ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)
7 décembre 2017 ( *1 )
« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative Master – Marques de l’Union européenne figuratives antérieures Coca-Cola et nationale figurative antérieure C – Motif relatif de refus – Profit indûment tiré de la renommée des marques antérieures – Éléments de preuve relatifs à l’utilisation commerciale, en dehors de l’Union, d’un signe comprenant la marque demandée – Déductions logiques – Décision prise à la suite de l’annulation par le
Tribunal d’une décision antérieure – Article 8, paragraphe 5, et article 65, paragraphe 6, du règlement (CE) no 207/2009 [devenus article 8, paragraphe 5, et article 72, paragraphe 6, du règlement (UE) 2017/1001] »
Dans l’affaire T‑61/16,
The Coca-Cola Company, établie à Atlanta, Géorgie (États-Unis), représentée par MM. S. Malynicz, QC, S. Baran, barrister, D. Stone et A. Dykes, solicitors,
partie requérante,
contre
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. J. Crespo Carrillo, en qualité d’agent,
partie défenderesse,
l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant
Modern Industrial & Trading Investment Co. Ltd (Mitico), établie à Damas (Syrie), représentée par Me A.-E. Malamis, avocat,
ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 2 décembre 2015 (affaire R 1251/2015-4), relative à une procédure d’opposition entre The Coca–Cola Company et Mitico,
LE TRIBUNAL (huitième chambre),
composé de M. A. M. Collins, président, Mme M. Kancheva (rapporteur) et M. J. Passer, juges,
greffier : Mme X. Lopez Bancalari, administrateur,
vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 12 février 2016,
vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 28 avril 2016,
vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 6 mai 2016,
vu la question écrite du Tribunal aux parties et leurs réponses à cette question déposées au greffe du Tribunal les 12 et 20 avril 2017,
à la suite de l’audience du 15 juin 2017,
rend le présent
Arrêt
Antécédents du litige
1 Le 10 mai 2010, l’intervenante, Modern Industrial & Trading Investment Co. Ltd (Mitico), a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1) [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO
2017, L 154, p. 1)].
2 La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :
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3 Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent, après la limitation intervenue au cours de la procédure devant l’EUIPO, des classes 29, 30 et 32 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :
– classe 29 : « Yaourt, viande, poisson, volailles et gibier, extrait de viande, fruits et légumes conservés, congelés, séchés et cuits, gelées, marmelades, fruits conservés, œufs conservés et conserves au vinaigre, salades au vinaigre, chips de pommes de terre » ;
– classe 30 : « Café, thé, cacao, sucre, riz, tapioca, sagou, succédanés du café, farines et préparations faites de céréales, confiserie, bonbons, crèmes glacées, miel, sirop de mélasse, pâte, farine, levure de boulangerie, poudre pour faire lever, sel, moutarde, vinaigre, poivre, sauces (condiments), épices, à l’exception spécifique des produits de pâtisserie et boulangerie, glace à rafraîchir, chocolat, gomme, tous types de hors-d’œuvre à base de maïs et de froment, à l’exception spécifique des
produits de pâtisserie et boulangerie » ;
– classe 32 : « Eau minérale et naturelle, boisson à base d’orge, bières non alcooliques, boissons gazeuses non alcooliques en tous genres, en particulier aromatisées (cola, ananas, mangue, orange, citron, aromatisées, pomme, à base de cocktail de fruits, tropicales, énergétiques, framboise, fruits, limonades, grenade...), et tous types de boissons non alcooliques au jus de fruits naturel (pomme, citron, orange, cocktail de fruits, grenade, ananas, mangue...), et concentrés de jus non alcooliques
et concentrés pour faire des jus non alcooliques en tous genres, poudres et purées pour faire du sirop non alcoolique ».
4 La demande de marque de l’Union européenne a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 128/2010, du 14 juillet 2010.
5 Le 14 octobre 2010, la requérante, The Coca-Cola Company, a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement no 207/2009 (devenu article 46 du règlement 2017/1001), à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.
6 L’opposition était fondée, en premier lieu, sur quatre marques de l’Union européenne figuratives antérieures, reproduites ci-après :
– marque enregistrée sous le numéro 8792475 :
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– marque enregistrée sous le numéro 3021086 :
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– marque enregistrée sous le numéro 2117828 :
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– marque enregistrée sous le numéro 2107118 :
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7 Ces quatre marques de l’Union européenne figuratives antérieures désignaient notamment les produits et les services relevant, respectivement, pour la première, des classes 30, 32 et 33, pour la deuxième, de la classe 32, pour la troisième, des classes 32 et 43 et, pour la quatrième, des classes 32 et 33, et correspondant, pour chacune de ces marques et de ces classes, à la description suivante :
– pour la marque de l’Union européenne no 8792475 :
– classe 30 : « Café, thé, cacao, sucre, riz, tapioca, sagou, succédanés du café ; farines et préparations faites de céréales, pain, pâtisserie et confiserie, glaces comestibles ; miel, sirop de mélasse ; levure, poudre pour faire lever ; sel, moutarde ; vinaigre, sauces (condiments) ; épices ; glace à rafraîchir » ;
– classe 32 : « Bières ; eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcooliques ; boissons de fruits et jus de fruits ; sirops et autres préparations pour faire des boissons » ;
– classe 33 : « Boissons alcooliques (à l’exception des bières) » ;
– pour la marque de l’Union européenne no 3021086 : « Boissons, à savoir eaux potables, eaux aromatisées, eaux minérales et gazeuses ; et autres boissons non alcooliques, à savoir boissons sans alcool, boissons énergétiques et boissons pour sportifs ; boissons de fruits et jus de fruits ; sirops, concentrés et poudres pour faire des boissons, à savoir eaux aromatisées, eaux minérales et gazeuses, boissons rafraîchissantes, boissons énergétiques, boissons pour sportifs, boissons de fruits et jus de
fruits », relevant de la classe 32 ;
– pour la marque de l’Union européenne no 2117828 :
— classe 32 : « Bières ; eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcooliques ; boissons de fruits et jus de fruits ; sirops et autres préparations pour faire des boissons » ;
— classe 43 : « Restauration (alimentation et boissons) ; hébergement temporaire » ;
– pour la marque de l’Union européenne no 2107118 :
— classe 32 : « Bières ; eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcooliques ; boissons de fruits et jus de fruits ; sirops et autres préparations pour faire des boissons » ;
— classe 33 : « Boissons alcooliques (à l’exception des bières) ».
8 L’opposition était fondée, en second lieu, sur la marque du Royaume-Uni figurative antérieure, enregistrée sous le numéro 2428468, reproduite ci-après :
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9 Cette marque du Royaume-Uni figurative antérieure désignait notamment les produits relevant de la classe 32 et correspondant à la description suivante : « Bières ; eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcooliques ; boissons de fruits et jus de fruits ; sirops et autres préparations pour faire des boissons ».
10 Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 (devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001) et à l’article 8, paragraphe 5, du même règlement (devenu article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001).
11 Au cours de la procédure d’opposition, la requérante a fourni des éléments de preuve relatifs, selon elle, à l’utilisation commerciale par l’intervenante de la marque dont l’enregistrement était demandé. Ces éléments comprenaient un témoignage de Mme R., alors conseil de la requérante, daté du23 février 2011, auquel celle-ci joignait des captures d’écran imprimées le 16 février 2011 à partir du site Internet « www.mastercola.com » de l’intervenante. Ces captures d’écran visaient à montrer que
l’intervenante utilisait, dans le commerce, la marque demandée notamment sous la forme suivante :
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12 Le 26 septembre 2011, la division d’opposition a rejeté l’opposition dans son intégralité.
13 Le 17 octobre 2011, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de la division d’opposition.
14 Par décision du 29 août 2012 (ci-après la « première décision »), la deuxième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. D’une part, s’agissant du motif d’opposition fondé sur l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, elle a estimé qu’il apparaissait d’emblée que les signes en conflit n’étaient pas du tout similaires et a donc conclu à l’absence de risque de confusion entre eux, malgré l’identité des produits concernés. D’autre part, quant au motif d’opposition fondé
sur l’article 8, paragraphe 5, du même règlement, elle a considéré que, dès lors que les signes n’étaient pas similaires, la première condition d’application de cet article, à savoir l’existence d’un lien entre la marque demandée et la marque antérieure, n’était pas remplie. Par ailleurs, elle a écarté les éléments de preuve produits par la requérante (voir point 11 ci-dessus), au motif que, dans le contexte dudit article, seul pouvait être pris en compte l’usage de la marque dont
l’enregistrement était sollicité par l’intervenante.
15 Le 5 novembre 2012, la requérante a introduit devant le Tribunal un recours visant l’annulation de la première décision. À l’appui de son recours, la requérante a soulevé, en substance, un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 et articulé en deux branches. Dans la première branche, elle a reproché à l’EUIPO d’avoir amalgamé l’appréciation de la similitude des marques en conflit en application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), dudit
règlement, avec l’appréciation de l’existence d’un lien entre lesdites marques en application de l’article 8, paragraphe 5, de ce règlement. Dans la seconde branche, elle a fait grief à l’EUIPO d’avoir méconnu les éléments de preuve relatifs à l’utilisation commerciale de la marque demandée et pertinents pour démontrer l’intention de l’intervenante de tirer indûment profit de la renommée des marques antérieures.
16 Par l’arrêt du 11 décembre 2014, Coca-Cola/OHMI – Mitico (Master) (T‑480/12, EU:T:2014:1062), le Tribunal a annulé la première décision.
