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13/12/2017 | CJUE | N°T-482/16

CJUE | CJUE, Arrêt du Tribunal, Oscar Orlando Arango Jaramillo e.a. contre Banque européenne d'investissement., 13/12/2017, T-482/16


ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

13 décembre 2017 ( *1 )

« Fonction publique – Personnel de la BEI – Délai de recours – Délai raisonnable – Pensions – Réforme de 2008 – Nature contractuelle de la relation de travail – Proportionnalité – Obligation de motivation – Sécurité juridique – Responsabilité – Préjudice moral »

Dans l’affaire T‑482/16 RENV,

Oscar Orlando Arango Jaramillo, agent de la Banque européenne d’investissement, demeurant à Luxembourg (Luxembourg), et les autres agents de la Ban

que européenne d’investissement dont les noms figurent en annexe ( 1 ), représentés par Mes C. Cortese et B. Cortese, avocats,

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ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

13 décembre 2017 ( *1 )

« Fonction publique – Personnel de la BEI – Délai de recours – Délai raisonnable – Pensions – Réforme de 2008 – Nature contractuelle de la relation de travail – Proportionnalité – Obligation de motivation – Sécurité juridique – Responsabilité – Préjudice moral »

Dans l’affaire T‑482/16 RENV,

Oscar Orlando Arango Jaramillo, agent de la Banque européenne d’investissement, demeurant à Luxembourg (Luxembourg), et les autres agents de la Banque européenne d’investissement dont les noms figurent en annexe ( 1 ), représentés par Mes C. Cortese et B. Cortese, avocats,

parties requérantes,

contre

Banque européenne d’investissement (BEI), représentée initialement par MM. C. Gómez de la Cruz et T. Gilliams, puis par MM. Gilliams et G. Nuvoli et enfin par M. Gilliams et Mme G. Faedo, en qualité d’agents, assistés de Me P.-E. Partsch, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation des décisions de la BEI, contenues dans les bulletins de rémunération des requérants du mois de février 2010, d’augmenter leurs cotisations au régime des pensions et, d’autre part, à la condamnation de la BEI au versement d’un euro symbolique, à titre de réparation du préjudice moral que les requérants auraient prétendument subi,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de MM. M. Prek (rapporteur), président, E. Buttigieg et Mme M. J. Costeira, juges,

greffier : Mme G. Predonzani, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 5 mai 2017,

rend le présent

Arrêt ( 2 )

1 La présente procédure fait suite à l’arrêt du 9 juillet 2013, Arango Jaramillo e.a./BEI (T‑234/11 P RENV–RX, ci-après l’« arrêt sur pourvoi après réexamen », EU:T:2013:348), par lequel le Tribunal (chambre des pourvois) a annulé l’ordonnance du 4 février 2011, Arango Jaramillo e.a./BEI (F‑34/10, ci-après l’« ordonnance annulée », EU:F:2011:7), et renvoyé l’affaire devant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne.

2 L’arrêt sur pourvoi après réexamen faisait suite à l’arrêt du 28 février 2013, Réexamen Arango Jaramillo e.a./BEI (C‑334/12 RX–II, ci-après l’« arrêt de réexamen »EU:C:2013:134), par lequel la Cour, après avoir constaté que l’arrêt du 19 juin 2012, Arango Jaramillo e.a./BEI (T‑234/11 P, ci-après l’« arrêt réexaminé », EU:T:2012:311), ayant pour objet un pourvoi formé contre l’ordonnance annulée, portait atteinte à la cohérence du droit de l’Union européenne, avait annulé cet arrêt et renvoyé
l’affaire devant le Tribunal.

