ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)
17 janvier 2018 ( *1 )
« Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marque de l’Union européenne figurative représentant une croix sur le côté d’une chaussure de sport – Marque de position – Usage sérieux de la marque – Article 15, paragraphe 1, et article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 207/2009 [devenus article 18, paragraphe 1, et article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001] »
Dans l’affaire T‑68/16,
Deichmann SE, établie à Essen (Allemagne), représentée par Me C. Onken, avocat,
partie requérante,
contre
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. D. Gája, en qualité d’agent,
partie défenderesse,
l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant
Munich, SL, établie à Capellades (Espagne), représentée par Mes J. Güell Serra et M. del Mar Guix Vilanova, avocats,
ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 4 décembre 2015 (affaire R 2345/2014-4), relative à une procédure de déchéance entre Deichmann et Munich,
LE TRIBUNAL (quatrième chambre),
composé de MM. H. Kanninen, président, J. Schwarcz (rapporteur) et C. Iliopoulos, juges,
greffier : Mme X. Lopez Bancalari, administrateur,
vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 15 février 2016,
vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 11 avril 2016,
vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 29 juillet 2016,
à la suite de l’audience du 27 juin 2017,
rend le présent
Arrêt
Antécédents du litige
1 Le 6 novembre 2002, l’intervenante, Munich, SL, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié, lui-même remplacé
par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].
2 La marque figurative dont l’enregistrement a été demandé était représentée comme suit :
Image
3 Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Chaussures de sport ».
4 La marque a été enregistrée le 24 mars 2004 sous le numéro 2923852.
5 Dans le cadre de l’action en contrefaçon engagée par l’intervenante devant le Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf, Allemagne), contre la requérante, Deichmann SE, cette dernière a introduit, le 29 juin 2010, une demande reconventionnelle au titre de l’article 100, paragraphe 1, de l’article 51, paragraphe 1, sous a), et de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 [devenus article 128, paragraphe 1, article 58, paragraphe 1, sous a), et article 59,
paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001]. Le Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf) a dûment signifié la demande reconventionnelle à l’EUIPO et ce fait a été inscrit au registre des marques de l’Union européenne, conformément à l’article 100, paragraphe 4, du règlement no 207/2009 [devenu article 128, paragraphe 4, du règlement 2017/1001]. Le 26 octobre 2010, le Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf) a décidé de surseoir à statuer sur l’action en
contrefaçon au titre de l’article 100, paragraphe 7, du règlement no 207/2009 (devenu article 128, paragraphe 7, du règlement 2017/1001) et a invité la requérante à présenter une demande en déchéance et en nullité à l’EUIPO dans un délai de trois mois.
6 Le 26 janvier 2011, la requérante a déposé, auprès de l’EUIPO, une demande en déchéance de la marque en cause sur le fondement de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, au motif que celle-ci n’avait pas fait l’objet d’un usage sérieux au sein de l’Union européenne, notamment au cours des cinq années précédant la date de la demande reconventionnelle, pour les produits pour lesquels elle avait été enregistrée (affaire 5141 C, visée par le présent recours). Par ailleurs, le
même jour, la requérante a introduit, auprès de l’EUIPO, une demande en nullité de la marque en cause pour des motifs absolus, sur le fondement de l’article 52, paragraphe 1, sous a), de ce même règlement (affaire 5143 C).
7 Le 31 janvier 2011, l’EUIPO a invité l’intervenante à produire les preuves concernant l’usage de la marque en cause. Le 28 avril 2011, l’intervenante a apporté un ensemble de preuves d’usage. Il s’agissait, dans une première annexe, de factures datées entre le 26 janvier 2006 et le 26 janvier 2011, émises par Berneda SA, à savoir une entreprise liée à l’intervenante et autorisée par cette dernière à utiliser la marque en cause. Ces factures étaient adressées à des clients dans divers États membres
et faisaient référence à des numéros de modèles de chaussures spécifiques. Des tableaux ont été inclus par l’intervenante pour chaque État membre, mettant en relation les numéros de modèles de chaussures vendus avec les entrées de catalogue correspondantes, figurant dans une seconde annexe. Celle-ci portait sur des catalogues généraux et saisonniers de 2006 à 2011, présentant des photographies de chaussures dont les numéros de modèles correspondaient à ceux des factures présentées dans la première
annexe. L’intervenante a indiqué avoir compris que la période appropriée correspondait aux cinq années précédant la date de la demande en déchéance devant l’EUIPO. Toutefois, pour le cas où l’EUIPO devait considérer que la période appropriée correspondait aux cinq années précédant la date de dépôt de la demande reconventionnelle devant le Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf), l’intervenante a soutenu qu’elle pouvait soumettre des documents supplémentaires attestant d’un usage
de la marque en cause pour la période allant du 29 juin 2005 au 26 janvier 2006. Le 29 avril 2011, elle a encore produit un tableau de six pages établissant des références croisées entre chaque facture et modèle de chaussures vendu par rapport au numéro de modèle contenu dans les catalogues figurant à la seconde annexe susvisée, pour certaines factures supplémentaires émises par l’entreprise Berneda et concernant la période allant du 25 août 2009 au 26 janvier 2011.
8 Le 25 juin 2014, l’intervenante a indiqué, « par précaution », qu’elle se fondait également sur des documents qu’elle avait déposés devant l’EUIPO dans le cadre d’une autre procédure, à laquelle elle renvoyait.
9 Par décision du 7 août 2014, la division d’annulation a accueilli la demande en déchéance, prononcé la déchéance de la marque en cause à compter du 26 janvier 2011 et condamné l’intervenante aux dépens. En substance, elle a estimé que les éléments de preuve présentés n’avaient pas permis de prouver l’usage sérieux de ladite marque au cours de la période appropriée, qu’elle a considéré, sans en expliquer la raison, comme étant la période de cinq ans précédant immédiatement la date de dépôt de la
demande en déchéance devant l’EUIPO. En particulier, la division d’annulation a estimé que les éléments de preuve présentés concernaient des situations d’utilisation de formes qui différaient de la marque en cause par des éléments qui en altéraient le caractère distinctif, au sens de l’article 15, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 [devenu article 18, paragraphe 1, du règlement 2017/1001].
