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28/06/2017 | CJUE | N°T-479/16

CJUE | CJUE, Arrêt du Tribunal, Colgate-Palmolive Co. contre Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle., 28/06/2017, T-479/16


DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

28 juin 2017 (*)

« Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne figurative AROMASENSATIONS – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑479/16,

Colgate-Palmolive Co., établie à New York, New York (États-Unis), représentée par M^es M. Zintler et A. Stolz, avocats,

partie req

uérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M....

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

28 juin 2017 (*)

« Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne figurative AROMASENSATIONS – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑479/16,

Colgate-Palmolive Co., établie à New York, New York (États-Unis), représentée par M^es M. Zintler et A. Stolz, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. A. Folliard-Monguiral et M^me M. Simandlova, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO du 6 juin 2016 (affaire R 2482/2015-2), concernant une demande d’enregistrement du signe figuratif AROMASENSATIONS comme marque de l’Union européenne,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. G. Berardis (rapporteur), président, S. Papasavvas et M^me O. Spineanu‑Matei, juges,

greffier : M. I. Dragan, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 30 août 2016,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 2 novembre 2016,

à la suite de l’audience du 24 avril 2017,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 5 juin 2015, la requérante, Colgate-Palmolive Co., a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 3 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Produits nettoyants pour le corps et la peau ».

4        Le 26 juin 2015, l’examinateur a, conformément à la règle 11, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO 1995, L 303, p. 1), tel que modifié notamment par le règlement (CE) n° 1041/2005 de la Commission, du 29 juin 2005 (JO 2005, L 172, p. 4), informé la requérante de ses objections à l’encontre de l’enregistrement de la marque demandée, fondées
sur l’article 7, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, du règlement n° 207/2009. La requérante a maintenu sa demande d’enregistrement.

5        Par décision du 30 octobre 2015, l’examinateur a rejeté la demande de marque de l’Union européenne sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, au motif que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif.

6        Le 14 décembre 2015, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de l’examinateur.

7        Par décision du 6 juin 2016 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. En particulier, elle a relevé que le terme « aromasensations », contenue dans le signe demandé, serait perçu comme un message promotionnel laudatif, ayant pour fonction de décrire une caractéristique des produits. La chambre de recours a, dès lors, conclu que la marque demandée n’était pas distinctive, du moins pour la partie anglophone du public pertinent, et
que son enregistrement comme marque de l’Union européenne devait être refusé, en application de l’article 7, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, du règlement n° 207/2009.

8        La chambre de recours a cependant accepté que pouvait être soulevé pour la première fois devant elle, l’argument selon lequel la marque avait acquis un caractère distinctif par l’usage conformément à l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009, et a renvoyé l’affaire à l’examinateur pour qu’il examine cet argument.

 Conclusions des parties

9        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée, dans la mesure où la chambre de recours a rejeté le recours sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

10      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

11      À l’appui de son recours, la requérante soulève deux moyens, tirés, le premier, d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 et, le second, d’une violation des principes d’égalité de traitement et de bonne administration.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009

12      La requérante estime que la chambre de recours a erronément conclu à l’absence de caractère distinctif de la marque demandée dans la décision attaquée. Elle fait valoir que, selon la jurisprudence, un signe équivoque, qui véhicule plusieurs significations possibles et présentant un niveau d’abstraction élevé, est en principe distinctif. Le simple fait qu’une marque puisse véhiculer un message élogieux ne saurait, en soi, suffire pour conclure que cette marque est dépourvue de caractère
distinctif. En outre, un minimum de caractère distinctif serait suffisant pour pouvoir conclure au caractère distinctif d’une marque.

13      L’EUIPO conteste ces arguments.

14      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif. L’article 7, paragraphe 2, de ce même règlement énonce que le paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union européenne.

15      Selon une jurisprudence constante, une marque a un caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, lorsqu’elle permet d’identifier le produit ou le service pour lequel l’enregistrement a été demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit ou ce service de ceux issus d’autres entreprises [voir arrêt du 28 avril 2015, Volkswagen/OHMI (EXTRA), T‑216/14, non publié, EU:T:2015:230, point 13 et jurisprudence
citée, et ordonnance du 24 juin 2015, Wm. Wrigley Jr./OHMI (Extra), T‑552/14, non publiée, EU:T:2015:462, point 13 et jurisprudence citée].