[omissis]

II. Procédure en première instance et ordonnance annulée

18 Par requête parvenue au greffe du Tribunal de la fonction publique le 26 mai 2010, les requérants ont introduit un recours, enregistré sous le numéro F‑34/10, tendant, d’une part, à l’annulation de leurs bulletins de rémunération du mois de février 2010, en ce qu’ils révélaient les décisions de la BEI d’augmenter leurs cotisations au régime des pensions, et, d’autre part, à la condamnation de la BEI au versement d’un euro symbolique, à titre de réparation de leur préjudice moral.

19 Par acte séparé adressé au greffe du Tribunal de la fonction publique le 20 juillet 2010, la BEI a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 78 du règlement de procédure de celui-ci et a demandé à ce dernier de statuer sur l’irrecevabilité du recours, sans engager le débat sur le fond.

20 Dans leurs observations sur l’exception d’irrecevabilité, les requérants ont notamment fait valoir que, au regard des circonstances particulières de l’espèce, en particulier de l’absence de toute disposition textuelle relative aux délais de recours des agents de la BEI, l’application stricte du délai de recours de droit commun de trois mois et dix jours aurait pour effet de porter atteinte à leur droit à un recours effectif (ordonnance annulée, point 18).

21 Par l’ordonnance annulée, adoptée en application de l’article 78 du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique, ce dernier a, sans engager la phase orale de la procédure et sans joindre l’exception d’irrecevabilité au fond, rejeté le recours comme étant irrecevable du fait de sa tardiveté.

22 Ainsi que cela ressort des points 15 et 16 de l’ordonnance annulée, le Tribunal de la fonction publique a considéré que, compte tenu, d’une part, du fait que les agents concernés n’ont pris connaissance du contenu de leurs bulletins de rémunération relatifs au mois de février 2010 que le lundi 15 février 2010 et, d’autre part, du délai de distance forfaitaire de dix jours, lesdits agents disposaient, pour introduire un recours, d’un délai expirant le mardi 25 mai 2010.

23 Or, le Tribunal de la fonction publique a observé, au point 17 de ladite ordonnance, que le recours des agents concernés n’était parvenu par voie de messagerie électronique à son greffe que durant la nuit du mardi 25 au mercredi 26 mai 2010, plus précisément le 26 mai 2010 à 0 heure.

24 Par l’ordonnance annulée, le Tribunal de la fonction publique a rejeté le recours comme irrecevable. Il a jugé, en substance, que, le délai de recours ayant expiré le 25 mai 2010, le recours des agents concernés, parvenu par la voie électronique au greffe le 26 mai suivant à 0 heure, était tardif et, partant, irrecevable. Il a écarté les arguments desdits agents tirés, d’une part, d’une atteinte à leur droit à un recours juridictionnel effectif et, d’autre part, de l’existence d’un cas fortuit ou
de force majeure.

III. Pourvoi devant le Tribunal

25 Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 28 avril 2011, les requérants ont formé un pourvoi, au titre de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, contre l’ordonnance annulée, lequel a été enregistré sous le numéro T‑234/11 P.

26 Dans le cadre de ce pourvoi, les requérants ont demandé au Tribunal d’annuler cette ordonnance, de rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par la BEI dans l’affaire F‑34/10 et de renvoyer l’affaire devant le Tribunal de la fonction publique, pour qu’il statue sur le fond.

27 Après avoir constaté qu’aucune demande de fixation d’une audience n’avait été présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure, le Tribunal a statué sur le litige sans phase orale.

28 À l’appui de leur pourvoi, les requérants ont invoqué trois moyens, le premier à titre principal et les deux autres à titre subsidiaire. Le premier moyen était tiré d’une erreur de droit dans l’interprétation de la notion de « délai raisonnable » pour l’introduction du recours en première instance, et notamment de la violation du principe de proportionnalité ainsi que de la violation du droit à une protection juridictionnelle effective. Le deuxième moyen était pris d’une erreur de droit dans
l’interprétation des règles procédurales applicables, notamment celles relatives à l’existence d’un cas fortuit. Le troisième moyen était tiré d’une dénaturation des éléments soumis au Tribunal de la fonction publique pour prouver l’existence d’un cas fortuit, ainsi que d’une violation des règles relatives aux mesures d’instruction et d’organisation de la procédure en première instance.

