La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/09/2018 | CJUE | N°T-12/17

CJUE | CJUE, Arrêt du Tribunal, Mellifera eV, Vereinigung für wesensgemäße Bienenhaltung contre Commission européenne., 27/09/2018, T-12/17


ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

27 septembre 2018 ( *1 )

« Protection des consommateurs – Règlement d’exécution (UE) 2016/1056 – Règlement d’exécution portant prolongation de la période d’approbation de la substance active “glyphosate” – Règlement (CE) no 1367/2006 – Demande de réexamen interne – Article 2, paragraphe 1, sous g), et article 10, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006 – Mesure de portée individuelle – Convention d’Aarhus »

Dans l’affaire T‑12/17,

Mellifera eV, Vereinigung

für wesensgemäße Bienenhaltung, établie à Rosenfeld (Allemagne), représentée par Me A. Willand, avocat,

partie requérante,

c...

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

27 septembre 2018 ( *1 )

« Protection des consommateurs – Règlement d’exécution (UE) 2016/1056 – Règlement d’exécution portant prolongation de la période d’approbation de la substance active “glyphosate” – Règlement (CE) no 1367/2006 – Demande de réexamen interne – Article 2, paragraphe 1, sous g), et article 10, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006 – Mesure de portée individuelle – Convention d’Aarhus »

Dans l’affaire T‑12/17,

Mellifera eV, Vereinigung für wesensgemäße Bienenhaltung, établie à Rosenfeld (Allemagne), représentée par Me A. Willand, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. G. Gattinara et C. Hermes, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision Ares(2016) 6306335 de la Commission, du 8 novembre 2016, rejetant la demande de réexamen interne, fondée sur l’article 10 du règlement (CE) no 1367/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 6 septembre 2006, concernant l’application aux institutions et organes de la Communauté européenne des dispositions de la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus
décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (JO 2006, L 264, p. 13), du règlement d’exécution (UE) 2016/1056 de la Commission, du 29 juin 2016, modifiant le règlement d’exécution (UE) no 540/2011 en ce qui concerne la prolongation de la période d’approbation de la substance active « glyphosate » (JO 2016, L 173, p. 52),

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. D. Gratsias, président, A. Dittrich et P. G. Xuereb (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

1 La requérante, Mellifera eV, Vereinigung für wesensgemäße Bienenhaltung, est une association à but non lucratif enregistrée en Allemagne qui œuvre en faveur de la conservation et de la promotion de l’abeille.

Sur l’approbation de la substance active « glyphosate » et la prolongation de la période d’approbation

2 Par la directive 2001/99/CE de la Commission, du 20 novembre 2001, modifiant l’annexe I de la directive 91/414/CEE du Conseil concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques en vue d’y inscrire les substances actives glyphosate et thifensulfuron-méthyle (JO 2001, L 304, p. 14), la substance active « glyphosate » a été inscrite à l’annexe I de la directive 91/414/CEE du Conseil, du 15 juillet 1991, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques (JO 1991,
L 230, p. 1) et a donc été approuvée en vertu de cette dernière directive, avec effet au 1er juillet 2002.

3 La directive 91/414 a été abrogée, avec effet au 14 juin 2011 et sous réserve de certaines mesures transitoires, par le règlement (CE) no 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414 du Conseil (JO 2009, L 309, p. 1).

4 L’article 78, paragraphe 3, du règlement no 1107/2009 prévoyait l’adoption d’un règlement comportant la liste des substances actives inscrites à l’annexe I de la directive 91/414, ces substances étant réputées approuvées en vertu du règlement no 1107/2009.

5 Le règlement d’exécution (UE) no 540/2011 de la Commission, du 25 mai 2011, portant application du règlement no 1107/2009, en ce qui concerne la liste des substances actives approuvées (JO 2011, L 153, p. 1), a adopté la liste prévue par l’article 78, paragraphe 3, du règlement no 1107/2009.

6 Le glyphosate figurait sur cette liste, avec une date d’expiration de la période d’approbation au 31 décembre 2015.

7 Une demande de renouvellement de cette approbation a été présentée dans les délais prescrits.

8 L’article 17 du règlement no 1107/2009, intitulé « Prolongation de la période d’approbation jusqu’au terme de la procédure », dispose ce qui suit au premier alinéa :

« Si, pour des raisons indépendantes de la volonté du demandeur, il apparaît que l’approbation expirera avant l’adoption d’une décision de renouvellement, une décision reportant l’expiration de la période d’approbation pour ce demandeur pendant une période suffisante pour permettre l’examen de la demande est adoptée conformément à la procédure de réglementation visée à l’article 79, paragraphe 3. »

9 Par le règlement d’exécution (UE) 2015/1885 de la Commission, du 20 octobre 2015, modifiant le règlement d’exécution no 540/2011 pour prolonger les périodes d’approbation des substances actives suivantes : […] glyphosate […] (JO 2015, L 276, p. 48), qui a été adopté sur le fondement de l’article 17, premier alinéa, du règlement no 1107/2009, la Commission européenne a prolongé la période d’approbation du glyphosate jusqu’au 30 juin 2016, au motif que l’évaluation de la substance avait été retardée
pour des raisons indépendantes de la volonté du demandeur.

10 Lors des discussions menées les 18 et 19 mai 2016 au sein du comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et des aliments pour animaux, un certain nombre d’États membres ont considéré qu’il était opportun de solliciter l’avis du comité d’évaluation des risques de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) sur la classification harmonisée du glyphosate concernant sa carcinogénicité avant de prendre une décision sur le renouvellement de son approbation, car un tel
avis pouvait être pertinent eu égard aux critères exposés dans le règlement no 1107/2009. La Commission a donné suite à cette suggestion.