10 Le 10 septembre 2014, l’intervenante a formé un recours contre la décision de la division d’annulation.
11 Par décision du 4 décembre 2015 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a annulé la décision de la division d’annulation et a rejeté la demande en déchéance. Elle a relevé, en substance, que les éléments de preuve d’usage démontraient l’utilisation de la marque en cause pour les « chaussures de sport », relevant de la classe 25, au cours de la période pertinente qu’elle a définie comme correspondant aux cinq années précédant la date de dépôt de la demande
reconventionnelle, à savoir la période allant du 29 juin 2005 au 28 juin 2010 (ci-après la « période pertinente »).
12 Plus particulièrement, s’agissant du caractère de la marque en cause, la chambre de recours, après avoir fait observer qu’elle consistait en la représentation graphique telle qu’elle figure au point 2 ci-dessus et après l’avoir décrite de manière détaillée, a considéré que, « dans la mesure où [c’était] la représentation graphique qui [définissait] la marque, la question de savoir [s’il s’agissait] d’une marque de position ou d’une marque figurative [n’était] pas pertinente ». En réalité, selon
la chambre de recours, les marques de position se rapprochent des catégories de marques figuratives et tridimensionnelles dès lors qu’elles visent à l’application d’éléments figuratifs et tridimensionnels à la surface d’un produit. Le facteur déterminant au regard de l’étendue de la protection de la marque ne serait pas la qualification du signe concerné en tant que signe figuratif, tridimensionnel ou de position, mais la manière dont la marque serait perçue par le public pertinent par rapport
aux produits concernés. Cette manière de percevoir la marque serait susceptible d’être influencée uniquement par la nature du signe tel qu’il a été enregistré. Selon la chambre de recours, la marque en cause « viserait à la protection d’un motif en forme de croix spécifique placé sur une partie déterminée de la surface du produit désigné, à savoir une chaussure de sport ». La chambre de recours a estimé que la marque en cause ne pouvait être dissociée de la forme d’une partie de ce produit, à
savoir de la partie supérieure d’une chaussure de sport.
13 Ensuite, la chambre de recours a procédé à une analyse des éléments de preuve présentés par l’intervenante, consistant notamment en un nombre important de factures et de catalogues de produits, en concluant, en substance, qu’ils attestaient, dans l’ensemble, d’un usage sérieux de la marque en cause, c’est-à-dire de son exploitation commerciale réelle, en ce qui concernait l’importance de l’usage, sa durée, son envergure géographique et sa nature. À ce dernier égard, la chambre de recours a
constaté que la conclusion de la division d’annulation, selon laquelle les images figurant dans les nombreux catalogues soumis par l’intervenante représenteraient différents types de chaussures de sport sur lesquelles étaient apposées diverses lignes croisées altérant le caractère distinctif de la marque en cause, ne pouvait être approuvée. Au contraire, selon la chambre de recours, les différences entre la marque telle qu’utilisée et la marque en cause seraient « négligeables, à peine visibles,
voire pas du tout ». La chambre de recours a estimé que, dans les circonstances d’espèce, elle pouvait également prendre en considération, aux fins d’établir l’usage sérieux de la marque en cause, des éléments en couleurs, nonobstant le fait que la marque ait été enregistrée en noir et blanc.
14 Enfin, la chambre de recours s’est référée à certains éléments additionnels confirmant ses conclusions, tels qu’un arrêt du Juzgado de marca comunitaria d’Alicante (tribunal des marques communautaires d’Alicante, Espagne), du 31 juillet 2007, « établissant que la marque [en cause] était considérée comme forte et renommée dans le domaine des chaussures de sport en Espagne », ou d’autres éléments de preuve se rapportant à une période postérieure au 28 juin 2010, qui démontreraient l’existence d’une
« tendance générale d’un usage constant et ininterrompu », tel qu’établi pour la période pertinente.
Conclusions des parties
15 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens.
16 L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
17 L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– confirmer la décision attaquée ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
18 À l’appui de son recours, la requérante soulève trois moyens. Le premier est tiré d’une violation de l’article 51, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, dans la mesure où la chambre de recours aurait apprécié de manière erronée l’objet de la marque en cause, en estimant que la question de savoir s’il s’agissait d’une marque figurative ou d’une marque de position était dénuée de pertinence. Le deuxième moyen est tiré d’une violation de l’article 51, paragraphe 1, et de l’article 15,
paragraphe 1, de ce même règlement, dans la mesure où, pour déterminer si la marque en cause était utilisée sous sa forme enregistrée ou sous une forme n’altérant pas son caractère distinctif, la chambre de recours se serait contentée de comparer uniquement une partie de celle-ci, à savoir deux bandes entrecroisées, avec les bandes apposées sur les chaussures de sport prétendument commercialisées par l’intervenante. Le troisième moyen est tiré d’une violation de l’article 51, paragraphe 1, du
règlement no 207/2009, dans la mesure où la décision attaquée se fonderait sur des modèles de chaussures dont la commercialisation par l’intervenante n’aurait pas été démontrée.
19 Il convient de constater que, par ses moyens, la requérante soutient, en substance, que la chambre de recours s’est trompée sur l’objet même de la marque en cause et prétend que celle-ci n’a pas été utilisée sous la forme sous laquelle elle a été enregistrée, à savoir, selon elle, en tant que représentation des contours d’une chaussure de sport sans semelles, avec deux bandes entrecroisées sur le côté.
20 En raison des allégations de la requérante, présentées dans le cadre des deuxième et troisième moyens, il sera procédé à un examen conjoint de ceux-ci, après un examen du premier moyen.
21 Par ailleurs, dans la mesure où l’intervenante sollicite notamment la confirmation de la décision attaquée, il convient de relever que, étant donné que « confirmer la décision attaquée » équivaut à rejeter le recours, le deuxième chef de conclusions de l’intervenante tend, en substance, au rejet du recours et se confond ainsi avec son premier chef de conclusions [voir, en ce sens, arrêt du 5 février 2016, Kicktipp/OHMI – Italiana Calzature (kicktipp), T‑135/14, EU:T:2016:69, point 19 (non publié)
et jurisprudence citée].