29 Dans l’arrêt réexaminé, le Tribunal a rejeté le pourvoi au motif que les moyens ainsi invoqués par les requérants étaient, pour partie, irrecevables et, pour le reste, non fondés.

30 Aux fins de rejeter le premier moyen du pourvoi, invoqué à titre principal, le Tribunal a jugé que le Tribunal de la fonction publique avait correctement appliqué à la situation des requérants, dans l’ordonnance annulée, une règle selon laquelle, par analogie avec le délai de recours prévu à l’article 91, paragraphe 3, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), un délai de trois mois devait, en principe, être considéré comme raisonnable pour l’introduction, par
un agent de la BEI, d’un recours en annulation d’un acte de cette dernière lui faisant grief (arrêt réexaminé, point 27).

31 Au même point 27 de l’arrêt réexaminé, le Tribunal en a déduit « a contrario […] que tout recours introduit par un agent de la BEI après l’expiration d’un délai de trois mois, augmenté d’un délai de distance forfaitaire de dix jours, doit, en principe, être considéré comme ayant été introduit dans un délai non raisonnable ». Il a ajouté que cette interprétation a contrario est admissible « dès lors que seule une application stricte des règles de procédure fixant un délai de forclusion permet de
répondre à l’exigence de sécurité juridique et à la nécessité d’éviter toute discrimination ou tout traitement arbitraire dans l’administration de la justice ».

32 Au point 30 dudit arrêt, le Tribunal a écarté l’argumentation des agents concernés selon laquelle le Tribunal de la fonction publique aurait substitué à l’application du principe du respect du délai raisonnable, par sa nature même flexible et ouvert à la mise en balance concrète des intérêts en jeu, un délai précis, d’application stricte et généralisée, de trois mois. Il a considéré, notamment, que le Tribunal de la fonction publique s’était borné à appliquer « une règle de droit […] qui
découl[ait] clairement et précisément d’une lecture a contrario de la jurisprudence » du Tribunal citée au point 27 dudit arrêt, règle qui faisait une application spécifique du principe du respect du délai raisonnable aux litiges entre la BEI et ses agents, lesquels présentaient de larges similitudes avec les litiges entre l’Union et ses fonctionnaires et agents. Le Tribunal a ajouté que « ladite règle, qui repos[ait] sur une présomption générale selon laquelle un délai de trois mois [était], en
principe, suffisant pour permettre aux agents de la BEI d’évaluer la légalité des actes de cette dernière leur faisant grief et pour préparer, le cas échéant, leurs recours, n’impos[ait] pas au juge de l’Union chargé de l’appliquer de tenir compte des circonstances de chaque espèce et, notamment, de procéder à une mise en balance concrète des intérêts en jeu ».

33 Aux points 33 à 35 de l’arrêt réexaminé, le Tribunal s’est référé à ce raisonnement relatif à la détermination du délai de recours pour exclure tant la prise en compte de la survenance alléguée d’une panne électrique qui aurait retardé l’envoi de la requête que la circonstance que la BEI aurait omis d’exercer sa responsabilité réglementaire concernant la fixation de délais de recours précis ainsi que certaines autres circonstances spécifiques au cas d’espèce invoquées par les agents concernés.

34 Aux points 41 à 43 dudit arrêt, le Tribunal a également écarté l’argumentation des agents concernés tirée de la violation du principe de proportionnalité et du droit à une protection juridictionnelle effective.

35 Enfin, le Tribunal a, aux points 51 à 58 de l’arrêt réexaminé, rejeté le moyen des agents concernés tiré du refus du Tribunal de la fonction publique de qualifier de cas fortuit ou de force majeure les circonstances les ayant conduits à introduire leur recours tardivement. Aux points 59 à 66 du même arrêt, le Tribunal a, de même, refusé de faire droit au moyen desdits agents tiré d’une dénaturation des éléments de preuve relatifs à l’existence d’un cas fortuit ou de force majeure.

