ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)
16 mai 2017 ( 1 )
«Marque de l’Union européenne — Procédure de nullité — Marque de l’Union européenne figurative AIR HOLE FACE MASKS YOU IDIOT — Mauvaise foi — Article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 — Pouvoir de réformation»
Dans l’affaire T‑107/16,
Airhole Facemasks, Inc., établie à Vancouver (Canada), représentée par M. S. Barker, solicitor, et Mme A. Michaels, barrister,
partie requérante,
contre
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. D. Hanf, en qualité d’agent,
partie défenderesse,
l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été
sindustrysurf, SL, établie à Trapagaran (Espagne),
ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 18 janvier 2016 (affaire R 2547/2014-4), relative à une procédure de nullité entre Airhole Facemasks et sindustrysurf,
LE TRIBUNAL (deuxième chambre),
composé de MM. M. Prek, président, F. Schalin et Mme M. J. Costeira (rapporteur), juges,
greffier : Mme J. Weychert, administrateur,
vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 18 mars 2016,
vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 8 juin 2016,
à la suite de l’audience du 25 janvier 2017,
rend le présent
Arrêt
Antécédents du litige
1 Le 1er juillet 2010, sindustrysurf, SL a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1).
2 La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif en noir et blanc suivant :
Image
3 Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 25 et 28 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :
— classe 25 : « Vêtements thermiques » ;
— classe 28 : « Jeux, jouets ; articles de gymnastique et de sport non compris dans d’autres classes ; décorations pour arbres de Noël ».
4 La marque contestée a été enregistrée en tant que marque de l’Union européenne le 28 octobre 2010 sous le numéro 9215427 pour l’ensemble des produits mentionnés ci-dessus.
5 Le 26 juillet 2013, la requérante, Airhole Facemasks, Inc., a déposé auprès de l’EUIPO une demande en nullité de cette marque pour l’ensemble des produits pour lesquels elle avait été enregistrée. Les motifs de nullité invoqués à l’appui de cette demande étaient ceux visés à l’article 53, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 3, et l’article 52, paragraphe 1, sous b), dudit règlement.
6 En premier lieu, la requérante a affirmé, en substance, que la marque contestée avait été enregistrée par sindustrysurf sous son propre nom, sans son consentement, étant donné que celui-ci se limitait uniquement au dépôt sous le nom de la requérante. En outre, sindustrysurf, en sa qualité d’agent ou de représentant de la requérante, était tenue par une obligation générale de loyauté envers elle et ses intérêts commerciaux et ne pouvait, dès lors, aucunement justifier l’enregistrement sous son
propre nom de la marque contestée. En second lieu, la requérante fait valoir que sindustrysurf était de mauvaise foi au moment du dépôt de la marque contestée sous son propre nom.
7 Par décision du 30 juillet 2014, la division d’annulation a déclaré la marque contestée nulle dans son intégralité et a condamné sindustrysurf aux dépens. En particulier, la division d’annulation a conclu que sindustrysurf était de mauvaise foi au moment du dépôt de la demande de la marque contestée.
8 Le 29 septembre 2014, sindustrysurf a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation.
9 Par décision du 18 janvier 2016 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a accueilli le recours et annulé la décision de la division d’annulation. En premier lieu, la chambre de recours a considéré que, étant donné que les conditions visées à l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 207/2009 n’étaient pas remplies, la demande de nullité fondée sur l’article 53, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 ne pouvait pas aboutir. En effet, d’une part,
selon elle, il n’existait aucune preuve de l’existence d’une relation « agent/mandant » entre les parties, la requérante n’ayant pas expliqué en quoi l’accord de distribution conclu en 2009, avant sa constitution, entre Endeavor Snowboards Inc. et sindustrysurf (ci-après l’« accord de distribution ») pouvait démontrer l’existence d’une telle relation. Par ailleurs, ledit accord ne contenait aucune référence à la marque contestée. D’autre part, rien ne prouvait que la requérante n’avait pas
consenti au dépôt de la marque contestée. En second lieu, la chambre de recours a considéré que la demande de nullité, fondée sur l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, ne pouvait pas non plus aboutir, puisque rien dans le comportement de sindustrysurf, au moment du dépôt de la marque contestée, ne suggérait qu’elle eût agi de mauvaise foi. En effet, premièrement, la chambre de recours a estimé que la marque contestée avait été déposée avec le consentement de la requérante.
