ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)
3 mai 2018 ( *1 )
« Accès aux documents – Règlement (CE) no 1049/2001 – Documents détenus par la Commission – Documents émanant d’un État membre – Documents échangés dans le cadre du régime de contrôle afin d’assurer le respect des règles de la politique commune de la pêche – Article 113 du règlement (CE) no 1224/2009 – Accès du public à la suite d’une demande formée par une organisation non gouvernementale – Recours en annulation – Recevabilité – Obligation de motivation – Coopération loyale – Choix de la base
juridique »
Dans l’affaire T‑653/16,
République de Malte, représentée par Mme A. Buhagiar, en qualité d’agent,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée par M. J. Baquero Cruz et Mme F. Clotuche-Duvieusart, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision du secrétaire général de la Commission du 13 juillet 2016 statuant sur une demande confirmative de Greenpeace d’accès à des documents relatifs à une expédition prétendument irrégulière de thon rouge vivant, de la Tunisie vers une ferme d’élevage de thons située à Malte, en tant qu’elle accorde à Greenpeace l’accès aux documents émanant des autorités maltaises,
LE TRIBUNAL (neuvième chambre),
composé de M. S. Gervasoni, président, Mme K. Kowalik‑Bańczyk (rapporteur) et M. C. Mac Eochaidh, juges,
greffier : M. E. Coulon,
rend le présent
Arrêt
I. Antécédents du litige
1 En mars 2010, l’organisation environnementale Greenpeace a envoyé à la Commission européenne des informations relatives à une expédition prétendument irrégulière de thon rouge vivant, de la Tunisie vers une ferme d’élevage de thons située à Malte.
2 Sur la base de ces informations, la Commission, par la décision C(2010) 7791 final, du 12 novembre 2010, a informé la République de Malte d’irrégularités identifiées dans le domaine des contrôles des activités liées au thon rouge et lui a demandé d’ouvrir une enquête administrative au titre de l’article 102, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1224/2009 du Conseil, du 20 novembre 2009, instituant un régime communautaire de contrôle afin d’assurer le respect des règles de la politique commune de la
pêche, modifiant les règlements (CE) no 847/96, (CE) no 2371/2002, (CE) no 811/2004, (CE) no 768/2005, (CE) no 2115/2005, (CE) no 2166/2005, (CE) no 388/2006, (CE) no 509/2007, (CE) no 676/2007, (CE) no 1098/2007, (CE) no 1300/2008, (CE) no 1342/2008 et abrogeant les règlements (CEE) no 2847/93, (CE) no 1627/94 et (CE) no 1966/2006 (JO 2009, L 343, p. 1).
3 À l’issue de l’enquête administrative diligentée par la République de Malte (ci-après l’« enquête administrative »), la Commission a établi avec cet État membre, par la décision C(2011) 6257 final, du 12 septembre 2011, et sur le fondement de l’article 102, paragraphe 4, du règlement no 1224/2009, un plan d’action visant à combler les lacunes du système maltais de contrôle de la pêche (ci-après le « plan d’action »). Selon la Commission, la République de Malte a mis en œuvre de façon satisfaisante
ce plan d’action dès février 2013.
4 Entre-temps, par courrier du 14 avril 2010, Greenpeace a demandé à la Commission, sur le fondement du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43), de lui donner accès aux documents relatifs à l’expédition de thon rouge mentionnée au point 1 ci-dessus, y compris les documents échangés à ce sujet entre la République de Malte et la Commission
(ci-après la « demande du 14 avril 2010 »). Cet accès lui a été refusé en dernier lieu par la Commission dans une décision confirmative du 3 mars 2011. Greenpeace a alors saisi le Médiateur européen d’une plainte déposée le 23 mai 2012.
5 Par courrier du 19 avril 2012, Greenpeace a demandé à la Commission de lui donner accès à différents documents postérieurs à l’introduction de sa demande du 14 avril 2010 et, en particulier, aux correspondances entre la République de Malte et la Commission rédigées ou reçues par cette dernière après le 3 mars 2011 (ci-après la « demande du 19 avril 2012 »). La Commission a refusé en dernier lieu à Greenpeace l’accès à ces documents dans une décision confirmative du 25 septembre 2012. Greenpeace a
alors saisi le Médiateur d’une nouvelle plainte déposée le 26 avril 2013.
6 Par recommandation du 29 juin 2015, le Médiateur a conclu que la Commission n’avait pas suffisamment justifié son refus d’accorder l’accès aux documents visés par les demandes du 14 avril 2010 et du 19 avril 2012 et a invité la Commission à donner accès aux documents en cause ou à fournir des raisons valables de refus.
7 Par courrier du 29 juillet 2015 (ci-après la « demande initiale »), Greenpeace a réitéré ses demandes du 14 avril 2010 et du 19 avril 2012 en se référant aux recommandations du Médiateur et en sollicitant à nouveau l’accès à l’ensemble des documents visés par ces deux demandes ainsi que par les deux plaintes instruites par le Médiateur, à savoir ce qui suit :
« – tout document écrit relatif au transfert de thon rouge […] de la Tunisie vers Malte, ainsi qu’à sa mise en cage et/ou abattage ultérieurs à Malte les 20, 21 et 22 mars [2010], y compris, par exemple, les copies des déclarations de capture et de transfert, les rapports d’observateurs, etc. ;
– tout contenu vidéo documentant le transport, la mise en cage et, le cas échéant, l’abattage de ce thon […] ;
– toute communication écrite concernant les matières précitées entre la Commission et [le gouvernement] maltais […] ;
– la décision C(2010) 7791 [final] de la Commission[,] du 12 novembre 2010 […], y compris toutes ses annexes ;
– le rapport établi par les autorités maltaises en réponse à cette demande [conformément à] l’article 102, paragraphe 3, du règlement [no 1224/2009] ;
– tout document relatif à l’évaluation, par la Commission, du rapport mentionné au [tiret] précédent ;
– le plan d’action […], et
– toute correspondance entre [la République de] Malte et la Commission [relative aux] irrégularités identifiées dans le domaine des contrôles des activités liées au thon rouge à Malte rédigée ou reçue après le 3 mars 2011 ».
8 Par courrier électronique du 28 septembre 2015, la Commission a porté à la connaissance de la République de Malte la demande initiale et l’a consultée afin qu’elle lui fît savoir, dans un délai de cinq jours ouvrables, si elle s’opposait à la divulgation des documents émanant d’elle et identifiés par la Commission à ce stade.
9 Le 30 septembre 2015, la République de Malte a demandé une prorogation de son délai de réponse.
10 Le 5 novembre 2015, la Commission a prorogé de quinze jours ouvrables le délai de réponse imparti à la République de Malte. À cette occasion, la Commission l’a informée qu’elle avait décidé, d’une part, de donner à Greenpeace accès aux documents émanant de la Commission et, d’autre part, de poursuivre la consultation en cours avec la République de Malte à propos des documents émanant des autorités maltaises.
11 Par courrier du 30 novembre 2015, la République de Malte a communiqué ses observations à la Commission, en exposant les raisons pour lesquelles elle considérait que les documents émanant tant d’elle-même que de la Commission ne pouvaient pas être divulgués.
12 Le 23 décembre 2015, le directeur général de la direction générale (DG) « Affaires maritimes et pêche » de la Commission a refusé à Greenpeace l’accès aux documents émanant de la République de Malte et identifiés à ce stade, au motif que cette dernière s’était opposée à la divulgation de tous les documents émanant d’elle (ci-après la « décision initiale »).
13 Le 20 janvier 2016, Greenpeace a introduit une demande confirmative (ci-après la « demande confirmative »).
14 Par lettre du 13 avril 2016, la Commission a informé la République de Malte de l’introduction de la demande confirmative. Dans cette même lettre, la Commission a précisé que, à la suite d’un réexamen du champ de la demande initiale, elle avait identifié d’autres documents émanant tant de ses services que des autorités maltaises et relevant de cette demande. En conséquence, toujours dans ladite lettre, la Commission a consulté la République de Malte afin qu’elle lui fît savoir, dans un délai de
cinq jours ouvrables, si elle s’opposait toujours à la divulgation totale ou partielle des documents émanant d’elle, y compris les documents nouvellement identifiés.
15 Le 18 avril 2016, la République de Malte a demandé une prorogation de son délai de réponse.
16 Le 27 avril 2016, la Commission a prorogé de dix jours ouvrables le délai de réponse imparti à la République de Malte.
17 Le 3 mai 2016, la République de Malte a informé la Commission qu’elle s’opposait à la divulgation de l’ensemble des documents émanant des autorités maltaises, y compris ceux identifiés au stade de l’examen de la demande confirmative.
18 Le 19 mai 2016, la Commission a invité la République de Malte à préciser, dans un délai de dix jours ouvrables, les motifs et l’étendue de son opposition à la communication des documents en cause.
19 Le 27 mai 2016, la République de Malte a répondu en maintenant intégralement la position qu’elle avait exprimée, selon elle de façon suffisamment précise, dans son courrier du 3 mai 2016.
20 Le 13 juillet 2016, le secrétaire général de la Commission a adopté une décision statuant sur la demande confirmative de Greenpeace (ci-après la « décision attaquée »). Par lettre du même jour, la Commission a informé la République de Malte de l’adoption de la décision attaquée.
21 Par la décision attaquée, la Commission a, en particulier, accordé à Greenpeace l’accès, sous une forme expurgée des données à caractère personnel, à divers documents émanant tant de ses services que des autorités maltaises. S’agissant des documents émanant de la Commission, les documents dont la divulgation a été décidée correspondaient soit à des documents identifiés au stade de l’examen de la demande initiale, mais par erreur non transmis à Greenpeace par la suite (documents énumérés à
l’annexe F de la décision attaquée), soit à des documents identifiés seulement au stade de l’examen de la demande confirmative (documents énumérés à l’annexe D de la décision attaquée). S’agissant des documents émanant de la République de Malte, les documents dont la divulgation a été décidée comprenaient tant les documents identifiés au stade de l’examen de la demande initiale (documents énumérés à l’annexe B de la décision attaquée sous les numéros 112 à 230, ci-après les « documents nos 112
à 230 ») que les documents identifiés au stade de l’examen de la demande confirmative (documents énumérés à l’annexe B de la décision attaquée sous les numéros 1 à 111 et 231 à 240, ci-après les « documents nos 1 à 111 et 231 à 240 »).
II. Procédure et conclusions des parties
22 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 septembre 2016, la République de Malte a introduit le présent recours.
23 Par actes séparés, déposés au greffe du Tribunal le même jour, la République de Malte a introduit, d’une part, une demande en référé afin d’obtenir le sursis à l’exécution de la décision attaquée et, d’autre part, une demande de traitement confidentiel à l’égard du public de certaines données figurant dans la requête et dans la demande en référé ainsi que dans leurs annexes.
24 La Commission a déposé le mémoire en défense le 12 décembre 2016.
25 La requérante a déposé la réplique le 30 mars 2017 et la Commission la duplique le 19 mai 2017.
26 Par ordonnance du 25 août 2017, Malte/Commission (T‑653/16 R, non publiée, EU:T:2017:583), le président du Tribunal a fait droit à la demande en référé et a réservé les dépens.