17 En ce qui concerne la première branche du moyen unique, aux points 34 et 35 de l’arrêt du 11 décembre 2014, Master (T‑480/12, EU:T:2014:1062), le Tribunal a, d’emblée, rappelé que l’existence d’une similitude entre les signes en conflit constituait une condition d’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, en écartant un grief contraire de la requérante. Ensuite, au point 64 de cet arrêt, le Tribunal a relevé que les signes en conflit présentaient, outre leurs différences
visuelles manifestes, des éléments de ressemblance visuelle tenant non seulement à la « queue » prolongeant leurs lettres initiales respectives « c » et « m » d’une courbure sous forme de signature, mais également à leur utilisation commune d’une police de caractères peu courante dans la vie des affaires contemporaine, l’écriture spencérienne, perçue dans son ensemble par le consommateur pertinent. Au point 70 dudit arrêt, le Tribunal, opérant une appréciation globale des éléments de ressemblance
et de différence, a considéré que les signes en conflit, du moins les quatre marques antérieures Coca-Cola et la marque demandée, présentaient un faible degré de similitude, leurs différences phonétiques et conceptuelles étant, nonobstant les éléments de différence visuelle, neutralisées par les éléments de ressemblance visuelle globale, d’une plus grande importance. En revanche, la marque du Royaume-Uni antérieure, au vu notamment de sa brièveté, a été jugée différente de la marque demandée. Aux
points 74 à 76 de l’arrêt du 11 décembre 2014, Master (T‑480/12, EU:T:2014:1062), le Tribunal a conclu que les signes en conflit présentaient un degré de similitude, certes faible, mais néanmoins suffisant pour que le public pertinent effectue un rapprochement entre la marque demandée et les quatre marques antérieures Coca-Cola, c’est-à-dire établisse entre elles un lien au sens dudit article. Il a, par conséquent, invité la chambre de recours à examiner les autres conditions d’application de cet
article, en particulier l’existence d’un risque que l’usage sans juste motif de la marque demandée tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée des marques antérieures ou leur porte préjudice.
18 Par ailleurs, dans l’arrêt du 11 décembre 2014, Master (T‑480/12, EU:T:2014:1062), le Tribunal a estimé opportun d’examiner la seconde branche du moyen unique, relative à la pertinence des éléments de preuve soumis par la requérante et écartés par la chambre de recours, à savoir les captures d’écran du site Internet de l’intervenante « www.mastercola.com » (voir point 11 ci-dessus). Aux points 86 à 88 de cet arrêt, le Tribunal a constaté que la jurisprudence ne limitait nullement à la seule
marque demandée les éléments pertinents à prendre en considération aux fins d’établir le risque de parasitisme, à savoir celui qu’un profit soit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée des marques antérieures, mais permettait également la prise en compte de tous les éléments de preuve destinés à opérer une analyse de probabilités quant aux intentions du titulaire de la marque demandée et, à plus forte raison, celle d’éléments de preuve relatifs à l’utilisation commerciale
effective de la marque demandée. Or, le Tribunal a considéré que les éléments de preuve produits par la requérante au cours de la procédure d’opposition constituaient manifestement des éléments pertinents aux fins d’établir un tel risque de parasitisme en l’espèce et a, dès lors, conclu que la chambre de recours avait commis une erreur en écartant ces éléments de preuve. Dès lors, au point 93 de l’arrêt du 11 décembre 2014, Master (T‑480/12, EU:T:2014:1062), le Tribunal a invité la chambre de
recours à prendre en considération lesdits éléments de preuve lors de son examen des conditions d’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009.
19 Par décision du 23 juin 2015, à la suite de l’arrêt du 11 décembre 2014, Master (T‑480/12, EU:T:2014:1062), le présidium des chambres de recours a renvoyé l’affaire devant la quatrième chambre de recours, sous la référence R 1251/2015–4.
20 Par décision du 2 décembre 2015 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours a de nouveau rejeté le recours de la requérante contre la décision de la division d’opposition rejetant l’opposition.
21 À titre liminaire, prenant acte de la renonciation de la requérante, devant le Tribunal, à son grief fondé sur l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 (arrêt du 11 décembre 2014, Master, T‑480/12, EU:T:2014:1062, point 21), la chambre de recours a constaté que le champ d’application du recours était limité à l’opposition fondée sur l’article 8, paragraphe 5, du même règlement. Ensuite, prenant acte du constat, par le Tribunal, de la différence de la marque demandée avec la marque du
Royaume-Uni antérieure (arrêt du 11 décembre 2014, Master, T‑480/12, EU:T:2014:1062, point 70), elle a estimé l’opposition non fondée dans cette mesure. En outre, prenant acte du constat, par le Tribunal, de l’existence d’un lien entre la marque demandée et les quatre marques antérieures Coca-Cola (arrêt du 11 décembre 2014, Master, T‑480/12, EU:T:2014:1062, point 74) et rappelant qu’il est constant que ces marques antérieures sont renommées pour des « boissons non alcooliques », elle a indiqué
que la seule condition d’application demeurant à examiner était celle du risque que l’usage de la marque demandée tire indûment profit de cette renommée.
22 S’agissant de la condition du risque de profit indûment tiré de la renommée, la chambre de recours a rappelé que, dans la première décision, elle avait constaté, en substance, que les preuves – à savoir les captures d’écran du site Internet de l’intervenante « www.mastercola.com » (voir point 11 ci-dessus) – ne concernaient pas la marque demandée et qu’elle ne les avait, par conséquent, pas prises en considération. Elle a cependant ajouté que, « [s]i les marques présentées dans les images
ci-dessus faisaient effectivement l’objet de la demande en cause, il ne ferait aucun doute que son enregistrement pourrait être empêché » et que, « [a]u contraire, si la marque demandée en l’espèce était utilisée sur le marché, il y aura[it] effectivement lieu de se demander si l’usage de ce signe particulier pourrait être évité ». Elle a en outre constaté que « [l]es preuves montr[ai]ent que l[’intervenante] vend[ait] ses boissons dans des bouteilles ayant la même apparence, la même imagerie, la
même stylisation, la même police et le même emballage que les bouteilles vendues par l[a requérante] sous le nom Coca-Cola ».
23 Toutefois, la chambre de recours a considéré que ces preuves revêtaient une portée telle qu’elles ne sauraient fonder l’opposition et, notamment, l’existence d’un risque de parasitisme, en substance pour les trois motifs suivants. Premièrement, la chambre de recours a constaté que lesdites preuves ne montraient pas que l’intervenante utilisât dans l’Union européenne la présentation affichée sur son site Internet « www.mastercola.com ». À l’appui de ce constat, elle a relevé le fait que ce site
Internet était essentiellement rédigé en arabe, malgré l’existence d’une page en anglais, ainsi que l’absence de toute indication quant à la possibilité de commande en ligne et d’expédition des produits proposés vers l’Union. Deuxièmement, la chambre de recours a estimé que le simple fait qu’une marque de l’Union européenne soit déposée – dont la présentation différait de celle figurant sur le site Internet de l’intervenante – n’indiquait pas que cette dernière eût l’intention de promouvoir ses
produits dans l’Union de la même manière qu’elle le faisait en Syrie et au Moyen-Orient. En particulier, la chambre de recours a affirmé qu’elle ne savait pas qui détenait les droits dans ces pays et que la requérante n’avait pas invoqué une atteinte à ses droits dans cette région. Troisièmement, la chambre de recours a considéré que la requérante n’avait pas non plus montré l’image concrète qui pourrait être transférée des quatre marques antérieures Coca-Cola à la demande en cause dans l’Union
ou hors de l’Union, en particulier pour les produits compris dans les classes 29 et 30, mais aussi pour les boissons relevant de la classe 32. Ainsi, selon elle, les preuves produites ne permettaient pas d’établir clairement ce que signifiait Coca-Cola. La chambre de recours a observé que, dans la mesure où elle était liée par les arguments des parties en vertu de l’article 76 du règlement no 207/2009 (devenu article 95 du règlement 2017/1001), il ne lui revenait pas d’essayer d’obtenir elle-même
la production de ces arguments. Par ailleurs, la chambre de recours a appliqué un argument analogue aux risques de dilution ou de ternissement. Enfin, compte tenu de toutes les preuves produites, la chambre de recours a estimé l’opposition dénuée de fondement et a rejeté le recours.
Conclusions des parties
24 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– condamner l’EUIPO et l’intervenante à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par elle à chaque étape de la procédure d’opposition et de recours, y compris les dépens de la présente procédure.
25 L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
26 L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens exposés par elle tant devant l’EUIPO que devant le Tribunal.
En droit
27 À l’appui de son recours, la requérante invoque, en substance, deux moyens, tirés de la violation respectivement de l’article 8, paragraphe 5, et de l’article 65, paragraphe 6, du règlement no 207/2009 (devenu article 72, paragraphe 6, du règlement 2017/1001). Par le premier moyen, elle reproche à l’EUIPO d’avoir méconnu la pertinence des éléments de preuve démontrant les intentions de l’intervenante quant à l’utilisation de la marque demandée et, partant, l’existence d’un risque que l’usage sans
juste motif de ladite marque tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée des marques antérieures. Par le second moyen, elle fait grief à l’EUIPO de ne pas avoir donné exécution au dispositif de l’arrêt du 11 décembre 2014, Master (T‑480/12, EU:T:2014:1062), ou, à tout le moins, de n’y avoir pas donné exécution de façon adéquate.