Sur le premier moyen
22 Selon la requérante, la marque en cause n’a pas été enregistrée sous la catégorie « autres » marques et elle ne peut être considérée comme une marque « de position », mais uniquement comme une marque figurative. Elle serait définie par sa représentation graphique, telle qu’elle ressort du certificat d’enregistrement, sans que la « perception du public » ait un rôle déterminant à cet égard. Selon elle, il ne saurait être admis qu’il s’agissait de « n’importe quelle chaussure de sport ordinaire »,
ni d’une chaussure « avec semelles ». Aucune conséquence particulière ne découlerait du fait que les contours de l’image d’une chaussure, qui composent la marque en cause, sont représentés par des lignes en pointillés. De même, selon la requérante, la référence faite par l’intervenante au fait que l’ancienneté de la marque espagnole « de position » enregistrée sous le numéro 1658216 aurait été acceptée par l’EUIPO, pour la marque en cause, est sans conséquence sur la solution du présent litige.
Dans le cadre de sa demande d’audience, du 5 septembre 2016, la requérante a fait référence à une décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO, du 6 juillet 2016 (affaire R 408/2015–4). Elle a soutenu que cette affaire était analogue à la présente affaire et que la marque représentant deux lignes parallèles changeant, à plusieurs reprises, de direction, placées sur le côté d’une chaussure de sport, avait été considérée comme une marque figurative et non comme une marque « de position ».
À l’audience, la requérante a fait valoir que son renvoi à la décision susvisée était recevable, dès lors que celle-ci était publiée dans la langue de procédure, à savoir l’anglais, sur le site Internet de l’EUIPO.
23 L’EUIPO et l’intervenante contestent les allégations de la requérante. À l’audience, l’intervenante a, en outre, prétendu que la référence faite par la requérante à la décision de la chambre de recours du 6 juillet 2016 était irrecevable, d’une part, en raison du fait qu’elle n’avait pas été présentée dans son intégralité en langue de procédure et, d’autre part, dès lors que la requérante n’aurait pas suffisamment précisé les raisons en faveur de la prise en considération de ladite décision en
l’espèce.
24 Aux termes de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, le titulaire de la marque de l’Union européenne est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l’EUIPO ou sur demande reconventionnelle dans une action de contrefaçon, si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et s’il n’existe pas de justes motifs pour le
non-usage.
25 En vertu de la règle 22, paragraphes 3 et 4, du règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement no 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO 1995, L 303, p. 1) [devenue article 10, paragraphes 3 et 4, du règlement délégué (UE) 2017/1430, de la Commission, du 18 mai 2017, complétant le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil sur la marque de l’Union européenne et abrogeant les règlements (CE) no 2868/95 et (CE) no 216/96 (JO 2017,
L 205, p. 1)], applicable aux procédures de déchéance conformément à la règle 40, paragraphe 5, du même règlement (devenue article 19, paragraphe 1 du règlement 2017/1430), la preuve de l’usage doit porter sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque et se limite, en principe, à la production de pièces justificatives, comme des emballages, des étiquettes, des barèmes de prix, des catalogues, des factures, des photographies, des annonces dans les journaux
ainsi qu’aux déclarations écrites visées à l’article 78, paragraphe 1, sous f), du règlement no 207/2009 [devenu article 97, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001].
26 Dans l’interprétation de la notion d’usage sérieux, il convient de prendre en compte le fait que la ratio legis de l’exigence selon laquelle la marque doit avoir fait l’objet d’un usage sérieux ne vise ni à évaluer la réussite commerciale, ni à contrôler la stratégie économique d’une entreprise ou encore à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes [voir arrêt du 27 septembre 2007, La Mer Technology/OHMI – Laboratoires Goëmar (LA
MER), T‑418/03, non publié, EU:T:2007:299, point 53 et jurisprudence citée].
27 Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits et des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque. De plus, la condition relative à l’usage sérieux de
la marque exige que celle-ci, telle qu’elle est protégée sur le territoire pertinent, soit utilisée publiquement et vers l’extérieur [voir arrêt du 6 octobre 2004, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Krafft (VITAKRAFT), T‑356/02, EU:T:2004:292, point 26 et jurisprudence citée].
28 L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits et des services visés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de
la marque [voir arrêt du 10 septembre 2008, Boston Scientific/OHMI – Terumo (CAPIO), T‑325/06, non publié, EU:T:2008:338, point 30 et jurisprudence citée].
29 Par ailleurs, l’usage sérieux d’une marque ne peut être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné [voir arrêt du 23 septembre 2009, Cohausz/OHMI – Izquierdo Faces (acopat), T‑409/07, non publié, EU:T:2009:354, point 36 et jurisprudence citée]. Il convient de procéder à une appréciation globale qui tient compte de tous les facteurs pertinents du
cas d’espèce et qui implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte [voir arrêt du 18 janvier 2011, Advance Magazine Publishers/OHMI – Capela & Irmãos (VOGUE), T‑382/08, non publié, EU:T:2011:9, point 30 et jurisprudence citée].
30 Il convient de rappeler qu’il n’est pas possible de déterminer a priori, de manière abstraite, quel seuil quantitatif doit être retenu pour déterminer si l’usage avait ou non un caractère sérieux et qu’une règle de minimis, qui ne permettrait pas à l’EUIPO ou, sur recours, au Tribunal d’apprécier l’ensemble des circonstances du litige qui leur est soumis ne peut être fixée. Ainsi, lorsqu’il répond à une réelle justification commerciale, un usage même minime peut être suffisant pour établir
l’existence d’un caractère sérieux (arrêt du 11 mai 2006, Sunrider/OHMI, C‑416/04 P, EU:C:2006:310, point 72).
31 Enfin, il y a lieu de préciser que, en vertu des dispositions de l’article 15, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous a), du règlement no 207/2009 [devenu article 18, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous a), du règlement 2017/1001] la preuve de l’usage sérieux d’une marque antérieure, nationale ou de l’Union européenne, comprend également la preuve de l’utilisation de la marque antérieure sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de cette marque dans la forme
sous laquelle elle a été enregistrée.
