DOCUMENT DE TRAVAIL
ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)
29 mars 2017 (*)
« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne verbale ALCOLOCK – Marque du Royaume-Uni verbale ALCOLOCK – Motif relatif de refus – Article 8, paragraphe 1, sous a) et b), et article 53, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement (CE) n° 207/2009 – Usage sérieux de la marque antérieure »
Dans l’affaire T‑638/15,
Alcohol Countermeasure Systems (International) Inc., établie à Toronto (Canada), représentée par M^es E. Baud et P. Marchiset, avocats,
partie requérante,
contre
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. S. Hanne, en qualité d’agent,
partie défenderesse,
l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été
Lion Laboratories Ltd, établie à Barry (Royaume-Uni),
ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’EUIPO du 11 août 2015 (affaire R 1323/2014-1), relative à une procédure de nullité entre Lion Laboratories et Alcohol Countermeasure Systems (International),
LE TRIBUNAL (première chambre),
composé de M^me I. Pelikánová, président, MM. V. Valančius (rapporteur) et U. Öberg, juges,
greffier : M. I. Dragan, administrateur,
vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 12 novembre 2015,
vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 4 février 2016,
à la suite de l’audience du 10 janvier 2017,
rend le présent
Arrêt
Antécédents du litige
1 Le 28 janvier 2010, la requérante, Alcohol Countermeasure Systems (International) Inc., a obtenu, auprès de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) et en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), l’enregistrement sous le numéro 8443301 de la marque de l’Union européenne verbale ALCOLOCK.
2 Les produits et les services pour lesquels cette marque a été enregistrée relèvent des classes 9, 37 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :
– classe 9 : « Dispositifs désactivant un véhicule en réponse à la détection d’alcool dans le sang de son conducteur présumé ; dispositifs désactivant un véhicule en réponse à la détection d’une dose d’alcool supérieure à un seuil de sécurité dans le sang de son conducteur présumé ; éthylotests » ;
– classe 37 : « Services d’installation et de réparation de dispositifs désactivant un véhicule en réponse à la détection d’alcool dans le sang de son conducteur présumé, dispositifs désactivant un véhicule en réponse à la détection d’une dose d’alcool supérieure à un seuil de sécurité dans le sang de son conducteur présumé, éthylotests » ;
– classe 42 : « Services de surveillance de la conformité de dispositifs désactivant un véhicule en réponse à la détection d’alcool dans le sang de son conducteur présumé, dispositifs désactivant un véhicule en réponse à la détection d’une dose d’alcool supérieure à un seuil de sécurité dans le sang de son conducteur présumé, éthylotests. »
3 Le 13 août 2012, Lion Laboratories a présenté une demande en nullité de la marque contestée au titre de l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009, lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), et l’article 8, paragraphe 5, du même règlement.
4 La demande en nullité était fondée sur la marque verbale antérieure ALCOLOCK, enregistrée au Royaume-Uni le 16 août 1996, sous le numéro 2040518, pour désigner des produits relevant de la classe 9 et correspondant à la description suivante : « Appareils pour tester, mesurer, indiquer, enregistrer et/ou analyser l’alcool dans l’air expiré ; appareils de contrôle des appareils précités ou réagissant aux appareils précités ; pièces et parties constitutives de ces appareils ». Elle était
dirigée contre l’ensemble des produits et des services visés au point 2 ci-dessus.
5 Le 22 novembre 2012, la requérante a présenté une demande au titre de l’article 57, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009, tendant à ce que Lion Laboratories établisse l’usage sérieux de la marque antérieure.
6 Par décision du 24 mars 2014, la division d’annulation a fait droit à la demande en nullité sur le fondement de l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009, lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), du même règlement . Elle a, en particulier, considéré que la marque antérieure avait fait l’objet d’un usage sérieux, que les produits et les services en cause étaient identiques ou similaires et que les signes en conflit étaient identiques.
7 Le 21 mai 2014, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’annulation.
8 Par décision du 11 août 2015 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. En substance, elle a relevé, premièrement, que Lion Laboratories avait établi à suffisance de droit l’usage sérieux de la marque antérieure au Royaume-Uni, deuxièmement, que certains des produits en cause ainsi que les signes en conflit étaient identiques, de sorte que les conditions énoncées à l’article 8, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009
étaient réunies et, troisièmement, qu’il existait un risque de confusion entre les signes en conflit, au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009.
Conclusions des parties
9 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– constater la validité de la marque contestée ;
– condamner l’EUIPO aux dépens.
10 L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
11 Lors de l’audience, l’intervenante a renoncé à son deuxième chef de conclusions, ce dont le Tribunal a pris acte.
En droit
12 Au soutien du recours, la requérante invoque trois moyens. Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 2, et de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, de l’article 10, paragraphe 2, de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), de l’article 19, paragraphe 2, de l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au
commerce (ci-après l’« accord ADPIC »), qui constitue l’annexe 1 C de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC), signé à Marrakech (Maroc) le 15 avril 1994, de la violation de l’obligation de motivation et du droit à un procès équitable ainsi que de la dénaturation d’éléments de fait. Le deuxième moyen est tiré de la violation de l’article 57, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009 et de la violation de l’obligation de motivation. Le troisième moyen est tiré de la
violation de la notion d’usage sérieux au sens du règlement n° 207/2009 ainsi que de la violation de l’article 75 du règlement n° 207/2009 et de l’article 296 TFUE.
Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 2, et de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, de l’article 10, paragraphe 2, de la directive 89/104/CEE, de l’article 19, paragraphe 2, de l’accord ADPIC, de la violation de l’obligation de motivation et du droit à un procès équitable ainsi que de la dénaturation d’éléments de fait
13 À titre liminaire, premièrement, il convient de rappeler que l’obligation de motivation prévue à l’article 75, première phrase, du règlement n° 207/2009 a la même portée que celle consacrée par l’article 296 TFUE, tel qu’interprété par une jurisprudence constante, selon laquelle la motivation doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte, de façon à permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise
afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union européenne d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision [arrêts du 21 octobre 2004, KWS Saat/OHMI, C‑447/02 P, EU:C:2004:649, points 64 et 65, et du 18 juin 2014, Cantina Broglie 1/OHMI – Camera di Commercio, Industria, Artigianato e Agricoltura di Verona (RIPASSA), T‑595/10, non publié, EU:T:2014:554, point 18]. En outre, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation constitue une formalité
substantielle, qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation. En effet, le caractère éventuellement erroné d’une motivation n’en fait pas une motivation inexistante [voir arrêt du 21 janvier 2016, Spokey/OHMI – Leder Jaeger (SPOKeY), T‑846/14, non publié, EU:T:2016:24, point 18 et jurisprudence citée].
