ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)
28 avril 2017 ( *1 )
«Fonction publique — Fonctionnaires — Agents temporaires — Rémunération — Allocations familiales — Allocation scolaire — Refus de remboursement des frais de scolarité — Article 3, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut — Confiance légitime — Égalité de traitement — Principe de bonne administration»
Dans l’affaire T‑580/16,
Irit Azoulay, agent temporaire du Parlement européen, demeurant à Bruxelles (Belgique),
Andrew Boreham, agent temporaire du Parlement européen, demeurant à Wansin-Hannut (Belgique),
Mirja Bouchard, fonctionnaire du Parlement européen, demeurant à Villers-la-Ville (Belgique),
Darren Neville, fonctionnaire du Parlement européen, demeurant à Ohain (Belgique),
représentés par Me M. Casado García-Hirschfeld, avocat,
parties requérantes,
contre
Parlement européen, représenté par Mmes E. Taneva et L. Deneys, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant à l’annulation des décisions individuelles du Parlement du 24 avril 2015 refusant l’octroi des allocations scolaires pour l’année 2014/2015 et, en tant que de besoin, à l’annulation des décisions individuelles du Parlement des 17 et 19 novembre 2015 rejetant partiellement les réclamations des requérants du 20 juillet 2015,
LE TRIBUNAL (huitième chambre),
composé de MM. A. M. Collins, président, R. Barents (rapporteur) et J. Passer, juges,
greffier : Mme M. Marescaux, administrateur,
vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 14 décembre 2016,
rend le présent
Arrêt
Antécédents du litige
1 La première requérante, Mme Irit Azoulay, a un enfant inscrit depuis septembre 2014 à l’Athénée Ganenou à Bruxelles (Belgique). Les trois autres requérants, M. Andrew Boreham, Mme Mirja Bouchard et M. Darren Neville, ont des enfants inscrits à l’École internationale Le Verseau à Bierges (Belgique). Les requérants qui avaient déjà des enfants inscrits dans ces établissements d’enseignement avant 2014 ont reçu, jusqu’à l’année scolaire 2014/2015, le remboursement des frais de scolarité de ceux-ci
dans les limites du plafond mensuel.
2 L’École internationale Le Verseau est une école non confessionnelle qui fait partie de la Fédération des établissements libres subventionnés indépendants (FELSI) et est subventionnée par la Communauté française. Les cours sont donnés en français et en anglais dès la maternelle par des professeurs dont c’est la langue maternelle. Cette école n’est toutefois pas financée dans sa totalité par cette subvention. Elle dispose de ressources propres, qui lui sont notamment fournies par l’association sans
but lucratif Les Amis du Verseau.
3 L’Athénée Ganenou est une école confessionnelle qui est subventionnée par la Communauté française dont elle applique le programme d’éducation officiel et complet, tout en ajoutant plusieurs heures par semaine pour enseigner la langue hébraïque, l’histoire du judaïsme, la bible et la langue anglaise dès la section primaire. Cette école n’est pas financée dans sa totalité par cette subvention. Elle dispose de ressources propres, qui lui sont notamment fournies par l’association sans but lucratif Les
Amis de Ganenou.
4 En octobre et en novembre 2014, les requérants ont introduit des demandes de remboursement des frais de scolarité qu’ils avaient engagés pour leurs enfants à charge assorties des documents justificatifs fournis par les écoles concernées, identiques à ceux qui avaient été joints à leurs précédentes demandes de remboursement de tels frais de scolarité qui avaient été acceptées.
5 Le 24 avril 2015, les requérants ont reçu notification du rejet définitif de leurs demandes de remboursement des frais de scolarité (ci-après les « décisions attaquées ») au motif que les conditions visées à l’article 3, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») n’étaient pas satisfaites, puisque les deux écoles concernées n’étaient pas des établissements d’enseignement payants au sens de cette disposition, les contributions
optionnelles des requérants aux associations sans but lucratif concernées se situant en dehors du cadre de l’enseignement obligatoire gratuit et tel que prévu par la législation belge.
