ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)
1er août 2025 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Responsabilité d’un État membre en cas de violation du droit de l’Union – Violation suffisamment caractérisée – Politique d’asile – Directive 2013/33/UE – Normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale – Important afflux de demandeurs de protection temporaire ou internationale – Défaut d’accès aux conditions matérielles d’accueil – Besoins fondamentaux – Épuisement temporaire des capacités de logement »
Dans l’affaire C‑97/24,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la High Court (Haute Cour, Irlande), par décision du 1er février 2024, parvenue à la Cour le 6 février 2024, dans les procédures
S.A.,
R.J.
contre
Minister for Children, Equality, Disability, Integration and Youth,
Ireland,
Attorney General,
en présence de :
United Nations High Commissioner for Refugees,
LA COUR (troisième chambre),
composée de M. C. Lycourgos (rapporteur), président de chambre, M. K. Lenaerts, président de la Cour, faisant fonction de juge de la troisième chambre, M. S. Rodin, Mme O. Spineanu‑Matei et M. N. Fenger, juges,
avocat général : Mme L. Medina,
greffier : Mme R. Stefanova-Kamisheva, administratrice,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 6 février 2025,
considérant les observations présentées :
– pour S.A., par M. C. O’Dwyer, SC, M. C. Smith, BL, et Mme K. Mannion, solicitor,
– pour R.J., par Mme L. Frawley, SC, Mme P. Brazil, BL, Mme G. Tierney, BL, et M. J. Watters, solicitor,
– pour le Minister for Children, Equality, Disability, Integration and Youth, l’Ireland et l’Attorney General, par Mme M. Browne, Chief State Solicitor, M. A. Joyce et Mme J. Lynch, en qualité d’agents, assistés de M. D. Conlan Smyth, SC, M. J. Doherty, SC, M. J. P. Gallagher, BL, et Mme A. McMahon, BL,
– pour le United Nations High Commissioner for Refugees, par Mme M. Demetriou, KC, Me B. Hoorelbeke, advocaat, et Mme S. A. Love, BL,
– pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, MM. S. Fiorentino et A. Giovannini, en qualité d’agents, assistés de M. P. Gentili, avvocato dello Stato,
– pour la Commission européenne, par MM. F. Erlbacher, F. Ronkes Agerbeek et J. Tomkin, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 10 avril 2025,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des conditions d’engagement de la responsabilité d’un État membre pour violation de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale (JO 2013, L 180, p. 96), et de l’article 1er de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre de deux litiges opposant, respectivement, S.A. et R.J. au Minister for Children, Equality, Disability, Integration and Youth (ministre de l’ Enfance, de l’Égalité, du Handicap, de l’Intégration et de la Jeunesse, Irlande, ci-après le « ministre »), à Ireland (Irlande) et à l’Attorney General (procureur général, Irlande) au sujet des demandes d’indemnisation des préjudices qui seraient résultés du défaut de fourniture à S.A. et à R.J. d’un logement, de
nourriture, d’eau et d’autres conditions matérielles d’accueil répondant à leurs besoins fondamentaux à la suite de la présentation d’une demande de protection internationale en Irlande.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 Le considérant 11 de la directive 2013/33 est ainsi rédigé :
« Il convient d’adopter des normes pour l’accueil des demandeurs qui suffisent à leur garantir un niveau de vie digne et des conditions de vie comparables dans tous les États membres. »
4 L’article 2 de cette directive, intitulé « Définitions », dispose :
« Aux fins de la présente directive, on entend par :
[...]
g) “conditions matérielles d’accueil”, les conditions d’accueil comprenant le logement, la nourriture et l’habillement, fournis en nature ou sous forme d’allocation financière ou de bons, ou en combinant ces trois formules, ainsi qu’une allocation journalière ;
[...] »
5 L’article 17 de ladite directive, intitulé « Règles générales relatives aux conditions matérielles d’accueil et aux soins de santé », prévoit :
« 1. Les États membres font en sorte que les demandeurs aient accès aux conditions matérielles d’accueil lorsqu’ils présentent leur demande de protection internationale.
2. Les États membres font en sorte que les mesures relatives aux conditions matérielles d’accueil assurent aux demandeurs un niveau de vie adéquat qui garantisse leur subsistance et protège leur santé physique et mentale.