IV. Réexamen par la Cour

36 À la suite de la proposition du premier avocat général, la Cour (chambre spéciale prévue à l’article 123 ter du règlement de procédure de la Cour, dans sa version applicable à la date de la proposition) a considéré, par décision du 12 juillet 2012 (C‑334/12 RX), qu’il y avait lieu de procéder au réexamen. Aux termes de cette dernière décision, le réexamen devait porter sur les questions de savoir, d’une part, si l’arrêt réexaminé portait atteinte à l’unité ou à la cohérence du droit de l’Union,
en ce que le Tribunal, en tant que juridiction de pourvoi, avait interprété la notion de « délai raisonnable », dans le contexte de l’introduction d’un recours en annulation par les agents de la BEI à l’encontre d’un acte émanant de cette dernière qui leur faisait grief, comme un délai dont le dépassement emportait le caractère tardif et, partant, l’irrecevabilité du recours, sans que le juge de l’Union eût à tenir compte des circonstances particulières du cas d’espèce, et, d’autre part, si cette
interprétation de la notion de « délai raisonnable » n’était pas de nature à porter atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif, affirmé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

37 Dans l’arrêt de réexamen, la Cour a annulé l’arrêt réexaminé, après avoir jugé que celui-ci portait effectivement atteinte à la cohérence du droit de l’Union, en ce que le Tribunal, en qualité de juridiction de pourvoi, avait interprété la notion de « délai raisonnable », dans le contexte de l’introduction d’un recours en annulation par des agents de la BEI à l’encontre d’un acte émanant de cette dernière qui leur faisait grief, comme un délai d’une durée de trois mois dont le dépassement
entraînait automatiquement le caractère tardif du recours et, partant, l’irrecevabilité de celui-ci, sans que le juge de l’Union ait été tenu de prendre en considération les circonstances du cas d’espèce (arrêt de réexamen, points 26, 27 et 54).

38 La Cour a également jugé que cette dénaturation de la notion de délai raisonnable avait placé les agents concernés dans l’impossibilité de défendre leurs droits afférents à leur rémunération au moyen d’un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux (arrêt de réexamen, point 45).

39 Toutefois, considérant que la solution définitive de la question de la recevabilité du recours des requérants, en particulier le point de savoir si ce recours avait été introduit dans un délai raisonnable, au sens de la jurisprudence qui est conforme au principe du droit à un recours effectif, ne découlait pas des constatations de fait sur lesquelles était fondé l’arrêt réexaminé, la Cour a jugé ne pas pouvoir statuer elle-même définitivement sur le litige, en vertu de l’article 62 ter du statut
de la Cour de justice de l’Union européenne. Par conséquent, tout en statuant sur les dépens afférents à la procédure de réexamen, la Cour a renvoyé l’affaire devant le Tribunal, aux fins de l’appréciation, au regard de l’ensemble des circonstances propres de l’affaire, du caractère raisonnable du délai dans lequel les requérants avaient introduit leur recours devant le Tribunal de la fonction publique (arrêt de réexamen, points 56 à 59).

V. Pourvoi devant le Tribunal après réexamen

40 Conformément à l’article 121 bis du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, l’arrêt de réexamen a eu pour effet de saisir de nouveau le Tribunal du pourvoi dans la présente procédure.