14 En l’espèce, en conclusion de son argumentation relative au premier moyen, la requérante affirme que, en n’ayant pas tenu compte des spécificités du cas d’espèce et en ayant omis d’apprécier convenablement les intérêts en cause, la chambre de recours a mené son analyse de façon incorrecte et n’a donc pas identifié et indiqué les motifs juridiques légitimes qui fondaient ses conclusions. Selon la requérante, cette absence de motivation et de fondement de la décision attaquée l’a, eu
égard aux circonstances de l’affaire et à l’absence de preuves appropriées de l’usage fournies par Lion Laboratories, privée de son droit à un procès équitable et de ses actifs.
15 Il en ressort que la requérante déduit une supposée violation de l’obligation de motivation par la chambre de recours de prétendues erreurs de droit commises par celle-ci, sans faire valoir d’autre argument. Dès lors, l’allégation de la requérante ne relève pas d’un grief tiré de la violation de l’obligation de motivation, mais vise à contester le bien-fondé de la décision attaquée.
16 Deuxièmement, le Tribunal a exclu l’application aux chambres de recours de l’EUIPO du droit à un « procès » équitable, la procédure devant les chambres de recours ne revêtant pas une nature juridictionnelle, mais une nature administrative [voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2002, Procter & Gamble/OHMI (Forme d’un savon), T‑63/01, EU:T:2002:317, points 22 et 23]. Partant, la requérante ne saurait invoquer utilement la violation d’un tel droit en l’espèce.
17 Le premier moyen se divise, en substance, en deux griefs.
Sur le premier grief, tiré de la méconnaissance de la notion de marque antérieure, au sens de l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009
18 La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir méconnu la notion de marque antérieure, au sens de l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, en ayant tenu compte, aux fins d’apprécier l’usage sérieux de la marque antérieure, d’éléments de preuve relatifs à l’usage d’une autre marque, dont Lion Laboratories était titulaire, et en ayant dénaturé un élément de preuve et des déclarations de cette dernière.
19 En vertu de l’article 53, paragraphe 1, sous a), lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement n° 207/2009, une marque de l’Union européenne est déclarée nulle, sur demande du titulaire d’une marque antérieure, d’une part, lorsqu’elle est identique à la marque antérieure et que les produits ou les services pour lesquels la marque a été demandée sont identiques à ceux pour lesquels la marque antérieure est protégée et, d’autre part, lorsque, en raison de
son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement n° 207/2009, il convient d’entendre par marques
antérieures les marques enregistrées dans un État membre dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque de l’Union européenne.
20 Aux termes de l’article 57, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009, lu en combinaison avec l’article 42, paragraphes 2 et 3, du même règlement, une demande en nullité est rejetée si, à la suite d’une requête du titulaire de la marque contestée, le demandeur en nullité, titulaire d’une marque nationale antérieure, n’apporte pas la preuve que, au cours des cinq années qui précèdent la date de la demande en nullité et des cinq années qui précèdent la date de publication de la demande
d’enregistrement de la marque contestée, la marque antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux dans l’État membre concerné pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et sur lesquels la demande en nullité est fondée, ou qu’il existe de justes motifs pour son non-usage.
21 En premier lieu, la requérante soutient que les articles 57 et 42 du règlement n° 207/2009 imposent d’établir l’usage sérieux de la marque antérieure, telle qu’identifiée par son numéro d’enregistrement et la date dudit enregistrement, de sorte que la preuve de l’usage d’une autre marque ayant un numéro et une date d’enregistrement différents ne serait pas valable. À cet égard, elle fait valoir que Lion Laboratories a produit un accord de licence par lequel elle a accordé à la société
Alcolock GB Ltd une licence d’utilisation de la marque verbale ALCOLOCK, enregistrée au Royaume-Uni le 20 août 2004 sous le numéro 2371210 (ci-après la « marque n° 2371210 »). Elle ajoute que les preuves de l’usage produites par Lion Laboratories étaient liées à cet accord de licence, de sorte qu’elles attestaient de l’usage de la marque n° 2371210 et non de la marque antérieure. Par ailleurs, la requérante soutient que l’usage de la marque n° 2371210 ne pouvait pas être pris en compte aux fins
d’apprécier l’usage de la marque antérieure, au motif qu’elle était titulaire de droits qui lui permettaient de s’opposer à l’enregistrement ou à l’usage de la marque n° 2371210. Par conséquent, selon la requérante, étant donné que les éléments de preuve produits par Lion Laboratories ne concernaient pas la marque antérieure, la chambre de recours aurait dû les rejeter.
22 Il convient de relever que, en vertu des dispositions combinées de l’article 15, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous a), et de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009, qui est applicable aux demandes en nullité en vertu de la règle 40, paragraphe 6, du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 40/94 (JO 1995, L 303, p. 1), la preuve de l’usage sérieux d’une marque antérieure, nationale ou de
l’Union européenne, qui fonde une opposition à l’encontre d’une demande de marque de l’Union européenne, comprend également la preuve de l’utilisation de la marque antérieure sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de cette marque dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée [voir, par analogie, arrêt du 25 octobre 2012, Rintisch, C‑553/11, EU:C:2012:671, point 30 ; voir, également, arrêts du 8 décembre 2005, Castellblanch/OHMI – Champagne
Roederer (CRISTAL CASTELLBLANCH), T‑29/04, EU:T:2005:438, point 30 et jurisprudence citée, et du 15 juillet 2015, Deutsche Rockwool Mineralwoll/OHMI – Recticel (λ), T‑215/13, non publié, EU:T:2015:518, point 27 et jurisprudence citée], et ce nonobstant le fait que cette forme différente est elle-même enregistrée en tant que marque (arrêts du 25 octobre 2012, Rintisch, C‑553/11, EU:C:2012:671, point 30, et du 15 juillet 2015, λ, T‑215/13, non publié, EU:T:2015:518, point 30).
23 En effet, la condition essentielle de l’usage sérieux d’une marque est que, en conséquence de cet usage, la marque puisse désigner, dans l’esprit des milieux intéressés, les produits sur lesquels elle porte comme provenant d’une entreprise déterminée (voir, par analogie, arrêts du 18 avril 2013, Colloseum Holding, C‑12/12, EU:C:2013:253, point 28, et du 15 juillet 2015, λ, T‑215/13, non publié, EU:T:2015:518, point 30).
24 En l’espèce, il n’est pas contesté que, étant une marque verbale formée par le signe verbal ALCOLOCK, la marque n° 2371210 est identique au signe verbal formant la marque antérieure. Dès lors, elle peut, à plus forte raison, être considérée, au sens de la jurisprudence rappelée au point 22 ci-dessus, comme une forme de la marque antérieure enregistrée elle-même en tant que marque. En outre, il n’est pas contesté que la marque n° 2371210 désignait des produits relevant de la classe 9
identiques à ceux désignés par la marque antérieure.
