juridictionnelle effective, au contraire d’une solution hybride telle que celle prônée par la Roumanie, selon laquelle le destinataire d’un acte qui en a dûment reçu la notification devrait encore s’enquérir de son éventuelle et incertaine,
puisque non obligatoire, publication au Journal officiel.

48 En troisième lieu, la Roumanie prétend, en substance, que le délai de recours devrait avoir pour point de départ la publication complète, et non la notification incomplète, de la décision attaquée. Selon elle, il résulte de l’existence de différences entre le texte de la décision attaquée notifié le 14 juin 2018 et celui publié le 15 juin 2018 que la notification à la représentation permanente de la Roumanie était incomplète et ne lui avait pas permis de prendre connaissance du contenu de l’acte.
À cet égard, tout d’abord, elle invoque des différences dans des dispositions visant d’autres États membres. Ensuite, s’agissant des dispositions visant la Roumanie, elle fait valoir que, aux postes budgétaires 6701 et 6711, les informations renseignées dans la cinquième colonne correspondant à la mesure « Certification », concernant respectivement l’exercice 2015 et l’exercice 2014, sont incomplètes eu égard aux motifs « ELPP Feader hors SIGC » et « ELPP Feader SIGC », car la version notifiée
mentionne seulement, de manière ambigüe, le « montant » (sumă en roumain). Selon elle, ces différences touchent à des aspects essentiels tels que les mesures, les motifs et le type des corrections et ont une incidence directe sur la décision de former un recours en annulation et sur la façon d’élaborer ce recours. Par ailleurs, elle avance que certaines différences visent justement l’utilisation de la formulation « montant estimé », qui est contestée dans la requête.

49 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, une décision est dûment notifiée dès lors qu’elle est communiquée à son destinataire et que celui-ci est mis en mesure d’en prendre connaissance. S’agissant de cette dernière condition, la Cour a estimé qu’elle se trouve remplie lorsque le destinataire a été mis en mesure de prendre connaissance du contenu de cette décision ainsi que des motifs sur lesquels celle-ci repose (voir arrêts du 17 mai 2017,
Portugal/Commission, C‑337/16 P, EU:C:2017:381, points 47 et 48, et du 21 mars 2019, Eco-Bat Technologies e.a./Commission, C‑312/18 P, non publié, EU:C:2019:235, points 25 et 26).

50 Il s’ensuit qu’une erreur purement formelle ou une omission qui, même si elle n’est pas de nature purement formelle, n’empêche pas le destinataire de la décision notifiée de prendre connaissance du contenu et des motifs de celle-ci, n’a pas d’incidence sur l’application du délai de recours prévu à l’article 263, sixième alinéa, TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 17 mai 2017, Portugal/Commission, C‑337/16 P, EU:C:2017:381, points 48 à 50, et du 21 mars 2019, Eco-Bat Technologies e.a./Commission,
C‑312/18 P, non publié, EU:C:2019:235, point 27).

51 En l’espèce, tout d’abord, il convient d’écarter l’existence alléguée d’éventuelles différences dans des dispositions visant d’autres États membres comme étant, en tout état de cause, dénuée de pertinence et inopérante pour le recours de la Roumanie (voir, en ce sens, ordonnance du 19 avril 2016, Portugal/Commission, T‑550/15, non publiée, EU:T:2016:237, point 42).

52 Ensuite, s’agissant des dispositions visant la Roumanie, il y a, certes, lieu de relever, à l’instar de la Commission dans sa réponse à la question du Tribunal, qu’il existe des différences mineures entre la version notifiée et la version publiée de la cinquième colonne du tableau de l’annexe de la décision attaquée. Dans la version notifiée à la représentation permanente de la Roumanie, en raison de problèmes survenus lors de l’impression du tableau figurant dans l’annexe de la décision
attaquée, le mot « estimată » (estimé) utilisé dans le type de correction « sumă estimată » (montant estimé) n’apparaissait pas, car il dépassait du cadre des cellules du tableau pour certains postes budgétaires, où figurait le seul mot « sumă » (montant). Ce problème ne s’est pas posé ultérieurement dans la version publiée au Journal officiel.