27 La République de Malte conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée, en tant que cette décision accorde l’accès aux documents émanant des autorités maltaises ;
– condamner la Commission aux dépens.
28 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la République de Malte aux dépens.
III. En droit
29 Au soutien de son recours, la République de Malte invoque, dans la requête, quatre moyens, tirés, respectivement, le premier, du dépassement des délais procéduraux prévus par le règlement no 1049/2001 et de la violation de l’obligation de coopération loyale, le deuxième, de la méconnaissance de la portée de la demande initiale et de son traitement erroné en tant que nouvelle demande d’accès aux documents, le troisième, de l’extension irrégulière du champ de la demande d’accès aux documents au
stade de l’examen de la demande confirmative et de la violation du principe de bonne administration et, le quatrième, de la violation de l’article 113 du règlement no 1224/2009. En outre, la République de Malte soulève, dans la réplique, un cinquième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation.
A. Sur la recevabilité
30 La Commission soutient que les conclusions de la République de Malte et, en tout état de cause, l’ensemble des moyens invoqués par celle-ci au soutien de ces conclusions sont irrecevables.
1. Sur la recevabilité des conclusions de la République de Malte et des quatre premiers moyens invoqués au soutien de ces conclusions
31 À titre principal, la Commission fait valoir que le recours de la République de Malte est irrecevable, dans la mesure où il tend à l’annulation d’une « décision confirmative au sens large », et non d’une « décision distincte » de la Commission accordant l’accès aux documents émanant des autorités maltaises en dépit de l’opposition formulée par ces dernières au titre de l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 1049/2001. À titre subsidiaire, la Commission soutient que les quatre premiers moyens
soulevés par la République de Malte au soutien de son recours sont irrecevables, dans la mesure où ces moyens « ne sont pas […] fondés sur les exceptions matérielles [à l’accès du public aux documents] prévues à l’article 4, paragraphes 1 à 3, du règlement […] no 1049/2001 ».
32 La République de Malte conteste cette fin de non-recevoir.
33 Il convient de rappeler que l’Union européenne est une union de droit dans laquelle tout acte des institutions de ladite union est soumis à un contrôle de conformité avec, notamment, les traités et les principes généraux du droit (voir arrêt du 6 octobre 2015, Schrems, C‑362/14, EU:C:2015:650, point 60 et jurisprudence citée). En effet, les traités ont mis en place un système complet de voies de recours et de procédures destiné à confier à la Cour de justice de l’Union européenne le contrôle de
la légalité des actes des institutions (arrêt du 23 avril 1986, Les Verts/Parlement, 294/83, EU:C:1986:166, point 23).
34 Ce principe trouve en particulier son expression à l’article 263 TFUE, en vertu duquel la Cour de justice de l’Union européenne contrôle la légalité des actes de la Commission, autres que les recommandations et les avis, et est compétente, à cet effet, pour se prononcer sur les recours pour incompétence, violation des formes substantielles, violation des traités ou de toute règle de droit relative à leur application ou détournement de pouvoir.
35 Il s’ensuit que les États membres peuvent contester, par la voie du recours en annulation, tout acte décisoire de la Commission, de nature réglementaire ou individuelle, et invoquer à cette occasion à l’appui de leurs conclusions tout moyen tiré, notamment, de la violation des formes substantielles ou de la violation des règles de droit prises pour l’application des traités (voir, en ce sens, arrêt du 20 mars 1985, Italie/Commission, 41/83, EU:C:1985:120, point 30).
36 En premier lieu, il en résulte qu’un État membre est recevable à contester, par la voie du recours en annulation, une décision de la Commission adoptée sur le fondement du règlement no 1049/2001 et autorisant une personne physique ou morale à accéder à des documents détenus par cette dernière et émanant de cet État membre, sans qu’il y ait lieu d’identifier une décision distincte de la Commission, qui serait seule attaquable, de ne pas donner suite à l’opposition dudit État membre à la
divulgation des documents concernés.
37 En second lieu, un État membre est recevable à invoquer, à l’appui de son recours dirigé contre une décision de la Commission autorisant un tiers à accéder à des documents, tout moyen se rattachant à l’un des quatre cas d’ouverture du recours en annulation prévus par l’article 263 TFUE et, en particulier, tout moyen tiré de la violation d’une règle procédurale ou matérielle jugée par lui pertinente, sans préjudice du caractère opérant ou non de ce moyen. Ainsi, s’agissant de la recevabilité d’un
moyen invoqué à l’encontre d’une telle décision, il n’y a pas lieu de distinguer selon que la règle dont la méconnaissance est alléguée est prévue par le règlement no 1049/2001 ou par un autre instrument juridique.
38 Ces considérations ne sauraient être remises en cause par l’argumentation de la Commission tirée, en substance, de ce que l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 1049/2001 aurait encadré et limité le droit des États membres à s’opposer à la divulgation des documents qu’ils auraient transmis à une institution.
39 À cet égard, il convient de rappeler que l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 1049/2001 énonce qu’« un État membre peut demander à une institution de ne pas divulguer un document émanant de cet État sans l’accord préalable de celui-ci ».
40 Il est certes exact que l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 1049/2001 a été interprété comme n’autorisant l’État membre concerné à s’opposer à la divulgation des documents qui émanent de lui que sur le fondement des exceptions matérielles prévues à l’article 4, paragraphes 1 à 3, du même règlement et en motivant dûment sa position à cet égard (arrêts du 18 décembre 2007, Suède/Commission, C‑64/05 P, EU:C:2007:802, point 99, et du 21 juin 2012, IFAW Internationaler
Tierschutz-Fonds/Commission, C‑135/11 P, EU:C:2012:376, point 59).
41 Toutefois, cet encadrement du pouvoir de participation à la décision de l’Union conféré à l’État membre concerné par l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 1049/2001 ne saurait interdire à cet État membre de solliciter l’annulation de la décision de la Commission accordant l’accès aux documents en cause et d’invoquer à cet effet d’autres illégalités que celles tirées de la violation de l’article 4 du règlement no 1049/2001. En effet, l’interprétation contraire proposée par la Commission
reviendrait à permettre au législateur de l’Union de restreindre la portée du droit de recours conféré aux États membres par l’article 263 TFUE et de porter ainsi atteinte au système complet de voies de recours et de procédures mis en place par les traités et confiant à la Cour de justice de l’Union européenne le contrôle de la légalité des actes des institutions.
42 Il convient d’ajouter que, certes, l’article 42 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et l’article 15, paragraphe 3, TFUE, tous deux mentionnés par la Commission, consacrent le droit de tout citoyen de l’Union ainsi que de toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège statutaire dans un État membre d’accéder aux documents des institutions. Toutefois, le fait de permettre à un État membre de former un recours en annulation contre une décision de la Commission
accordant l’accès à des documents et de soulever à cet effet tout moyen mettant en cause la légalité de cette décision n’a pas pour conséquence de restreindre indûment le droit d’accès aux documents, mais seulement de permettre au juge de l’Union de contrôler la légalité de ladite décision au regard de l’ensemble des règles procédurales et matérielles susceptibles de s’appliquer et de garantir ainsi le droit de l’État membre concerné à un recours effectif.
43 Il s’ensuit que les conclusions de la République de Malte, tendant à l’annulation partielle de la décision attaquée, d’une part, et les quatre premiers moyens invoqués au soutien de celles-ci, d’autre part, sont recevables.
44 Partant, la fin de non-recevoir soulevée par la Commission à l’encontre des conclusions de la République de Malte ainsi que des quatre premiers moyens invoqués au soutien de celles-ci doit être écartée.
2. Sur la recevabilité du cinquième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation
45 La Commission soutient que le cinquième moyen, tiré d’une insuffisance de motivation de la décision attaquée, a été soulevé pour la première fois dans la réplique et est, dès lors, irrecevable, en application de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.
46 À cet égard, il convient, certes, de rappeler que, en vertu de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite, à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.
47 Toutefois, selon une jurisprudence constante, un défaut ou une insuffisance de motivation relève de la violation des formes substantielles, au sens de l’article 263 TFUE, et constitue un moyen d’ordre public pouvant, voire devant, être relevé d’office par le juge de l’Union (arrêt du 20 mars 1959, Nold/Haute Autorité, 18/57, EU:C:1959:6, p. 115 ; voir, également, arrêt du 2 décembre 2009, Commission/Irlande e.a., C‑89/08 P, EU:C:2009:742, point 34 et jurisprudence citée).
48 Dans ces conditions, le Tribunal peut connaître du moyen des requérants tiré d’une violation de l’obligation de motivation, sans qu’il soit besoin d’examiner si ce moyen, soulevé pour la première fois dans la réplique, satisfait aux exigences de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure (voir, en ce sens, arrêt du 20 juillet 2017, Badica et Kardiam/Conseil, T‑619/15, EU:T:2017:532, point 43).
49 Partant, le bien-fondé du cinquième moyen sera examiné aux points 51 à 65 ci-après.
B. Sur le fond
50 Le Tribunal considère qu’il y a lieu d’examiner, d’abord, le cinquième moyen, tiré d’une insuffisance de motivation de la décision attaquée, ensuite et de façon conjointe, les trois premiers moyens, relatifs à la procédure d’adoption de cette même décision, et, enfin, le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 113 du règlement no 1224/2009.
1. Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation
51 La République de Malte soutient que la Commission n’a pas suffisamment explicité, dans la décision attaquée ou même dans la lettre du 13 juillet 2016 informant les autorités maltaises de l’adoption de cette décision, les raisons pour lesquelles elle avait décidé de s’écarter de sa pratique antérieure relative, premièrement, à l’exigence de précision des demandes d’accès aux documents, deuxièmement, à l’irrecevabilité des demandes confirmatives excédant le champ des demandes initiales et,
troisièmement, à la non-divulgation de documents non spécifiquement identifiés dans la demande d’accès, notamment lorsqu’ils émanent de tiers. La République de Malte reproche également à la Commission de ne lui avoir fourni aucune explication quant aux raisons pour lesquelles elle avait considéré que de nombreux documents émanant des autorités maltaises tombaient dans le champ de la demande d’accès aux documents et devaient, par suite, être divulgués, alors que la République de Malte avait
interrogé à ce sujet la Commission à plusieurs reprises durant la phase de consultation.
52 La Commission conteste l’argumentation de la République de Malte.
53 Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce,
notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi
de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 63 ; voir, également, arrêt du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C‑341/06 P et C‑342/06 P, EU:C:2008:375, point 88 et jurisprudence citée).
54 Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence qu’il incombe à la Commission, lorsqu’elle va sensiblement plus loin que les décisions précédentes et se départit d’une pratique décisionnelle constante, de développer son raisonnement d’une manière explicite (arrêts du 26 novembre 1975, Groupement des fabricants de papiers peints de Belgique e.a./Commission, 73/74, EU:C:1975:160, point 31, et du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 155).