6 Les requérants ont chacun introduit, le 20 juillet 2015, une réclamation aux termes de l’article 90, paragraphe 2, du statut. Par décisions individuelles du secrétaire général du Parlement européen des 17 et 19 novembre 2015, ces réclamations ont été rejetées (ci-après les « décisions de rejet des réclamations »). Toutefois, le secrétaire général du Parlement a décidé d’accorder aux requérants « de manière gracieuse et exceptionnelle » l’allocation scolaire pour l’année 2014/2015, mais de ne plus
l’accorder pour les années scolaires à venir pour une scolarité à l’École internationale Le Verseau et à l’Athénée Ganenou.
Conclusions des parties et procédure
7 Par requête déposée au greffe du Tribunal de la fonction publique le 17 février 2016, les requérants ont introduit le présent recours.
8 Aux termes de l’article 3 du règlement (UE, Euratom) 2016/1192 du Parlement européen et du Conseil, du 6 juillet 2016, relatif au transfert au Tribunal de la compétence pour statuer, en première instance, sur les litiges entre l’Union européenne et ses agents (JO 2016, L 200, p. 137), les affaires pendantes devant le Tribunal de la fonction publique à la date du 31 août 2016 sont transférées au Tribunal et continuent à être traitées par le Tribunal dans l’état où elles se trouvent à cette date et
conformément à son règlement de procédure.
9 Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
— annuler les décisions attaquées ;
— pour autant que de besoin, annuler les décisions de rejet des réclamations ;
— condamner le Parlement à leur verser l’allocation scolaire pour l’année 2015/2016, majorée des intérêts calculés à compter des dates auxquelles ces sommes étaient dues ;
— condamner le Parlement aux dépens.
10 Le Parlement demande à ce qu’il plaise au Tribunal :
— rejeter le recours ;
— condamner les requérants aux dépens.
11 Lors de l’audience et en réponse à une question du Tribunal, les requérants ont demandé à modifier le deuxième point de leurs conclusions et demandent ainsi à ce qu’il plaise au Tribunal :
— annuler les décisions attaquées ;
— pour autant que de besoin, annuler « les décisions de rejet des réclamations à l’exception toutefois de ce qui concerne la décision du secrétaire général du Parlement de leur accorder de manière gracieuse et exceptionnelle l’allocation scolaire pour l’année 2014/2015 » ;
— condamner le Parlement à leur verser l’allocation scolaire pour l’année 2015/2016, majorée des intérêts calculés à compter des dates auxquelles ces sommes étaient dues ;
— condamner le Parlement aux dépens.
En droit
Sur les conclusions en annulation des décisions de rejet des réclamations
12 Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, des conclusions en annulation formellement dirigées contre la décision de rejet d’une réclamation ont, dans le cas où cette décision est dépourvue de contenu autonome, pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée (arrêt du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, EU:C:1989:8, point 8). Les décisions de rejet des réclamations étant en l’espèce dépourvues de contenu autonome, le recours
doit être regardé comme étant dirigé contre les décisions attaquées.
Sur les conclusions en annulation des décisions attaquées
13 À l’appui du recours, les requérants invoquent trois moyens, tirés, premièrement, de la violation de l’article 3, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut et d’une erreur manifeste d’appréciation, deuxièmement, de la violation du principe de protection de la confiance légitime et, troisièmement, de la violation des principes d’égalité de traitement et de bonne administration.
Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 3, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut et d’une erreur manifeste d’appréciation
– Arguments des parties
14 En premier lieu, les requérants observent que la notion de « frais de scolarité » visée à l’article 3, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut recouvre les frais d’inscription et de fréquentation d’établissements d’enseignement. Selon eux, la condition relative au caractère « payant » de l’établissement fréquenté pourrait induire en erreur. En effet, le caractère optionnel ou obligatoire des frais de scolarité ne serait pas pertinent, car il ne s’agirait que de frais de scolarité engagés par le
fonctionnaire pour les enfants à charge dans les écoles proposant le projet pédagogique de leur choix. Ladite disposition ne ferait pas dépendre l’octroi de l’allocation scolaire des dénominations existantes ou des classifications opérées sur le plan national, mais seulement de la nature de la dépense à rembourser et de ses éléments constitutifs.