16      À cet égard, il convient de rappeler que les signes dépourvus de caractère distinctif visés à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 sont réputés incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine du produit ou du service couvert par celle-ci, afin de permettre ainsi au consommateur qui acquiert ce produit ou ce service de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix si l’expérience s’avère positive ou de
faire un autre choix si elle s’avère négative (voir arrêt du 28 avril 2015, EXTRA, T‑216/14, non publié, EU:T:2015:230, point 14 et jurisprudence citée).

17      Le caractère distinctif d’une marque doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement de la marque est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent, qui est constitué par le consommateur moyen de ces produits ou de ces services, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé [voir arrêt du 14 septembre 2009, Lange Uhren/OHMI (Champs géométriques sur le cadran d’une montre), T‑152/07,
non publié, EU:T:2009:324, point 127 et jurisprudence citée].

18      Le Tribunal a déjà eu l’occasion de juger, quant à l’appréciation du caractère distinctif de marques composées de signes ou d’indications qui sont par ailleurs utilisés en tant que slogans publicitaires, indications de qualité ou expressions incitant à acheter les produits ou les services couverts par ces marques, qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer à celles-ci des critères plus stricts que ceux applicables à d’autres signes [voir arrêts du 11 décembre 2012, Fomanu/OHMI (Qualität hat
Zukunft), T‑22/12, non publié, EU:T:2012:663, point 16 et jurisprudence citée, et du 28 avril 2015, EXTRA, T‑216/14, non publié, EU:T:2015:230, point 17 et jurisprudence citée].

19      Il ressort de la jurisprudence qu’un minimum de caractère distinctif suffit à faire obstacle à l’application du motif absolu de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 [voir arrêt du 25 septembre 2015, BSH/OHMI (PerfectRoast), T‑591/14, non publié, EU:T:2015:700, point 40 et jurisprudence citée].

20      Il s’ensuit qu’une marque constituée d’un slogan publicitaire doit être considérée comme dépourvue de caractère distinctif si elle n’est susceptible d’être perçue par le public pertinent que comme une simple formule promotionnelle. En revanche, une telle marque doit se voir reconnaître un caractère distinctif si, au-delà de sa fonction promotionnelle, elle peut être perçue d’emblée par le public pertinent comme une indication de l’origine commerciale des produits et des services visés
[ordonnance du 12 juin 2014, Delphi Technologies/OHMI, C‑448/13 P, non publiée, EU:C:2014:1746, point 37 ; arrêts du 11 décembre 2012, Qualität hat Zukunft, T‑22/12, non publié, EU:T:2012:663, point 22, et du 6 juin 2013, Interroll/OHMI (Inspired by efficiency), T‑126/12, non publié, EU:T:2013:303, point 24].

21      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si, comme le soutient la requérante, l’EUIPO a violé l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 en concluant que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif.

22      En premier lieu, ainsi que la chambre de recours l’a constaté aux points 17 à 19 de la décision attaquée, la marque demandée étant composée de mots anglais, le public pertinent se compose au moins du public des États membres dans lesquels l’anglais est une langue officielle, à savoir l’Irlande, la République de Malte et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord. En outre, compte tenu de la nature des produits en cause, le niveau d’attention du public pertinent sera celui
d’un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, ce qui, au demeurant, n’est pas contesté par la requérante.

23      En deuxième lieu, la requérante conteste l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle la combinaison des mots « aroma » et « sensations » est dépourvue de caractère distinctif. Elle avance que le terme « aroma » est distinctif en soi. Ce terme serait associé en particulier à la saveur découverte lorsqu’un aliment ou une boisson délicieuse, tels que le chocolat ou un verre de vin, est goûté et ne renverrait pas uniquement à « une certaine odeur agréable », contrairement à ce
qu’a estimé la chambre de recours. Ce terme serait donc distinctif pour des produits de soins personnels, qui, en tant que tels, ne sont pas associés au terme « aroma ». En outre, ce terme ne contiendrait pas uniquement un message élogieux et revêtirait également d’autres significations qui ne contiennent pas uniquement un message promotionnel pour les produits en cause. Le terme « aroma » pourrait ainsi également signifier « à Rome » en italien. Le terme « sensations » serait également
distinctif en raison de ses nombreuses significations.