55 En l’espèce, il convient, à titre liminaire, de constater que la République de Malte ne conteste pas l’existence et le caractère suffisant de la motivation de la décision attaquée en tant que celle-ci examine si les documents émanant des autorités maltaises identifiés par la Commission sont couverts par les exceptions prévues à l’article 4, paragraphes 1 à 3, du règlement no 1049/2001 et s’ils peuvent, par suite, être divulgués sur le fondement de ce règlement. De plus, la République de Malte ne
remet pas en cause le fait que la Commission a, par ailleurs, expliqué, de façon circonstanciée, dans la décision attaquée, les raisons pour lesquelles, selon elle, l’article 113 du règlement no 1224/2009 ne faisait pas obstacle à l’application des dispositions du règlement no 1049/2001. Enfin, la République de Malte ne conteste pas avoir été en mesure de connaître les justifications de la décision attaquée et d’en contester les motifs dans le cadre du présent recours.
56 En revanche, la République de Malte reproche, en substance, à la Commission, en premier lieu, de s’être écartée, sans motivation particulière, de sa pratique décisionnelle antérieure en matière de traitement des demandes d’accès imprécises, d’identification des documents relevant d’une demande d’accès et de traitement des demandes confirmatives excédant le champ des demandes initiales.
57 Il convient toutefois de noter que la République de Malte se borne, pour établir l’existence d’une telle pratique décisionnelle, à renvoyer à l’arrêt du 2 juillet 2015, Typke/Commission (T‑214/13, EU:T:2015:448, point 13), mentionnant un cas d’espèce dans lequel le secrétaire général de la Commission avait rejeté une demande confirmative en tant que celle-ci portait sur un aspect non couvert par la demande initiale correspondante. Or, l’invocation de ce seul arrêt ne saurait établir l’existence
d’une pratique décisionnelle constante relative au traitement des demandes d’accès imprécises, à l’identification des documents relevant d’une demande d’accès ou même au traitement des demandes confirmatives excédant le champ des demandes initiales. Par suite, en l’absence de pratique antérieure constante avérée dont la Commission se serait écartée, la République de Malte ne saurait reprocher à cette institution de ne pas avoir exposé les raisons de son prétendu changement d’approche (voir, en ce
sens, arrêts du 28 avril 2010, Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission, T‑446/05, EU:T:2010:165, points 118 et 158, et du 20 septembre 2012, Pologne/Commission, T‑333/09, non publié, EU:T:2012:449, point 92).
58 La République de Malte reproche également à la Commission, en second lieu, de ne pas avoir suffisamment justifié dans la décision attaquée ou en amont de celle-ci le rattachement de certains documents à la demande d’accès aux documents, malgré ses demandes d’explications en ce sens durant la phase de consultation, notamment dans ses courriers des 30 septembre 2015, 30 novembre 2015 et 27 mai 2016.
59 À cet égard, d’abord, il est certes exact que, dans son courrier du 30 septembre 2015, la République de Malte s’est enquis auprès de la Commission des raisons pour lesquelles cette dernière était revenue sur une position exprimée antérieurement et avait rattaché à la demande initiale des documents échangés entre elles, en particulier des courriers électroniques et des procès-verbaux de réunions. Ensuite, il s’avère que, dans son courrier du 30 novembre 2015, la République de Malte a indiqué que,
selon elle, de nombreux documents jugés pertinents par la Commission n’étaient pas couverts par la demande d’accès. Enfin, il est constant que, dans son courrier du 27 mai 2016, la République de Malte a formulé une objection à l’identification par la Commission de nouveaux documents au stade de la demande confirmative, cette pratique étant, selon la République de Malte, constitutive d’une extension du champ de la demande, non autorisée par les dispositions de l’article 7, paragraphe 2, du
règlement no 1049/2001.
60 Toutefois, premièrement, il convient de relever que, si le courrier du 30 septembre 2015 demandait expressément des explications à la Commission, ce courrier était néanmoins antérieur à la décision initiale, laquelle a fait droit à l’opposition de la République de Malte et a refusé à Greenpeace l’accès aux documents nos 112 à 230. Dans ces conditions, la République de Malte ne saurait reprocher à la Commission de ne pas avoir répondu à sa demande d’explications dans la décision initiale et, faute
d’avoir réitéré par la suite ladite demande d’explications, ne saurait davantage se plaindre de ce que la Commission n’y aurait pas répondu dans la décision attaquée.
61 Deuxièmement, il y a lieu d’observer que le courrier du 30 novembre 2015, également antérieur à la décision initiale, ne comportait aucune précision permettant d’identifier les documents qu’il visait et de comprendre les raisons pour lesquelles les documents en cause n’auraient pas été couverts par la demande d’accès. De plus, ce courrier ne sollicitait aucune explication de la Commission et, par suite, n’appelait aucune réponse de la part de cette dernière.
62 Troisièmement, il y a lieu de constater que, dans son courrier du 27 mai 2016, la République de Malte n’a pas contesté le rattachement concret à la demande d’accès de chacun des documents identifiés par la Commission au stade de l’examen de la demande confirmative et n’a pas davantage demandé d’explications sur ce point à la Commission. En effet, la République de Malte s’est bornée, dans son courrier du 27 mai 2016, à contester le principe même du rattachement à la demande d’accès, au stade de
l’examen de la demande confirmative, de documents n’ayant pas été identifiés au stade de l’examen de la demande initiale.
63 Or, à cet égard, la Commission a rappelé dans la décision attaquée que, à la suite d’un réexamen de la demande d’accès, elle avait identifié d’autres documents relevant du champ de celle-ci (documents nos 1 à 111 et 231 à 240). Certes, il est vrai que, dans cette décision, la Commission n’a pas expliqué pour quelles raisons elle estimait être en droit de rattacher des documents à la demande d’accès au stade de l’examen de la demande confirmative alors qu’elle n’avait pas statué sur la divulgation
de ces documents au stade de l’examen de la demande initiale. Toutefois, il convient de noter que, dans son courrier du 27 avril 2016, la Commission avait déjà expliqué à la République de Malte que la fonction du secrétaire général de la Commission consistait à réexaminer, de façon indépendante, la décision initiale prise par le directeur général de la DG « Affaires maritimes et pêche » et que, dans le cadre de ce réexamen, il incombait au secrétaire général de vérifier si l’ensemble des
documents tombant dans le champ de la demande avaient bien été identifiés au stade de la décision initiale, en particulier dans les cas où, comme en l’espèce, l’auteur de la demande d’accès contestait le caractère complet de la liste des documents identifiés au stade de la décision initiale. Dans ces conditions, il n’était pas indispensable que la Commission expose à nouveau dans la décision attaquée les raisons pour lesquelles elle était autorisée à rattacher à la demande d’accès de nouveaux
documents identifiés pour la première fois au stade de l’examen de la demande confirmative.
64 Il résulte de ce que ce qui précède que la décision attaquée n’est pas entachée du vice de motivation allégué par la République de Malte.
65 Partant, le cinquième moyen, examiné par le Tribunal au titre de son pouvoir de relever d’office des moyens d’ordre public, doit être écarté comme non fondé.
2. Sur les trois premiers moyens, relatifs à la procédure d’adoption de la décision attaquée
66 Par son premier moyen, la République de Malte soutient, en substance, que la Commission n’a pas traité la demande initiale ainsi que la demande confirmative dans les délais prévus par les articles 7 et 8 du règlement no 1049/2001 et que, à cette occasion, elle a méconnu son obligation de coopération loyale avec les autorités maltaises. Au vu de l’argumentation de la République de Malte, ce moyen peut être divisé en trois griefs, tirés, respectivement, le premier, de la communication tardive, pour
consultation, aux autorités maltaises de la demande initiale et de la demande confirmative, le deuxième, de l’octroi de délais de réponse excessivement courts aux autorités maltaises et, le troisième, du caractère tardif de la décision initiale et de la décision attaquée, ces décisions ayant été adoptées après l’expiration des délais prévus par le règlement no 1049/2001 et la décision attaquée ayant, en outre, été adoptée postérieurement à la naissance d’une décision implicite rejetant la demande
confirmative.
67 Par son deuxième moyen, la République de Malte soutient, en substance, que la Commission a méconnu la portée de la demande initiale en la traitant comme une nouvelle demande d’accès couvrant de nombreux documents sans rapport avec les deux demandes antérieures ou non spécifiquement identifiés par Greenpeace. Dans le cadre de ce moyen, la République de Malte reproche en particulier à la Commission d’avoir inclus dans le champ de la demande d’accès des documents, généralement plus récents, qui,
d’une part, n’étaient pas expressément visés par les demandes du 14 avril 2010 et du 19 avril 2012 et, d’autre part, n’étaient, de par leur contenu, pas liés aux irrégularités dénoncées par Greenpeace en 2010 ou à l’enquête administrative.
68 Par son troisième moyen, la République de Malte soutient, en substance, que la Commission a irrégulièrement étendu le champ de la demande d’accès aux documents et violé le principe de bonne administration en identifiant, au stade de l’examen de la demande confirmative et sur la base d’une demande insuffisamment précise, de nouveaux documents qui n’avaient jusque-là pas été identifiés comme relevant du champ de cette demande. Dans le cadre de ce moyen, la République de Malte reproche en
particulier à la Commission, premièrement, de ne pas avoir invité Greenpeace à clarifier sa demande d’accès aux documents, sur le fondement de l’article 6, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, deuxièmement, de ne pas avoir procédé à un examen approfondi de la demande initiale d’accès aux documents, troisièmement, d’avoir examiné certains documents uniquement au stade de l’examen de la demande confirmative, en violation des articles 7 et 8 du règlement no 1049/2001, organisant une procédure
d’examen en deux phases des demandes d’accès aux documents, et, quatrièmement, d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation quant à la détermination de l’objet et du champ de la demande d’accès aux documents.
69 Il résulte des arguments développés par la République de Malte au soutien des trois premiers moyens qu’elle reproche à la Commission d’avoir méconnu différentes règles procédurales consacrées aux articles 4 et 6 à 8 du règlement no 1049/2001 et résultant également, pour certaines, de l’obligation de coopération loyale.
70 Aux fins de l’examen éventuel du bien-fondé des trois premiers moyens, il convient, au préalable, de déterminer si, et dans quelle mesure, ces moyens sont opérants.
a) Caractère opérant des trois premiers moyens
71 Afin d’apprécier si, et dans quelle mesure, les trois premiers moyens sont opérants, le Tribunal estime nécessaire de présenter, à titre liminaire, les modalités et les finalités de la procédure d’examen des demandes d’accès aux documents. À cet égard, il y a lieu de distinguer entre, d’une part, les règles procédurales prévues aux articles 6 à 8 du règlement no 1049/2001 et, d’autre part, les règles procédurales prévues à l’article 4, paragraphes 4 et 5, du même règlement ou résultant de
l’obligation de coopération loyale.
1) Règles procédurales prévues aux articles 6 à 8 du règlement no 1049/2001
72 Les règles procédurales prévues aux articles 6 à 8 du règlement no 1049/2001 peuvent être résumées de la façon suivante.
