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16/03/2016 | CJUE | N°T-586/14

CJUE | CJUE, Arrêt du Tribunal, Xinyi PV Products (Anhui) Holdings Ltd contre Commission européenne., 16/03/2016, T-586/14


ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

16 mars 2016 ( *1 )

«Dumping — Importations de vitrage solaire originaire de Chine — Droit antidumping définitif — Statut d’entreprise évoluant en économie de marché — Article 2, paragraphe 7, sous b) et c), troisième tiret, du règlement (CE) no 1225/2009 — Distorsion importante induite par l’ancien système d’économie planifiée — Avantages fiscaux»

Dans l’affaire T‑586/14,

Xinyi PV Products (Anhui) Holdings Ltd, établie à Anhui (Chine), représentée par Mes Y. Melin et 

V. Akritidis, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. L. Flynn et T. M...

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

16 mars 2016 ( *1 )

«Dumping — Importations de vitrage solaire originaire de Chine — Droit antidumping définitif — Statut d’entreprise évoluant en économie de marché — Article 2, paragraphe 7, sous b) et c), troisième tiret, du règlement (CE) no 1225/2009 — Distorsion importante induite par l’ancien système d’économie planifiée — Avantages fiscaux»

Dans l’affaire T‑586/14,

Xinyi PV Products (Anhui) Holdings Ltd, établie à Anhui (Chine), représentée par Mes Y. Melin et V. Akritidis, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. L. Flynn et T. Maxian Rusche, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation du règlement d’exécution (UE) no 470/2014 de la Commission, du 13 mai 2014, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de vitrage solaire originaire de la République populaire de Chine (JO L 142, p. 1, rectificatif JO 2014, L 253, p. 4),

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de M. M. Prek, président, Mme I. Labucka (rapporteur) et M. V. Kreuschitz, juges,

greffier : M. L. Grzegorczyk, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 9 septembre 2015,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige et règlement attaqué

1 La requérante, Xinyi PV Products (Anhui) Holdings Ltd, est une société établie en Chine, qui y fabrique et exporte à destination de l’Union européenne du vitrage solaire visé par le règlement d’exécution (UE) no 470/2014 de la Commission, du 13 mai 2014, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de vitrage solaire originaire de la République populaire de Chine (JO L 142, p. 1, rectificatif JO 2014, L 253, p. 4,
ci‑après le « règlement attaqué »).

2 La requérante a pour actionnaire unique la société Xinyi Solar (Hong Kong) Ltd, établie à Hong Kong (Chine) (ci‑après « XSolarHK »), laquelle est cotée à la Bourse de Hong Kong.

3 Le 26 novembre 2013, la Commission européenne a adopté le règlement (UE) no 1205/2013 instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de vitrage solaire en provenance de République populaire de Chine (JO L 316, p. 8, ci‑après le « règlement provisoire »).

4 Il ressort du règlement attaqué que la procédure, dans le cadre de laquelle le règlement provisoire a été adopté, a été ouverte le 28 février 2013 à la suite d’une plainte déposée au nom de producteurs représentant plus de 25 % de la production totale de vitrage solaire réalisée dans l’Union (considérant 2 du règlement attaqué).

5 Il ressort également du règlement attaqué que, à la suite de la divulgation des faits et considérations essentiels sur la base desquels il a été décidé d’instituer un droit antidumping provisoire (ci‑après les « conclusions provisoires »), plusieurs parties intéressées, dont la requérante, ont présenté des observations écrites exposant leur point de vue au sujet des conclusions provisoires (considérant 4 du règlement attaqué).

6 La Commission a continué de rechercher et de vérifier toutes les informations jugées nécessaires à l’établissement de ses conclusions définitives. Les observations présentées oralement et par écrit par les parties intéressées ont été examinées et les conclusions provisoires ont été, le cas échéant, modifiées (considérant 5 du règlement attaqué).

7 Par la suite, la Commission a informé toutes les parties, dont la requérante, des faits et considérations essentiels sur la base desquels il était envisagé d’instituer un droit antidumping définitif sur les importations de vitrage solaire en provenance de Chine et de porter perception définitive des montants déposés au titre du droit provisoire (ci‑après les « conclusions définitives »). Un délai leur a également été accordé pour leur permettre de présenter leurs observations sur les conclusions
définitives (considérant 6 du règlement attaqué).