25 Par conséquent, la circonstance que le signe verbal ALCOLOCK ait été utilisé au titre de la marque antérieure ou de la marque n° 2371210 n’a pu créer aucune différence dans l’esprit des milieux intéressés quant au fait que la marque antérieure désignait des produits provenant de Lion Laboratories.
26 Par ailleurs, l’argument de la requérante tiré de l’existence de droits dont elle pourrait se prévaloir aux fins de s’opposer à l’enregistrement ou à l’usage de la marque n° 2371210 est dénué de pertinence en l’espèce, dès lors que la marque sur laquelle est fondée la demande en nullité et dont la requérante a demandé la preuve de l’usage sérieux est la marque antérieure et non la marque n° 2371210.
27 Dès lors, contrairement à ce que soutient la requérante, la chambre de recours pouvait, à bon droit, au point 34 de la décision attaquée, aux fins d’apprécier l’usage sérieux de la marque antérieure, considérer qu’elle devait tenir compte de l’accord de licence produit par Lion Laboratories, par laquelle celle-ci accordait à un tiers une licence d’utilisation de la marque n° 2371210, identique à la marque antérieure, en dépit du fait que cette dernière n’était pas mentionnée dans cet
accord. Elle pouvait également, partant, se fonder sur les éléments de preuve de l’usage résultant de la mise en œuvre de cet accord de licence.
28 En deuxième lieu, la requérante soutient que la chambre de recours a dénaturé des déclarations prétendument faites par Lion Laboratories, qui revenaient à reconnaître que la marque antérieure n’avait jamais fait l’objet d’un usage sérieux et que le dépôt de la marque n° 2371210 était purement frauduleux ou uniquement destiné à lui permettre de maintenir artificiellement ses droits, sans avoir à se préoccuper d’apporter la preuve de l’usage de la marque antérieure. Elle ajoute que, aux
points 7 et 8 de la décision attaquée, la chambre de recours a également dénaturé le contenu de l’accord de licence.
29 Il convient de rappeler qu’une dénaturation des éléments de preuve existe lorsque, sans qu’il soit nécessaire d’avoir recours à de nouveaux éléments de preuve, l’appréciation des éléments de preuve existants apparaît manifestement erronée (voir arrêt du 18 juillet 2007, Industrias Químicas del Vallés/Commission, C‑326/05 P, EU:C:2007:443, point 60 et jurisprudence citée).
30 S’agissant des prétendues déclarations visées au point 28 ci-dessus, il y a lieu de relever que la requérante déduit leur existence d’une lettre produite devant l’EUIPO par Lion Laboratories le 21 mars 2013, en réponse à la demande de la requérante tendant à ce que l’usage sérieux de la marque antérieure soit établi. Dans cette lettre, Lion Laboratories a résumé les différents éléments de preuve de l’usage qu’elle avait soumis à l’EUIPO. Elle y a également, ainsi que l’admet la
requérante elle-même, indiqué avoir conclu avec Alcolock GB un accord de licence portant sur l’usage de la marque n° 2371210 et que les éléments de preuve produits provenaient de cette société. Or, force est de constater qu’aucune des prétendues déclarations évoquées par la requérante ne ressort de la lettre du 21 mars 2013, de sorte qu’il ne saurait être reproché à la chambre de recours d’avoir commis une dénaturation.
31 S’agissant de l’accord de licence, prétendument dénaturé aux points 7 et 8 de la décision attaquée, il convient de relever que ces points contiennent la liste des éléments produits, respectivement, les 21 mars et 16 octobre 2013 par Lion Laboratories devant la division d’annulation aux fins d’établir l’usage sérieux de la marque antérieure. L’accord de licence est mentionné au premier tiret desdits points 7 et 8, lesquels indiquent, à tort, que l’accord de licence visait la marque
antérieure et non la marque n° 2371210. Cette erreur de nature formelle ne saurait être considérée comme étant une dénaturation. En effet, il convient de relever que, au point 34 de la décision attaquée, la chambre de recours a justement constaté que Lion Laboratories était titulaire de deux marques identiques, la marque n° 2371210 et la marque antérieure, que l’accord de licence visait la première, mais qu’il était, néanmoins, pertinent aux fins d’apprécier l’usage sérieux de la seconde et
qu’il devait être compris comme s’étendant à cette dernière. Il s’ensuit que la chambre de recours a tenu compte du fait que l’accord de licence visait la marque n° 2371210, de sorte que l’appréciation de cet élément de preuve n’était pas erronée.
32 Il en résulte qu’il ne saurait être reproché à la chambre de recours d’avoir dénaturé de prétendues déclarations de Lion Laboratories ou le contenu de l’accord de licence produit par celle-ci.
33 Quant à l’allégation de la requérante selon laquelle la marque antérieure et la marque contestée ont coexisté sur le marché au Royaume-Uni durant plus de huit ans avant que Lion Laboratories ne présente une demande en nullité, il convient de rappeler, à supposer que la requérante entende invoquer l’article 54, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, que le titulaire d’une marque nationale antérieure qui a toléré pendant cinq années consécutives l’usage d’une marque de l’Union européenne
postérieure dans l’État membre où cette marque antérieure était protégée, en connaissance de cet usage, ne peut plus demander la nullité de la marque postérieure sur la base de la marque antérieure pour les produits ou les services pour lesquels la marque postérieure a été utilisée, à moins que le dépôt de la marque de l’Union européenne postérieure n’ait été effectué de mauvaise foi. À cet égard, la date pertinente permettant de calculer le point de départ du délai de forclusion est celle de
la connaissance de l’usage de la marque postérieure [voir arrêt du 20 avril 2016, Tronios Group International/EUIPO – Sky (SkyTec), T‑77/15, EU:T:2016:226, point 32 et jurisprudence citée]. En l’espèce, la requérante n’a pas présenté d’élément permettant d’établir l’usage du signe constituant la marque contestée avant son enregistrement. Dès lors, il convient de retenir comme point de départ du délai de forclusion la date de l’enregistrement de la marque contestée. Cette marque ayant été
enregistrée le 28 janvier 2010 et la demande en nullité présentée le 13 août 2012, force est de constater que le délai de cinq années n’était pas écoulé au moment de la présentation de la demande en nullité. L’allégation de la requérante doit, par conséquent, être écartée.
34 Enfin, l’allégation de la requérante selon laquelle la marque n° 2371210 a été déposée dans le seul but de permettre à Lion Laboratories de maintenir artificiellement ses droits sur la marque antérieure vise à contester, en substance, que cette dernière a fait l’objet d’un usage sérieux. En conséquence, elle sera examinée dans le cadre du troisième moyen, par lequel la requérante conteste la conclusion de la chambre de recours selon laquelle la marque antérieure avait fait l’objet d’un
tel usage.
35 Partant, le premier grief doit être écarté.
Sur le second grief, tiré de la violation de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, de l’article 10, paragraphe 2, de la directive 89/104 et de l’article 19, paragraphe 2, de l’accord ADPIC
36 La requérante soutient que c’est à tort que la chambre de recours a considéré que Lion Laboratories avait consenti, par un accord de licence, à l’usage par un tiers de la marque antérieure, au sens de l’article 10, paragraphe 2, de la directive 89/104, de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 et de l’article 19, paragraphe 2, de l’accord ADPIC.
37 Il ressort de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, lequel est, en substance, identique à l’article 10, paragraphe 2, de la directive 89/104, que l’usage d’une marque avec le consentement du titulaire est considéré comme fait par le titulaire. En outre, l’article 19, paragraphe 2, de l’accord ADPIC prévoit que, lorsqu’il se fera sous le contrôle du titulaire, l’usage d’une marque de fabrique ou de commerce par une autre personne sera considéré comme un usage de la marque
aux fins du maintien de l’enregistrement.
38 S’agissant de la violation alléguée de l’article 10, paragraphe 2, de la directive 89/104 et de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, il convient de rappeler à cet égard que, dans le cadre d’une procédure de nullité, c’est au titulaire d’une marque contestée qu’il incombe d’apporter la preuve qu’il a consenti à l’usage allégué de cette marque par un tiers (voir, en ce sens, arrêt du 11 mai 2006, Sunrider/OHMI, C‑416/04 P, EU:C:2006:310, point 44).
39 En l’espèce, ainsi que la requérante le fait valoir à juste titre, c’est à Lion Laboratories qu’il incombait d’apporter la preuve qu’elle avait consenti à l’usage de la marque contestée.
40 En outre, il y a lieu de relever que, compte tenu de l’importance de son effet d’extinction du droit exclusif du titulaire d’une marque de l’Union européenne d’utiliser cette marque, le consentement doit être exprimé d’une manière qui traduise de façon certaine une volonté de renoncer à ce droit. Une telle volonté résulte normalement d’une formulation expresse du consentement. Toutefois, il ne saurait être exclu que, dans certains cas, elle puisse résulter d’une manière implicite de
circonstances et d’éléments antérieurs, concomitants ou postérieurs à l’usage de la marque en cause par un tiers, qui traduisent également, de façon certaine, une renonciation du titulaire à son droit [voir arrêt du 13 janvier 2011, Park/OHMI – Bae (PINE TREE), T‑28/09, non publié, EU:T:2011:7, point 61 et jurisprudence citée ; arrêt du 30 janvier 2015, Now Wireless/OHMI – Starbucks (HK) (now), T‑278/13, non publié, EU:T:2015:57, point 35].
41 Aux fins d’établir l’usage sérieux de la marque antérieure, Lion Laboratories a produit devant l’EUIPO un accord de licence par lequel elle a accordé à un tiers une licence d’utilisation de la marque n° 2 371 210 ainsi que des factures, des articles de presse, des publicités et des extraits de sites Internet.
42 La requérante soutient que l’accord de licence n’établit pas le consentement de Lion Laboratories à l’usage de la marque contestée par le tiers mentionné dans ledit accord. En effet, selon elle, pour que la preuve d’un tel consentement soit apportée, il aurait fallu que, d’une part, l’accord de licence porte sur la même marque que celle sur laquelle était fondée la demande en nullité et dont l’usage sérieux devait être établi et, d’autre part, l’usage de la marque antérieure ait été
conforme aux stipulations de l’accord de licence. Or, selon la requérante, l’accord de licence ne porte pas sur la marque antérieure, mais sur la marque n° 2371210 et le tiers désigné dans l’accord de licence a utilisé cette marque en violation dudit accord.
43 Ces arguments doivent être rejetés. En effet, selon la jurisprudence, lorsque le titulaire d’une marque de l’Union européenne fait valoir des actes d’usage de cette marque par un tiers au soutien de l’invocation de son usage sérieux, au sens de l’article 15 du règlement n° 207/2009, il prétend, implicitement, que cet usage a été effectué avec son consentement (voir arrêts du 13 janvier 2011, PINE TREE, T‑28/09, non publié, EU:T:2011:7, point 62 et jurisprudence citée, et du 30 janvier
2015, now, T‑278/13, non publié, EU:T:2015:57, point 36 et jurisprudence citée).
44 En outre, ainsi qu’il ressort du point 27 ci-dessus, la circonstance que l’accord de licence désigne une autre marque que la marque antérieure ne faisait pas obstacle à ce qu’il soit pris en compte aux fins d’apprécier l’usage sérieux de la marque antérieure. Dès lors, il convient de considérer que la même circonstance, d’une part, ne faisait pas obstacle à l’appréciation du consentement de Lion Laboratories à l’usage par son cocontractant de la marque antérieure et, d’autre part, ne
permettait pas d’en déduire que Lion Laboratories n’avait pas consenti à un tel usage. En outre, il y a lieu de considérer que les violations, alléguées par la requérante, de l’accord de licence ne seraient pas, même à les supposer avérées, de nature à faire douter, en l’absence d’autres éléments, de la réalité du consentement donné par Lion Laboratories au moment de la signature de l’accord en vue de l’usage de la marque antérieure.
45 En ce qui concerne les autres éléments de preuve produits par Lion Laboratories, il semble peu probable que cette dernière pouvait disposer de ces documents et les soumettre comme preuves de l’usage de la marque antérieure si cet usage avait été fait contre son gré.
46 Dès lors, les arguments de la requérante ne permettent pas de mettre en doute le fait que la marque antérieure avait été utilisée avec le consentement de Lion Laboratories, au sens de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 et de l’article 10, paragraphe 2, de la directive 89/104.
47 Par ailleurs, s’agissant de la violation de l’article 19, paragraphe 2, de l’accord ADPIC, invoquée par la requérante, il convient de rappeler que, dès lors que l’Union est partie à l’accord ADPIC, elle est tenue d’interpréter sa législation sur les marques, dans la mesure du possible, à la lumière du texte et de la finalité de cet accord [voir arrêt du 16 novembre 2004, Anheuser-Busch, C‑245/02, EU:C:2004:717, point 42 et jurisprudence citée ; arrêt du 11 mai 2010, Abadía Retuerta/OHMI
(CUVÉE PALOMAR), T‑237/08, EU:T:2010:185, point 64].
48 Toutefois, selon la jurisprudence, d’une part, compte tenu de leur nature et de leur économie, l’accord instituant l’OMC et ses annexes ne figurent pas, en principe, parmi les normes au regard desquelles le juge de l’Union contrôle les actes des institutions de l’Union dans le cadre du recours en annulation et, d’autre part, les dispositions de l’accord ADPIC, qui figure en annexe à l’accord OMC, ne sont pas de nature à créer pour les particuliers des droits dont ceux-ci peuvent se
prévaloir directement devant le juge en vertu du droit de l’Union (arrêts du 14 décembre 2000, Dior e.a., C‑300/98 et C‑392/98, EU:C:2000:688, points 42 et 43, et du 11 mai 2010, CUVÉE PALOMAR, T‑237/08, EU:T:2010:185, point 66).