11 Compte tenu du temps nécessaire à l’examen du dossier relatif à la classification harmonisée par l’ECHA, la Commission a considéré que l’approbation en vigueur pour le glyphosate allait expirer avant qu’une décision ne puisse être prise sur son renouvellement. Dès lors, elle a jugé nécessaire de prolonger l’approbation du glyphosate.

12 Par le règlement d’exécution (UE) 2016/1056 de la Commission, du 29 juin 2016, modifiant le règlement d’exécution no 540/2011 en ce qui concerne la prolongation de la période d’approbation de la substance active « glyphosate » (JO 2016, L 173, p. 52), la Commission a prolongé une deuxième fois la période d’approbation du glyphosate sur le fondement de l’article 17, premier alinéa, du règlement no 1107/2009, en indiquant sa nouvelle date d’expiration, à savoir « [six] mois à compter de la date de
réception par [elle] de l’avis du comité d’évaluation des risques de l’ECHA, ou le 31 décembre 2017 si cette date est antérieure ».

Sur la demande de réexamen interne

13 Le 11 août 2016, la requérante a introduit auprès de la Commission une demande de réexamen interne du règlement d’exécution 2016/1056, en application de l’article 10, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1367/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 6 septembre 2006, concernant l’application aux institutions et organes de la Communauté européenne des dispositions de la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en
matière d’environnement (JO 2006, L 264, p. 13).

14 Par la décision Ares(2016) 6306335 du 8 novembre 2016 (ci-après la « décision attaquée »), la Commission a rejeté cette demande de réexamen interne comme irrecevable au motif que l’acte visé par ladite demande n’aurait pas constitué un acte administratif au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous g), du règlement no 1367/2006, à savoir une mesure de portée individuelle. À cet égard, la Commission a notamment expliqué que les dispositions du règlement d’exécution 2016/1056 s’appliquaient à tous
les opérateurs fabriquant ou mettant sur le marché des produits phytopharmaceutiques contenant du glyphosate.

Procédure et conclusions des parties

15 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 janvier 2017, la requérante a introduit le présent recours.

16 Le mémoire en défense a été déposé au greffe du Tribunal le 27 mars 2017.

17 La réplique et la duplique ont été déposées au greffe du Tribunal, respectivement, le 10 mai et le 26 juin 2017.

18 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler la décision attaquée ;

– enjoindre à la Commission de prendre une nouvelle décision au fond sur sa demande de procéder à un réexamen interne du règlement d’exécution 2016/1056 ;

– condamner la Commission aux dépens.

19 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours comme non fondé, en ce qui concerne la demande d’annulation, et comme manifestement irrecevable, en ce qui concerne la demande d’injonction ;

– condamner la requérante aux dépens.

20 Le 29 août 2017, la requérante a déposé une demande de traitement prioritaire, en vertu de l’article 67, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal. Par décision du 6 septembre 2017, le président de la cinquième chambre du Tribunal a rejeté la demande de traitement prioritaire.

21 Par lettre du greffe du Tribunal du 19 décembre 2017, le Tribunal a invité les parties à se prononcer sur les conséquences du renouvellement de l’approbation du glyphosate pour une période de cinq ans, par le règlement d’exécution (UE) 2017/2324 de la Commission, du 12 décembre 2017, renouvelant l’approbation de la substance active « glyphosate » conformément au règlement no 1107/2009 et modifiant l’annexe du règlement d’exécution no 540/2011 (JO 2017, L 333, p. 10), sur le présent recours et
notamment sur l’intérêt à agir de la requérante.

22 La requérante et la Commission ont déposé leurs réponses à cette question au greffe du Tribunal le 17 janvier 2018.

En droit

23 En vertu de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure, en l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure, le Tribunal peut décider de statuer sur le recours sans phase orale de la procédure. En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en l’absence d’une telle demande, de statuer sans phase orale de la
procédure.

Sur l’intérêt à agir

24 Il ressort d’une jurisprudence constante qu’un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale n’est recevable que dans la mesure où la partie requérante a un intérêt à voir annuler l’acte attaqué (arrêt du 10 décembre 2010, Ryanair/Commission, T‑494/08 à T‑500/08 et T‑509/08, EU:T:2010:511, point 41 ; ordonnances du 9 novembre 2011, ClientEarth e.a./Commission, T‑120/10, non publiée, EU:T:2011:646, point 46, et du 30 avril 2015, EEB/Commission, T‑250/14, non publiée,
EU:T:2015:274, point 14).

25 L’intérêt à agir de la partie requérante doit, au vu de l’objet du recours, exister au stade de l’introduction de celui-ci sous peine d’irrecevabilité et doit perdurer jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle sous peine de non-lieu à statuer, ce qui suppose que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (arrêt du 10 décembre 2010, Ryanair/Commission, T‑494/08 à T‑500/08 et T‑509/08, EU:T:2010:511, points 42 et 43 ; ordonnances du
9 novembre 2011, ClientEarth e.a./Commission, T‑120/10, non publiée, EU:T:2011:646, points 47 et 49, et du 30 avril 2015, EEB/Commission, T‑250/14, non publiée, EU:T:2015:274, points 15 et 17).

26 La Commission fait valoir, dans sa réponse à la question du Tribunal sur ce point, que l’entrée en vigueur du règlement d’exécution 2017/2324 a privé la requérante d’un intérêt à agir en ce qui concernait sa demande d’annulation de la décision attaquée, sa demande d’injonction étant d’emblée manifestement irrecevable. Selon la Commission, une telle annulation ne pourrait plus procurer de bénéfice à la requérante. Certes, si le Tribunal annulait la décision attaquée, la Commission devrait statuer
à nouveau sur la demande de réexamen interne du règlement d’exécution 2016/1056 présentée par la requérante en respectant l’appréciation juridique du Tribunal. Or, le réexamen interne du contenu du règlement d’exécution 2016/1056 ne pourrait plus procurer de bénéfice à la requérante, étant donné que ce règlement avait pour unique objet de prolonger suffisamment la période d’approbation du glyphosate pour permettre l’examen de la demande de renouvellement de l’approbation. Le règlement d’exécution
2017/2324 ayant entre-temps renouvelé l’approbation du glyphosate pour la période comprise entre le 16 décembre 2017 et le 15 décembre 2022, le réexamen interne du règlement d’exécution 2016/1056 serait devenu sans objet.