73 En premier lieu, les demandes d’accès doivent être suffisamment précises pour permettre à l’institution d’identifier le document demandé (article 6, paragraphe 1, du règlement no 1049/2001). Si une demande n’est pas suffisamment précise, l’institution invite le demandeur à préciser sa demande et assiste celui-ci à cette fin, par exemple en lui donnant des informations sur l’utilisation des registres publics de documents (article 6, paragraphe 2, du même règlement). En cas de demande portant sur
un document très long ou sur un très grand nombre de documents, l’institution concernée peut également se concerter avec le demandeur de manière informelle afin de trouver un arrangement équitable (article 6, paragraphe 3, dudit règlement). Plus généralement, les institutions doivent assister et informer les citoyens quant aux modalités d’accès aux documents (article 6, paragraphe 4, du règlement no 1049/2001).
74 En second lieu, tant les demandes initiales que les demandes confirmatives doivent être traitées avec promptitude, l’institution devant statuer dans un délai de quinze jours ouvrables sur ces demandes et, en cas de refus, fournir au demandeur les motifs de ce refus (voir, respectivement, article 7, paragraphe 1, et article 8, paragraphe 1, du règlement no 1049/2001). À titre exceptionnel, par exemple lorsque la demande initiale ou confirmative porte sur un document très long ou sur un très grand
nombre de documents, ce délai peut être prorogé de quinze jours ouvrables (voir, respectivement, article 7, paragraphe 3, et article 8, paragraphe 2, du même règlement). En l’absence de réponse de l’institution à une demande initiale dans le délai requis, le demandeur est alors habilité à présenter une demande confirmative tendant à ce que l’institution révise sa position (article 7, paragraphe 4, dudit règlement). En l’absence de réponse de l’institution à une demande confirmative dans le délai
requis, le demandeur est alors habilité à se prévaloir de l’existence d’une réponse négative et à former contre l’institution un recours juridictionnel (article 8, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001).
75 Plusieurs enseignements peuvent être tirés des règles procédurales prévues aux articles 6 à 8 du règlement no 1049/2001 et, plus généralement, de l’ensemble des dispositions de ce règlement.
76 D’abord, il résulte des dispositions des articles 6 à 8 du règlement no 1049/2001 qu’elles régissent les modalités de présentation des demandes d’accès aux documents et organisent le traitement, par l’institution concernée, de ces demandes. Partant, ces dispositions ne concernent que les relations entre le demandeur et l’institution concernée, à l’exclusion des relations entre l’institution et les tiers, tels que les États membres, dont émaneraient certains documents.
77 Ensuite, la procédure prévue par les articles 6 à 8 du règlement no 1049/2001 a pour objectif, à titre principal, de permettre un traitement rapide et facile des demandes d’accès à ces documents et, à titre subsidiaire, d’éviter, conformément au principe de bonne administration, que l’institution ne supporte une charge de travail disproportionnée (voir, en ce sens, arrêt du 2 octobre 2014, Strack/Commission, C‑127/13 P, EU:C:2014:2250, points 25, 27 et 28). Il s’ensuit que cette procédure a été
instaurée dans l’intérêt des personnes sollicitant l’accès aux documents, tout en prenant en compte les contraintes des institutions. En revanche, cette procédure n’a, en elle-même, pas pour finalité de protéger l’intérêt des tiers, et notamment celui des États membres, à s’opposer à la divulgation de certains documents émanant d’eux et ne prend pas davantage en compte les contraintes des tiers et des États membres dans le cas où ils sont consultés sur l’éventuelle divulgation de ces documents.
78 Cette constatation est corroborée par la circonstance que le règlement no 1049/2001 vise, en vertu de son l’article 1er, sous a), à « garantir un accès aussi large que possible aux documents » et repose sur le principe exprimé à son considérant 11 que « tous les documents des institutions devraient être accessibles au public ». C’est pourquoi ce règlement, et notamment ses dispositions d’ordre procédural, vise à faciliter au maximum l’exercice du droit d’accès aux documents (voir, en ce sens,
arrêt du 29 juin 2010, Commission/Bavarian Lager, C‑28/08 P, EU:C:2010:378, point 49), et non à rendre plus difficile, notamment en le soumettant à des contraintes formelles non indispensables, l’exercice de ce droit.
79 Enfin, la présentation d’une demande d’accès aux documents ne constitue pas la seule modalité d’accès aux documents. En effet, en vertu de l’article 2, paragraphe 4, du règlement no 1049/2001, les documents détenus par les institutions sont rendus accessibles au public soit à la suite d’une demande écrite, soit directement sous forme électronique ou par l’intermédiaire d’un registre. C’est pourquoi, outre ses articles 6 à 10 relatifs au traitement des demandes d’accès aux documents et aux
modalités d’accès à la suite d’une demande, le règlement no 1049/2001 comporte des dispositions relatives à la tenue de registres de documents (article 11 de ce règlement), à l’accès direct aux documents sous forme électronique ou par l’intermédiaire d’un registre (article 12 dudit règlement) et à la publication au Journal officiel de certains documents (article 13 dudit règlement).
80 Il s’ensuit que rien n’interdit à une institution de rendre publics des documents alors même qu’elle n’aurait été saisie d’aucune demande en ce sens ou, par souci de transparence et d’exhaustivité, de communiquer à une personne ayant présenté une demande sur le fondement du règlement no 1049/2001 des documents que cette personne n’aurait pas expressément identifiés et visés dans sa demande.
81 Dans ces conditions, la violation des règles d’examen des demandes d’accès aux documents prévues aux articles 6 à 8 du règlement no 1049/2001, bien que susceptible, dans certaines hypothèses, d’affecter la légalité d’une décision refusant l’accès à des documents, ne saurait affecter la légalité d’une décision accordant l’accès à des documents.
82 En particulier, premièrement, s’agissant de l’article 6 du règlement no 1049/2001, il convient de préciser que, si une institution ne peut rejeter une demande comme insuffisamment précise sans inviter au préalable le demandeur à clarifier sa demande (voir, en ce sens, arrêts du 26 octobre 2011, Dufour/BCE, T‑436/09, EU:T:2011:634, point 31, et du 22 mai 2012, Internationaler Hilfsfonds/Commission, T‑300/10, EU:T:2012:247, points 84 à 87), il ne saurait en revanche être utilement reproché à une
institution d’avoir accordé l’accès à des documents sur le fondement d’une demande prétendument imprécise sans inviter au préalable le demandeur à clarifier sa demande.
83 En effet, lorsque le demandeur n’a pas été invité à clarifier sa demande, ni l’institution ni, a fortiori, un tiers ne sauraient se référer utilement au caractère prétendument vague de la demande du requérant (voir, en ce sens, arrêt du 19 novembre 2014, Ntouvas/ECDC, T‑223/12, non publié, EU:T:2014:975, point 46). Dès lors, dans l’hypothèse où une institution estime être en mesure d’identifier elle-même, sans supporter une charge de travail disproportionnée, l’ensemble des documents susceptibles
de se rattacher à une demande, même formulée en des termes généraux et portant sur de nombreux documents, il est loisible à cette institution de statuer sur cette demande, sans inviter au préalable le demandeur à clarifier celle-ci, puis, le cas échéant, de donner accès à l’ensemble des documents identifiés, sous réserve que ces derniers ne relèvent pas des exceptions prévues, notamment, à l’article 4 du règlement no 1049/2001.
84 Par ailleurs, étant tenue de procéder à un examen complet de l’ensemble des documents couverts par une demande de divulgation (voir, en ce sens, arrêt du 22 mai 2012, Internationaler Hilfsfonds/Commission, T‑300/10, EU:T:2012:247, point 69), une institution peut identifier, à tout moment, y compris pour la première fois au stade de l’examen de la demande confirmative, de nouveaux documents susceptibles de se rattacher à la demande.
85 Deuxièmement, s’agissant des articles 7 et 8 du règlement no 1049/2001, il convient de noter que les délais qu’ils prévoient ont pour seul objectif de permettre un traitement rapide des demandes d’accès aux documents et d’accélérer la divulgation des documents demandés lorsque cette divulgation est possible.
86 Il y a également lieu de rappeler que le dépassement des délais prévus par les articles 7 et 8 du règlement no 1049/2001 n’a pas pour effet de priver l’institution du pouvoir d’adopter une décision et n’est, en lui-même, pas susceptible d’entacher une décision refusant l’accès à des documents d’une illégalité justifiant son annulation (voir, en ce sens, arrêts du 28 juin 2012, Commission/Agrofert Holding, C‑477/10 P, EU:C:2012:394, point 89 ; du 14 juillet 2016, Sea Handling/Commission,
C‑271/15 P, non publié, EU:C:2016:557, points 78, 79 et 84, et du 19 janvier 2010, Co-Frutta/Commission, T‑355/04 et T‑446/04, EU:T:2010:15, points 59 et 71).
87 Cette absence d’incidence du dépassement des délais susmentionnés s’impose d’autant plus en présence d’une décision accordant l’accès aux documents, dans la mesure où, dans une telle hypothèse, le demandeur a obtenu satisfaction malgré le dépassement de ces délais, lesquels n’avaient été instaurés qu’en sa faveur.
88 Eu égard aux considérations qui précèdent, un État membre ne peut utilement invoquer, à l’encontre d’une décision d’une institution accordant l’accès à des documents, des moyens tirés de la violation des articles 6 à 8 du règlement no 1049/2001.
89 Or, en l’espèce, au vu des arguments invoqués par la République de Malte au soutien des trois premiers moyens et résumés aux points 66 à 68 ci-dessus, il y a lieu de constater que, dans le cadre de ces trois moyens, la République de Malte se prévaut d’irrégularités affectant la procédure prévue par les articles 6 à 8 du règlement no 1049/2001, telles que, notamment, la divulgation de documents non spécifiquement visés dans les demandes initiale et confirmative, l’identification de documents au
stade de l’examen de la demande confirmative ou encore le non-respect des délais de traitement des demandes initiale et confirmative.
90 Dès lors, pour les raisons exposées aux points 72 à 88 ci-dessus, les moyens tirés de telles irrégularités sont inopérants à l’encontre de la décision attaquée.
2) Règles procédurales prévues à l’article 4, paragraphes 4 et 5, du règlement no 1049/2001 ou résultant de l’obligation de coopération loyale
91 Les règles procédurales prévues à l’article 4, paragraphes 4 et 5, du règlement no 1049/2001 ou résultant de l’obligation de coopération loyale peuvent être présentées comme suit.
92 En premier lieu, l’article 4, paragraphe 4, du règlement no 1049/2001 prévoit que, en présence d’un document émanant d’un tiers, l’institution consulte le tiers afin de déterminer si une exception prévue à l’article 4, paragraphes 1 ou 2, du même règlement est d’application, à moins qu’il ne soit clair que le document doit ou ne doit pas être divulgué.
93 À cet égard, il a été jugé que le droit d’un État membre d’être consulté avant la divulgation de documents détenus par une institution et émanant de lui se trouve déjà très largement acquis en vertu de l’article 4, paragraphe 4, du règlement no 1049/2001 (arrêt du 18 décembre 2007, Suède/Commission, C‑64/05 P, EU:C:2007:802, point 46).
94 En deuxième lieu, l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 1049/2001 prévoit, ainsi qu’il a été déjà relevé au point 39 ci-dessus, qu’un État membre peut demander à une institution de ne pas divulguer un document émanant de lui sans son accord préalable.
95 À cet égard, il y a lieu de préciser que, dès lors qu’il se borne à prévoir l’exigence d’un accord préalable de l’État membre concerné lorsque ce dernier a antérieurement formulé une demande spécifique en ce sens, l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 1049/2001 présente un caractère procédural (arrêts du 18 décembre 2007, Suède/Commission, C‑64/05 P, EU:C:2007:802, points 78 et 81, et du 21 juin 2012, IFAW Internationaler Tierschutz-Fonds/Commission, C‑135/11 P, EU:C:2012:376, points 53
et 54).
96 En troisième lieu, l’institution envisageant de rendre publics des documents et l’État membre dont émanent ces documents sont tenus, conformément à l’obligation de coopération loyale énoncée à l’article 4, paragraphe 3, TUE, d’agir et de coopérer de sorte que les dispositions du règlement no 1049/2001 puissent recevoir une application effective (arrêt du 18 décembre 2007, Suède/Commission, C‑64/05 P, EU:C:2007:802, point 85).
97 En particulier, l’institution saisie d’une demande d’accès à un document émanant d’un État membre et ce dernier doivent, dès lors que cette demande a été notifiée par cette institution audit État membre, entamer sans délai un dialogue loyal concernant l’application éventuelle des exceptions prévues à l’article 4, paragraphes 1 à 3, du règlement no 1049/2001, en demeurant attentifs notamment à la nécessité de permettre à ladite institution de prendre position dans les délais dans lesquels les
articles 7 et 8 de ce règlement lui font obligation de statuer sur cette demande d’accès (arrêt du 18 décembre 2007, Suède/Commission, C‑64/05 P, EU:C:2007:802, point 86).
98 Il résulte ainsi des dispositions de l’article 4, paragraphes 4 et 5, du règlement no 1049/2001, interprétées conformément à l’obligation de coopération loyale, qu’elles organisent les modalités de consultation par une institution des tiers dont émanent des documents ainsi que les modalités de participation des États membres dont émanent des documents au processus d’adoption de la décision de l’institution relative à l’accès aux documents.
99 Partant, contrairement aux dispositions des articles 6 à 8 du règlement no 1049/2001, les dispositions de l’article 4, paragraphes 4 et 5, du même règlement régissent les relations entre l’institution et les tiers, en particulier les États membres, en ce qui concerne les documents émanant de ces derniers, et ont pour finalité de protéger l’intérêt desdits tiers et des États membres à s’opposer à la divulgation desdits documents.
100 Dans ces conditions, la violation des dispositions de l’article 4, paragraphes 4 et 5, du règlement no 1049/2001 ainsi que de l’obligation de coopération loyale de l’institution envers un État membre est susceptible d’affecter la légalité d’une décision accordant l’accès à des documents émanant de cet État membre.
101 Eu égard aux considérations qui précèdent, un État membre peut utilement invoquer, à l’encontre d’une décision d’une institution accordant l’accès à des documents émanant de lui, des moyens tirés de la violation de l’article 4, paragraphes 4 et 5, du règlement no 1049/2001 ainsi que de la méconnaissance de l’obligation de coopération loyale dans la mise en œuvre de la procédure prévue par cet article.
102 Or, en l’espèce, il y a lieu de constater que la République de Malte soutient également, dans le cadre des premier et deuxième griefs du premier moyen, que, lorsque la Commission l’a consultée sur le fondement de l’article 4, paragraphe 4, du règlement no 1049/2001 afin qu’elle lui indiquât si elle s’opposait à la divulgation des documents litigieux, cette institution n’a pas pleinement coopéré avec elle, dans la mesure où, après lui avoir communiqué tardivement les demandes initiale et
confirmative de Greenpeace, elle lui a octroyé des délais de réponse excessivement courts. Par cette argumentation, la République de Malte se prévaut en réalité d’une irrégularité entachant la procédure prévue par l’article 4, paragraphes 4 et 5, du règlement no 1049/2001 ainsi que de la violation, dans le cadre de cette procédure, de l’obligation de coopération loyale.
103 Dès lors, pour les raisons mentionnées aux points 91 à 101 ci-dessus, une telle argumentation est opérante à l’encontre de la décision attaquée.
104 Par suite, il convient d’examiner le bien-fondé des seuls griefs tirés de l’octroi de délais de réponse insuffisants ainsi que de la méconnaissance de l’obligation de coopération loyale.
b) Examen du bien-fondé des griefs tirés de l’octroi de délais de réponse insuffisants et de la méconnaissance de l’obligation de coopération loyale
105 En l’espèce, la République de Malte reproche à la Commission non seulement de lui avoir communiqué la demande initiale ainsi que la demande confirmative plusieurs mois après les avoir reçues, mais aussi, et surtout, de ne lui avoir par la suite octroyé qu’un délai de cinq jours pour analyser le caractère communicable des documents en cause au regard des exceptions prévues par l’article 4, paragraphes 1 à 3, du règlement no 1049/2001 et pour décider de faire usage ou non de sa faculté, prévue par
l’article 4, paragraphe 5, du même règlement, de demander que ces documents ne soient pas divulgués.
106 À cet égard, il convient, au préalable, de rappeler que, si les articles 7 et 8 du règlement no 1049/2001 imposent aux institutions de répondre aux demandes initiales et confirmatives d’accès aux documents dans des délais déterminés, aucune disposition de ce règlement ne fixe un délai dans lequel une institution devrait informer un État membre de l’introduction d’une demande d’accès à des documents émanant de lui et lui communiquer ladite demande. Surtout, le règlement no 1049/2001 ne précise
pas quel délai de réponse devrait alors être accordé par l’institution à cet État membre afin que ce dernier puisse faire part à ladite institution de son éventuelle opposition à la divulgation des documents en cause.
107 Cependant, eu égard à la jurisprudence mentionnée aux points 96 et 97 ci-dessus, il résulte de l’obligation de coopération loyale que la Commission est tenue d’agir avec diligence dans ses relations avec l’État membre concerné afin de pouvoir elle-même statuer dans les délais qui lui sont impartis par les articles 7 et 8 du règlement no 1049/2001.
108 En l’espèce, d’une part, il y a lieu de constater que la Commission n’a communiqué la demande initiale, en date du 29 juillet 2015, à la République de Malte que le 28 septembre 2015, soit près de deux mois après l’avoir reçue, et que, à cette occasion, elle a demandé à cet État membre de lui faire savoir dans un délai de cinq jours ouvrables s’il s’opposait à la divulgation des documents émanant des autorités maltaises identifiés à ce stade (documents nos 112 à 230).
109 D’autre part, il est constant que la Commission n’a communiqué à la République de Malte la demande confirmative, introduite le 20 janvier 2016, que le 13 avril 2016, soit près de trois mois après l’avoir reçue, et que, à cette occasion, elle n’a accordé, à nouveau, à cet État membre qu’un délai de cinq jours ouvrables pour faire part de son éventuelle opposition à la divulgation de l’ensemble des documents émanant des autorités maltaises, y compris par conséquent ceux identifiés pour la première
fois au stade de l’examen de la demande confirmative (documents nos 1 à 111 et 231 à 240).
110 Toutefois, il convient également de relever, premièrement, que, à la demande de la République de Malte, la Commission a prorogé de quinze jours ouvrables le délai initialement imparti à cet État membre à la suite de la communication de la demande initiale (voir point 10 ci-dessus). Dans les faits, la République de Malte s’est opposée à la divulgation des documentsnos 112 à 230 le 30 novembre 2015, alors que la demande initiale de Greenpeace lui avait été communiquée dès le 28 septembre 2015,
soit plus de deux mois plus tôt.
111 Deuxièmement, la Commission a prorogé de dix jours ouvrables, à la demande de la République de Malte, le délai initialement imparti à cet État membre à la suite de la communication de la demande confirmative (voir point 16 ci-dessus). Dans les faits, la République de Malte s’est opposée à la divulgation de l’ensemble des documents en cause le 3 mai 2016, alors que la demande confirmative de Greenpeace lui avait été communiquée dès le 13 avril 2016, soit près de trois semaines plus tôt. De plus,
après avoir reçu la réponse de la République de Malte en date du 3 mai 2016, la Commission a, le 19 mai 2016, invité cet État membre à préciser, dans un délai de dix jours ouvrables, les raisons concrètes pour lesquelles les exceptions prévues par le règlement no 1049/2001 trouveraient à s’appliquer ainsi que les parties des documents qui seraient couvertes par ces exceptions (voir point 18 ci-dessus). Or, le 27 mai 2016, la République de Malte s’est bornée à réitérer son opposition en indiquant
que l’analyse contenue dans sa lettre du 3 mai 2016 était suffisante pour identifier les exceptions auxquelles cette lettre faisait référence (voir point 19 ci-dessus).
112 Ainsi, il apparaît que la République de Malte a, en pratique, disposé de plusieurs semaines pour analyser les documents identifiés par la Commission au stade de l’examen de la demande initiale, puis au stade de l’examen de la demande confirmative. De plus, malgré le nombre de documents concernés, la République de Malte a été en mesure d’analyser ces documents et de faire valoir, pour chacun d’entre eux et avant que la Commission ne statue sur les demandes initiale et confirmative, certaines des
exceptions prévues par l’article 4 du règlement no 1049/2001 ainsi que par l’article 113 du règlement no 1224/2009.
113 Par ailleurs, eu égard à la jurisprudence citée au point 97 ci-dessus, il convient de tenir compte de la circonstance que, en application de l’article 7, paragraphes 1 et 3, et de l’article 8, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1049/2001, la Commission était elle-même tenue de répondre à la demande initiale, puis à la demande confirmative de Greenpeace dans des délais ne pouvant, au maximum, excéder 30 jours.
114 Dans ces conditions, la République de Malte n’est pas fondée à soutenir que, en lui communiquant tardivement les demandes initiale et confirmative et en lui octroyant par suite des délais de réponse excessivement courts, la Commission a méconnu l’obligation de coopération loyale.
115 Partant, les trois premiers moyens doivent être écartés comme étant en partie inopérants et en partie non fondés.
3. Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 113 du règlement no 1224/2009
116 Par son quatrième moyen, la République de Malte soutient, en substance, que, en accordant à Greenpeace l’accès aux documents nos 112 à 230, la Commission a violé les dispositions de l’article 113, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1224/2009. Selon la République de Malte, ces dispositions interdisaient, en l’absence de consentement exprès des autorités maltaises, la divulgation au public des documents communiqués par ces autorités à la Commission dans le cadre du règlement no 1224/2009. La
République de Malte considère en effet qu’il s’agit de dispositions spécifiques dérogeant, dans le domaine du contrôle du respect des règles de la politique commune de la pêche, aux règles générales d’accès du public aux documents prévues par le règlement no 1049/2001, et notamment par l’article 4 de ce règlement.