15 En deuxième lieu, les requérants font valoir que la notion de « frais de scolarité » est une notion autonome. À cet égard, ils reconnaissent que l’enseignement subventionné en Belgique ne prévoit pas l’enseignement de la langue maternelle anglaise par des professeurs natifs, ni la transmission de l’héritage culturel, religieux et historique du peuple juif. Le seul moyen d’assurer cet enseignement serait un financement supplémentaire. Les frais couverts par les propres moyens des écoles concernées
et financés grâce au soutien apporté par des associations sans but lucratif seraient bel et bien des frais permettant à un élève d’abord d’avoir accès à un projet pédagogique spécifique, puis de participer utilement aux programmes et de suivre les cours de ce même établissement. L’argument du Parlement selon lequel la législation belge préciserait qu’un établissement scolaire ne peut pas conditionner une inscription au versement d’une somme d’argent, que ce soit à l’établissement lui-même ou à
tout autre organisme, méconnaîtrait le caractère autonome de la notion de « frais de scolarité ». Toujours selon les requérants, il ressort de la déclaration des coûts de scolarité que les frais engagés correspondent exactement à la participation des parents au financement de l’association sans but lucratif soutenant un établissement scolaire subventionné et constituent, par leur finalité et affectation, des frais de scolarité remboursables.
16 En troisième lieu, les requérants observent que les frais exclus du remboursement, énumérés à l’article 3 des dispositions générales d’exécution relatives à l’octroi de l’allocation scolaire prévue par l’article 3 de l’annexe VII du statut, adoptées par le Parlement le 18 mai 2004 conformément à l’article 110 du statut (ci-après les « DGE »), sont des frais étrangers à l’activité d’enseignement, donc en réalité optionnels. En revanche, les frais liés aux fonds appelés par les associations sans
but lucratif concernées seraient des frais exigibles en amont, en tant que parties des droits d’inscription et de fréquentation.
17 Selon le Parlement, il ressort de la législation belge que les établissements libres subventionnés dispensent un enseignement gratuit et ne sont pas des écoles privées imposant des frais de scolarité qui conditionnent l’inscription des élèves et l’accès au cours. Si certains frais peuvent être demandés sous certaines conditions, le non-paiement de ceux-ci ne pourrait en aucun cas constituer, pour l’élève, un motif de sanction comme le refus d’inscription ou l’exclusion. L’énumération, à
l’article 3 des DGE, des frais exclus du remboursement des frais de scolarité ne serait pas exhaustive. En effet, seuls seraient considérés comme frais de scolarité ceux qui conditionneraient l’admission même de l’élève à l’école et à son programme. Dans le cas d’espèce, l’inscription des élèves dans les écoles concernées ne serait pas conditionnée au paiement de frais d’inscription. Les cotisations des parents aux associations sans but lucratif concernées couvriraient le programme spécifique des
deux écoles.
18 Le Parlement fait également valoir que, conformément à la conclusion des chefs d’administration no 012/77, afin de pouvoir bénéficier de l’allocation scolaire, les agents doivent présenter une facture faisant la distinction entre les différents types de frais. Les factures et les attestations présentées par les requérants ne satisferaient pas à cette condition et ne permettraient pas de déterminer avec précision l’affectation des cotisations versées par les requérants.
– Appréciation du Tribunal
19 L’article 3, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut prévoit notamment que, « [d]ans les conditions fixées par les dispositions générales d’exécution [dudit] article, le fonctionnaire bénéficie d’une allocation scolaire destinée à couvrir les frais de scolarité engagés par lui, dans la limite d’un plafond mensuel de 260,95 [euros], pour chaque enfant à charge […], âgé de cinq ans au moins et fréquentant régulièrement et à plein temps un établissement d’enseignement primaire ou secondaire payant
ou un établissement d’enseignement supérieur ».
20 Il ressort de l’article 3, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut que la notion de « frais de scolarité » concerne les frais liés à la fréquentation régulière et à plein temps par l’enfant à charge du fonctionnaire d’« un établissement d’enseignement primaire ou secondaire payant ».