27 Dans ses observations en réponse à la question du Tribunal, la requérante soutient que son intérêt à agir n’a pas disparu. À cet égard, elle fait valoir que le réexamen du règlement d’exécution 2016/1056 serait toujours possible. Elle soutient en outre que le fait que l’acte en cause continue d’exister et de produire un effet juridique ne serait pas une condition préalable au réexamen en vertu de l’article 10 du règlement no 1367/2006. Enfin , la requérante invoque le risque que l’illégalité
alléguée dans le présent recours se reproduise à l’avenir.

28 À cet égard, il convient de rappeler qu’il résulte de la jurisprudence qu’une partie requérante conserve un intérêt à demander l’annulation d’un acte d’une institution de l’Union européenne pour permettre d’éviter que l’illégalité dont celui-ci est prétendument entaché ne se reproduise à l’avenir. Un tel intérêt à agir découle de l’article 266, premier alinéa, TFUE, en vertu duquel l’institution dont émane l’acte annulé est tenue de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt de la
Cour. Cet intérêt à agir ne saurait toutefois exister que si l’illégalité alléguée est susceptible de se reproduire à l’avenir indépendamment des circonstances de l’affaire ayant donné lieu au recours formé par la partie requérante (arrêts du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, EU:C:2007:322, points 50 à 52, et du 22 mars 2018, De Capitani/Parlement, T‑540/15, EU:T:2018:167, point 32).

29 Tel est le cas dans la présente affaire, dès lors que l’illégalité alléguée par la requérante repose sur une interprétation de l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006, lu en combinaison avec l’article 2, paragraphe 1, sous g), dudit règlement, que la Commission risque fort de réitérer à l’occasion d’une nouvelle demande de réexamen interne d’un acte administratif au titre du droit de l’environnement.

30 À cet égard, d’une part, il convient de relever que la requérante a indiqué que, conformément à son objet statutaire et à ses objectifs, elle allait introduire à l’avenir des demandes de réexamen interne si la Commission prenait des décisions douteuses concernant l’approbation du glyphosate ou d’autres substances actives. Ainsi, la requérante a annoncé, dans sa réponse à la question du Tribunal sur les conséquences du renouvellement de l’approbation du glyphosate par le règlement d’exécution
2017/2324, qu’elle allait demander un réexamen interne de ce règlement, au plus tard le 26 janvier 2018.

31 D’autre part, il ressort des observations de la Commission que cette dernière considère qu’un règlement portant prorogation de l’approbation d’une substance active au titre de l’article 17, premier alinéa, du règlement no 1107/2009, tout comme un règlement portant approbation initiale d’une telle substance au titre de l’article 13, paragraphe 2, dudit règlement et comme un règlement portant renouvellement de l’approbation au titre de l’article 20 du même règlement, déploie des effets juridiques à
l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite et constitue donc une mesure de portée générale, et non un acte administratif au sens de l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006, lu en combinaison avec l’article 2, paragraphe 1, sous g), dudit règlement. Il s’ensuit qu’il est vraisemblable que la Commission va réitérer cette interprétation à l’occasion d’une demande de réexamen interne visant un règlement portant approbation initiale d’une substance
active ou un règlement portant renouvellement de l’approbation d’une substance active, tel que le règlement d’exécution 2017/2324.

32 Au vu de ce qui précède, il convient de conclure que la requérante a maintenu son intérêt à agir en annulation de la décision attaquée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres arguments invoqués par la requérante à cet égard.

Sur la recevabilité

33 Par son deuxième chef de conclusions, la requérante demande au Tribunal d’ordonner à la Commission de statuer au fond sur sa demande de réexamen interne. Par ce chef de conclusions, la requérante demande donc, en substance, au Tribunal d’adresser une injonction à la Commission. Or, selon une jurisprudence constante, dans le cadre d’un recours en annulation, la compétence du juge de l’Union est limitée au contrôle de la légalité de l’acte attaqué et le Tribunal ne peut, dans l’exercice de ses
compétences, adresser une injonction aux institutions de l’Union. Il incombe en effet à l’institution concernée de prendre, en vertu de l’article 266 TFUE, les mesures que comporte l’exécution d’un arrêt d’annulation (voir, en ce sens, ordonnance du 12 mars 2014, PAN Europe/Commission, T‑192/12, non publiée, EU:T:2014:152, point 15 et jurisprudence citée).

34 Il s’ensuit que le deuxième chef de conclusions est manifestement irrecevable.

35 Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments que la requérante a développés dans la réplique où, tout en reconnaissant que, selon la jurisprudence actuelle des juridictions de l’Union, son deuxième chef de conclusions n’est pas recevable, elle a néanmoins fait valoir que cela aurait pour conséquence que l’exercice effectif de ses droits à un réexamen interne et à une protection juridictionnelle effective risquerait d’être retardé de façon inacceptable et, au final, rendu
impossible. Selon la requérante, il serait donc indiqué, dans l’intérêt d’une application efficace du règlement no 1367/2006 et afin de sauvegarder ses droits, que l’examen au fond de ses griefs contre le règlement d’exécution 2016/1056 devienne l’objet de la présente procédure devant le Tribunal. Or, cet argument ne peut qu’être rejeté. En effet, en donnant au demandeur le droit de saisir la Cour de justice de l’Union européenne, l’article 12 du règlement no 1367/2006 ne vise que la décision que
la Commission a adoptée en réponse à la demande de réexamen interne. Contrairement à ce que la requérante fait valoir, l’arrêt du 15 décembre 2016, TestBioTech e.a./Commission (T‑177/13, non publié, EU:T:2016:736), invoqué par elle à cet égard, confirme que, bien qu’il soit inhérent à une demande de réexamen interne d’un acte administratif que le demandeur conteste la légalité ou le bien-fondé de l’acte visé, cela ne signifie pas que la partie requérante est habilitée à soulever, dans le cadre de
son recours en annulation dirigé contre le refus de réexamen, des arguments contestant directement la légalité ou le bien-fondé de l’acte visé (arrêt du 15 décembre 2016, TestBioTech e.a./Commission, T‑177/13, non publié, EU:T:2016:736, point 56).