32 S’agissant de la qualification d’une marque comme marque « de position », il convient d’observer que ni le règlement no 207/2009 ni le règlement no 2868/95 ne mentionnent de telles marques en tant que catégorie particulière de marques. Cependant, dans la mesure où l’article 4 du règlement no 207/2009 [devenu article 4 du règlement 2017/1001] ne comporte pas de liste exhaustive des signes susceptibles de constituer des marques de l’Union européenne, cette circonstance est sans pertinence
s’agissant du caractère enregistrable des « marques de position » [voir, en ce sens, arrêt du 15 juin 2010, X Technology Swiss/OHMI (Coloration orange de la pointe d’une chaussette), T‑547/08, EU:T:2010:235, point 19].
33 Il apparaît, en outre, que les « marques de position » se rapprochent des catégories de marques figuratives et tridimensionnelles, dès lors qu’elles visent l’application d’éléments figuratifs ou tridimensionnels à la surface d’un produit (voir, en ce sens, arrêt du 15 juin 2010, Coloration orange de la pointe d’une chaussette, T‑547/08, EU:T:2010:235, point 20). Il ressort de cette même jurisprudence que, dans le cadre de l’appréciation du caractère distinctif d’une marque, la qualification d’une
« marque de position » en tant que marque figurative ou tridimensionnelle ou en tant que catégorie spécifique de marques est sans pertinence (arrêt du 15 juin 2010, Coloration orange de la pointe d’une chaussette, T‑547/08, EU:T:2010:235, point 21).
34 Par ailleurs, il y a lieu de relever que la jurisprudence reconnaît la possibilité que des marques figuratives soient en réalité des marques « de position » [voir, en ce sens, arrêts du 18 avril 2013, Colloseum Holding, C‑12/12, EU:C:2013:253, point 13, et du 28 septembre 2010, Rosenruist/OHMI (Représentation de deux courbes sur une poche), T‑388/09, non publié, EU:T:2010:410, points 2 et 17].
35 En l’espèce, il convient de constater, tout d’abord, que, sur le formulaire de demande d’enregistrement déposé par l’intervenante, cette dernière a expressément indiqué demander l’enregistrement d’une marque figurative en cochant la case à cet effet, et non celles prévues pour les marques « verbales »,« tridimensionnelles » ou « autres ». Il y a également lieu de relever qu’il n’a pas été avancé et qu’il ne ressort pas non plus du dossier que les formulaires de demandes d’enregistrement de
marques de l’Union européenne prévoyaient, à la date de la demande de la marque en cause, une case à part pour des marques dites « de position ». Il est par ailleurs constant que la marque en cause a uniquement été demandée pour les produits « chaussures de sport ». Il est possible d’établir un certain lien entre la marque en cause et l’apparence des produits couverts par celle-ci, dans la mesure où ladite marque est représentée par un graphisme spécifique, sous la forme d’une croix sur le côté
d’une chaussure de sport, étant précisé que les contours exacts de celle–ci ne sont pas revendiqués au titre de la marque dès lors qu’ils apparaissent en pointillés. Il convient encore de relever que la croix en cause présente un contraste de couleur avec la chaussure de sport elle-même et est placée en dessous des lacets.
36 Contrairement à ce que soutient la requérante, il ne saurait être déduit du seul fait que la case « marque figurative » a été cochée lors de l’enregistrement de la marque en cause que celle-ci ne puisse être considérée, concomitamment, comme étant une marque « de position ». À ce dernier égard, il convient en particulier de tenir compte du fait que sa représentation graphique désigne clairement, en traits pleins, l’élément dont la protection est demandée et, en pointillés, les contours des
produits en cause, sur lesquels celui-ci est apposé. En outre, il y a lieu de relever qu’il n’existait pas, à la date pertinente en l’espèce, d’exigence formelle de joindre au formulaire de demande d’enregistrement d’une marque une description verbale pour que celle-ci puisse être considérée comme étant une marque « de position ». Il faut cependant rappeler que la marque en cause, tout en étant considérée comme relevant de ce type de marque, demeure également une marque figurative.
37 À l’audience, la requérante s’était encore référée aux directives de l’EUIPO sur les pratiques d’examen des marques de l’Union européenne, aux fins de soutenir, en substance, qu’il était nécessaire, s’agissant des marques « de position », d’une part, d’inclure une description de la marque précisant la position de celle-ci sur le produit en cause et, d’autre part, d’indiquer explicitement qu’il s’agissait d’une marque « de position ». Or, à cet égard, il y a lieu de relever, sans même qu’il soit
nécessaire d’évaluer si le renvoi susvisé avait été fait à la version des directives de l’EUIPO applicable à la date de la demande d’enregistrement de la marque en cause, que conformément à la jurisprudence, de telles directives ne constituent pas des actes juridiques contraignants pour l’interprétation des dispositions du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2012, Leno Merken, C‑149/11, EU:C:2012:816, point 48).
38 À titre surabondant, en tant qu’indice additionnel menant à considérer la marque en cause comme une marque « de position », il convient d’ajouter que, comme le soutiennent, à juste titre, l’EUIPO et l’intervenante devant le Tribunal, cette dernière avait revendiqué une antériorité, sur la base de la marque espagnole numéro 1658216, demandée le 27 septembre 1991 et enregistrée le 5 juin 1992, dont la représentation graphique était identique à la marque en cause et qui contenait, de surcroît, une
description précisant que la marque consistait en la représentation d’une croix située sur le côté d’une chaussure de sport.
39 Il convient encore d’analyser l’allégation de la requérante, suivant laquelle la chambre de recours aurait interprété la marque en cause comme incluant des éléments qui n’en font pas partie et qui seraient ajoutés « à la discrétion de quiconque », comme des semelles, ce qui contreviendrait aux exigences ressortant notamment des points 48 à 55 de l’arrêt du 12 décembre 2002, Sieckmann (C‑273/00, EU:C:2002:748), et portant sur la représentation graphique d’une marque.
40 À cet égard, il suffit de constater que, en l’espèce, il peut être déduit directement de la représentation graphique de la marque en cause, et ce avec suffisamment de précision, que la protection sollicitée visait uniquement une croix, constituée de deux lignes noires interposées, représentées en traits continus. En revanche, les traits en « pointillés », formant les contours de la chaussure de sport et ses lacets, doivent être compris comme permettant de préciser l’emplacement de ladite croix.