21 Il y a donc lieu d’examiner si l’École internationale Le Verseau et l’Athénée Ganenou sont des établissements « d’enseignement primaire ou secondaire payants » au sens de l’article 3, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut.
22 En premier lieu, il est constant que, selon la législation applicable dans la Communauté française, l’enseignement obligatoire dans la Communauté française est gratuit et qu’aucun minerval ne peut être demandé ou reçu.
23 À cet égard, il y a lieu de relever que la circulaire no 4516 du 29 août 2013 de la Communauté française intitulée « Gratuité de l’accès à l’Enseignement obligatoire » (ci-après la « circulaire no 4516 ») stipule ce qui suit au chapitre II, intitulé « Les règles applicables en matière de gratuité de l’accès à l’enseignement », qui figure dans la partie A, intitulée « Les frais que l’école ne peut pas réclamer (Art. 100 et 102 du décret du 24 juillet 1997“Missions”) » :
« Dans l’enseignement fondamental comme dans l’enseignement secondaire, les établissements scolaires ne peuvent pas réclamer aux parents le paiement de certains frais. Nous citerons notamment :
1) Minerval direct ou indirect :
L’article 12, [paragraphe] 1er, de la loi du 29 mai 1959 dite du Pacte scolaire et l’article 100, [paragraphe] 1er, du décret du 24 juillet 1997 précisent qu’aucun minerval direct ou indirect ne peut être perçu ou accepté.
En pratique :
Cela signifie notamment qu’un établissement scolaire ne peut pas conditionner une inscription au versement d’une somme d’argent, que ce soit à l’établissement lui-même ou à tout autre organisme ([asbl], amicale, association de fait). »
24 En second lieu, il est également constant que, conformément à la réglementation mentionnée aux points 22 et 23 ci-dessus, les requérants n’ont pas dû payer à l’École internationale Le Verseau, à l’Athénée Ganenou ou à un organisme tiers des frais d’inscription ou de fréquentation pour leurs enfants à charge dans ces écoles.
25 En effet, il ressort des attestations versées par l’École internationale Le Verseau que « [l]a [c]otisation pour l’année 2014/2015 […] sera exclusivement affectée au maintien et au développement des projets pédagogiques [de ladite école] dans laquelle [sont] régulièrement inscrits [les enfants à charge des deuxième à quatrième requérants] et qui ne sont pas subventionnés par la Communauté française ». L’Athénée Ganenou « confirm[e] […] l’inscription de [l’]enfant [à charge de la première
requérante] pour l’année 2014/2015 », indique qu’elle « est une école libre subventionnée qui applique le programme officiel et complet de la [Communauté française] », mentionne que « [l]a participation au projet pédagogique spécifique et de scolarité non subventionné s’élève à 270 euros par mois, dix mois par an » et précise que « [c]es frais ne couvrent pas le matériel scolaire ni la cantine qui, eux, sont payés séparément ».
26 Il s’ensuit que, dans le cas d’espèce, la condition d’un « établissement d’enseignement primaire ou secondaire payant » au sens de l’article 3, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut n’est pas remplie et, partant, que les requérants ne sauraient bénéficier d’une allocation scolaire pour leurs enfants à charge inscrits, respectivement, à l’École internationale Le Verseau et à l’Athénée Ganenou.
27 Cette conclusion n’est pas contredite par les arguments invoqués par les requérants.
28 Tout d’abord, les requérants font valoir que la notion de « frais de scolarité » porterait sur les frais engagés par le fonctionnaire pour les enfants à sa charge dans les écoles proposant le projet pédagogique de leur choix.