28 L’EUIPO et l’intervenante concluent au rejet de ces deux moyens.
29 À titre liminaire, il n’y a pas lieu de remettre en cause les appréciations de la chambre de recours, non contestées par les parties, quant au public pertinent et à l’identité des produits visés par les marques en conflit (arrêt du 11 décembre 2014, Master, T‑480/12, EU:T:2014:1062, point 22). Ensuite, il convient de relever que la requérante approuve expressément la décision attaquée sur différents points, y compris la limitation de la portée du recours à l’opposition au titre de l’article 8,
paragraphe 5, du règlement no 207/2009, en conséquence du point 21 de l’arrêt du 11 décembre 2014, Master (T‑480/12, EU:T:2014:1062), ainsi que les appréciations factuelles de la chambre de recours relatives, d’une part, à l’existence d’une similitude et d’un lien entre les quatre marques antérieures Coca-Cola et la marque demandée, en conséquence du point 74 de l’arrêt du 11 décembre 2014, Master (T‑480/12, EU:T:2014:1062), et, d’autre part, à la jouissance, par ces marques antérieures, d’une
renommée pour les boissons non alcooliques relevant de la classe 32. Enfin, il peut être observé que la requérante ne conteste pas le rejet du recours et de l’opposition sur le fondement de la marque du Royaume-Uni antérieure, en conséquence du point 70 de l’arrêt du 11 décembre 2014, Master (T‑480/12, EU:T:2014:1062, point 70) (voir point 21 ci-dessus).
30 Le Tribunal estime opportun d’examiner le second moyen avant le premier moyen.
Sur le second moyen, tiré d’une violation de l’article 65, paragraphe 6, du règlement no 207/2009
31 Par le second moyen, la requérante allègue que la chambre de recours n’a pas pris les mesures que comportait l’exécution de l’arrêt du 11 décembre 2014, Master (T‑480/12, EU:T:2014:1062), en violation de l’article 65, paragraphe 6, du règlement no 207/2009. Elle fait valoir que le Tribunal, dans l’arrêt du 11 décembre 2014, Master (T‑480/12, EU:T:2014:1062), a conclu au caractère manifestement pertinent des éléments de preuve relatifs à l’utilisation commerciale de la marque demandée « en
parfaite connaissance de la portée géographique » desdits éléments de preuve, dès lors que cette question avait été soulevée par l’intervenante lors de la procédure administrative dans une déclaration du 9 mai 2012 et faisait donc partie des éléments soumis au Tribunal. Selon elle, la chambre de recours aurait dû se borner à apprécier la question du profit indu en tenant compte des conclusions du Tribunal sur le caractère pertinent des éléments de preuve relatifs à l’utilisation commerciale de la
marque demandée. La chambre de recours aurait donc commis une erreur en écartant ces éléments de preuve en raison de leur portée géographique.
32 L’EUIPO conteste les arguments de la requérante. Certes, il convient que la chambre de recours avait initialement commis l’erreur d’écarter ces éléments de preuve. Toutefois, il soutient que, dans la mesure où le Tribunal n’a pas apprécié ces preuves, celui-ci ne pouvait statuer sur le profit indu sur la base desdites preuves. Dès lors, il invite le Tribunal à préciser si la question du lieu de l’usage de la marque demandée, dans l’Union ou hors de celle-ci, faisait ou non partie des
considérations portées devant le Tribunal lorsque celui-ci a rendu son arrêt.
33 L’intervenante fait valoir que la chambre de recours a effectivement pris en considération les extraits de son site Internet et, après les avoir examinés, a conclu à bon droit qu’ils ne permettaient pas d’établir un risque d’atteinte aux droits de la requérante. Selon elle, la chambre de recours n’était pas tenue de constater que les extraits dudit site prouvaient les allégations de la requérante.
34 Il convient de rappeler que, dans le cadre d’un recours introduit devant le juge de l’Union contre la décision d’une chambre de recours de l’EUIPO, ce dernier est tenu, en vertu de l’article 266 TFUE et de l’article 65, paragraphe 6, du règlement no 207/2009, de prendre les mesures que comporte l’exécution d’un éventuel arrêt d’annulation du juge de l’Union.
35 Selon une jurisprudence constante, il n’appartient pas au Tribunal d’adresser à l’EUIPO des injonctions et il incombe à ce dernier de tirer, le cas échéant, les conséquences du dispositif et des motifs des arrêts du Tribunal [arrêts du 31 janvier 2001, Mitsubishi HiTec Paper Bielefeld/OHMI (Giroform), T‑331/99, EU:T:2001:33, point 33 ; du 13 juin 2007, IVG Immobilien/OHMI (I), T‑441/05, EU:T:2007:178, point 13, et du 6 octobre 2011, Bang & Olufsen/OHMI (Représentation d’un haut-parleur),
T‑508/08, EU:T:2011:575, point 31].
36 En l’espèce, à titre liminaire, il y a lieu de rappeler que le passage pertinent à la page 12 des observations sur le recours, devant la chambre de recours, de l’intervenante du 9 mai 2012 est libellé comme suit :
« [...] la marque [de l’Union européenne] figurative Master est utilisée sur différents produits d’une manière qui n’a rien à voir avec la manière dont les produits Coca-Cola sont commercialisés. Il y a lieu de souligner que [...] la marque [de l’Union européenne] figurative Master n’est pas similaire aux marques Coca-Cola. En outre, la [requérante] n’a jamais prouvé qu’aucune utilisation de ladite marque dans l’Union exploitât [ses] efforts de marketing. »
37 À cet égard, il convient de relever, à l’instar de l’EUIPO, que, dans ses observations mentionnées ci-dessus, l’intervenante ne s’est pas exprimée sur les éléments de preuve en cause, à savoir les extraits du site Internet « www.mastercola.com » qui étaient joints au témoignage de Mme R. daté du 23 février 2011 (voir point 11 ci-dessus). Ainsi, il y a lieu de considérer que cette déclaration de l’intervenante selon laquelle aucun parasitisme n’avait été établi dans l’Union doit être interprétée
comme une affirmation selon laquelle elle n’avait jamais utilisé la marque demandée dans l’Union. Force est donc de constater que l’intervenante ne s’est pas prononcée sur la portée géographique de ces éléments de preuve.
38 De plus, ni la division d’opposition ni la deuxième chambre de recours, dans la première décision, ne se sont prononcées sur le sujet.
39 Il ressort de ce qui précède que la question de la portée géographique de ces éléments de preuve n’a été ni discutée entre les parties au cours de la procédure administrative ni examinée par la chambre de recours dans la première décision.
40 Il s’ensuit que cette question n’a pas été soumise au Tribunal et ne faisait pas l’objet du litige devant lui lorsque celui-ci a rendu l’arrêt du 11 décembre 2014, Master (T‑480/12, EU:T:2014:1062).
41 Par conséquent, dans l’arrêt du 11 décembre 2014, Master (T‑480/12, EU:T:2014:1062), le Tribunal n’aurait pas pu se prononcer sur la question de la portée géographique de ces éléments de preuve.
42 Aux points 89 et 90 de l’arrêt du 11 décembre 2014, Master (T‑480/12, EU:T:2014:1062), le Tribunal a jugé que les éléments de preuve relatifs à l’utilisation commerciale de la marque demandée, tels qu’ils avaient été produits par la requérante au cours de la procédure d’opposition, constituaient manifestement des éléments pertinents aux fins d’établir un risque de parasitisme en l’espèce. Il en a conclu que la chambre de recours avait commis une erreur en écartant ces éléments de preuve dans son
application en l’espèce de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009.
43 En revanche, comme l’observe à juste titre l’EUIPO, dans la mesure où le Tribunal n’a pas apprécié lui-même ces éléments de preuve, notamment leur portée géographique, il ne pouvait statuer sur la question de savoir si ceux-ci démontraient ou non un profit indûment tiré de la renommée des marques antérieures.
44 Au demeurant, le Tribunal n’aurait pu statuer sur une question non examinée par la chambre de recours sans commettre une substitution de motifs excédant son contrôle de légalité, en violation de la jurisprudence.
45 C’est pourquoi, aux points 92 et 93 de l’arrêt du 11 décembre 2014, Master (T‑480/12, EU:T:2014:1062), le Tribunal a jugé ce qui suit :
« Cependant, ainsi qu’il a été relevé au point 75 ci-dessus, la question de l’éventuel profit indu qui serait tiré du caractère distinctif ou de la renommée des marques antérieures n’ayant pas été examinée par la chambre de recours, il n’appartient pas au Tribunal de statuer à son égard, pour la première fois, dans le cadre de son contrôle de légalité de la décision attaquée [voir, en ce sens, arrêts du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C‑263/09 P, EU:C:2011:452, points 72 et 73 ; du 14 décembre 2011,
Völkl/OHMI – Marker Völkl (VÖLKL), T‑504/09, EU:T:2011:739, point 63, et du 29 mars 2012, You-Q/OHMI – Apple Corps (BEATLE), T‑369/10, EU:T:2012:177, point 75 et jurisprudence citée].
Il incombera donc à la chambre de recours, lors de son examen des conditions d’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 (voir point 76 ci-dessus), de prendre en considération les éléments de preuve relatifs à l’utilisation commerciale de la marque demandée, tels que produits par la requérante au cours de la procédure d’opposition. »
46 Ainsi, le Tribunal a chargé la chambre de recours d’apprécier elle-même ces éléments de preuve lors de son examen des conditions d’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, sans la lier par une appréciation spécifique.