41 Dans leurs observations sur les conclusions à tirer de l’arrêt de réexamen, pour la solution du litige, les requérants ont conclu, notamment, à ce que le Tribunal accueillît le premier moyen du pourvoi et annulât, sur ce fondement, l’ordonnance annulée, au motif que leur recours devant le Tribunal de la fonction publique avait été introduit dans un délai raisonnable au regard de l’ensemble des circonstances propres de l’affaire (arrêt sur pourvoi après réexamen, point 21). La BEI a conclu,
notamment, à ce que le Tribunal, à titre principal, renvoyât l’affaire au Tribunal de la fonction publique et, à titre subsidiaire, à ce qu’il rejetât le pourvoi, après avoir confirmé le caractère irrecevable du recours introduit par les requérants devant le Tribunal de la fonction publique du fait de sa tardiveté, au motif que ce recours avait été introduit dans un délai qui n’apparaissait pas raisonnable au regard de l’ensemble des circonstances propres de l’affaire (arrêt sur pourvoi après
réexamen, point 20).

42 Par l’arrêt sur pourvoi après réexamen, le Tribunal a accueilli la première branche du premier moyen invoquée par les requérants à l’appui de leur pourvoi, tirée d’une erreur de droit commise par le Tribunal de la fonction publique, dans l’ordonnance annulée, dans l’interprétation de la notion de « délai raisonnable » pour l’introduction du recours en première instance. Par conséquent, et sans même qu’il soit besoin de statuer sur la seconde branche du premier moyen et sur les deuxième et
troisième moyens, il a fait droit aux conclusions du pourvoi et annulé l’ordonnance annulée. En outre, en considérant que le litige n’était pas en état d’être jugé, le Tribunal a renvoyé l’affaire devant le Tribunal de la fonction publique, aux fins qu’il statue de nouveau sur le recours (arrêt sur pourvoi après réexamen, points 22, 35 et 36).

VI. Procédure en première instance après renvoi

43 Par lettre du 8 août 2013, le greffe du Tribunal de la fonction publique a, conformément à l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique, invité les parties requérantes à présenter leurs observations écrites sur l’arrêt sur pourvoi après réexamen.

44 Le 27 septembre 2013, les requérants ont déposé au greffe du Tribunal de la fonction publique leurs observations et une demande de suspension.

45 Par lettre du 3 octobre 2013, le greffe du Tribunal de la fonction publique a accusé réception de ces observations et a informé les requérants que la demande de suspension serait traitée ultérieurement. Le même jour, il a transmis les observations des requérants à la BEI, en l’informant du délai pour le dépôt de ses observations. La BEI a déposé ses observations le 12 novembre 2013.

46 Par lettres du 14 avril 2014, le greffe du Tribunal de la fonction publique a informé les parties de sa décision de joindre l’exception d’irrecevabilité au fond et a invité la BEI à présenter un mémoire en défense.

47 Le 21 mai 2014, la BEI a déposé son mémoire en défense.

48 Le 11 juillet 2014, les requérants ont déposé leur réplique.

49 Le 22 août 2014, le BEI a déposé sa duplique.

[omissis]

51 Par ordonnance du 6 février 2015, Arango Jaramillo e.a./BEI (F‑34/10 RENV–RX, non publiée, EU:F:2015:6), les parties entendues, la procédure devant le Tribunal de la fonction publique a été suspendue jusqu’au prononcé des décisions du Tribunal mettant fin à l’instance dans les affaires T‑240/14 P, Bodson e.a./BEI, et T‑241/14 P, Bodson e.a./BEI.

52 Par lettres du 4 mars 2016, le greffe du Tribunal de la fonction publique a informé les parties que, à la suite du prononcé des arrêts du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI (T‑241/14 P, EU:T:2016:103), et du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI (T‑240/14 P, EU:T:2016:104), la procédure avait été reprise et les a invitées à présenter leurs observations sur les conséquences éventuelles à tirer de ces arrêts.

53 Les requérants ont déposé leurs observations le 25 avril 2016. Le 1er juin 2016, le greffe du Tribunal de la fonction publique a informé la BEI de sa décision de ne pas verser au dossier les observations que celle-ci avait déposées tardivement.

