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13/12/2018 | CJUE | N°T-53/16

CJUE | CJUE, Arrêt du Tribunal, Ryanair DAC, anciennement Ryanair Ltd et Airport Marketing Services Ltd contre Commission européenne., 13/12/2018, T-53/16


ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre élargie)

13 décembre 2018 ( *1 )

« Aides d’État – Accords conclus par la chambre de commerce et d’industrie de Nîmes-Uzès-Le Vigan avec Ryanair et sa filiale Airport Marketing Services – Services aéroportuaires – Services marketing – Décision déclarant l’aide incompatible avec le marché intérieur et ordonnant sa récupération – Notion d’aide d’État – Imputabilité à l’État – Chambre de commerce et d’industrie – Avantage – Critère de l’investisseur privé – Récupération â

€“ Article 43 de la charte des droits fondamentaux – Droit d’accès
au dossier – Droit d’être entendu »

Dans l’affaire T‑53/16,
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ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre élargie)

13 décembre 2018 ( *1 )

« Aides d’État – Accords conclus par la chambre de commerce et d’industrie de Nîmes-Uzès-Le Vigan avec Ryanair et sa filiale Airport Marketing Services – Services aéroportuaires – Services marketing – Décision déclarant l’aide incompatible avec le marché intérieur et ordonnant sa récupération – Notion d’aide d’État – Imputabilité à l’État – Chambre de commerce et d’industrie – Avantage – Critère de l’investisseur privé – Récupération – Article 43 de la charte des droits fondamentaux – Droit d’accès
au dossier – Droit d’être entendu »

Dans l’affaire T‑53/16,

Ryanair DAC, anciennement Ryanair Ltd, établie à Dublin (Irlande),

Airport Marketing Services Ltd, établie à Dublin,

représentées par Mes G. Berrisch, E. Vahida, I.-G. Metaxas-Maranghidis, avocats, et M. B. Byrne, solicitor,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. L. Flynn et S. Noë, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mmes S. Boelaert, S. Petrova et M. J. Kneale, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation partielle de la décision (UE) 2016/633 de la Commission, du 23 juillet 2014, concernant l’aide d’État SA.33961 (2012/C) (ex 2012/NN) mise à exécution par la France en faveur de la chambre de commerce et d’industrie de Nîmes-Uzès-Le Vigan, de Veolia Transport Aéroport de Nîmes, de Ryanair Ltd et d’Airport Marketing Services Ltd (JO 2016, L 113, p. 32),

LE TRIBUNAL (sixième chambre élargie),

composé de MM. G. Berardis, président, S. Papasavvas, D. Spielmann (rapporteur), Z. Csehi et Mme O. Spineanu-Matei, juges,

greffier : M. P. Cullen, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 25 octobre 2017,

rend le présent

Arrêt ( 1 )

I. Antécédents du litige

A. Mesures en cause

1 Les requérantes, à savoir Ryanair DAC, anciennement Ryanair Ltd, et Airport Marketing Services Ltd (ci-après « AMS »), sont, la première, une compagnie aérienne établie en Irlande, exploitant plus de 1800 vols quotidiens reliant 200 destinations dans 31 pays d’Europe et d’Afrique du Nord, et, la seconde, une filiale de Ryanair qui fournit des solutions en matière de stratégie de marketing, la majeure partie de son activité consistant à vendre des espaces publicitaires sur le site Internet de
Ryanair.

2 L’aéroport de Nîmes-Garons (ci-après l’« aéroport de Nîmes »), dont la République française est le propriétaire, est situé dans le département du Gard en France. Ledit aéroport a été exploité initialement par la chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Nîmes-Uzès-Le Vigan. Depuis le 1er février 2006, la responsabilité de l’aménagement, de l’entretien, de l’exploitation et du développement de la zone civile de cet aéroport a été confiée au syndicat mixte pour l’aménagement et le développement de
l’aéroport de Nîmes-Alès-Camargue-Cévennes (ci-après le « SMAN »), lequel constitue un établissement public regroupant le conseil départemental du Gard, la communauté d’agglomération Nîmes Métropole et la communauté d’agglomération du Grand Alès en Cévennes. Le SMAN a confié, de manière transitoire, entre le 1er février 2006 et le 31 décembre 2006, l’exploitation de l’aéroport en question à ladite CCI par une délégation de service public. À l’issue d’une procédure d’appel, le SMAN a ensuite choisi
de sous-traiter, dans le cadre d’une convention de délégation de service public prenant effet le 1er janvier 2007, l’exploitation du même aéroport à Veolia Transport, à laquelle s’est substituée sa filiale à 100 %, Veolia Transport Aéroport Nîmes (ci-après « VTAN »), pour l’exécution de la convention.

3 L’activité de Ryanair dans l’aéroport de Nîmes a débuté en juin 2000. L’exploitation initiale d’une seule ligne aérienne entre ledit aéroport et celui de Londres Stansted s’est étendue à quatre liaisons aériennes.

4 À cet égard, le 11 avril 2000, la CCI de Nîmes-Uzès-Le Vigan a conclu un contrat de services aéroportuaires avec Ryanair, pour une durée de dix ans, par lequel cette dernière s’est engagée à lancer des vols quotidiens entre l’aéroport de Londres Stansted et celui de Nîmes (ci-après le « CSA de 2000 »).

5 Le CSA de 2000 a été modifié à la suite d’échanges de courriers en fin d’année 2001 et en mars 2004, prévoyant une augmentation des versements de la CCI de Nîmes-Uzès-Le Vigan à Ryanair en vue du développement de liaisons complémentaires. Le 10 octobre 2005, un nouveau contrat de services aéroportuaires a été conclu entre ladite CCI et Ryanair, pour une durée initiale de cinq ans, par lequel cette dernière s’engageait à opérer certaines liaisons aériennes desservant l’aéroport de Nîmes. Le même
jour, un contrat de services marketing a été conclu entre cette CCI et AMS qui consistait en des prestations de services publicitaires sur le site Internet de Ryanair et par courriel, en contrepartie de versements annuels par la CCI en question.

6 Le 2 janvier 2007, VTAN a conclu un contrat de services aéroportuaires avec Ryanair, qui lui accordait une contribution par passager au titre d’un régime d’incitation au développement du trafic, et un contrat de services marketing avec AMS pour l’achat de prestations en contrepartie d’un montant déterminé. Ces contrats étaient valables du 1er janvier 2007 au 31 octobre 2007. Le 1er août 2007, VTAN et AMS ont signé un avenant à ce dernier contrat, prévoyant une contribution complémentaire par VTAN.
Le 1er novembre 2007, deux nouveaux contrats ont été conclus entre les mêmes parties afin de poursuivre l’exécution des contrats susmentionnés, qui étaient arrivés à échéance. Les versements à Ryanair et AMS ont été augmentés. De même, le 27 août 2008, deux nouveaux contrats conclus par les mêmes parties se sont substitués au cadre contractuel antérieur à compter du 1er novembre 2008, pour une durée d’un an renouvelable deux fois. Le premier de ces contrats comportait notamment l’engagement de
Ryanair à opérer certaines liaisons aériennes desservant l’aéroport de Nîmes et un dispositif d’intéressement au développement du trafic. Deux avenants du 25 août 2009 ont prolongé l’exécution desdits contrats jusqu’au 31 décembre 2011. Enfin, le 18 août 2010 et le 30 novembre 2010, les mêmes parties ont signé des avenants au second des contrats en question qui prévoyaient une augmentation de la contribution de VTAN.

[omissis]

II. Procédure et conclusions des parties

24 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 5 février 2016, les requérantes ont introduit le présent recours.

25 Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 2 mars 2016, les requérantes ont introduit une demande de mesures d’organisation de la procédure, par laquelle elles ont demandé à la Commission de produire certains documents.

26 La Commission a présenté ses observations dans le délai imparti.

27 Par acte déposé le 26 mai 2016, le Conseil de l’Union européenne a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions de la Commission. Par décision du 5 juillet 2017, le président de la sixième chambre du Tribunal a fait droit à cette demande.