36 Dans la réplique, la requérante a relevé qu’elle envisageait de demander au Tribunal d’ordonner des mesures provisoires, correspondant à son deuxième chef de conclusions, sur le fondement de l’article 279 TFUE. À cet égard, il suffit de constater qu’aucune demande en ce sens n’a été soumise au Tribunal.

Sur la demande de mesure d’organisation de la procédure

37 Dans la réplique, la requérante a demandé au Tribunal d’inviter la Commission, dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure prise en vertu de l’article 89, paragraphe 2, sous b), et paragraphe 3, sous b), du règlement de procédure, à prendre une décision au fond sur sa demande de réexamen interne ou, à tout le moins, à se prononcer sur ce point.

38 Cette demande ne peut qu’être rejetée comme irrecevable.

39 En effet, ainsi que la Commission l’a relevé à juste titre, la requérante ne peut, par le biais d’une mesure d’organisation de la procédure, contourner le principe de droit selon lequel les juridictions de l’Union ne peuvent adresser d’injonction aux institutions de l’Union.

Sur le fond

40 À l’appui de son recours, la requérante fait valoir un moyen unique tiré de la violation de l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006, lu en combinaison avec l’article 2, paragraphe 1, sous g), du même règlement, et de la convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, signée à Aarhus le 25 juin 1998 (ci-après la « convention d’Aarhus »).

41 Le moyen unique de la requête comporte, en substance, deux branches, dont la première est tirée de la violation de l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006, lu en combinaison avec l’article 2, paragraphe 1, sous g), du même règlement, et la seconde de la violation de la convention d’Aarhus.

Sur la première branche, tirée de la violation de l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006, lu en combinaison avec l’article 2, paragraphe 1, sous g), du même règlement

42 La requérante fait valoir que le règlement d’exécution 2016/1056 constitue une mesure de portée individuelle au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous g), du règlement no 1367/2006, qui peut donc faire l’objet d’une demande de réexamen interne selon l’article 10, paragraphe 1, dudit règlement.

43 La requérante rappelle à cet égard qu’il est nécessaire de distinguer les mesures de portée individuelle de celles de portée générale, ces dernières étant des mesures qui s’appliquent à des situations déterminées objectivement et qui comportent des effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite.

44 La requérante fait valoir que l’extension de la durée de l’approbation d’une substance active en application de l’article 17 du règlement no 1107/2009 s’inscrit dans le cadre d’une procédure d’approbation au cours de laquelle une décision est prise sur la demande de renouvellement de l’approbation de la substance en cause. Cette extension de la durée de l’approbation produirait un effet juridique à l’égard du demandeur, lequel serait ainsi autorisé à poursuivre la commercialisation de la
substance en cause. Selon la requérante, le fait que le règlement d’exécution 2016/1056 ait été adopté dans le cadre d’une procédure d’approbation visant une demande individuelle plaide, au regard de la jurisprudence, en faveur de la conclusion selon laquelle ledit règlement d’exécution revêt le caractère d’une mesure de portée individuelle.

45 Selon la requérante, ces caractéristiques distinguent l’approbation d’une substance active sur le fondement du règlement no 1107/2009 d’un règlement fixant les limites maximales applicables aux résidus de certains produits sur le fondement du règlement (CE) no 396/2005 du Parlement européen et du Conseil, du 23 février 2005, concernant les limites maximales applicables aux résidus de pesticides présents dans ou sur les denrées alimentaires et les aliments pour animaux d’origine végétale et
animale et modifiant la directive 91/414 (JO 2005, L 70, p. 1). La fixation de telles teneurs maximales s’adresserait à toute personne qui met de tels produits sur le marché ou les transforme. En revanche, l’extension de la durée de l’approbation d’une substance active en vertu de l’article 17 du règlement no 1107/2009 s’adresserait uniquement au demandeur et titulaire actuel de l’approbation.

46 La requérante reconnaît que l’approbation d’une substance active a également des effets favorables pour les fabricants potentiels des produits phytopharmaceutiques concernés et pour d’autres opérateurs. Selon elle, il s’agit là cependant d’une situation typique en matière d’autorisation de mise sur le marché d’un produit qui est accordée à une entreprise, mais qui bénéficie indirectement à d’autres utilisateurs du produit, qui peuvent l’utiliser aux fins pour lesquelles il est autorisé. Le fait
que l’approbation d’un produit, qui s’adresse à un titulaire d’approbation déterminé, bénéficie ultérieurement à un grand nombre d’opérateurs économiques ne changerait cependant rien au fait que l’approbation elle-même constitue une mesure de portée individuelle.

47 La requérante fait également valoir que d’autres effets favorables de l’approbation, notamment en ce qui concerne la mise sur le marché et l’utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant cette substance active, ne résultent pas de l’approbation de la substance active, mais des dispositions régissant la matière, notamment du règlement no 1107/2009.