[omissis]

55 En application de l’article 3 du règlement (UE, Euratom) 2016/1192 du Parlement européen et du Conseil, du 6 juillet 2016, relatif au transfert au Tribunal de la compétence pour statuer, en première instance, sur les litiges entre l’Union européenne et ses agents (JO 2016, L 200, p. 137), l’affaire F‑34/10 RENV-RX a été transférée au Tribunal dans l’état où elle se trouvait à la date du 31 août 2016. Elle a été enregistrée sous le numéro T‑482/16 RENV et attribuée à la deuxième chambre.

56 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 5 mai 2017.

VII. Conclusions des parties

57 Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter l’exception d’irrecevabilité de la BEI ;

– à titre subsidiaire, joindre l’exception d’irrecevabilité au fond ;

– annuler les décisions de la BEI contenues dans leurs bulletins de rémunération du mois de février 2010 qui augmentent leur cotisation au système des pensions à travers l’augmentation, d’une part, de la base de calcul de ladite cotisation et, d’autre part, du coefficient de calcul, exprimé en pourcentage dudit traitement soumis à retenue ;

– condamner la BEI au versement d’un euro symbolique, au titre de réparation du dommage moral qu’ils auraient subi ;

– condamner la BEI aux dépens.

58 La BEI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours en annulation comme étant irrecevable ;

– à titre subsidiaire, rejeter la demande en annulation comme non fondée ;

– partant, rejeter la demande en indemnité ;

– condamner les requérants aux dépens.

VIII. En droit

A.  Sur la recevabilité du recours

59 Les requérants soutiennent que, en prenant en compte toutes les circonstances de l’espèce, le recours a été introduit dans un délai raisonnable. La présente affaire serait complexe et son enjeu serait important. En outre, le BEI n’aurait pas fixé de délais réglementaires de recours. Elle n’aurait pas non plus correctement communiqué au personnel le texte de la réforme des pensions. Enfin, leur comportement n’aurait été ni déraisonnable ni fautif.

60 La BEI conteste cette argumentation. Selon elle, la complexité et l’enjeu de la présente affaire ne justifient pas la recevabilité du recours. En outre, les requérants n’auraient pas fait preuve de la diligence nécessaire. Enfin, le personnel aurait été informé de façon claire et précise de la réforme avant son entrée en vigueur.

61 Il convient de rappeler qu’aucun texte du droit de l’Union ne contient d’indications sur le délai de recours applicable aux litiges entre la BEI et ses agents. Ainsi, l’article 41 du règlement du personnel ne fixe pas un délai de recours, mais se limite à énoncer la compétence du juge de l’Union pour statuer sur les litiges entre la BEI et ses agents.

62 Cependant, la conciliation entre, d’une part, le droit à une protection juridictionnelle effective, qui constitue un principe général du droit de l’Union et requiert que le justiciable dispose d’un délai suffisant pour évaluer la légalité de l’acte lui faisant grief et préparer, le cas échéant, sa requête, et, d’autre part, l’exigence de la sécurité juridique, qui veut que, après l’écoulement d’un certain délai, les actes pris par les instances de l’Union deviennent définitifs, impose que ces
litiges soient portés devant le juge de l’Union dans un délai raisonnable (voir ordonnance du 6 décembre 2002, D/BEI, T‑275/02 R, EU:T:2002:306, points 31 et 32 et jurisprudence citée).

63 Dès lors, il y a lieu d’examiner si le présent recours peut être considéré comme ayant été introduit dans un délai raisonnable.

64 Conformément à la jurisprudence, le caractère « raisonnable » d’un délai doit toujours être apprécié en fonction de l’ensemble des circonstances de l’espèce et, notamment, de l’enjeu du litige pour l’intéressé, de la complexité de l’affaire et du comportement des parties en présence (voir arrêt de réexamen, point 28 et jurisprudence citée). Il s’ensuit qu’une durée prédéterminée ne saurait être présumée, de manière générale, constituer un délai raisonnable (voir, en ce sens et par analogie, arrêt
du 12 mai 2010, Bui Van/Commission, T‑491/08 P, EU:T:2010:191, point 62).