Deuxièmement, le fait que sindustrysurf savait, au moment du dépôt de la marque contestée, que celle-ci était déjà utilisée par la requérante et d’autres distributeurs n’était pas suffisant, en soi, pour établir l’existence de sa mauvaise foi. Troisièmement, rien ne prouvait que sindustrysurf avait déposé la marque contestée en son propre nom dans l’intention de l’utiliser contre la requérante.
Conclusions des parties
10 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
— à titre principal, réformer la décision attaquée et déclarer nulle la marque contestée ;
— à titre subsidiaire, annuler la décision attaquée ;
— condamner sindustrysurf aux dépens exposés dans le cadre du présent recours, de la procédure devant la chambre de recours et devant la division d’annulation.
11 L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
— à titre principal, rejeter le recours et condamner la requérante aux dépens ;
— à titre subsidiaire, annuler la décision attaquée et le condamner à supporter ses propres frais.
En droit
12 À l’appui de son recours, la requérante invoque cinq moyens. Le premier moyen est tiré d’une interprétation erronée de la chambre de recours concernant l’absence de référence au « signe Airhole » dans l’accord de distribution. Le deuxième moyen est tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 3, et de l’article 53, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009. Le troisième moyen est tiré d’une erreur de la chambre de recours concernant la nature de la relation existant entre les parties. Le
quatrième moyen est tiré d’une erreur de la chambre de recours concernant la portée du consentement de la requérante au moment du dépôt de la marque contestée. Le cinquième moyen est tiré de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.
13 Le Tribunal estime opportun de réunir les cinq moyens présentés par la requérante en deux moyens, puisque les quatre premiers moyens invoqués ont tous trait à la violation de l’article 53, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 3, dudit règlement. Ainsi, le premier moyen sera tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 3, et de l’article 53, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009. Le second moyen sera tiré de la violation de
l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.
14 Par ailleurs, chacune des causes de nullité retenues par la chambre de recours dans la décision attaquée et invoquées par la requérante dans son recours suffit pour déclarer la nullité de la marque contestée. Dans ce contexte, il sera d’abord procédé à l’examen du second moyen, relatif à la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 et, le cas échéant, à l’examen du premier moyen, relatif à la violation de l’article 8, paragraphe 3, et de l’article 53,
paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.
Sur le second moyen relatif à la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009
15 La requérante fait valoir, en substance, que la chambre de recours a considéré, à tort, au point 25 de la décision attaquée, que le simple fait que sindustrysurf savait que la marque contestée était déjà utilisée par la requérante et d’autres distributeurs dans l’Union européenne n’était pas suffisant pour établir sa mauvaise foi. En outre, selon la chambre de recours, rien ne prouvait que sindustrysurf avait l’intention d’utiliser la marque contestée contre la requérante. Or, sindustrysurf
aurait agi d’une manière qui violerait ses obligations contractuelles en demandant l’enregistrement de la marque contestée. Il pourrait donc en être déduit qu’elle avait l’intention de chercher à s’approprier indûment le bien de la requérante. Elle aurait donc agi d’une manière qui ne respecterait pas les normes généralement admises en matière de comportement commercial et qui s’écarterait des principes admis en matière de comportement éthique ou des pratiques commerciales honnêtes. La demande de
marque de l’Union européenne aurait ainsi été déposée de mauvaise foi.
16 L’EUIPO fait valoir, en substance, que, si le Tribunal, à l’instar de la chambre de recours, venait à considérer que la marque contestée avait été déposée par sindustrysurf en son nom, avec le consentement de la requérante, tout risque de mauvaise foi serait exclu. Partant, le recours en annulation, fondé sur l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, devrait être rejeté. En revanche, si le Tribunal vient à considérer que la marque contestée a été déposée par sindustrysurf en
son nom, sans le consentement de la requérante, il conviendra d’annuler la décision attaquée.