47 Or, force est de constater que, aux points 27 à 33 de la décision attaquée, la chambre de recours, se conformant à l’arrêt du 11 décembre 2014, Master (T‑480/12, EU:T:2014:1062), a dûment pris en considération ces éléments de preuve pertinents, sans les écarter comme dans la première décision, et a effectué une appréciation de leur portée et de leur valeur probante lors de son examen des conditions d’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, en particulier celle du
risque de profit indu.
48 Dès lors, il ne saurait être reproché à la chambre de recours de n’avoir pas pris les mesures que comportait l’exécution de l’arrêt du 11 décembre 2014, Master (T‑480/12, EU:T:2014:1062), en violation de l’article 65, paragraphe 6, du règlement no 207/2009.
49 Partant, il y a lieu de rejeter le second moyen.
Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009
50 Par le premier moyen, la requérante soutient que la chambre de recours a violé l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 en ne prenant pas en considération les éléments de preuve relatifs à l’utilisation commerciale de la marque demandée, au motif qu’aucune de ces preuves ne concernait l’Union européenne. Selon elle, la chambre de recours aurait dû apprécier l’existence d’un risque de profit indu à la lumière de ces éléments de preuve pertinents, qui l’auraient amenée à conclure que
l’utilisation de la marque demandée provoquait à tout le moins un risque sérieux qu’un profit fût indûment tiré des quatre marques antérieures Coca-Cola. Elle avance à cet égard, en substance, deux griefs.
51 Par le premier grief, la requérante reproche à la chambre de recours de n’avoir pas tenu compte desdits éléments de preuve de manière appropriée et conforme à ce que lui imposait l’arrêt du 11 décembre 2014, Master (T‑480/12, EU:T:2014:1062). Elle estime que la question de la portée géographique de ces éléments de preuve avait déjà été soumise au Tribunal, qui avait néanmoins conclu à leur pertinence manifeste, ce que la chambre de recours était tenue de prendre en considération.
52 Par le second grief, la requérante fait valoir, en tout état de cause, que la chambre de recours a commis une erreur en ce qu’elle n’a pas tenu compte des déductions logiques découlant de ces éléments de preuve. Selon elle, l’utilisation effective de la marque demandée par l’intervenante sous une présentation particulière et choisie à dessein en dehors de l’Union conduirait nécessairement à la déduction logique qu’il existe un risque sérieux que cette marque soit utilisée de la même manière à
l’intérieur de l’Union. Ceci serait a fortiori valable lorsque, comme en l’espèce, d’une part, les éléments de preuve ne permettent pas de conclure que le site Internet « www.mastercola.com » ne visait pas les consommateurs de l’Union et, d’autre part, l’intervenante a expressément demandé la marque demandée pour une utilisation dans l’Union.
53 La requérante en conclut que les éléments de preuve relatifs à l’utilisation de la marque demandée suffisaient à démontrer l’intention de l’intervenante d’exploiter de manière parasitaire la renommée de ses propres marques. Selon elle, la chambre de recours aurait dû constater, soit en tant que question de fait, soit par déduction logique, l’intention de l’intervenante de transférer l’image des marques antérieures de la requérante aux produits revêtus de la marque qu’elle utilise, ou le risque
sérieux qu’elle le fasse, à l’intérieur de l’Union.
54 L’EUIPO conteste les arguments de la requérante. Tout d’abord, il relève que la chambre de recours, en exécution de l’arrêt du 11 décembre 2014, Master (T‑480/12, EU:T:2014:1062), a pris ces preuves en considération. Ainsi, elle a conclu que lesdites preuves ne montraient pas que la présentation affichée sur le site Internet « www.mastercola.com » fût utilisée dans l’Union.
55 Ensuite, l’EUIPO estime que la question pertinente est de savoir si l’usage de la marque demandée de la manière montrée pourrait donner lieu à un profit indûment tiré. D’une part, l’EUIPO convient que des preuves d’un usage concret fait n’importe où dans le monde peuvent fournir une indication sur la manière dont la marque demandée peut être utilisée dans l’Union, de sorte qu’un tel usage en dehors de l’Union peut permettre de déterminer si l’usage de la marque demandée est susceptible de tirer
indûment profit de la renommée des marques antérieures. D’autre part, l’EUIPO considère qu’examiner si l’usage dans l’Union peut être considéré comme l’une des atteintes envisagées à l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 à la lumière d’actes d’usage réalisés dans des pays tiers revient à effectuer une analyse fondée sur une simple spéculation. Ceci serait d’autant plus vrai que des éléments de présentation qui sont utilisés hors de l’Union, mais ne font pas partie de la marque
demandée, à savoir l’étiquette rouge sur laquelle l’expression « Master Cola » est écrite en blanc, la forme caractéristique du contenant et le bouchon rouge (ci-après les « éléments de présentation »), joueraient un grand rôle dans la capacité du public à associer la marque demandée à celle de la requérante de manière parasitaire.
56 Selon l’EUIPO, le raisonnement de la chambre de recours se fonde sur l’idée que, si l’analyse de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, est prospective par nature, elle doit se fonder sur des éléments objectifs plutôt que sur des hypothèses et des spéculations. En l’espèce, l’EUIPO convient certes que des actes d’usage concrets dans l’Union auraient pu illustrer le risque réel que l’usage de la marque demandée puisse tirer un profit indu de la renommée des marques antérieures dans
l’Union. Toutefois, l’EUIPO estime qu’une analyse fondée sur des actes d’usage réalisés hors de l’Union ne permet pas de tirer des conclusions, avec un degré de certitude suffisant, quant à la manière dont la marque demandée sera utilisée sur le territoire pertinent, à savoir celui de l’Union. Aux yeux de l’EUIPO, la balance des probabilités pourrait être trop faible. En effet, il ne pourrait être présumé que l’autre partie appliquera dans l’Union la même stratégie de marketing que celle déployée
dans des pays tiers. Ainsi, un usage possible de la marque demandée dans l’Union avec un emballage spécifique et des couleurs différentes de celles figurant dans la demande de marque de l’Union européenne pourrait ne pas suffire à étayer la prétention de la requérante. En d’autres termes, le fait qu’un usage soit fait en dehors de l’Union avec lesdits éléments de présentation ne pourrait être assimilé à une « intention » d’utiliser la marque demandée de la même manière dans l’Union.
57 En outre, l’EUIPO allègue que le fait de fonder une décision relative à l’applicabilité de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 sur des faits qui se sont produits hors du territoire de l’Union priverait le principe de territorialité de son contenu. L’EUIPO relève que, conformément à la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle, du 20 mars 1883, telle que révisée et modifiée, ce n’est que dans des circonstances exceptionnelles que l’enregistrement ou
l’usage d’une marque dans un pays produit des effets dans un autre pays, comme lorsqu’un droit de priorité est revendiqué ou lorsque le caractère renommé dans un pays d’une marque utilisée ou enregistrée dans un autre pays est invoqué (respectivement article 4 et article 6 bis de la convention de Paris). Comme toute exception, celle-ci devrait être interprétée de manière stricte et, en l’absence de toute disposition contraire spécifique, contenue soit dans la convention de Paris, soit dans le
règlement no 207/2009, il serait impossible de refuser l’enregistrement d’une marque dans l’Union sur la base d’actes accomplis hors du territoire de l’Union.
58 Enfin, l’EUIPO fait valoir que la requérante n’a fourni aucune preuve sur différents aspects. Ainsi, elle n’aurait donné aucune indication sur le nombre de consommateurs de l’Union qui auraient visité le site Internet « www.mastercola.com » afin d’obtenir des informations sur l’usage de la marque dans une présentation qui renforce encore les similitudes. Plus généralement, elle n’aurait fourni aucune preuve démontrant que la présentation en question est ou sera utilisée dans l’Union et que
l’intervenante en tirera un profit actuel ou futur dans l’Union. Selon l’EUIPO, même s’il pouvait être déduit avec un degré de certitude raisonnable que la marque demandée sera utilisée sous la même forme que sur ledit site Internet, avec les éléments de présentation, cela ne suffirait pas à établir un profit en faveur de l’intervenante. En effet, la requérante n’aurait pas montré quelle image concrète pouvait être transférée des quatre marques antérieures Coca-Cola à la marque demandée, dans
l’Union ou hors de l’Union, en particulier concernant les produits compris dans les classes 29 et 30, mais aussi à l’égard des boissons relevant de la classe 32. À cet égard, l’EUIPO observe que la requérante ne conteste pas l’affirmation, contenue dans la décision attaquée, selon laquelle, concernant les produits compris dans les classes 29 et 30, elle n’a fourni aucun argument ou preuve concernant un éventuel transfert de l’image desdites marques Coca-Cola. L’EUIPO ajoute qu’aucun des produits
compris dans les classes 29 et 30 n’est une boisson rafraîchissante pour laquelle les marques antérieures sont renommées.
59 L’intervenante conteste les arguments de la requérante. Tout d’abord, elle allègue que la marque représentée sur les extraits de son site Internet « www.mastercola.com » n’est pas la marque Master, écrite en lettres latines et arabes de couleur noire, mais la marque Master Cola, écrite en lettres latines de couleur blanche. Selon elle, l’usage d’une autre marque, telle que Master Cola, ne serait pas pertinent en l’espèce.
60 Ensuite, l’intervenante fait valoir qu’il n’est pas prouvé qu’elle utilise la présentation affichée sur son site Internet « www.mastercola.com » dans l’Union. À la suite de la chambre de recours, elle estime que le simple dépôt d’une marque de l’Union – dont la présentation diffère de celle figurant sur son site Internet – n’indique pas qu’elle ait l’intention de promouvoir ses produits dans l’Union de la même manière qu’elle le fait en Syrie et au Moyen-Orient. En tout état de cause, la
requérante n’aurait pas fait état d’une violation de ses droits dans cette région.
