ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)
28 janvier 2016 ( * )
«Marchés publics de services — Procédure d’appel d’offres — Assistance technique opérationnelle en vue d’établir et de gérer un mécanisme de réseau pour la mise en œuvre du partenariat européen d’innovation ‘Productivité et développement durable de l’agriculture’ — Rejet de l’offre d’un soumissionnaire — Attribution du marché à un autre soumissionnaire — Offre anormalement basse — Responsabilité non contractuelle»
Dans l’affaire T‑570/13,
Agriconsulting Europe SA, établie à Bruxelles (Belgique), représentée par Me R. Sciaudone, avocat,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée par M. L. Cappelletti et Mme L. Di Paolo, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande en réparation des préjudices prétendument subis du fait d’irrégularités qu’aurait commises la Commission dans le cadre de l’appel d’offres « Établissement d’un mécanisme de réseau pour la mise en œuvre du partenariat européen d’innovation ‘Productivité et développement durable de l’agriculture’ » (AGRI‑2012‑PEI‑01),
LE TRIBUNAL (sixième chambre),
composé de MM. S. Frimodt Nielsen, président, F. Dehousse (rapporteur) et A. M. Collins, juges,
greffier : M. L. Grzegorczyk, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 7 juillet 2015,
rend le présent
Arrêt
Antécédents du litige
1 Par un avis de marché public publié en supplément au Journal officiel de l’Union européenne du 7 août 2012 (JO 2012/S 61‑150‑249926), la Commission européenne a lancé l’appel d’offres portant la référence AGRI‑2012‑PEI‑01, visant à établir un mécanisme de réseau pour la mise en œuvre du partenariat européen d’innovation « Productivité et développement durable de l’agriculture » (ci‑après l’« appel d’offres »).
2 En vertu du point 1 du cahier des charges du marché (ci‑après le « cahier des charges »), l’attributaire du marché avait pour mission de contribuer à la création et à la gestion du réseau de partenariat, composé de et ouvert aux acteurs s’occupant d’innovation et d’approches innovantes dans le secteur de l’agriculture, tels que les agriculteurs, les chercheurs, les consultants, les entreprises, les organisations non gouvernementales, les consommateurs et les organismes du secteur public.
L’attributaire avait la responsabilité d’établir et d’assurer le fonctionnement du mécanisme du réseau, composé, d’une part, du personnel affecté par l’attributaire à l’exécution des missions indiquées dans l’avis de marché et, d’autre part, du lieu physique où ce personnel travaillerait et fournirait ses services (ci‑après le « point info »).
3 Les missions de l’attributaire du marché étaient définies au point 2 du cahier des charges. Elles étaient divisées en neuf missions principales, à savoir, premièrement, la gestion du personnel affecté aux missions et la gestion du point info, deuxièmement, l’animation du réseau de partenariat, troisièmement, l’activité de mise en réseau et le développement d’instruments de communication, quatrièmement, l’actualisation et l’entretien d’une banque de données complète, cinquièmement, la tenue d’une
liste d’experts externes, sixièmement, la réalisation d’activités de coordination et d’échange d’informations, septièmement, le recensement des besoins de recherche auprès des acteurs de terrain, huitièmement, le développement du programme annuel de travail et, neuvièmement, l’archivage, la gestion de l’inventaire et la sauvegarde de documents et d’informations. Le cahier des charges indiquait les effectifs minimaux de personnel nécessaires pour réaliser les missions principales, en prévoyant, à
cette fin, que le personnel affecté aux missions devait être composé d’au moins dix « équivalents temps plein », dont au minimum six à titre permanent.
4 En outre, le cahier des charges prévoyait 27 missions additionnelles dont l’exécution devait intervenir sur demande annuelle de la Commission, dans la mesure de trois missions additionnelles au minimum jusqu’à un maximum de dix missions par an, étant entendu que, en ce qui concernait les missions additionnelles no 24, no 26 et no 27, ces dernières seraient au moins demandées la première année. Les missions additionnelles comprenaient l’organisation de groupes de réflexion, c’est‑à‑dire de groupes
d’experts qui étudient et débattent de questions concernant spécifiquement le plan européen d’innovation (missions additionnelles nos 1 à 6), l’organisation d’ateliers additionnels (missions additionnelles nos 7 à 9), l’organisation de journées « sur le terrain » (missions additionnelles nos 10 à 13), l’organisation de séminaires additionnels (missions additionnelles nos 14 à 17), l’évaluation du travail des groupes opérationnels (missions additionnelles nos 18 à 20), l’organisation de conférences
(mission additionnelle no 21), l’organisation du voyage et de l’hébergement des participants aux groupes de réflexion, aux ateliers et aux séminaires (mission additionnelle no 22), la réalisation de missions dans les États membres (mission additionnelle no 23), la création d’une liste d’experts (mission additionnelle no 24), la clôture du point info (mission additionnelle no 25), la création du point info (mission additionnelle no 26) et le recensement de tous les projets pertinents aux fins de la
création d’une banque de données (mission additionnelle no 27).
5 Conformément aux dispositions du cahier des charges, l’attributaire du marché devait également prévoir des effectifs suffisants pour que, outre les missions principales, le personnel affecté aux missions puisse exécuter les tâches prévues au titre des missions additionnelles no 24 et no 27, dont la réalisation était prévue au cours de la première année du contrat.
6 En vertu du point 6 du cahier des charges, le contrat était conclu pour une durée de dix mois, renouvelable pour douze mois au maximum. Il prévoyait un budget total maximal de 2500000 euros par an pour l’exécution conjointe des missions principales et des missions additionnelles, le budget maximal par an étant de 1400000 euros pour les missions principales et de 1500000 euros pour les missions additionnelles.
7 En vertu du point 7.5 du cahier des charges, la procédure de marché se composait, premièrement, de la phase d’examen des offres sur la base des critères d’exclusion, suivie de l’examen des offres sur la base des critères de sélection, deuxièmement, de la phase d’évaluation des offres sur la base des critères d’attribution (évaluation qualitative et évaluation du prix) et, troisièmement, de la phase d’attribution du marché sur la base du critère de l’offre économiquement la plus avantageuse. Les
critères d’exclusion, de sélection et d’attribution appliqués par la Commission étaient mentionnés au point 9 du cahier des charges.
8 La Commission a reçu cinq offres, parmi lesquelles celle de la requérante. Tous les soumissionnaires ont franchi la première phase de la procédure de marché, consistant en l’examen de leur offre sur la base des critères d’exclusion et de sélection, et ont atteint la deuxième phase de la procédure, consistant en l’évaluation des offres sur la base des quatre critères d’attribution suivants :
— critère d’attribution no 1 : approche du lien entre science et pratique ;
— critère d’attribution no 2 : approche concernant l’exécution des missions principales et additionnelles ;
— critère d’attribution no 3 : organisation pratique des tâches ;
— critère d’attribution no 4 : propositions concernant la création du point info basé à Bruxelles (Belgique).
9 Dans le cadre de la deuxième phase de la procédure, deux soumissionnaires seulement, en l’occurrence la requérante et Vlaamse Landmaatschappij (ci‑après « VLM »), ont obtenu le score minimal exigé par le cahier des charges pour les critères d’attribution. Ces deux soumissionnaires ont donc atteint la phase d’évaluation de leurs prix, qui s’élevaient à 1320112,63 euros pour la requérante et à 2316124,83 euros pour VLM.