28 Par décision du 21 juin 2017, le Tribunal a décidé de renvoyer l’affaire devant la sixième chambre élargie.

29 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure, de demander aux parties de présenter leurs observations sur une éventuelle jonction de l’affaire avec les affaires T‑111/15 et T‑165/15 aux fins de la phase orale et d’inviter, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 de son règlement de procédure, les parties à répondre à certaines questions.

30 Par décision du président de la sixième chambre élargie du Tribunal du 28 août 2017, les parties entendues, les affaires T‑111/15, T‑165/15 et T‑53/16 ont été jointes aux fins de la phase orale de la procédure, conformément à l’article 68, paragraphe 1, du règlement de procédure.

31 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries lors de l’audience du 26 octobre 2017.

32 Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler les articles 1er et 4 à 6 de la décision attaquée ;

– condamner la Commission aux dépens.

33 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours ;

– condamner les requérantes aux dépens.

III. En droit

[omissis]

B. Sur le deuxième moyen, portant sur l’imputabilité des contrats en cause à la République française

[omissis]

1.   Sur le grief concernant l’imputabilité à la République française des décisions de la CCI de Nîmes-Uzès-Le Vigan

[omissis]

b)   Sur la prétendue motivation contradictoire

[omissis]

110 Dès lors, le présent grief doit être rejeté.

2.   Sur le grief concernant l’imputabilité à la République française des décisions du SMAN

111 Les requérantes font valoir que la Commission a erronément imputé à l’État les décisions du SMAN. À cet égard, elles soutiennent que le SMAN regroupe des entités publiques et fournit des services aéroportuaires en sa qualité de cogestionnaire de l’aéroport. Étant donné que le SMAN était une entreprise publique, la Commission aurait été tenue, aux termes de l’arrêt du 16 mai 2002, France/Commission (C‑482/99, EU:C:2002:294), de vérifier si les autorités publiques étaient impliquées dans
l’adoption des mesures prises par le SMAN en leur faveur. Or, en méconnaissance dudit arrêt, la Commission aurait établi, au considérant 573 de la décision attaquée, sa conclusion concernant l’imputabilité à l’État sur un seul critère organique fondé sur la propriété, à savoir la composition du comité syndical du SMAN. En outre, la Commission aurait, en violation des exigences de cet arrêt, omis de procéder à un examen multicritères de la participation d’autorités publiques aux décisions du
SMAN.

112 Les requérantes estiment que l’approche retenue par la Commission dans la décision attaquée a pour conséquence que les critères de l’arrêt du 16 mai 2002, France/Commission (C‑482/99, EU:C:2002:294), ne sauraient s’appliquer à aucune entreprise détenue par des entités étatiques, qu’elles soient centrales ou locales. Or, ces autorités pourraient constituer une entreprise et en être l’actionnaire unique sans que ladite entreprise ne devienne pour autant une autorité publique. Cette approche
reviendrait à déroger systématiquement à l’autonomie de la personnalité juridique de la personne morale, comme s’il n’existait pas de sociétés publiques.

113 Il convient de relever d’emblée que, dans son analyse de l’imputabilité à l’État des contrats en cause, la Commission se fonde, s’agissant des contrats conclus avec la CCI de Nîmes-Uzès-Le Vigan, uniquement sur le caractère d’autorité publique de cette dernière sans attribuer aucun rôle au SMAN. Par conséquent, le grief des requérantes est inopérant pour autant qu’il vise à critiquer l’analyse de l’imputabilité à l’État de ces derniers contrats. En revanche, s’agissant des contrats conclus avec
VTAN, il convient de souligner que la Commission a constaté, au considérant 277 de la décision attaquée, que la politique commerciale de VTAN à l’égard des requérantes avait été influencée dans une large mesure par un cadre fixé par le SMAN, ce qui avait conduit VTAN à s’écarter du comportement normal d’un exploitant d’aéroport libre de sa politique commerciale et guidé par des perspectives de rentabilité. Au terme de son analyse, la Commission a conclu, au considérant 299 de ladite décision,
que les contrats conclus avec VTAN devaient être considérés comme imputables au SMAN, et donc à la République française au sens large.

114 Dès lors, il y a lieu d’examiner le présent grief pour autant que les requérantes soutiennent que la Commission n’a erronément pas établi que les mesures prises par le SMAN en leur faveur, en ce que l’influence de la politique commerciale de VTAN leur était favorable, étaient imputables à la République française au sens large.

115 À cet égard, il convient de rappeler d’emblée la jurisprudence selon laquelle les mesures prises par des collectivités territoriales ou d’autres entités infra-étatiques tombent, au même titre que les mesures prises par le pouvoir central, dans le champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE si les conditions prévues par cette disposition sont remplies (voir jurisprudence citée au point 85 ci-dessus).

116 En l’espèce, il y a lieu de constater que la Commission a souligné, aux considérants 26 et 572 de la décision attaquée, que le SMAN était un établissement public qui regroupait trois collectivités territoriales, à savoir le conseil départemental du Gard, la communauté d’agglomération Nîmes Métropole et la communauté d’agglomération du Grand Alès en Cévennes.

117 Par ailleurs, la Commission a indiqué, aux considérants 572 et 573 de la décision attaquée, que les décisions des collectivités territoriales devaient être considérées comme imputables à l’État au sens large et que cette conclusion valait par extension pour un groupement de collectivités locales telles que le SMAN.

118 En outre, la Commission a observé, au considérant 573 de la décision attaquée, que le SMAN était administré par un comité syndical constitué uniquement de délégués représentant les collectivités territoriales qui en étaient membres.

119 La Commission en a déduit, au considérant 573 de la décision attaquée, que toutes les décisions du SMAN étaient imputables à l’État.

120 Eu égard à la jurisprudence mentionnée au point 85 ci-dessus, il y a lieu d’approuver cette conclusion.

121 Cette conclusion n’est pas infirmée par l’argument des requérantes selon lequel le SMAN est une entreprise fournissant des services aéroportuaires et que, de ce fait, la Commission était tenue d’apprécier l’imputation à l’État des décisions du SMAN sur la base des critères établis dans l’arrêt du 16 mai 2002, France/Commission (C‑482/99, EU:C:2002:294).

122 En effet, il y a lieu de souligner que la Commission a constaté au considérant 277 de la décision attaquée que le comportement de VTAN envers les requérantes ne devait pas être considéré indépendamment de celui du SMAN, groupement de collectivités publiques agissant comme autorité concédante dans le cadre de l’octroi et de la mise en œuvre de la délégation de service public, et que, notamment, la politique commerciale de VTAN à l’égard des requérantes a été influencée dans une large mesure par
le cadre fixé par le SMAN.

123 Si le SMAN peut exercer des activités d’entreprise, tout comme d’autres organes de l’État peuvent le faire, il y a lieu de constater qu’il constitue un groupement de collectivités territoriales, agissant par ailleurs, dans le cas d’espèce, en tant qu’autorité concédante dans la délégation de service public, et que, partant, il n’y avait pas lieu, en ce qui concernait les mesures prises par lui, d’établir l’imputabilité à l’État sur la base de l’approche prévue par l’arrêt du 16 mai 2002,
France/Commission (C‑482/99, EU:C:2002:294).

124 Dès lors, le présent grief doit être rejeté.

3.   Sur le grief concernant l’imputabilité à l’État des décisions de VTAN

125 Les requérantes exposent que les décisions d’une entreprise privée, telle que VTAN, ne sont généralement pas imputables à l’État, en particulier en l’absence de toute propriété de l’État dans l’entreprise concernée. En tout état de cause, la Commission n’aurait pas établi que les décisions adoptées par VTAN étaient imputables à l’État. Ainsi, une simple influence du SMAN, par le biais de la convention de délégation de service public, sur le comportement de VTAN ne suffirait pas à cet égard. Par
ailleurs, le SMAN se serait systématiquement abstenu d’exercer son pouvoir d’influence sur VTAN dans ses négociations avec Ryanair. De plus, selon les requérantes, VTAN pouvait librement chercher à remplacer Ryanair et disposait d’une large marge pour négocier les contrats avec elles.