Les États membres font en sorte que ce niveau de vie soit garanti dans le cas de personnes vulnérables, conformément à l’article 21, ainsi que dans le cas de personnes placées en rétention.
3. Les États membres peuvent subordonner l’octroi de tout ou partie des conditions matérielles d’accueil et des soins de santé à la condition que les demandeurs ne disposent pas de moyens suffisants pour avoir un niveau de vie adapté à leur santé et pour pouvoir assurer leur subsistance.
[...]
5. Lorsque les États membres octroient les conditions matérielles d’accueil sous forme d’allocations financières ou de bons, le montant de ceux-ci est fixé en fonction du ou des niveaux établis dans l’État membre concerné, soit par le droit, soit par la pratique, pour garantir un niveau de vie adéquat à ses ressortissants. Les États membres peuvent accorder aux demandeurs un traitement moins favorable que celui accordé à leurs ressortissants à cet égard, en particulier lorsqu’une aide matérielle
est fournie en partie en nature ou lorsque ce ou ces niveaux appliqués à leurs ressortissants visent à garantir un niveau de vie plus élevé que celui exigé pour les demandeurs au titre de la présente directive. »
6 L’article 18 de la même directive, intitulé « Modalités des conditions matérielles d’accueil », dispose, à ses paragraphes 1 et 9 :
« 1. Lorsque le logement est fourni en nature, il doit l’être sous une des formes suivantes ou en les combinant :
a) des locaux servant à loger les demandeurs pendant l’examen d’une demande de protection internationale présentée à la frontière ou dans une zone de transit ;
b) des centres d’hébergement offrant un niveau de vie adéquat ;
c) des maisons, des appartements, des hôtels privés ou d’autres locaux adaptés à l’hébergement des demandeurs.
[...]
9. Pour les conditions matérielles d’accueil, les États membres peuvent, à titre exceptionnel et dans des cas dûment justifiés, fixer des modalités différentes de celles qui sont prévues dans le présent article, pendant une période raisonnable, aussi courte que possible, lorsque :
[...]
b) les capacités de logement normalement disponibles sont temporairement épuisées.
Ces différentes conditions couvrent, en tout état de cause, les besoins fondamentaux. »
Le droit irlandais
7 L’article 1er des European Communities (Reception Conditions) Regulations 2018, SI 230/2018 [décret de 2018 relatif aux Communautés européennes (conditions d’accueil)] prévoit que les conditions matérielles d’accueil sont constituées par :
« (a) le logement, la nourriture et les avantages connexes fournis en nature,
(b) l’allocation journalière de subsistance, et
(c) les vêtements fournis sous forme d’allocation financière [...] »
8 Cet article précise également que « l’expression “indemnité journalière” désigne la partie des conditions matérielles d’accueil qui constitue un paiement hebdomadaire effectué [...] à un bénéficiaire afin qu’il puisse faire face à des dépenses accessoires et personnelles ».
9 L’article 4 de ce décret prévoit :
« (1) Sous réserve des dispositions du présent décret, un bénéficiaire a le droit de bénéficier des conditions matérielles d’accueil lorsqu’il ne dispose pas de moyens suffisants pour avoir un niveau de vie adéquat.
[...]
(5) Le [ministre] peut, à titre exceptionnel et sous réserve du paragraphe 6, fournir les conditions matérielles d’accueil d’une manière différente de celle prévue par le présent règlement dans les cas suivants :
(a) une évaluation des besoins spécifiques d’un bénéficiaire doit être effectuée, ou
(b) les capacités d’hébergement normalement disponibles sont temporairement épuisées.
(6) La mise en place des conditions matérielles d’accueil autorisées par le paragraphe (5) doit
(a) être d’une durée aussi courte que possible, et
(b) répondre aux besoins fondamentaux du bénéficiaire. »
Les litiges au principal et les questions préjudicielles
10 S.A., qui est un ressortissant afghan, et R.J., qui est un ressortissant indien, ont présenté des demandes de protection internationale en Irlande, respectivement le 15 février et le 20 mars 2023.
11 Les autorités irlandaises leur ont remis à chacun un bon unique de 25 euros. Ces autorités ont, en revanche, estimé ne pas être en mesure de leur attribuer un logement, car les centres d’accueil pour demandeurs d’asile étaient complets, nonobstant la disponibilité de logements individuels et temporaires en Irlande. Faute de disposer d’un hébergement dans un tel centre d’accueil, S.A. et R.J. n’étaient pas éligibles, au jour où ils ont présenté leurs demandes de protection internationale, à
l’allocation journalière de subsistance pour les demandeurs de protection internationale prévue par le droit irlandais.