10 Il ressort du procès‑verbal de la réunion du comité d’évaluation du 20 novembre 2012 que la requérante a été classée en première position et que, ayant des doutes sur le caractère anormalement bas de son offre, le comité d’évaluation a conclu que des informations devaient lui être demandées concernant les prix des missions additionnelles.
11 Par lettre du 22 novembre 2012, la Commission a informé la requérante que le comité d’évaluation avait considéré les prix indiqués pour les missions additionnelles comme étant anormalement bas. Elle a demandé à la requérante des explications détaillées sur le calcul des prix proposés pour les missions additionnelles nos 1 à 21 et no 25, en indiquant que son offre pourrait être rejetée en cas d’explications non convaincantes.
12 Par lettre du 29 novembre 2012, la requérante a répondu à la demande de renseignements de la Commission, en lui fournissant des explications générales et une liste des coûts retenus pour la formulation de ses propositions de prix concernant les missions additionnelles.
13 Il ressort du procès‑verbal final d’évaluation de l’offre de la requérante, du 19 décembre 2012, que le comité d’évaluation a examiné les explications de cette dernière et a notamment constaté l’existence d’emplois croisés d’effectifs entre les missions principales et les missions additionnelles, non conformes aux exigences du cahier des charges. Il a donc modifié le score attribué à l’offre de la requérante pour le critère d’attribution no 3, qui a été ramené de 11,8 points à 7 points, la note
minimale exigée étant de 7,5 points sur 15. Le comité d’évaluation a donc conclu son évaluation, d’une part, en confirmant son avis quant au caractère anormalement bas de l’offre de la requérante et, d’autre part, en constatant que, sur la base des nouvelles informations transmises par cette dernière, son offre n’atteignait plus la note minimale requise par le cahier des charges au titre du critère d’attribution no 3. Partant, le comité a recommandé d’attribuer le contrat à VLM.
14 Par lettre du 25 mars 2013, la Commission a informé la requérante que son offre n’avait pas été retenue aux motifs qu’elle n’avait pas atteint le minimum requis pour le critère d’attribution no 3 et avait été considérée comme étant anormalement basse en ce qui concernait les prix proposés pour exécuter certaines missions additionnelles. Le même jour, la Commission a décidé d’attribuer l’offre à VLM.
15 Par lettre du 26 mars 2013, la requérante a demandé le nom de l’attributaire du marché ainsi que les caractéristiques et les avantages de son offre. La Commission lui a transmis ces renseignements par lettre du 27 mars 2013.
16 Par lettre du 29 mars 2013, la requérante a demandé à la Commission d’autres renseignements concernant l’évaluation de son offre. La Commission lui a répondu par lettre du 10 avril 2013.
17 Par lettre du 12 avril 2013, la requérante a reproché au pouvoir adjudicateur l’absence de communication des éclaircissements nécessaires concernant l’évaluation des premier et deuxième critères, la modification de son appréciation technique après l’ouverture de l’offre financière, l’évaluation incorrecte de l’implication du chef d’équipe et de son adjoint dans les missions additionnelles et le caractère erroné des conclusions concernant l’offre de VLM.
18 Par courriel envoyé à la Commission le même jour, la requérante a demandé à cette dernière l’accès aux procès‑verbaux du comité d’évaluation et à l’offre de l’attributaire, en se fondant sur l’article 6 du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43).
19 Par une première lettre du 29 avril 2013, la Commission a informé la requérante que le procès‑verbal du comité d’évaluation lui serait transmis rapidement. Par une seconde lettre du même jour, la Commission a répondu à la demande d’accès de la requérante en lui fournissant une copie partielle du procès‑verbal d’évaluation du 20 novembre 2012, du procès‑verbal d’évaluation finale de son offre du 19 décembre 2012 et du procès‑verbal global d’évaluation du 6 février 2013. En revanche, la Commission
a refusé de lui communiquer l’offre de l’attributaire en invoquant la protection des intérêts commerciaux de l’entreprise concernée, fondée sur l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001.
20 Par courriel du 13 mai 2013, la requérante a présenté une demande confirmative d’accès, conformément à l’article 7 du règlement no 1049/2001. Par courriel du 14 mai 2013, la Commission en a accusé réception, annonçant une réponse dans un délai de quinze jours ouvrables.
21 Par une autre lettre du 13 mai 2013, la requérante a contesté la position de la Commission exprimée dans la seconde lettre du 29 avril 2013, qu’elle a jugé insuffisante. Par lettre du 31 mai 2013, la Commission a répondu que la requérante disposait de toute la documentation concernant la procédure de marché ayant servi de fondement à la décision d’attribution, en se référant également à sa lettre du 29 avril 2013.
22 Concernant la demande confirmative d’accès, par lettre du 4 juin 2013, la Commission a indiqué à la requérante que le délai de réponse était prorogé jusqu’au 26 juin 2013. Le 26 juin 2013, la Commission a informé la requérante qu’elle était dans l’impossibilité de répondre à la demande confirmative d’accès dans le délai précité. Par courriel du 4 juillet 2013, la requérante a sollicité une réponse à sa demande confirmative d’accès, à laquelle la Commission a répondu le 9 juillet 2013, en
informant l’entreprise que la réponse lui serait transmise dans quelques jours. Par lettre du 17 juillet 2013, la Commission a répondu à la demande confirmative d’accès de la requérante, en confirmant sa décision antérieure d’occulter certaines informations contenues dans les procès‑verbaux d’évaluation et de ne pas accorder l’accès à l’offre de l’attributaire, en application de l’article 4, paragraphe 1, sous b), et de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001.
Procédure et conclusions des parties
23 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 25 octobre 2013, la requérante a introduit le présent recours.
24 Par décision du président du Tribunal du 18 novembre 2013, la présente affaire a été attribuée à la sixième chambre et, par décision du 8 janvier 2015, elle a été réattribuée à un nouveau juge rapporteur.
25 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (sixième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, a demandé à la requérante de produire un document. Celle‑ci a déféré à cette demande dans le délai imparti.
26 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 7 juillet 2015.
27 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
— ordonner la communication de l’offre de l’attributaire du marché ;
— condamner la Commission au paiement de dommages et intérêts pour préjudice subi du fait de la perte du marché en cause, du fait de la perte de chance de conclure ledit marché et du fait des frais de participation à l’appel d’offres et pour préjudice moral, les sommes devant être majorées pour tenir compte de l’érosion monétaire et des intérêts compensatoires ;
— accorder un traitement confidentiel à certaines annexes ;
— condamner la Commission aux dépens.
28 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
— rejeter la demande de réparation des préjudices comme étant dénuée de fondement ;
— rejeter la demande de mesures d’instruction comme étant dénuée de fondement ;
— condamner la requérante aux dépens.
En droit
Sur la demande en indemnité
29 Par le présent recours, la requérante fait valoir différentes illégalités relatives à la procédure de passation de marché qui entacheraient la décision de rejeter son offre et demande la condamnation de la Commission au paiement de dommages et intérêts, en vertu des articles 268 TFUE et 340 TFUE, pour les préjudices subis au titre de la perte du marché en cause, de la perte de chance de conclure ledit marché, des frais de participation à l’appel d’offres et du préjudice moral.