8 La requérante a introduit le 21 mai 2013 une demande d’admission au bénéfice du statut d’entreprise évoluant dans les conditions d’une économie de marché (ci‑après le « statut de SEM ») et déposé le 6 juin 2013 ses réponses au questionnaire anti‑dumping de la Commission.

9 La requérante a répondu le 21 juin 2013 à la lettre de la Commission l’invitant à fournir un complément d’informations.

10 Les renseignements transmis par la requérante dans le formulaire de demande d’octroi du statut de SEM et ses réponses au questionnaire de la Commission ont fait l’objet d’une vérification au siège chinois de la requérante entre les 21 et 26 juin 2013.

11 À la fin du mois de juin et en juillet 2013, la requérante a produit, en accord avec la Commission et conformément aux demandes de cette dernière, des informations complémentaires.

12 Par lettre du 22 août 2013 (ci‑après la « lettre de la Commission du 22 août 2013 »), la Commission a informé la requérante qu’elle estimait ne pas pouvoir accéder à sa demande d’octroi du statut de SEM, au seul motif qu’elle ne satisfaisait pas au troisième critère d’octroi de ce statut. La Commission a invité la requérante à présenter ses observations. En revanche, les quatre autres critères d’octroi du statut de SEM ont été considérés comme remplis par la requérante.

13 Dans sa lettre du 22 août 2013, la Commission a considéré ce qui suit :

14 Le 1er septembre 2013, la requérante a présenté ses observations, auxquelles la Commission a répondu dans sa décision finale statuant sur la demande d’octroi du statut de SEM du 13 septembre 2013 (ci‑après la « lettre de la Commission du 13 septembre 2013 »), laquelle a confirmé le rejet de la demande d’octroi du statut de SEM introduite par la requérante.

15 Dans la lettre de la Commission du 13 septembre 2013, la Commission a notamment considéré ce qui suit :

16 À la suite de la divulgation des conclusions provisoires et, ultérieurement, après la notification des conclusions définitives, la requérante a fait valoir que la Commission avait commis une erreur en rejetant sa demande de statut de SEM. Cet argument avait déjà été formulé au stade provisoire et rejeté par la Commission aux considérants 43 et 47 du règlement provisoire (considérant 32 du règlement attaqué).

17 Par conséquent, les constatations exposées aux considérants 34 à 47 du règlement provisoire, selon lesquelles toutes les demandes de statut de SEM devaient être rejetées, ont été confirmées dans le règlement attaqué (considérant 34 du règlement attaqué).

18 Les considérants 34 à 47 du règlement provisoire se lisent comme suit :

Procédure et conclusions des parties

19 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 août 2014, la requérante a formé le présent recours.

20 Dans le cadre de la phase écrite de la procédure, la Commission a, dans la duplique, demandé au Tribunal d’adopter une mesure d’organisation de la procédure, en application de l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, afin qu’il soit enjoint à la requérante de démontrer qu’elle avait obtenu l’accord d’une société destinataire d’un document annexé au mémoire en réplique afin de produire celui‑ci, dès lors que, à défaut d’un tel accord, ce document, relatif au quatrième
moyen du recours, tiré d’une violation des droits de la défense, devait être retiré du dossier.

21 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure.

22 En application de l’article 64, paragraphe 2, sous a), du règlement de procédure du 2 mai 1991, le Tribunal a soumis aux parties des questions pour réponse écrite avant l’audience.

23 Les parties ont répondu à ces questions dans les délais impartis.

24 Par courrier adressé au greffe du Tribunal le 8 septembre 2015, la requérante a déposé, au titre de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, une copie de la communication du 12 décembre 1997 de la Commission au Conseil et au Parlement européen relative au traitement des anciens pays n’ayant pas une économie de marché dans les procédures antidumping et à une proposition de règlement du Conseil portant modification du règlement (CE) no 384/96 du Conseil relatif à la
défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne [COM(97) 677 final].

25 Le même jour, le Tribunal a communiqué à la Commission, conformément à l’article 85, paragraphe 4, du règlement de procédure, la preuve produite par la requérante en lui indiquant qu’elle pourrait prendre position sur le document en cause lors de l’audience.

26 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 9 septembre 2015.

27 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

— annuler le règlement attaqué en ce qu’il la concerne ;

— condamner la Commission aux dépens.

28 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

— rejeter le recours ;

— condamner la requérante aux dépens.