12 S.A. et R.J. ont dormi dans la rue ou, de façon occasionnelle, dans des hébergements précaires à Dublin (Irlande). Ils ont indiqué ne pas avoir toujours mangé à leur faim, ne pas avoir été en mesure de préserver leur hygiène et s’être trouvés dans une situation de détresse au regard de leurs conditions de vie et des violences auxquelles ils ont été confrontés. S.A. a, par ailleurs, pu bénéficier de certains soins médicaux d’urgence.
13 S.A. et R.J. ont demandé, sans succès, aux autorités irlandaises de reconnaître leur état de vulnérabilité. À la suite d’un changement des conditions d’éligibilité à l’allocation de subsistance, S.A. et R.J. se sont vu accorder, respectivement le 5 et le 20 avril 2023, avec effet rétroactif à la date de la présentation de leur demande de protection internationale, une allocation d’un montant hebdomadaire de 38,80 euros. Ils ont également pu obtenir des allocations pour couvrir des besoins
supplémentaires ponctuels.
14 S.A et R.J. ont obtenu un hébergement respectivement le 27 avril et le 22 mai 2023.
15 Par la suite, S.A. et R.J. ont introduit devant la High Court (Haute Cour, Irlande), qui est la juridiction de renvoi, des recours, contre le ministre et le procureur général, tendant à l’obtention d’une indemnisation du préjudice qui serait résulté pour chacun d’eux du défaut de fourniture d’un logement, de nourriture, d’eau et d’autres conditions matérielles d’accueil répondant à leurs besoins fondamentaux.
16 Devant cette juridiction, le ministre et le procureur général ne contestent pas qu’il y a lieu de constater une violation des règles nationales mettant en œuvre la directive 2013/33 et l’article 1er de la Charte, en raison du défaut de fourniture de conditions matérielles d’accueil à S.A. et à R.J. pendant plusieurs semaines.
17 Cependant, ils font valoir que, cette violation découlant d’un cas de force majeure, elle ne devrait pas être considérée comme étant « suffisamment caractérisée », au sens de la jurisprudence issue des arrêts du 19 novembre 1991, Francovich e.a. (C‑6/90 et C‑9/90, EU:C:1991:428), ainsi que du 5 mars 1996, Brasserie du pêcheur et Factortame (C‑46/93 et C‑48/93, EU:C:1996:79), pour pouvoir donner lieu à indemnisation.
18 Sans invoquer un manque de ressources financières, le ministre et le procureur général font observer que les capacités de logement en Irlande des demandeurs de protection internationale ont été épuisées à la suite de l’arrivée soudaine dans cet État membre d’un nombre sans précédent de ressortissants de pays tiers sollicitant une protection temporaire ou internationale. De ce fait, pendant une période de quatre mois et demi, des hommes célibataires adultes non vulnérables sollicitant une
protection internationale dans ledit État membre n’ont pas bénéficié d’offres d’hébergement. Les autorités irlandaises auraient néanmoins fait tous les efforts raisonnables pour assurer l’hébergement de ces personnes et pour répondre à leurs autres besoins d’accueil. Ainsi, la violation du droit de l’Union en cause au principal n’aurait pas été intentionnelle.
19 S.A. et R.J. soutiennent, tout d’abord, que, lorsque les dispositions d’une directive sont, à l’instar des dispositions pertinentes de la directive 2013/33, formulées en des termes impératifs, le droit de l’Union entraîne une responsabilité stricte de l’État membre méconnaissant des obligations énoncées à ces dispositions. Ensuite, la force majeure ne pourrait pas être invoquée pour excuser la violation d’un droit fondamental absolu. Enfin, les autorités irlandaises n’auraient, en l’occurrence,
pas pris toutes les mesures nécessaires pour répondre aux besoins fondamentaux des demandeurs de protection internationale et auraient fait le choix politique de se concentrer sur l’approvisionnement global en hébergement.