Il en est ainsi indépendamment du type de semelles fixées auxdites chaussures, qu’elles soient normales ou crantées, comme l’a constaté, à juste titre, la chambre de recours au point 20 de la décision attaquée.
41 En effet, il convient de relever que c’est en ce sens que les pointillés sont utilisés de manière habituelle dans des situations comparables, à savoir, au regard des divers produits sur lesquels une marque est apposée, sans nécessairement indiquer en détail l’ensemble des contours ou d’autres caractéristiques desdits produits [arrêts du 7 février 2007, Kustom Musical Amplification/OHMI (Forme d’une guitare), T‑317/05, EU:T:2007:39 ; par analogie, du 14 juin 2011, Sphere Time/OHMI – Punch (Montre
attachée à une lanière), T‑68/10, EU:T:2011:269, points 62 à 64 ; du 26 février 2014, Sartorius Lab Instruments/OHMI (Arc de cercle jaune en bas d’un écran), T‑331/12, EU:T:2014:87, et du 14 mars 2014, Lardini/OHMI (Apposition d’une fleur sur un col), T‑131/13, non publié, EU:T:2014:129 ; voir également, en ce sens, arrêt du 4 décembre 2015, K-Swiss/OHMI (Représentation de bandes parallèles sur une chaussure), T‑3/15, non publié, EU:T:2015:937, et, par analogie, arrêt du 21 mai 2015,
adidas/OHMI – Shoe Branding Europe (Deux bandes parallèles sur une chaussure), T‑145/14, non publié, EU:T:2015:303].
42 En l’espèce, l’utilisation des pointillés avait clairement pour but de faciliter la compréhension du fait que seule la protection de la croix, représentée en traits pleins, était visée par la marque en cause, et ce dans une position précise sur les chaussures de sport. D’ailleurs, il ressort de l’arrêt du 12 novembre 2013, Gamesa Eólica/OHMI – Enercon (Dégradé de verts) (T‑245/12, non publié, EU:T:2013:588, point 38), qu’aucune règle n’oblige à représenter les contours du signe en pointillés,
afin d’indiquer, le cas échéant, que lesdits contours ne font pas l’objet de la protection. Le fait d’avoir utilisé de tels pointillés en l’espèce peut être interprété comme ayant permis une meilleure délimitation de ce qui constitue la marque en cause.
43 Il est possible de conclure que, si la marque en cause vise la protection pour une représentation de croix, constituée de deux lignes noires interposées, en traits continus, cette protection n’est pas revendiquée dans l’abstrait, mais pour l’application du graphisme en cause sur le côté latéral d’une chaussure de sport, de manière telle qu’elle ressort du formulaire portant demande d’enregistrement, avec un contraste de couleur par rapport à la chaussure elle-même. La forme de ladite chaussure,
en tant que telle, n’est pas visée par la marque, pas plus que le type de semelles utilisées.
44 Dans ces circonstances, contrairement à ce que soutient la requérante, il convient de souligner que la chambre de recours a pu, à bon droit, considérer que, « dans la mesure où [c’était] la représentation graphique qui [définissait] la marque, la question de savoir [s’il s’agissait] d’une marque de position ou d’une marque figurative [n’était] pas pertinente » (voir point 12 ci-dessus). C’est également à juste titre que la chambre de recours est partie de la prémisse que la marque en cause ne
pouvait être dissociée de la forme d’une partie du produit pour lequel elle était protégée, à savoir de la partie supérieure d’une chaussure de sport, et que le facteur déterminant au regard de l’étendue de sa protection était la manière dont elle serait perçue, sur le seul fondement du signe tel qu’enregistré.
45 Par ailleurs, il y a lieu de constater que cette conclusion n’est pas invalidée par le renvoi fait par la requérante à la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO, du 6 juillet 2016 (affaire R 408/2015–4), dont les circonstances de fait et de droit sont différentes de celles de la présente affaire.
46 À cet égard, il convient de rejeter comme non fondée la critique de l’intervenante portant sur l’absence de traduction dans la langue de procédure, de la décision susvisée ainsi que son allégation portant sur l’irrecevabilité du renvoi effectué par la requérante à ladite décision. En effet, d’une part, la requérante a directement traduit en anglais la partie pertinente dans sa demande d’audience du 5 septembre 2016. D’autre part, cette décision est publiée dans sa totalité en anglais sur le site
Internet de l’EUIPO. D’ailleurs, en réponse à une question du Tribunal posée à l’audience, l’intervenante a confirmé avoir pris connaissance du texte de ladite décision.
47 Par ailleurs, il y a lieu de constater que, à la différence du présent cas, dans l’affaire ayant donné lieu à la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO, du 6 juillet 2016, les produits visés par la demande de marque n’étaient pas limités aux « chaussures de sport », mais incluaient également d’autres produits relevant de la classe 25, tels que « des vêtements, […] des couvre-chefs, des ceintures ou des gants ». Dès lors, la question de savoir si la marque comportant une sorte de
graphisme consistant en deux lignes parallèles changeant à plusieurs reprises de direction, et placées sur le côté d’une chaussure de sport, présentait un lien avec la forme des produits visés, se posait d’une manière différente que dans le cas d’espèce, où il a été constaté que la marque en cause ne pouvait être dissociée de la forme d’une partie du produit, à savoir de la partie supérieure d’une chaussure de sport (voir points 12 et 44 ci-dessus).
48 Dans ces circonstances, le renvoi fait par la requérante au point 17 de la décision adoptée dans l’affaire R 408/2015–4, où il était conclu que la marque était une marque figurative et non une marque « de position », ne permet pas de tirer d’analogie pour le cas d’espèce. Par ailleurs, il convient d’ajouter que, en tout état de cause, au point 18 de ladite décision, la chambre de recours de l’EUIPO a indiqué que la question de savoir si la marque demandée devait être considérée comme étant une
marque « de position » n’était pas pertinente pour son analyse.
49 Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, il convient de conclure que la chambre de recours n’a pas commis, en l’espèce, d’erreur en procédant à l’analyse de la question de savoir si les chaussures de sport, dont les ventes étaient avérées par le biais des divers éléments de preuve portant sur l’usage sérieux de la marque en cause, contenaient un élément graphique consistant en un motif en forme de croix spécifique placé sur une partie déterminée de la surface du produit désigné, qui pouvait être
jugé soit comme étant identique, soit comme correspondant à l’élément graphique ressortant de la représentation de la marque en cause, conformément à l’article 15, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009.