30 Plus précisément, la requérante allègue huit violations qui seraient suffisamment caractérisées et soutient que son offre a été rejetée de manière illégale. Elle fait valoir, premièrement, une appréciation erronée de l’offre et une violation du principe d’égalité de traitement relativement au critère d’attribution no 1, deuxièmement, une application et une appréciation erronées de son offre concernant le critère d’attribution no 2, troisièmement, une violation des règles de la procédure de marché
concernant le critère d’attribution no 3, quatrièmement, une violation du principe de proportionnalité concernant le critère d’attribution no 3, cinquièmement, une violation du principe de séparation des phases de la procédure, sixièmement, une appréciation erronée de l’offre concernant le critère d’attribution no 3, septièmement, une interprétation et une application erronées de la notion d’offre anormalement basse et, huitièmement, une violation du principe d’égalité de traitement dans
l’application de la notion d’offre anormalement basse.
31 Il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, en matière de responsabilité non contractuelle, l’Union européenne doit réparer, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres, les dommages causés par ses institutions ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions.
32 Selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, au sens de la disposition susmentionnée, pour comportement illicite de ses organes est subordonné à la réunion de trois conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché à l’institution, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (arrêts du 29 septembre 1982, Oleifici Mediterranei/CEE,26/81, Rec, EU:C:1982:318,
point 16 ; du 9 septembre 2008, FIAMM e.a./Conseil et Commission, C‑120/06 P et C‑121/06 P, Rec, EU:C:2008:476, points 106 et 164 à 166 ; du 9 septembre 2010, Evropaïki Dynamiki/Commission,T‑300/07, Rec, EU:T:2010:372, point 137, et du 16 octobre 2014, Evropaïki Dynamiki/Commission,T‑297/12, EU:T:2014:888, point 28). En outre, s’agissant de la condition relative au comportement illégal, la jurisprudence exige que soit établie une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour
objet de conférer des droits aux particuliers. Le critère décisif permettant de considérer qu’une violation est suffisamment caractérisée consiste en la méconnaissance manifeste et grave, par l’institution ou l’organe de l’Union concerné, des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation (voir, en ce sens, arrêts du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, Rec, EU:C:2000:361, points 42 à 44 ; du 10 décembre 2002, Commission/Camar et Tico, C‑312/00 P, Rec, EU:C:2002:736,
point 54 ; du 17 mars 2005, AFCon Management Consultants e.a./Commission,T‑160/03, Rec, EU:T:2005:107, point 93, et Evropaïki Dynamiki/Commission, précité, EU:T:2014:888, point 29).
33 Dès lors que l’une des trois conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union n’est pas remplie, les prétentions indemnitaires doivent être rejetées, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si les deux autres conditions sont réunies (voir, en ce sens, arrêts du 15 septembre 1994, KYDEP/Conseil et Commission, C‑146/91, Rec, EU:C:1994:329, point 81, et Evropaïki Dynamiki/Commission, point 32 supra, EU:T:2014:888, point 33).
34 En outre, selon une jurisprudence constante, la Commission dispose d’un pouvoir d’appréciation important quant aux éléments à prendre en considération en vue de la prise d’une décision de passation d’un marché public par appel d’offres (arrêts du 17 décembre 1998, Embassy Limousines & Services/Parlement, T‑203/96, Rec, EU:T:1998:302, point 56, et du 20 septembre 2011, Evropaïki Dynamiki/BEI,T‑461/08, Rec, EU:T:2011:494, point 137). De même, la Commission jouit d’un large pouvoir d’appréciation
pour déterminer tant le contenu que la mise en œuvre des règles applicables à la passation, pour son propre compte, d’un marché public par appel d’offres (voir, en ce sens, arrêts du 14 février 2006, TEA‑CEGOS e.a./Commission, T‑376/05 et T‑383/05, Rec, EU:T:2006:47, points 50 et 51 ; Evropaïki Dynamiki/BEI, précité, EU:T:2011:494, point 137, et du 25 octobre 2012, Astrim et Elyo Italia/Commission, T‑216/09, EU:T:2012:574, point 17).
35 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner la demande de la requérante d’être indemnisée des préjudices qu’elle aurait subis en raison du rejet illégal de son offre. Cette demande est fondée, premièrement, sur les illégalités relatives aux critères d’attribution nos 1 et 2, deuxièmement, sur les illégalités relatives à l’application de la notion d’« offre anormalement basse » et, troisièmement, sur les illégalités relatives au critère d’attribution no 3.
Sur la demande en indemnité liée aux deux premières illégalités alléguées, relatives aux critères d’attribution nos 1 et 2
36 La requérante soutient, concernant le critère d’attribution no 1, que le comité d’évaluation n’a pas examiné attentivement son offre et que les motifs de rejet sont erronés, que le principe d’égalité de traitement a été enfreint et, dans la réplique, que la motivation du rejet de son offre fait défaut ou est insuffisante concernant l’aspect relatif à la stratégie de communication. Concernant le critère d’attribution no 2, relatif à l’exécution des missions principales et additionnelles, elle fait
valoir en substance que l’évaluation du comité d’évaluation est erronée et invoque, dans la réplique, la violation de ses droits et le défaut ou l’insuffisance de la motivation adoptée au titre du critère d’attribution no 2.
37 La Commission conteste cette argumentation, sans soulever son irrecevabilité, comme elle l’a reconnu à l’audience.
38 S’agissant des illégalités alléguées concernant les critères d’attribution nos 1 et 2, il convient en l’espèce d’examiner si les conditions relatives aux préjudices allégués et au lien de causalité entre lesdits préjudices et les illégalités invoquées sont ou non remplies.
39 S’agissant de la condition relative à la réalité du préjudice, la responsabilité de l’Union ne saurait être engagée que si le requérant a effectivement subi un préjudice « réel et certain », qu’il lui incombe de prouver (voir arrêts du 14 octobre 2014, Giordano/Commission,C‑611/12 P, Rec, EU:C:2014:2282, point 36 et jurisprudence citée, et Evropaïki Dynamiki/Commission, point 32 supra, EU:T:2014:888, point 30 et jurisprudence citée).
40 S’agissant de la condition relative à l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué, il ressort d’une jurisprudence constante que le préjudice allégué doit découler de façon suffisamment directe du comportement reproché, ce dernier devant constituer la cause déterminante du préjudice, ce qu’il appartient à la partie requérante de prouver (voir arrêts du 30 janvier 1992, Finsider e.a./Commission,C‑363/88 et C‑364/88, Rec, EU:C:1992:44, point 25 et
jurisprudence citée, et Evropaïki Dynamiki/BEI, point 34 supra, EU:T:2011:494, point 209 et jurisprudence citée).
41 En l’espèce, s’agissant des illégalités alléguées au regard des critères d’attribution nos 1 et 2, la requérante a précisé qu’elle invoquait le préjudice lié à la perte de chance de conclure le marché en cause ainsi que le préjudice lié aux frais engagés pour la participation à la procédure d’appel d’offres.
42 La requérante fait valoir que la condition relative au lien de causalité est remplie au motif que son offre avait été classée première et qu’elle aurait dû obtenir l’attribution du marché si les violations relevées n’étaient pas intervenues.