126 La Commission conteste l’argumentation des requérantes.

127 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il n’y a pas lieu de distinguer les cas où l’aide est accordée directement par l’État et ceux où elle est accordée par des organismes publics ou privés que l’État institue ou désigne en vue de gérer l’aide. En effet, le droit de l’Union ne saurait admettre que le seul fait de créer des institutions autonomes chargées de la distribution d’aides permette de contourner les règles relatives aux aides d’État (voir arrêt du
16 mai 2002, France/Commission, C‑482/99, EU:C:2002:294, point 23 et jurisprudence citée).

128 De même, la désignation par l’État d’une entité privée pour accorder des aides ne saurait en soi faire échapper les mesures adoptées par cette entité à l’application de ces règles.

129 S’agissant de la condition tenant à l’imputabilité de la mesure, il convient d’examiner si les autorités publiques doivent être considérées comme ayant été impliquées dans l’adoption de ladite mesure (voir arrêt du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère! e.a., C‑262/12, EU:C:2013:851, point 17 et jurisprudence citée). Par conséquent, il y a lieu d’examiner si la Commission était en droit de considérer, au terme de son analyse d’imputabilité étatique, que le SMAN était impliqué dans la
conclusion des contrats passés par VTAN avec les requérantes.

130 À cet égard, il y a lieu de constater que la Commission a identifié aux considérants 278 à 299 de la décision attaquée une série d’indicateurs à l’appui d’une telle implication de la part du SMAN.

131 Premièrement, la Commission a constaté que la convention de délégation de service public conclue entre le SMAN et Veolia Transport, et dont l’exécution a été confiée à VTAN, ne se limitait pas à octroyer à cette dernière l’exploitation commerciale de l’aéroport de Nîmes, mais la chargeait également d’une mission de développement du trafic. Ainsi, selon elle, cette convention de délégation de service public contraignait et influençait la politique commerciale de VTAN à l’égard des compagnies
aériennes, et ce d’autant plus que le développement du trafic n’est pas en soi l’objectif ultime poursuivi par un exploitant d’aéroport privé entièrement libre de sa politique commerciale. L’objectif poursuivi par un tel exploitant privé serait la maximisation de sa rentabilité, qui ne serait pas compatible en toutes circonstances avec le développement du trafic (considérants 278 à 281 de la décision attaquée). De plus, elle a constaté que la réponse de Veolia Transport à l’appel d’offres avait
été influencée par l’objectif de développement du trafic fixé par le SMAN, et, plus généralement, par les objectifs de développement économique local poursuivis par le SMAN (considérants 282 à 285 de ladite décision). Deuxièmement, elle a constaté que les différentes affirmations de Veolia Transport, lors du processus d’appel d’offres, confirmaient qu’elle était consciente du fait que la relation commerciale avec Ryanair était de nature à pénaliser la rentabilité de l’exploitation de l’aéroport
de Nîmes et qu’elle n’était prête à poursuivre cette relation, dans des conditions similaires à celles précédemment instaurées par la CCI de Nîmes-Uzès-Le Vigan, qu’en raison des objectifs du SMAN en matière de développement du trafic, des engagements pris auprès du SMAN pour se voir attribuer la gestion de cet aéroport et de la contribution forfaitaire offerte par le SMAN et assurant l’équilibre financier de la concession (considérant 287 de cette décision). Troisièmement, s’agissant de cette
subvention d’exploitation forfaitaire, elle a constaté que la rentabilité de la concession de VTAN reposait sur cette contribution, que son montant avait été calculé sur le fondement d’un budget prévisionnel qui intégrait les coûts et les recettes associés aux contrats en cause et que le SMAN avait donc octroyé à VTAN une contribution conçue de manière à permettre la poursuite de l’activité de Ryanair dans de telles conditions semblables à celles dans lesquelles cette compagnie offrait ses
services au départ de l’aéroport de Nîmes lorsque la CCI de Nîmes-Uzès-Le Vigan en assurait l’exploitation. Par ailleurs, elle a souligné que la modulation de la contribution forfaitaire en fonction de l’activité de Ryanair amoindrissait les incitations de VTAN à prendre des décisions propres à provoquer une réduction de trafic de Ryanair (considérants 288, 289 et 291 de la même décision).

132 Il y a lieu de constater que la Commission a démontré à suffisance de droit que, ainsi qu’elle l’a indiqué aux considérants 292 et 293 de la décision attaquée, le cadre fixé par le SMAN par le biais du processus d’appel d’offres, des objectifs fixés dans la convention de délégation de service public conclue entre le SMAN et Veolia Transport et de la contribution forfaitaire avait eu une influence suffisamment déterminante sur le comportement de VTAN envers les requérantes pour que les contrats
en cause puissent être considérés comme imputables à l’État au sens de la jurisprudence. Partant, il y a lieu d’approuver la conclusion de la Commission figurant au considérant 299 de ladite décision selon laquelle le lien de causalité entre les termes de ladite convention, le processus d’appel d’offres et la contribution forfaitaire, d’une part, et les contrats conclus par VTAN avec les requérantes, d’autre part, était suffisamment fort pour démontrer une implication claire du SMAN dans les
mesures en question, ces mesures devant être imputables au SMAN.

133 Aucun des arguments avancés par les requérantes n’est de nature à renverser cette conclusion.

134 En effet, en premier lieu, les requérantes allèguent qu’une simple influence du SMAN sur le comportement de VTAN par le biais de la convention de délégation de service public conclue entre le SMAN et Veolia Transport n’équivaut pas à un contrôle de l’État et ne permet pas une imputation à celui-ci. Or, cette allégation interprète erronément la décision attaquée, laquelle se fonde sur une série d’indicateurs pour constater que le SMAN a exercé une influence déterminante sur les décisions prises
par VTAN concernant les requérantes. La Commission ne s’est donc pas limitée, dans ladite décision, à établir l’existence d’une simple influence de l’État sur le comportement d’une entreprise pour conclure à l’imputabilité étatique.

135 En deuxième lieu, les requérantes font valoir que le SMAN s’est systématiquement abstenu d’exercer son pouvoir d’influence sur le comportement de VTAN dans les négociations avec Ryanair. Cet argument n’est toutefois pas opérant. En effet, il ressort du considérant 296 de la décision attaquée que la simple possibilité qu’a eue le SMAN de s’impliquer dans ces négociations lui a conféré une certaine influence et qu’il aurait pu intervenir si VTAN avait tenté d’imposer à Ryanair des conditions qui
auraient pu inciter cette dernière à réduire son trafic à l’aéroport de Nîmes. Comme l’indique la Commission, VTAN savait que le SMAN pouvait intervenir et avait toutes les raisons de prendre cet élément en considération dans ses propres décisions, lesquelles s’inscrivaient d’ailleurs déjà dans le cadre fixé par le SMAN.

136 En troisième lieu, les requérantes soutiennent que VTAN disposait d’une large marge de manœuvre pour négocier des contrats avec elles. À cet égard, il convient de souligner que, si, dans la décision attaquée, la Commission indique que la convention de délégation de service public conclue entre le SMAN et Veolia Transport évoque « la totale latitude » en faveur de VTAN pour négocier les contrats avec les usagers aéronautiques, elle explique ensuite que cette latitude ne pouvait s’exercer que dans
le cadre général fixé par ladite convention et les engagements de Veolia Transport en réponse à l’appel d’offres, lesquels étaient de nature à contraindre et à influencer considérablement le comportement de VTAN. Par ailleurs, il y a lieu de constater que, nonobstant l’existence d’une certaine marge de manœuvre commerciale en faveur de VTAN pour négocier les contrats (considérants 292 et 299 de ladite décision), la Commission a démontré à suffisance de droit, sur la base des indicateurs
convergents énumérés au point 131 ci-dessus, que ce cadre général avait conduit à ce que le SMAN exerce une influence suffisamment déterminante sur les relations commerciales de VTAN avec les requérantes pour conclure à l’imputabilité étatique. Les requérantes n’ont apporté aucun élément démontrant que l’existence d’une marge de manœuvre commerciale en faveur de VTAN remettait en cause cette analyse d’imputabilité de la Commission.