50 Il convient de rejeter le premier moyen.
Sur les deuxième et troisième moyens
51 Dans le cadre de son deuxième moyen, la requérante soutient que la chambre de recours aurait dû examiner si la marque en cause, consistant en l’image d’ensemble d’une chaussure de sport avec des bandes entrecroisées, était utilisée sur des chaussures ou liée à des chaussures. Selon elle, cette marque n’apparaît pas sur les chaussures figurant dans les éléments de preuve produits. La requérante prétend que, dans la mesure où la marque en cause est une marque figurative, la commercialisation de
chaussures qui lui ressemblent ne saurait prouver l’usage de cette marque, les consommateurs moyens n’ayant pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se fondant sur leur forme. De surcroît, et en tout état de cause, les chaussures effectivement vendues par l’intervenante différeraient considérablement de la chaussure représentée par la marque en cause. La requérante invoque aussi l’absence de caractère distinctif de la marque en cause ou, à tout le moins, son caractère distinctif
extrêmement faible, de sorte que toute différence dans l’utilisation de la marque altérerait un tel caractère.
52 Dans le cadre de son troisième moyen, la requérante soutient, en substance, qu’il n’est pas établi que les modèles de chaussures REAGEE, TECNO et AVANT, auxquels la chambre de recours fait référence dans la décision attaquée, auraient été commercialisés, et ce même si les modèles concernés ont figuré dans un ou plusieurs catalogues déposés par l’intervenante. Aucune vente n’aurait été établie. La simple représentation dans un catalogue, dont la distribution n’a pas été démontrée, ne suffirait pas
à établir un usage sérieux d’une marque. Plus particulièrement, le modèle MARCELO n’apparaîtrait que dans un seul catalogue, datant de 2006, ce qui démontrerait tout au plus que les dernières ventes de ce modèle remontent à janvier 2007. Selon la requérante, cela devrait conduire à considérer que les conclusions de la chambre de recours, selon lesquelles les éléments de preuve mentionnés constituent des indications suffisantes permettant d’établir l’usage sérieux de la marque, sont entachées
d’erreurs.
53 L’EUIPO et l’intervenante contestent les allégations de la requérante.
54 Dans ce contexte, il y a lieu d’apprécier si les preuves présentées par l’intervenante devant l’EUIPO permettaient, dans leur ensemble, de confirmer un usage sérieux de la marque en cause, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 24 à 30 ci-dessus.
55 En premier lieu, il convient de relever que c’est à juste titre que la chambre de recours a fixé, aux points 17 et 18 de la décision attaquée, la période pertinente comme correspondant aux cinq années précédant la date de dépôt de la demande reconventionnelle, à savoir la période allant du 29 juin 2005 au 28 juin 2010, en tenant compte du libellé des demandes de la requérante présentées, tout d’abord, dans le cadre de la procédure reconventionnelle puis devant l’EUIPO.
56 À cet égard, c’est à bon droit que la chambre de recours a constaté, sans que cela soit d’ailleurs contesté en l’espèce, que la demande en déchéance devant l’EUIPO était une conséquence directe de la demande reconventionnelle introduite par la requérante dans le cadre de l’action en contrefaçon engagée contre elle par l’intervenante devant le Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf) et que tout usage de la marque en cause après que l’intervenante s’est vu signifier cette
contestation reconventionnelle devait être abordé « avec la plus grande circonspection ». La chambre a également constaté à bon droit, au point 18 de la décision attaquée, que les éléments soumis à titre de preuve de l’usage sérieux de la marque en cause après la période pertinente pouvaient, sous certaines conditions, présenter une valeur probante, notamment dans la mesure où ils permettaient d’étayer les éléments de preuve précédents et montrer une tendance et un mode d’utilisation constants
dans le temps.
57 En deuxième lieu, contrairement aux allégations de la requérante, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré, aux points 19 à 30 de la décision attaquée, que les éléments de preuve présentés devant la division d’annulation suffisaient à prouver l’usage sérieux de la marque en cause.
58 En effet, premièrement, il convient de constater que les éléments de preuve mentionnés aux trois premiers tirets du point 27 de la décision attaquée, portant sur les ventes, par l’intervenante ou des entreprises liées qu’elle avait autorisé à utiliser la marque en cause, de chaussures de sport relevant des modèles MARCELO, MUNDIAL REVOLUTION et GALES, dont les images sont présentées au point 24 de ladite décision et dont la chambre de recours a précisé les références concrètes dans le dossier
administratif de l’EUIPO, tel que cela a été communiqué au Tribunal, permettent déjà de soutenir la conclusion que l’usage de la marque en cause portait sur un territoire suffisamment large et diversifié, couvrant ceux de plusieurs États membres de l’Union, notamment le territoire de l’Espagne (incluant plusieurs villes telles que Madrid, Barcelone, Cordoue, Grenade, Tarragone, Cadix, Valence, La Corogne et Gérone), de l’Italie, du Portugal, du Danemark, de la Slovaquie, de la France et de la
Hongrie (il ressort des factures que, pour ces pays également, les ventes ont eu lieu dans plusieurs villes différentes).
59 Deuxièmement, le Tribunal relève que les factures présentées concernant ces modèles de chaussures de sport portent sur plusieurs années de la période pertinente, et même au-delà de celle-ci, comme l’a constaté la chambre de recours au point 30 de la décision attaquée. Ainsi, alors que, pour les chaussures du modèle MARCELO, les éléments de preuve concernent les années 2006/2007, pour le modèle MUNDIAL REVOLUTION, les éléments de preuve présentés concernent des usages de la marque en cause au
cours des années 2007 à 2011. De la même manière, les catalogues portant sur les modèles GALES concernent les années 2006 à 2011.