43 Cependant, force est de constater que le rejet de l’offre de la requérante n’est fondé que sur les appréciations concernant le critère d’attribution no 3 et le caractère anormalement bas de son offre. En effet, l’offre de la requérante avait été classée première à l’issue des opérations d’examen de l’offre du point de vue économique. Or, ce classement au premier rang a été modifié pour deux raisons, à savoir la modification de l’évaluation de l’offre au regard du critère d’attribution no 3, qui a
été considérée comme insuffisante, et la qualification de l’offre d’anormalement basse. La requérante mentionne d’ailleurs dans la requête que les préjudices en cause sont la conséquence directe de la décision du comité d’évaluation d’abaisser la note concernant le critère d’attribution no 3 et de juger l’offre comme anormalement basse.
44 En outre, comme la Commission le souligne, la requérante n’a jamais précisé en quoi l’attribution d’une note supérieure au regard des critères d’attribution nos 1 et 2 aurait pu avoir une incidence favorable sur ses chances de remporter le marché.
45 Partant, c’est à tort que la requérante affirme que, en l’absence des violations et erreurs concernant les critères d’attribution nos 1 et 2, le marché lui aurait été attribué. En effet, même si sa note avait été supérieure pour ces critères d’attribution, cette circonstance n’aurait pas été de nature à affecter l’appréciation de son offre au regard du critère d’attribution no 3 et de son caractère anormalement bas.
46 Il en résulte que les illégalités alléguées concernant les critères d’attribution nos 1 et 2, même à supposer qu’elles soient établies, ne présentent pas un lien de causalité direct avec les préjudices allégués, liés à la perte de chance de conclure le marché et aux frais engagés pour la participation à la procédure d’appel d’offres.
47 Il s’ensuit que la demande en indemnité doit être rejetée en tant qu’elle est fondée sur les illégalités concernant les critères d’attribution nos 1 et 2.
Sur la demande en indemnité liée aux illégalités alléguées concernant la notion d’« offre anormalement basse »
48 D’une part, la requérante soutient que l’interprétation et l’application de la notion d’« offre anormalement basse » en l’espèce sont erronées. D’autre part, elle invoque le caractère arbitraire et déraisonnable des paramètres utilisés pour l’application de la notion d’« offre anormalement basse » ainsi que la violation du respect du principe du contradictoire et du principe d’égalité de traitement dans l’application de ladite notion.
49 La Commission conteste cette argumentation.
– Sur l’interprétation et l’application prétendument erronées de la notion d’« offre anormalement basse »
50 La requérante conteste l’approche suivie par le comité d’évaluation pour qualifier son offre d’anormalement basse. Selon elle, cette analyse repose uniquement sur l’évaluation du coût des missions additionnelles et non sur l’offre dans sa globalité. Elle fait ainsi valoir que le comité d’évaluation n’a pas analysé l’incidence de cet aspect isolé relatif aux missions additionnelles sur l’offre dans son ensemble, ce qui serait contraire aux principes applicables en la matière.
51 Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 97, paragraphe 2, du règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. l), tel que modifié (ci‑après le « règlement financier »), qui était applicable en l’espèce à l’égard de la procédure d’appel d’offres, le marché est attribué par adjudication ou par attribution à l’offre économiquement la plus avantageuse. En l’espèce, le
cahier des charges prévoyait que le marché serait attribué sur la base du critère de l’offre économiquement la plus avantageuse.
52 En outre, l’article 139 du règlement (CE, Euratom) no 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement financier (JO L 357, p. l), tel que modifié (ci‑après les « modalités d’exécution »), prévoit :
« 1. Si, pour un marché donné, des offres apparaissent anormalement basses, le pouvoir adjudicateur, avant de rejeter ces offres pour ce seul motif, demande, par écrit, les précisions qu’il juge opportunes sur la composition de l’offre et vérifie de manière contradictoire cette composition en tenant compte des justifications fournies. […]
Le pouvoir adjudicateur peut notamment prendre en considération des justifications tenant :
a) à l’économie du procédé de fabrication, de la prestation de services ou du procédé de construction ;
b) aux solutions techniques adoptées ou aux conditions exceptionnellement favorables dont dispose le soumissionnaire ;
c) à l’originalité de l’offre du soumissionnaire.
[…] »
53 De même, l’article 146, paragraphe 4, des modalités d’exécution prévoit que, dans les cas d’offres anormalement basses, le comité d’évaluation demande les précisions opportunes sur la composition de l’offre.
54 Il résulte de ces dispositions que la notion d’« offre anormalement basse » ne comporte de définition ni dans les dispositions du règlement financier, ni dans celles de ses modalités d’exécution.
55 Cependant, il ressort de la jurisprudence que le caractère anormalement bas d’une offre doit être apprécié par rapport à la composition de l’offre et par rapport à la prestation en cause. Ainsi, la Cour a précisé que le pouvoir adjudicateur pouvait, dans le cadre de son examen du caractère anormalement bas d’une offre, en vue d’assurer une saine concurrence, prendre en considération non seulement les circonstances énoncées à l’article 139, paragraphe 2, des modalités d’exécution, mais également
tous les éléments pertinents au regard de la prestation en cause (voir, par analogie, arrêt du 18 décembre 2014, Data Medical Service,C‑568/13, Rec, EU:C:2014:2466, point 50).
56 En l’espèce, il ressort de la lettre de la Commission du 25 mars 2013 et du rapport d’évaluation final que le comité d’évaluation a considéré que, au vu des explications fournies par la requérante, les coûts n’étaient pas couverts par le prix proposé pour certaines missions additionnelles (nos 1 à 6 et nos 18 à 20, notamment). Le comité d’évaluation a également mis en évidence des incohérences de coûts pour les missions additionnelles nos 14 et 15. Enfin, il a constaté l’existence d’utilisation
croisée de personnel pour les principales missions additionnelles (nos 6 à 17, no 21 et no 25). Il a conclu au caractère anormalement bas de l’offre concernant les missions additionnelles nos 1 à 16 et nos 18 à 20. Il a précisé que les missions additionnelles nos 1 à 6 et nos 18 à 20 étaient proposées à perte sur la base des seuls coûts du travail et que les missions additionnelles nos 1 à 16 et nos 18 à 20 étaient proposées à perte si l’on prenait en compte les coûts additionnels. Il a ajouté
que l’utilisation croisée de personnel rendait l’offre incompatible avec les exigences du cahier des charges concernant la condition minimale de dix « équivalents temps plein ».
57 Il est donc exact que les anomalies relevées ayant conduit le comité d’évaluation à conclure au caractère anormalement bas de l’offre de la requérante concernent plus particulièrement certaines missions additionnelles.
58 Cependant, l’importance économique et financière des missions additionnelles par rapport aux missions principales ressort clairement des éléments du dossier. En particulier, le cahier des charges prévoyait au total 36 missions, dont 27 constituaient des missions additionnelles. En outre, le cahier des charges prévoyait pour les missions additionnelles un budget maximal légèrement supérieur (1500000 euros) à celui prévu pour les missions principales (1400000 euros). L’importance des missions
additionnelles dans l’ensemble du marché en cause ne fait donc aucun doute.
59 Or, sur les 27 missions additionnelles prévues, 19 de ces missions étaient concernées par les anomalies relevées par le comité d’évaluation.