61 Enfin, l’intervenante avance que la requérante n’a pas non plus montré quelle était l’image concrète qui pouvait être transférée des quatre marques antérieures Coca-Cola à la marque demandée dans l’Union ou hors de l’Union.
62 L’intervenante en conclut qu’il est établi qu’elle n’a nullement l’intention de tirer un quelconque profit des quatre marques antérieures Coca-Cola et de leur renommée. À ses yeux, il est « inconcevable » que le dépôt de la marque demandée, composée de l’élément « master » écrit en noir et blanc accompagné d’un texte en arabe, puisse servir à tirer indûment profit de la renommée de la requérante.
Rappel de jurisprudence et observations liminaires
63 Aux termes de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, « [s]ur opposition du titulaire d’une marque antérieure au sens du paragraphe 2, la marque demandée est également refusée à l’enregistrement si elle est identique ou similaire à la marque antérieure et si elle est destinée à être enregistrée pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, lorsque, dans le cas d’une marque [de l’Union européenne] antérieure,
elle jouit d’une renommée dans [l’Union] et, dans le cas d’une marque nationale antérieure, elle jouit d’une renommée dans l’État membre concerné et que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’il leur porterait préjudice ».
64 Il ressort du libellé de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 que son application est soumise aux conditions suivantes : premièrement, l’identité ou la similitude des marques en conflit ; deuxièmement, l’existence d’une renommée de la marque antérieure invoquée en opposition ; troisièmement, l’existence d’un risque que l’usage sans juste motif de la marque demandée tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou leur porte préjudice. Ces
conditions sont cumulatives et l’absence de l’une d’entre elles suffit à rendre inapplicable ladite disposition (voir arrêt du 11 décembre 2014, Master, T‑480/12, EU:T:2014:1062, point 25 et jurisprudence citée).
65 S’agissant de cette troisième condition, il convient de rappeler que le risque de profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure est notamment établi en cas de tentative d’exploitation et de parasitisme manifestes dans le sillage d’une marque renommée et qu’il y est, dès lors, fait référence par la notion de « risque de parasitisme ». En d’autres termes, il s’agit du risque que l’image de la marque renommée ou les caractéristiques projetées par cette
dernière soient transférées aux produits désignés par la marque demandée, de sorte que leur commercialisation serait facilitée par cette association avec la marque antérieure renommée (voir arrêt du 11 décembre 2014, Master, T‑480/12, EU:T:2014:1062, point 82 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 18 juin 2009, L’Oréal e.a., C‑487/07, EU:C:2009:378, point 41).
66 Afin de déterminer si l’usage du signe tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque, il y a lieu de procéder à une appréciation globale qui tienne compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, au nombre desquels figurent, notamment, l’intensité de la renommée et le degré de caractère distinctif de la marque, le degré de similitude entre les marques en conflit ainsi que la nature et le degré de proximité des produits ou des services concernés. S’agissant de
l’intensité de la renommée et du degré de caractère distinctif de la marque, la Cour a jugé que plus le caractère distinctif et la renommée de cette marque seront importants, plus l’existence d’une atteinte sera aisément admise. Il résulte également de la jurisprudence que plus l’évocation de la marque par le signe est immédiate et forte, plus est important le risque que l’utilisation actuelle ou future du signe tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque, ou leur
porte préjudice (arrêt du 18 juin 2009, L’Oréal e.a., C‑487/07, EU:C:2009:378, point 44 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 11 décembre 2014, Master, T‑480/12, EU:T:2014:1062, point 27 et jurisprudence citée).
67 Il appartient au titulaire de la marque antérieure qui se prévaut de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, de rapporter la preuve que l’usage de la marque postérieure tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de sa marque antérieure. À cette fin, le titulaire de la marque antérieure n’est pas tenu de démontrer l’existence d’une atteinte effective et actuelle à sa marque, comme le confirme la rédaction au conditionnel de ladite disposition. En effet,
lorsqu’il est prévisible qu’une telle atteinte découlera de l’usage que le titulaire de la marque postérieure peut être amené à faire de sa marque, le titulaire de la marque antérieure ne saurait être obligé d’en attendre la réalisation effective pour pouvoir faire interdire ledit usage. Toutefois, le titulaire de la marque antérieure doit établir l’existence d’éléments permettant de conclure à un risque sérieux qu’une telle atteinte se produise dans le futur [voir, en ce sens, arrêt du 22 mai
2012, Environmental Manufacturing/OHMI – Wolf (Représentation d’une tête de loup), T‑570/10, EU:T:2012:250, point 51 et jurisprudence citée] ou, en d’autres termes, apporter des éléments permettant de conclure prima facie à un risque futur non hypothétique de profit indu ou de préjudice [voir arrêt du 7 octobre 2015, Panrico/OHMI – HDN Development (Krispy Kreme DOUGHNUTS), T‑534/13, non publié, EU:T:2015:751, point 76 et jurisprudence citée].
68 Selon une jurisprudence constante, une conclusion à un risque de parasitisme, de même qu’à un risque de dilution ou de ternissement, peut être établie notamment sur la base de déductions logiques – pour autant qu’elles ne se bornent pas à de simples suppositions – résultant d’une analyse des probabilités et en prenant en compte les pratiques habituelles dans le secteur commercial pertinent ainsi que toutes les autres circonstances de l’espèce (arrêt du 22 mai 2012, Représentation d’une tête de
loup, T‑570/10, EU:T:2012:250, point 52 ; voir, également, arrêt du 11 décembre 2014, Master, T‑480/12, EU:T:2014:1062, point 84 et jurisprudence citée).
69 En particulier, la Cour a considéré que, dans l’appréciation globale visant à déterminer l’existence d’un profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée d’une marque antérieure, il devait notamment être tenu compte du fait que l’usage des emballages et des flacons similaires à ceux des parfums imités avait pour but de profiter, à des fins publicitaires, du caractère distinctif et de la renommée des marques sous lesquelles ces parfums étaient commercialisés. La Cour a également
précisé que, lorsqu’un tiers tentait par l’usage d’un signe similaire à une marque renommée de se placer dans le sillage de celle-ci afin de bénéficier de son pouvoir d’attraction, de sa réputation et de son prestige, ainsi que d’exploiter, sans aucune compensation financière et sans devoir déployer des efforts propres à cet égard, l’effort commercial déployé par le titulaire de la marque pour créer et entretenir l’image de cette marque, le profit résultant dudit usage devait être considéré comme
indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de ladite marque (arrêts du 18 juin 2009, L’Oréal e.a., C‑487/07, EU:C:2009:378, points 48 et 49, et du 11 décembre 2014, Master, T‑480/12, EU:T:2014:1062, point 85).
70 Enfin, le Tribunal a itérativement jugé qu’il était possible, notamment dans le cas d’une opposition fondée sur une marque bénéficiant d’une renommée exceptionnellement élevée, que la probabilité d’un risque futur non hypothétique de préjudice ou de profit indûment tiré par la marque demandée soit tellement évidente que l’opposant n’ait pas besoin d’invoquer un autre élément factuel à cette fin, ni d’avancer la preuve de l’existence d’un tel élément [voir, en ce sens, arrêts du 22 mars
2007,Sigla/OHMI – Elleni Holding (VIPS), T‑215/03, EU:T:2007:93, point 48, et du 27 octobre 2016, Spa Monopole/EUIPO – YTL Hotels & Properties (SPA VILLAGE), T‑625/15, non publié, EU:T:2016:631, point 63].
71 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient de vérifier si c’est à juste titre que la chambre de recours a estimé que les conditions d’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, n’étaient pas réunies en l’espèce.
72 D’emblée, il convient d’écarter le premier grief de la requérante. En effet, il a été jugé aux points 34 à 49 ci-dessus que la chambre de recours avait pris les mesures que comportait l’exécution de l’arrêt du 11 décembre 2014, Master (T‑480/12, EU:T:2014:1062), en prenant en considération les éléments de preuve relatifs à l’utilisation commerciale de la marque demandée.
73 Ensuite, il y a lieu d’examiner le second grief de la requérante, relatif à l’établissement d’un risque de profit indûment tiré de la renommée des marques antérieures, ainsi que, au préalable, certains arguments de l’EUIPO et de l’intervenante à cet égard.
Sur la prise en considération de l’usage d’une marque complexe comprenant la marque demandée
74 L’intervenante allègue que la marque représentée sur les extraits de son site Internet « www.mastercola.com » n’est pas la marque demandée, à savoir Master, mais une autre marque, Master Cola, dont l’usage ne serait pas pertinent en l’espèce.
75 Il ressort de la jurisprudence de la Cour, dans le contexte de l’acquisition du caractère distinctif d’une marque par l’usage et du maintien d’une marque par la preuve de l’usage sérieux, que, de manière générale, la notion d’« usage » d’une marque englobe, de par le sens de ce terme, aussi bien l’usage indépendant de cette marque que son usage en tant que composante d’une autre marque prise dans son ensemble ou en combinaison avec celle-ci. La Cour a également précisé qu’une marque enregistrée
qui est uniquement utilisée en tant que partie d’une marque complexe ou conjointement avec une autre marque doit continuer d’être perçue comme une indication de l’origine du produit en cause (voir, en ce sens, arrêts du 7 juillet 2005, Nestlé, C‑353/03, EU:C:2005:432, points 29 et 30 ; du 18 avril 2013, Colloseum Holding, C‑12/12, EU:C:2013:253, points 32, 35 et 36, et du 18 juillet 2013, Specsavers International Healthcare e.a., C‑252/12, EU:C:2013:497, points 23 et 26).