En droit

Sur la production tardive d’un élément de preuve

29 Ainsi qu’il a été rappelé au point 24 ci‑dessus, la requérante a déposé un document au greffe du Tribunal, la veille de l’audience, en tant que nouvel élément de preuve.

30 Lors de l’audience, la Commission a demandé au Tribunal de ne pas verser au dossier ce document, en application de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure.

31 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure, ce n’est qu’« [à] titre exceptionnel [que] les parties principales peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve avant la clôture de la phase orale de la procédure ou avant la décision du Tribunal de statuer sans phase orale de la procédure, à condition que le retard dans la présentation de celles‑ci soit justifié ».

32 En l’espèce, la requérante n’a fourni aucun élément de nature à justifier le retard dans la présentation du document en cause.

33 Toutefois, dans le cadre du litige circonscrit par les parties, le juge de l’Union, tout en ne devant statuer que sur la demande des parties, ne saurait être tenu par les seuls arguments invoqués par celles‑ci au soutien de leurs prétentions, sauf à se voir contraint, le cas échéant, de fonder sa décision sur des considérations juridiques erronées (voir arrêt du 5 octobre 2009, Commission/Roodhuijzen,T‑58/08 P, Rec, EU:T:2009:385, point 35 et jurisprudence citée).

34 En particulier, dans un litige opposant les parties en ce qui concerne, comme en l’espèce, l’interprétation et l’application d’une disposition du droit de l’Union, il incombe au juge de l’Union d’appliquer les règles de droit pertinentes pour la solution du litige aux faits qui lui sont présentés par les parties. En effet, en vertu du principe iura novit curia, la détermination du sens de la loi ne relève pas du champ d’application d’un principe de libre disposition du litige entre les mains des
parties (voir arrêt Commission/Roodhuijzen, point 33 supra, EU:T:2009:385, point 36 et jurisprudence citée).

35 Or, le document en cause constitue un document préparatoire en vue d’une modification du cadre réglementaire applicable à l’époque qui est à l’origine du règlement (CE) no 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO L 343, p. 51, rectificatif JO 2010, L 7, p. 22, ci‑après le « règlement de base »). Il pourrait ainsi relever des éléments de droit à prendre en
compte pour l’interprétation, notamment historique, par le juge de la portée de l’article 2, paragraphe 7, sous c), troisième tiret, du règlement de base.

36 Partant, il y a lieu de rejeter la demande de la Commission de ne pas verser le document en cause au dossier.

Sur le fond

37 Au soutien du recours, la requérante invoque quatre moyens, dont le premier est tiré d’une violation de l’article 2, paragraphe 7, sous c), troisième tiret, du règlement de base, et fait valoir que c’est à tort que la Commission a, dans le règlement attaqué, considéré que ses coûts de production et sa situation financière faisaient l’objet de distorsions importantes induites par l’ancien système d’économie planifiée, au sens de cette disposition.

38 À cet égard, il convient, à titre liminaire, de rappeler que, selon l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base, dans le cas d’importations en provenance de pays n’ayant pas une économie de marché, par dérogation aux règles établies aux paragraphes 1 à 6 du même article, la valeur normale est, en principe, déterminée sur la base du prix ou de la valeur construite dans un pays tiers à économie de marché. Cette disposition vise ainsi à éviter la prise en considération des prix et des
coûts en vigueur dans les pays n’ayant pas une économie de marché dans la mesure où ces paramètres n’y sont pas la résultante normale des forces qui s’exercent sur le marché (voir arrêt du 19 juillet 2012, Conseil/Zhejiang Xinan Chemical Industrial Group,C‑337/09 P, Rec, EU:C:2012:471, point 66 et jurisprudence citée).

39 Toutefois, en vertu de l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base, dans le cas d’enquêtes antidumping concernant les importations en provenance notamment de Chine, la valeur normale est déterminée conformément à l’article 2, paragraphes 1 à 6, du règlement de base, pour certains producteurs, s’il est établi, sur la base de requêtes dûment documentées présentées par le ou lesdits producteurs faisant l’objet de l’enquête et conformément aux critères et aux procédures énoncés au même
paragraphe 7, sous c), que les conditions d’une économie de marché prévalent pour ce ou ces producteurs, en ce qui concerne la fabrication et la vente du produit similaire concerné (voir, en ce sens, arrêt Conseil/Zhejiang Xinan Chemical Industrial Group, point 38 supra, EU:C:2012:471, point 67).

40 L’introduction de l’article 2, paragraphe 7, sous b) et c), dans le règlement de base a été motivée par le fait que les réformes entreprises, notamment en Chine, ont fondamentalement modifié l’économie de ce pays et abouti à l’émergence d’entreprises soumises aux conditions d’une économie de marché, de sorte que ce pays s’est détourné du système économique qui avait justifié le recours systématique à la méthode du pays analogue (arrêt Conseil/Zhejiang Xinan Chemical Industrial Group,
point 38 supra, EU:C:2012:471, point 68).

41 Toutefois, dans la mesure où, malgré ces réformes, la Chine ne constitue toujours pas un pays à économie de marché aux exportations duquel s’appliqueraient automatiquement les règles établies à l’article 2, paragraphes 1 à 6, du règlement de base, il incombe, en vertu du paragraphe 7, sous c), du même article, à chaque producteur qui souhaite bénéficier de ces règles d’apporter des preuves suffisantes, telles que spécifiées à cette dernière disposition, qu’il opère dans les conditions d’une
économie de marché (arrêt Conseil/Zhejiang Xinan Chemical Industrial Group, point 38 supra, EU:C:2012:471, point 69).

42 À cet effet, la charge de la preuve incombe au producteur qui souhaite bénéficier du statut de SEM en vertu de l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base. Ce même paragraphe 7, sous c), premier alinéa, prévoit que la requête présentée par un tel producteur doit contenir les preuves suffisantes, telles que spécifiées à cette dernière disposition, de ce qu’il opère dans les conditions d’une économie de marché. Partant, il n’incombe pas aux institutions de l’Union de prouver que le
producteur ne satisfait pas aux conditions prévues pour bénéficier dudit statut [arrêt du 2 février 2012, Brosmann Footwear (HK) e.a./Conseil,C‑249/10 P, Rec, EU:C:2012:53, point 32].

43 Il appartient en revanche au Conseil de l’Union européenne et à la Commission d’apprécier si les éléments fournis par le producteur concerné sont suffisants pour démontrer que les critères énoncés à l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base sont satisfaits pour lui reconnaître le bénéfice du statut de SEM et au juge de l’Union de vérifier si cette appréciation n’est pas entachée d’une erreur manifeste [arrêts Brosmann Footwear (HK) e.a./Conseil, point 42 supra, EU:C:2012:53,
point 32, et Conseil/Zhejiang Xinan Chemical Industrial Group, point 38 supra, EU:C:2012:471, point 70].

44 En l’espèce, il ressort des termes de la lettre de la Commission du 22 août 2013, reproduits au point 13 ci‑dessus, de la lettre de la Commission du 13 septembre 2013, reproduits au point 15 ci‑dessus, ainsi que des considérants 34 à 47 du règlement provisoire, reproduits au point 18 ci‑dessus, auxquels le règlement attaqué a renvoyé à son considérant 34 dont la teneur a été reproduite au point 17 ci-dessus, que l’octroi du statut de SEM a été refusé à la requérante par la Commission uniquement
au motif qu’elle n’avait pas établi qu’elle satisfaisait au critère énoncé à l’article 2, paragraphe 7, sous c), troisième tiret, du règlement de base.

45 En vertu de cette disposition, le producteur doit présenter des preuves suffisantes de nature à établir qu’il opère dans les conditions d’une économie de marché, à savoir que « [s]es coûts de production et [s]a situation financière [...] ne font l’objet d’aucune distorsion importante, induite par l’ancien système d’économie planifiée, notamment en relation avec l’amortissement des actifs, d’autres annulations comptables, le troc ou les paiements sous forme de compensation de dettes ».

46 Indépendamment des cas d’amortissements des actifs, d’autres annulations comptables, du troc ou de paiements sous forme de compensation de dettes, lesquels ne sont évoqués dans le règlement de base qu’à titre indicatif, ainsi que cela résulte de l’utilisation de l’adverbe « notamment », et ne sont en tout état de cause pas pertinents dans la présente affaire, la disposition en cause établit une double condition, cumulative, tenant, d’une part, à l’existence d’une distorsion importante des coûts
de production et de la situation financière de l’entreprise en cause et, d’autre part, au fait que ladite distorsion s’avère induite par l’ancien système d’économie planifiée.