49 Il ressort de cette jurisprudence que, si les dispositions de l’accord ADPIC n’ont pas d’effet direct, il n’en demeure pas moins qu’il convient d’interpréter la législation sur les marques, c’est-à-dire, en l’espèce, l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, dans la mesure du possible, à la lumière du texte et de la finalité de cet accord.
50 Toutefois, en l’espèce, force est de relever que la requérante se contente de mentionner l’article 19, paragraphe 2, de l’accord ADPIC, sans avancer aucun argument spécifique permettant de considérer que l’appréciation du consentement donné par Lion Laboratories à l’usage par un tiers de la marque contestée sur le fondement du règlement n° 207/2009 pourrait être remise en cause par cette disposition.
51 Par conséquent, le second grief et, partant, le premier moyen, doivent être écartés.
Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 57, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009
52 La requérante reproche à la chambre de recours de n’avoir pas distingué à suffisance de droit les périodes au cours desquelles devait, en vertu de l’article 57, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009, être démontré l’usage sérieux de la marque antérieure. Ainsi, selon la requérante, la chambre de recours a examiné l’usage de la marque antérieure de manière globale, en ayant considéré comme un tout les deux périodes visées dans lesdites dispositions, alors qu’elle était tenue
d’examiner ledit usage au cours de chaque période séparément. Cette erreur aurait conduit la chambre de recours à effectuer une compensation entre les deux périodes en cause et à considérer que l’usage sérieux de la marque antérieure était établi au cours des deux périodes, alors qu’il était manifeste que cet usage n’était pas sérieux au cours de l’une au moins de ces deux périodes. Il en résulte, selon la requérante, une violation de l’article 57, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009
ainsi qu’une violation de l’obligation qui incombait à la chambre de recours de motiver ses conclusions.
53 À titre liminaire, il y a lieu de constater que la requérante déduit une supposée violation de l’obligation de motivation par la chambre de recours de la prétendue violation par cette dernière de l’article 57, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009, sans faire valoir d’autre argument. Dès lors, eu égard à la jurisprudence rappelée au point 13 ci-dessus, l’allégation de la requérante ne relève pas d’un grief tiré de la violation de l’obligation de motivation, mais vise à contester
le bien-fondé de la décision attaquée.
54 Il convient de rappeler que, en application de l’article 57, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, les périodes à prendre en compte pour établir l’existence d’un usage sérieux de la marque antérieure étaient, d’une part, la période de cinq années qui a précédé la date de la demande en nullité et, d’autre part, la période de cinq années qui a précédé la date de la publication de la demande d’enregistrement de la marque contestée.
55 En l’espèce, ainsi que l’a relevé la chambre de recours à bon droit, sans que les parties le contestent, la demande d’enregistrement de la marque contestée ayant été publiée le 5 octobre 2009 et la demande de nullité présentée le 13 août 2012, l’usage sérieux de la marque antérieure devait être établi pour les périodes s’étendant, respectivement, du 5 octobre 2004 au 4 octobre 2009 (ci-après la « première période ») et du 13 août 2007 au 12 août 2012 (ci-après la « seconde période »)
(ci-après, prises ensemble, les « périodes pertinentes »).
56 En outre, il convient de relever que la chambre de recours a, aux points 35 à 37 de la décision attaquée, examiné les preuves de l’usage de la marque antérieure relatives à la seconde période. À cet égard, elle a affirmé que Lion Laboratories avait produit des preuves de l’usage exhaustives concernant la période allant du 13 août 2007 au 12 août 2012. Aux points 38 et 39 de ladite décision, la chambre de recours a examiné les preuves de l’usage de la marque antérieure relative à la
première période. À cet égard, elle a relevé que, compte tenu du recoupement des deux périodes pertinentes, une large partie des preuves se rapportant à la période allant du 13 août 2007 au 12 août 2012 relevait également de la période allant du 5 octobre 2004 au 4 octobre 2009. Elle a également considéré, au point 39 de la décision attaquée, que les preuves de l’usage de la marque antérieure pendant la première période n’étaient « peut-être pas exhaustives », mais qu’elles fournissaient des
indications suffisantes en ce qui concernait la durée, le lieu et l’importance de l’usage dont la marque antérieure avait fait l’objet. Elle en a conclu, au point 40 de ladite décision, que les preuves de l’usage de la marque antérieure, lorsqu’elles étaient considérées conjointement, démontraient que la marque antérieure avait fait l’objet d’un usage sérieux pendant les périodes pertinentes.
57 Il en ressort que, d’une part, la chambre de recours a successivement examiné les preuves de l’usage de la marque antérieure relatives à la seconde période, puis celles relatives à la première période. Dès lors, contrairement à ce que soutient la requérante, elle a, pour chaque période, apprécié de manière distincte le caractère sérieux de l’usage de la marque antérieure. D’autre part, il résulte des constatations figurant au point 39 de la décision attaquée que la chambre de recours a
considéré que les preuves se rapportant à la première période établissaient, par elles-mêmes, à suffisance de droit, l’usage sérieux de la marque antérieure pendant cette période, dès lors qu’elles renseignaient suffisamment sur la durée, le lieu et l’importance dudit usage. En outre, la chambre de recours ayant relevé que les périodes pertinentes se recoupaient, elle a pu à bon droit considérer que les éléments de preuve dont la date était comprise dans l’intervalle de temps commun à ces
périodes étaient pertinents pour examiner l’usage sérieux de la marque contestée au cours de chacune de ces périodes. Il s’ensuit que ne trouve pas de fondement dans la décision attaquée l’allégation de la requérante selon laquelle la chambre de recours a procédé à une compensation entre l’usage de la marque antérieure constaté au cours de la seconde période et celui constaté au cours de la première période pour conclure à l’usage sérieux de cette marque au cours de la première période.
58 Partant, le deuxième moyen doit être écarté.
Sur le troisième moyen, tiré de la violation de la notion d’usage sérieux, de l’article 75 du règlement n° 207/2009 et de l’obligation de motivation
59 La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir conclu, à tort, au caractère sérieux de l’usage de la marque antérieure, en dépit de l’absence de pertinence ou de valeur probante de nombreux éléments de preuve de l’usage de cette marque produits par Lion Laboratories. La chambre de recours aurait également manqué à l’obligation de motivation qui lui incombait en ne démontrant pas le lien qu’établissaient les consommateurs entre la marque antérieure, utilisée comme dénomination
sociale, et les produits en cause.
60 Ainsi qu’il résulte du considérant 10 du règlement n° 207/2009, le législateur a considéré que la protection de la marque antérieure n’était justifiée que dans la mesure où celle-ci était effectivement utilisée. En conformité avec ce considérant, l’article 57, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009 prévoit que le titulaire d’une marque de l’Union européenne peut requérir la preuve que la marque antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux sur le territoire sur lequel elle est
protégée au cours, d’une part, de la période de cinq années qui a précédé la date de la demande en nullité et, d’autre part, la période de cinq années qui a précédé la date de la publication de la demande d’enregistrement de la marque contestée.