29 L’article 3 des DGE prévoit :
« Dans la limite des plafonds prévus au paragraphe 1, premier et troisième alinéas, de l’article 3 de l’annexe VII du statut, l’allocation scolaire B couvre :
a) les frais d’inscription et de fréquentation d’établissements d’enseignement[ ;]
b) les frais de transport[ ;]
à l’exclusion de tous autres frais, et notamment :
— des frais obligatoires tels que frais d’acquisition de livres, de matériel scolaire, d’un équipement sportif, couverture d’une assurance scolaire et de frais médicaux, frais d’examen, frais exposés pour des activités scolaires externes communes (telles que les excursions, visites et voyages scolaires, stages sportifs, etc.), ainsi que des autres frais relatifs à l’accomplissement du programme scolaire de l’établissement d’enseignement fréquenté,
— des frais résultant de la participation de l’enfant à des classes de neige, des classes de mer ou des classes de plein air, ainsi qu’à des activités similaires. »
30 Il convient ainsi d’observer que, selon l’article 3 des DGE, les frais de scolarité recouvrent les « frais d’inscription et de fréquentation d’établissements d’enseignement ». Or, ainsi formulé, les frais de scolarité couvrent tant les frais permettant à un élève d’avoir accès à l’établissement d’enseignement (frais d’inscription) que les frais lui permettant de suivre les cours et de participer utilement aux programmes de ce même établissement (frais de fréquentation) (arrêt du 8 septembre 2011,
Bovagnet/Commission, F‑89/10, EU:F:2011:129, point 23).
31 Or, force est de constater que, dans le cas d’espèce, l’inscription et l’enseignement dispensé à l’École internationale Le Verseau et à l’Athénée Ganenou aux enfants à charge des requérants ne sont pas conditionnés au versement d’une somme d’argent à ces établissements ou à des organismes tiers, comme des associations sans but lucratif, couvrant les frais d’inscription et de fréquentation desdites écoles. Le contraire, d’ailleurs, comme il ressort de la circulaire no 4516, ne serait pas conforme
à la législation applicable dans la Communauté française.
32 Il y a également lieu de constater que les requérants n’ont pas contredit l’observation du Parlement selon laquelle le non-paiement des sommes concernées aux associations sans but lucratif respectives ne peut en aucun cas constituer, pour l’élève, un motif de sanction comme le refus d’inscription ou l’exclusion.
33 À cet égard, il y a lieu de se référer également à la circulaire no 4516 dans laquelle, s’agissant du paiement des frais que l’école peut réclamer, tels que les frais pour « la piscine et [les] activités culturelles et sportives », il est stipulé au chapitre II, sous la rubrique « Non-paiement des frais », ce qui suit :
« En cas d’absence ou de refus de paiement, l’école ne peut ni refuser d’inscrire ou de réinscrire un élève, ni l’exclure définitivement, ni le sanctionner, ni refuser de lui remettre son bulletin ou son diplôme. Le cas échéant, une procédure de demande de recouvrement est prévue au sein de chacun des pouvoirs organisateurs. »
34 Il s’ensuit que l’argument tiré de la notion de « frais de scolarité » ne change en rien la circonstance selon laquelle, en l’espèce, en l’absence de frais d’inscription et de fréquentation, l’École internationale Le Verseau et l’Athénée Ganenou ne sauraient être qualifiées d’« établissements d’enseignement primaire ou secondaire payants » au sens de l’article 3, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut.
35 Ensuite, les requérants font observer que, étant donné que la notion de « frais de scolarité » est une notion autonome du droit de l’Union européenne, le contenu de celle-ci ne pourrait pas dépendre des dénominations existantes ou des classifications opérées au plan national, mais seulement de la nature même de la dépense à rembourser et de ses éléments constitutifs (arrêt du 8 septembre 2011, Bovagnet/Commission, F‑89/10, EU:F:2011:129, point 22).
36 C’est à juste titre que les requérants observent que la notion de « frais de scolarité » est une notion autonome du droit de l’Union et, partant, que les dénominations ou classifications nationales en matière de frais de scolarité ne sont pas déterminantes. Toutefois, il s’ensuit également que la dénomination ou la classification des cotisations versées par les parents aux associations sans but lucratif concernées ne changent en rien la circonstance selon laquelle ni l’École internationale Le
Verseau ni l’Athénée Ganenou ne demandent de frais d’inscription ou de fréquentation. Il s’ensuit nécessairement que les cotisations demandées par lesdites associations sans but lucratif au titre de la participation des enfants au projet spécifique et de scolarité non subventionné de ces écoles ne peuvent pas non plus concerner des frais d’inscription et de fréquentation desdites écoles, comme le confirme d’ailleurs la circulaire no 4516. Dès lors, les cotisations demandées en l’espèce par ces
associations sans but lucratif ne sauraient en tout état de cause être qualifiées de « frais de scolarité » au sens de l’article 3, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut et tel que précisé à l’article 3 des DGE.