17 À titre liminaire, il convient de rappeler que le régime de la marque de l’Union européenne repose sur le principe, inscrit à l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, selon lequel un droit exclusif est conféré au premier déposant. En vertu de ce principe, une marque ne peut être enregistrée en tant que marque de l’Union européenne que pour autant qu’une marque antérieure n’y fasse pas obstacle, qu’il s’agisse, notamment, d’une marque de l’Union européenne, d’une marque enregistrée
dans un État membre ou par l’Office Benelux de la propriété intellectuelle, d’une marque ayant fait l’objet d’un enregistrement international ayant effet dans un État membre ou encore d’une marque ayant fait l’objet d’un enregistrement international ayant effet dans l’Union. En revanche, sans préjudice d’une éventuelle application de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, le seul fait de l’utilisation par un tiers d’une marque non enregistrée ne fait pas obstacle à ce qu’une marque
identique ou similaire soit enregistrée en tant que marque de l’Union européenne pour des produits ou des services identiques ou similaires [voir arrêt du 28 janvier 2016, Gugler France/OHMI – Gugler (GUGLER), T‑674/13, non publié, EU:T:2016:44, point 70 et jurisprudence citée].
18 L’application de ce principe est nuancée, notamment, par l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, en vertu duquel la nullité d’une marque de l’Union européenne doit être déclarée, sur demande présentée devant l’EUIPO ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon, lorsque le demandeur était de mauvaise foi au moment du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque. Il incombe au demandeur en nullité qui entend se fonder sur ce motif d’établir les
circonstances qui permettent de conclure que le titulaire d’une marque de l’Union européenne était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande d’enregistrement de cette dernière (voir arrêt du 28 janvier 2016, GUGLER, T‑674/13, non publié, EU:T:2016:44, point 71 et jurisprudence citée).
19 La notion de « mauvaise foi » visée à l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 n’est ni définie, ni délimitée, ni même décrite d’une quelconque manière dans la législation (voir arrêt du 28 janvier 2016, GUGLER, T‑674/13, non publié, EU:T:2016:44, point 72 et jurisprudence citée).
20 À cet égard, il convient d’observer que, dans l’arrêt du 11 juin 2009, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (C‑529/07, EU:C:2009:361, point 53), la Cour a apporté plusieurs précisions sur la manière dont il convenait d’interpréter la notion de mauvaise foi, telle que visée à l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009. Ainsi, aux fins de l’appréciation de l’existence de la mauvaise foi du demandeur, au sens de cette disposition, il convient de prendre en considération tous les
facteurs pertinents propres au cas d’espèce et existant au moment du dépôt de la demande d’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne et, notamment, premièrement, le fait que le demandeur sait ou doit savoir qu’un tiers utilise, dans au moins un État membre, un signe identique ou similaire pour un produit ou un service identique ou similaire prêtant à confusion avec le signe dont l’enregistrement est demandé, deuxièmement, l’intention du demandeur d’empêcher ce tiers de
continuer à utiliser un tel signe ainsi que, troisièmement, le degré de protection juridique dont jouissent le signe du tiers et le signe dont l’enregistrement est demandé (arrêt du 28 janvier 2016, GUGLER, T‑674/13, non publié, EU:T:2016:44, points 73 et 74).
21 Cela étant, il ressort de la formulation retenue par la Cour dans l’arrêt du 11 juin 2009, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (C‑529/07, EU:C:2009:361, point 53), que les facteurs qui y sont énumérés ne sont que des illustrations parmi un ensemble d’éléments susceptibles d’être pris en compte afin d’établir l’éventuelle mauvaise foi d’un demandeur d’enregistrement au moment du dépôt de la demande de marque (voir arrêt du 28 janvier 2016, GUGLER, T‑674/13, non publié, EU:T:2016:44, point 75 et
jurisprudence citée).
22 Il y a donc lieu de considérer que, dans le cadre de l’analyse globale opérée au titre de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, il peut également être tenu compte de l’origine du signe contesté et de son usage depuis sa création, de la logique commerciale dans laquelle s’est inscrit le dépôt de la demande d’enregistrement du signe en tant que marque de l’Union européenne ainsi que de la chronologie des événements ayant caractérisé la survenance dudit dépôt (voir arrêt du
28 janvier 2016, GUGLER, T‑674/13, non publié, EU:T:2016:44, point 76 et jurisprudence citée).