60 Dès lors, les anomalies relevées, même si elles ne portaient que sur les missions additionnelles, ne concernaient nullement un aspect mineur ou isolé de l’offre et étaient ainsi susceptibles d’entacher la cohérence du prix global proposé et, partant, l’offre dans son ensemble.
61 En outre, le fait que les anomalies relevées ne concernaient que des missions additionnelles ne signifie pas que l’offre n’a pas été évaluée dans son ensemble. À cet égard, c’est bien le prix total de l’offre de la requérante qui a été considéré comme anormalement bas, y compris par rapport au budget prévu par la Commission pour l’ensemble du marché et par rapport au prix total proposé par l’attributaire.
62 Il s’ensuit que le comité d’évaluation a effectué son appréciation par rapport à la composition de l’offre et à la prestation en cause, en tenant compte des éléments pertinents au regard de ladite prestation. Il convient donc de rejeter le grief de la requérante selon lequel le comité d’évaluation aurait conclu au caractère anormalement bas de l’offre en contradiction avec les principes applicables en la matière.
– Sur le caractère arbitraire et déraisonnable des paramètres utilisés pour l’application de la notion d’« offre anormalement basse » et sur la violation du respect du principe du contradictoire ainsi que du principe d’égalité de traitement
63 Premièrement, la requérante invoque le caractère non adapté, arbitraire et injustifié des paramètres utilisés aux fins de l’évaluation du caractère anormalement bas ou non de son offre. En particulier, l’unité de coût utilisée pour le calcul du coût des experts serait subjective et ne tiendrait compte ni du fait que la requérante a pu négocier des tarifs plus bas avec les experts, ni de ses capacités organisationnelles et commerciales.
64 Il y a lieu de relever que, comme cela ressort des explications figurant en annexe du rapport d’évaluation du 20 novembre 2012, l’offre de la requérante comportait un prix global qui était inférieur de 850000 euros au prix que le comité d’évaluation considérait comme un prix minimal pour les missions additionnelles, alors même que le prix proposé pour les missions principales était proche du prix maximal prévu dans l’appel d’offres. Par lettre du 22 novembre 2012, la Commission a donc demandé à
la requérante des explications détaillées sur le calcul des prix proposés pour certaines missions additionnelles et a précisé que l’offre pourrait être rejetée en cas d’explications non convaincantes.
65 Dans sa réponse du 29 novembre 2012, la requérante a formulé des considérations générales et des explications spécifiques concernant les missions additionnelles en cause. Elle a notamment mentionné, dans le cadre des considérations générales, le fait qu’elle effectuait des services semblables à ceux concernés par les missions additionnelles dans le cadre de plusieurs projets et qu’elle était la mieux placée pour négocier des prix compétitifs avec les fournisseurs.
66 Cependant, il y a lieu de relever que ces affirmations de la requérante ne sont pas étayées et qu’elle n’a donné aucune information précise concernant notamment des réductions dont elle aurait bénéficié dans le cadre des missions en cause. Si ses capacités organisationnelles et commerciales constituaient des éléments importants en termes d’incidence sur les coûts de ses prestations, ces éléments auraient dû être mis en évidence dans le cadre de son offre initiale ou, à tout le moins, dans le
cadre de sa réponse du 29 novembre 2012, de façon précise et étayée. Or, force est de constater que tel n’a pas été le cas.
67 En outre, dans sa lettre du 12 avril 2013, la requérante a contesté l’unité de coût utilisée pour calculer les honoraires d’experts, au motif qu’elle aurait négocié des honoraires inférieurs. Elle a ajouté que les accords avec ces experts pouvaient être fournis. Force est toutefois de constater qu’elle ne les a pas produits et qu’elle n’a pas étayé davantage ses affirmations. De même, la requérante évoque ses capacités organisationnelles et commerciales, mais ne fournit pas d’éléments concrets à
cet égard.
68 Enfin, l’argument de la requérante selon lequel l’unité de coût utilisée pour le calcul du coût des experts serait un paramètre subjectif doit être écarté. En effet, elle ne communique aucun élément chiffré à cet égard. En outre, le fait qu’elle invoque certaines circonstances, et en particulier des négociations de tarifs avec les experts de même catégorie que les experts des missions principales, tend à conforter le fait que ces coûts étaient, comme la Commission l’a constaté, plus bas que la
norme, sans pour autant que des justifications précises n’aient été fournies.
69 Il en découle que l’argumentation de la requérante par laquelle elle conteste les paramètres utilisés aux fins de l’évaluation du caractère anormalement bas ou non de son offre doit être rejetée.
70 Deuxièmement, la requérante soutient que la Commission aurait dû lui donner la possibilité de justifier ultérieurement les coûts et les tarifs considérés comme étant excessivement bas, conformément au principe du contradictoire. Elle précise que la lettre du 22 novembre 2012 se limitait à demander la méthode de calcul du prix contenu dans l’offre et non la valeur des éléments considérés.
71 Il découle de l’article 139, paragraphe 1, et de l’article 146, paragraphe 4, des modalités d’exécution que le pouvoir adjudicateur est soumis, lors de l’examen du caractère anormalement bas d’une offre, à l’obligation de demander au soumissionnaire de fournir les justifications nécessaires pour prouver que son offre est sérieuse (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 27 novembre 2001, Lombardini et Mantovani, C‑285/99 et C‑286/99, Rec, EU:C:2001:640, points 46 et 51 ; du 29 mars 2012, SAG
ELV Slovensko e.a.,C‑599/10, Rec, EU:C:2012:191, point 28, et Data Medical Service, point 55 supra, EU:C:2014:2466, point 47). L’existence d’un débat contradictoire effectif, situé à un moment utile dans la procédure d’examen des offres, entre le pouvoir adjudicateur et le soumissionnaire, afin que ce dernier puisse prouver que son offre est sérieuse, constitue une exigence fondamentale en matière de passation de marchés publics, en vue d’éviter l’arbitraire de l’autorité adjudicatrice et de
garantir une saine concurrence entre les entreprises (voir, en ce sens et par analogie, arrêts Lombardini et Mantovani, précité, EU:C:2001:640, point 57 ; Data Medical Service, point 55 supra, EU:C:2014:2466, point 48, et du 21 mai 2008, Belfass/Conseil,T‑495/04, Rec, EU:T:2008:160, points 97 et 98).
72 En l’espèce, par lettre du 22 novembre 2012, la Commission a informé la requérante que le comité d’évaluation avait considéré les prix indiqués dans son offre pour certaines missions additionnelles comme étant anormalement bas. La Commission a demandé à la requérante des explications détaillées sur le calcul des prix proposés pour les missions additionnelles nos 1 à 21 et no 25 et lui a signalé que son offre pourrait être rejetée en cas d’explications non convaincantes.
73 Par lettre du 29 novembre 2012, la requérante a répondu à la demande de renseignements de la Commission, en fournissant des explications générales et une liste des coûts retenus pour la formulation de ses propositions de prix concernant toutes les missions additionnelles.
74 Le 19 décembre 2012, prenant en compte les nouvelles informations fournies par la requérante, le comité d’évaluation a notamment conclu au caractère anormalement bas de son offre et a recommandé que le contrat soit octroyé à VLM.
75 Par lettre du 25 mars 2013, la Commission a informé la requérante que son offre n’avait pas été retenue aux motifs qu’elle n’avait pas atteint le minimum requis pour le critère d’attribution no 3 et qu’elle avait été considérée comme étant anormalement basse en ce qui concernait les prix proposés pour exécuter certaines missions additionnelles.