53 Toutefois, force est de constater que ce problème d’impression ne saurait nuire à la compréhension des informations contenues dans l’annexe. En effet, il doit être observé que, dans cette cinquième colonne, peuvent seulement être mentionnés quatre types de corrections, à savoir, premièrement, « ponctuelle », pour les corrections pour lesquelles des montants inéligibles sont identifiables (punctuală ou calculată en roumain), deuxièmement, « forfaitaire », pour les corrections forfaitaires (rată
forfetară en roumain), troisièmement, « montant estimé », pour les corrections extrapolées sur la base d’un montant connu (sumă estimată en roumain), et, quatrièmement, « extrapolée », pour les corrections extrapolées sur la base d’un pourcentage connu (extrapolate en roumain). Dès lors que trois types de corrections portent des noms complètement différents en roumain du mot « sumă » (montant), ce dernier ne peut, de toute évidence et sans ambigüité aucune, correspondre qu’au type de correction
« sumă estimată » (montant estimé).

54 Au surplus, la Commission précise que la Roumanie aurait également reçu les tableaux en question par courrier électronique de son secrétariat général le 15 juin 2018. Dans ce cas, même une simple lecture de l’annexe envoyée par courrier électronique aurait suffi pour élucider ces différences.

55 Par ailleurs, dans la mesure où la Roumanie conteste l’utilisation de la formulation « sumă estimată » (montant estimé), il convient de relever, à l’instar de la Commission dans sa réponse à la question du Tribunal, que deux corrections ont effectivement été classées par erreur en tant que « sumă estimată » (montant estimé) au lieu de « rată forfetară » (forfaitaire).

56 Toutefois, force est de constater que cette erreur apparaissait à la fois dans le texte notifié par la Commission à la représentation permanente de la Roumanie le 14 juin 2018 et dans le texte publié au Journal officiel le 15 juin 2018, de sorte que la Roumanie ne saurait prétendre qu’une telle erreur l’aurait empêchée d’introduire son recours dans le délai prescrit.

57 Au surplus, la Commission précise que cette erreur rédactionnelle mineure n’aurait été commise ni dans le cadre de la procédure administrative ni dans le rapport de synthèse (summary report), qui contient les motifs de la décision attaquée. Dans ce cas, il ne pouvait y avoir aucune confusion en ce qui concerne la nature de la correction.

58 Par conséquent, il y a lieu de considérer que de telles différences mineures entre le texte notifié et le texte publié, résultant d’un problème d’impression du tableau figurant dans l’annexe de la décision attaquée, ainsi qu’une erreur rédactionnelle mineure commune à ces deux textes n’étaient pas susceptibles d’empêcher la Roumanie de prendre connaissance du contenu de cette décision avec suffisamment de clarté et de précision, de comprendre les motifs sur lesquels elle repose et d’introduire un
recours contre elle dans le délai prescrit (voir, en ce sens, ordonnance du 19 avril 2016, Portugal/Commission, T‑550/15, non publiée, EU:T:2016:237, point 43).

59 Il convient donc de confirmer la conclusion, formulée au point 32 ci-dessus, selon laquelle le délai de recours contre la décision attaquée a commencé à courir à compter de sa notification à la représentation permanente de la Roumanie, et non de sa publication au Journal officiel.

60 Partant, eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent et conformément aux articles 58 et 60 du règlement de procédure, le délai de recours, délai de distance inclus, a expiré le 24 août 2018 à minuit.

61 Or, la Roumanie n’a déposé la requête que le 7 septembre 2018.

62 Il s’ensuit que le recours a manifestement été introduit après l’expiration du délai prescrit et est, dès lors, tardif.

63 Enfin, la Roumanie n’a ni établi ni même allégué l’existence d’une erreur excusable ou d’un cas fortuit ou de force majeure, qui permettrait de déroger au délai prescrit sur le fondement de l’article 45, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53 dudit statut.

64 Il résulte de tout ce qui précède que le présent recours doit être rejeté dans son intégralité comme irrecevable.

Sur les dépens

65 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

66 La Roumanie ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

  Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

ordonne :

  1) Le recours est rejeté comme irrecevable.

  2) La Roumanie est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.

Fait à Luxembourg, le 30 avril 2019.

Le greffier

  E. Coulon

Le président

A. M. Collins

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( *1 ) Langue de procédure : le roumain.


Synthèse
Formation : Huitième chambre
Numéro d'arrêt : T-530/18
Date de la décision : 30/04/2019
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Recours en annulation – FEAGA et Feader – Décision d’exécution de la Commission – Notification au destinataire – Publication de la décision au Journal officiel de l’Union européenne – Délai de recours – Point de départ – Tardiveté – Irrecevabilité.

Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA)

Agriculture et Pêche


Parties
Demandeurs : Roumanie
Défendeurs : Commission européenne.

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Kancheva

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:2019:269

Source

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