23 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si la chambre de recours a considéré, à tort, dans la décision attaquée, que la demande de nullité, fondée sur l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, ne pouvait pas aboutir, étant donné que rien dans le comportement de sindustrysurf, au moment du dépôt de la marque contestée, ne suggérait qu’elle eût agi de mauvaise foi. Plus précisément, premièrement, la chambre de recours a estimé que la marque contestée
avait été déposée par sindustrysurf sous son propre nom, avec le consentement de la requérante. En effet, les correspondances échangées entre les parties antérieurement et postérieurement au dépôt de la marque confirmeraient que, au moment du dépôt, la requérante considérait sindustrysurf comme responsable de la protection de la marque contestée. Deuxièmement, le fait que sindustrysurf savait, au moment du dépôt de la marque contestée, que celle-ci était déjà utilisée par la requérante et
d’autres distributeurs n’était pas suffisant, en soi, pour établir l’existence de sa mauvaise foi. Troisièmement, rien ne prouvait que sindustrysurf avait déposé la marque contestée en son propre nom dans l’intention de l’utiliser contre la requérante.
24 À cet égard, il convient de relever qu’il est constant, entre les parties à la procédure devant l’EUIPO, que la marque contestée a été déposée par sindustrysurf, à la demande de la requérante. En revanche, les parties ne s’entendent pas sur la question de savoir si cette demande, exprimée dans la correspondance du 22 juin 2010 entre M. Max Jenke, président d’Endeavor Design Inc., président-directeur général de la requérante et directeur d’Endeavor Snowboards, et M. Iker Gomez, directeur de
sindustrysurf, incluait le dépôt de cette marque sous le nom de sindustrysurf et non sous celui de la requérante.
25 Or, force est de constater que, contrairement à ce qu’affirme la chambre de recours dans la décision attaquée, rien dans la correspondance antérieure au dépôt de la marque contestée ne laisse supposer que la requérante avait consenti, de manière claire, précise et inconditionnelle, à ce dépôt sous le nom de sindustrysurf [voir, par analogie, arrêt du 29 novembre 2012, Adamowski/OHMI – Fagumit (FAGUMIT), T‑537/10 et T‑538/10, EU:T:2012:634, point 23 et jurisprudence citée].
26 En effet, en premier lieu, la correspondance antérieure au dépôt atteste uniquement que la marque contestée a été déposée à la demande de la requérante. Elle ne fait aucunement état d’un consentement de la requérante à l’enregistrement de la marque contestée sous le nom de sindustrysurf. Par ailleurs, il ne peut pas être déduit de la phrase « continuons avec Airhole pour l’instant » un consentement clair, précis et inconditionnel de la requérante à son enregistrement sous le nom de sindustrysurf.
27 En outre, cette correspondance tend davantage à démontrer l’intention de la requérante de déposer la marque contestée sous son nom. En effet, elle met en évidence, d’une part, que l’initiative et la décision de procéder au dépôt émanaient de la requérante seule et, d’autre part, que celle-ci entendait en supporter le coût.
28 En second lieu, contrairement à la conclusion de la chambre de recours, la correspondance postérieure au dépôt ne fait que confirmer l’appréciation selon laquelle le consentement donné par la requérante se limitait uniquement au dépôt de la marque contestée. En effet, dès lors qu’elle a eu connaissance de l’enregistrement de cette marque, la requérante en a directement demandé le transfert à sindustrysurf, qui, sans contestation, s’est engagée à l’effectuer immédiatement. Il importe peu, dans ces
circonstances, qu’il ait fallu presque un an à la requérante pour découvrir que la marque contestée avait été enregistrée sous le nom de sindustrysurf, puisque, en tout état de cause, elle n’y avait pas consenti.
29 En outre, ainsi que le fait valoir, à juste titre, la requérante, son consentement aurait dû être aussi apprécié par la chambre de recours à la lumière des circonstances objectives de l’espèce.
30 À cet égard, premièrement, il importe de souligner que, d’une part, la marque contestée était identique à la marque utilisée, depuis 2006, aux États-Unis et au Canada, notamment, par la société mère et la société sœur de la requérante, Endeavor Design et Endeavor Snowboards et, d’autre part, les produits visés dans son enregistrement étaient identiques ou étroitement liés aux produits couverts par cette marque.
31 Deuxièmement, la marque mentionnée au point 30 ci-dessus a été enregistrée au nom de la requérante aux États-Unis et au Canada avant le dépôt de la marque contestée.
32 Troisièmement, sindustrysurf était, en vertu de l’accord de distribution, le distributeur exclusif, pour la Belgique, l’Allemagne, l’Espagne, la France, l’Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas, des produits conçus et fabriqués par Endeavor Snowboards, sous les marques déposées Airhole Ninja Masks et Endeavor Snowboards.