60 Il en ressort une utilisation suffisamment constante dans le temps. En effet, contrairement aux allégations de la requérante, lesdites factures démontrent un usage réel, constant et ininterrompu. En outre, comme le souligne à juste titre la chambre de recours, si la requérante a pris la date du 26 janvier 2006 et non celle du 29 juin 2005 (voir point 7 ci–dessus) comme début de la période à prendre en considération, de sorte qu’aucun élément de preuve ne porte sur le début de la période
pertinente, à savoir du 29 juin 2005 au 26 janvier 2006, cette circonstance est dépourvue de pertinence. En effet, il est de jurisprudence constante qu’il suffit qu’une marque ait fait l’objet d’un usage sérieux pendant au moins une partie de la période pertinente [voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2008, Deichmann-Schuhe/OHMI – Design for Woman (DEITECH), T‑86/07, non publié, EU:T:2008:577, point 52 et jurisprudence citée].
61 Troisièmement, s’agissant de l’importance de l’usage, c’est à juste titre que la chambre de recours a constaté, au point 27 de la décision attaquée, que les éléments de preuve pris dans leur ensemble attestaient d’une exploitation commerciale réelle de la marque en cause, qui n’était pas seulement symbolique, mais bien d’une ampleur et d’une constance suffisante, pour permettre de maintenir ou de créer des parts de marché pour les produits protégés par la marque.
62 À cet égard, les chiffres indiqués au point 27 de la décision attaquée et dont la véracité n’a pas été contestée par la requérante devant le Tribunal, sont tirés de factures lues en combinaison avec des catalogues. Or, il en ressort que, entre 2006 et 2011, l’intervenante a commercialisé de manière constante un nombre important de chaussures de sport arborant des croix latérales qui ne différaient pas, ou que de façon négligeable, de la marque en cause, à savoir les modèles MARCELO, MUNDIAL
REVOLUTION et GALES. Plus concrètement, s’agissant du premier modèle, qui apparaît dans un catalogue, les ventes portent sur plusieurs dizaines de chaussures, pour un montant total s’élevant à des milliers d’euros. Le deuxième modèle apparaît dans plusieurs catalogues et était vendu à plusieurs centaines de paires, pour un montant total de plusieurs milliers d’euros. Enfin, le troisième modèle apparaît également dans plusieurs catalogues. Ces chaussures de sport, dont l’image est reprise au
point 24 de la décision attaquée, présentent une croix formée sur le côté de la chaussure, en contraste évident avec la couleur du reste de cette chaussure. En raison de la position de la croix ainsi que de ces autres caractéristiques, il convient de conclure que tous ces trois modèles attestent un usage de la marque en cause.
63 Certes, les chiffres concernant les ventes susvisées peuvent ne pas paraître comme étant particulièrement élevés. Toutefois, pris en commun avec les catalogues, ils attestent d’un usage réel, comme cela est indiqué au point 28 de la décision attaquée, et conforme à la jurisprudence rappelée aux points 26 à 30 ci-dessus. En particulier, il convient de rappeler qu’il n’appartient pas à l’EUIPO et, sur recours au Tribunal, d’évaluer la réussite commerciale, ni de contrôler la stratégie économique
d’une entreprise, ni de réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes.
64 En troisième lieu, il convient d’évaluer si la chambre de recours a considéré à juste titre que les éléments de preuve présentés par l’intervenante permettaient, dans leur ensemble, de démontrer l’utilisation d’une marque identique ou suffisamment semblable à celle enregistrée, sans que son caractère distinctif ait été modifié. Il y a lieu de préciser qu’il ne s’agit pas de rechercher si une étiquette sur laquelle figure la marque en cause a été placée sur les produits en cause, ni de comparer
les chaussures vendues à cette même marque incluant les éléments indiqués en pointillés.
65 À cet égard, force est de constater que les différences entre la marque en cause et les variantes utilisées sur les chaussures de sport par l’intervenante sont négligeables. En effet, contrairement aux allégations de la requérante, la croix représentée par deux bandes superposées est au même endroit et dans la même position que ce qui est prévu par la représentation graphique de la marque en cause, à savoir sur le côté extérieur de la chaussure, partant de la semelle ou de la partie basse vers
les lacets. Plusieurs photographies présentées en tant qu’éléments de preuve démontrent une utilisation correspondant à la marque en cause, avec l’une des branches de la croix qui est plus longue que la seconde. De surcroît, l’épaisseur des lignes ainsi que leur inclinaison correspondent, en substance, pour un nombre important de chaussures présentées en tant qu’éléments de preuve devant l’EUIPO, à ce qui ressort de la représentation graphique de la marque en cause.
66 Sur certaines autres chaussures présentées en tant qu’éléments de preuve, les graphismes utilisés sont presque identiques, bien que les proportions et la couleur de la croix utilisée puissent varier. Toutefois, comme l’a affirmé, à juste titre, la chambre de recours, ces éléments n’altèrent pas les caractéristiques distinctives de la marque en cause, enregistrée en noir et blanc, dans la mesure où la couleur ne saurait être considérée comme étant l’un des principaux facteurs conférant à cette
marque son caractère distinctif. En particulier, l’utilisation de couleurs différentes peut être prise en considération en l’espèce dès lors que le contraste entre les couleurs de fond et les lignes constituant la croix est respecté. En ce sens, le fait que certaines des chaussures en question se présentent sous une forme d’« image en négatif », avec la croix en blanc, en jaune ou dans une autre couleur pâle, n’invalide pas la constatation qu’un tel usage, dans la mesure où la croix correspond
dans sa position et dans ses dimensions à la marque en cause, demeure pertinent aux fins de l’analyse d’espèce.
67 Le fait que certaines chaussures comportent également d’autres éléments graphiques qui pourraient être mémorisés par les consommateurs et présenter un caractère distinctif autonome, comme une semelle ou une partie arrière de chaussure colorée et distincte du reste de celle-ci, des crampons, un talon qui se différencie par sa couleur du reste de la chaussure, un « motif cuir de crocodile », un « cache rouge au-dessus des lacets » ou encore pour certaines chaussures, des éléments verbaux
additionnels, ne permet pas de remettre en cause la constatation sur l’usage sérieux de la marque en cause.