48 Selon la requérante, l’approbation d’une substance active en vertu du règlement no 1107/2009 serait comparable à l’autorisation de mise sur le marché d’organismes génétiquement modifiés en vertu du règlement (CE) no 1829/2003 du Parlement européen et du Conseil, du 22 septembre 2003, concernant les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés (JO 2003, L 268, p. 1), modifié en dernier lieu par le règlement (CE) no 298/2008 du Parlement européen et du Conseil, du
11 mars 2008 (JO 2008, L 97, p. 64), qui constitue une mesure de portée individuelle au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous g), du règlement no 1367/2006.

49 Dans la réplique, la requérante fait valoir que le règlement d’exécution 2016/1056 constitue uniquement une décision intermédiaire émise au cours de la procédure de renouvellement, qui vise à sauvegarder les droits individuels du demandeur du renouvellement. Selon le texte même de l’article 17, premier alinéa, du règlement no 1107/2009, il s’agirait là d’une décision prise sur un cas individuel, qui serait destinée à produire effet à l’égard du demandeur et serait relative à l’examen de sa
demande de renouvellement.

50 La requérante soutient, en outre, que l’approbation d’une substance active ne constitue pas une réglementation abstraite et générale, étant donné qu’elle n’énonce pas d’exigences auxquelles la substance en cause doit satisfaire, mais autorise cette substance. Il s’agirait, au contraire, d’un acte d’exécution typique, à savoir un cas de l’application à un cas concret des exigences énoncées aux articles 4 et suivants du règlement no 1107/2009.

51 Enfin, la requérante fait valoir que l’approbation de la substance active est une étape préalable et une composante de l’autorisation du produit phytopharmaceutique. Il n’y aurait, en outre, aucune raison de considérer que, alors que l’autorisation d’un produit phytopharmaceutique serait un acte administratif, l’approbation de la substance active contenue dans cette autorisation constituerait, quant à elle, une mesure de portée générale. Ce serait uniquement à cause de la répartition des
compétences, due à des considérations de fond, entre l’Union et les États membres que le législateur de l’Union aurait subdivisé, dans le règlement no 1107/2009, la procédure d’autorisation en plusieurs étapes.

52 La Commission conteste ces arguments.

53 À titre liminaire, il convient de rappeler qu’il ressort de l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006, lu en combinaison avec l’article 2, paragraphe 1, sous g), dudit règlement, que toute organisation non gouvernementale satisfaisant aux critères prévus à l’article 11 de ce même règlement est habilitée à introduire une demande de réexamen interne auprès de l’institution ou de l’organe de l’Union qui a adopté un acte administratif au titre du droit de l’environnement. La Commission ne
conteste pas que la requérante soit une organisation non gouvernementale satisfaisant aux critères prévus à l’article 11 du règlement no 1367/2006. Elle ne conteste pas non plus que le règlement d’exécution 2016/1056, qui était visé par la demande de réexamen interne de la requérante, constitue un acte adopté au titre du droit de l’environnement.

54 En revanche, les deux parties s’opposent sur la question de savoir si le règlement d’exécution 2016/1056 doit être considéré comme un acte administratif au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous g), du règlement no 1367/2006. Aux termes de cette disposition, un acte administratif est une mesure de portée individuelle. Il est donc nécessaire d’examiner si le règlement d’exécution 2016/1056 a une portée individuelle ou s’il s’agit d’une mesure de portée générale.

55 À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, pour déterminer la portée d’un acte, le juge de l’Union ne saurait se contenter de la dénomination officielle de l’acte, mais doit tenir compte tout d’abord de son objet et de son contenu (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 1962, Confédération nationale des producteurs de fruits et légumes e.a./Conseil, 16/62 et 17/62, EU:C:1962:47, p. 901, 918). Une mesure est considérée comme étant de portée générale lorsqu’elle s’applique à
des situations déterminées objectivement et comporte des effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite (arrêts du 21 novembre 1989, Usines coopératives de déshydratation du Vexin e.a./Commission, C‑244/88, EU:C:1989:588, point 13, et du 15 janvier 2002, Libéros/Commission, C‑171/00 P, EU:C:2002:17, point 28).

56 En l’espèce, il convient de rappeler que le règlement d’exécution 2016/1056 a été adopté sur le fondement de l’article 17, premier alinéa, du règlement no 1107/2009. Il ressort de cette disposition que la mesure qu’elle prévoit est prise dans le cadre d’une procédure visant le renouvellement de l’approbation d’une substance active. Selon l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 1107/2009, la demande de renouvellement est introduite par le producteur de la substance active en cause. Il convient
en outre de relever que, aux termes de l’article 17, premier alinéa, du règlement no 1107/2009, une mesure reportant l’expiration de l’approbation « pour ce demandeur » est prise si, pour des raisons indépendantes « de la volonté du demandeur », il apparaît que l’approbation expirera avant l’adoption d’une décision de renouvellement. Il ressort donc du texte même de l’article 17, premier alinéa, du règlement no 1107/2009 que la mesure prévue dans cette disposition vise à protéger les intérêts du
demandeur du renouvellement de l’approbation de la substance active, ce que la Commission a d’ailleurs admis dans la duplique. Le fait qu’une telle mesure soit prise sans qu’il soit nécessaire que le demandeur du renouvellement soumette une demande en ce sens n’affecte pas cette conclusion.

57 Il convient toutefois de préciser que l’objet et le contenu de la mesure prévue à l’article 17, premier alinéa, du règlement no 1107/2009 ne se limitent pas à conférer au demandeur du renouvellement de l’approbation de la substance active une protection contre le risque que la procédure de renouvellement en cause soit retardée pour des raisons indépendantes de la volonté dudit demandeur.

58 En effet, un règlement d’exécution adopté sur le fondement de l’article 17, premier alinéa, du règlement no 1107/2009 proroge l’approbation de la substance active en cause pour une certaine période. Cette mesure a donc les mêmes conséquences qu’un règlement d’exécution portant approbation initiale d’une telle substance au titre de l’article 13, paragraphe 2, dudit règlement ou qu’un règlement portant renouvellement de l’approbation au titre de l’article 20 de ce règlement.