117 La Commission conteste l’argumentation de la République de Malte. Elle fait notamment valoir que les dispositions de l’article 113, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1224/2009 doivent être combinées et conciliées avec celles du règlement no 1049/2001 et, plus spécialement, avec celles de l’article 4, paragraphe 5, de ce dernier règlement, lequel n’autorise un État membre à s’opposer à la divulgation de documents émanant de lui que sur le fondement des exceptions matérielles prévues à
l’article 4, paragraphes 1 à 3, du même règlement.
118 Au vu de l’argumentation des parties, il convient de déterminer si, et dans quelle mesure, les dispositions de l’article 113, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1224/2009, éventuellement combinées avec celles de l’article 4 du règlement no 1049/2001, s’opposaient à ce que Greenpeace fût autorisée à accéder aux documents nos 112 à 230 en l’absence de consentement de la République de Malte, dont ces documents émanaient.
119 Pour cela, il y a lieu, au préalable, de présenter, dans leur contexte, les dispositions pertinentes de l’article 113 du règlement no 1224/2009, puis d’examiner comment ces dispositions s’articulent avec celles du règlement no 1049/2001.
a) Présentation de l’article 113 du règlement no 1224/2009 et de son contexte
120 À titre liminaire, il convient de noter que le règlement no 1224/2009 comporte, sous le titre XII, intitulé « Données et informations », un chapitre II, relatif à la « [c]onfidentialité des données ». Ce chapitre n’est composé que de deux articles, à savoir les articles 112 et 113, relatifs, respectivement, à la « [p]rotection des données à caractère personnel » et à la « [c]onfidentialité des données relevant du secret professionnel et commercial ».
121 Il y a également lieu de relever que les articles 112 et 113 du règlement no 1224/2009 ont remplacé l’article 37 du règlement (CEE) no 2847/93 du Conseil, du 12 octobre 1993, instituant un régime de contrôle applicable à la politique commune de la pêche (JO 1993, L 261, p. 1). En effet, en l’absence, à la date d’adoption du règlement no 2847/93, de législation de l’Union générale relative à la protection des données à caractère personnel par les institutions et par les États membres,
l’article 37 dudit règlement traitait à la fois, à ses paragraphes 2 et 7 à 10, de la protection des données nominatives et, à ses paragraphes 1 et 3 à 6, de la confidentialité des données recueillies et échangées dans le cadre dudit règlement au titre du secret professionnel et commercial.
122 Lors de l’adoption du règlement no 1224/2009, le législateur de l’Union a tenu compte de l’adoption du règlement (CE) no 45/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2000, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données (JO 2001, L 8, p. 1), ainsi que de la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995,
relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (JO 1995, L 281, p. 31).
123 En conséquence, l’article 112 du règlement no 1224/2009 traite désormais, de façon distincte, de la protection des données à caractère personnel en renvoyant, pour l’essentiel, au règlement no 45/2001 ainsi qu’aux législations nationales transposant la directive 95/46.
124 Les dispositions de l’article 113 du règlement no 1224/2009 reprennent, quant à elles, pour une large part, les autres dispositions de l’article 37 du règlement no 2847/93 qui ne traitaient pas de la protection des données à caractère personnel.
125 D’abord, l’article 113 du règlement no 1224/2009 comporte des dispositions assurant la confidentialité des données relevant du secret professionnel et commercial. Il est en particulier prévu que les États membres et la Commission prennent toutes les mesures nécessaires pour que les données collectées et reçues dans le cadre du règlement no 1224/2009 soient traitées conformément aux règles applicables en matière de secret des données à caractère professionnel ou commercial (article 113,
paragraphe 1, du règlement no 1224/2009). Aussi, les données communiquées dans le cadre dudit règlement sont soumises aux règles applicables en matière de confidentialité lorsque leur divulgation porterait préjudice à certains intérêts tels que la vie privée et l’intégrité de l’individu – et ce en conformité avec la législation de l’Union relative à la protection des données à caractère personnel –, les intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale, les procédures juridictionnelles et
les avis juridiques, ou les activités d’inspection ou d’enquête. Les informations liées à ces données peuvent néanmoins toujours être divulguées si cela se révèle nécessaire pour faire cesser ou interdire une infraction aux règles de la politique commune de la pêche (article 113, paragraphe 4, du règlement no 1224/2009).
126 Ensuite, l’article 113 du règlement no 1224/2009 comporte des dispositions qui sont spécifiques aux données émanant des États membres et qui sont, pour cette raison, invoquées par la République de Malte dans le cadre du présent litige. À cet égard, il importe de rappeler les dispositions de l’article 113, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1224/2009, lesquelles sont quasiment identiques à celles de l’article 37, paragraphes 3 et 5, du règlement no 2847/93 et disposent ce qui suit :
« 2. Les données échangées entre les États membres et la Commission [dans le cadre du présent règlement] ne peuvent être transmises à des personnes autres que celles dont les fonctions, dans les États membres ou les institutions de l’Union, exigent qu’elles y aient accès, sauf si les États membres qui les communiquent y consentent expressément.
3. Les données [collectées et reçues dans le cadre du présent règlement] ne sont utilisées à aucune autre fin que celles prévues par le présent règlement, sauf si les autorités qui les communiquent consentent expressément à l’utilisation de ces données à d’autres fins et sous réserve que les dispositions en vigueur dans l’État membre de l’autorité qui reçoit les données n’interdisent pas un tel usage. »
127 Enfin, l’article 113 du règlement no 1224/2009 comporte des dispositions plus générales. En particulier, cet article prévoit qu’il ne peut être interprété comme faisant obstacle à l’utilisation des données obtenues conformément audit règlement dans le cadre des poursuites judiciaires ou des procédures entamées ultérieurement du fait de l’inobservation des règles de la politique commune de la pêche. Les autorités compétentes de l’État membre qui communique les données sont informées de tous les
cas où lesdites données sont utilisées à ces fins (article 113, paragraphe 6, du règlement no 1224/2009).
128 À ce stade, plusieurs enseignements peuvent être tirés des dispositions du règlement no 1224/2009 mentionnées aux points 120 à 127 ci-dessus.
129 Premièrement, les dispositions des articles 112 et 113 du règlement no 1224/2009 n’ont, en tant que telles, pas vocation à s’appliquer à des documents, mais seulement à des données collectées dans le cadre de ce règlement.
130 À cet égard, il y a lieu de constater que le règlement no 1224/2009 ne définit pas la notion générale de « données », mais seulement celle, plus spécifique, de « données du système de surveillance des navires » (article 4, point 12, du règlement no 1224/2009).
131 Toutefois, il résulte de l’ensemble des dispositions de ce règlement, et notamment de ses articles 12, 33, 34, 63, 78, 93, 101, 109 et 116, que les données qu’il désigne sont notamment celles enregistrées par les États membres dans diverses bases de données informatiques mises en place par ceux-ci et rendues accessibles dans la partie sécurisée d’un site Internet officiel à un nombre limité d’utilisateurs agréés par les États membres et par la Commission. Sont ainsi, en particulier, visées par
ce règlement les données du système de surveillance des navires, les données relatives aux activités de pêche, en particulier celles du journal de pêche, de la déclaration de débarquement, de la déclaration de transbordement et de la notification préalable, les données provenant des déclarations de prise en charge, des documents de transport et des notes de vente, les données provenant des licences de pêche et des autorisations de pêche, les données relatives à l’épuisement des possibilités de
pêche, les données résultant des rapports d’inspection et de surveillance, les données relatives à la puissance du moteur, les données du système de détection des navires, les données relatives aux observations, les données relatives aux accords de pêche internationaux, les données concernant les entrées et les sorties des zones de pêche, des zones maritimes, des zones de réglementation de certaines organisations régionales ainsi que des eaux de pays tiers, les données du système
d’identification automatique ainsi que les données des registres nationaux des infractions.
132 Deuxièmement, il résulte des articles 112 et 113 du règlement no 1224/2009 qu’ils prévoient trois types de protection des données collectées dans le cadre de ce règlement, applicables, le premier, aux données à caractère personnel [article 112 et article 113, paragraphe 4, sous a), dudit règlement], le deuxième, aux données confidentielles relevant du secret professionnel et commercial [article 113, paragraphe 1 et paragraphe 4, sous b), du même règlement] et, le troisième, aux données
communiquées par un État membre (article 113, paragraphes 2 et 3, dudit règlement). C’est ce troisième et dernier type de protection qui est en cause dans le cadre du présent litige.
133 Troisièmement, il résulte du libellé même de l’article 113, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1224/2009 que les données collectées et transmises par un État membre à la Commission dans le cadre de ce règlement ne peuvent, en principe, être transmises à des personnes autres que celles dont les fonctions exigent qu’elles y aient accès ou être utilisées à d’autres fins que celles prévues par ce règlement que si les États membres ayant communiqué ces données y consentent expressément.
134 Seules les dispositions de l’article 113, paragraphes 4 et 6, du règlement no 1224/2009 pourraient, éventuellement, être interprétées comme permettant, par exception et dans des hypothèses spécifiques, la divulgation de données émanant d’un État membre sans le consentement de ce dernier. En effet, d’une part, ces dispositions, rappelées aux points 125 et 127 ci-dessus, semblent autoriser, en toute hypothèse, la divulgation ou l’utilisation de certaines données aux fins de faire cesser ou de
réprimer une infraction aux règles de la politique commune de la pêche. D’autre part, l’article 113, paragraphe 6, du règlement no 1224/2009 prévoit que l’État membre qui communique les données est seulement informé de l’utilisation desdites données dans le cadre de poursuites judiciaires ou administratives.
135 Il reste à examiner l’articulation entre les dispositions de l’article 113, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1224/2009 et celles du règlement no 1049/2001.
b) Articulation entre l’article 113 du règlement no 1224/2009 et le règlement no 1049/2001
136 En premier lieu, il y a lieu de constater que les règlements nos 1049/2001 et 1224/2009 ont des objectifs différents. Le premier vise à assurer la plus grande transparence possible du processus décisionnel des autorités publiques ainsi que des informations qui fondent leurs décisions. Il vise donc à faciliter au maximum l’exercice du droit d’accès aux documents ainsi qu’à promouvoir de bonnes pratiques administratives (voir, par analogie, arrêt du 29 juin 2010, Commission/Bavarian Lager,
C‑28/08 P, EU:C:2010:378, point 49). Le second vise, aux termes de son article 1er, à établir un régime de contrôle, d’inspection et d’exécution afin d’assurer le respect des règles de la politique commune de la pêche.
137 En l’occurrence, les règlements nos 1049/2001 et 1224/2009 ne comportent pas de disposition prévoyant expressément la primauté de l’un sur l’autre. Dès lors, il convient d’assurer une application de chacun de ces règlements qui soit compatible avec celle de l’autre et en permette ainsi une application cohérente (voir, par analogie, arrêts du 29 juin 2010, Commission/Bavarian Lager, C‑28/08 P, EU:C:2010:378, point 56, et du 28 juin 2012, Commission/Éditions Odile Jacob, C‑404/10 P, EU:C:2012:393,
point 110).