76 En l’espèce, force est de constater que le terme « master » est l’élément distinctif et dominant de la marque Master Cola utilisée sur le site Internet « www.mastercola.com » de l’intervenante notamment pour des boissons. Ainsi, au sein de la marque complexe Master Cola, l’élément « master » continue d’être perçu comme une indication de l’origine des produits de l’intervenante. Dès lors, l’usage de ce terme en tant que composante de la marque complexe Master Cola constitue bien un usage de la
marque Master en tant que telle.
77 Il s’ensuit que les éléments de preuve extraits du site Internet « www.mastercola.com » de l’intervenante ne sauraient être écartés au simple motif que la marque qui y apparaît est la marque Master Cola et non la marque Master de façon indépendante. Il en est d’autant plus ainsi que la première comprend cette dernière dans son ensemble.
78 Au contraire, il convient de considérer, à l’instar de ce qui a été jugé dans l’arrêt du 11 décembre 2014, Master (T‑480/12, EU:T:2014:1062), que ces éléments de preuve sont effectivement relatifs à l’utilisation commerciale de la marque demandée.
79 C’est donc à bon droit que la chambre de recours, en exécution de l’arrêt du 11 décembre 2014, Master (T‑480/12, EU:T:2014:1062), a pris en considération ces éléments de preuve.
Sur la prise en considération de l’usage de la marque demandée en dehors de l’Union européenne au regard du principe de territorialité
80 L’EUIPO allègue qu’il est impossible de refuser l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne sur la base d’actes accomplis hors du territoire de l’Union. Selon lui, le fait de fonder une décision relative à l’applicabilité de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, sur des faits qui se sont produits hors du territoire de l’Union priverait le principe de territorialité de son contenu.
81 Il convient de rappeler que le principe de territorialité, en droit des marques, implique que c’est le droit de l’État – ou de l’union d’États – où la protection d’une marque est demandée qui détermine les conditions de cette protection (voir, en ce sens, arrêts du 22 juin 1994, IHT Internationale Heiztechnik et Danzinger, C‑9/93, EU:C:1994:261, point 22, et du 13 septembre 2012, Protégé International/Commission, T‑119/09, non publié, EU:T:2012:421, point 78). Il doit être précisé que le principe
de territorialité implique également que le tribunal d’un État ou d’une union d’États est compétent, en tout ou en partie, pour connaître des faits de contrefaçon commis ou menaçant d’être commis sur le territoire de cet État ou de cette union d’États, à l’exclusion d’États tiers (voir, en ce sens, arrêt du 12 avril 2011, DHL Express France, C‑235/09, EU:C:2011:238, points 37 et 38).
82 En l’espèce, premièrement, il y a lieu de relever que l’intervenante a déposé une demande de marque de l’Union européenne. En vertu du principe de territorialité, c’est le droit de l’Union, en particulier le règlement no 207/2009, qui détermine les conditions de cette protection.
83 Deuxièmement, la requérante a formé opposition à cette demande de marque de l’Union européenne sur le fondement des quatre marques de l’Union européenne antérieures Coca-Cola. En vertu du principe de territorialité, ces marques sont protégées dans l’Union et peuvent être invoquées en opposition à une demande de marque postérieure.
84 En revanche, force est de constater que la requérante ne s’est pas prévalue d’éventuels droits antérieurs reconnus dans des pays tiers à l’Union. L’assertion de la chambre de recours, au point 29 de la décision attaquée, selon laquelle elle ne savait pas qui détenait les droits dans ces pays et la requérante n’avait pas invoqué une atteinte à ses droits dans cette région est donc dénuée de pertinence.
85 À cet égard, il convient également d’écarter l’allégation de l’EUIPO selon laquelle, conformément aux articles 4 et 6 bis de la convention de Paris, ce n’est que dans des circonstances exceptionnelles que l’enregistrement ou l’usage d’une marque dans un pays produit des effets dans un autre pays, comme lorsqu’un droit de priorité est revendiqué ou lorsque le caractère notoire dans un pays d’une marque utilisée ou enregistrée dans un autre pays est invoqué. Certes, il est exact que l’invocation
d’une marque notoire, au sens de la convention de Paris, déroge au principe de territorialité en ce sens qu’une marque non déposée dans l’Union peut néanmoins y être invoquée en opposition eu égard à sa notoriété dans un État tiers partie à ladite convention. Toutefois, en l’espèce, la requérante invoque à l’appui de son opposition des marques de l’Union européenne, à savoir les quatre marques antérieures Coca-Cola, et non des marques notoires dans des États tiers qui ne seraient pas déposées
dans l’Union. Dès lors, il n’y a là aucune dérogation au principe de territorialité.
86 Au demeurant, il y a lieu de relever que ces dispositions de la convention de Paris concernent d’éventuels droits antérieurs et non une demande postérieure de marque de l’Union européenne. Ainsi, elles n’interdisent nullement de prendre en considération l’usage dans un État tiers de la marque demandée dans l’Union aux fins d’établir l’existence d’un motif d’opposition dans l’Union.
87 Troisièmement, en l’espèce, la requérante invoque l’existence d’un risque qu’un profit soit indûment tiré de la renommée de ses marques antérieures dans l’Union, et non en dehors de celle-ci. Elle n’excipe de l’usage effectif de la marque demandée dans des États tiers que pour fonder une déduction logique relative à l’utilisation commerciale probable de la marque demandée dans l’Union. C’est donc bien cette dernière qui est pertinente en définitive.
88 À cet égard, il y a lieu de considérer que le principe de territorialité en droit des marques n’exclut nullement la prise en compte d’actes d’usage de la marque demandée en dehors de l’Union européenne pour fonder une déduction logique relative à l’utilisation commerciale probable de la marque demandée dans l’Union, afin d’établir l’existence d’un risque qu’un profit soit indûment tiré, dans l’Union, de la renommée d’une marque de l’Union européenne antérieure, au sens de l’article 8,
paragraphe 5, du règlement no 207/2009.
89 Il s’ensuit, en l’espèce, que le principe de territorialité ne s’oppose pas à la prise en considération d’éléments de preuve relatifs à l’utilisation commerciale effective de la marque demandée Master (en combinaison avec le terme « cola ») en Syrie et au Moyen-Orient, tels que des extraits du site « www.mastercola.com », qui est rédigé principalement en arabe, aux fins d’établir un risque que l’usage de ladite marque dans l’Union y tire indûment profit de la renommée des quatre marques de
l’Union européenne antérieures Coca-Cola.
Sur l’appréciation des déductions logiques quant à un risque de parasitisme dans l’Union
90 La chambre de recours, au point 27 de la décision attaquée, a constaté que « [l]es preuves montr[ai]ent que l[’intervenante] vend[ait] ses boissons dans des bouteilles ayant la même apparence, la même imagerie, la même stylisation, la même police et le même emballage que les bouteilles vendues par l[a requérante] sous le nom Coca-Cola ».
91 Toutefois, aux points 28 à 33 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que ces preuves revêtaient une portée telle qu’elles ne sauraient fonder l’opposition et, notamment, l’existence d’un risque de parasitisme, en substance pour les trois motifs suivants. Premièrement, la chambre de recours a constaté que lesdites preuves ne montraient pas que l’intervenante utilisât dans l’Union la présentation affichée sur son site Internet « www.mastercola.com ». À l’appui de ce constat,
elle a relevé le fait que ce site Internet était essentiellement rédigé en arabe, malgré l’existence d’une page en anglais, ainsi que l’absence de toute indication quant à la possibilité de commande en ligne et d’expédition des produits proposés vers l’Union. Deuxièmement, la chambre de recours a estimé que le simple fait qu’une marque de l’Union européenne soit déposée – dont la présentation différait de celle figurant sur le site Internet de l’intervenante – n’indiquait pas que cette dernière
eût l’intention de promouvoir ses produits dans l’Union de la même manière qu’elle le faisait en Syrie et au Moyen-Orient. Troisièmement, la chambre de recours a considéré que la requérante n’avait pas non plus montré l’image concrète qui pourrait être transférée des marques antérieures Coca-Cola à la demande en cause dans l’Union ou hors de l’Union, en particulier pour les produits compris dans les classes 29 et 30 mais aussi pour les boissons relevant de la classe 32. Ainsi, selon elle, les
preuves produites ne permettaient pas d’établir clairement ce que signifiait Coca-Cola. La chambre de recours a observé que, dans la mesure où elle était liée par les arguments des parties en vertu de l’article 76 du règlement no 207/2009, il ne lui revenait pas d’essayer d’obtenir elle-même la production de ces arguments.
92 En premier lieu, force est de relever que le constat de la chambre de recours selon lequel les preuves ne montraient pas que l’intervenante utilisât dans l’Union la présentation affichée sur son site Internet « www.mastercola.com » est, en soi, inopérant en l’espèce.
93 Certes, il convient d’observer que le site Internet « www.mastercola.com », en son état actuel, ne vise pas principalement les consommateurs de l’Union, eu égard tant à l’absence sur ce site de référence à l’Union qu’à sa rédaction principalement en arabe. Il en est ainsi malgré la présence de son élément « .com » mis en exergue par la requérante, ainsi que celle de la page en anglais qu’il contient à l’adresse suivante : http ://www.mastercola.com/companyprofile-en.htm.