24      Il convient de rappeler, à cet égard, qu’un signe verbal doit se voir opposer un refus d’enregistrement si, en au moins une de ses significations potentielles, il désigne une caractéristique des produits ou des services concernés [voir arrêt du 25 avril 2013, Bayerische Motoren Werke/OHMI (ECO PRO), T‑145/12, non publié, EU:T:2013:220, point 34 et jurisprudence citée]. Cette jurisprudence, qui a d’abord été développée dans le cadre de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement
n° 207/2009, est également applicable, par analogie, à l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement [arrêt du 29 avril 2010, Kerma/OHMI (BIOPIETRA), T‑586/08, non publié, EU:T:2010:171, point 35].

25      Or, s’agissant, d’une part, du terme « aroma », la chambre de recours a correctement défini ce terme comme étant une « odeur distinctive, généralement agréable, en particulier d’épices, de vins ou de plantes ». Le Tribunal a d’ailleurs déjà retenu une telle définition dans son arrêt du 12 mai 2016, Chung-Yuan Chang/EUIPO – BSH Hausgeräte (AROMA) (T‑749/14, non publié, EU:T:2016:286, point 30).

26      Partant, dès lors que l’arôme ou l’odeur sont, comme la chambre de recours l’a relevé à bon droit, une caractéristique importante des produits en cause, c’est sans commettre d’erreur que celle-ci a considéré, au point 25 de la décision attaquée, que le public pertinent percevrait immédiatement le terme « aroma » comme désignant les propriétés olfactives de ces produits. Il importe peu, dès lors, au vu de la jurisprudence mentionnée au point 24 ci-dessus, que ce terme puisse également
être compris éventuellement comme se référant au fait de se rendre « à Rome », à supposer que le public anglophone puisse attribuer au terme « aroma » une telle signification en lien avec les produits visés.

27      S’agissant, d’autre part, du terme « sensations », contrairement à ce que fait valoir la requérante, ce terme a été défini par la chambre de recours, au point 24 de la décision attaquée, comme désignant la « capacité de percevoir par les sens ; [la] condition physique ou [l’]expérience résultant de la stimulation de l’un des organes sensoriels ». Une telle définition n’est pas erronée et n’a, au demeurant, pas été remise en cause. Partant, c’est également sans commettre d’erreur que la
chambre de recours a considéré, au point 26 de ladite décision, que le terme « sensations », combiné au terme « aroma », sera compris, pour les  produits visés, comme une « expérience résultant de la stimulation de l’un des organes sensoriels[, l’olfaction,] par une certaine odeur [en principe] agréable ». Au vu de la jurisprudence citée au point 24 ci-dessus, il est indifférent que les termes « aroma » et « sensations » puissent également revêtir d’autres significations, dans des contextes
différents.

28      En troisième lieu, la requérante fait valoir que la chambre de recours a interprété de manière erronée l’effet des éléments figuratifs de la marque demandée. En effet, selon la jurisprudence, le caractère distinctif d’une marque composée pourrait résulter à la fois du caractère distinctif de l’un de ses éléments, considéré isolément, et de la combinaison de l’ensemble de ses éléments, même s’ils ne sont pas distinctifs individuellement. Or, les éléments graphiques de la marque demandée,
associés au terme « aroma » et à des produits de soins corporels, produiraient un contraste par la présence, d’une part, de la couleur verte, qui renverra à la nature, par exemple aux plantes, aux arbres, aux fruits et aux légumes, et, d’autre part, de la couleur gris métallique. La marque demandée créerait donc une impression unique et inhabituelle sur le public pertinent et serait, dès lors, distinctive.