33 Quatrièmement, l’accord de distribution stipulait que l’objectif principal du distributeur était le stockage, la vente et l’entretien de divers produits pour pratiquer le snowboard. L’article 11 de cet accord, relatif à l’utilisation des noms et des marques, prévoyait notamment que le distributeur ne pouvait utiliser aucun logo, aucune publicité ou aucune marque appartenant à Endeavor à des fins de vente ou de promotion sans son consentement exprès et écrit.
34 Cinquièmement, l’accord de distribution était toujours en vigueur au moment du dépôt de la marque contestée et de la demande de transfert de celle-ci à la société mère.
35 Il s’ensuit que le dépôt de la marque contestée pouvait être aisément perçu comme s’inscrivant, pour la requérante, dans une logique commerciale destinée à étendre au territoire de l’Union la protection de sa marque.
36 Partant, la chambre de recours a considéré, à tort, que la marque contestée avait été déposée par sindustrysurf sous son propre nom, avec le consentement de la requérante.
37 Par ailleurs, il y a lieu de constater que sindustrysurf, en déposant la marque contestée sous son propre nom, a cherché à usurper les droits de la requérante.
38 En effet, tout d’abord, sindustrysurf ne pouvait revendiquer aucune antériorité à l’égard de la marque contestée. Il a été établi que celle-ci était utilisée depuis 2006 aux États-Unis et au Canada par la société mère et la société sœur de la requérante et qu’elle avait été enregistrée pour lesdits pays au nom de la requérante avant la marque contestée.
39 Ensuite, sindustrysurf, en vertu de l’accord de distribution, était parfaitement informée de l’existence et de l’utilisation, par la société mère et la société sœur de la requérante, d’une marque identique au moment du dépôt de la marque contestée.
40 Enfin, les droits de distribution de sindustrysurf, en vertu de l’accord de distribution, étaient strictement encadrés matériellement et territorialement. En effet, d’une part, l’objectif principal du distributeur était le stockage, la vente et l’entretien de divers produits pour pratiquer le snowboard. Par ailleurs, sindustrysurf ne pouvait utiliser aucun logo, aucune publicité ou aucune marque appartenant à Endeavor à des fins de vente ou de promotion sans son consentement exprès. D’autre part,
ses droits de distribution étaient limités uniquement à six pays de l’Union. Ainsi que la chambre de recours l’a relevé au point 16 de la décision attaquée, la marque contestée était déjà utilisée, au moment de la signature de l’accord de distribution, par le distributeur d’Endeavor au Royaume-Uni.
41 En outre, il convient d’ajouter que l’attitude de sindustrysurf à la suite du dépôt de la marque contestée tend à corroborer l’appréciation selon laquelle elle a cherché à usurper les droits de la requérante. En effet, premièrement, il ressort des éléments du dossier que sindustrysurf n’a informé la requérante ni du dépôt de la marque contestée ni de son enregistrement sous son propre nom. Cette information n’a été portée à la connaissance de la requérante que dès lors que celle-ci s’est enquise
de la protection de ladite marque. Deuxièmement, sindustrysurf s’était expressément engagée, dans la correspondance postérieure au dépôt de la marque contestée, à procéder à son transfert, ce qu’elle n’a jamais fait. Troisièmement, sindustrysurf, quelques semaines après que les relations avec la requérante se sont détériorées, a mis cette dernière ainsi que les autres distributeurs dans l’Union de ses produits en demeure de cesser d’utiliser la marque contestée, sous peine d’action en
contrefaçon.
42 Au regard de tout ce qui précède, à la suite d’une appréciation globale tenant compte de tous les facteurs pertinents, il y a lieu de conclure que sindustrysurf ne justifiait d’aucun motif légitime pour déposer la marque contestée sous son propre nom et que, partant, la chambre de recours a conclu, à tort, à l’absence de mauvaise foi de sa part.
43 Il s’ensuit que le présent moyen doit être accueilli.
44 Dans la mesure où la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 suffit pour annuler la décision attaquée, il n’y a pas lieu d’examiner le premier moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 3, et de l’article 53, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.