37 Enfin, les requérants font valoir que les frais exclus du remboursement, énumérés à l’article 3 des DGE, sont des frais étrangers à l’activité d’enseignement et donc en réalité optionnels, tandis que les frais liés aux fonds appelés par les associations sans but lucratif concernées sont des frais exigibles en amont, en tant que parties des droits d’inscription et de fréquentation.
38 À cet égard, il convient de rappeler que l’article 3 des DGE oppose « tous les autres frais », qu’il exclut de tout remboursement et dont il donne certains exemples, aux « frais d’inscription et de fréquentation d’établissements d’enseignement » ainsi qu’aux « frais de transport », pour lesquels un remboursement limité est possible. En outre, contrairement à ce que soutiennent les requérants, l’expression « tous les autres frais » ne porte pas uniquement sur des « frais étrangers à l’activité
d’enseignement ». En effet, cette disposition vise expressément les « autres frais relatifs à l’accomplissement du programme scolaire de l’établissement d’enseignement fréquenté ».
39 Enfin, les requérants ont déclaré que, à l’École internationale Le Verseau et à l’Athénée Ganenou, l’enseignement obligatoire était complété par un apprentissage faisant partie du projet pédagogique de chacune de ces écoles et que, à cette fin, ils versaient aux associations sans but lucratif concernées des montants couvrant la participation de leurs enfants au projet spécifique et de scolarité non subventionné de ces écoles.
40 Il découle de ces déclarations que, les cotisations versées aux associations sans but lucratif concernées ne pouvant être qualifiées de frais de scolarité, elles constituent des frais générés par des exigences et activités liées à l’accomplissement du programme scolaire, à savoir la participation des enfants au projet spécifique et de scolarité non subventionné des écoles en cause, et doivent être considérées comme des « autres frais relatifs à l’accomplissement du programme scolaire de
l’établissement d’enseignement fréquenté » au sens de l’article 3, deuxième alinéa, des DGE, qui, selon la même disposition, ne sont pas couverts par l’allocation scolaire B.
41 Le premier moyen doit donc être rejeté.
Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime
– Arguments des parties
42 Selon les requérants, le Parlement a donné des assurances précises ayant fait naître chez eux l’espoir qu’ils obtiendraient le versement des allocations scolaires en ce que ces frais avaient été remboursés les années précédentes. Ils réfutent l’argument du Parlement selon lequel l’allocation scolaire est soumise à une évaluation annuelle. Selon eux, il s’agit plutôt d’un examen annuel de la politique de remboursement des frais de scolarité, ce qui reviendrait à admettre que le Parlement aurait le
droit de changer radicalement la position de l’administration quant à une situation purement identique, ce qui serait contraire au principe de sécurité juridique.
43 Le Parlement conteste l’argumentation des requérants.
– Appréciation du Tribunal
44 Le droit de réclamer la protection de la confiance légitime suppose la réunion de trois conditions. Premièrement, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, doivent avoir été fournies à l’intéressé par l’administration. Deuxièmement, ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de celui auquel elles s’adressent. Troisièmement, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables
(arrêt du 7 novembre 2002, G/Commission, T‑199/01, EU:T:2002:271, point 38).
45 En l’espèce, il suffit de relever que, même à supposer que des assurances précises, inconditionnelles et concordantes aient été données par le Parlement aux requérants quant au remboursement des cotisations versées par ceux-ci aux associations sans but lucratif concernées au titre de la participation de leurs enfants à charge au projet spécifique et de scolarité non subventionné des écoles en cause, de telles assurances n’auraient pas respecté les dispositions du statut comme cela a été indiqué
aux points 19 à 41 ci-dessus. Partant, aucune violation du principe de protection de la confiance légitime ne saurait être constatée en l’espèce.