59 À cet égard, il convient de rappeler que le règlement no 1107/2009 distingue, d’une part, les procédures d’approbation et de renouvellement de l’approbation d’une substance active, qui font l’objet des dispositions figurant en son chapitre II (articles 4 à 27) et, d’autre part, la procédure d’autorisation de produits phytopharmaceutiques contenant une substance active, qui est réglée par les dispositions figurant en son chapitre III (articles 28 à 57). Il ressort de l’article 28, paragraphe 1, du
règlement no 1107/2009 que, en principe, un produit phytopharmaceutique ne peut être mis sur le marché ou utilisé que s’il a été autorisé dans l’État membre concerné conformément au règlement no 1107/2009. Il ressort en outre de l’article 29, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1107/2009 qu’un produit phytopharmaceutique ne peut être autorisé que si la substance active qu’il contient a été approuvée.

60 Par conséquent, l’approbation d’une substance active sur le fondement du règlement no 1107/2009 ne produit pas seulement des effets juridiques à l’égard de la personne qui a demandé cette approbation, mais également à l’égard de tout opérateur dont les activités requièrent cette approbation, en particulier des producteurs de produits phytopharmaceutiques qui contiennent cette substance et de toute autorité publique compétente, notamment les autorités publiques des États membres qui ont la charge
de l’autorisation de ces produits, ce que la requérante a d’ailleurs reconnu dans la réplique.

61 Ainsi, d’une part, en ce qui concerne les producteurs de produits phytopharmaceutiques, ceux-ci peuvent demander, à la suite de l’approbation de la substance active, auprès des autorités nationales compétentes l’autorisation d’un produit phytopharmaceutique contenant ladite substance active, sans qu’il soit nécessaire qu’ils aient pris part à la procédure d’approbation de cette substance active.

62 D’autre part, en ce qui concerne les autorités compétentes des États membres, le Tribunal a déjà constaté que l’approbation d’une substance active a pour conséquence juridique de leur donner la possibilité, sous réserve d’une série de conditions supplémentaires énoncées à l’article 29 du règlement no 1107/2009, d’autoriser la mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques contenant ladite substance active, si une demande en ce sens est présentée (ordonnance du 28 septembre 2016, PAN Europe
e.a./Commission, T‑600/15, EU:T:2016:601, point 25).

63 Dès lors, il y a lieu de conclure que le règlement d’exécution 2016/1056 a une portée générale, en ce qu’il s’applique à des situations déterminées objectivement et produit des effets juridiques à l’égard d’une catégorie de personnes envisagées de manière générale et abstraite [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 25 octobre 2011, Microban International et Microban (Europe)/Commission, T‑262/10, EU:T:2011:623, point 23].

64 Certes, un règlement d’exécution portant approbation, prolongation de la période d’approbation ou renouvellement d’approbation d’une substance active sur le fondement du règlement no 1107/2009 n’énonce pas les exigences auxquelles l’utilisation de cette substance devrait satisfaire et se distingue donc d’un règlement fixant les limites maximales applicables aux résidus de certains produits sur le fondement du règlement no 396/2005, comme la requérante l’a observé à juste titre. Toutefois, cette
différence n’a pas d’impact sur le caractère de portée générale du règlement d’exécution 2016/1056.

65 Il s’ensuit qu’un règlement d’exécution portant prorogation de l’approbation d’une substance active au titre de l’article 17 du règlement no 1107/2009, tel le règlement d’exécution 2016/1056 en cause dans la présente affaire, doit être considéré comme une mesure de portée générale et, par conséquent, ne constitue pas un acte administratif au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous g), et de l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006.

66 Cette conclusion n’est pas remise en cause par les autres arguments de la requérante.

67 Premièrement, ainsi que cela a été rappelé au point 55 ci-dessus, pour déterminer la portée d’un acte, il ne suffit pas de se contenter de sa dénomination officielle, mais il convient, en priorité, de tenir compte de son objet et de son contenu. Par conséquent, le fait que l’article 17, premier alinéa, du règlement no 1107/2009 fait référence à une « décision » reportant l’expiration de la période d’approbation ne permet nullement de remettre en cause le fait que l’acte ainsi désigné constitue,
au regard de son objet et de son contenu, un acte de portée générale et non un acte de portée individuelle.

68 Au demeurant, il ressort clairement du libellé de l’article 17, premier alinéa, du règlement no 1107/2009 et de son contexte que le terme « décision » y est utilisé dans le sens large d’acte produisant des effets juridiques, incluant des actes tels que le règlement d’exécution 2016/1056.

69 Deuxièmement, contrairement à ce que la requérante fait valoir, la mesure prise pour prolonger la période d’approbation d’une substance active, en vertu de l’article 17, premier alinéa, du règlement no 1107/2009, ne s’adresse pas uniquement au demandeur et titulaire actuel de l’approbation. En effet, le règlement d’exécution 2016/1056 n’indique pas de destinataire, mais se limite à prévoir, à son article 2, qu’il est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout État
membre, ce que la requérante a reconnu dans la réplique. L’argument de la requérante selon lequel l’approbation d’une substance active n’a pas besoin de destinataire parce qu’aucune autorisation de mise sur le marché n’est nécessaire en ce qui concerne les substances actives n’est pas de nature à remettre en cause le fait que cette approbation ne s’adresse pas à un ou à plusieurs destinataires visés individuellement, mais à des catégories de destinataires envisagées de manière générale et
abstraite, telles que notamment les producteurs de produits phytopharmaceutiques contenant cette substance et les autorités nationales compétentes.

70 Troisièmement, étant donné que le règlement no 1107/2009 distingue clairement, d’une part, les procédures d’approbation, de prolongation de la période d’approbation et de renouvellement de l’approbation d’une substance active et, d’autre part, la procédure d’autorisation de produits phytopharmaceutiques contenant une telle substance active (voir point 59 ci-dessus), l’approbation de la substance active ne peut pas, contrairement à ce que la requérante fait valoir, être considérée comme une
composante de l’autorisation du produit phytopharmaceutique.