76 Il résulte de ce qui précède que la procédure contradictoire a bien été respectée en l’espèce et que la requérante a eu la possibilité de justifier ses coûts et tarifs qui avaient été considérés comme étant excessivement bas.
77 L’argument de la requérante selon lequel la lettre du 22 novembre 2012 se limitait à demander la méthode de calcul du prix contenu dans l’offre et non la valeur des éléments considérés doit être écarté. En effet, la Commission a demandé à la requérante des explications détaillées sur le calcul des prix proposés pour les missions additionnelles nos 1 à 21 et no 25 et lui a signalé que son offre pourrait être rejetée en cas d’explications non convaincantes. Les éléments de calcul des prix
incluaient ainsi nécessairement l’ensemble des éléments contribuant à la formation des prix proposés dans l’offre, en ce compris non seulement la méthode de calcul, mais aussi la valeur des éléments considérés. Contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission ne l’a donc pas uniquement interrogée sur la méthode de calcul du prix contenu dans l’offre.
78 Au vu de ce qui précède, l’argumentation de la requérante concernant la violation du principe du contradictoire doit être rejetée.
79 Troisièmement, la requérante fait valoir que la Commission aurait dû vérifier le caractère anormalement bas de l’offre de VLM sur la base des mêmes paramètres, ce qui l’aurait conduit à des conclusions analogues en ce qui concerne les missions principales. Elle allègue donc la violation du principe d’égalité de traitement. Elle produit une simulation dont il ressortirait que les valeurs appliquées par le comité d’évaluation à son offre étaient trop élevées et que les déductions de ce dernier
étaient donc erronées, ce qui confirmerait la différence de traitement alléguée.
80 Il convient de rappeler que le principe d’égalité de traitement entre les soumissionnaires, qui a pour objectif de favoriser le développement d’une concurrence saine et effective entre les entreprises participant à un marché public, impose que tous les soumissionnaires disposent des mêmes chances dans la formulation des termes de leurs offres et implique donc que celles‑ci soient soumises aux mêmes conditions pour tous les compétiteurs (arrêt du 29 avril 2004, Commission/CAS Succhi di
Frutta,C‑496/99 P, Rec, EU:C:2004:236, point 110). Ainsi, les soumissionnaires doivent se trouver sur un pied d’égalité aussi bien au moment où ils préparent leurs offres qu’au moment où celles‑ci sont évaluées par le pouvoir adjudicateur (voir, en ce sens, arrêts du 17 février 2011, Commission/Chypre,C‑251/09, EU:C:2011:84, point 39, et du 16 septembre 2013, Espagne/Commission,T‑402/06, Rec, EU:T:2013:445, point 66).
81 En l’espèce, il y a lieu de rappeler que le budget total maximal prévu pour le marché en cause était de 2500000 euros. La requérante proposait une offre pour un prix total d’un montant de 1320112,63 euros, alors que VLM, en tant qu’attributaire, proposait une offre globale d’un montant de 2316124,83 euros.
82 Dès lors, ainsi que la Commission le souligne, l’offre financière de VLM, calculée sur la base de la formule prévue au point 9.3.2 du cahier des charges, relatif au critère du prix, était légèrement inférieure au plafond du budget prévu par ledit cahier des charges pour l’exécution du marché et plus élevée, de presque un million d’euros, que celle de la requérante. Il en découle que, contrairement à la requérante, VLM n’apparaissait pas en situation d’offre anormalement basse au regard de son
budget global prévu pour le marché en cause.
83 Dès lors qu’elles n’étaient pas dans la même situation, la Commission a pu, sans enfreindre le principe d’égalité de traitement, décider de vérifier le caractère anormalement bas de l’offre de la requérante, sans appliquer le même traitement à VLM.
84 Dans ces circonstances, la simulation produite par la requérante est dénuée de pertinence.
85 Il s’ensuit que le grief tiré de la violation du principe d’égalité de traitement doit être rejeté.
86 Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter l’ensemble des griefs de la requérante tendant à établir l’existence d’une illégalité concernant l’appréciation du caractère anormalement bas de son offre. Sa demande en indemnité à cet égard doit donc être rejetée, sans qu’il y ait lieu d’examiner les conditions relatives à l’existence d’un préjudice et d’un lien de causalité.
Sur la demande en indemnité liée aux illégalités alléguées concernant le critère d’attribution no 3
87 S’agissant de l’appréciation de la Commission concernant le critère d’attribution no 3, la requérante soutient en substance que, en l’espèce, une confusion est opérée entre les critères de sélection et les critères d’attribution et elle allègue à cet égard, premièrement, la violation des règles de la procédure de marché, deuxièmement, la violation du principe de proportionnalité et, troisièmement, la violation du principe de séparation des phases de la procédure. Elle fait valoir, enfin, le
caractère erroné de l’appréciation de son offre.
88 La requérante invoque quatre types de préjudices, à savoir le préjudice lié à la perte du marché en cause et, à titre subsidiaire, le préjudice lié à la perte de chance de conclure ledit marché. Elle invoque également le préjudice lié aux frais engagés pour la participation à la procédure d’appel d’offres et le préjudice moral.
89 En l’espèce, il convient de commencer par examiner si les conditions relatives à l’existence des préjudices invoqués et à l’existence d’un lien de causalité entre le comportement illégal invoqué et lesdits préjudices se trouvent satisfaites.
90 Premièrement, s’agissant du préjudice lié à la perte du marché en cause, allégué à titre principal, la requérante soutient qu’il correspond au profit brut dont elle aurait été injustement privée. Ce préjudice correspond donc, en substance, à son manque à gagner.
91 Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le recours à l’appui duquel est invoqué un préjudice résultant du manque à gagner doit être rejeté, car il ne s’agit pas d’un préjudice né et actuel, mais futur et hypothétique (voir, en ce sens, arrêts du 29 octobre 1998, TEAM/Commission,T‑13/96, Rec, EU:T:1998:254, point 76 ; AFCon Management Consultants e.a./Commission, point 32 supra, EU:T:2005:107, points 113 et 114, et du 8 décembre 2011, Evropaïki Dynamiki/Commission,T‑39/08,
EU:T:2011:721, point 47).
92 En effet, la condition relative au dommage exige que le préjudice dont il est demandé réparation soit réel et certain, ce qu’il appartient à la partie requérante de prouver (voir arrêt Evropaïki Dynamiki/Commission, point 91 supra, EU:T:2011:721, point 46 et jurisprudence citée).
93 Or, selon l’article 101 du règlement financier, le pouvoir adjudicateur peut, jusqu’à la signature du contrat, soit renoncer au marché, soit annuler la procédure de passation du marché, sans que les candidats ou les soumissionnaires puissent prétendre à une quelconque indemnisation.
94 Ainsi, même à supposer que le comité d’évaluation ait proposé d’attribuer le marché à la requérante, le pouvoir adjudicateur n’aurait pas été lié par la proposition du comité d’évaluation, mais disposait d’un pouvoir d’appréciation important sur les éléments à prendre en considération en vue de la prise d’une décision d’attribuer un marché (voir, en ce sens, arrêts TEAM/Commission, point 91 supra, EU:T:1998:254, point 76 ; AFCon Management Consultants e.a./Commission, point 32 supra,
EU:T:2005:107, points 113 et 114, et Evropaïki Dynamiki/Commission, point 91 supra, EU:T:2011:721, point 47).