94 Toutefois, cette observation ne rend pas pour autant les extraits de ce site Internet dénués de pertinence. En effet, ceux-ci peuvent fonder une déduction logique relative à l’utilisation commerciale probable de la marque demandée dans l’Union, afin d’établir l’existence d’un risque qu’un profit soit indûment tiré dans l’Union (voir points 88 et 89 ci-dessus).
95 C’est donc à juste titre que l’EUIPO convient, au point 32 de son mémoire en réponse, que des preuves d’un usage concret fait n’importe où dans le monde peuvent fournir une indication sur la manière dont la marque demandée peut être utilisée dans l’Union, de sorte qu’un tel usage en dehors de l’Union peut permettre de déterminer si l’usage de la marque demandée est susceptible de tirer indûment profit de la renommée des marques antérieures.
96 Ainsi, le Tribunal considère que, en principe, il peut être déduit logiquement d’une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne que son titulaire a l’intention de commercialiser ses produits ou services dans l’Union européenne.
97 En l’espèce, il est donc logiquement prévisible que l’intervenante, si elle obtient l’enregistrement de la marque demandée, modifie son site Internet en conformité avec une telle intention de commercialiser ses produits sous cette marque dans l’Union.
98 À cet égard, il doit être observé que le site Internet « www.mastercola.com » n’est pas figé et pourrait être modifié afin de cibler des consommateurs de l’Union, notamment en ajoutant du contenu dans une ou plusieurs langues officielles de l’Union.
99 En deuxième lieu, la chambre de recours a estimé que le simple fait qu’une marque de l’Union européenne soit déposée par l’intervenante n’indiquait pas que celle-ci eût l’intention de promouvoir ses produits dans l’Union de la même manière qu’elle le faisait en Syrie et au Moyen-Orient.
100 D’emblée, il y a lieu de relever que l’intervenante n’a pas indiqué de quelle manière elle entendait promouvoir ses produits dans l’Union et n’a fourni aucune preuve à cet égard.
101 Ensuite, en l’absence d’éléments spécifiques quant aux intentions commerciales de l’intervenante dans l’Union, il convient de considérer que les extraits du site Internet « www.mastercola.com » produits par la requérante et relatifs à l’utilisation effective de la marque demandée par l’intervenante en dehors de l’Union sont susceptibles de permettre de conclure prima facie à un risque futur non hypothétique de profit indu dans l’Union.
102 En effet, la jurisprudence permet de conclure à un risque de parasitisme sur la base de déductions logiques – pour autant qu’elles ne se bornent pas à de simples suppositions – résultant d’une analyse des probabilités et en prenant en compte les pratiques habituelles dans le secteur commercial pertinent ainsi que toutes les autres circonstances de l’espèce (voir points 67 et 68 ci-dessus).
103 En l’espèce, le fait que l’intervenante n’a fourni aucun élément spécifique quant à d’éventuelles intentions commerciales dans l’Union différentes de celles concernant les pays tiers n’est pas sans pertinence. En effet, dès lors que la requérante a prouvé l’utilisation effective de la marque demandée par l’intervenante en dehors de l’Union, par la production des extraits du site Internet « www.mastercola.com », il convient de relever que, en termes de charge de la preuve, il s’avérerait plus
facile pour l’intervenante de prouver la différence de ses intentions commerciales dans l’Union que pour la requérante de prouver la similitude des intentions commerciales probables de l’intervenante dans l’Union avec sa pratique commerciale effective en dehors de l’Union. Mais l’intervenante n’a pas apporté une telle preuve.
104 Ainsi, il y a lieu de conclure, à l’instar de la requérante, que l’utilisation effective de la marque demandée par l’intervenante sous une présentation particulière et choisie à dessein en dehors de l’Union peut – sauf preuve contraire, absente en l’espèce, apportée par l’intervenante – conduire à une déduction logique selon laquelle il existe un risque sérieux que la marque demandée soit utilisée de la même manière au sein de l’Union que dans les pays tiers, d’autant plus que l’intervenante a
expressément demandé l’enregistrement de la marque demandée pour une utilisation dans l’Union.
105 Cette conclusion n’est pas infirmée par l’allégation de l’EUIPO selon laquelle, en substance, les éléments de présentation qui sont utilisés en dehors de l’Union mais ne font pas partie de la marque demandée (à savoir l’étiquette rouge sur laquelle l’expression « Master Cola » est écrite en blanc, la forme caractéristique du contenant et le bouchon rouge) pourraient ne pas être utilisés dans l’Union. Certes, comme l’observe l’EUIPO, ces éléments de présentation peuvent jouer un certain rôle dans
la capacité du public à associer la marque demandée à celles de la requérante de manière parasitaire. Toutefois, dans l’arrêt du 11 décembre 2014, Master (T‑480/12, EU:T:2014:1062, points 64 et 74), le Tribunal a considéré que la similitude globale entre les signes en conflit, à prendre en considération pour l’examen d’un éventuel risque de parasitisme, pouvait résulter des seuls éléments de ressemblance visuelle tenant non seulement à la « queue » prolongeant leurs lettres initiales respectives
« c » et « m » d’une courbure sous forme de signature, mais également à leur utilisation commune d’une police de caractères peu courante dans la vie des affaires contemporaine, l’écriture spencérienne, perçue dans son ensemble par le consommateur pertinent. Ainsi, bien qu’un éventuel usage desdits éléments de présentation dans l’Union soit susceptible de renforcer la déduction logique quant à un risque de parasitisme, il ne constitue pas pour autant la condition nécessaire d’une telle déduction.
En outre, le fait que de tels éléments de présentation sont déjà utilisés sur le site Internet de l’intervenante en l’état actuel peut fonder une déduction logique selon laquelle ils pourraient être utilisés à l’avenir sur ledit site en étant modifié afin de cibler des consommateurs de l’Union (voir point 98 ci-dessus).
106 Par ailleurs, l’allégation de l’EUIPO selon laquelle la requérante n’aurait donné aucune indication sur le nombre de consommateurs de l’Union qui auraient visité le site Internet « www.mastercola.com » est inopérante. D’une part, l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, implique une analyse prospective du risque futur et non hypothétique de parasitisme dans l’Union sur la base des éléments actuellement disponibles, mais non l’établissement d’un parasitisme actuel dans l’Union. Le
titulaire de la marque antérieure n’est pas tenu de démontrer l’existence d’une atteinte effective et actuelle à sa marque, comme le confirme la rédaction au conditionnel de ladite disposition (voir point 67 ci-dessus). D’autre part, alors que le risque de dilution, à savoir le risque qu’il soit porté préjudice au caractère distinctif des marques antérieures, suppose que soit démontrée une modification du comportement économique du consommateur moyen des produits ou des services pour lesquels la
marque antérieure est enregistrée consécutive à l’usage de la marque postérieure (voir arrêt du 14 novembre 2013, Environmental Manufacturing/OHMI, C‑383/12 P, EU:C:2013:741, point 34 et jurisprudence citée), une telle preuve n’est pas requise pour le risque de parasitisme, à savoir le risque qu’il soit tiré indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée des marques antérieures. Au demeurant, le risque de parasitisme est apprécié par rapport au consommateur moyen des produits et des
services visés par la marque postérieure, et non par la marque antérieure, dans la mesure où ce qui est prohibé est l’avantage tiré de cette marque par le titulaire de la marque postérieure (voir, en ce sens, arrêts du 27 novembre 2008, Intel Corporation, C‑252/07, EU:C:2008:655, point 36, et du 20 septembre 2017, The Tea Board/EUIPO, C‑673/15 P à C‑676/15 P, EU:C:2017:702, point 92).
107 Il résulte de tout ce qui précède que la chambre de recours a commis une erreur dans l’appréciation des éléments de preuve relatifs à l’utilisation commerciale de la marque demandée en dehors de l’Union, en particulier les extraits du site Internet « www.mastercola.com » de l’intervenante produits par la requérante, en ne tenant pas compte des déductions logiques et des analyses de probabilité qui peuvent en découler quant à un risque de parasitisme dans l’Union. Ce faisant, elle a violé
l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009.
108 Par conséquent, il y a lieu d’accueillir le premier moyen.
109 Au surplus et à titre d’obiter dictum, en vue de vider le litige et d’éviter des annulations et des renvois successifs, eu égard aux principes de bonne administration de la justice et d’économie procédurale, le Tribunal estime opportun de se prononcer, à la lumière du dossier et des observations des parties recueillies tant par question écrite que lors de l’audience, sur l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle la requérante n’avait pas non plus montré l’image concrète qui pourrait
être transférée de ses marques antérieures Coca-Cola à la demande en cause dans l’Union ou hors de l’Union et les preuves produites ne permettaient pas d’établir clairement ce que signifiait Coca-Cola.
110 À cet égard, il convient de souligner que, en vertu de l’article 65, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 (devenu article 72, paragraphe 2, du règlement 2017/1001), le Tribunal est appelé à apprécier la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO en contrôlant l’application du droit de l’Union effectuée par celles-ci, eu égard, notamment, aux éléments de fait qui ont été soumis auxdites chambres. Ainsi, dans les limites dudit article, tel qu’interprété par la Cour, le Tribunal
peut se livrer à un entier contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO, au besoin en recherchant si ces chambres ont donné une qualification juridique exacte aux faits du litige ou si l’appréciation des éléments de fait qui ont été soumis auxdites chambres n’est pas entachée d’erreurs (arrêt du 18 décembre 2008, Les Éditions Albert René/OHMI, C‑16/06 P, EU:C:2008:739, points 38 et 39).