65 À cet égard, il convient de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence que, même si le délai de trois mois prévu par l’article 91, paragraphe 3, du statut ne s’applique qu’aux litiges entre les institutions de l’Union et leurs fonctionnaires ou agents, et non aux litiges purement internes entre la BEI et ses agents, notamment ceux par lesquels ces derniers demandent l’annulation d’actes de la BEI qui leur font grief, celui-ci offre un point de comparaison pertinent, dans la mesure où les premiers
litiges s’apparentent, par nature, aux seconds et qu’ils sont les uns comme les autres également soumis au contrôle juridictionnel au titre de l’article 270 TFUE (arrêt du 23 février 2001, De Nicola/BEI, T‑7/98, T‑208/98 et T‑109/99, EU:T:2001:69, point 100).

66 Or, au vu de la notion de délai raisonnable, telle que rappelée au point 64 ci-dessus, ledit délai de trois mois prévu à l’article 91, paragraphe 3, du statut ne peut s’appliquer par analogie en tant que délai de forclusion aux agents de la BEI lorsqu’ils introduisent un recours en annulation à l’encontre d’un acte émanant de cette dernière qui leur fait grief (arrêt de réexamen, point 39).

67 En l’espèce, il est constant entre les parties que le délai de recours contre les décisions attaquées contenues dans les bulletins de rémunération de février 2010 a commencé à courir le lundi 15 février 2010, soit le premier jour non férié suivant celui où lesdits bulletins ont été introduits dans le système informatique Peoplesoft de la BEI, à savoir le samedi 13 février 2010. En effet, selon les requérants, c’est à cette date du 15 février 2010 qu’il leur a été possible de connaître le contenu
de leurs bulletins de rémunération de février 2010.

68 Le recours des requérants dans la présente procédure est parvenu par voie électronique à la messagerie du greffe du Tribunal de la fonction publique le 26 mai 2010 à 0 heure, soit trois mois et onze jours après le jour où les requérants ont pu prendre connaissance desdits bulletins de rémunération.

69 Quant aux circonstances propres à la présente affaire à prendre en compte afin d’examiner si ce recours a été introduit dans un délai raisonnable, en premier lieu, il convient de rappeler que les requérants contestent les décisions contenues dans leurs bulletins de rémunération du mois de février 2010 et soulèvent, par voie d’exception, l’illégalité du règlement transitoire ainsi que du protocole d’accord. Les questions juridiques du présent litige concernent donc non seulement les droits et
obligations des requérants, mais également, plus largement, le principe et les modalités de la réforme du régime des pensions de la BEI, ce qui peut avoir d’importantes répercussions sur le financement et le fonctionnement dudit régime des pensions. En outre, l’affaire concernant plusieurs aspects de la réforme du plan de pension de la BEI, elle présente une complexité certaine.

70 En second lieu, ainsi que l’a constaté le Tribunal de la fonction publique dans l’ordonnance annulée (points 12, 17 et 21), il ressort du dossier que le recours a été envoyé par voie électronique le 25 mai 2010 à 23 h 59 et est parvenu à l’adresse électronique du greffe du Tribunal de la fonction publique le 26 mai 2010 à 0 heure et que, lors de l’introduction de celui-ci, les requérants avaient connaissance de la jurisprudence rappelée au point 65 ci-dessus. Par ailleurs, après avoir reçu la
communication du greffe du Tribunal concernant l’inscription au registre de la présente affaire, les requérants, constatant que cette communication faisait état d’un dépôt de la requête au 26 mai 2010, ont sollicité du greffe du Tribunal de la fonction publique qu’il substitue à cette date celle du 25 mai 2010, ce qui indique la volonté des requérants d’introduire leur recours dans le délai qu’ils considéraient comme « présumé raisonnable » selon ladite jurisprudence.