95 Même si l’on admettait que l’offre de la requérante aurait dû être classée première et que la requérante aurait donc dû être l’attributaire du marché, cela n’obligeait pas la Commission à signer le contrat avec cette dernière. En effet, aucun principe ni aucune règle applicable aux procédures d’appel d’offres de la Commission n’impose à celle‑ci de signer le contrat portant sur le marché avec la personne désignée comme l’attributaire à l’issue de la procédure d’appel d’offres (voir, en ce sens,
arrêt Evropaïki Dynamiki/BEI, point 34 supra, EU:T:2011:494, point 211).
96 Dès lors, le préjudice correspondant au manque à gagner de la requérante et lié à la perte du marché en cause n’est pas réel et certain, mais hypothétique. Il ne peut donc pas faire l’objet d’une indemnisation.
97 Les arguments de la requérante visant à l’abandon de la jurisprudence, selon laquelle le pouvoir adjudicateur ne serait pas tenu de signer le contrat avec le soumissionnaire classé premier à l’issue de la procédure d’appel d’offres, n’infirment pas cette conclusion.
98 En effet, elle soutient que, si le pouvoir adjudicateur décide de finaliser le contrat, il n’est pas libre de l’attribuer à d’autres soumissionnaires n’ayant pas régulièrement remporté l’appel d’offres. Toutefois, une telle affirmation n’est pas en contradiction avec le fait que le pouvoir adjudicateur reste libre de finaliser ou non le contrat et donc d’y renoncer, de sorte que le préjudice tiré du manque à gagner n’est jamais certain. En outre, la jurisprudence ne distingue pas selon que le
marché a été attribué ou non. En effet, le préjudice lié au manque à gagner, c’est‑à‑dire le préjudice équivalant au profit qui n’a pas pu être tiré de l’exécution du contrat, suppose la certitude d’obtenir le contrat. Or, au vu de la marge d’appréciation du pouvoir adjudicateur résultant de l’article 101 du règlement financier, un tel préjudice n’est jamais certain.
99 Contrairement à ce que la requérante fait valoir, cette jurisprudence ne permet pas au pouvoir adjudicateur de tirer profit de la violation des règles dont il s’est lui‑même rendu coupable sans devoir indemniser le préjudice qui en résulterait, dès lors que d’autres préjudices sont indemnisables s’ils sont réels et certains. Tel est le cas notamment du préjudice lié à la perte d’une chance ou du préjudice lié aux charges et frais encourus par un soumissionnaire pour sa participation à un appel
d’offre dans le cas où une violation du droit de l’Union a affecté ses chances d’obtenir le marché. Les points 80 à 82 de l’arrêt du 30 avril 2009, CAS Succhi di Frutta/Commission (C‑497/06 P, EU:C:2009:273), cité par la requérante, concernent précisément les préjudices liés à la perte d’une chance ou aux charges et frais encourus par un soumissionnaire pour sa participation à un appel d’offres, et non le manque à gagner.
100 Par ailleurs, la requérante fait valoir que, par cette jurisprudence, le soumissionnaire évincé, privé de protection sur le plan des mesures conservatoires du fait de la jurisprudence très stricte en matière de référés, est également privé de protection sur le plan du droit à réparation. Toutefois, là encore, il convient de relever que, du fait de la rédaction de l’article 101 du règlement financier, contrairement à ce qu’affirme la requérante, celle‑ci a perdu non pas un contrat, mais une
chance d’obtenir le contrat faisant l’objet de la procédure d’appel d’offres communautaire (ordonnance du 20 juillet 2006, Globe/Commission,T‑114/06 R, Rec, EU:T:2006:221, point 116).
101 Ainsi, les arguments de la requérante visant à contester la jurisprudence applicable, selon laquelle le préjudice correspondant au manque à gagner de la requérante ne peut pas être invoqué, doivent être écartés.
102 En outre, s’agissant de la condition tenant au lien de causalité, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il ressort de la lettre de la Commission du 25 mars 2013, l’offre de la requérante a été rejetée, d’une part, au motif que la note attribuée au regard du critère d’attribution no 3 était inférieure au minimum requis et, d’autre part, au motif qu’elle était anormalement basse. C’est d’ailleurs sans commettre d’illégalité que le pouvoir adjudicateur a considéré que l’offre de la requérante était
anormalement basse (voir points 50 à 86 ci‑dessus). La requérante n’avait donc aucune chance d’obtenir le marché en raison de ce caractère anormalement bas.
103 Or, le préjudice fondé sur la perte du marché, à le supposer réel et certain, est le résultat du rejet de l’offre de la requérante.
104 Il s’ensuit que, ce rejet étant justifié, quand bien même le rejet de son offre fondé sur l’appréciation du critère d’attribution no 3 serait entaché d’illégalité, l’offre de la requérante n’en demeurerait pas moins anormalement basse et serait donc rejetée à juste titre.
105 Par conséquent, l’existence d’un lien de causalité ne peut pas être établie entre une éventuelle illégalité commise au titre de l’appréciation de l’offre au regard du critère d’attribution no 3 et le préjudice correspondant à la perte du marché invoqué par la requérante.
106 Dès lors, la demande en indemnité visant à voir réparer le dommage invoqué par la requérante et correspondant au profit brut dont elle aurait été injustement privée à la suite de la perte du marché lui‑même doit être rejetée.
107 Au vu de ce qui précède, il n’y a pas lieu de se prononcer sur la demande de traitement confidentiel des documents produits en tant qu’annexes à la requête aux fins d’évaluer le préjudice lié à la perte du marché.
108 Deuxièmement, s’agissant du préjudice lié à la perte de chance d’obtenir le marché en cause, force est de constater que la demande de la requérante ne peut davantage prospérer.
109 En effet, au regard du raisonnement exposé aux points 102 à 105 ci‑dessus, il apparaît que le préjudice fondé sur la perte de chance d’obtenir le marché est également le résultat du rejet de l’offre de la requérante en raison de son caractère anormalement bas.
110 Il s’ensuit que, quand bien même le rejet de l’offre de la requérante fondé sur l’appréciation du critère d’attribution no 3 serait entaché d’illégalité, il n’en resterait pas moins que cette offre serait anormalement basse et que la requérante ne pourrait en tout état de cause pas se prévaloir d’un préjudice lié à la perte de chance d’obtenir le marché en question (voir, en ce sens, arrêt du 23 novembre 2011, bpost/Commission,T‑514/09, EU:T:2011:689, point 171 in fine).
111 Dès lors, il n’est pas davantage possible de constater l’existence d’un lien de causalité entre, d’une part, une éventuelle illégalité commise au titre de l’appréciation de l’offre au regard du critère d’attribution no 3 et, d’autre part, le dommage invoqué par la requérante qui résulterait de la perte de chance d’obtenir le marché.