137 En quatrième lieu, les requérantes estiment qu’il ressort de la décision attaquée que les autorités françaises ont confirmé l’autonomie contractuelle de VTAN. Toutefois, comme la Commission l’indique, à juste titre, le considérant 92 de ladite décision sur lequel les requérantes s’appuient ne fait que présenter les informations fournies par l’État membre quant à la procédure suivie au sein de VTAN elle-même aux fins de la prise de ses décisions et, dans ce considérant, elle ne s’est pas
prononcée sur l’influence du SMAN sur le contenu des contrats passés par VTAN.

138 En cinquième lieu, les requérantes font valoir que VTAN pouvait librement chercher à remplacer Ryanair et qu’aucune sanction ne s’appliquait à ce type de décision. Toutefois, comme la Commission l’indique à juste titre, cette circonstance ne saurait avoir une incidence sur la question de l’imputabilité à l’État des contrats en cause. En effet, le SMAN pouvait tout aussi bien se satisfaire d’un autre transporteur choisi par VTAN. Il n’en demeure pas moins que, par le cadre général fixé au moyen
du processus d’appel d’offres, des objectifs de développement du trafic fixés dans la convention de délégation de service public conclue entre le SMAN et Veolia Transport et de la contribution forfaitaire, le SMAN a exercé une influence déterminante sur les conditions proposées par VTAN aux compagnies aériennes. Par ailleurs, ainsi que le souligne la Commission à juste titre, la possibilité de substitution d’activité de Ryanair mentionnée au considérant 411 de la décision attaquée n’était
envisagée que sur le long terme, et non au cours de la période à laquelle se rapporte ladite décision.

139 En sixième lieu, les requérantes allèguent qu’aucune sanction n’était prévue pour le cas où VTAN ne remplirait pas ses engagements à l’égard du SMAN, sinon le risque de voir sa réputation compromise. Toutefois, cette allégation repose sur une mauvaise lecture de la décision attaquée. En effet, le considérant 286 de cette décision ne se réfère nullement aux sanctions, mais constate que le comportement de VTAN envers les requérantes était fondamentalement influencé par l’objectif de développement
du trafic fixé par le SMAN. Dans ce contexte, la Commission a fait observer, audit considérant, que l’offre du prestataire finalement retenu liait nécessairement ce dernier pour toute la durée de la concession, d’un point de vue juridique mais également à d’autres égards, et a considéré qu’une entreprise qui formulerait des objectifs et des engagements dans une réponse à un appel d’offre organisé par une collectivité locale et qui agirait ensuite en contradiction avec ces objectifs et ces
engagements courrait le risque de voir sa réputation compromise auprès des collectivités locales. Elle en a déduit que Veolia Transport, qui, en 2007, cherchait à s’implanter sur le marché de la gestion aéroportuaire, n’aurait pas couru un tel risque.

140 En septième et dernier lieu, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel le SMAN n’avait tout au plus donné à VTAN que des assurances pour couvrir certaines pertes au cas où VTAN aurait décidé de poursuivre avec elles une « situation héritée », il y a lieu de souligner que la Commission a déduit, aux considérants 278 à 299 de la décision attaquée, l’imputabilité à l’État des contrats en cause non seulement de l’octroi de la contribution forfaitaire pour assurer l’équilibre de
l’aéroport de Nîmes, mais également d’un ensemble d’éléments dont notamment les engagements de développement du trafic, lesquels étaient de nature à pénaliser la rentabilité dudit aéroport et n’auraient été acceptables que si une compensation financière était octroyée.

141 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le présent grief et, partant, le deuxième moyen.

C. Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE du fait que la Commission a erronément considéré que les ressources de VTAN étaient des ressources d’État

142 Les requérantes font valoir que la Commission n’a pas établi que la condition de l’utilisation des ressources d’État était remplie. En effet, la contribution forfaitaire du SMAN en faveur de VTAN relèverait du contrôle de cette dernière, qui avait le droit de décider librement de son usage et de ne pas la transférer aux requérantes. Les ressources de VTAN ne resteraient dès lors pas constamment sous contrôle public au sens de la jurisprudence.

143 À cet égard, il convient de rappeler tout d’abord que, pour que des avantages puissent être qualifiés d’aides au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, ils doivent, parmi d’autres conditions, être accordés directement ou indirectement au moyen de ressources d’État (voir, en ce sens, arrêts du 16 mai 2002, France/Commission, C‑482/99, EU:C:2002:294, point 24, et du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère! e.a., C‑262/12, EU:C:2013:851, point 16).

144 À cet égard, la notion d’intervention au moyen de ressources d’État vise à inclure, outre les avantages accordés directement par l’État, ceux accordés par l’intermédiaire d’un organisme public ou privé, désigné ou institué par cet État en vue de gérer l’aide (voir arrêt du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère! e.a., C‑262/12, EU:C:2013:851, point 20 et jurisprudence citée).

145 La Cour a également jugé que l’article 107, paragraphe 1, TFUE englobait tous les moyens pécuniaires que les autorités publiques pouvaient effectivement utiliser pour soutenir des entreprises, sans qu’il soit pertinent que ces moyens appartiennent ou non de manière permanente au patrimoine de l’État. En conséquence, même si les sommes correspondant à la mesure en cause ne sont pas de façon permanente en possession du Trésor public, le fait qu’elles restent constamment sous contrôle public, et
donc à la disposition des autorités nationales compétentes, suffit pour qu’elles soient qualifiées de ressources d’État (voir arrêt du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère! e.a., C‑262/12, EU:C:2013:851, point 21 et jurisprudence citée).

146 Le fait que les ressources concernées soient administrées par des entités distinctes de l’autorité publique est sans incidence à cet égard (voir, en ce sens, arrêt du 2 juillet 1974, Italie/Commission, 173/73, EU:C:1974:71, point 35).

147 En l’espèce, il est constant que des ressources d’État ont été transférées du SMAN, sous forme de contribution forfaitaire, à VTAN, qui est une entreprise privée exploitant l’aéroport.

148 Par ailleurs, il y a lieu de constater que la Commission a relevé, au considérant 300 de la décision attaquée, en renvoyant au considérant 298 de ladite décision, que l’équilibre financier de l’exploitation de l’aéroport de Nîmes reposait sur la contribution forfaitaire octroyée par le SMAN, dont le montant avait été déterminé, notamment, en fonction des paramètres de la relation commerciale entre la CCI de Nîmes-Uzès-Le Vigan et les requérantes en 2006, et donc de manière à permettre à Ryanair
de poursuivre son activité au départ de l’aéroport de Nîmes dans les mêmes conditions que lorsque ladite CCI exploitait cet aéroport. La Commission en a déduit, au même considérant, que les avantages conférés aux requérantes par ces contrats avaient donc été financés au moyen de cette contribution forfaitaire et, partant, au moyen de ressources d’État.

149 La Commission a notamment constaté, au considérant 288 de la décision attaquée, que la rentabilité de la concession pour VTAN reposait sur la subvention forfaitaire versée par le SMAN, qui participait donc directement au financement de l’exploitation de l’aéroport de Nîmes. Elle a expliqué que l’existence de cette subvention octroyée par le SMAN démontrait l’influence de celui-ci sur les relations commerciales de VTAN avec les requérantes étant donné que, sans cette subvention, il était probable
qu’aucun opérateur n’eût accepté d’exploiter ledit aéroport dans le cadre d’une concession dont le modèle économique reposait sur un objectif de développement du trafic et des relations avec une compagnie aérienne qui étaient de nature à dégager une marge négative à l’échelle de la gestion aéroportuaire. Elle a considéré que l’octroi de la subvention en question faisait donc partie des éléments qui avaient rendu possible la conclusion des contrats avec les requérantes.

150 Dans ces conditions, les critères établis par la jurisprudence mentionnée au point 145 ci-dessus sont satisfaits. En effet, il ressort de la décision attaquée que le SMAN a octroyé à VTAN une contribution conçue pour permettre la poursuite de l’activité de Ryanair dans des conditions semblables à celles en vigueur lorsque la CCI de Nîmes-Uzès-Le Vigan exploitait l’aéroport de Nîmes (voir également considérant 289 de ladite décision) et que, sans cette contribution, VTAN aurait supporté
l’intégralité des avantages conférés aux requérantes en vertu des contrats convenus.

151 La circonstance que VTAN ait eu une certaine latitude pour négocier ses contrats avec les requérantes et qu’il n’existait pas de lien mécanique entre le montant de la contribution forfaitaire et les paramètres des contrats négociés n’a pas pour effet de supprimer le lien existant entre cette contribution et l’avantage dont bénéficiaient les requérantes. En effet, il y a lieu de constater que, en termes économiques, la contribution forfaitaire en faveur de VTAN a rendu possible la conclusion des
contrats avec les requérantes et a permis à VTAN de ne pas devoir supporter le coût des avantages conférés aux requérantes en vertu de ces contrats. Ainsi, ces avantages sont la résultante du versement de la contribution forfaitaire à VTAN (voir, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2000, Allemagne/Commission, C‑156/98, EU:C:2000:467, points 26 et 27).

152 Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu d’écarter le troisième moyen.

D. Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE du fait que la Commission n’a pas démontré l’existence d’un avantage sélectif

[omissis]

2.   Sur la deuxième branche, tirée d’erreurs d’appréciation et de défauts de motivation en ce qui concerne la décision de s’écarter, dans la présente affaire, de l’analyse comparative

[omissis]

b)   Sur les griefs concernant les motifs invoqués dans la décision attaquée pour s’écarter, dans la présente affaire, de l’analyse comparative

[omissis]

2) Sur le grief tiré du fait que la Commission a erronément considéré que l’analyse comparative devrait être fondée sur une comparaison des contrats en cause pris conjointement avec d’autres transactions similaires

3) Sur le grief tiré du fait que la Commission a erronément considéré que les contrats en cause engendraient des coûts incrémentaux supérieurs aux recettes incrémentales

4) Sur le grief tiré du fait que la Commission a erronément considéré que les preuves fournies par Ryanair ne démontraient pas que les aéroports sélectionnés dans l’étude du 28 septembre 2012 étaient suffisamment comparables à l’aéroport de Nîmes et d’un défaut de motivation à cet égard

226 Les requérantes font valoir que la Commission a affirmé à tort que Ryanair n’avait pas démontré que les cinq aéroports sélectionnés dans l’étude du 28 septembre 2012 étaient suffisamment comparables à l’aéroport de Nîmes. À cet égard, d’une part, elles soutiennent que la Commission n’a pas réfuté la « sélection spécifique » des aéroports de référence ni les arguments détaillés dans ladite étude, complétée par des études supplémentaires. Dans ces circonstances, le rejet par la Commission des
critères de sélection invoqués dans cette étude constituerait une erreur manifeste d’appréciation et un défaut de motivation. Dans la réplique, les requérantes soutiennent que les arguments avancés par la Commission devant le Tribunal pour mettre en doute le choix des aéroports de référence opéré dans l’étude du 28 septembre 2012 ne figurent pas dans la décision attaquée et ne sauraient remédier a posteriori à l’erreur commise ni au défaut de motivation. D’autre part, elles avancent que la
Commission ne s’est jamais adressée à un aéroport privé ou exploité par un opérateur privé pour se renseigner sur les prix pratiqués et n’a, par conséquent, pas fait d’efforts pour trouver d’aéroport de référence, en dépit de leur existence manifeste.

227 À cet égard, s’agissant de l’argumentation prise de ce que la Commission aurait erronément considéré que les preuves fournies par Ryanair ne démontraient pas que les aéroports sélectionnés dans l’étude du 28 septembre 2012 fussent suffisamment comparables à celui de Nîmes, il y a lieu de relever que, comme l’indique la Commission, le fait de ne pas avoir pris en compte les contrats de services marketing suffisait déjà pour exclure la méthode utilisée dans ladite l’étude (considérant 383 de la
décision attaquée). En effet, l’application du critère de l’investisseur privé dans le cas d’espèce exigeait que toutes les combinaisons de contrat de services aéroportuaires et de contrat de services marketing correspondant, lesquels devaient être considérés à chaque fois comme une transaction unique, soient analysées conjointement (voir points 207 à 212 ci-dessus) Partant, cette argumentation doit être rejetée comme inopérante.

228 Par ailleurs, la circonstance que la décision attaquée ne précise pas, pour chacun des aéroports sélectionnés dans l’étude du 28 septembre 2012, les raisons pour lesquelles ils ne pouvaient être retenus comme éléments de comparaison ne permet pas de conclure, en tant que telle, à un défaut de motivation au sens de de l’article 296 TFUE.

229 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances
de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de ladite disposition doit être appréciée au regard non seulement de son
libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 63 et jurisprudence citée).

230 En l’espèce, la Commission a rappelé, au considérant 378 de la décision attaquée, ses doutes, tels qu’exprimés au paragraphe 59 des lignes directrices de 2014, qu’il soit actuellement possible de définir un élément de comparaison approprié aux fins de la fixation d’un prix de marché fidèle pour les services fournis par les aéroports. De plus, en se référant aux paramètres énumérés au paragraphe 60 desdites lignes directrices, la Commission a constaté, au considérant 384 de ladite décision, que
Ryanair n’avait pas montré en quoi les aéroports qu’elle citait étaient suffisamment comparables, considérant le volume de trafic, le type de trafic, le type et le niveau de services aéroportuaires, la présence d’une grande ville à proximité de l’aéroport, le nombre d’habitants dans la zone d’attraction, la prospérité dans la zone avoisinante et l’existence d’autres zones géographiques susceptibles d’attirer les passagers.

231 Certes, dans la décision attaquée, la Commission ne précise pas de manière plus détaillée les raisons pour lesquelles elle n’a pas retenu l’échantillon d’aéroports sélectionnés dans l’étude du 28 septembre 2012 comme élément valable de comparaison.

232 Toutefois, s’agissant de la détermination des aéroports de référence, il ne saurait être contesté qu’elle relève d’appréciations techniques complexes. Dès lors que la décision attaquée faisait ressortir clairement le raisonnement suivi par la Commission pour permettre d’en contester ultérieurement le bien-fondé devant la juridiction compétente, il serait excessif d’exiger une motivation spécifique pour chacun des choix techniques ou chacun des éléments chiffrés sur lesquels s’appuyait ce
raisonnement (voir, en ce sens, arrêts du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C‑341/06 P et C‑342/06 P, EU:C:2008:375, point 108, et du 27 avril 2017, Germanwings/Commission, T‑375/15, non publié, EU:T:2017:289, point 45 ; voir également, par analogie, arrêt du 12 juillet 2005, Alliance for Natural Health e.a., C‑154/04 et C‑155/04, EU:C:2005:449. point 134).

233 Ainsi, une explication, pour chacun des aéroports sélectionnés dans l’étude du 28 septembre 2012, des raisons pour lesquelles ceux-ci ne pouvaient être retenus n’apparaissait nécessaire dans la décision attaquée pour que les requérantes puissent comprendre le raisonnement suivi par la Commission.

234 Ainsi, les requérantes étaient en mesure de contester devant le Tribunal le rejet par la Commission de l’échantillon d’aéroports sélectionnés dans l’étude du 28 septembre 2012.

235 Dès lors, il y a lieu de rejeter l’argumentation prise d’un défaut de motivation.

236 En outre, les requérantes ne parviennent pas à démontrer que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation concernant la méthode de sélection des aéroports de comparaison. À cet égard, elles soutiennent que la Commission a erronément considéré que Ryanair n’avait pas proposé un échantillon d’aéroports de référence qui inclût des aéroports suffisamment comparables à l’aéroport de Nîmes. Elles affirment que l’étude du 28 septembre 2012 présentée par Ryanair comportait une comparaison
systématique entre les conditions prévues par les contrats de services aéroportuaires signés avec d’autres aéroports dont la majorité étaient privés, exploités de manière privée ou opérant en tant qu’investisseur en économie de marché et qui présentaient plusieurs caractéristiques communes semblables à celles de l’aéroport de Nîmes.

237 La Commission rétorque que cette affirmation est démentie par un examen approfondi des aéroports sélectionnés dans l’étude du 28 septembre 2012.

238 À cet égard, d’une part, la Commission a indiqué que, en ce qui concerne la question de l’établissement d’éléments de référence fiables, premièrement, l’aéroport de Bournemouth appartenait à une entité majoritairement détenue par un État et avait une rentabilité négative en 2012, deuxièmement, l’aéroport de Prestwick était déficitaire avant que son propriétaire privé ne le cède au gouvernement écossais en novembre 2013, troisièmement, l’aéroport de Maastricht avait bénéficié de subventions
substantielles depuis 2004 et était, lui aussi, passé en actionnariat public en 2013 après avoir apparemment dû être sauvé par l’État néerlandais et, quatrièmement, l’aéroport de Knock, bien qu’en propriété privée, avait reçu des fonds publics considérables, à savoir des subventions en capital de l’ordre de 13 millions d’euros entre 1997 et 2012.

239 D’autre part, en ce qui concerne les caractéristiques des aéroports sélectionnés dans l’étude du 28 septembre 2012 au sens du paragraphe 60 des lignes directrices de 2014, la Commission a expliqué que, en tout état de cause, elles étaient largement dissemblables de celles de l’aéroport de Nîmes :

– il ressortirait de l’étude du 28 septembre 2012 que le volume du trafic total de passagers à l’aéroport variait significativement d’un aéroport à l’autre, et de manière encore plus frappante en ce qui concernait le volume de passagers voyageant avec Ryanair dans ces aéroports ;

– les activités de l’aéroport de Grenoble seraient fortement concentrées sur la saison d’hiver ;

– l’aéroport de Maastricht exercerait d’importantes activités de fret ;

– les villes les plus proches de chaque aéroport seraient de tailles très différentes ; ainsi, quant au paramètre de la proximité d’une grande ville, l’étude du 28 septembre 2012 mentionnerait la ville de Nîmes et, pour l’aéroport de Knock, la ville de Sligo (Irlande), mais les distances varient fortement ;

– concernant le paramètre du nombre d’habitants dans la zone d’attraction de l’aéroport, l’étude du 28 septembre 2012 ferait uniquement référence à la population de la plus grande ville dans un rayon de 150 kilomètres, et non au nombre d’habitants dans la zone d’attraction de l’aéroport ;

– en ce qui concerne le paramètre de la prospérité de la zone avoisinante, les éléments de référence des régions choisies dans l’étude du 28 septembre 2012 ne reflèteraient pas exactement les zones avoisinantes des aéroports en question et la prospérité varierait substantiellement d’une région à l’autre ;

– le paramètre de l’arrière-pays de l’aéroport n’apparaîtrait pas dans l’étude du 28 septembre 2012, que ce soit pour les passagers au départ ou pour les passagers à l’arrivée ; or, eu égard à l’attrait touristique de la côte méditerranéenne, l’aéroport de Nîmes serait principalement axé sur les passagers à l’arrivée, tandis que les aéroports de Prestwick et de Bournemouth offriraient un marché potentiel pour les passagers au départ.

240 Il s’ensuit que, sur la base de tous ces éléments, la Commission a pu considérer, sans commettre une erreur manifeste d’appréciation, que les aéroports sélectionnés dans l’étude du 28 septembre 2012 n’étaient pas suffisamment comparables à l’aéroport de Nîmes.

241 Les arguments avancés par les requérantes ne sont pas de nature à remettre en cause cette conclusion.

242 En premier lieu, s’agissant de l’argument selon lequel l’aéroport de Bournemouth a réalisé des bénéfices entre 2001 et 2011 sans recevoir de subventions, il y a lieu de souligner que, si, certes, cet élément est pertinent pour considérer le comportement de cet aéroport comme celui d’un opérateur en économie de marché, il n’en demeure pas moins que cet aéroport appartient à une entité publique.

243 En deuxième lieu, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel l’aéroport de Prestwick était non seulement en propriété privée, mais également rentable entre 2000 et 2008, il y a lieu de constater que, si ces circonstances militent en faveur d’un comportement d’opérateur en économie de marché, elles ne remettent pas en cause la précision faite par la Commission dans ses écritures et lors de l’audience selon laquelle cet aéroport était devenu déficitaire et avait dû être cédé au
gouvernement écossais en 2013 et, partant, ne constituait pas un élément de comparaison approprié aux fins de l’établissement d’un prix de marché fidèle pour les services aéroportuaires (voir considérant 378 de la décision attaquée).

244 En troisième lieu, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel, d’une part, Ryanair avait exploité de multiples liaisons estivales vers et au départ de l’aéroport de Grenoble entre 2006 et 2009 et, d’autre part, cet aéroport était exploité par un opérateur privé imposant les redevances aéroportuaires les plus élevées des aéroports de référence, il y a lieu de constater que, bien que Ryanair ait opéré des liaisons en dehors de la saison hivernale, ces activités n’apparaissaient pas
avoir conduit au maintien de ces services tout au long de l’année. À cet égard, l’argument des requérantes ne contredit pas la constatation de la Commission selon laquelle l’activité de l’aéroport de Grenoble était fortement concentrée sur la saison d’hiver, ce qui le distinguait de la situation de l’aéroport de Nîmes où Ryanair avait assuré, à tout le moins, un certain nombre de liaisons quotidiennes tout au long de l’année, comme il ressort de la décision attaquée.

245 En quatrième lieu, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel, d’après les informations fournies par la Commission, les apports de capitaux en faveur de l’aéroport de Knock ne s’élevaient qu’à 6 % des actifs de cet aéroport pour la période comprise entre 2002 et 2012, il y a lieu de remarquer que la Commission a pu considérer, sans commettre une erreur manifeste d’appréciation, qu’un apport de fonds publics d’une telle ampleur constituait un élément pertinent dans son évaluation du
caractère approprié de cet aéroport comme élément de référence.

246 En cinquième lieu, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel, parmi les aéroports de comparaison, quatre étaient semblables à l’aéroport de Nîmes en ce qui concerne le paramètre du trafic total ou le trafic de Ryanair, il y a lieu de considérer, comme la Commission le relève, que les chiffres mentionnés dans l’étude du 28 septembre 2012 montrent que le trafic total des passagers des aéroports et le trafic de Ryanair dans ces aéroports variaient de manière significative d’un aéroport
à l’autre et eu égard à l’aéroport de Nîmes. Ainsi, il ressort de ladite étude qu’il existe notamment des différences notables entre le trafic à l’aéroport de Nîmes et le trafic aux aéroports de Prestwick (pour toute la période concernée), de Bournemouth et de Knock (pour la dernière partie de la période concernée).

247 De même, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel l’étude du 28 septembre 2012 a présenté, en ce qui concerne le paramètre de la prospérité de la zone avoisinante, les données pour l’aéroport de Knock sur le plan régional pour la comparaison du produit intérieur brut annuel par habitant même si l’estimation relative au revenu mensuel a été présentée pour la totalité de l’Irlande, il y a lieu de constater que cet argument n’est pas susceptible d’infirmer les constatations de la
Commission en ce qui concerne certains autres paramètres.

248 Par conséquent, en dépit des constatations faites au points 242 et 243 ci-dessus, il y a lieu de conclure que, au regard de tous les éléments de référence fiables et des différents paramètres évoqués au considérant 365 de la décision attaquée, la Commission n’a pas commis une erreur manifeste d’appréciation en rejetant l’échantillon d’aéroports de comparaison proposé dans l’étude du 28 septembre 2012.