111 En effet, lorsqu’il est appelé à apprécier la légalité d’une décision d’une chambre de recours de l’EUIPO, le Tribunal ne saurait être lié par une appréciation erronée des faits par cette chambre, dans la mesure où ladite appréciation fait partie des conclusions dont la légalité est contestée devant le Tribunal (arrêt du 18 décembre 2008, Les Éditions Albert René/OHMI, C‑16/06 P, EU:C:2008:739, point 48).
112 En l’espèce, la requérante a conclu à l’annulation de la décision attaquée et a fondé son premier moyen sur une violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009. Ainsi, l’appréciation de l’existence d’un risque de profit indu, en particulier la constatation de l’image susceptible d’être transférée des marques antérieures à la marque demandée, fait partie des conclusions dont la légalité est contestée devant le Tribunal.
113 S’agissant des éléments de preuve relatifs à l’image susceptible d’être transférée des marques antérieures à la marque demandée, il convient, certes, de relever que, dans la requête, la requérante s’est bornée à évoquer une « intention manifeste [de l’intervenante] d’exploiter [s]a renommée […] et les efforts commerciaux considérables qu’elle a déployés pour créer l’image de la marque Coca-Cola ».
114 Toutefois, il ressort du dossier que, aux points 20 à 29 de ses observations déposées le 23 février 2011 devant la division d’opposition et reproduites en annexe 1 de son mémoire du 25 janvier 2012 exposant les motifs du recours devant la chambre de recours, la requérante a longuement évoqué l’image des quatre marques antérieures Coca-Cola, dont elle visait alors à établir la renommée. Aux points 27 à 29 desdites observations, elle a notamment cité des extraits d’un livre et d’une étude de
l’organisme indépendant Superbrands (joints respectivement en annexe 4 et en annexe 5 auxdites observations), selon lesquels, en particulier, « Coca-Cola est la marque la plus reconnue dans le monde, avec 94 % de reconnaissance mondiale », « Coca-Cola est connue pour ses campagnes de marketing innovantes et pertinentes et est célèbre pour ses publicités emblématiques », « [l]es valeurs de la marque Coca-Cola ont résisté à l’usure du temps et visent à communiquer l’optimisme, la convivialité [ou
le vivre-ensemble] et l’authenticité[ ;] Coca-Cola n’est pas politique mais vise à réunir les gens avec une promesse inspirante de temps et de possibilités meilleurs[ ; c]es valeurs rendent Coca-Cola aussi pertinente et attrayante aujourd’hui qu’hier et étayent la loyauté, l’affection et l’amour que des générations entières ont éprouvés pour la marque[ ; l]a réputation de The Coca-Cola Company pour un marketing fort assure que cette connexion demeure aussi puissante que jamais ».
115 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, il existe une continuité fonctionnelle entre les différentes instances de l’EUIPO, à savoir l’examinateur, la division d’opposition, la division d’administration des marques et des questions juridiques et les divisions d’annulation, d’une part, et les chambres de recours, d’autre part. Il découle de cette continuité fonctionnelle entre les différentes instances de l’EUIPO que, dans le cadre du réexamen que les
chambres de recours doivent faire des décisions prises par les unités de l’EUIPO statuant en première instance, elles sont tenues de fonder leur décision sur tous les éléments de fait et de droit que les parties ont fait valoir soit dans la procédure devant l’unité ayant statué en première instance, soit dans la procédure de recours. Le contrôle exercé par les chambres de recours ne se limite pas au contrôle de la légalité de la décision attaquée, mais, de par l’effet dévolutif de la procédure
de recours, il implique une nouvelle appréciation du litige dans son ensemble, les chambres de recours devant intégralement réexaminer la requête initiale et tenir compte des preuves produites en temps utile [voir arrêt du 6 novembre 2007, SAEME/OHMI – Racke (REVIAN’s), T‑407/05, EU:T:2007:329, points 49 à 51 et jurisprudence citée]. Ainsi, il résulte de l’article 64, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 (devenu article 71, paragraphe 1, du règlement 2017/1001) que, par l’effet du recours dont
elle est saisie, la chambre de recours est appelée à procéder à un nouvel examen complet du fond de l’opposition, tant en droit qu’en fait [arrêts du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C‑29/05 P, EU:C:2007:162, point 57, et du 13 décembre 2016, Guiral Broto/EUIPO – Gastro & Soul (Café del Sol), T‑548/15, non publié, EU:T:2016:720, point 21].
116 En vertu du principe de continuité fonctionnelle, il y a lieu de considérer que la chambre de recours était tenue de prendre en compte les assertions de la requérante, formulées dans ses observations du 23 février 2011 devant la division d’opposition et annexées au mémoire du 25 janvier 2012 exposant les motifs du recours, quant à l’image des quatre marques antérieures Coca-Cola, laquelle était susceptible d’être transférée à la marque demandée.
117 C’est donc à tort que la chambre de recours a prétendu, au point 30 de la décision attaquée, que la requérante n’avait pas montré quelle était l’image concrète qui pourrait être transférée des quatre marques antérieures Coca-Cola à la marque demandée. C’est également à tort que la chambre de recours a ajouté que les preuves produites ne permettaient pas d’établir clairement ce que signifiait Coca-Cola.
118 De plus, au point 32 de la décision attaquée, si c’est à bon droit que la chambre de recours a observé qu’elle était liée par les arguments des parties en vertu de l’article 76 du règlement no 207/2009, c’est encore à tort qu’elle a estimé, en substance, que la requérante n’avait pas présenté devant l’EUIPO des arguments et des éléments de preuve relatifs à l’image susceptible d’être transférée des marques antérieures à la marque demandée.
119 Contrairement à ce qu’a considéré la chambre de recours aux points 30 à 33 de la décision attaquée, force est de constater que la requérante a effectivement présenté devant l’EUIPO des arguments et des éléments de preuve relatifs à l’image susceptible d’être transférée des marques antérieures à la marque demandée, en particulier les extraits de l’étude de Superbrands cités dans les observations de la requérante à l’appui de l’opposition.
120 Par souci d’exhaustivité, le Tribunal souligne enfin le caractère non décisif de l’assertion de la chambre de recours, au point 31 de la décision attaquée, selon laquelle aucun des produits compris dans les classes 29 et 30 n’est une boisson rafraîchissante pour laquelle les marques antérieures sont renommées.
121 En effet, selon la jurisprudence relative à l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, certaines marques peuvent avoir acquis une renommée telle qu’elle va au-delà du public concerné par les produits ou les services pour lesquels ces marques ont été enregistrées. Dans une telle hypothèse, il est possible que le public concerné par les produits ou les services pour lesquels la marque postérieure est enregistrée effectue un rapprochement entre les marques en conflit alors même qu’il
serait tout à fait distinct du public concerné par les produits ou les services pour lesquels la marque antérieure a été enregistrée (arrêt du 27 novembre 2008, Intel Corporation, C‑252/07, EU:C:2008:655, points 51 et 52).
122 Du reste, en l’espèce, l’étude de Superbrands produite par la requérante devant la division d’opposition et citée au point 114 ci-dessus indique que, « [c]omme Coca-Cola demeure au sommet de la reconnaissance mondiale pour une marque, l’entreprise est capable d’utiliser sa relation aux consommateurs en vue d’avoir un impact au-delà du marché des boissons non alcoolisées ».
123 Compte tenu de l’accueil du premier moyen au point 108 ci-dessus, il y a lieu de faire droit au recours et, partant, d’annuler la décision attaquée.
Sur les dépens
124 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
125 L’EUIPO et l’intervenante ayant succombé, il y a lieu, d’une part, de condamner l’EUIPO à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière, et, d’autre part, de décider que l’intervenante supportera ses propres dépens.
126 Par ailleurs, la requérante a conclu à la condamnation de l’EUIPO aux dépens exposés par elle à chaque étape de la procédure d’opposition et de recours. À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 190, paragraphe 2, du règlement de procédure, les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours sont considérés comme des dépens récupérables. Il n’en va toutefois pas de même des frais exposés aux fins de la procédure devant la
division d’opposition. Partant, la demande de la requérante tendant à ce que l’EUIPO, ayant succombé en ses conclusions, soit condamné aux dépens relatifs à la procédure administrative ne peut être accueillie que s’agissant des seuls dépens indispensables exposés par la requérante aux fins de la procédure devant la chambre de recours [voir, en ce sens, arrêt du 11 octobre 2016, Guccio Gucci/EUIPO – Guess ? IP Holder (Représentation de quatre G entrelacés), T‑753/15, non publié, EU:T:2016:604,
point 56 et jurisprudence citée].
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (huitième chambre)
déclare et arrête :
1) La décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 2 décembre 2015 (affaire R 1251/2015-4) est annulée.
2) L’EUIPO supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par The Coca-Cola Company, y compris devant la chambre de recours de l’EUIPO.
3) Modern Industrial & Trading Investment Co. Ltd (Mitico) supportera ses propres dépens.
Collins
Kancheva
Passer
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 décembre 2017.
Signatures
Table des matières
Antécédents du litige
Conclusions des parties
En droit
Sur le second moyen, tiré d’une violation de l’article 65, paragraphe 6, du règlement no 207/2009
Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009
Rappel de jurisprudence et observations liminaires
Sur la prise en considération de l’usage d’une marque complexe comprenant la marque demandée
Sur la prise en considération de l’usage de la marque demandée en dehors de l’Union européenne au regard du principe de territorialité
Sur l’appréciation des déductions logiques quant à un risque de parasitisme dans l’Union
Sur les dépens
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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.