Sur la demande de réformation de la décision attaquée
45 Il y a lieu de rappeler que le pouvoir de réformation, reconnu au Tribunal en vertu de l’article 65, paragraphe 3, du règlement no 207/2009, n’a pas pour effet de conférer à celui-ci le pouvoir de procéder à une appréciation sur laquelle la chambre de recours n’a pas encore pris position. L’exercice du pouvoir de réformation doit, par conséquent, en principe, être limité aux situations dans lesquelles le Tribunal, après avoir contrôlé l’appréciation portée par ladite chambre, est en mesure de
déterminer, sur la base des éléments de fait et de droit tels qu’ils sont établis, la décision que la chambre de recours était tenue de prendre (arrêt du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C‑263/09 P, EU:C:2011:452, point 72 ; voir, également, arrêt du 28 janvier 2016, GUGLER, T‑674/13, non publié, EU:T:2016:44, point 100 et jurisprudence citée).
46 En effet, la demande de reformation ne consiste pas à solliciter du Tribunal qu’il condamne l’EUIPO à une quelconque obligation de faire ou de ne pas faire, ce qui constituerait une injonction adressée à ce dernier. Elle vise, au contraire, à ce que le Tribunal décide, au même titre que la chambre de recours, si la marque contestée doit être annulée au regard de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 (voir arrêt du 28 janvier 2016, GUGLER, T‑674/13, non publié,
EU:T:2016:44, point 98 et jurisprudence citée).
47 Une telle décision figure parmi les mesures qui, en principe, peuvent être prises par le Tribunal au titre de son pouvoir de réformation (voir arrêt du 28 janvier 2016, GUGLER, T‑674/13, non publié, EU:T:2016:44, point 98 et jurisprudence citée).
48 En l’espèce, il convient de relever que la chambre de recours a pris position, dans la décision attaquée, sur l’appréciation de la mauvaise foi (points 22 à 27 de la décision attaquée), de sorte que le Tribunal dispose du pouvoir de réformer ladite décision sur ce point.
49 Or, il résulte des considérations énoncées aux points 26 à 44 ci-dessus que la chambre de recours était tenue de constater, ainsi que l’avait considéré la division d’annulation, la mauvaise foi de sindustrysurf au moment de la demande de la marque contestée. Ainsi, force est de constater, au regard de l’ensemble de ce qui précède, que les conditions pour l’exercice du pouvoir de réformation du Tribunal sont réunies.
50 Partant, il y a lieu, par réformation de la décision attaquée, de rejeter le recours formé par sindustrysurf contre la décision de la division d’annulation qui avait déclaré nulle la marque contestée.
Sur les dépens
51 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
52 En l’espèce, l’EUIPO a succombé, mais la requérante n’a pas conclu à la condamnation de celui-ci aux dépens. Il y a lieu, dès lors, de condamner chaque partie à supporter ses propres dépens. En outre, sindustrysurf n’étant pas partie à la présente instance, les conclusions de la requérante tendant à ce qu’elle soit condamnée aux dépens du présent recours ne peuvent qu’être rejetées.
53 La requérante a également conclu à ce que sindustrysurf soit condamnée aux dépens exposés devant la chambre de recours et devant la division d’annulation. À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 190, paragraphe 2, du règlement de procédure, les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours sont considérés comme dépens récupérables. Il n’en va toutefois pas de même des frais exposés aux fins de la procédure devant la
division d’annulation. Partant, la demande de la requérante concernant les dépens afférents à la procédure devant la division d’annulation, qui ne constituent pas des dépens récupérables, est irrecevable. S’agissant de la demande visant à la condamnation de sindustrysurf aux dépens de la procédure devant la chambre de recours, il y a lieu de condamner cette dernière à supporter les frais exposés par la requérante devant la chambre de recours.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (deuxième chambre)
déclare et arrête :
1) La décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 18 janvier 2016 (affaire R 2547/2014-4), relative à une procédure de nullité entre Airhole Facemasks, Inc. et sindustrysurf, SL, est annulée et réformée dans le sens que le recours formé auprès de l’EUIPO par sindustrysurf contre la décision de la division d’annulation du 30 juillet 2014 est rejeté.
2) Airhole Facemasks et l’EUIPO supporteront chacun leurs propres dépens exposés devant le Tribunal.
3) Sindustrysurf est condamnée aux dépens exposés par Airhole Facemasks devant la chambre de recours de l’EUIPO.
4) Le recours est rejeté pour le surplus.
Prek
Schalin
Costeira
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 mai 2017.
Signatures
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( 1 ) Langue de procédure : l’anglais.