20 La juridiction de renvoi relève qu’un rapport publié en 2020 avait estimé que l’Irlande devait prévoir l’accueil des demandeurs de protection internationale en envisageant la présentation d’environ 3500 nouvelles demandes par an. Toutefois, à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Fédération de Russie, près de 100000 ressortissants de pays tiers sollicitant une protection temporaire ou internationale sont arrivés en Irlande entre le mois de février 2022 et le mois de mai 2023, dont plus
de 80000 ont dû être hébergés par les autorités irlandaises. Cette juridiction estime que, si la survenance de ces événements était certes imprévisible, la nécessité de disposer d’une capacité d’hébergement supplémentaire permanente aurait cessé de l’être après un certain laps de temps. Il aurait ainsi pu être attendu des autorités irlandaises, qui disposaient de ressources financières suffisantes, que, en plus de rechercher des solutions d’hébergement collectif à moyen terme, elles développent
des efforts pour trouver un logement privé aux personnes concernées, à travers la délivrance de bons d’hébergement ou d’aides financières plus importantes que l’allocation journalière, ou qu’elles mettent en place des abris d’urgence.
21 Au vu de ces éléments et de la jurisprudence de la Cour, la juridiction de renvoi s’interroge sur la possibilité d’invoquer la force majeure pour écarter la responsabilité de l’Irlande dans les affaires au principal.
22 Dans ces conditions, la High Court (Haute Cour) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Lorsque la “force majeure” n’est pas prévue comme cause d’exonération par une directive ou un décret de mise en œuvre en cause dans l’affaire, peut-elle néanmoins être invoquée comme moyen de défense dans une action en réparation au titre de [l’arrêt du 19 novembre 1991, Francovich e.a. (C‑6/90 et C‑9/90, EU:C:1991:428)], pour violation d’une obligation du droit de l’Union qui confère aux individus des droits découlant du droit fondamental à la dignité humaine énoncé à l’article 1er de la
Charte [qu’il s’agisse d’une cause d’exonération relevant de la deuxième branche du critère établi dans l’arrêt du 5 mars 1996, Brasserie du pêcheur et Factortame (C‑46/93 et C‑48/93, EU:C:1996:79), ou d’un autre moyen de défense] ?
2) Si la réponse à la première question est affirmative, quels sont les paramètres et la portée exacte de cette cause d’exonération tirée de la force majeure ? »
Sur les questions préjudicielles
23 Selon une jurisprudence constante de la Cour, dans le cadre de la coopération entre les juridictions nationales et la Cour instituée à l’article 267 TFUE, il appartient à celle-ci de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. Dans cette optique, il incombe, le cas échéant, à la Cour de reformuler les questions qui lui sont soumises. Il lui appartient, à cet égard, d’extraire de l’ensemble des éléments fournis par la juridiction nationale,
et notamment de la motivation de la décision de renvoi, les éléments de droit de l’Union qui appellent une interprétation compte tenu de l’objet du litige (voir arrêts du 17 juillet 1997, Krüger, C‑334/95, EU:C:1997:378, points 22 et 23, ainsi que du 25 février 2025, Alphabet e.a., C‑233/23, EU:C:2025:110, point 33).
24 En l’occurrence, il résulte de la demande de décision préjudicielle qu’il n’est pas contesté, dans les procédures au principal, que les autorités irlandaises, en ne fournissant pas aux requérants au principal, pendant plusieurs semaines, les conditions matérielles d’accueil prévues par la directive 2013/33, ont méconnu leurs obligations résultant de cette directive.
25 Dans ce contexte, il ressort des indications figurant dans cette demande que les questions posées visent exclusivement à permettre à la juridiction de renvoi de statuer sur l’argument des autorités irlandaises selon lequel leur responsabilité à cet égard pourrait être écartée, dans le cadre d’une action en réparation de dommages, en raison de la survenance d’un cas de force majeure. Ces autorités se prévalent ainsi, plus précisément, du fait que, à l’époque où les requérants au principal ont
introduit leurs demandes de protection internationale, les capacités de logement normalement disponibles en Irlande pour les demandeurs de protection internationale étaient épuisées, à la suite de l’arrivée soudaine dans cet État membre d’un nombre sans précédent de ressortissants de pays tiers sollicitant une protection temporaire ou internationale, laquelle aurait présenté un caractère imprévisible et irrésistible. En revanche, lesdites autorités ne soutiennent pas avoir été objectivement
empêchées de fournir des conditions matérielles d’accueil couvrant les besoins fondamentaux de ces ressortissants de pays tiers.