249 S’agissant de l’argument des requérantes tiré du manque d’efforts de la Commission pour se renseigner auprès d’aéroports privés ou exploités de manière privée afin de trouver des critères de comparaison, il convient de relever que ce grief vise l’étendue des obligations d’enquête incombant à la Commission lorsqu’elle est appelée à appliquer le critère de l’opérateur en économie de marché aux contrats en cause.

250 Conformément à la jurisprudence, la Commission a l’obligation, dans le cadre de l’application du critère de l’investisseur privé, de tenir compte, dans l’évaluation d’une mesure, de tous les éléments pertinents et de son contexte (voir, en ce sens, arrêt du 17 décembre 2008, Ryanair/Commission, T‑196/04, EU:T:2008:585, point 59).

251 À cet égard, doit être considérée comme étant pertinente toute information susceptible d’influencer de manière non négligeable le processus décisionnel d’un opérateur en économie de marché privé normalement prudent et diligent, se trouvant dans une situation la plus proche possible de celle de l’État membre concerné (voir, par analogie, arrêt du 20 septembre 2017, Commission/Frucona Košice, C‑300/16 P, EU:C:2017:706, point 60).

252 Il convient également de rappeler que la légalité d’une décision en matière d’aides d’État doit être appréciée par le juge de l’Union en fonction des éléments d’information dont la Commission pouvait disposer au moment où elle l’a arrêtée (arrêt du 20 septembre 2017, Commission/Frucona Košice, C‑300/16 P, EU:C:2017:706, point 70).

253 Or, les éléments d’information dont la Commission « pouvait disposer » incluent ceux qui apparaissaient pertinents pour l’évaluation à effectuer conformément à la jurisprudence rappelée au point 251 ci-dessus et dont elle aurait pu, sur sa demande, obtenir la production au cours de la procédure administrative (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2017, Commission/Frucona Košice, C‑300/16 P, EU:C:2017:706, point 71).

254 En l’espèce, en premier lieu, il y a lieu de relever que la Commission a rappelé, au considérant 378 de la décision attaquée, ses doutes, tels qu’exprimés dans les lignes directrices de 2014, qu’il soit actuellement possible de définir un élément de comparaison approprié aux fins de la fixation d’un prix de marché fidèle pour les services fournis par les aéroports. Or, la Commission évoque notamment, aux paragraphes 56 à 58 desdites lignes directrices, le fait que la grande majorité des
aéroports de l’Union bénéficient de fonds publics, que les aéroports publics sont traditionnellement considérés par les autorités publiques comme des infrastructures visant à faciliter le développement local, et non comme des entreprises exerçant des activités conformément aux règles du marché, que les tarifs des aéroports publics sont donc généralement établis non sur la base de considérations liées au marché, mais en tenant compte de considérations de caractère social ou de politique
régionale, et que même les tarifs des aéroports privés peuvent être fortement influencés par ceux pratiqués par la majorité des aéroports bénéficiant de subventions publiques. Dès lors, même s’il n’est pas exclu qu’un nombre suffisant d’aéroports de comparaison appropriés puissent être trouvés, comme la Commission l’a expliqué lors de l’audience, elle a considéré que, conformément au paragraphe 61 des lignes directrices de 2014, l’analyse de rentabilité incrémentale constituait le critère le
plus pertinent aux fins de l’appréciation des contrats en cause.

255 En deuxième lieu, il convient de rappeler que la Commission a mentionné, dans la décision attaquée, la différence des structures des coûts et des recettes d’aéroports et la faible comparabilité des transactions entre aéroports comme considérations justifiant de s’écarter de l’analyse comparative (considérants 362 et 363 de la décision attaquée).

256 En troisième lieu, il y a lieu de relever que, dans la décision d’ouverture, la Commission a invité les parties intéressées à présenter des observations tout en indiquant plus avant dans ladite décision que les autorités françaises n’avaient fourni aucun comparateur permettant d’apprécier si le prix payé par Ryanair correspondait au prix normal du marché.

257 Ainsi, lors de la procédure administrative, Ryanair a produit l’étude du 28 septembre 2012 présentant un échantillon d’aéroports de comparaison.

258 En réponse à une question du Tribunal lors de l’audience, la Commission a expliqué que, même si les lignes directrices de 2014 prévoyaient la possibilité de conduire l’analyse comparative, les éléments présents dans le dossier ne permettaient pas d’effectuer une telle analyse de manière utile dans le cas d’espèce.

259 En quatrième lieu, comme l’indique la Commission, afin d’apprécier les redevances des services aéroportuaires, il convient de prendre en considération non seulement les tarifs publiés, mais également la grande variété de ristournes sur mesure convenues avec chaque compagnie aérienne ainsi que tout contrat de services marketing. De manière générale, ces dernières informations sont confidentielles et la Commission ne peut y avoir librement accès.

260 Dans ces conditions, c’est sans commettre d’erreur que la Commission a pu choisir, dans le cas d’espèce, de procéder à l’analyse de rentabilité incrémentale plutôt qu’à l’analyse comparative, sans s’être rapprochée, lors de son enquête, d’aéroports privés ou exploités de manière privée dans le but d’identifier d’éventuels aéroports suffisamment comparables à l’aéroport de Nîmes et de trouver, dans ces mêmes aéroports, un échantillon de transactions comparables.

261 Au vu de tout ce qui précède, le grief des requérantes tiré du fait que la Commission a erronément considéré que les preuves fournies par Ryanair ne démontraient pas que les aéroports sélectionnés dans l’étude du 28 septembre 2012 étaient suffisamment comparables à l’aéroport de Nîmes et d’un défaut de motivation à cet égard doit donc être écarté.

5) Sur le grief tiré du fait que la Commission a erronément omis de réaliser une analyse comparative « commune »

262 Les requérantes font valoir que, même à supposer que les paiements à AMS au titre des services marketing eussent dû être déduits des redevances aéroportuaires payées par Ryanair aux fins de l’analyse comparative, la Commission a néanmoins commis une erreur manifeste d’appréciation en n’ayant pas effectué une telle analyse « commune ». Elles produisent une étude du 2 février 2016 comportant pareille analyse, préparée par leur consultant économique, selon laquelle les redevances nettes payées par
Ryanair à l’aéroport de Nîmes en tenant compte des paiements reçus par AMS, dans le cadre des contrats de services marketing, étaient supérieures à la moyenne des redevances nettes payées dans les aéroports de comparaison, tant par passager qu’au regard des rotations.

263 À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir tenu compte d’éventuels éléments de fait ou de droit qui auraient pu lui être présentés pendant la procédure administrative, mais qui ne l’ont pas été, la Commission n’étant pas dans l’obligation d’examiner d’office et par supputation les éléments qui auraient pu lui être soumis (arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154,
point 60, et du 14 janvier 2004, Fleuren Compost/Commission, T‑109/01, EU:T:2004:4, point 49). En outre, selon la jurisprudence, la légalité d’une décision en matière d’aides d’État doit être appréciée par le juge de l’Union en fonction des éléments d’information dont la Commission pouvait disposer au moment où elle l’a arrêtée (voir point 252 ci-dessus).

264 Toutefois, la Commission est tenue de conduire la procédure d’examen des mesures incriminées de manière diligente et impartiale, afin qu’elle dispose, lors de l’adoption de la décision finale, des éléments les plus complets et fiables possibles pour ce faire (arrêts du 2 septembre 2010, Commission/Scott, C‑290/07 P, EU:C:2010:480, point 90, et du 16 mars 2016, Frucona Košice/Commission, T‑103/14, EU:T:2016:152, point 141).

265 En l’espèce, il y a lieu de rappeler que, dans la décision d’ouverture, la Commission a indiqué considérer, à ce stade, qu’il fallait, aux fins de l’application du critère de l’investisseur privé, apprécier conjointement les contrats de services aéroportuaires et les contrats de services marketing.

266 Cependant, les requérantes invoquent une analyse comparative commune des charges aéroportuaires nettes de paiements de marketing, effectuée par leur conseil économique dans l’étude du 2 février 2016 qui n’a été produite que pour la première fois devant le Tribunal. Dès lors, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas en avoir tenu compte.