47 Dans la présente affaire, la requérante fait grief à la Commission d’avoir entaché le règlement attaqué d’illégalité en considérant, notamment, que les avantages fiscaux dont elle avait bénéficié constituaient des distorsions induites par le système d’économie planifiée, au sens de l’article 2, paragraphe 7, sous c), troisième tiret, du règlement de base.

48 En ce sens, elle fait valoir, en substance, que le terme « induit » traduit la pérennité d’un élément préexistant, ainsi qu’il ressortirait de l’évolution du cadre juridique de l’Union, et que lesdits avantages ne sauraient être considérés comme relevant d’un système dans lequel le commerce fait l’objet d’un monopole complet ou presque complet et où les prix intérieurs sont fixés par l’État, c’est‑à‑dire d’un pays à commerce d’État.

49 Au contraire, les avantages fiscaux en cause n’auraient aucun rapport avec un régime d’économie centralisée et planifiée dès lors que, dans un grand nombre d’économies de marché, ils seraient courants pour attirer les investissements étrangers et encourager certaines activités. Il en serait ainsi au sein de l’Union, notamment à la lumière de la pratique de la Commission en matière d’aides d’État sous forme d’incitations fiscales, de sorte que la Commission aurait commis une erreur manifeste
d’appréciation en ayant considéré, dans la lettre du 13 septembre 2013, qu’un régime d’impôt sur le revenu favorisant certaines sociétés ou certains secteurs économiques que le gouvernement considère comme stratégiques implique que le régime fiscal en cause n’est pas celui d’une économie de marché, mais qu’il est encore sous l’influence étroite de la planification étatique.

50 Concernant le régime fiscal préférentiel pour les sociétés à participations étrangères, la requérante avance que la Chine désirait attirer les capitaux et investissement étrangers, ce qui constitue un objectif parfaitement légitime, partagé par tous les pays du monde, y compris la plupart des États membres de l’Union, dont l’Irlande, les Pays‑Bas et la Belgique en particulier.

51 Selon la Commission, les arguments de la requérante reposent sur une interprétation purement littérale de l’article 2, paragraphe 7, sous c), troisième tiret, du règlement de base, comme s’il s’agissait d’une clause d’exclusion de tout élément hérité de systèmes antérieurs, alors que l’objet de cette disposition est de prendre en compte, par une approche nuancée, la transition de la Chine vers une économie de marché.

52 Tout d’abord, le taux réduit d’imposition des bénéfices des sociétés, de 15 % au lieu de 25 % pour les entreprises de haute technologie, serait accordé discrétionnairement par l’administration chinoise, laquelle serait tenue de prendre en considération le 12e plan quinquennal en vigueur en Chine, plaçant l’énergie solaire voltaïque comme secteur stratégique émergent, et ce taux réduit aurait été adopté en exécution du plan national pour le développement scientifique et technologique à moyen et
long termes (2006‑2020), de sorte que la Commission était fondée à considérer que cet avantage fiscal était induit par l’ancien système d’économie planifiée.

53 Il en serait également de même pour le taux réduit applicable aux sociétés à participations étrangères.

54 Ensuite, la Commission soutient, dans ce double contexte, ne pas avoir fondé son analyse sur le simple fait que la requérante avait bénéficié d’un ensemble d’avantages fiscaux, mais plutôt sur l’élément incontesté qu’un tel traitement favorable était dû à la désignation de la requérante comme entreprise appartenant au secteur de la haute technologie et des nouvelles technologies et comme société à participations étrangères.

55 L’aide accordée par les pouvoirs publics chinois n’aurait pas été l’expression d’une politique horizontale visant, notamment, à l’amélioration de l’environnement, au soutien du développement régional ou à la promotion de tout autre objectif d’intérêt commun dans le contexte d’une économie de marché, mais bien « l’incarnation d’un système d’économie planifiée ».

56 Par ailleurs, l’évocation par la requérante de la politique fiscale des États membres serait tout à fait erronée, dès lors que, si, certes, certains États membres concèdent des avantages fiscaux pour des activités particulières, ces avantages ne concerneraient jamais la totalité des revenus des entreprises en cause et ne seraient pas accordés pour la seule raison que l’investissement est étranger.