26 Au regard de ces éléments, il y a lieu de considérer que, par ses questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’un État membre, qui n’a pas garanti, pendant plusieurs semaines, l’accès d’un demandeur de protection internationale aux conditions matérielles d’accueil prévues par la directive 2013/33, peut échapper à sa responsabilité au titre du droit de l’Union en invoquant l’épuisement
temporaire des capacités de logement normalement disponibles sur son territoire pour les demandeurs de protection internationale, en raison d’un afflux de ressortissants de pays tiers sollicitant une protection temporaire ou internationale qui, du fait de son caractère important et soudain, aurait été imprévisible et irrésistible.
27 Selon une jurisprudence constante, les particuliers lésés par une violation du droit de l’Union imputable à un État membre ont un droit à réparation dès lors que trois conditions sont réunies, à savoir que la règle du droit de l’Union violée a pour objet de leur conférer des droits, que la violation de cette règle est suffisamment caractérisée et qu’il existe un lien de causalité direct entre cette violation et le dommage subi par ces particuliers [voir, en ce sens, arrêts du 5 mars 1996,
Brasserie du pêcheur et Factortame, C‑46/93 et C‑48/93, EU:C:1996:79, point 51, ainsi que du 22 décembre 2022, Ministre de la Transition écologique et Premier ministre (Responsabilité de l’État pour la pollution de l’air), C‑61/21, EU:C:2022:1015, point 44].
28 Il ressort de la décision de renvoi qu’il n’est pas contesté que les dispositions de la directive 2013/33 relatives aux conditions matérielles d’accueil confèrent des droits aux demandeurs de protection internationale qu’elles visent et que les questions posées ne se rapportent pas à l’existence d’un lien de causalité direct entre la violation de ces dispositions par les autorités irlandaises et le préjudice qu’auraient subi les requérants au principal. Dans la mesure où ces questions ne
concernent donc que la deuxième des conditions énoncées au point précédent du présent arrêt, il y a lieu de rappeler que, afin de déterminer s’il existe une violation suffisamment caractérisée du droit de l’Union, la juridiction nationale saisie d’une demande en réparation doit tenir compte de tous les éléments qui caractérisent la situation qui lui est soumise. Parmi les éléments pouvant être pris en considération à cet égard figurent, notamment, le degré de clarté et de précision de la règle
violée, l’étendue de la marge d’appréciation que la règle violée laisse aux autorités nationales, le caractère intentionnel ou involontaire du manquement commis ou du préjudice causé, le caractère excusable ou inexcusable d’une éventuelle erreur de droit ainsi que la circonstance que, le cas échéant, les attitudes prises par une institution de l’Union ont pu contribuer à l’adoption ou au maintien de mesures ou de pratiques nationales contraires au droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du
29 juillet 2019, Hochtief Solutions Magyarországi Fióktelepe, C‑620/17, EU:C:2019:630, point 42 et jurisprudence citée).
29 À cet égard, la Cour a précisé, en particulier, qu’une violation du droit de l’Union est suffisamment caractérisée lorsqu’un État membre a méconnu, de manière manifeste et grave, les limites qui s’imposent à l’exercice de ses pouvoirs et que, dans une situation où l’État membre concerné disposait d’une marge d’appréciation considérablement réduite, voire inexistante, la simple infraction au droit de l’Union peut suffire à établir l’existence d’une telle violation du droit de l’Union (voir, en ce
sens, arrêts du 23 mai 1996, Hedley Lomas, C‑5/94, EU:C:1996:205, point 28, ainsi que du 15 juin 1999, Rechberger e.a., C‑140/97, EU:C:1999:306, point 50).
30 En tout état de cause, une violation du droit de l’Union doit être regardée comme étant suffisamment caractérisée lorsqu’elle est intervenue en méconnaissance manifeste de la jurisprudence de la Cour en la matière (voir, en ce sens, arrêt du 29 juillet 2019, Hochtief Solutions Magyarországi Fióktelepe, C‑620/17, EU:C:2019:630, point 43 et jurisprudence citée).
31 S’il appartient, en principe, aux juridictions nationales de déterminer si les conditions d’engagement de la responsabilité d’un État membre pour violation du droit de l’Union sont réunies, la Cour peut néanmoins préciser certaines circonstances dont ces juridictions doivent tenir compte dans leur appréciation (voir, en ce sens, arrêts du 26 mars 1996, British Telecommunications, C‑392/93, EU:C:1996:131, point 41, et du 18 janvier 2001, Stockholm Lindöpark, C‑150/99, EU:C:2001:34, point 38).