29      À cet égard, il convient de relever que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, les éléments graphiques n’ajoutent aucun caractère inhabituel à la perception du signe par le public pertinent qui serait de nature à rendre le signe fantaisiste et lui conférer, ainsi, un caractère distinctif. Comme le fait valoir l’EUIPO, les éléments graphiques de la marque demandée ne sont rien d’autre qu’une combinaison de couleurs courante, utilisée pour mettre en évidence le texte de la
marque.

30      Partant, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a considéré, au point 29 de la décision attaquée, que les éléments graphiques ne sauraient détourner l’attention du public concerné du message purement laudatif et non distinctif résultant, en l’espèce, du terme « aromasensations ».

31      En quatrième lieu, la requérante considère que la marque demandée est, dans son ensemble, abstraite et équivoque et que, dès lors, elle est distinctive. En effet, l’élément verbal de la marque demandée consiste en la fusion de deux mots très différents et crée ainsi le néologisme « aromasensations », qui, par définition, est nouveau et unique et, par conséquent, distinctif.

32      Force est de constater cependant, à l’instar de la chambre de recours au point 27 de la décision attaquée, que le terme « aromasensations » est une combinaison de deux mots distincts, correcte sur le plan grammatical, qui n’a rien d’inhabituel ou de frappant, dès lors qu’elle ne fait que réunir les indications apportées par les mots qui la composent. L’absence d’espace ou de trait d’union entre les deux mots composant la marque demandée ne constitue pas un élément d’ordre créatif
susceptible de rendre la marque dans son ensemble apte à distinguer les produits d’une entreprise de ceux d’autres entreprises [voir arrêt du 13 novembre 2008, Duro Sweden/OHMI (EASYCOVER), T‑346/07, non publié, EU:T:2008:496, point 52 et jurisprudence citée].

33      Par ailleurs, même à supposer que les deux mots constitutifs de l’élément verbal du signe AROMASENSATIONS soient simplement juxtaposés sans strictement respecter la grammaire anglaise, un tel élément ne saurait suffire ni pour en faire une invention lexicale susceptible de lui conférer un caractère distinctif ni pour lui donner un caractère original, qui, en tout état de cause, n’est pas un critère d’évaluation du caractère distinctif d’un signe [voir arrêt du 3 juillet 2003, Best Buy
Concepts/OHMI (BEST BUY), T‑122/01, EU:T:2003:183, point 32 et jurisprudence citée].

34      Dès lors, en l’espèce, ainsi que l’a constaté la chambre de recours au point 28 de la décision attaquée, le public pertinent ne percevra généralement pas dans le terme « aromasensations » une quelconque indication de l’origine commerciale, hormis les informations promotionnelles véhiculées, qui soulignent simplement les aspects positifs des produits concernés, à savoir qu’il s’agit de produits nettoyants pour le corps et la peau qui stimulent les sens par leurs odeurs agréables.

35      S’il est vrai, comme le fait valoir la requérante, qu’un minimum de caractère distinctif est suffisant pour pouvoir conclure au caractère distinctif d’une marque, encore faut-il que cette marque puisse, au-delà de sa fonction promotionnelle, être perçue d’emblée par le public pertinent comme une indication de l’origine commerciale des produits et des services visés. Or, en l’espèce, comme le fait valoir l’EUIPO, le contenu sémantique du signe en cause indique au consommateur une
caractéristique des produits qui, sans être précise, procède d’une information à caractère promotionnel ou publicitaire, que le public pertinent percevra en premier lieu en tant que telle, plutôt que comme une indication de l’origine commerciale des produits ou des services (voir, en ce sens, arrêt du 6 juin 2013, Inspired by efficiency, T‑126/12, non publié, EU:T:2013:303, point 25 et jurisprudence citée).

36      Enfin, la requérante fait valoir, à juste titre, qu’il ne saurait être exigé qu’un slogan publicitaire présente un certain niveau de créativité ou d’imagination pour qu’un tel slogan soit pourvu de caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. Il convient de relever, toutefois, que la chambre de recours n’a pas fondé son appréciation exclusivement sur un manque de créativité de la marque demandée, mais plutôt sur l’inaptitude de celle-ci
à désigner l’origine commerciale des produits en cause.