57 Enfin, la Commission soutient, en ce qui concerne la réduction de l’impôt sur les sociétés dont bénéficient les entreprises du secteur de la haute technologie et des nouvelles technologies, ne pas s’être fondée sur le fait que cette mesure était liée aux plans quinquennaux établis par la Chine pour conclure que la requérante n’avait pas satisfait à la charge de la preuve qui lui incombait s’agissant du troisième critère d’octroi du statut de SEM. Néanmoins, le fait que la mesure trouve son
origine dans les plans quinquennaux aurait été un indice pertinent qui, conjugué à d’autres éléments, comme le statut de pays dépourvu d’économie de marché de la Chine, le statut privilégié du secteur dont relève la requérante, la nature et la portée des régimes fiscaux en cause et l’absence de preuve du contraire, l’aurait amenée à conclure que ces régimes étaient de nature à provoquer des distorsions.

58 La requérante méconnaîtrait la distinction essentielle qui existe entre soutenir une activité particulière et soutenir l’ensemble des activités exercées par une entreprise qui appartient à un secteur que l’État a décidé de privilégier par rapport à tous les autres. Or, le traitement fiscal favorable dont la requérante a bénéficié relèverait de cette dernière catégorie et il ne se retrouverait pas dans les mesures adoptées dans une économie de marché.

59 À cet égard, il convient de rappeler que, dans le domaine de la politique commerciale commune, et tout particulièrement en matière de mesures de défense commerciale, les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation en raison de la complexité des situations économiques et politiques qu’elles doivent examiner. Le contrôle juridictionnel d’une telle appréciation doit ainsi être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits
retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir. Il en va de même des situations de fait, d’ordre juridique et politique, qui se manifestent dans le pays concerné et que les institutions de l’Union doivent évaluer pour déterminer si un exportateur agit dans les conditions du marché sans intervention significative de l’État et peut, par suite, bénéficier de l’octroi du statut de SEM. Toutefois, si,
dans le domaine des mesures de défense commerciale et, en particulier, des mesures antidumping, le juge de l’Union ne peut intervenir dans l’appréciation réservée aux autorités de l’Union, hormis les cas d’erreur manifeste d’appréciation ou de détournement de pouvoir, il lui appartient cependant de s’assurer que les institutions ont tenu compte de toutes les circonstances pertinentes et qu’elles ont évalué les éléments du dossier avec toute la diligence requise [voir arrêt du 18 septembre 2012,
Since Hardware (Guangzhou)/Conseil,T‑156/11, Rec, EU:T:2012:431, points 182 à 184 et jurisprudence citée].

60 En ce sens, il a été jugé, concernant le caractère d’exception de l’article 2, paragraphe 7, sous b) et c), du règlement de base, que l’exigence d’une interprétation stricte ne saurait permettre aux institutions d’interpréter et d’appliquer cette disposition d’une manière incompatible avec le libellé et la finalité de celle‑ci (arrêt Conseil/Zhejiang Xinan Chemical Industrial Group, point 38 supra, EU:C:2012:471, point 93).

61 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, la question que le Tribunal doit trancher dans le cadre de son appréciation du premier moyen du recours est celle de savoir si, comme le soutient la requérante, la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en rejetant les arguments qu’elle a avancés pour démontrer que ses coûts de production et sa situation financière ne faisaient l’objet d’aucune distorsion induite par l’ancien système d’économie planifiée, aux fins de se voir
octroyer le statut de SEM, nonobstant les régimes fiscaux en cause dont elle a bénéficié.

62 Or, à cet égard, force est de considérer que l’appréciation de la Commission est manifestement erronée.

63 En effet, il convient de souligner que les avantages induits par une économie planifiée, au sens de l’article 2, paragraphe 7, sous c), troisième tiret, du règlement de base, ne sauraient viser n’importe quel avantage procuré par les autorités compétentes chinoises, sauf à remettre en cause l’effet utile et la portée illustrative des exemples énoncés dans cette disposition.

64 Il ressort du libellé de l’article 2, paragraphe 7, sous c), troisième tiret, du règlement de base que les distorsions de la situation financière des entreprises doivent être induites par l’ancien système d’économie planifiée. Les différentes versions linguistiques du règlement de base confirment que le terme « induit » – notamment « carried over » en anglais, « infolge » en allemand, « voortvloeien » en néerlandais et « derivanti » en italien – signifie que l’ancien système d’économie planifié
doit avoir amené ou conduit aux distorsions en cause. Partant, les avantages à l’origine des distorsions alléguées ne sauraient viser n’importe quel avantage procuré par les autorités compétentes chinoises, mais uniquement celui qui découle de l’ancien système d’économie planifiée.