46 En tout état de cause, il ne ressort aucunement des pièces du dossier que l’administration aurait donné des assurances précises, inconditionnelles et concordantes aux requérants. Le formulaire spécifique préparé par l’administration pour les écoles devait permettre d’établir plus facilement, par le biais de questions relatives aux différents frais de scolarité demandés par ces écoles, et faute de facture détaillée de leur part, si les écoles avaient exigé des frais d’inscription et de
fréquentation qui devaient le cas échéant faire l’objet d’un remboursement de la part de l’administration. Or, ce formulaire n’a pas démontré le versement de frais d’inscription de la part des requérants.
47 Enfin, l’argumentation des requérants selon laquelle le changement de pratique administrative serait contraire au principe de sécurité juridique est irrecevable étant donné qu’elle n’a pas été soulevée dans la réclamation et qu’elle n’est donc pas conforme à la règle de concordance entre la réclamation administrative préalable et le recours.
48 En effet, selon une jurisprudence constante, la règle de concordance entre la réclamation, au sens de l’article 91, paragraphe 2, du statut, et la requête subséquente exige, sous peine d’irrecevabilité, qu’un moyen soulevé devant le juge de l’Union l’ait déjà été dans le cadre de la procédure précontentieuse, afin que l’autorité investie du pouvoir de nomination ait été en mesure de connaître les critiques que l’intéressé formule à l’encontre de la décision contestée (voir arrêt du 7 juillet
2004, Schmitt/AER, T‑175/03, EU:T:2004:214, point 42 et jurisprudence citée).
49 Le deuxième moyen doit donc être rejeté dans son intégralité.
Sur le troisième moyen, tiré de la violation des principes d’égalité de traitement et de bonne administration
50 Le présent moyen se subdivise en deux branches, la première étant tirée d’une violation du principe d’égalité de traitement et la seconde d’une violation du principe de bonne administration.
– Arguments des parties
51 En ce qui concerne la prétendue violation du principe d’égalité de traitement, les requérants font valoir qu’ils se trouvent dans une situation factuelle et juridique identique à celle de parents ayant reçu, les années précédentes, le remboursement des frais de scolarité de leurs enfants à charge inscrits dans les écoles concernées ainsi qu’à celle de parents travaillant à la Commission européenne, qui continueraient à recevoir le remboursement des frais de scolarité de leurs enfants à charge
inscrits dans ces mêmes écoles.
52 S’agissant de la prétendue violation du principe de bonne administration, les requérants font valoir que le délai de six mois écoulé entre la demande de remboursement et les décisions attaquées n’est pas raisonnable dans la mesure où le comportement antérieur du Parlement ne laissait pas de doute quant au remboursement des frais en cause. En outre, ils expriment des doutes quant à l’objectivité et au soin avec lesquels le Parlement a évalué les faits en liant l’octroi de l’allocation scolaire au
choix personnel d’un parent sur le projet pédagogique choisi pour son enfant, ce qui serait contraire à l’article 22 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et au caractère autonome de la notion de « frais de scolarité ».
53 Le Parlement conteste l’argumentation des requérants.
– Appréciation du Tribunal
54 En ce qui concerne la première branche du troisième moyen, il y a lieu de rappeler que le principe d’égalité de traitement appartient aux principes fondamentaux du droit de l’Union et qu’il est violé lorsque deux catégories de personnes, dont les situations factuelle et juridique ne présentent pas de différences essentielles, se voient appliquer un traitement différent. Ce principe exige, dès lors, que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente, à moins qu’une telle
différenciation ne soit objectivement justifiée. Pour être admise, la différenciation doit être justifiée sur la base d’un critère objectif et raisonnable et être proportionnée au but poursuivi (arrêt du 30 janvier 2003, C/Commission, T‑307/00, EU:T:2003:21, point 48).
55 Cependant, il est de jurisprudence constante qu’un fonctionnaire ou un agent temporaire ne saurait invoquer une illégalité pour obtenir un avantage. En effet, le respect du principe d’égalité de traitement doit se concilier avec le respect du principe de légalité selon lequel nul ne peut invoquer, à son profit, une illégalité commise en faveur d’autrui (arrêts du 4 juillet 1985, Williams/Cour des comptes, 134/84, EU:C:1985:297, point 14 ; du 2 juin 1994, de Compte/Parlement, C‑326/91 P,
EU:C:1994:218, points 51 et 52, et du 1er juillet 2010, Časta/Commission, F‑40/09, EU:F:2010:74, point 88).