37      Par conséquent, au vu de l’ensemble de ces considérations, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en concluant que la marque demandée, prise dans son ensemble, était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

 Sur le second moyen, tiré d’une violation des principes d’égalité de traitement et de bonne administration

38      La requérante estime que la chambre de recours aurait dû tenir compte du fait qu’elle était déjà titulaire de plusieurs marques verbales AROMA SENSATIONS ou AROMASENSATIONS enregistrées dans plusieurs États membres pour des produits de soins personnels, sans que les offices nationaux des marques et des brevets  dans ces pays n’aient émis d’objections. En outre, l’EUIPO aurait déjà enregistré quatorze marques de l’Union européenne figuratives contenant le terme « aromasensations »
déposées par elle, pour des produits relevant de la classe 3. La motivation dans la décision attaquée en l’espèce violerait, dès lors, les principes de bonne administration et d’égalité de traitement.

39      L’EUIPO conteste ces arguments.

40      Premièrement, s’agissant des marques enregistrées par les offices nationaux des marques et des brevets, comme l’a rappelé à juste titre la chambre de recours au point 35 de la décision attaquée, le régime des marques de l’Union européenne est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national. Par conséquent, le caractère enregistrable d’un signe en tant que marque de
l’Union européenne ne doit être apprécié que sur le fondement de la réglementation de l’Union pertinente, de sorte que l’EUIPO et, le cas échéant, le juge de l’Union ne sont pas liés par une décision intervenue dans un État membre admettant le caractère enregistrable de ce même signe en tant que marque nationale. Tel est le cas même si une telle décision a été prise en application d’une législation nationale harmonisée [arrêt du 27 février 2002, Streamserve/OHMI (STREAMSERVE), T‑106/00,
EU:T:2002:43, point 47].

41      Deuxièmement, s’agissant des marques qui ont été enregistrées par l’EUIPO contenant le terme « aromasensations », il convient de rappeler tout d’abord que les décisions antérieures de l’EUIPO ne sauraient être constitutives d’attentes légitimes [voir arrêt du 9 novembre 2016, Smarter Travel Media/EUIPO (SMARTER TRAVEL), T‑290/15, non publié, EU:T:2016:651, point 72 et jurisprudence citée].

42      Par ailleurs, les différentes marques invoquées par la requérante, qui contiennent également le terme « aromasensations », ont été acceptées par l’examinateur de l’EUIPO. Or, il suffit de constater que ni la chambre de recours ni le Tribunal ne sauraient aucunement être liés par les décisions adoptées par ce dernier. En particulier, il serait contraire à la mission de contrôle de la chambre de recours, telle que définie au considérant 13 et aux articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009,
de voir sa compétence réduite au respect de décisions émanant d’organes de première instance de l’EUIPO (voir arrêt du 9 novembre 2016, SMARTER TRAVEL, T‑290/15, non publié, EU:T:2016:651, point 73 et jurisprudence citée).

43      En outre, il convient de relever, à l’instar de la chambre de recours au point 33 de la décision attaquée, que les marques en cause, auxquelles se réfère la requérante, contenaient toutes également le mot distinctif « palmolive », ainsi que des éléments figuratifs différents de ceux de la marque demandée.

44      Dès lors, au vu de ces considérations, la chambre de recours n’a pas enfreint les principes d’égalité de traitement et de bonne administration en refusant l’enregistrement de la marque demandée.

45      Partant, le second moyen doit également être rejeté, ainsi que le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

46      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Colgate-Palmolive Co. est condamnée aux dépens.

Berardis Papasavvas Spineanu-Matei

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 juin 2017.

Signatures

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*      Langue de procédure : l’anglais.


Synthèse
Formation : Sixième chambre
Numéro d'arrêt : T-479/16
Date de la décision : 28/06/2017
Type de recours : Recours en annulation - non fondé

Analyses

Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne figurative AROMASENSATIONS – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, du règlement (CE) no 207/2009.

Propriété intellectuelle, industrielle et commerciale

Marques


Parties
Demandeurs : Colgate-Palmolive Co.
Défendeurs : Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle.

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Berardis

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:2017:441

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