61 En vertu de la règle 22, paragraphe 3, du règlement n° 2868/95, qui est applicable aux demandes en nullité en vertu de la règle 40, paragraphe 6, dudit règlement, la preuve de l’usage doit porter sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque antérieure.
62 Selon une jurisprudence constante, il ressort de l’article 57, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009, lu à la lumière du considérant 10 dudit règlement, que la ratio legis de l’exigence selon laquelle la marque antérieure doit avoir fait l’objet d’un usage sérieux consiste à limiter les conflits entre deux marques, à moins qu’il n’existe un juste motif économique pour l’absence d’usage sérieux de la marque antérieure découlant d’une fonction effective de celle-ci sur le marché.
En revanche, lesdites dispositions ne visent ni à évaluer la réussite commerciale, ni à contrôler la stratégie économique d’une entreprise ou encore à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes [voir arrêts du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, EU:T:2004:225, point 38 et jurisprudence citée, et du 17 décembre 2015, Bice International/OHMI – Bice (bice), T‑624/14, non publié, EU:T:2015:998, point 35
et jurisprudence citée].
63 Une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité de l’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et ces services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (voir, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145,
point 43). De plus, la condition relative à l’usage sérieux de la marque exige que celle-ci, telle qu’elle est protégée sur le territoire pertinent, soit utilisée publiquement et vers l’extérieur (voir, par analogie, arrêts du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 37, et du 17 décembre 2015, bice, T‑624/14, non publié, EU:T:2015:998, point 36).
64 L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence
de l’usage de la marque [voir arrêts du 8 juillet 2004, MFE Marienfelde/OHMI – Vétoquinol (HIPOVITON), T‑334/01, EU:T:2004:223, point 34 et jurisprudence citée, et du 17 décembre 2015, bice, T‑624/14, non publié, EU:T:2015:998, point 37 et jurisprudence citée].
65 Quant à l’importance de l’usage qui a été fait de la marque antérieure, il convient de tenir compte, notamment, du volume commercial de l’ensemble des actes d’usage, d’une part, et de la durée de la période pendant laquelle des actes d’usage ont été accomplis ainsi que de la fréquence de ces actes, d’autre part (arrêts du 8 juillet 2004, HIPOVITON, T‑334/01, EU:T:2004:223, point 35, et du 8 juillet 2004, VITAFRUIT, T‑203/02, EU:T:2004:225, point 41).
66 Pour examiner, dans un cas d’espèce, le caractère sérieux de l’usage d’une marque antérieure, il convient de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Cette appréciation implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte. Ainsi, un faible volume de produits commercialisés sous ladite marque peut être compensé par une forte intensité ou une grande constance dans le temps de l’usage de cette marque et
inversement. En outre, le chiffre d’affaires réalisé ainsi que la quantité de ventes de produits sous la marque antérieure ne sauraient être appréciés dans l’absolu, mais doivent l’être en rapport avec d’autres facteurs pertinents, tels que le volume de l’activité commerciale, les capacités de production ou de commercialisation ou le degré de diversification de l’entreprise exploitant la marque ainsi que les caractéristiques des produits ou des services sur le marché concerné. De ce fait, le
juge de l’Union a précisé qu’il n’était pas nécessaire que l’usage de la marque antérieure soit toujours quantitativement important pour être qualifié de sérieux (voir, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 39 ; voir, également, arrêt du 17 décembre 2015, bice, T‑624/14, non publié, EU:T:2015:998, point 39 et jurisprudence citée).
67 En revanche, l’usage sérieux d’une marque ne peut pas être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné [arrêts du 12 décembre 2002, Kabushiki Kaisha Fernandes/OHMI – Harrison (HIWATT), T‑39/01, EU:T:2002:316, point 47, et du 8 avril 2016, Frinsa del Noroeste/EUIPO – Frisa Frigorífico Rio Doce (FRISA), T‑638/14, non publié,
EU:T:2016:199, point 49].
68 Enfin, il ne peut être exclu qu’un faisceau d’éléments de preuve permette d’établir les faits à démontrer, alors même que chacun de ces éléments, pris isolément, serait impuissant à rapporter la preuve de l’exactitude de ces faits [arrêts du 17 avril 2008, Ferrero Deutschland/OHMI, C‑108/07 P, non publié, EU:C:2008:234, point 36, et du 24 mai 2012, TMS Trademark-Schutzrechtsverwertungsgesellschaft/OHMI – Comercial Jacinto Parera (MAD), T‑152/11, non publié, EU:T:2012:263, point 34].
69 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si la chambre de recours a considéré à juste titre que la marque antérieure avait fait l’objet d’un usage sérieux.
70 Aux fins d’examiner le caractère sérieux de l’usage de la marque antérieure, la chambre de recours s’est fondée sur les éléments de preuve produits par Lion Laboratories suivants, tels que décrits dans la décision attaquée :
– une copie de l’accord de licence de marque daté du 31 mai 2007, signé entre Lion Laboratories et Alcolock GB, en application duquel la première a accordé à la seconde une licence d’utilisation de la marque antérieure ;
– une sélection de factures portant des dates comprises entre 2006 et 2012, accompagnées des bons de commandes et des demandes par courrier électronique correspondants. Les factures comportent une liste des produits Alcolocket Alcolock 500 et des services de réparation et d’entretien de ces produits ;
– une sélection d’articles de presse portant sur les produits et services d’Alcolock GB ;
– une sélection de publicités et de factures relatives à l’insertion de publicités dans diverses publications au Royaume-Uni.
71 La requérante soutient, premièrement, que certains de ces éléments de preuve ne concernaient pas le territoire pertinent, à savoir le Royaume-Uni et que leur date ne pouvait être déterminée avec certitude.
72 Elle fait valoir que l’article de presse intitulé « Too drunk to start » (trop ivre pour démarrer), daté d’octobre 2007, a été publié dans un magazine irlandais, de sorte qu’il visait le marché irlandais et qu’il était, par conséquent, dénué de pertinence pour établir l’usage sérieux de la marque antérieure sur le territoire du Royaume-Uni. Elle ajoute qu’il n’est pas possible de savoir si les documents publicitaires produits par Lion Laboratories ont été publiés ni, le cas échéant,
dans quelles publications ils l’ont été, dès lors que lesdites publications n’ont pas été produites. En outre, l’une des publications mentionnées dans l’une des factures produites serait une publication irlandaise, ainsi qu’il résulterait du nom de son domaine Internet. La requérante ajoute que ces documents ne permettraient pas non plus d’établir que les produits qu’ils désignent ont été commercialisés tels qu’ils y sont décrits. Enfin, elle fait valoir que la date figurant sur les documents
publicitaires a été apposée de manière manuscrite et qu’il ne serait, partant, pas possible d’établir la durée, le lieu et la date de leur utilisation.