65 Or, il ne saurait être considéré que les avantages fiscaux en cause sont induits par un ancien système d’économie planifiée, en ce sens qu’ils en résultent ou qu’ils en sont consécutifs.

66 En effet, il est notoire que des pays à économie de marché accordent également à des entreprises des avantages fiscaux sous la forme d’exonérations fiscales pendant une certaine période ou d’un taux d’imposition réduit, ainsi que cela ressort au demeurant de la jurisprudence de la Cour en matière d’aides d’État, notamment des arrêts du 29 janvier 1998, Commission/Italie (C‑280/95, Rec, EU:C:1998:28, point 2), du 21 mars 2002, Espagne/Commission (C‑36/00, Rec, EU:C:2002:196, point 4), ou du
28 juillet 2011, Diputación Foral de Vizcaya e.a./Commission (C‑471/09 P à C‑473/09 P, EU:C:2011:521, point 6).

67 Les arguments avancés par la Commission, tirés du caractère exceptionnel et de la légalité suspecte de ces régimes au regard du droit de l’Union, ne sauraient remettre en cause l’existence de régimes fiscaux semblables à ceux en cause eu égard au fait que des régimes fiscaux comparables ont été adoptés dans le contexte d’une économie de marché. En effet, même si des avantages fiscaux, tels que des taux d’imposition réduits, présupposant une intervention étatique sont susceptibles d’orienter le
comportement des entreprises dans une direction différente de celle résultant des forces en présence dans une économie de marché, il convient de constater que de telles mesures existent également dans des pays à économie de marché. Ainsi, en tant que telle, l’existence de telles mesures ne suffit pas à ce qu’elles soient qualifiées d’induites par une économie planifiée.

68 Cette appréciation ne saurait être remise en cause par les arguments que la Commission a fait valoir dans ses écrits et durant l’audience.

69 Tout d’abord, l’argument tiré du rattachement indirect des avantages fiscaux en cause à différents plans mis en œuvre en Chine procède d’un formalisme excessif, la survivance desdits plans n’impliquant pas nécessairement que lesdits régimes étaient induits par l’ancienne économie planifiée en Chine, sauf à considérer que toutes les mesures adoptées en Chine et rattachables à un plan sont induites par son ancienne économie planifiée, ce qui priverait l’article 2, paragraphe 7, sous b) et c), du
règlement de base de tout effet utile.

70 Ensuite, pour rejeter l’argument de la Commission tiré du caractère prétendument non horizontal des avantages fiscaux en cause et du caractère prétendument discrétionnaire de leur octroi, il suffit de relever que, durant l’audience, la requérante a clairement fait valoir que lesdits avantages étaient octroyés par les autorités compétentes non sur une base discrétionnaire, mais dès lors qu’étaient réunies leurs conditions objectives d’octroi, à savoir l’appartenance de l’entreprise en cause au
secteur des hautes technologies ou l’origine étrangère de son capital.

71 En tout état de cause, il ressort de l’article 28 de la Corporate income tax law of the Peoples’s Republic of China (loi de la République populaire de Chine sur l’imposition des revenus des entreprises) et de l’article 93 de ses modalités d’application que les avantages fiscaux octroyés aux entreprises appartenant au secteur des hautes technologies, telles que la requérante, ce que ne conteste pas la Commission, ne le sont que si certaines conditions objectives sont réunies, à savoir, notamment,
que les entreprises en cause opèrent dans le secteur des nouvelles technologies avancées, qu’elles soient titulaires de droits de propriété intellectuelle, que leurs produits ou services relèvent du champ des secteurs de haute technologie spécifiquement soutenus par l’État, que les coûts de recherche et de développement atteignent un certain pourcentage des dépenses totales, que les revenus générés par lesdits produis ou services atteignent un certain pourcentage de la totalité de leurs revenus
et que le nombre de leurs techniciens représente un certain pourcentage de l’ensemble des salariés.