68 En effet, il convient de relever qu’il ressort de la jurisprudence que la condition d’« usage sérieux », au sens de l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, peut être satisfaite même lorsqu’une marque de l’Union européenne figurative n’est utilisée qu’en combinaison avec d’autres éléments qui lui sont juxtaposés, voire même surimposés, pour autant que ladite marque continue d’être perçue comme une indication de l’origine du produit en cause (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet
2013, Specsavers International Healthcare e.a., C‑252/12, EU:C:2013:497, points 19 à 27 et jurisprudence citée).
69 Par ailleurs, il y a lieu d’ajouter que, en l’espèce, il ressort des éléments de preuve que la croix, utilisée sur les différentes chaussures et consistant en deux bandes superposées, est clairement perceptible, de manière indépendante de l’éventuelle présence des autres éléments mentionnés par la requérante. C’est à juste titre que la chambre de recours a conclu, au point 25 de la décision attaquée, que, à l’exception de différences négligeables, à peine visibles, voire invisibles, telles que la
longueur précise des branches de la croix, l’épaisseur des lignes ou l’angle exact de leur inclinaison, la représentation de ce motif était pratiquement identique à celui de la marque en cause. De même, c’est à bon droit que l’EUIPO soutient, devant le Tribunal, que, hormis l’énumération de certains éléments supplémentaires figurant sur les chaussures représentées en photos, la requérante n’a avancé aucun argument expliquant de quelles manières ceux-ci altéraient le caractère distinctif de la
marque en cause. Ainsi que le soutient l’EUIPO, lesdits éléments additionnels n’interagissent pas avec la croix constituant l’élément distinctif protégé par la marque en cause.
70 En quatrième lieu, s’agissant des critiques de la requérante émises dans le cadre du troisième moyen et concernant la prétendue insuffisance des preuves portant sur certains modèles de chaussures, à savoir les modèles REAGEE, TECNO et AVANT, il convient de constater que la requérante ne conteste pas le fait que ces modèles de chaussures, auxquels la chambre de recours fait également référence au point 27 de la décision attaquée, ont été représentés dans un ou plusieurs des catalogues fournis par
l’intervenante. L’allégation de la requérante porte uniquement sur le fait que rien n’indiquait que des ventes aient eu réellement lieu.
71 Or, à cet égard, force est de constater que la présentation de produits dans des catalogues peut être prise en considération en tant qu’un indice additionnel portant sur l’usage sérieux d’une marque, dans la mesure où il s’agit d’une utilisation de la marque en cause publiquement et vers l’extérieur ou, à tout le moins, une préparation d’une telle utilisation [voir, en ce sens, arrêts du 6 octobre 2004, VITAKRAFT, T‑356/02, EU:T:2004:292, point 26 et jurisprudence citée, et du 4 juillet
2014,Construcción, Promociones e Instalaciones/OHMI – Copisa Proyectos y Mantenimientos Industriales (CPI COPISA INDUSTRIAL), T‑345/13, non publié, EU:T:2014:614, point 21]. Partant, les éléments de preuves concernant les modèles REAGEE, TECNO et AVANT, sans pouvoir être considérés comme décisifs à eux seuls, peuvent, néanmoins, être pris en considération à titre confirmatoire des faits déjà analysés aux points 57 à 63 ci-dessus.
72 De surcroît, s’agissant du modèle de chaussures de sport MARCELO, il a déjà été constaté que le fait que les éléments de preuve portaient sur la période 2006/2007, c’est-à-dire sur une période relativement courte, n’impliquait pas qu’il s’agissait d’éléments non pertinents. Au contraire, ils s’insèrent, comme l’a constaté à juste titre la chambre de recours, dans l’appréciation d’ensemble permettant de constater un usage sérieux de la marque en cause, conformément au point 30 de l’arrêt du
10 septembre 2008, Boston Scientific/OHMI – Terumo (CAPIO) (T‑325/06, non publié, EU:T:2008:338), cité au point 28 ci-dessus.
73 En cinquième lieu, s’agissant de l’allégation de la requérante portant sur le prétendu faible caractère distinctif de la marque en cause, il suffit de constater que, contrairement à ce qui était le cas dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance du 26 avril 2012, Deichmann/OHMI (C‑307/11 P, non publiée, EU:C:2012:254, point 52), citée par la requérante à l’audience et concernant un autre élément graphique, à savoir celui représentant un « chevron bordé de pointillés », il n’y a pas, en
l’espèce, d’éléments démontrant que la marque en cause présente un caractère distinctif faible. En particulier, à la différence de l’affaire susvisée, il n’a pas été démontré que la marque en cause constituerait une forme simple et banale qui ne divergerait pas significativement des formes communément utilisées dans le secteur de la chaussure ou qu’elle serait exclusivement perçue comme un élément décoratif ou de renforcement pour les produits désignés.
74 Par ailleurs, il convient d’ajouter qu’il a déjà été constaté que la marque en cause a été utilisée à de multiples reprises sous une forme identique ou très semblable à celle enregistrée, ce qui permet de démontrer un usage réel de cette marque même à considérer que son caractère distinctif soit plutôt faible. En outre, s’il convenait de comprendre l’allégation de la requérante comme visant à contester tout caractère distinctif à la marque en cause, il suffit de constater qu’il s’agit d’une
allégation qui n’est pas opérante dans le cadre d’une procédure en déchéance, dans laquelle la validité même d’une marque ne peut être remise en cause.
75 Au demeurant, il convient d’ajouter que le caractère distinctif de la marque en cause a également été constaté par le Juzgado de marca comunitaria d’Alicante (tribunal des marques communautaires d’Alicante), dans un arrêt du 31 juillet 2007, Munich SL, Berneda SL et Bernher SL/Umbro SL et Umbro Int. Ltd, auquel renvoie tant la chambre de recours au point 29 de la décision attaquée que l’intervenante au point 13 de son mémoire en intervention, et dans lequel il est même conclu que la marque en
cause pouvait être considérée, en Espagne, comme forte ou comme ayant un caractère distinctif élevé dans le domaine des chaussures de sport.
76 Partant, il convient de rejeter également les deuxième et troisième moyens et, dès lors, le recours dans son ensemble.
Sur les dépens
77 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
78 La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (quatrième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Deichmann SE est condamnée aux dépens de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) et de Munich, SL.
Kanninen
Schwarcz
Iliopoulos
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 janvier 2018.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais