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07/06/2017 | CJUE | N°T-673/15

CJUE | CJUE, Arrêt du Tribunal, Guardian Europe Sàrl contre Union européenne, représentée par la Commission européenne et la Cour de justice de l'Union européenne., 07/06/2017, T-673/15


ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

7 juin 2017 ( 1 )

«Responsabilité non contractuelle — Représentation de l’Union — Prescription — Annihilation des effets juridiques d’une décision devenue définitive — Précision de la requête — Recevabilité — Article 47 de la charte des droits fondamentaux — Délai raisonnable de jugement — Égalité de traitement — Préjudice matériel — Pertes subies — Manque à gagner — Préjudice immatériel — Lien de causalité»

Dans l’affaire T‑673/15,

Guardian Europe Sà

rl, établie à Bertrange (Luxembourg), représentée par Me F. Louis, avocat, et M. C. O’Daly, solicitor,

partie requérante,

...

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

7 juin 2017 ( 1 )

«Responsabilité non contractuelle — Représentation de l’Union — Prescription — Annihilation des effets juridiques d’une décision devenue définitive — Précision de la requête — Recevabilité — Article 47 de la charte des droits fondamentaux — Délai raisonnable de jugement — Égalité de traitement — Préjudice matériel — Pertes subies — Manque à gagner — Préjudice immatériel — Lien de causalité»

Dans l’affaire T‑673/15,

Guardian Europe Sàrl, établie à Bertrange (Luxembourg), représentée par Me F. Louis, avocat, et M. C. O’Daly, solicitor,

partie requérante,

contre

Union européenne, représentée par :

1) Commission européenne, représentée par MM. N. Khan, A. Dawes et P. van Nuffel, en qualité d’agents,

2) Cour de justice de l’Union européenne, représentée par M. J. Inghelram et Mme K. Sawyer, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 268 TFUE et tendant à obtenir réparation du préjudice que la requérante aurait prétendument subi en raison, d’une part, de la durée de la procédure dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 27 septembre 2012, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (T‑82/08, EU:T:2012:494), et, d’autre part, de la violation du principe d’égalité de traitement commise dans la décision C(2007) 5791 final de la Commission, du 28 novembre 2007,
relative à une procédure d’application de l’article [101 TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39165 – Verre plat) et dans l’arrêt du 27 septembre 2012, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (T‑82/08, EU:T:2012:494),

LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie),

composé de M. S. Papasavvas, président, Mme I. Labucka, MM. E. Bieliūnas (rapporteur), V. Kreuschitz et I. S. Forrester, juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 11 janvier 2017,

rend le présent

Arrêt

I. Antécédents du litige

1 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 12 février 2008, Guardian Industries Corp. et la requérante, Guardian Europe Sàrl, ont introduit un recours contre la décision C(2007) 5791 final de la Commission, du 28 novembre 2007, relative à une procédure d’application de l’article [101 TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39165 – Verre plat) (ci-après la « décision C(2007) 5791 »). Dans la requête, elles concluaient, en substance, à ce que le Tribunal annulât partiellement cette
décision en ce qu’elle les concernait et réduisît le montant de l’amende qui leur avait été infligée par ladite décision.

2 Par arrêt du 27 septembre 2012, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (T‑82/08, EU:T:2012:494), le Tribunal a rejeté le recours.

3 Par requête déposée le 10 décembre 2012, Guardian Industries et la requérante ont formé un pourvoi contre l’arrêt du 27 septembre 2012, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (T‑82/08, EU:T:2012:494).

4 Par arrêt du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (C‑580/12 P, EU:C:2014:2363), premièrement, la Cour a annulé l’arrêt du 27 septembre 2012, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (T‑82/08, EU:T:2012:494), en tant que cet arrêt avait rejeté le moyen tiré de la violation du principe de non-discrimination en ce qui concernait le calcul du montant de l’amende infligée solidairement à Guardian Industries et à la requérante et avait condamné ces dernières à
supporter les dépens. Deuxièmement, la Cour a annulé l’article 2 de la décision C(2007) 5791 en tant qu’il fixait le montant de l’amende infligée solidairement à Guardian Industries et à la requérante à la somme de 148000000 euros. Troisièmement, la Cour a fixé à la somme de 103600000 euros le montant de l’amende infligée solidairement à Guardian Industries et à la requérante en raison de l’infraction constatée à l’article 1er de la décision C(2007) 5791. Quatrièmement, la Cour a rejeté le pourvoi
pour le surplus. Cinquièmement, la Cour a réparti les dépens.

II. Procédure et conclusions des parties

5 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 novembre 2015, la requérante a introduit le présent recours contre l’Union européenne, représentée par la Commission européenne et par la Cour de justice de l’Union européenne.

6 Le 17 février 2016, le Tribunal a renvoyé la présente affaire devant la troisième chambre élargie.

7 La Commission et la Cour de justice de l’Union européenne ont déposé un mémoire en défense, respectivement, le 16 février 2016 et le 18 février 2016.

8 Le 22 avril 2016, la requérante a déposé une réplique. La Cour de justice de l’Union européenne et la Commission ont déposé une duplique, respectivement, le 25 mai 2016 et le 7 juin 2016.

9 Le 12 septembre 2016, le Tribunal a constaté que la mise en état et le règlement de la présente affaire nécessitaient, eu égard à son objet, la mise à sa disposition du dossier de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 27 septembre 2012, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (T‑82/08, EU:T:2012:494) (ci-après l’« affaire T‑82/08 »). Ainsi, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 de son règlement de procédure, le Tribunal a décidé de verser au
dossier de la présente affaire le dossier de l’affaire T‑82/08.

10 Le 14 décembre 2016, le Tribunal a demandé à la requérante de produire certains documents et de répondre à une question. La requérante a déféré à ces demandes dans le délai imparti.

11 Le 16 décembre 2016, la Cour de justice de l’Union européenne a demandé la signification du dossier de l’affaire T‑82/08.

12 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 11 janvier 2017.

13 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

— condamner l’Union, représentée par la Commission et par la Cour de justice de l’Union européenne, à réparer le préjudice qu’elle a subi en raison de la violation, par le Tribunal, des exigences liées au respect du délai de jugement raisonnable, en lui versant les montants ci-après, assortis d’intérêts à compter du 12 février 2010, au taux moyen appliqué par la Banque centrale européenne (BCE) au moment pertinent à ses opérations principales de refinancement, majoré de deux points de
pourcentage :

— 936000 euros au titre des frais de garantie ;

— 1671000 euros au titre des coûts d’opportunité ou du manque à gagner ;

— 14800000 euros au titre du préjudice immatériel ;

— condamner l’Union, représentée par la Commission et par la Cour de justice de l’Union européenne, à réparer le préjudice qu’elle a subi en raison de la violation, par la Commission et par le Tribunal, du principe d’égalité de traitement, en lui versant les montants ci-après, assortis d’intérêts au taux moyen appliqué par la BCE au moment pertinent à ses opérations principales de refinancement, majoré de deux points de pourcentage :

— 1547000 euros au titre des frais de garantie ;

— 9292000 euros au titre des coûts d’opportunité ou du manque à gagner ;

— 14800000 euros au titre du préjudice immatériel ;

— condamner les défenderesses aux dépens.

14 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

— rejeter le recours en tant qu’il est dirigé contre elle ;

— condamner la requérante aux dépens.

15 La Cour de justice de l’Union européenne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

— rejeter la demande d’indemnisation comme irrecevable pour ce qui concerne les préjudices antérieurs au 19 novembre 2010 et en ce qu’elle porte sur l’indemnisation d’un préjudice matériel afférent à des coûts d’opportunité ou à un manque à gagner ;

— rejeter, en tout état de cause, comme non fondée la demande d’indemnisation pour ce qui concerne le préjudice tant matériel qu’immatériel ;

— à titre subsidiaire, rejeter comme non fondée la demande d’indemnisation pour ce qui concerne le préjudice matériel et accorder ex aequo et bono une réparation d’un montant maximal de 5000 euros au titre du préjudice immatériel ;

— condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

A. Sur la recevabilité

16 La Commission et la Cour de justice de l’Union européenne soulèvent plusieurs fins de non-recevoir.

1.  Sur la recevabilité de la demande de réparation fondée sur une prétendue violation du délai raisonnable de jugement en ce que cette demande est dirigée contre l’Union, représentée par la Commission

17 La Commission soutient que la demande de réparation des préjudices qui auraient été subis en raison d’une prétendue violation des exigences liées au respect du délai de jugement raisonnable (ci-après le « délai raisonnable de jugement ») est irrecevable en ce qu’elle est dirigée contre l’Union, représentée par elle, au motif que, dans le cadre de cette demande, la requérante ne lui fait aucun grief.

18 À cet égard, il suffit de rappeler que l’Union est représentée par la Cour de justice de l’Union européenne dans le cadre de recours en indemnité visant à obtenir réparation de préjudices prétendument subis en raison d’une éventuelle violation des exigences liées au respect du délai de jugement raisonnable par une juridiction de l’Union (voir ordonnances du 6 janvier 2015, Kendrion/Union européenne, T‑479/14, non publiée, EU:T:2015:2, points 14 à 19 et jurisprudence citée, et du 2 février 2015,
Gascogne Sack Deutschland et Gascogne/Union européenne, T‑577/14, non publiée, EU:T:2015:80, points 22 à 29 et jurisprudence citée).

19 Dès lors, la demande de réparation des préjudices prétendument subis par la requérante en raison d’une supposée violation du délai raisonnable de jugement dans l’affaire T‑82/08 doit être rejetée comme irrecevable en ce que cette demande est dirigée contre l’Union, représentée par la Commission.

2.  Sur les fins de non-recevoir tirées de la prescription

20 La Commission fait valoir que la demande de réparation des préjudices qui auraient été subis en raison d’une prétendue violation suffisamment caractérisée du principe d’égalité de traitement est irrecevable en ce que cette demande est dirigée contre l’Union, représentée par elle. En effet, en application de l’article 46 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, cette demande serait recevable uniquement en ce qu’elle viserait à la réparation de préjudices survenus moins de cinq ans
avant l’introduction du recours dans la présente affaire, c’est-à-dire après le 19 novembre 2010. Or, dans la mesure où la requérante reprocherait au Tribunal de ne pas avoir, au plus tard le 12 février 2010, annulé la décision C(2007) 5791 au motif qu’elle violait le principe d’égalité de traitement, il en découlerait que, selon les propres prémisses de la requérante, les prétendus préjudices postérieurs au 12 février 2010 seraient entièrement imputables à la Cour de justice de l’Union
européenne.

21 La Cour de justice de l’Union européenne fait valoir que les deux demandes visant à obtenir la réparation des préjudices allégués sont prescrites en ce qui concerne les préjudices survenus avant le 19 novembre 2010. Ainsi, les demandes d’indemnisation seraient irrecevables pour ce qui concerne les périodes antérieures à cette date.

22 La requérante soutient, en ce qui concerne sa demande de réparation des préjudices qui auraient été subis en raison d’une prétendue violation suffisamment caractérisée du principe d’égalité de traitement, que sa demande d’annulation partielle de la décision C(2007) 5791 a interrompu le délai de prescription visé à l’article 46 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. Par ailleurs, en ce qui concerne sa demande visant à obtenir la réparation des préjudices qui auraient été subis en
raison d’une prétendue violation du délai raisonnable de jugement, la requérante conteste les allégations de la Cour de justice de l’Union européenne.

23 À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 46 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, du même statut, prévoit ce qui suit :

« Les actions contre l’Union en matière de responsabilité non contractuelle se prescrivent par cinq ans à compter de la survenance du fait qui y donne lieu. La prescription est interrompue soit par la requête formée devant la Cour de justice, soit par la demande préalable que la victime peut adresser à l’institution compétente de l’Union […] »

24 En l’espèce, la requérante demande la réparation de préjudices qu’elle aurait prétendument subis en raison, d’une part, de la durée de la procédure dans l’affaire T‑82/08 et, d’autre part, de la violation du principe d’égalité de traitement commise dans la décision C(2007) 5791 et dans l’arrêt du 27 septembre 2012, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (T‑82/08, EU:T:2012:494). Les préjudices matériels prétendument subis en raison de ces violations consisteraient, premièrement, dans
le paiement de frais de garantie bancaire sur le montant de l’amende non acquitté immédiatement (ci-après les « frais de garantie bancaire ») et, deuxièmement, dans un manque à gagner lié à la différence entre, d’une part, les intérêts remboursés par la Commission sur la partie du montant de l’amende finalement jugée indue par la Cour dans l’arrêt du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (C‑580/12 P, EU:C:2014:2363), et, d’autre part, les revenus qu’elle aurait pu
dégager si, au lieu de payer à la Commission la somme finalement jugée indue par la Cour, la requérante l’avait investie dans ses activités (ci-après le « manque à gagner »). Par ailleurs, la requérante demande la réparation d’un préjudice immatériel qui consisterait dans une atteinte à sa réputation.

25 Il convient d’examiner, premièrement, la prescription de l’action en réparation des prétendus préjudices qui auraient été causés par une supposée violation du délai raisonnable de jugement et, deuxièmement, la prescription des actions en réparation des prétendus préjudices qui auraient été causés par de supposées violations suffisamment caractérisées du principe d’égalité de traitement.

a)  Sur la prescription de l’action en réparation fondée sur une prétendue violation du délai raisonnable de jugement

26 Dans le cas spécifique d’un recours en indemnité visant à la réparation d’un préjudice prétendument subi en raison d’une éventuelle méconnaissance du délai raisonnable de jugement, le point de départ du délai de prescription de cinq ans visé à l’article 46 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne doit, lorsqu’une décision a mis fin au délai de jugement litigieux, être fixé à la date à laquelle cette décision a été adoptée. En effet, une telle date constitue une date certaine, fixée
sur la base de critères objectifs. Elle garantit le respect du principe de sécurité juridique et permet la protection des droits de la requérante (arrêt du 10 janvier 2017, Gascogne Sack Deutschland et Gascogne/Union européenne, T‑577/14, EU:T:2017:1, point 47).

27 En l’espèce, la requérante demande, par son premier chef de conclusions, la réparation de prétendus préjudices qui auraient été causés par une supposée violation du délai raisonnable de jugement dans l’affaire T‑82/08. Cette dernière affaire a été clôturée par arrêt du 27 septembre 2012, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (T‑82/08, EU:T:2012:494). Le délai de prescription a donc commencé à courir à partir du 27 septembre 2012.

28 Par ailleurs, la requérante a introduit son recours dans la présente affaire et a ainsi interrompu le délai de prescription le 19 novembre 2015, c’est-à-dire avant l’expiration du délai de cinq ans prévu à l’article 46 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

29 L’action introduite dans la présente affaire n’est donc pas prescrite en ce qu’elle a pour objet une demande de réparation de prétendus préjudices qui auraient été causés par une éventuelle violation du délai raisonnable de jugement dans l’affaire T‑82/08.

30 Compte tenu de ce qui précède, il convient de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la Cour de justice de l’Union européenne et tirée de la prescription de la demande de réparation des préjudices qui auraient été subis en raison d’une prétendue violation du délai raisonnable de jugement dans l’affaire T‑82/08.

b)  Sur la prescription des actions en réparation fondées sur de prétendues violations suffisamment caractérisées du principe d’égalité de traitement

31 Il convient de distinguer la prescription de l’action fondée sur une prétendue violation suffisamment caractérisée du principe d’égalité de traitement commise dans la décision C(2007) 5791 et la prescription de l’action fondée sur une prétendue violation suffisamment caractérisée du principe d’égalité de traitement commise dans l’arrêt du 27 septembre 2012, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (T‑82/08, EU:T:2012:494).

1) Sur la prescription de l’action fondée sur une prétendue violation suffisamment caractérisée commise dans la décision C(2007) 5791

32 Il ressort de la jurisprudence que, lorsque la responsabilité de l’Union trouve éventuellement sa source dans un acte individuel, le délai de prescription commence à courir lorsque la décision en cause a produit ses effets à l’égard des personnes qu’elle vise. Une solution différente reviendrait à remettre en cause le principe de l’autonomie des recours en faisant dépendre la procédure du recours en indemnité de l’aboutissement d’un recours en annulation [arrêt du 19 avril 2007, Holcim
(Deutschland)/Commission, C‑282/05 P, EU:C:2007:226, point 30 ; voir également, en ce sens, arrêt du 8 novembre 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission, C‑469/11 P, EU:C:2012:705, point 38].

33 En premier lieu, d’abord, il convient de constater que, en ce qui concerne les préjudices matériels allégués, les prétendus effets dommageables de la décision C(2007) 5791 se sont nécessairement produits à l’égard de la requérante dès l’adoption de ladite décision, qui lui a infligé une amende. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la requérante, le délai de prescription ne peut avoir été interrompu par sa demande d’annulation partielle de la décision C(2007) 5791. En effet, il est
indifférent, pour le déclenchement du délai de prescription, que le comportement illégal de l’Union ait été constaté par une décision de justice [voir, en ce sens, arrêt du 19 avril 2007, Holcim (Deutschland)/Commission, C‑282/05 P, EU:C:2007:226, point 31].

34 Ainsi, la requérante aurait pu introduire un recours visant à faire constater la responsabilité non contractuelle de l’Union en raison d’une prétendue violation du principe d’égalité de traitement commise par la Commission dans la décision C(2007) 5791 dès le moment où la cause des préjudices allégués serait devenue certaine, c’est-à-dire, en l’espèce, dès la constitution de la garantie bancaire pour une partie du montant de l’amende et dès le paiement de l’amende pour l’autre partie de son
montant [voir, en ce sens, arrêt du 19 avril 2007, Holcim (Deutschland)/Commission, C‑282/05 P, EU:C:2007:226, point 32].

35 Par ailleurs, le délai de prescription a commencé à courir à partir du moment où les préjudices matériels allégués se seraient effectivement réalisés, c’est-à-dire le moment à partir duquel, en l’espèce, les frais de garantie bancaire auraient commencé à courir et le manque à gagner serait apparu [voir, en ce sens, arrêts du 19 avril 2007, Holcim (Deutschland)/Commission, C‑282/05 P, EU:C:2007:226, point 33, et du 17 juillet 2008, Commission/Cantina sociale di Dolianova e.a., C‑51/05 P,
EU:C:2008:409, point 63].

36 Dès lors, à supposer qu’ils soient établis, les préjudices matériels allégués par la requérante, qui consisteraient dans le paiement de frais de garantie bancaire et dans un manque à gagner en raison d’une prétendue violation suffisamment caractérisée du principe d’égalité de traitement commise par la Commission dans la décision C(2007) 5791, seraient apparus au moment du paiement des premiers frais de garantie bancaire et au moment où le manque à gagner invoqué aurait commencé à se produire,
c’est-à-dire plus de cinq ans avant l’introduction du présent recours.

37 Ensuite, les préjudices matériels allégués par la requérante sont constitués, d’une part, des sommes qu’elle aurait été tenue de verser à une banque pour l’octroi d’une garantie et, d’autre part, du manque à gagner mentionné au point 24 ci-dessus. Or, ainsi qu’il ressort des pièces du dossier, le montant des préjudices matériels allégués aurait augmenté à proportion du nombre de jours écoulés.

38 Il s’ensuit que les préjudices matériels allégués par la requérante présentent un caractère continu.

39 Enfin, il convient de rappeler que, dans le cas d’un préjudice continu, la prescription visée à l’article 46 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne s’applique, en fonction de la date de l’acte interruptif, à la période antérieure de plus de cinq ans à cette date, sans affecter d’éventuels droits nés au cours des périodes postérieures [arrêt du 21 avril 2005, Holcim (Deutschland)/Commission, T‑28/03, EU:T:2005:139, point 70 ; voir, également, arrêt du 16 décembre 2015, Chart/SEAE,
T‑138/14, EU:T:2015:981, point 58 et jurisprudence citée].

40 Par conséquent, dans la mesure où la requérante a introduit son recours dans la présente affaire et a ainsi interrompu le délai de prescription le 19 novembre 2015, la demande d’indemnisation des préjudices matériels prétendument subis en raison d’une supposée violation suffisamment caractérisée du principe d’égalité de traitement commise dans la décision C(2007) 5791 est prescrite pour autant qu’elle concerne les préjudices matériels qui auraient été subis avant le 19 novembre 2010.

41 En deuxième lieu, s’agissant du préjudice immatériel allégué, qui consiste dans une atteinte à la réputation de la requérante, il convient de souligner que, dans la requête, cette dernière fait valoir que ce préjudice est né à la date d’adoption de la décision C(2007) 5791, c’est-à-dire le 28 novembre 2007.

42 En outre, il y a lieu de relever que, bien qu’elle puisse revêtir différentes formes, l’atteinte à la réputation est généralement un préjudice qui se renouvelle quotidiennement et se prolonge aussi longtemps qu’il n’a pas été mis fin à la supposée cause d’une telle atteinte. Tel est le cas, notamment, lorsque l’atteinte alléguée à la réputation trouve prétendument sa source dans une décision de la Commission qui, dans un premier temps, est adoptée et rendue publique au moyen d’un communiqué de
presse et qui, dans un second temps, est publiée au Journal officiel de l’Union européenne sous la forme d’un résumé.

43 Il s’ensuit que le préjudice immatériel d’atteinte à la réputation qui est invoqué par la requérante et qui découlerait d’une prétendue violation suffisamment caractérisée du principe d’égalité de traitement commise par la Commission dans la décision C(2007) 5791 présente un caractère continu.

44 Dès lors, en application de la jurisprudence mentionnée au point 39 ci-dessus, l’action en réparation est prescrite en ce qu’elle vise à la réparation d’une atteinte à la réputation antérieure au 19 novembre 2010.

45 En troisième lieu, il convient de rejeter l’argumentation de la Commission tirée de ce que, selon les propres prémisses de la requérante, les prétendus préjudices postérieurs au 12 février 2010 seraient entièrement imputables à la Cour de justice de l’Union européenne. En effet, d’une part, cette argumentation est fondée sur une interprétation erronée du contenu des écritures de la requérante. D’autre part, antérieurement au 27 septembre 2012, le Tribunal ne s’était pas prononcé sur la légalité
de la décision C(2007) 5791 au regard du principe d’égalité de traitement.

46 Compte tenu de ce qui précède, l’action en réparation des préjudices matériels et du préjudice immatériel qui auraient été subis par la requérante en raison d’une prétendue violation suffisamment caractérisée du principe d’égalité de traitement commise par la Commission dans la décision C(2007) 5791 est prescrite pour autant que cette action concerne des préjudices qui auraient été subis avant le 19 novembre 2010.

2) Sur la prescription de l’action fondée sur une prétendue violation suffisamment caractérisée commise dans l’arrêt du 27 septembre 2012, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (T‑82/08)

47 Il convient de relever que les prétendus préjudices qui auraient été causés par une supposée violation suffisamment caractérisée du principe d’égalité de traitement commise dans l’arrêt du 27 septembre 2012, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (T‑82/08, EU:T:2012:494), sont nécessairement postérieurs à la date du prononcé de cet arrêt.

48 Ainsi, et dans la mesure où le recours en indemnité a été introduit le 19 novembre 2015, la présente action, introduite moins de cinq ans après l’arrêt du 27 septembre 2012, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (T‑82/08, EU:T:2012:494), n’est pas atteinte par la prescription mentionnée à l’article 46 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

49 Il s’ensuit que l’action en réparation des prétendus préjudices qui auraient été causés par une supposée violation suffisamment caractérisée du principe d’égalité de traitement commise dans l’arrêt du 27 septembre 2012, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (T‑82/08, EU:T:2012:494), n’est pas prescrite.

3.  Sur les fins de non-recevoir tirées de ce que la réparation du manque à gagner allégué annihilerait les effets juridiques d’une décision devenue définitive

50 La Commission et la Cour de justice de l’Union européenne soutiennent qu’il convient de rejeter comme irrecevables les demandes de la requérante visant à la réparation du manque à gagner mentionné au point 24 ci-dessus. En effet, à la suite de l’arrêt du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (C‑580/12 P, EU:C:2014:2363), l’Union aurait déjà versé des intérêts à la requérante d’un montant de 988620 euros. Or, si la requérante estimait que ce montant était insuffisant,
elle aurait dû introduire un recours en annulation contre la décision de la Commission de décembre 2014 qui a arrêté le montant de ces intérêts, ce qu’elle n’a pas fait.

51 La Commission fait également valoir que, à la suite de l’arrêt du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (C‑580/12 P, EU:C:2014:2363), elle a versé des intérêts à la requérante conformément à l’article 90, paragraphe 4, de son règlement délégué (UE) no 1268/2012, du 29 octobre 2012, relatif aux règles d’application du règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union (JO
2012, L 362, p. 1). Cette disposition limiterait le montant du remboursement au montant de l’amende indu majoré des intérêts produits en conformément à l’article 90, paragraphe 2, de ce même règlement, qui exige que ces fonds soient investis de manière prudente et donc avec un rendement relativement modeste. Or, la requérante se serait abstenue de contester l’article 90, paragraphe 4, du règlement délégué no 1268/2012, au moyen d’une exception d’illégalité soulevée sur le fondement de
l’article 277 TFUE.

52 La requérante conteste ces allégations.

53 Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le recours en indemnité lié à une responsabilité non contractuelle de l’Union pour les actions ou les omissions de ses institutions a été institué comme une voie autonome par rapport à d’autres actions en justice, ayant sa fonction particulière dans le cadre du système des voies de recours et subordonnée à des conditions d’exercice conçues en vue de son objet spécifique (arrêts du 28 avril 1971, Lütticke/Commission, 4/69,
EU:C:1971:40, point 6 ; du 12 avril 1984, Unifrex/Commission et Conseil, 281/82, EU:C:1984:165, point 11, et du 10 juillet 2014, Nikolaou/Cour des comptes, C‑220/13 P, EU:C:2014:2057, point 54).

54 En l’espèce, il y a lieu de constater que, en décembre 2014, la Commission a remboursé la partie du montant de l’amende qui avait été payée par la requérante et qui a finalement été jugée indue par la Cour dans l’arrêt du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (C‑580/12 P, EU:C:2014:2363). Par ailleurs, la Commission a versé des intérêts sur cette somme à hauteur de 988620 euros.

55 Ainsi, lorsque la Commission a remboursé, en décembre 2014, la partie du montant de l’amende jugée indue par l’arrêt du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (C‑580/12 P, EU:C:2014:2363), majorée d’intérêts, cette institution a exécuté ledit arrêt conformément à l’article 90, paragraphe 4, du règlement délégué no 1268/2012, qui prévoit notamment que, après épuisement de toutes les voies de recours et si l’amende ou la sanction a été annulée ou réduite, les montants
indûment perçus, majorés des intérêts éventuellement produits, sont remboursés au tiers concerné.

56 Cependant, l’article 266, second alinéa, TFUE dispose, en substance, que l’obligation pour une institution dont émane l’acte annulé de prendre les mesures que comporte l’exécution d’un arrêt d’annulation ne préjuge pas de celle qui peut résulter de l’application de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE.

57 Par ailleurs, le Tribunal a déjà considéré que l’article 266 TFUE n’impose l’obligation pour l’administration de réparer le préjudice additionnel qui résulte éventuellement de l’acte illégal annulé que si les conditions de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE sont remplies (ordonnance du 12 décembre 2007, Atlantic Container Line e.a./Commission, T‑113/04, non publiée, EU:T:2007:377, point 62).

58 Or, dans la présente affaire, la requérante, qui invoque, entre autres, une violation suffisamment caractérisée du principe d’égalité de traitement commise dans la décision C(2007) 5791, fait précisément valoir que les conditions de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE sont remplies et que le présent recours a pour objet d’apprécier si tel est le cas.

59 À cet égard, il convient de relever que, premièrement, la requérante n’invoque pas l’illégalité de la mesure prise par la Commission en décembre 2014 par laquelle cette dernière lui a versé des intérêts.

60 Deuxièmement, le recours en indemnité introduit dans la présente affaire ne vise pas à rétablir la requérante, sur un plan financier, dans la situation qui aurait été la sienne en l’absence de la mesure prise par la Commission en décembre 2014. En d’autres termes, le présent recours ne vise pas le même résultat qu’un recours en annulation qui aurait été introduit contre la mesure de décembre 2014.

61 En effet, d’une part, la requérante demande la réparation du manque à gagner mentionné au point 24 ci-dessus. Elle ne demande donc ni le remboursement de la partie du montant de l’amende jugée indue dans l’arrêt du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (C‑580/12 P, EU:C:2014:2363), ni le versement des intérêts produits par cette somme lorsque cette dernière était en possession de la Commission.

62 D’autre part, l’éventuelle annulation de la mesure de décembre 2014 ne pourrait pas donner lieu au versement, en faveur de la requérante, d’une somme égale au manque à gagner allégué et donc d’une somme supérieure au montant des intérêts remboursés par la Commission.

63 Ainsi, il y a lieu de constater que, en l’espèce, la requérante demande la réparation d’un préjudice qui, d’une part, est différent de celui qui résulterait d’une mauvaise exécution de l’arrêt du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (C‑580/12 P, EU:C:2014:2363), et qui, d’autre part, est additionnel aux sommes remboursées par la Commission en décembre 2014.

64 La demande de réparation formulée par la requérante en ce qui concerne un prétendu manque à gagner n’a donc ni le même objet ni le même effet qu’un éventuel recours en annulation introduit contre la mesure prise par la Commission en décembre 2014 et ne saurait, dès lors, être jugée irrecevable au titre d’un détournement de procédure.

65 Les fins de non-recevoir tirées de ce que la réparation du manque à gagner allégué annihilerait les effets d’une décision devenue définitive doivent donc être rejetées.

4.  Sur la fin de non-recevoir tirée du manque de clarté et de précision de la requête en ce qui concerne la demande de réparation du préjudice immatériel allégué

66 La Commission considère que la demande de réparation du préjudice immatériel allégué est manifestement irrecevable au motif que la requête comporte uniquement des affirmations vagues et non étayées selon lesquelles l’amende qui a été infligée à la requérante a injustement stigmatisé cette dernière en créant une impression tout à fait trompeuse quant à son rôle dans l’infraction aux règles de concurrence.

67 Cependant, la requête précise que la stigmatisation alléguée résulterait de la circonstance que l’amende infligée à la requérante dans la décision C(2007) 5791 aurait été la plus élevée, bien que cette dernière fût le plus petit des producteurs de verre plat et que sa participation à l’entente fût la plus courte. La requérante en déduit que, entre la date d’adoption de la décision C(2007) 5791 et l’arrêt du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (C‑580/12 P,
EU:C:2014:2363), qui a diminué le montant de l’amende qui lui avait été infligée, les tiers auraient conclu qu’elle avait une responsabilité particulière dans l’entente sur le marché du verre plat.

68 Ainsi, la requête fournit des indications suffisamment claires et précises en ce qui concerne le préjudice immatériel prétendument subi par la requérante. Ces indications ont permis à la Commission, d’une part, de comprendre l’argumentation de la requérante et, d’autre part, de préparer sa défense. Par ailleurs, ces indications permettent également au Tribunal de statuer sur le recours.

69 La fin de non-recevoir soulevée par la Commission et tirée du manque de clarté et de précision de la requête, en ce qui concerne la demande de réparation du préjudice immatériel allégué, doit donc être rejetée.

5.  Conclusion sur la recevabilité

70 Premièrement, l’action en réparation des préjudices qui auraient été causés par une prétendue violation du délai raisonnable de jugement dans l’affaire T‑82/08 est irrecevable en ce qu’elle est dirigée contre l’Union, représentée par la Commission.

71 Deuxièmement, l’action en réparation des préjudices qui auraient été causés par une supposée violation suffisamment caractérisée du principe d’égalité de traitement commise par la Commission dans la décision C(2007) 5791 est prescrite en ce qui concerne les préjudices matériels et le préjudice immatériel prétendument subis antérieurement au 19 novembre 2010.

72 En revanche, les actions en réparation des préjudices qui auraient été causés par une prétendue violation suffisamment caractérisée du principe d’égalité de traitement commise dans l’arrêt du 27 septembre 2012, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (T‑82/08, EU:T:2012:494), et par une prétendue violation du délai raisonnable de jugement dans l’affaire T‑82/08 ne sont pas atteintes par la prescription.

73 Troisièmement, les fins de non-recevoir tirées de ce que la réparation du manque à gagner allégué annihilerait les effets juridiques d’une décision devenue définitive et la fin de non-recevoir tirée du manque de clarté et de précision de la requête en ce qui concerne la demande de réparation du préjudice immatériel allégué doivent être rejetées.

B. Sur le fond

74 L’article 340, deuxième alinéa, TFUE prévoit que, en matière de responsabilité non contractuelle, l’Union doit réparer, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres, les dommages causés par ses institutions ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions.

75 Selon une jurisprudence constante, il ressort de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE que l’engagement de la responsabilité extracontractuelle de l’Union et la mise en œuvre du droit à la réparation du préjudice subi dépendent de la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre ce comportement et le préjudice invoqué (arrêts du 29 septembre 1982, Oleifici Mediterranei/CEE,
26/81, EU:C:1982:318, point 16, et du 9 septembre 2008, FIAMM e.a./Conseil et Commission, C‑120/06 P et C‑121/06 P, EU:C:2008:476, point 106).

76 Dès lors que l’une de ces conditions n’est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions de la responsabilité non contractuelle de l’Union (arrêt du 14 octobre 1999, Atlanta/Communauté européenne, C‑104/97 P, EU:C:1999:498, point 65 ; voir également, en ce sens, arrêt du 15 septembre 1994, KYDEP/Conseil et Commission, C‑146/91, EU:C:1994:329, point 81). En outre, le juge de l’Union n’est pas tenu d’examiner ces conditions
dans un ordre déterminé (arrêt du 18 mars 2010, Trubowest Handel et Makarov/Conseil et Commission, C‑419/08 P, EU:C:2010:147, point 42 ; voir également, en ce sens, arrêt du 9 septembre 1999, Lucaccioni/Commission, C‑257/98 P, EU:C:1999:402, point 13).

77 En l’espèce, la requérante demande la réparation des préjudices qu’elle aurait subis, premièrement, en raison de prétendues violations suffisamment caractérisées du principe d’égalité de traitement commises dans la décision C(2007) 5791 et dans l’arrêt du 27 septembre 2012, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (T‑82/08, EU:T:2012:494), et, deuxièmement, en raison d’une prétendue violation du délai raisonnable de jugement dans l’affaire T‑82/08.

1.  Sur les demandes de réparation des préjudices qui auraient été subis par la requérante en raison de prétendues violations suffisamment caractérisées du principe d’égalité de traitement commises dans la décision C(2007) 5791 et dans l’arrêt du 27 septembre 2012, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (T‑82/08)

78 Premièrement, la requérante rappelle que, dans la décision C(2007) 5791, la Commission a exclu les ventes internes des producteurs de verre plat verticalement intégrés lorsqu’elle a calculé le montant des amendes infligées à ces producteurs. Par ailleurs, la requérante souligne que, dans l’arrêt du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (C‑580/12 P, EU:C:2014:2363), la Cour a annulé la décision C(2007) 5791 pour violation du principe d’égalité de traitement. Dans ces
conditions, elle demande la réparation des préjudices qu’elle aurait subis en raison d’une prétendue violation suffisamment caractérisée du principe d’égalité de traitement commise dans la décision C(2007) 5791.

79 Deuxièmement, la requérante rappelle que l’arrêt du 27 septembre 2012, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (T‑82/08, EU:T:2012:494), a rejeté son recours introduit contre la décision C(2007) 5791 bien que, dans ledit recours, elle eût demandé la réduction du montant de l’amende qui lui avait été infligée en raison de la discrimination provoquée par l’exclusion des ventes internes lors du calcul de l’amende infligée aux producteurs de verre plat verticalement intégrés. Par ailleurs,
la requérante souligne que, dans l’arrêt du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (C‑580/12 P, EU:C:2014:2363), la Cour a annulé l’arrêt du 27 septembre 2012, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (T‑82/08, EU:T:2012:494), pour violation du principe d’égalité de traitement. Dans ces conditions, elle demande la réparation des préjudices qu’elle aurait subis en raison d’une prétendue violation suffisamment caractérisée du principe d’égalité de traitement
commise dans l’arrêt du 27 septembre 2012, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (T‑82/08, EU:T:2012:494).

a)  Sur la demande de réparation des préjudices qui auraient été subis en raison d’une prétendue violation suffisamment caractérisée du principe d’égalité de traitement commise dans la décision C(2007) 5791

80 La requérante soutient que la prétendue violation suffisamment caractérisée du principe d’égalité de traitement commise par la Commission dans la décision C(2007) 5791 lui a causé des préjudices matériels et un préjudice immatériel qui doivent être réparés.

81 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le dommage dont il est demandé réparation dans le cadre d’une action en responsabilité non contractuelle de l’Union doit être réel et certain, ce qu’il appartient à la partie requérante de prouver (voir arrêt du 9 novembre 2006, Agraz e.a./Commission, C‑243/05 P, EU:C:2006:708, point 27 et jurisprudence citée). Il incombe à cette dernière d’apporter des preuves concluantes tant de l’existence que de l’étendue du
préjudice qu’elle invoque (voir arrêt du 16 septembre 1997, Blackspur DIY e.a./Conseil et Commission, C‑362/95 P, EU:C:1997:401, point 31 et jurisprudence citée).

82 Toujours selon une jurisprudence constante, la condition relative au lien de causalité posée à l’article 340, deuxième alinéa, TFUE porte sur l’existence d’un lien de cause à effet suffisamment direct entre le comportement des institutions et le dommage (arrêts du 18 mars 2010, Trubowest Handel et Makarov/Conseil et Commission, C‑419/08 P, EU:C:2010:147, point 53, et du 14 décembre 2005, Beamglow/Parlement e.a., T‑383/00, EU:T:2005:453, point 193 ; voir également, en ce sens, arrêt du 4 octobre
1979, Dumortier e.a./Conseil, 64/76, 113/76, 167/78, 239/78, 27/79, 28/79 et 45/79, EU:C:1979:223, point 21). Il appartient à la partie requérante d’apporter la preuve de l’existence d’un lien de causalité entre le comportement reproché et le préjudice invoqué (voir arrêt du 30 septembre 1998, Coldiretti e.a./Conseil et Commission, T‑149/96, EU:T:1998:228, point 101 et jurisprudence citée).

83 C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’apprécier le bien-fondé de la demande de la requérante.

1) Sur les préjudices matériels allégués et le supposé lien de causalité

84 La requérante soutient que la prétendue violation suffisamment caractérisée du principe d’égalité de traitement commise dans la décision C(2007) 5791 lui a causé deux catégories de préjudices matériels, à savoir, premièrement, un préjudice correspondant au paiement de frais de garantie bancaire et, deuxièmement, un préjudice correspondant au manque à gagner mentionné au point 24 ci-dessus.

i) Observations liminaires

85 Lorsque la Commission a signifié sa décision C(2007) 5791 à la requérante, cette institution lui a signalé que, si elle engageait une procédure devant le Tribunal ou devant la Cour, aucune mesure de recouvrement du montant de l’amende infligée dans ladite décision ne serait prise tant que l’affaire serait pendante, pour autant que deux conditions soient respectées avant la date d’expiration du délai de paiement. En application de l’article 86, paragraphe 5, du règlement (CE, Euratom) no 2342/2002
de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO 2002, L 357, p. 1), ces deux conditions étaient les suivantes : premièrement, la créance de la Commission devait produire des intérêts à partir de la date d’expiration du délai de paiement au taux de 5,64 %, deuxièmement, une garantie bancaire acceptable pour la Commission couvrant à
la fois la dette et les intérêts ou majorations de la dette devait être fournie avant la date limite de paiement.

86 Dans la requête qu’elle a déposée dans la présente affaire, la requérante explique que la décision C(2007) 5791 l’a condamnée à payer une amende d’un montant de 148000000 euros. Elle soutient que, dans un premier temps, elle a payé immédiatement la somme de 111000000 euros et qu’elle a constitué une garantie bancaire pour couvrir le solde de 37000000 euros. Elle fait valoir que, dans un deuxième temps, elle a annulé la garantie bancaire avec effet au 2 août 2013 et versé à la Commission la somme
de 37000000 euros majorée des intérêts de retard au taux de 5,64 %, soit 48263003 euros. Elle souligne que, dans un troisième temps, à la suite de l’arrêt du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (C‑580/12 P, EU:C:2014:2363), qui a réduit le montant de l’amende de 44400000 euros, il est apparu que l’amende ajustée de 103600000 euros était couverte dès l’origine par le paiement de la somme de 111000000 euros. En conséquence, la Commission a remboursé à la requérante
la somme de 55663003 euros majorée d’intérêts à hauteur de 988620 euros. La somme de 55663003 euros a été obtenue en additionnant, d’une part, le montant versé à la Commission à la suite de l’annulation de la garantie bancaire, soit 48263003 euros et, d’autre part, la somme de 7400000 euros. Cette dernière somme correspond au montant de 111000000 euros, payé immédiatement, dont il faut déduire le montant de l’amende finalement due, à savoir 103600000 euros.

ii) Sur le paiement allégué de frais de garantie bancaire et le supposé lien de causalité

87 La requérante souligne que, entre le 4 mars 2008, date de la prise d’effet de la garantie bancaire, et le 2 août 2013, date de la prise d’effet de l’annulation de ladite garantie, elle a payé des frais de garantie bancaire pour un montant total de 1547000 euros. Ces frais auraient été causés par la violation du principe d’égalité de traitement. En effet, si la Commission avait fixé d’emblée le montant de l’amende à 103600000 euros dans la décision C(2007) 5791, la garantie bancaire n’aurait
jamais été nécessaire. Par ailleurs, si ce raisonnement ne devait pas être suivi, il conviendrait, en tout état de cause, d’accorder à la requérante une indemnité de 1268935 euros, qui correspondrait aux frais de garantie bancaire payés au cours de la période comprise entre le 12 février 2010, date à laquelle l’arrêt du Tribunal aurait dû être prononcé dans l’affaire T‑82/08, et le 2 août 2013, date de la prise d’effet de l’annulation de la garantie.

88 La Commission conteste ces allégations.

89 En l’espèce, il convient de souligner que la requérante, qui avait introduit un recours contre la décision C(2007) 5791, avait le choix suivant : soit payer l’amende au moment de son exigibilité, à charge, s’il y avait lieu, de payer des intérêts de retard au taux fixé par la Commission dans la décision C(2007) 5791, soit demander le sursis à l’exécution de la décision en application de l’article 242 CE et des articles 104 et suivants du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, soit
constituer une garantie bancaire destinée à garantir le paiement de l’amende et des intérêts de retard, conformément aux conditions fixées par la Commission [voir, en ce sens, arrêts du 14 juillet 1995, CB/Commission, T‑275/94, EU:T:1995:141, point 54, et du 21 avril 2005, Holcim (Deutschland)/Commission, T‑28/03, EU:T:2005:139, point 122].

90 Le choix de constituer une garantie bancaire pour une partie du montant de l’amende infligée par la décision C(2007) 5791 et de payer l’autre partie du montant de cette amende a été laissé à la libre appréciation de la requérante et ne revêtait aucun caractère obligatoire. Autrement dit, rien n’empêchait la requérante de payer l’intégralité du montant de l’amende à l’échéance du délai fixé par la décision C(2007) 5791 malgré l’introduction d’un recours contre cette décision devant le Tribunal
(voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 2008, Knauf Gips/Commission, T‑52/03, non publié, EU:T:2008:253, point 498).

91 Or, ainsi que cela ressort de la requête, la requérante a décidé, postérieurement à l’adoption de la décision C(2007) 5791, de ne pas exécuter intégralement son obligation de payer immédiatement l’amende, mais de constituer une garantie bancaire pour une partie du montant de l’amende, conformément à la faculté offerte par la Commission.

92 La requérante ne saurait donc valablement soutenir que les frais de garantie bancaire qu’elle a payés résultent directement de l’illégalité de la décision C(2007) 5791. En effet, le préjudice qu’elle allègue résulte directement et de façon déterminante de son propre choix, postérieur à l’adoption de la décision C(2007) 5791, de ne pas exécuter son obligation de payer l’intégralité de l’amende. Si la requérante avait opté pour le paiement immédiat de l’intégralité du montant de l’amende, elle
aurait évité d’avoir à payer des frais de garantie bancaire sur le montant de l’amende non acquittée [voir, en ce sens, arrêt du 21 avril 2005, Holcim (Deutschland)/Commission, T‑28/03, EU:T:2005:139, points 123 et 124 ; ordonnances du 12 décembre 2007, Atlantic Container Line e.a./Commission, T‑113/04, non publiée, EU:T:2007:377, point 38, et du 4 septembre 2009, Inalca et Cremonini/Commission, T‑174/06, non publiée, EU:T:2009:306, points 91 et 92].

93 Dès lors, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’argument de la Commission tiré d’une éventuelle contribution de la requérante à son préjudice, l’existence d’un lien de causalité suffisamment direct entre la prétendue violation suffisamment caractérisée du principe d’égalité de traitement commise dans la décision C(2007) 5791 et le paiement de frais de garantie bancaire doit être écartée.

94 Par conséquent, la demande de réparation du préjudice matériel allégué consistant dans le paiement de frais de garantie bancaire en raison d’une prétendue violation suffisamment caractérisée du principe d’égalité de traitement commise dans la décision C(2007) 5791 doit être rejetée.

iii) Sur le manque à gagner allégué et le supposé lien de causalité

95 D’abord, la requérante explique que les intérêts remboursés par la Commission sur la partie du montant de l’amende finalement jugée indue par l’arrêt du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (C‑580/12 P, EU:C:2014:2363), se sont élevés à 988620 euros pour la totalité de la période allant de mars 2008 à novembre 2014.

96 Ensuite, la requérante fait valoir que le montant de ces intérêts est très inférieur aux revenus qu’elle aurait pu dégager si, au lieu de payer à la Commission la somme finalement jugée indue par la Cour, elle l’avait investie dans ses activités. Au soutien de cette allégation, la requérante produit le rapport d’un cabinet d’audit et de conseil qui a procédé au calcul du coût moyen pondéré de son capital. L’utilisation du coût moyen pondéré du capital se fonderait sur le fait qu’une société doit
gagner au moins le coût de son capital, qui est le rendement minimal exigé par les investisseurs pour investir dans cette société plus que dans une autre. Or, en application de la moyenne des valeurs extrêmes du coût moyen pondéré du capital de la requérante ainsi défini à la somme de 7400000 euros entre le 4 mars 2008 et le 27 juillet 2013, puis à la somme de 48263003 euros entre le 27 juillet 2013 et le 12 novembre 2014, la requérante aurait gagné au moins 10281000 euros. Ainsi, dans la mesure
où les intérêts versés par la Commission en décembre 2014 s’élèveraient à environ 989000 euros, il en résulterait que la requérante aurait subi un manque à gagner de 9292000 euros.

97 Enfin, il serait incontestable que, si la violation du principe d’égalité de traitement n’avait pas été commise dans la décision C(2007) 5791, ce manque à gagner aurait été évité.

98 La Commission conteste ces allégations.

99 À cet égard, il convient de souligner que, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, le Tribunal a demandé à la requérante de produire des preuves documentaires afin de démontrer qu’elle avait payé à la Commission la somme de 111000000 euros en mars 2008 et la somme de 48263003 euros en juillet 2013, ainsi qu’elle le prétendait dans la requête.

100 Or, premièrement, il ressort des documents fournis par la requérante en réponse à cette demande que Guardian Industries, et non la requérante, a payé 20000000 euros à la Commission en mars 2008.

101 Deuxièmement, les documents produits par la requérante montrent que, certes, en mars 2008, elle a payé la somme de 91000000 euros à la Commission. Toutefois, préalablement à ce paiement, à savoir dès le mois de janvier 2008, la requérante avait conclu un accord avec chacune de ses sept filiales opérationnelles afin de prévoir que chacune d’entre elles supporterait, à compter du 31 décembre 2007 et d’un point de vue comptable et financier, une partie du montant de l’amende infligée par la
décision C(2007) 5791. En outre, par des accords conclus en décembre 2008 entre la requérante et ses filiales, il a été procédé à la répartition définitive, entre chacune desdites filiales, de la somme de 91000000 euros payée par la requérante.

102 Troisièmement, les documents produits par la requérante attestent que, en juillet 2013, ce sont les sept filiales opérationnelles de la requérante qui ont, chacune, payé directement à la Commission une partie de la somme de 48263003 euros.

103 Il s’ensuit que la requérante n’a pas personnellement supporté la charge liée au paiement de l’amende infligée par la décision C(2007) 5791. La requérante ne peut donc manifestement pas prétendre qu’elle a subi un préjudice réel et certain qui consisterait en la différence entre, d’une part, les intérêts remboursés par la Commission sur la partie du montant de l’amende finalement jugée indue par la Cour dans l’arrêt du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission
(C‑580/12 P, EU:C:2014:2363), et, d’autre part, les revenus qu’elle aurait pu dégager si, au lieu de payer la somme en cause à la Commission, elle l’avait investie dans ses activités.

104 Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument avancé par la requérante et tiré, d’une part, de ce que Guardian a été considérée comme une entreprise unique par la décision C(2007) 5791 et, d’autre part, de ce que toutes les sommes ont été payées par des entités appartenant à l’entreprise Guardian.

105 En effet, premièrement, la requérante ne produit aucun document qui l’habiliterait à représenter, dans le cadre du présent recours, ses sept filiales opérationnelles qui ont supporté, chacune, le paiement d’une partie du montant de l’amende infligée par la décision C(2007) 5791.

106 Deuxièmement, la requérante ne produit pas davantage un document qui l’habiliterait à représenter, dans le cadre du présent recours, Guardian Industries. À cet égard, la requérante ne peut se prévaloir d’un mémorandum interne qui serait daté du 15 novembre 2015 et qui lui aurait été adressé par Guardian Industries. En effet, ce mémorandum n’est pas signé par les représentants légaux de Guardian Industries. Par ailleurs, ce mémorandum ne prévoit aucune habilitation expresse, donnée à la
requérante, pour représenter Guardian Industries dans le cadre de la présente procédure. En effet, ce mémorandum se limite à prévoir que, si la requérante obtenait une indemnité pour les frais de garantie bancaire, elle paierait à Guardian Industries 18 % de cette indemnité. Il convient enfin d’ajouter que l’accord sur le partage de responsabilité conclu entre Guardian Industries et la requérante en mars 2008 est dépourvu de pertinence en l’espèce, dans la mesure où il portait sur le paiement de
l’amende infligée par la Commission et non sur le présent recours en indemnité.

107 Dès lors, la demande de réparation du manque à gagner qui aurait été subi par la requérante en raison d’une prétendue violation suffisamment caractérisée du principe d’égalité de traitement commise dans la décision C(2007) 5791 doit être rejetée.

2) Sur le préjudice immatériel allégué et le supposé lien de causalité

108 La requérante soutient que, du 28 novembre 2007, date de la décision C(2007) 5791, au 12 novembre 2014, date de l’arrêt Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (C‑580/12 P, EU:C:2014:2363), la violation du principe d’égalité de traitement commise dans ladite décision aurait créé une impression trompeuse quant à son rôle dans l’infraction. Cette atteinte à la réputation devrait être réparée par l’octroi d’une indemnité qui correspondrait à 10 % du montant de l’amende qui avait été
infligée initialement à la requérante.

109 La Commission conteste ces allégations.

110 À cet égard, il convient de relever que l’atteinte à la réputation alléguée n’est pas liée à l’impression trompeuse que la requérante aurait participé à une infraction aux règles de concurrence. D’ailleurs, le recours introduit devant le Tribunal dans l’affaire T‑82/08 visait seulement à l’annulation partielle de la décision C(2007) 5791. En outre, dans le cadre du pourvoi formé dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission
(C‑580/12 P, EU:C:2014:2363), la requérante n’a pas contesté les appréciations du Tribunal par lesquelles ce dernier a rejeté ladite demande d’annulation partielle.

111 Ainsi, l’atteinte à la réputation alléguée consisterait uniquement en ce que la décision C(2007) 5791 aurait créé une impression trompeuse quant au rôle de la requérante dans l’infraction à laquelle cette dernière a, effectivement, participé. Cette impression trompeuse résulterait du fait que l’amende qui avait été infligée à la requérante était plus importante que celle qui avait été infligée aux autres participants à l’infraction (voir point 67 ci-dessus).

112 Or, premièrement, l’argumentation de la requérante n’est pas étayée par des éléments de preuve qui démontreraient que, par sa gravité, la prétendue violation suffisamment caractérisée du principe d’égalité de traitement commise dans la décision C(2007) 5791 était susceptible d’avoir une incidence sur sa réputation au-delà de l’incidence liée à sa participation à l’entente.

113 Dans ces conditions, la requérante ne démontre pas que la prétendue violation suffisamment caractérisée du principe d’égalité de traitement commise dans la décision C(2007) 5791 était de nature à causer une atteinte à sa réputation.

114 Deuxièmement, à supposer que la prétendue violation suffisamment caractérisée du principe d’égalité de traitement commise dans la décision C(2007) 5791 en ce qui concerne le calcul du montant de l’amende infligée à la requérante ait porté atteinte à la réputation de cette dernière, il y aurait lieu de constater que, eu égard à la nature et à la gravité de cette violation, le préjudice immatériel subi par la requérante aurait suffisamment été réparé par l’annulation de ladite décision et par la
réduction du montant de l’amende prononcée par la Cour dans l’arrêt du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (C‑580/12 P, EU:C:2014:2363). Il en va d’autant plus ainsi que, d’une part, la requérante a pu se prévaloir de l’introduction d’un recours contre la décision C(2007) 5791 et, d’autre part, l’arrêt du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (C‑580/12 P, EU:C:2014:2363), a fait l’objet d’un communiqué de presse le jour de son
prononcé, qui indiquait que le juge de l’Union avait finalement réduit le montant de l’amende infligée à la requérante pour son rôle dans le cartel du verre plat de 148000000 à 103600000 euros.

115 Dès lors, la demande de réparation du préjudice immatériel qui aurait été causé à la requérante par une prétendue violation suffisamment caractérisée du principe d’égalité de traitement commise dans la décision C(2007) 5791 doit être rejetée.

116 Par conséquent, en application de la jurisprudence mentionnée au point 76 ci-dessus, la demande de réparation des prétendus préjudices qui auraient été causés par une supposée violation caractérisée du principe d’égalité de traitement commise dans la décision C(2007) 5791 doit être rejetée dans son ensemble.

b)  Sur la demande de réparation des préjudices qui auraient été subis en raison d’une prétendue violation suffisamment caractérisée du principe d’égalité de traitement commise dans l’arrêt du 27 septembre 2012, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (T‑82/08)

117 La requérante soutient que l’erreur commise dans l’arrêt du 27 septembre 2012, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (T‑82/08, EU:T:2012:494), est constitutive d’une violation caractérisée du principe d’égalité de traitement et que ladite violation lui a causé des préjudices.

118 En effet, d’abord, il serait indiscutable qu’un arrêt du Tribunal peut engager la responsabilité non contractuelle de l’Union. D’une part, la Cour aurait reconnu le droit d’un requérant d’obtenir une indemnité en cas de violation du délai raisonnable de jugement. D’autre part, cette responsabilité serait le corollaire de la jurisprudence de la Cour selon laquelle les juridictions d’un État membre peuvent engager la responsabilité de cet État lorsqu’elles privent un requérant du bénéfice d’un
droit qu’il tire du droit de l’Union (arrêt du 30 septembre 2003, Köbler, C‑224/01, EU:C:2003:513).

119 Ensuite, le Tribunal n’aurait disposé d’aucune marge d’appréciation et n’aurait pas eu la possibilité de confirmer, comme il l’a fait, l’exclusion des ventes internes figurant dans la décision C(2007) 5791, si cela pénalisait l’unique destinataire de cette décision qui n’était pas verticalement intégré, à savoir la requérante.

120 Enfin, il serait incontestable, au regard d’une jurisprudence établie, afférente à l’obligation de prendre en compte les ventes internes, que l’arrêt du 27 septembre 2012, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (T‑82/08, EU:T:2012:494), aurait violé de manière manifeste le principe d’égalité de traitement.

121 La Cour de justice de l’Union européenne conteste ces allégations.

122 À cet égard, il convient de souligner que la responsabilité de l’Union ne peut être engagée en raison du contenu d’une décision juridictionnelle qui n’a pas été rendue par une juridiction de l’Union statuant en dernier ressort et qui pouvait donc faire l’objet d’un pourvoi.

123 D’ailleurs, en l’espèce, l’erreur commise dans l’arrêt du 27 septembre 2012, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (T‑82/08, EU:T:2012:494), a été rectifiée par la Cour dans l’arrêt du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (C‑580/12 P, EU:C:2014:2363), à la suite de l’exercice des voies de recours par la requérante.

124 Il importe cependant de préciser que l’appréciation formulée au point 122 ci-dessus est sans préjudice de la possibilité, pour une requérante, de rechercher, dans des cas exceptionnels, la responsabilité de l’Union en raison de dysfonctionnements juridictionnels graves, notamment de nature procédurale ou administrative, affectant l’activité d’une juridiction de l’Union. Or, de tels dysfonctionnements ne sont pas allégués par la requérante dans le cadre de la présente demande, qui est afférente
au contenu d’une décision juridictionnelle.

125 Par conséquent, la demande de réparation des prétendus préjudices qui auraient été causés par une supposée violation caractérisée du principe d’égalité de traitement commise dans l’arrêt du 27 septembre 2012, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (T‑82/08, EU:T:2012:494), doit être rejetée.

126 Compte tenu de l’ensemble de ce qui précède, les demandes de réparation des préjudices qui auraient été subis par la requérante en raison, d’une part, d’une prétendue violation suffisamment caractérisée du principe d’égalité de traitement commise dans la décision C(2007) 5791 et, d’autre part, d’une prétendue violation suffisamment caractérisée du principe d’égalité de traitement commise dans l’arrêt du 27 septembre 2012, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (T‑82/08,
EU:T:2012:494), doivent être rejetées.

2.  Sur la demande de réparation des préjudices qui auraient été subis en raison d’une prétendue violation du délai raisonnable de jugement dans l’affaire T‑82/08

127 Premièrement, la requérante soutient que la durée de la procédure dans l’affaire T‑82/08 a violé le délai raisonnable de jugement. Deuxièmement, elle fait valoir que cette violation lui a causé des préjudices qui doivent être réparés.

a)  Sur la prétendue violation du délai raisonnable de jugement dans l’affaire T‑82/08

128 La requérante fait valoir que la durée de la procédure dans l’affaire T‑82/08 a méconnu le délai raisonnable de jugement, ce qui serait constitutif d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit de l’Union ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers.

129 La Cour de justice de l’Union européenne conteste ces allégations. En effet, premièrement, il ne saurait être considéré que l’arrêt du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (C‑580/12 P, EU:C:2014:2363), a définitivement tranché la question de l’existence d’une violation du délai raisonnable de jugement. Deuxièmement, l’allégation de la requérante selon laquelle le délai raisonnable de jugement était de deux ans dans l’affaire T‑82/08 serait totalement irréaliste au
regard de la durée moyenne des procédures devant le Tribunal constatée entre 2006 et 2010 dans les affaires qui concernaient l’application du droit de la concurrence. Troisièmement, le caractère raisonnable d’un délai de jugement ne saurait être apprécié sur la base d’une durée forfaitaire et devrait être apprécié en fonction des circonstances propres à chaque affaire et, en particulier, au regard de la présence éventuelle d’une période d’inactivité anormalement longue. Quatrièmement, s’agissant
de la durée comprise entre la fin de la phase écrite de la procédure et l’ouverture de la phase orale de la procédure, l’éventuelle période d’inactivité inexpliquée dans le traitement de l’affaire T‑82/08 serait beaucoup plus limitée que ne le prétend la requérante. En effet, la durée de 3 ans et 5 mois, qui s’est écoulée entre la fin de la phase écrite de la procédure et l’ouverture de la phase orale de la procédure dans l’affaire T‑82/08, aurait excédé de 11 mois seulement la durée moyenne de
cette étape de la procédure observée entre 2008 et 2011 dans les affaires afférentes à l’application du droit de la concurrence. Par ailleurs, il conviendrait de tenir compte de la complexité des affaires de concurrence, de l’environnement multilingue dans lequel opère la Cour de justice de l’Union européenne et de la durée limitée du mandat des juges.

130 Il y a lieu de souligner que l’article 47, deuxième alinéa, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne dispose notamment que « [t]oute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi ».

131 En l’espèce, il ressort d’un examen détaillé du dossier de l’affaire T‑82/08 que, ainsi que l’a souligné à juste titre la Cour dans l’arrêt du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (C‑580/12 P, EU:C:2014:2363), la durée de la procédure dans l’affaire T‑82/08, qui s’est élevée à près de 4 ans et 7 mois, ne peut être justifiée par aucune des circonstances propres à cette affaire.

132 En premier lieu, il importe de rappeler que l’affaire T‑82/08 concernait un litige sur l’existence d’une infraction aux règles de concurrence et que, selon la jurisprudence, l’exigence fondamentale de sécurité juridique dont doivent bénéficier les opérateurs économiques ainsi que l’objectif d’assurer que la concurrence n’est pas faussée dans le marché intérieur présentent un intérêt considérable non seulement pour la partie requérante elle-même et pour ses concurrents, mais également pour les
tiers, en raison du grand nombre de personnes concernées et des intérêts financiers en jeu (arrêt du 16 juillet 2009, Der Grüne Punkt – Duales System Deutschland/Commission, C‑385/07 P, EU:C:2009:456, point 186).

133 En deuxième lieu, il convient de constater que, dans l’affaire T‑82/08, une durée d’environ 3 ans et 5 mois, soit 41 mois, s’est écoulée entre, d’une part, la fin de la phase écrite de la procédure, marquée par le dépôt, le 3 juillet 2008, d’une lettre dans laquelle la requérante a informé le Tribunal qu’elle renonçait à déposer une réplique, et, d’autre part, l’ouverture de la phase orale de la procédure, le 13 décembre 2011.

134 Le caractère raisonnable de cette période dépend, en particulier, de la complexité du litige ainsi que du comportement des parties et de la survenance d’incidents procéduraux.

135 S’agissant de la complexité du litige, d’abord, une durée de 15 mois entre la fin de la phase écrite de la procédure et l’ouverture de la phase orale de la procédure constitue en principe une durée appropriée pour traiter les affaires qui concernent l’application du droit de la concurrence, telles que l’affaire T‑82/08. Ensuite, le traitement parallèle d’affaires connexes ne peut pas justifier, en l’espèce, un allongement de la période comprise entre la fin de la phase écrite de la procédure et
l’ouverture de la phase orale de celle-ci. Enfin, le degré de complexité factuelle, juridique et procédurale de l’affaire T‑82/08 ne justifie pas de retenir une durée plus longue en l’espèce. À cet égard, il convient notamment de relever que, entre la fin de la phase écrite de la procédure et l’ouverture de la phase orale de la procédure, la procédure n’a été ni interrompue ni retardée par l’adoption, par le Tribunal, d’une quelconque mesure d’organisation de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du
10 janvier 2017, Gascogne Sack Deutschland et Gascogne/Union européenne, T‑577/14, EU:T:2017:1, points 65 à 74).

136 S’agissant du comportement des parties et de la survenance d’incidents procéduraux, la durée qui s’est écoulée entre la fin de la phase écrite de la procédure et l’ouverture de la phase orale de la procédure dans l’affaire T‑82/08 n’a aucunement été influencée par un tel comportement ou par de tels incidents.

137 Dès lors, au regard des circonstances de l’affaire T‑82/08, il y a lieu de décider que la durée de 41 mois qui s’est écoulée entre la fin de la phase écrite de la procédure et l’ouverture de la phase orale de celle-ci laisse apparaître une période d’inactivité injustifiée de 26 mois.

138 En troisième lieu, l’examen du dossier de l’affaire T‑82/08 n’a révélé aucune circonstance permettant de conclure à l’existence d’une période d’inactivité injustifiée, d’une part, entre la date du dépôt de la requête et la fin de la phase écrite de la procédure et, d’autre part, entre l’ouverture de la phase orale de la procédure et le prononcé de l’arrêt du 27 septembre 2012, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (T‑82/08, EU:T:2012:494).

139 Il s’ensuit que la procédure, qui a été suivie dans l’affaire T‑82/08 et qui s’est achevée avec le prononcé de l’arrêt du 27 septembre 2012, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (T‑82/08, EU:T:2012:494), a violé l’article 47, deuxième alinéa, de la charte des droits fondamentaux en ce qu’elle a dépassé de 26 mois le délai raisonnable de jugement, ce qui constitue une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit de l’Union ayant pour objet de conférer des droits aux
particuliers.

b)  Sur les préjudices allégués et le supposé lien de causalité

140 La requérante soutient que la violation du délai raisonnable de jugement dans l’affaire T‑82/08 lui a causé des préjudices matériels et un préjudice immatériel entre le 12 février 2010, date à laquelle l’arrêt du Tribunal aurait dû être prononcé, et le 27 septembre 2012, date à laquelle cet arrêt a effectivement été prononcé.

141 Il convient d’apprécier le bien-fondé de ces allégations au regard de la jurisprudence mentionnée aux points 81 et 82 ci-dessus.

1) Sur le préjudice immatériel allégué et le supposé lien de causalité

142 Premièrement, la requérante soutient qu’elle a subi une atteinte à sa réputation à concurrence d’un montant de 14800000 euros au motif que, entre le 12 février 2010 et le 27 septembre 2012, elle a été perçue à tort comme supportant une responsabilité aggravée pour l’infraction sanctionnée dans la décision C(2007) 5791 (voir point 67 ci-dessus). Deuxièmement, la violation du principe d’égalité de traitement commise par la Commission dans la décision C(2007) 5791 aurait été aggravée du 12 février
2010 au 27 septembre 2012, période au cours de laquelle la procédure dans l’affaire T‑82/08 aurait méconnu le délai raisonnable de jugement. Troisièmement, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, il existerait une présomption solide quoique réfragable selon laquelle la durée excessive d’une procédure occasionne un dommage moral. Quatrièmement, le préjudice subi par la requérante devrait être évalué à 10 % du montant de l’amende qui lui avait été initialement infligée
par la décision C(2007) 5791. En effet, d’une part, l’indemnité à laquelle elle pourrait prétendre devrait être liée au montant de l’amende qui lui était imposée pendant la violation du délai raisonnable de jugement. D’autre part, le montant de 5 % retenu par le Tribunal dans certaines affaires qui concernaient une violation du délai raisonnable par la Commission serait trop bas.

143 La Cour de justice de l’Union européenne conteste ces allégations. À titre subsidiaire, elle fait valoir que le préjudice immatériel réparable devrait être évalué à 5000 euros au maximum.

144 En l’espèce, premièrement, à supposer que, par son argumentation, la requérante soutienne qu’elle a été perçue plus longtemps comme ayant une responsabilité particulière dans l’infraction en raison de la violation du délai raisonnable de jugement dans l’affaire T‑82/08, cette argumentation n’est pas étayée par des éléments de preuve qui démontreraient que, par sa gravité, la violation du délai raisonnable de jugement était susceptible d’avoir une incidence sur sa réputation, au-delà de
l’incidence causée par la décision C(2007) 5791.

145 Dans ces conditions, la requérante ne démontre pas que la violation du délai raisonnable de jugement dans l’affaire T‑82/08 était de nature à lui causer l’atteinte à la réputation alléguée.

146 Deuxièmement, et en tout état de cause, le constat de la violation du délai raisonnable de jugement effectué au point 139 ci-dessus serait, eu égard à l’objet et à la gravité de cette violation, suffisant pour réparer l’atteinte à la réputation alléguée par la requérante.

147 Compte tenu de ce qui précède, la requérante ne démontre pas que la violation du délai raisonnable de jugement dans l’affaire T‑82/08 était de nature à causer une atteinte à sa réputation et, en tout état de cause, le constat de la violation du délai raisonnable de jugement effectué au point 139 ci-dessus serait, eu égard à l’objet et à la gravité de cette violation, suffisant pour réparer l’atteinte à la réputation alléguée par la requérante.

148 La demande de réparation d’une prétendue atteinte à la réputation de la requérante doit donc être rejetée.

2) Sur les préjudices matériels allégués et le supposé lien de causalité

149 La requérante soutient que la violation du délai raisonnable de jugement lui a causé deux catégories de préjudices matériels entre le 12 février 2010 et le 27 septembre 2012, à savoir, premièrement, un préjudice correspondant au paiement de frais de garantie bancaire supplémentaires et, deuxièmement, un préjudice correspondant au manque à gagner mentionné au point 24 ci-dessus.

150 Il convient d’examiner les préjudices matériels allégués par la requérante et le supposé lien de causalité entre ces préjudices et la violation du délai raisonnable de jugement dans l’affaire T‑82/08, à la lumière des observations liminaires formulées aux points 85 et 86 ci-dessus.

i) Sur le manque à gagner allégué et le supposé lien de causalité

151 D’abord, la requérante explique que les intérêts remboursés par la Commission à la suite de l’arrêt du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (C‑580/12 P, EU:C:2014:2363), se seraient élevés à un montant de 224000 euros pour la période comprise entre le 12 février 2010 et le 27 septembre 2012. Ensuite, en application de la moyenne des valeurs extrêmes du coût moyen pondéré de son capital défini au point 96 ci-dessus à la somme de 7400000 euros, la requérante soutient
qu’elle aurait gagné au moins 1895000 euros entre le 12 février 2010 et le 27 septembre 2012. Ainsi, dans la mesure où les intérêts versés par la Commission s’élèveraient à 224000 euros, la requérante aurait subi un manque à gagner de 1671000 euros. Enfin, la violation du délai raisonnable de jugement serait la cause suffisamment directe et déterminante du manque à gagner allégué par la requérante. En effet, si le délai raisonnable de jugement n’avait pas été méconnu dans l’affaire T‑82/08, la
requérante aurait disposé plus tôt des sommes que la Cour a finalement jugées indues dans l’arrêt du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (C‑580/12 P, EU:C:2014:2363).

152 La Cour de justice de l’Union européenne conteste ces allégations.

153 À cet égard, il ressort des points 99 à 103 ci-dessus que la requérante n’a pas personnellement supporté la charge liée au paiement de l’amende infligée par la décision C(2007) 5791. La requérante ne peut donc manifestement pas prétendre que, entre le 12 février 2010 et le 27 septembre 2012, elle aurait subi un préjudice réel et certain qui consisterait en la différence entre, d’une part, les intérêts remboursés par la Commission sur la partie du montant de l’amende finalement jugée indue par la
Cour dans l’arrêt du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (C‑580/12 P, EU:C:2014:2363), et, d’autre part, les revenus qu’elle aurait pu dégager si, au lieu de payer la somme en cause à la Commission, elle l’avait investie dans ses activités.

154 Dès lors, en application de la jurisprudence mentionnée au point 76 ci-dessus, la demande de réparation du manque à gagner allégué par la requérante doit être rejetée sans qu’il soit besoin d’apprécier l’existence d’un supposé lien de causalité.

ii) Sur le paiement allégué de frais de garantie bancaire et le supposé lien de causalité

155 La requérante demande la réparation du préjudice qu’elle aurait subi en raison du paiement de frais de garantie bancaire supplémentaires au cours de la période comprise entre le 12 février 2010 et le 27 septembre 2012.

156 La Cour de justice de l’Union européenne fait valoir que la requérante n’établit pas qu’il existerait un lien de causalité suffisamment direct entre, d’une part, les frais de garantie bancaire payés entre le 12 février 2010 et le 27 septembre 2012 et, d’autre part, la prétendue violation du délai raisonnable de jugement. En effet, d’abord, ce préjudice matériel découlerait du propre choix de la requérante de ne pas exécuter immédiatement son obligation de payer l’intégralité du montant de
l’amende. Ensuite, au regard de la définition du lien de causalité qui prévaut en droit de l’Union, l’existence d’un lien de causalité ne pourrait pas être établie sur la base du seul constat que, en l’absence de dépassement du délai raisonnable de jugement, la requérante ne se serait pas trouvée dans l’obligation de payer des frais de garantie bancaire pour la période correspondant à ce dépassement. Enfin, à supposer même qu’il faille appliquer la définition du lien de causalité proposée par la
requérante, la circonstance que cette dernière a annulé la garantie le 2 août 2013, soit 10 mois après le prononcé de l’arrêt du 27 septembre 2012, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (T‑82/08, EU:T:2012:494), et 16 mois avant le prononcé de l’arrêt du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (C‑580/12 P, EU:C:2014:2363), confirmerait l’absence de lien direct entre la durée au cours de laquelle la requérante a fourni une garantie bancaire et un quelconque
retard dans le traitement de l’affaire T‑82/08.

157 À cet égard, en premier lieu, il convient de relever que, dans la requête, la requérante soutient que, entre le 12 février 2010 et le 27 septembre 2012, elle a payé des frais de garantie bancaire à hauteur de 936000 euros. À l’appui de sa demande, elle produit un document bancaire contenant le détail des commissions trimestrielles versées à une banque tout au long de la procédure dans l’affaire T‑82/08.