32 À cette fin, il convient de relever que l’article 17, paragraphe 1, de la directive 2013/33 prévoit que les États membres font en sorte que les demandeurs de protection internationale aient accès aux conditions matérielles d’accueil lorsqu’ils présentent leur demande.
33 Il résulte de l’article 2, sous g), de cette directive que les conditions matérielles d’accueil comprennent le logement, la nourriture et l’habillement, fournis en nature ou sous forme d’allocations financières ou de bons, ou en combinant ces trois formules, ainsi qu’une allocation journalière.
34 Quel que soit le mode de fourniture de ces conditions choisi par un État membre, l’article 17, paragraphe 2, de ladite directive exige que lesdites conditions assurent aux demandeurs de protection internationale un niveau de vie adéquat qui garantisse leur subsistance et qui protège leur santé physique et mentale. L’article 17, paragraphe 3, de la même directive permet néanmoins aux États membres de subordonner l’octroi de tout ou partie des mêmes conditions et des soins de santé à la condition
que les demandeurs ne disposent pas de moyens suffisants pour avoir un niveau de vie adapté à leur santé et pour pouvoir assurer leur subsistance.
35 En outre, l’article 17, paragraphe 5, de la directive 2013/33 dispose que, lorsque les États membres octroient les conditions matérielles d’accueil sous forme d’allocations financières ou de bons, le montant de ceux-ci est fixé en fonction du ou des niveaux établis dans l’État membre concerné pour garantir un niveau de vie adéquat à ses ressortissants, sachant que le traitement accordé aux demandeurs de protection internationale peut être moins favorable que celui accordé à ces ressortissants. Il
ressort, à cet égard, de la jurisprudence de la Cour que le montant de telles allocations financières ou de tels bons doit être suffisant pour garantir un niveau de vie digne et adéquat pour la santé ainsi que pour assurer la subsistance des demandeurs de protection internationale en leur permettant de disposer d’un logement, le cas échéant, sur le marché privé de la location (voir, par analogie, arrêt du 27 février 2014, Saciri e.a., C‑79/13, EU:C:2014:103, point 42).
36 Lorsqu’un État membre opte pour la fourniture du logement en nature, il doit en principe se conformer à une série d’exigences spécifiques énoncées à l’article 18, paragraphes 1 à 8, de la directive 2013/33. Cependant, l’article 18, paragraphe 9, sous b), de cette directive permet aux États membres, à titre exceptionnel et dans des cas dûment justifiés, de fixer des modalités de fourniture des conditions matérielles d’accueil différentes de celles qui sont prévues à cet article 18, pendant une
période raisonnable, aussi courte que possible, lorsque les capacités de logement normalement disponibles sont temporairement épuisées. L’article 18, paragraphe 9, in fine, de ladite directive impose toutefois que ces conditions couvrent, en tout état de cause, les besoins fondamentaux des personnes concernées.
37 Indépendamment des choix arrêtés par un État membre parmi les différentes possibilités prévues aux articles 17 et 18 de la directive 2013/33, il découle de la jurisprudence de la Cour concernant la directive 2003/9/CE du Conseil, du 27 janvier 2003, relative à des normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile dans les États membres (JO 2009, L 31, p. 18), jurisprudence dont les enseignements sont aussi pertinents, à cet égard, pour la directive 2013/33, qui constitue la refonte de la
directive 2003/9, que l’économie générale de ces directives ainsi que le respect des droits fondamentaux, notamment les exigences de l’article 1er de la Charte selon lequel la dignité humaine doit être respectée et protégée, s’opposent à ce qu’un demandeur de protection internationale soit privé, ne fût-ce que temporairement, de la protection des normes minimales établies par lesdites directives [voir, en ce sens, arrêts du 27 septembre 2012, Cimade et GISTI, C‑179/11, EU:C:2012:594, point 56,
ainsi que du 27 février 2014, Saciri e.a., C‑79/13, EU:C:2014:103, point 35].