73 S’agissant de l’article de presse, il convient de relever qu’il rapporte des propos tenus par le directeur de Alcolock GB, lequel affirme qu’Alcolock utilise le même alcoomètre que la police du Royaume-Uni et qui est très prisé par les compagnies d’autocars et les propriétaires de flottes de camions, lesquels s’inquiètent de leur responsabilité personnelle aux termes de la nouvelle législation sur l’homicide involontaire qui vient d’entrer en vigueur au Royaume-Uni. Il ajoute que le
système Alcolock coûte aux alentours de 1 000 livres sterling (GBP) au Royaume-Uni, ce qui laisse penser que son coût avoisinerait les 1 500 euros en Irlande. Il en ressort que ledit article témoigne, ainsi que l’EUIPO le fait valoir à juste titre, de l’usage de la marque antérieure au Royaume-Uni pour des produits dont il n’est pas contesté qu’ils correspondent à la description des produits en cause. Ledit article était, dès lors, pertinent aux fins de l’examen de l’usage sérieux au
Royaume-Uni de la marque antérieure.
74 S’agissant des documents publicitaires et des factures correspondantes, d’une part, il convient de constater que lesdits documents publicitaires mentionnent à la fois la marque antérieure et des produits pour lesquels elle a été enregistrée, à savoir des appareils pour tester, mesurer, indiquer, enregistrer ou analyser l’alcool dans l’air expiré, ce que la requérante ne conteste pas. D’autre part, les factures désignent, pour la majorité d’entre elles, les publications dans lesquelles
les publicités ont été insérées ainsi que les dates de ces publications. À cet égard, la seule circonstance que Lion Laboratories n’a pas produit lesdites publications n’est pas de nature à faire douter de l’insertion effective desdites publicités dans lesdites publications.
75 En outre, force est de constater que l’observation de la requérante selon laquelle l’une des publications n’était pas pertinente au motif qu’elle visait l’Irlande et non le Royaume-Uni, concerne, à la supposer avérée, une seule des 18 factures présentées par Lion Laboratories.
76 Par ailleurs, la requérante n’avance aucun argument, ni élément de preuve au soutien de son allégation selon laquelle les produits portant la marque antérieure n’auraient peut-être pas été commercialisés tels qu’ils étaient décrits dans les documents publicitaires. Cette allégation doit, par conséquent, être écartée.
77 Enfin, la seule circonstance que la date figurant sur deux documents publicitaires était uniquement manuscrite ne saurait conduire à écarter ces documents de ceux sur le fondement desquels l’usage sérieux pouvait être apprécié. En effet, l’usage de la marque antérieure devant, pour être qualifié de sérieux, être public et vers l’extérieur, conformément à la jurisprudence rappelée au point 63 ci-dessus, seules doivent être prises en compte, aux fins d’établir la publicité de cet usage,
les dates auxquelles le public a été confronté à la marque antérieure, c’est-à-dire, s’agissant des documents publicitaires en cause, les dates auxquelles ils ont été insérés dans des publications destinées aux consommateurs. À cet égard, il ressort du point 74 ci-dessus que Lion Laboratories a établi que les consommateurs avaient été confrontés aux documents publicitaires en cause dans des publications identifiées et dont la date était connue.
78 Dès lors, les arguments de la requérante rappelés aux points 71 et 72 ci-dessus ne sauraient remettre en cause les appréciations portées par la chambre de recours au point 38 de la décision attaquée, selon lesquelles des activités publicitaires importantes avaient été entreprises pour promouvoir les produits de Lion Laboratories portant la marque antérieure.
79 Deuxièmement, la requérante soutient que la marque antérieure n’a jamais été apposée sur les produits en cause et qu’elle a été utilisée seulement de manière descriptive, comme dénomination sociale de Alcolock GB ou pour désigner des produits vendus sous une autre marque. Elle en déduit que ladite marque ne saurait être regardée comme ayant fait l’objet d’un usage sérieux.
80 À cet égard, contrairement à ce que soutient la requérante, plusieurs documents publicitaires produits devant l’EUIPO par Lion Laboratories montrent un appareil, sur lequel la marque antérieure est apposée, présenté comme étant capable de mesurer le taux d’alcool dans l’air expiré par un individu et d’empêcher le démarrage d’un véhicule lorsque ce taux excède une limite prédéfinie.
81 Au demeurant, la circonstance que certains documents publicitaires mentionnent la marque antérieure comme dénomination sociale de Alcolock GB et montrent des appareils semblables qui sont revêtus d’une autre marque que la marque antérieure n’exclut pas, ainsi que la chambre de recours l’a justement relevé aux points 36 et 37 de la décision attaquée, que l’usage de cette marque soit qualifié de sérieux.
82 En effet, il n’est pas nécessaire que la marque antérieure soit apposée sur les produits pour que cette dernière fasse l’objet d’un usage sérieux par rapport à ces produits [voir arrêt du 15 juillet 2015, Cactus/OHMI – Del Rio Rodríguez (CACTUS OF PEACE CACTUS DE LA PAZ), T‑24/13, non publié, EU:T:2015:494, point 65 et jurisprudence citée]. Il suffit que l’utilisation de la marque antérieure établisse un lien entre cette marque et la commercialisation des produits [voir, en ce sens,
arrêts du 11 septembre 2007, Céline, C‑17/06, EU:C:2007:497, point 23, et du 6 mars 2014, Anapurna/OHMI – Annapurna (ANNAPURNA), T‑71/13, non publié, EU:T:2014:105, point 60]. Est susceptible d’établir ce lien la présence de la marque antérieure dans des factures, des articles et des publicités concernant les produits concernés (voir, en ce sens, arrêt du 6 mars 2014, ANNAPURNA, T‑71/13, non publié, EU:T:2014:105, point 60).
83 En l’espèce, il convient de relever que la marque antérieure est mentionnée aux fins d’identifier et de décrire les produits en cause dans de nombreux documents publicitaires, factures et bons de commandes, notamment par les termes « alcolock kit », « alcolock tethered unit » et « alcolock breathalyser immobiliser » ainsi que dans un article de presse fournis par la requérante. Par conséquent, il y a lieu de considérer que le lien entre la marque antérieure et la commercialisation des
produits en cause était, en tout état de cause, établi.