158 Cependant, en réponse à une demande formulée par le Tribunal dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, la requérante a précisé que 82 % des frais de garantie bancaires mentionnés dans la requête lui avaient été facturés et que 18 % desdits frais avaient été facturés à Guardian Industries.

159 Il s’ensuit que la requérante démontre uniquement qu’elle a subi un préjudice réel et certain consistant dans le paiement de 82 % des frais de garantie bancaire payés au cours de la période qui correspond au dépassement du délai raisonnable de jugement dans l’affaire T‑82/08. Par ailleurs, et ainsi que cela ressort du point 106 ci-dessus, la requérante ne démontre pas qu’elle serait habilitée à représenter Guardian Industries dans le cadre de la présente procédure.

160 En second lieu, il existe un lien de cause à effet entre la violation du délai raisonnable de jugement dans l’affaire T‑82/08 et la survenance du préjudice qui a été enduré par la requérante en raison du paiement, par celle-ci, de frais de garantie bancaire au cours de la période qui correspond au dépassement de ce délai raisonnable de jugement. Par ailleurs, en l’espèce, il convient de relever que, premièrement, au moment où la requérante a introduit son recours dans l’affaire T‑82/08, le
12 février 2008, et au moment où celle-ci a constitué une garantie bancaire en février 2008, avec effet au 4 mars 2008, la violation du délai raisonnable de jugement était imprévisible. En outre, la requérante pouvait légitimement s’attendre à ce que son recours fût traité dans un délai raisonnable. Deuxièmement, le dépassement du délai raisonnable de jugement dans l’affaire T‑82/08 est intervenu postérieurement au choix initial de la requérante de constituer une garantie bancaire. Ainsi, le
lien entre le dépassement du délai raisonnable de jugement et le paiement de frais de garantie bancaire au cours de la période qui correspond à ce dépassement ne peut avoir été rompu par le choix initial de la requérante de ne pas payer immédiatement une partie de l’amende infligée par la décision C(2007) 5791 et de constituer une garantie bancaire (voir, en ce sens, arrêt du 10 janvier 2017, Gascogne Sack Deutschland et Gascogne/Union européenne, T‑577/14, EU:T:2017:1, points 115 à 121).

161 Il s’ensuit qu’il existe un lien de causalité suffisamment direct entre la violation du délai raisonnable de jugement dans l’affaire T‑82/08 et le préjudice subi par la requérante en raison du paiement de frais de garantie bancaire supplémentaires au cours de la période qui correspond au dépassement de ce délai raisonnable.

iii) Sur l’évaluation du préjudice subi

162 En premier lieu, il importe de rappeler que la durée de la procédure a dépassé de 26 mois le délai raisonnable de jugement dans l’affaire T‑82/08 (voir points 134 à 139 ci-dessus).

163 En second lieu, il ressort des pièces produites par la requérante que, au cours des 26 mois qui ont précédé le prononcé de l’arrêt du 27 septembre 2012, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (T‑82/08, EU:T:2012:494), celle-ci a personnellement payé les frais trimestriels de garantie bancaire suivants :

Trimestres Frais de garantie payés (euros) Durée indemnisable Préjudice indemnisable (euros)

(en mois)
3/2010 72 523,66 2 48 349,11
4/2010 72 523,66 3 72 523,66
1/2011 48 874,64 + 23 137,15 3 72 011,79
2/2011 75 195,73 3 75 195,73
3/2011 76 022,06 3 76 022,06
4/2011 76 022,06 3 76 022,06
1/2012 52 884,91 + 23 337,53 3 76 222,44
2/2012 78 656,11 3 78 656,11
3/2012 79 520,47 3 79 520,47
       
    Total 654 523,43

164 Il s’ensuit que, au cours des 26 mois qui ont précédé le prononcé de l’arrêt du 27 septembre 2012, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (T‑82/08, EU:T:2012:494), les frais de garantie bancaire payés par la requérante se sont élevés à 654523,43 euros.

165 Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d’accorder une indemnité d’un montant de 654523,43 euros à la requérante à titre de réparation du préjudice matériel que lui a causé la violation du délai raisonnable de jugement dans l’affaire T‑82/08 et qui consiste dans le paiement de frais de garantie bancaire supplémentaires.

3) Sur les intérêts

166 La requérante demande au Tribunal d’assortir le montant de la réparation, qu’il est susceptible de lui allouer, d’intérêts à compter du 12 février 2010, au taux moyen appliqué par la BCE au moment pertinent à ses opérations principales de refinancement, majoré de deux points de pourcentage.

167 À cet égard, il importe de distinguer les intérêts compensatoires et les intérêts moratoires (arrêt du 27 janvier 2000, Mulder e.a./Conseil et Commission, C‑104/89 et C‑37/90, EU:C:2000:38, point 55).

168 En premier lieu, en ce qui concerne les intérêts compensatoires, l’indemnité due à la requérante à titre de réparation de son préjudice matériel peut être assortie de tels intérêts pour la période comprise entre le 27 juillet 2010, soit 26 mois avant le prononcé de l’arrêt du 27 septembre 2012, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (T‑82/08, EU:T:2012:494), et la date du prononcé du présent arrêt. Par ailleurs, dans la mesure où la requérante n’a fourni aucune preuve permettant de
démontrer que les frais de garantie bancaire qu’elle a payés entre le 27 juillet 2010 et le 27 septembre 2012 auraient pu produire des intérêts dont le taux serait celui appliqué par la BCE à ses opérations principales de refinancement, majoré de deux points de pourcentage, il y a lieu de considérer que l’érosion monétaire liée à l’écoulement du temps est reflétée par le taux d’inflation annuel constaté, pour la période concernée, par Eurostat (office statistique de l’Union européenne) dans
l’État membre où la requérante est établie, dans la limite de la demande formulée par celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 10 janvier 2017, Gascogne Sack Deutschland et Gascogne/Union européenne, T‑577/14, EU:T:2017:1, points 168 à 177 et jurisprudence citée).

169 En second lieu, s’agissant des intérêts moratoires, l’indemnité visée au point 165 ci-dessus, y compris les intérêts compensatoires qui assortissent celle-ci, doit être majorée d’intérêts moratoires, à compter du prononcé du présent arrêt et jusqu’à complet paiement. Par ailleurs, le taux des intérêts moratoires sera celui fixé par la BCE pour ses opérations principales de refinancement, majoré de deux points de pourcentage, ainsi que le demande la requérante (voir, en ce sens, arrêt du
10 janvier 2017, Gascogne Sack Deutschland et Gascogne/Union européenne, T‑577/14, EU:T:2017:1, points 178 à 182 et jurisprudence citée).

4) Conclusion sur le montant de l’indemnité et sur les intérêts

170 Compte tenu de l’ensemble de ce qui précède, le présent recours doit être accueilli partiellement en ce qu’il tend à la réparation du préjudice subi par la requérante en raison de la violation du délai raisonnable de jugement dans l’affaire T‑82/08.

171 L’indemnité due à la requérante à titre de réparation du préjudice qu’elle a subi en raison du paiement de frais de garantie bancaire supplémentaires s’élève à 654523,43 euros, majorés d’intérêts compensatoires, à compter du 27 juillet 2010, et jusqu’au prononcé du présent arrêt, au taux d’inflation annuel constaté par Eurostat dans l’État membre où cette société est établie.

172 Le montant de l’indemnité visée au point 171 ci-dessus, y compris les intérêts compensatoires qui assortissent celle-ci, sera majoré d’intérêts moratoires dans les conditions visées au point 169 ci-dessus.

173 Le recours est rejeté pour le surplus.

IV. Sur les dépens

174 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

175 En l’espèce, la requérante a succombé en ses demandes de réparation dirigées contre l’Union, représentée par la Commission. Il y a donc lieu de condamner la requérante à supporter les dépens exposés par l’Union, représentée par la Commission.

176 En vertu de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Toutefois, si cela apparaît justifié au vu des circonstances de l’espèce, le Tribunal peut décider que, outre ses propres dépens, une partie supporte une fraction des dépens de l’autre partie.

177 En l’espèce, la requérante a obtenu satisfaction en partie en ce qui concerne ses chefs de conclusions dirigés contre l’Union, représentée par la Cour de justice de l’Union européenne. Cependant, elle a largement succombé en sa demande d’indemnité. Dans ces conditions, et eu égard à l’ensemble des circonstances de la cause, il y a lieu de décider que la requérante, d’une part, et l’Union, représentée par la Cour de justice de l’Union européenne, d’autre part, supporteront leurs propres dépens.

  Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

déclare et arrête :

  1) L’Union européenne, représentée par la Cour de justice de l’Union européenne, est condamnée à payer une indemnité de 654523,43 euros à Guardian Europe Sàrl au titre du préjudice matériel subi par cette société en raison de la violation du délai raisonnable de jugement dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 27 septembre 2012, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (T‑82/08, EU:T:2012:494). Cette indemnité sera réévaluée par des intérêts compensatoires, à compter du 27 juillet
2010 et jusqu’au prononcé du présent arrêt, au taux d’inflation annuel constaté, pour la période concernée, par Eurostat (office statistique de l’Union européenne) dans l’État membre où cette société est établie.

  2) L’indemnité visée au point 1) sera majorée d’intérêts moratoires, à compter du prononcé du présent arrêt et jusqu’à complet paiement, au taux fixé par la Banque centrale européenne (BCE) pour ses opérations principales de refinancement, majoré de deux points de pourcentage.

  3) Le recours est rejeté pour le surplus.

  4) Guardian Europe supportera les dépens exposés par l’Union, représentée par la Commission européenne.

  5) Guardian Europe, d’une part, et l’Union, représentée par la Cour de justice de l’Union européenne, d’autre part, supporteront leurs propres dépens.

Papasavvas

Labucka

Bieliūnas

  Kreuschitz

Forrester

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 juin 2017.

Signatures

Table des matières

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( 1 ) Langue de procédure : l’anglais.


Synthèse
Formation : Troisième chambre élargie
Numéro d'arrêt : T-673/15
Date de la décision : 07/06/2017
Type de recours : Recours en responsabilité - non fondé, Recours en responsabilité - irrecevable, Recours en responsabilité - fondé

Analyses

Responsabilité non contractuelle – Représentation de l’Union – Prescription – Annihilation des effets juridiques d’une décision devenue définitive – Précision de la requête – Recevabilité – Article 47 de la charte des droits fondamentaux – Délai raisonnable de jugement – Égalité de traitement – Préjudice matériel – Pertes subies – Manque à gagner – Préjudice immatériel – Lien de causalité.

Dispositions institutionnelles


Parties
Demandeurs : Guardian Europe Sàrl
Défendeurs : Union européenne, représentée par la Commission européenne et la Cour de justice de l'Union européenne.

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Bieliūnas

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:2017:377

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