138 En deuxième lieu, eu égard à ce qui a été relevé au point 129 ci-dessus, il convient de constater que les dispositions de l’article 113, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1224/2009 n’ont, en elles-mêmes, pas pour objet de régir les conditions d’accès du public à des documents transmis par un État membre à la Commission dans le cadre de ce règlement. En effet, ces dispositions visent seulement à préciser les conditions dans lesquelles peuvent être transmises et utilisées des données collectées
et transmises par un État membre dans le cadre dudit règlement.
139 Il s’ensuit que les dispositions de l’article 113, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1224/2009 ne constituent pas, en tant que telles, une loi spéciale dérogeant aux règles générales d’accès du public aux documents prévues par le règlementno 1049/2001, mais s’apparentent plutôt à des règles spécifiques assurant une protection renforcée de certaines données, présentant ou non un caractère personnel et indépendamment de leur degré de confidentialité, du simple fait qu’elles ont été communiquées
par un État membre. Cela explique pourquoi le règlement no 1224/2009, qui ne comporte aucune disposition relative à l’accès du public aux documents, ne fait pas référence au règlement no 1049/2001, alors que, dans la mesure où il comporte des dispositions relatives à la protection des données et en particulier de celles qui présentent un caractère personnel, il mentionne, notamment à son article 112, le règlement no 45/2001.
140 Il n’en demeure pas moins que, comme cela a été relevé au point 137 ci-dessus, il convient d’appliquer, de façon cohérente, à la fois le règlement no 1049/2001 et le règlement no 1224/2009.
141 Aussi, les règles d’accès aux documents, qui figurent, notamment, à l’article 4 du règlement no 1049/2001, ne sauraient, lorsque, comme dans la présente affaire, les documents visés par la demande d’accès relèvent d’un domaine particulier du droit de l’Union, en l’espèce, le régime de contrôle afin d’assurer le respect des règles de la politique commune de la pêche, être appliquées et interprétées sans tenir compte des règles spécifiques régissant la transmission et l’utilisation des données
contenues dans ces documents, lesquelles sont prévues, en l’occurrence, par l’article 113, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1224/2009 (voir, par analogie, arrêts du 27 février 2014, Commission/EnBW, C‑365/12 P, EU:C:2014:112, point 83, et du 26 avril 2016, Strack/Commission, T‑221/08, EU:T:2016:242, non publié, point 154).
142 Par suite, lorsqu’une demande fondée sur le règlement no 1049/2001 vise à obtenir l’accès à des documents comprenant des données au sens du règlement no 1224/2009, les dispositions de l’article 113, paragraphes 2 et 3, de ce dernier règlement deviennent intégralement applicables (voir, par analogie, arrêts du 29 juin 2010, Commission/Bavarian Lager, C‑28/08 P, EU:C:2010:378, point 63, et du 2 octobre 2014, Strack/Commission, C‑127/13 P, EU:C:2014:2250, point 70).
143 En troisième lieu, eu égard à ce qui a été relevé aux points 133 et 134 ci-dessus, force est de constater que, sous la seule réserve des exceptions éventuellement prévues par les dispositions de l’article 113, paragraphes 4 et 6, du règlement no 1224/2009, les dispositions de l’article 113, paragraphes 2 et 3, de ce même règlement, applicables aux données contenues dans un document communiqué par un État membre à la Commission dans le cadre dudit règlement, subordonnent toute transmission ou
utilisation non prévue par ledit règlement desdites données au consentement exprès de cet État membre.
144 À cet égard, premièrement, les termes, rappelés au point 126 ci-dessus, de l’article 113, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1224/2009 se distinguent nettement de ceux, rappelés aux points 39 et 94 ci-dessus, de l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 1049/2001. En effet, les dispositions de l’article 113, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1224/2009 interdisent, en principe, certaines formes de transmission ou d’utilisation des données communiquées par un État membre, à moins que ce
dernier n’y consente expressément. À l’inverse, et alors qu’il résulte de l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 1049/2001 que les documents des institutions, y compris ceux émanant des États membres, peuvent en principe être rendus publics, les dispositions de l’article 4, paragraphe 5, du même règlement se bornent à prévoir qu’un État membre peut demander à ce qu’un document émanant de lui ne soit pas divulgué sans son accord préalable.
145 En revanche, l’article 113, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1224/2009 est formulé en des termes analogues à ceux de l’article 9, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001, selon lesquels « [l]es documents sensibles ne sont […] délivrés que moyennant l’accord de l’autorité d’origine ». Or, il résulte de l’article 9, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001 que l’autorité d’origine d’un document sensible dispose du pouvoir de s’opposer à ce que soit divulgué le contenu dudit document (arrêt du
1er février 2007, Sison/Conseil, C‑266/05 P, EU:C:2007:75, point 101).
146 Il s’ensuit que l’article 113, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1224/2009 ne se borne pas, comme l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 1049/2001, à prévoir que, lorsqu’un État membre a formulé une demande spécifique en ce sens, un document émanant de lui ne peut par la suite plus être divulgué sans son accord préalable, mais, à l’exemple de l’article 9, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001, il érige l’accord préalable et exprès de l’État membre en condition absolue de certaines formes
de transmission et d’utilisation des données communiquées par cet État membre (voir, en ce sens, arrêt du 18 décembre 2007, Suède/Commission, C‑64/05 P, EU:C:2007:802, points 47 et 78).
147 Deuxièmement, il apparaît que, s’agissant des données communiquées par un État membre dans le cadre du règlement no 1224/2009, le législateur de l’Union a entendu maintenir, sous une certaine forme, la règle de l’auteur, pourtant en principe abolie en matière d’accès du public aux documents par le règlement no 1049/2001. Cette règle, dans sa forme qui prévalait avant l’entrée en vigueur du règlement no 1049/2001, impliquait que, lorsqu’un document détenu par une institution avait pour auteur un
tiers, la demande d’accès au document devait être adressée directement à l’auteur de ce document (voir, en ce sens, arrêt du 18 décembre 2007, Suède/Commission, C‑64/05 P, EU:C:2007:802, point 56).
148 À cet égard, il a déjà été relevé au point 126 ci-dessus que les dispositions de l’article 113, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1224/2009 sont, en substance, identiques à celles, adoptées avant l’entrée en vigueur du règlement no 1049/2001, de l’article 37, paragraphes 3 et 5, du règlement no 2847/93. Or, lors de l’adoption du règlement no 1224/2009 et dans le cadre du groupe de travail intitulé « Politique intérieure et extérieure de la pêche » du Conseil de l’Union européenne, la
délégation suédoise s’était opposée au maintien de la règle de l’auteur, jugée par elle incompatible avec le règlement no 1049/2001 entre-temps entré en vigueur. En conséquence, cette délégation avait proposé une autre rédaction des dispositions qui sont devenues l’article 113, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1224/2009, afin que soit prévue une simple consultation des autorités ayant communiqué des données. Néanmoins, le Conseil a finalement adopté la proposition de la Commission consistant
à reprendre dans le règlement no 1224/2009, sans y apporter aucune modification significative, les dispositions figurant auparavant à l’article 37, paragraphes 3 et 5, du règlement no 2847/93.
149 Il apparaît donc que, en adoptant l’article 113, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1224/2009, le législateur de l’Union a entendu préserver le pouvoir de l’État membre ayant communiqué des données dans le cadre de ce règlement de contrôler et de maîtriser toute forme de transmission ou d’utilisation de ces données non prévue par ledit règlement.
150 Troisièmement, l’interdiction de transmission ou d’utilisation des données communiquées par un État membre prévue à l’article 113, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1224/2009 s’applique dans tous les cas où cet État membre n’a pas expressément consenti à cette transmission ou à cette utilisation.
151 Il s’ensuit que, contrairement à ce qui a été jugé en ce qui concerne la restriction prévue en matière d’accès du public aux documents par l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 1049/2001 (voir, en ce sens, arrêt du 18 décembre 2007, Suède/Commission, C‑64/05 P, EU:C:2007:802, points 47 et 99), l’application de la restriction prévue à l’article 113, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1224/2009 n’est subordonnée ni à une manifestation de volonté expresse et préalable de l’État membre
concerné, ni à l’invocation par ce dernier d’une exception matérielle prévue par l’article 4, paragraphes 1 à 3, du règlement no 1049/2001 ou par l’article 113, paragraphe 4, du règlement no 1224/2009, ni à la motivation de l’opposition éventuellement formulée par l’État membre.
152 Quatrièmement, étant la conséquence directe de l’absence de consentement exprès de l’État membre ayant communiqué des données, l’interdiction de transmission ou d’utilisation prévue à l’article 113, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1224/2009 n’est pas fondée sur une exception matérielle telle que la protection des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit mentionnée par l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001 ainsi que par l’article 113,
paragraphe 4, sous d), du règlement no 1224/2009. Dès lors, cette interdiction ne saurait, comme le prétend la Commission, prendre fin au moment de la clôture d’une enquête administrative ouverte au titre de l’article 102, paragraphe 2, du règlement no 1224/2009, mais cesse seulement au moment où l’État membre ayant communiqué les données en cause consent expressément à leur transmission ou à leur utilisation.
153 En quatrième et dernier lieu, la communication au public, et notamment à une organisation non gouvernementale, d’un document contenant des données communiquées par un État membre dans le cadre du règlement no 1224/2009 constitue, à l’évidence, une forme de transmission et d’utilisation desdites données non prévue par ce règlement. La République de Malte fait d’ailleurs valoir que, lors de l’adoption du règlement no 1224/2009, et plus spécialement de la disposition qui est devenue l’article 113,
paragraphe 3, dudit règlement et qui interdit l’utilisation de ce type de données à toute « autre fin que celles prévues par [ledit] règlement », la Commission avait expliqué, dans le cadre du groupe de travail intitulé « Politique intérieure et extérieure de la pêche » du Conseil et en réponse à une question de la délégation finlandaise, que les « autres fins » visées par cette disposition pourraient faire référence, notamment, à la publication de données par une organisation non
gouvernementale.
154 Eu égard aux considérations qui précèdent, les dispositions de l’article 113, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1224/2009 interdisent, en principe, la divulgation au public, et notamment à une organisation non gouvernementale, sur le fondement du règlement no 1049/2001, de documents non expurgés des données communiquées par un État membre à la Commission dans le cadre du règlement no 1224/2009, lorsque cet État membre n’y a pas consenti expressément et, a fortiori, lorsque, comme cela est le
cas en l’espèce, ledit État membre s’y est opposé expressément.
155 Cette interprétation n’est pas susceptible d’être remise en cause par l’argumentation de la Commission tirée de ce que le législateur de l’Union ne pouvait valablement édicter une règle mettant en échec l’application du règlement no 1049/2001 sans entacher les dispositions de l’article 113, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1224/2009 d’un défaut de base légale et sans porter une atteinte disproportionnée au droit d’accès aux documents consacré par l’article 42 de la charte des droits
fondamentaux ainsi que par l’article 15, paragraphe 3, TFUE.