71 Quatrièmement, même si la distinction, par le règlement no 1107/2009, entre les procédures visées au point 70 ci-dessus était seulement, comme la requérante le prétend, le résultat de la répartition des compétences, due à des considérations de fond, entre l’Union et les États membres, il n’en resterait pas moins que les mesures portant approbation, prolongation d’approbation ou renouvellement d’approbation de substances actives, adoptées sur le fondement du règlement no 1107/2009, auraient une
portée générale.

72 Cinquièmement, contrairement à ce que fait valoir la requérante, il ne s’agit pas en l’espèce d’une situation typique en matière d’autorisation de mise sur le marché d’un produit accordée à une entreprise, qui bénéficie indirectement à d’autres utilisateurs du produit, qui peuvent utiliser celui-ci aux fins pour lesquelles il a été autorisé. En effet, comme cela a déjà été expliqué au point 59 ci-dessus, l’approbation d’une substance active ne signifie pas qu’un produit phytopharmaceutique
contenant cette substance puisse, de ce seul fait, être mis sur le marché.

73 Sixièmement, les effets de l’approbation d’une substance active sur le fondement du règlement no 1107/2009 ne sont pas comparables à ceux d’une autorisation de mise sur le marché d’organismes génétiquement modifiés en vertu du règlement no 1829/2003. En effet, une telle autorisation permet, conformément à l’article 4, paragraphe 2, et à l’article 16, paragraphe 2, du règlement no 1829/2003, de mettre le produit en cause sur le marché, tandis que l’approbation d’une substance active sur le
fondement du règlement no 1107/2009 n’emporte pas autorisation des produits phytopharmaceutiques contenant cette substance, laquelle autorisation fait l’objet d’une procédure distincte.

74 Septièmement, l’argument de la requérante selon lequel les effets de l’approbation d’une substance active à l’égard des personnes autres que le demandeur de l’approbation en question résulteraient des dispositions du règlement no 1107/2009 et non de l’approbation de la substance active en tant que telle repose sur une interprétation erronée du contenu de cette approbation. En effet, c’est l’approbation d’une substance active, ou la prolongation de l’approbation ou le renouvellement d’une telle
approbation, qui déploie ses effets, notamment, à l’égard des producteurs de produits phytopharmaceutiques et des États membres. Le fait que ces effets soient prévus par le règlement no 1107/2009 n’affecte pas cette conclusion.

75 Huitièmement, le seul fait qu’une mesure adoptée sur le fondement de l’article 17, premier alinéa, du règlement no 1107/2009 s’insère dans la procédure de renouvellement de l’approbation d’une substance active, qui est marquée par la participation du demandeur du renouvellement, ne signifie pas qu’elle devrait être considérée comme une mesure de portée individuelle.

76 Enfin, contrairement à ce que la requérante fait valoir à cet égard, le fait que l’approbation d’une substance active peut, selon l’article 6 du règlement no 1107/2009, être subordonnée à des conditions et à des restrictions ne démontre pas qu’il s’agit d’une mesure de portée individuelle, au regard des effets juridiques déployés par cette approbation à l’égard des personnes autres que le demandeur. L’article 4, paragraphe 5, du règlement no 1107/2009, que la requérante invoque également dans ce
contexte, se limite à prévoir que les exigences prévues aux paragraphes 1, 2 et 3 dudit article et auxquelles une substance active doit répondre afin d’être approuvée sont réputées respectées s’il a été établi que tel est le cas pour une ou plusieurs utilisations représentatives d’au moins un produit phytopharmaceutique contenant cette substance. Cette disposition est donc sans pertinence pour ce qui est de la question de savoir si une mesure portant approbation d’une substance active est de
portée générale ou individuelle.

77 Au vu de ce qui précède, la première branche du moyen unique doit être rejetée.

Sur la seconde branche, tirée de la violation de la convention d’Aarhus

78 À cet égard, la requérante soutient qu’une acception large des actes susceptibles de faire l’objet d’un réexamen en vertu de l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006 s’impose également au regard du droit international public. La convention d’Aarhus, qui lie l’Union directement, ne prévoirait pas que seules les décisions de portée individuelle seraient concernées. En effet, il ressortirait de l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus que, sans préjudice des procédures de
recours visées aux paragraphes 1 et 2 de cet article, chaque partie contractante veille à ce que les membres du public qui répondent aux critères éventuels, prévus par son droit interne, puissent engager des procédures administratives ou judiciaires pour contester les actes ou les omissions des particuliers ou des autorités publiques allant à l’encontre des dispositions du droit national de l’environnement. Or, le règlement no 1367/2006 aurait justement pour objet de mettre en œuvre la convention
d’Aarhus. La procédure de réexamen interne devrait dès lors s’appliquer à toutes les mesures au sens de la convention d’Aarhus. L’approche divergente des juridictions de l’Union ne saurait être maintenue au regard du projet de conclusions et de recommandations du comité d’examen du respect des dispositions de la convention d’Aarhus concernant le respect de celle-ci par l’Union, arrêté lors de la 53e réunion de ce comité entre le 21 et le 24 juin 2016 (ci-après les « recommandations du comité
d’examen du respect de la convention d’Aarhus »).

79 En tout état de cause, selon la requérante, l’absence d’effet direct de l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus ne changerait rien au fait que l’article 10, paragraphe 1, et l’article 2, paragraphe 1, sous g), du règlement no 1367/2006 doivent recevoir une interprétation conforme à l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus. Dès lors, l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006 ne pourrait pas être interprété d’une manière si stricte, s’agissant de
l’interprétation de la notion de « mesure de portée individuelle », que celle-ci s’opposerait à ce que puissent être contestés des actes relevant du droit de l’environnement, comme les mesures portant prolongation de la période d’approbation d’une substance active, adoptées sur le fondement de l’article 17 du règlement no 1107/2009.