71 En prenant en compte, d’une part, les circonstances particulières de l’espèce mentionnées aux points précédents et, d’autre part, la jurisprudence qui établit au profit des requérants une forte présomption quant au caractère raisonnable du délai de recours indicatif de trois mois (voir, en ce sens, la prise de position de l’avocat général Mengozzi dans l’affaire Réexamen Arango Jaramillo e.a./BEI, C‑334/12 RX–II, EU:C:2012:733, point 49, l’arrêt du 23 février 2001, De Nicola/BEI, T‑7/98, T‑208/98
et T‑109/99, EU:T:2001:69, points 101 et 107, et l’ordonnance du 6 décembre 2002, D/BEI, T‑275/02 R, EU:T:2002:306, point 33, voir également point 65 ci-dessus), augmenté du délai de distance forfaitaire de dix jours, le recours des requérants introduit en l’espèce dans un délai de trois mois et onze jours doit être considéré comme ayant été introduit dans un délai raisonnable.

72 À cet égard, il convient de préciser que le délai de recours de trois mois, tel qu’il ressort de la jurisprudence rappelée au point 65 ci-dessus, augmenté du délai de distance forfaitaire de dix jours, ne saurait s’appliquer en l’espèce en tant que délai de forclusion, mais peut uniquement servir comme point de comparaison pertinent. Il y a lieu également de constater que la BEI n’avance aucun argument tendant à démontrer que le dépassement dudit délai d’un jour (voire de quelques secondes dans
la nuit du 25 au 26 mai 2010) suffirait à enlever au délai en cause son caractère « raisonnable », en ce sens que cette différence pourrait effectivement compromettre l’exigence de sécurité juridique qui veut que, après l’écoulement d’un certain délai, les actes pris par les instances de l’Union deviennent définitifs.

73 En revanche, la BEI soutient à cet égard que tout dépassement du délai de trois mois devrait être justifié, que les critères de l’enjeu du litige et de la complexité de la présente affaire militeraient pour l’application d’un délai « maximal » de trois mois et dix jours en l’espèce, que les requérants ne justifieraient pas l’application d’un délai de recours supérieur à celui-ci et que, en l’espèce, l’application d’un tel délai de trois mois et dix jours aurait été à même de permettre aux
requérants de préparer utilement leur recours sans porter atteinte à leur droit à un recours juridictionnel effectif. Au vu des considérations exposées aux points précédents, ces arguments doivent être rejetés.

74 Eu égard à tout ce qui précède, le présent recours doit être déclaré recevable.

[omissis]

  Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

  1) Le recours est rejeté.

  2) M. Oscar Orlando Arango Jaramillo et les autres agents de la Banque européenne d’investissement (BEI) dont les noms figurent en annexe sont condamnés aux dépens afférents à la présente procédure.

  3) La BEI est condamnée aux dépens exposés dans les affaires F‑34/10, T‑234/11 P et T‑234/11 P RENV–RX.

Prek

Buttigieg

  Costeira

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 décembre 2017.

Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le français.

( 1 ) La liste des autres agents de la Banque européenne d’investissement n’est annexée qu’à la version notifiée aux parties.

( 2 ) Ne sont reproduits que les points du présent arrêt dont le Tribunal estime la publication utile.


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : T-482/16
Date de la décision : 13/12/2017
Type d'affaire : Réexamen, Arrêt rendu après annulation et renvoi
Type de recours : Recours de fonctionnaires - non fondé, Recours en responsabilité - non fondé

Analyses

Fonction publique – Personnel de la BEI – Délai de recours – Délai raisonnable – Pensions – Réforme de 2008 – Nature contractuelle de la relation de travail – Proportionnalité – Obligation de motivation – Sécurité juridique – Responsabilité – Préjudice moral.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Oscar Orlando Arango Jaramillo e.a.
Défendeurs : Banque européenne d'investissement.

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Prek

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:2017:901

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