156 En effet, premièrement, il résulte d’une jurisprudence constante que le choix de la base juridique d’un acte de l’Union doit se fonder sur des éléments objectifs susceptibles de contrôle juridictionnel, parmi lesquels figurent le but et le contenu de cet acte. Si l’examen d’un acte de l’Union démontre qu’il poursuit deux finalités ou qu’il a deux composantes et si l’une de ces finalités ou de ces composantes est identifiable comme étant principale ou prépondérante tandis que l’autre n’est
qu’accessoire, l’acte doit être fondé sur une seule base juridique, à savoir celle exigée par la finalité ou la composante principale ou prépondérante (voir arrêts du 30 janvier 2001, Espagne/Conseil, C‑36/98, EU:C:2001:64, points 58 et 59 et jurisprudence citée, et du 14 juin 2016, Parlement/Conseil, C‑263/14, EU:C:2016:435, points 43 et 44 et jurisprudence citée).
157 Or, d’une part, il est constant, ainsi que cela a été relevé au point 136 ci-dessus, que le règlement no 1224/2009 a pour but principal d’établir un régime de contrôle, d’inspection et d’exécution afin d’assurer le respect des règles de la politique commune de la pêche. D’autre part, le contenu matériel du règlement no 1224/2009 concerne de façon prépondérante la politique commune de la pêche, fût-ce en prévoyant la collecte et l’échange de diverses données relatives à cette politique. Ce n’est
qu’à titre accessoire que le règlement no 1224/2009 comprend, notamment à ses articles 112 et 113, des dispositions relatives à la protection des données et, en particulier, des dispositions encadrant et restreignant la transmission et l’utilisation des données communiquées par les États membres.
158 Dans ces conditions, le Conseil devait adopter le règlement no 1224/2009 sur la seule base de l’article 43 TFUE, relatif à la politique agricole commune, laquelle englobe la politique commune de la pêche. En particulier, le Conseil ne pouvait adopter l’article 113, paragraphes 2 et 3, de ce règlement ni sur la base de l’article 16 TFUE, relatif à la protection des données à caractère personnel, ni sur celle de l’article 15, paragraphe 3, TFUE, relatif à l’accès aux documents. Par conséquent, le
Conseil pouvait légalement édicter, dans le cadre du règlement no 1224/2009, des règles spécifiques régissant l’accès aux données communiquées par un État membre en application de ce règlement, quand bien même ces règles spécifiques auraient, en pratique, pour conséquence de limiter l’accès du public aux documents contenant de telles données.
159 Deuxièmement, il est certes exact, ainsi que cela a été relevé au point 42 ci-dessus, que l’article 42 de la charte des droits fondamentaux, d’une part, et l’article 15, paragraphe 3, TFUE, d’autre part, prévoient que tout citoyen de l’Union et toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège statutaire dans un État membre a un droit d’accès aux documents des institutions, organes et organismes de l’Union, quel que soit leur support.
160 Toutefois, il y a lieu de rappeler que l’article 15, paragraphe 3, TFUE dispose que les conditions et les limites au droit d’accès aux documents sont fixées par le législateur de l’Union par voie de règlements. Il s’ensuit que le droit d’accès aux documents des institutions, tel qu’il est consacré et garanti par les traités, n’est pas un droit général et absolu et qu’il peut faire l’objet de limitations et de restrictions.
161 En particulier, il convient de noter que la restriction à l’accès aux données prévue par l’article 113, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1224/2009 ne s’applique qu’aux données émanant des États membres et résulte, ainsi qu’il a été relevé au point 147 ci-dessus, de la volonté du législateur de l’Union de maintenir, sous une certaine forme, la règle de l’auteur, laquelle permet d’adresser une demande d’accès à un document directement à l’auteur de ce document. Ainsi, rien n’interdit à une
personne désireuse d’accéder à un document contenant des données communiquées par un État membre dans le cadre du règlement no 1224/2009 de solliciter directement auprès de cet État membre ce document. Dans cette hypothèse, la demande d’accès aux documents sera examinée conformément à la législation nationale de l’État membre concerné.
162 Il s’ensuit que, bien qu’érigeant l’accord préalable et exprès de l’État membre concerné en condition absolue de la divulgation des données communiquées par un État membre dans le cadre du règlement no 1224/2009, les dispositions de l’article 113, paragraphes 2 et 3, du même règlement ne rendent pas impossible ou excessivement difficile l’accès aux documents contenant ces données. Par conséquent, ces dispositions ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit d’accès aux documents
consacré, d’une part, par l’article 42 de la charte des droits fondamentaux et, d’autre part, par l’article 15, paragraphe 3, TFUE.
163 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si, en l’espèce, l’article 113, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1224/2009 s’opposait à la communication à Greenpeace des documents nos 112 à 230.
c) Examen du bien-fondé du moyen tiré de la violation de l’article 113 du règlement no 1224/2009
164 Au préalable, il convient de relever que la République de Malte explique que les documents nos 112 à 230 ont été échangés entre elle et la Commission dans le cadre du règlement no 1224/2009 et qu’ils contiennent des données au sens de ce règlement. Ainsi, par exemple, certains de ces documents contiendraient des données relatives à la position des navires de pêche ou aux activités des navires de pêche libyens. D’autres documents seraient des rapports détaillés, des rapports d’inspection, des
déclarations de transfert en mer et de mise en cage établis par des observateurs maltais et internationaux. Enfin, certains documents auraient été établis dans le cadre de l’enquête administrative ouverte par la République de Malte, puis du suivi de cette enquête par la Commission.
165 La Commission ne conteste pas cette description des documents en cause. En particulier, elle ne remet pas en cause le fait qu’ils ont été échangés dans le cadre du règlement no 1224/2009 et qu’ils contiennent des données au sens de ce règlement.
166 Le Tribunal constate, pour sa part, que les documents nos 112 à 230, produits par la République de Malte, correspondent à la description qui en est faite par cette dernière et qu’ils contiennent des données, notamment chiffrées ou d’ordre technique, du même type que celles mentionnées par le règlement no 1224/2009 et rappelées au point 131 ci-dessus.
167 Dans ces conditions, l’article 113, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1224/2009 était applicable aux données contenues dans les documents nos 112 à 230.
168 Il s’ensuit que, sauf à se prévaloir, éventuellement, des dispositions de l’article 113, paragraphes 4 et 6, du règlement no 1224/2009, la Commission ne pouvait rendre publiques et, en particulier, transmettre à une organisation non gouvernementale les données contenues dans les documents nos 112 à 230 sans le consentement exprès de la République de Malte.
169 Or, en l’espèce, d’une part, il est constant que la République de Malte n’a jamais expressément consenti à la transmission à Greenpeace des données contenues dans les documents nos 112 à 230 et que, au contraire, elle s’y est même expressément opposée, notamment dans ses courriers des 30 novembre 2015, 3 et 27 mai 2016. D’autre part, la Commission n’a jamais établi ni même allégué que la communication à Greenpeace des données contenues dans ces documents aurait été nécessaire afin de faire
cesser ou de réprimer une infraction aux règles de la politique commune de la pêche.
170 Par ailleurs, eu égard à ce qui a été relevé au point 153 ci-dessus, la Commission n’est pas fondée à soutenir que le consentement exprès de la République de Malte à la transmission ou à l’utilisation des données communiquées par les autorités maltaises n’était plus nécessaire, au motif que l’enquête administrative avait été close en 2011 et que la République de Malte avait mis en œuvre, dès février 2013 et de façon satisfaisante, le plan d’action établi à la suite de cette enquête.
171 Par conséquent, en l’absence d’accord des autorités maltaises, la Commission ne pouvait légalement donner accès aux documents en cause, sauf à les expurger de l’ensemble des données relevant du règlement no 1224/2009 qu’ils contenaient.
172 Force est toutefois de constater que la Commission a décidé de communiquer à Greenpeace les documents nos 112 à 230, expurgés des seules données à caractère personnel qu’ils contenaient, sans tenir compte du fait qu’ils contenaient également des données au sens, plus général, du règlement no 1224/2009. À cet égard, le Tribunal relève que, à aucun moment, la Commission n’a recherché si ces dernières données étaient effectivement dissociables des documents qui les contenaient et si, par suite, il
lui était, en l’espèce, possible de donner accès aux documents en cause sous une forme expurgée desdites données.
173 Dans ces conditions, la République de Malte est fondée à soutenir que, en accordant à Greenpeace l’accès aux documents nos 112 à 230 et, par suite, aux données qu’ils contenaient, la Commission a violé les dispositions de l’article 113, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1224/2009.
174 Partant, le quatrième moyen, qui n’est soulevé qu’en rapport avec les documents nos 112 à 230, doit être accueilli.
175 Il résulte de tout ce qui précède, d’une part, que la décision attaquée doit être annulée en tant qu’elle accorde à Greenpeace l’accès aux documents nos 112 à 230 et, d’autre part, que le surplus des conclusions de la requête doit être rejeté.
IV. Sur les dépens
176 Aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens.
177 En l’espèce, la Commission a succombé en ce qui concerne la divulgation des documents nos 112 à 230 et la République de Malte a succombé en ce qui concerne la divulgation des documents nos 1 à 111 et 231 à 240. Il y a donc lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (neuvième chambre)
déclare et arrête :
1) La décision du secrétaire général de la Commission européenne du 13 juillet 2016 statuant sur une demande confirmative de Greenpeace d’accès à des documents relatifs à une expédition prétendument irrégulière de thon rouge vivant, de la Tunisie vers Malte, est annulée en tant qu’elle accorde à Greenpeace l’accès aux documents énumérés à son annexe B sous les numéros 112 à 230.
2) Le recours est rejeté pour le surplus.
3) Chaque partie supportera ses propres dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé.
Gervasoni
Kowalik-Bańczyk
Mac Eochaidh
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 3 mai 2018.
Signatures
Table des matières
I. Antécédents du litige
II. Procédure et conclusions des parties
III. En droit
A. Sur la recevabilité
1. Sur la recevabilité des conclusions de la République de Malte et des quatre premiers moyens invoqués au soutien de ces conclusions
2. Sur la recevabilité du cinquième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation
B. Sur le fond
1. Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation
2. Sur les trois premiers moyens, relatifs à la procédure d’adoption de la décision attaquée
a) Caractère opérant des trois premiers moyens
1) Règles procédurales prévues aux articles 6 à 8 du règlement no 1049/2001
2) Règles procédurales prévues à l’article 4, paragraphes 4 et 5, du règlement no 1049/2001 ou résultant de l’obligation de coopération loyale
b) Examen du bien-fondé des griefs tirés de l’octroi de délais de réponse insuffisants et de la méconnaissance de l’obligation de coopération loyale
3. Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 113 du règlement no 1224/2009
a) Présentation de l’article 113 du règlement no 1224/2009 et de son contexte
b) Articulation entre l’article 113 du règlement no 1224/2009 et le règlement no 1049/2001
c) Examen du bien-fondé du moyen tiré de la violation de l’article 113 du règlement no 1224/2009
IV. Sur les dépens
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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.