56 Partant, compte tenu du fait que le premier moyen a été rejeté, la première branche du troisième moyen, tirée de la violation du principe d’égalité de traitement par rapport à d’autres fonctionnaires, est inopérante (voir, en ce sens, arrêt du 21 janvier 2014, Van Asbroeck/Parlement, F‑102/12, EU:F:2014:4, points 37 et 38).
57 En tout état de cause, il convient de rappeler que, si, selon le principe d’unicité de la fonction publique, tel qu’il est énoncé à l’article 9, paragraphe 3, du traité d’Amsterdam, tous les fonctionnaires de l’Union sont soumis à un statut unique, un tel principe n’implique pas que les institutions doivent user à l’identique du pouvoir d’appréciation qui leur a été reconnu par le statut alors que, au contraire, dans la gestion de leur personnel, ces dernières jouissent d’un « principe
d’autonomie » (arrêt du 5 juillet 2011, V/Parlement, F‑46/09, EU:F:2011:101, point 135).
58 Ainsi, en application de l’article 110 du statut, les DGE sont arrêtées par l’autorité investie du pouvoir de nomination de chaque institution et peuvent donc varier d’une institution à l’autre.
59 Quant à la seconde branche du troisième moyen, il convient de rappeler que l’obligation d’observer un délai raisonnable dans la conduite des procédures administratives constitue un principe général du droit de l’Union dont le juge de l’Union assure le respect et qui est repris comme une composante du principe de bonne administration par l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux (voir, en ce sens, arrêt du 11 avril 2006, Angeletti/Commission, T‑394/03, EU:T:2006:111,
point 162).
60 Toutefois, la violation du principe de bonne administration ne justifie pas, en règle générale, l’annulation de la décision prise à l’issue d’une procédure administrative. En effet, ce n’est que lorsque l’écoulement excessif du temps est susceptible d’avoir une incidence sur le contenu même de la décision adoptée à l’issue de la procédure administrative que le non-respect du principe du délai raisonnable affecte la validité de la procédure administrative.
61 En l’espèce, il découle de l’examen du premier moyen (voir points 19 à 41 ci-dessus) que, même à supposer que le temps mis par le Parlement pour traiter les demandes de remboursement des requérants doive être considéré comme excessif, cela n’aurait pas eu d’incidence sur le contenu même des décisions attaquées. En outre, il convient de rappeler que le Parlement a, en raison du temps excessif passé à traiter les demandes, décidé d’accorder, à titre gracieux et exceptionnel, l’allocation scolaire
pour l’année 2014/2015.
62 Le troisième moyen doit dès lors également être rejeté.
63 Par conséquent, il y a lieu de rejeter les conclusions en annulation des décisions attaquées.
Sur les conclusions tendant à condamner le Parlement à verser aux requérants l’allocation scolaire pour l’année 2015/2016
64 Les requérants demandent au Tribunal de condamner le Parlement au versement de l’allocation scolaire pour l’année 2015/2016.
65 Compte tenu du fait que les conclusions en annulation des décisions attaquées ont été rejetées, il n’y a plus lieu de statuer sur les présentes conclusions.
66 Par conséquent, le recours doit être rejeté dans son intégralité.
Sur les dépens
67 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
68 Il résulte des motifs énoncés dans le présent arrêt que les requérants ont succombé en leur recours. En outre, le Parlement a, dans ses conclusions, expressément demandé que les requérants soient condamnés aux dépens. Par conséquent, les requérants sont condamnés aux dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (huitième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Mme Irit Azoulay, M. Andrew Boreham, Mme Mirja Bouchard et M. Darren Neville sont condamnés aux dépens.
Collins
Barents
Passer
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 avril 2017.
Le greffier
E. Coulon
Le président
A. M. Collins
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( *1 ) Langue de procédure : le français