112 Troisièmement, s’agissant du préjudice allégué au titre des frais engagés dans le cadre de la procédure d’appel d’offres, il convient de rappeler que les opérateurs économiques doivent supporter les risques inhérents à leurs activités, eu égard aux circonstances propres à chaque cas d’espèce. Dans le cadre d’une procédure d’adjudication, ces risques économiques comprennent, notamment, les coûts liés à la préparation de l’offre. Les dépenses ainsi engagées restent donc à la charge de l’entreprise
qui a choisi de participer à la procédure, la faculté de concourir pour l’attribution d’un marché n’impliquant pas la certitude d’emporter l’adjudication qui en résulte (arrêt CAS Succhi di Frutta/Commission, point 99 supra, EU:C:2009:273, point 79). À cet égard, l’article 101 du règlement financier prévoit que la Commission est libre de décider de ne procéder à aucune attribution. Dès lors, même le soumissionnaire ayant proposé l’offre la plus avantageuse n’était pas assuré d’obtenir le marché.
113 Par conséquent, en principe, les charges et les frais encourus par un soumissionnaire pour sa participation à un appel d’offres ne sauraient constituer un préjudice susceptible d’être réparé par l’octroi de dommages et intérêts (arrêts CAS Succhi di Frutta/Commission, point 99 supra, EU:C:2009:273, point 81 ; TEAM/Commission, point 91 supra, EU:T:1998:254, point 71, et Embassy Limousines & Services/Parlement, point 34 supra, EU:T:1998:302, point 97).
114 Certes, il résulte également de la jurisprudence que ce principe ne saurait, sans risquer de porter atteinte aux principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, s’appliquer dans les cas où une violation du droit de l’Union dans la conduite de la procédure d’appel d’offres a affecté les chances d’un soumissionnaire de se voir attribuer un marché (arrêts CAS Succhi di Frutta/Commission, point 99 supra, EU:C:2009:273, point 82 ; TEAM/Commission, point 91 supra,
EU:T:1998:254, point 72, et AFCon Management Consultants e.a./Commission, point 32 supra, EU:T:2005:107, point 98).
115 Toutefois, tel n’est pas le cas en l’espèce. En effet, dans la mesure où l’appréciation de la Commission, qui a considéré l’offre de la requérante comme étant anormalement basse, n’est pas entachée d’illégalité (voir point 86 ci‑dessus), il y a lieu de constater que la requérante n’est pas fondée à alléguer la perte de chance de se voir attribuer le marché, sans qu’il soit besoin d’examiner plus avant ses griefs soulevés au regard de l’appréciation de son offre concernant le critère
d’attribution no 3 (voir points 109 à 111 ci‑dessus).
116 Dès lors, la conduite de la procédure d’appel d’offres n’ayant en l’espèce pas affecté les chances de la requérante de se voir attribuer le marché en cause, le principe selon lequel les charges et les frais encourus pour sa participation à l’appel d’offres ne sauraient constituer un préjudice susceptible d’être réparé par l’octroi de dommages et intérêts est applicable.
117 Au surplus, il convient d’en déduire qu’il n’est pas davantage possible de constater l’existence d’un lien de causalité entre une éventuelle illégalité commise au titre de l’appréciation de l’offre au regard du critère d’attribution no 3 et le dommage, invoqué par la requérante, qui résulterait des charges et des frais encourus pour sa participation à l’appel d’offres.
118 Il s’ensuit que la demande de la requérante tendant au remboursement de ses frais engagés dans le cadre de la procédure d’appel d’offres doit être rejetée.
119 Au vu de ce qui précède, il n’y a pas lieu de se prononcer sur la demande de traitement confidentiel des documents produits en tant qu’annexes à la requête aux fins d’évaluer le préjudice lié aux frais de participation à l’appel d’offres.
120 Quatrièmement, la requérante invoque une pression injuste sur l’entreprise et le personnel impliqué dans la procédure d’appel d’offres et demande la réparation de son préjudice moral, qu’elle évalue à 5000 euros.
121 Toutefois, la requérante se contente d’invoquer une pression injuste, elle‑même liée à la déception d’une exclusion injuste, sans démontrer qu’elle a effectivement subi un préjudice réel et certain et sans apporter quelque élément que ce soit aux fins d’établir la preuve de l’existence d’un tel préjudice, au sens de la jurisprudence applicable (voir, en ce sens, arrêts du 14 octobre 2014, Giordano/Commission,C‑611/12 P, Rec, EU:C:2014:2282, point 36 et jurisprudence citée, et Evropaïki
Dynamiki/Commission, point 32 supra, EU:T:2014:888, point 30 et jurisprudence citée).
122 L’argument de la requérante tiré de l’absence de nécessité d’établir la preuve du préjudice moral subi, fondé notamment sur l’arrêt Embassy Limousines & Services/Parlement, point 34 supra (EU:T:1998:302), doit être écarté. En effet, dans cette affaire, le Tribunal a tenu compte du fait qu’il ressortait du dossier que le pouvoir adjudicateur avait placé la société requérante dans une situation d’incertitude et l’avait contrainte à consentir des efforts inutiles en vue de répondre à une situation
d’urgence pour exécuter le marché. Tel n’est aucunement le cas en l’espèce. Au contraire, la lettre de la Commission du 22 novembre 2012 avertissait clairement la requérante que son offre pourrait être rejetée si les explications données au sujet de ladite offre n’étaient pas convaincantes.
123 Il s’ensuit que la preuve de la réalité du préjudice moral n’a pas été rapportée en l’espèce et que la demande fondée sur ce préjudice doit donc également être rejetée.
124 En outre, le préjudice moral allégué est en l’espèce lié au rejet de l’offre de la requérante, dont il a été établi qu’il était justifié au vu de son caractère anormalement bas (voir point 86 ci‑dessus). Il s’ensuit que l’existence d’un lien de causalité ne peut pas être établie entre une éventuelle illégalité commise au titre de l’appréciation de l’offre au regard du critère d’attribution no 3 et le préjudice moral invoqué par la requérante.
125 Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu’il soit besoin d’examiner si la condition relative à l’existence des illégalités invoquées par la requérante concernant l’appréciation de son offre au regard du critère d’attribution no 3 est remplie, il convient de constater que les deux autres conditions, relatives, d’une part, à l’existence d’un préjudice et, d’autre part, à l’existence d’un lien de causalité entre l’éventuel comportement illégal de la Commission et les préjudices invoqués par la
requérante, ne sont pas satisfaites.
126 Dès lors, la demande en indemnité doit être rejetée en tant qu’elle est fondée sur les illégalités concernant l’appréciation de l’offre de la requérante au regard du critère d’attribution no 3 et, partant, la demande en indemnité dans son ensemble.
Sur la demande de mesures d’instruction
127 La requérante demande qu’il soit ordonné à la Commission de communiquer l’offre de VLM, attributaire du marché, afin de vérifier le bien‑fondé du grief tenant à la différence de traitement concernant le caractère anormalement bas de son offre. Elle ajoute que la décision de la Commission rendue au titre du règlement no 1049/2001 ne saurait porter préjudice aux pouvoirs d’instruction du Tribunal.
128 La Commission s’oppose à cette demande.
129 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours doit être rejeté dans son intégralité, sans qu’il y ait lieu de faire droit à la demande de mesures d’instruction formulée par la requérante et visant à obtenir copie de l’offre de VLM.
Sur les dépens
130 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
131 La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (sixième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Agriconsulting Europe SA supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.
Frimodt Nielsen
Dehousse
Collins
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 janvier 2016.
Signatures
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( * ) Langue de procédure : l’italien.