80 La Commission conteste ces arguments.

81 Il ressort, en substance, des arguments de la requérante que cette dernière souhaite faire valoir qu’une demande de réexamen interne, au sens de l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006, devrait également être possible, au vu de l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus, lorsque l’acte en cause ne constitue pas une mesure de portée individuelle mais un acte de portée générale.

82 Il convient de rappeler que, selon l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus, chaque partie contractante veille à ce que les membres du public qui répondent aux critères éventuels, prévus par son droit interne, puissent engager des procédures administratives ou judiciaires pour contester les actes ou les omissions des particuliers ou des autorités publiques allant à l’encontre des dispositions du droit national de l’environnement.

83 Il convient de rappeler également que, selon le considérant 4 du règlement no 1367/2006, ce dernier a été adopté en vue de l’application des exigences de la convention d’Aarhus aux institutions et organes de l’Union. En particulier, il résulte des considérants 18 et 19 du même règlement que l’introduction d’une procédure de réexamen interne vise à permettre une mise en œuvre efficace de l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus. Par ailleurs, ainsi que cela a déjà été relevé, aux
termes de l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006, lu en combinaison avec l’article 2, paragraphe 1, sous g), du même règlement, les organisations non gouvernementales ne peuvent introduire une demande visant à un tel réexamen qu’en ce qui concerne des actes de portée individuelle.

84 Or, l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus ne précise pas que la possibilité qu’elle prévoit d’engager des procédures administratives ne vise que les cas où les actes en cause sont de portée individuelle.

85 Toutefois, il ressort de la jurisprudence que l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus n’est pas directement applicable dans l’ordre juridique de l’Union et ne peut pas non plus être invoqué comme critère de légalité des actes de l’Union. Il ressort en outre de cette jurisprudence qu’il découle de l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus que les parties contractantes à celle-ci disposent d’une large marge d’appréciation quant à la définition des modalités de mise en œuvre
des « procédures administratives ou judiciaires » visées par cette disposition (arrêt du 13 janvier 2015, Conseil et Commission/Stichting Natuur en Milieu et Pesticide Action Network Europe, C‑404/12 P et C‑405/12 P, EU:C:2015:5, points 47 à 53).

86 L’argument de la requérante selon lequel cette jurisprudence ne saurait être maintenue au regard des recommandations du comité d’examen du respect de la convention d’Aarhus ne peut qu’être rejeté. En tout état de cause, à supposer que ces recommandations soient contraignantes à l’égard des parties contractantes à la convention d’Aarhus, il s’agit là, ainsi que la Commission l’a observé à juste titre, d’un simple projet qui, comme la requérante l’a reconnu dans la réplique, n’a été adopté par
ledit comité que le 17 mars 2017, c’est-à-dire après la date d’adoption de la décision attaquée. Il n’est donc pas nécessaire de répondre à la question de savoir si, comme la Commission le fait valoir, en faisant référence au guide d’application de la convention d’Aarhus, les recommandations du comité d’examen du respect de la convention d’Aarhus devaient être adoptées par la réunion des parties, prévue à l’article 10 de la convention d’Aarhus, ou si cela n’était pas nécessaire, comme la
requérante le fait valoir.

87 Pour ce qui est de l’argument de la requérante selon lequel il serait nécessaire de procéder à une interprétation conforme au droit international de l’article 10, paragraphe 1, et de l’article 2, paragraphe 1, sous g), du règlement no 1367/2006, ce qui devrait avoir pour conséquence que des actes tels que les mesures portant prolongation de la période d’approbation d’une substance active, adoptées sur le fondement de l’article 17 du règlement no 1107/2009, devraient être considérés comme relevant
de ces dispositions, il convient de rappeler qu’une interprétation conforme au droit international d’une disposition du droit dérivé de l’Union n’est possible que si ladite disposition permet une telle interprétation et ne peut servir de fondement à une interprétation contra legem de cette disposition. Or, étant donné que, en vertu de l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006, seuls les « acte[s] administratif[s] », qui sont définis à l’article 2, paragraphe 1, sous g), de ce même
règlement comme étant des « mesure[s] de portée individuelle », peuvent faire l’objet d’une demande de réexamen interne, il n’est pas possible d’interpréter ces dispositions dans le sens que les actes administratifs visés par ces dispositions engloberaient les actes de portée générale, étant donné qu’une telle interprétation serait contra legem (voir, en ce sens, ordonnance du 17 juillet 2015, EEB/Commission, T‑565/14, non publiée, EU:T:2015:559, points 31 à 33).

88 Au vu de ce qui précède, la seconde branche du moyen unique et, par conséquent, le recours dans son intégralité doivent être rejetés.

Sur les dépens

89 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

  Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

  1) Le recours est rejeté.

  2) Mellifera eV, Vereinigung für wesensgemäße Bienenhaltung est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission européenne.

Gratsias

Dittrich

  Xuereb

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 27 septembre 2018.

Signatures

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : T-12/17
Date de la décision : 27/09/2018
Type de recours : Recours en annulation - irrecevable, Recours en annulation - non fondé

Analyses

Protection des consommateurs – Règlement d’exécution (UE) 2016/1056 – Règlement d’exécution portant prolongation de la période d’approbation de la substance active “glyphosate” – Règlement (CE) no 1367/2006 – Demande de réexamen interne – Article 2, paragraphe 1, sous g), et article 10, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006 – Mesure de portée individuelle – Convention d’Aarhus.

Environnement


Parties
Demandeurs : Mellifera eV, Vereinigung für wesensgemäße Bienenhaltung
Défendeurs : Commission européenne.

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Xuereb

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:2018:616

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award