72 De même, il ressort également de l’article 27 de la Corporate income tax law of the Peoples’s Republic of China et de l’article 88 de ses modalités d’application que les avantages fiscaux octroyés aux entreprises dont le capital est détenu par des investisseurs étrangers, telles que la requérante, ce que ne conteste pas la Commission, ne le sont que si certaines conditions objectives sont réunies, à savoir, notamment, que les entreprises en cause soient actives dans des projets de protection de
l’environnement dans le domaine de l’énergie ou de la préservation des ressources aquatiques, tels que l’innovation technologique aux fins d’économies d’énergie et de réduction de certaines émissions.

73 Ainsi, les avantages fiscaux en cause ont été octroyés à la requérante en ce qu’elle relevait d’une catégorie d’entreprises et non à titre personnel sur une base discrétionnaire, ce que la Commission a du reste admis lors de l’audience.

74 À cet égard, la Commission ne saurait convaincre en soutenant que les régimes fiscaux en cause ne poursuivent pas des objectifs légitimes, tels que la protection de l’environnement, la santé publique ou le développement régional.

75 Il ne saurait en effet être contesté que le soutien de certains secteurs d’activités, tels que les hautes technologies, jugés stratégiques pour un pays donné, constitue un objectif légitime dans une économie de marché, indépendamment de la question de la légalité des mesures en cause au regard, notamment, du droit de l’Union en matière d’aides d’État.

76 Il ne saurait davantage être considéré que l’objectif d’attirer des investissements étrangers est induit par un ancien système d’économie planifiée, dès lors, d’une part, qu’un tel objectif est poursuivi par bon nombre de pays soumis à une économie de marché et, d’autre part, qu’un tel objectif s’avère, pour le moins en théorie, antinomique avec un mode d’organisation économique fondé sur la propriété collective ou étatique des entreprises soumises à des objectifs de production définis par un
plan centralisé, ce qui caractérise un système d’économie planifiée.

77 Enfin, l’argument de la Commission selon lequel les avantages fiscaux en cause ont eu une incidence non exclusivement sur des coûts directement rattachés à l’objectif poursuivi, mais sur l’ensemble du résultat financier de la requérante et donc sur sa situation économique globale, ne saurait davantage prospérer.

78 En effet, un tel argument, à considérer même qu’il soit fondé, ne saurait être utilement avancé qu’au regard de l’importance de la distorsion des coûts de production et de la situation financière de la requérante, au sens de l’article 2, paragraphe 7, sous c), troisième tiret, du règlement de base, mais non pour considérer que ladite distorsion est induite par l’ancienne économie planifiée, en l’espèce celle de la Chine, au sens de cette même disposition.

79 Par conséquent, il y a lieu de juger que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant, nonobstant les éléments avancés par la requérante à cet effet, que les coûts de production et la situation financière de cette dernière faisaient l’objet d’une distorsion induite par l’ancien système d’économie planifiée, pour refuser de lui octroyer le statut de SEM.

80 Dès lors, il convient d’annuler le règlement attaqué, en ce qu’il concerne la requérante, sans qu’il y ait lieu d’examiner les trois autres moyens au soutien du recours ni, partant, de statuer sur la demande de la Commission tendant à la mise en œuvre d’une mesure d’organisation de la procédure, cette demande étant exclusivement rattachée à l’examen du quatrième moyen du recours.

Sur les dépens

81 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la requérante, conformément aux conclusions de celle‑ci.

  Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

  1) Le règlement d’exécution (UE) no 470/2014 de la Commission, du 13 mai 2014, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de vitrage solaire originaire de la République populaire de Chine, est annulé, en ce qu’il concerne Xinyi PV Products (Anhui) Holdings Ltd.

  2) La Commission européenne est condamnée aux dépens.

Prek

Labucka

  Kreuschitz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 mars 2016.

Signatures

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( *1 )   Langue de procédure : l’anglais.


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : T-586/14
Date de la décision : 16/03/2016
Type de recours : Recours en annulation - fondé

Analyses

Dumping – Importations de vitrage solaire originaire de Chine – Droit antidumping définitif – Statut d’entreprise évoluant en économie de marché – Article 2, paragraphe 7, sous b) et c), troisième tiret, du règlement (CE) no 1225/2009 – Distorsion importante induite par l’ancien système d’économie planifiée – Avantages fiscaux.

Dumping

Relations extérieures

Politique commerciale


Parties
Demandeurs : Xinyi PV Products (Anhui) Holdings Ltd
Défendeurs : Commission européenne.

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Labucka

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:2016:154

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