84 À cet égard, c’est à tort que la requérante reproche à la chambre de recours de n’avoir pas caractérisé l’existence d’un tel lien. En effet, après avoir, au point 36 de la décision attaquée, rappelé le droit applicable, tel qu’interprété par la jurisprudence rappelée au point 81 ci-dessus, la chambre de recours, au point 37 de cette décision, a relevé, en substance, que les éléments de preuve établissant la commercialisation par Lion Laboratories de produits revêtus d’autres marques que
la marque antérieure étaient pertinents aux fins d’apprécier l’usage sérieux de cette dernière. Cette considération précède, au point 38 de ladite décision, l’examen des éléments de preuve pertinents produits par Lion Laboratories et la conclusion, aux points 39 et 40, selon laquelle la marque antérieure avait fait l’objet d’un usage sérieux. Dès lors, pour parvenir à une telle conclusion, la chambre de recours a nécessairement considéré qu’un lien entre la marque antérieure et les produits en
cause était établi en l’espèce.
85 Dès lors, l’argument de la requérante relatif à la nature de l’usage de la marque antérieure doit être écarté.
86 Troisièmement, la requérante soutient que le volume des ventes des produits en cause était, eu égard aux caractéristiques du marché, insuffisant pour considérer que la marque antérieure avait fait l’objet d’un usage sérieux. En effet, il ressortirait des éléments de preuve produits par Lion Laboratories devant l’EUIPO que seuls 64 appareils avaient été vendus au cours des périodes pertinentes, ce qui serait insuffisant au regard du fait que plus de 30 millions d’automobiles circulent au
Royaume-Uni et que la sécurité routière constitue dans ce pays une priorité depuis les années 60.
87 Il convient de relever que, contrairement à ce que soutient la requérante, il ressort des factures et des bons de commandes joints à la requête que près de 350 appareils pour tester, mesurer, indiquer, enregistrer ou analyser l’alcool dans l’air expiré, ainsi que des kits de réparation de ces appareils et des pièces détachées desdits appareils ont été vendus au cours des périodes pertinentes.
88 En outre, ces factures ont été adressées à des personnes différentes, ce qui démontre par ailleurs que l’usage de la marque antérieure s’est fait publiquement et vers l’extérieur et non uniquement à l’intérieur de l’entreprise titulaire de la marque antérieure ou dans un réseau de distribution possédé ou contrôlé par celle-ci [voir, en ce sens, arrêts du 8 juillet 2004 VITAFRUIT, T‑203/02, EU:T:2004:225, point 50, et du 27 septembre 2007, La Mer Technology/OHMI – Laboratoires Goëmar (LA
MER), T‑418/03, non publié, EU:T:2007:299, point 87].
89 Dès lors, en dépit du nombre relativement faible de produits en cause vendus au cours des périodes pertinentes, en particulier au cours de la première période, les ventes effectuées constituent des actes d’usage objectivement propres à créer ou à conserver un débouché pour les produits en question dont le volume commercial, par rapport à la durée et à la fréquence de l’usage, n’est pas si faible qu’il amène à conclure qu’il s’agit d’un usage purement symbolique, minime ou fictif dans le
seul but de maintenir la protection du droit à la marque.
90 Par conséquent, c’est à tort que la requérante soutient que le volume des ventes des produits en cause était, en toute hypothèse, insuffisant pour constater l’usage sérieux de la marque antérieure.
91 Il en résulte que c’est à bon droit que la chambre de recours, après avoir examiné les éléments de preuve produits par Lion Laboratories dans leur ensemble, a considéré que ces éléments constituaient un faisceau d’indices démontrant que cette société avait fourni des efforts sérieux pour acquérir et conserver une position commerciale sur le marché des dispositifs d’analyse de l’alcool dans l’air expiré au cours des périodes pertinentes et que l’usage de la marque antérieure était allé
au-delà d’un usage symbolique dans la seule intention de maintenir les droits conférés par la marque. Partant, c’est également à bon droit que la chambre de recours en a déduit que la marque antérieure avait fait l’objet d’un usage sérieux au Royaume-Uni au cours des périodes pertinentes.
92 Par ailleurs, la requérante ne saurait soutenir que la décision attaquée était imprécise, en ce que la chambre de recours n’aurait pas, d’une part, indiqué clairement, au point 38 de ladite décision, quels éléments de preuve étaient pertinents aux fins de l’appréciation de l’usage sérieux de la marque antérieure pour les deux périodes pertinentes ni, au point 39 de cette décision, quels éléments de preuve elle avait considérés conjointement aux fins d’apprécier ledit usage. En effet, la
chambre de recours ayant relevé que les périodes pertinentes se recoupaient, il était évident que les preuves pertinentes au titre des deux périodes étaient celles dont la date était comprise dans l’intervalle de temps commun à ces deux périodes, à savoir entre le 13 août 2007 et le 4 octobre 2009. En outre, il convient de rappeler que la chambre de recours était tenue, selon la jurisprudence rappelée au point 66 ci-dessus, de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les
facteurs pertinents du cas d’espèce, une telle appréciation impliquant une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte. En l’espèce, elle s’est fondée sur les éléments de preuve rappelés au point 70 ci-dessus, dont elle avait donné une description au point 7 de la décision attaquée. Partant, elle a identifié avec suffisamment de précision les éléments de preuve sur le fondement desquels elle a conclu, à bon droit, à l’usage sérieux de la marque antérieure.
93 En outre, sont dénuées de pertinence les allégations de la requérante relatives au défaut de pertinence et de valeur probante d’extraits d’un site Internet reproduits en annexe 10 à sa requête et de documents relatifs à des expositions auxquelles Lion Laboratories aurait participé, dès lors que ces éléments ne figurent pas au nombre de ceux examinés par la chambre de recours aux fins d’établir l’usage sérieux de la marque antérieure.
94 Enfin, doit également être écartée l’allégation selon laquelle la conclusion de la chambre de recours selon laquelle la marque antérieure avait fait l’objet d’un usage sérieux repose sur des probabilités, des présomptions et des approximations. En effet, cette allégation repose sur la seule constatation de l’emploi par la chambre de recours, aux points 38 et 39 de la décision attaquée, de formules telles que « [l]es éléments de preuve indiquent […] », « conjointement », « [Lion
Laboratories a] fourni des efforts sérieux pour acquérir et conserver une position commerciale » et « [les preuves se rapportant à la première période] ne sont peut-être pas exhaustives, mais elles fournissent des indications suffisantes ». Or, de telles formules démontrent, au contraire, que la chambre de recours a, comme elle y était tenue, apprécié l’usage sérieux de la marque antérieure de manière globale et en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce ainsi que de leur
interdépendance.
95 Il résulte de ce qui précède que la chambre de recours n’a entaché la décision attaquée ni d’erreur de droit dans l’appréciation de l’usage sérieux de la marque antérieure, ni de violation de l’obligation de motivation.
96 Dès lors, le troisième moyen doit être écarté et, partant, le recours rejeté dans son ensemble.
Sur les dépens
97 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (première chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Alcohol Countermeasure Systems (International) Inc. est condamnée aux dépens.
Pelikánová Valančius Öberg
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 mars 2017.
Signatures
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* Langue de procédure : l’anglais.