267 De plus, pour les raisons expliquées aux points 254 à 260 ci-dessus, la Commission n’était pas, dans le cas d’espèce, tenue d’entreprendre d’autres mesures pour se procurer des données dans le but d’effectuer une analyse comparative commune.

268 Partant, le grief des requérantes tiré du fait que la Commission a erronément omis de réaliser une analyse comparative « commune » doit être rejeté.

[omissis]

3.   Sur la troisième branche, tirée d’erreurs manifestes d’appréciation et d’une motivation insuffisante en ce qui concerne l’analyse de rentabilité incrémentale

[omissis]

b)   Sur le grief concernant les motifs sous-tendant la décision des gestionnaires de l’aéroport de Nîmes de conclure les contrats de services marketing

c)   Sur le grief pris du refus de prendre en considération la possibilité qu’une partie des services marketing aient pu être achetés à des fins d’intérêt général

d)   Sur le grief pris de l’affirmation erronée selon laquelle le SMAN et VTAN constituent une seule entité

372 Les requérantes font valoir que c’est à tort que la Commission a considéré que VTAN et le SMAN constituaient une seule entité aux fins de l’application du critère de l’opérateur en économie de marché. En décidant que le lien de propriété n’était pas une condition nécessaire et que d’autres liens économiques entre ces deux entités suffisaient, la Commission aurait donné une interprétation erronée de la jurisprudence et commis une erreur manifeste d’appréciation.

373 À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il a été jugé qu’il était nécessaire, dans le cadre de l’application du critère de l’investisseur privé, d’envisager la transaction commerciale dans son ensemble en vue de vérifier si l’entité étatique et l’entité contrôlée par celle-ci, prises ensemble, s’étaient comportées comme des opérateurs rationnels en économie de marché. En effet, la Commission a l’obligation de tenir compte, dans l’évaluation des mesures litigieuses, de tous les éléments
pertinents et de leur contexte, y compris ceux relatifs à la situation de la ou des autorités dispensatrices des mesures litigieuses (voir arrêt du 17 décembre 2008, Ryanair/Commission, T‑196/04, EU:T:2008:585, point 59 et jurisprudence citée).

374 En l’espèce, bien qu’il n’existât pas de lien de propriété entre le SMAN et VTAN, la Commission a toutefois constaté, aux considérants 277 à 299 de la décision attaquée, que le SMAN avait exercé une influence déterminante sur les décisions prises par VTAN à l’égard des requérantes.

375 Dans ces circonstances, il y a lieu de constater que c’est à juste titre que la Commission a considéré qu’il existait entre le SMAN et VTAN des liens économiques suffisamment étroits pour que leurs comportements soient appréciés conjointement dans leurs relations avec les requérantes aux fins de l’application du critère de l’opérateur en économie de marché (considérants 307 à 309 de la décision attaquée).

376 Partant, le grief des requérantes pris de l’affirmation erronée selon laquelle le SMAN et VTAN constituent une seule entité doit être rejeté.

f)   Sur le grief pris du refus de prendre en considération les avantages plus larges découlant des relations de l’aéroport de Nîmes avec Ryanair

[omissis]

g)   Sur le grief pris de la non-vérification des données communiquées par l’aéroport de Nîmes et de la non-comparaison avec un aéroport bien géré

415 Les requérantes font valoir que la Commission n’a erronément pas vérifié les données de coûts communiquées par l’aéroport de Nîmes et ne les a pas comparées aux données typiques d’un aéroport correctement géré. En l’espèce, les coûts d’exploitation incrémentaux encourus par l’aéroport de Nîmes, tels que rapportés par la Commission dans la décision attaquée, seraient considérablement supérieurs à ceux qu’elle avait établis dans d’autres affaires, de sorte que ce dernier aéroport serait géré de
manière très inefficace. Par conséquent, ces coûts ne correspondraient pas aux coûts du marché qu’un aéroport géré efficacement encourrait, et ne sauraient donc servir de référence pour apprécier si Ryanair avait bénéficié d’un avantage qu’elle n’aurait pas obtenu d’un opérateur en économie de marché.

416 À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, il revient à la Commission d’apprécier si un opérateur en économie de marché rationnel se trouvant dans une situation la plus proche possible de celle de l’entité publique concernée aurait pu être amené à prendre la mesure en question (voir, en ce sens, arrêt du 5 juin 2012, Commission/EDF, C‑124/10 P, EU:C:2012:318, point 84). Dès lors, il y a lieu de prendre en compte la structure des coûts et des recettes réels de l’entité
publique dont le comportement est comparé à celui d’un opérateur en économie de marché.

417 En l’espèce, il s’ensuit que, contrairement à ce que les requérantes prétendent, il n’incombait pas, en l’espèce, à la Commission de vérifier, dans le cadre de l’application du critère de l’opérateur en économie de marché, si les coûts opérationnels incrémentaux et les recettes extra-aéronautiques de l’aéroport de Nîmes correspondaient à ceux qui pourraient être attendus d’un aéroport moyen ou d’un aéroport bien géré et efficace. Partant, la Commission pouvait sans commettre d’erreur retenir les
coûts et les recettes prévisionnels réels de l’aéroport de Nîmes pour apprécier si les requérantes avaient obtenu un avantage économique.

418 Pour des raisons identiques, la Commission n’était pas non plus obligée de tenir compte des coûts constatés dans d’autres aéroports que celui de Nîmes.

419 Par ailleurs, la révision ayant donné lieu aux chiffres réels de coûts et de recettes d’une entreprise publique serait contraire au précepte de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, lequel n’établit pas de distinction selon les causes ou les objectifs des interventions étatiques d’une entité publique, mais définit celles-ci en fonction de ses effets (arrêt du 5 juin 2012, Commission/EDF, C‑124/10 P, EU:C:2012:318, point 77).

420 Par conséquent, la Commission n’a pas commis une erreur manifeste d’appréciation en ne vérifiant pas si les coûts et les recettes fournis par l’aéroport de Nîmes correspondaient à ceux généralement associés à un aéroport bien géré ou efficace.

421 Le quatrième moyen doit donc être écarté comme non fondé.

422 Il convient donc de rejeter le recours dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la demande de mesures d’organisation de la procédure des requérantes en ce qu’elle vise d’autres mesures que celles qui ont déjà été ordonnées.

IV. Sur les dépens

423 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il convient de les condamner à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux de la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

424 Le Conseil supportera ses propres dépens, en application de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure.

  Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre élargie)

déclare et arrête :

  1) Le recours est rejeté.

  2) Ryanair DAC et Airport Marketing Services Ltd sont condamnées à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

  3) Le Conseil de l’Union européenne supportera ses propres dépens.

Berardis

Papasavvas

Spielmann

  Csehi

Spineanu-Matei

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 décembre 2018.

Signatures

[omissis]

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( *1 ) Langue de procédure: l’anglais.

( 1 ) Ne sont reproduits que les points du présent arrêt dont le Tribunal estime la publication utile.


Synthèse
Formation : Sixième chambre élargie
Numéro d'arrêt : T-53/16
Date de la décision : 13/12/2018
Type de recours : Recours en annulation - non fondé

Analyses

Aides d’État – Accords conclus par la chambre de commerce et d’industrie de Nîmes‑Uzès‑Le Vigan avec Ryanair et sa filiale Airport Marketing Services – Services aéroportuaires – Services marketing – Décision déclarant l’aide incompatible avec le marché intérieur et ordonnant sa récupération – Notion d’aide d’État – Imputabilité à l’État – Chambre de commerce et d’industrie – Avantage – Critère de l’investisseur privé – Récupération – Article 41 de la charte des droits fondamentaux – Droit d’accès au dossier – Droit d’être entendu.

Concurrence

Aides accordées par les États


Parties
Demandeurs : Ryanair DAC, anciennement Ryanair Ltd et Airport Marketing Services Ltd
Défendeurs : Commission européenne.

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Spielmann

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:2018:943

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