38 En particulier, la saturation des réseaux d’accueil des demandeurs de protection internationale ne peut pas justifier une quelconque dérogation aux normes minimales pour l’accueil de ces demandeurs établies par le droit de l’Union (voir, par analogie, arrêt du 27 février 2014, Saciri e.a., C‑79/13, EU:C:2014:103, point 50).
39 Il résulte de la combinaison des règles ainsi énoncées aux articles 17 et 18 de la directive 2013/33 que, en cas d’épuisement temporaire des capacités de logement normalement disponibles sur son territoire pour les demandeurs de protection internationale, un État membre dispose d’un choix entre deux possibilités.
40 Premièrement, pour autant que les conditions énoncées à l’article 18, paragraphe 9, de cette directive soient satisfaites, l’État membre concerné peut décider de fournir un logement en nature, sans être tenu de respecter l’ensemble des exigences énoncées à cet article 18, mais en couvrant, en tout état de cause, les besoins fondamentaux des personnes concernées.
41 Deuxièmement, si cet État membre ne souhaite plus octroyer les conditions matérielles d’accueil en nature ou s’il n’est plus en mesure de le faire, il doit fournir ces conditions sous la forme d’allocations financières ou de bons d’un montant suffisant pour que les besoins fondamentaux des demandeurs de protection internationale, y compris un niveau de vie digne et adéquat pour la santé ainsi que pour assurer leur subsistance, leur soient assurés (voir, par analogie, arrêt du 27 février 2014,
Saciri e.a., C‑79/13, EU:C:2014:103, point 48).
42 Il s’ensuit que, si les États membres disposent d’une certaine marge d’appréciation pour déterminer la forme et le niveau précis des conditions matérielles d’accueil qu’ils octroient, ils ne sauraient, sans dépasser de manière manifeste et grave cette marge d’appréciation et sans méconnaître manifestement la jurisprudence de la Cour, s’abstenir de fournir, ne fût-ce que temporairement, des conditions matérielles d’accueil couvrant les besoins fondamentaux d’un demandeur de protection
internationale ne disposant pas de moyens suffisants pour avoir un niveau de vie adapté à sa santé et pour pouvoir assurer sa subsistance, y compris en ce qui concerne son accès au logement.
43 Partant, une telle abstention apparaît de nature à constituer une violation suffisamment caractérisée du droit de l’Union, au sens de la jurisprudence rappelée au point 27 du présent arrêt, même lorsqu’elle intervient dans une situation où les capacités de logement normalement disponibles pour les demandeurs de protection internationale, sur le territoire de l’État membre concerné, sont temporairement épuisées.
44 Dans ce contexte, au vu des interrogations de la juridiction de renvoi, il est toutefois nécessaire de déterminer si la circonstance qu’un tel épuisement temporaire des capacités de logement procéderait, comme le soutient l’Irlande, d’un afflux important et soudain de ressortissants de pays tiers sollicitant une protection temporaire ou internationale, qui présente un caractère imprévisible et irrésistible, serait de nature à permettre à l’État membre ayant méconnu ses obligations rappelées au
point 42 du présent arrêt d’échapper à sa responsabilité au titre du droit de l’Union.
45 À cet égard, il convient de souligner, d’une part, que l’épuisement temporaire des capacités de logement normalement disponibles pour les demandeurs de protection internationale, quel qu’en soit la cause, n’implique pas, en tant que tel, que la fourniture des conditions matérielles d’accueil sous la forme d’allocations financières ou de bons, qui constitue l’une des possibilités ouvertes aux États membres pour se conformer à leurs obligations au titre de la directive 2013/33, se heurte à des
difficultés particulières ou, a fortiori, s’avère impossible.
46 D’autre part, lorsque l’État membre concerné souhaite fournir les conditions matérielles d’accueil en nature, il ressort du point 36 du présent arrêt que le législateur de l’Union a institué, à l’article 18, paragraphe 9, sous b), de cette directive, un régime dérogatoire applicable, sous certaines conditions, en cas d’épuisement temporaire des capacités de logement normalement disponibles, tout en encadrant les modalités de cette dérogation. Ce législateur a notamment imposé aux États membres
une obligation de résultat tenant à assurer « en tout état de cause » aux demandeurs de protection internationale concernés la couverture de leurs besoins fondamentaux, excluant ainsi que les États membres mettant en œuvre ce régime dérogatoire puissent se dispenser d’offrir les garanties nécessaires à cette fin.
47 À cet égard, il importe de relever que le libellé de l’article 18, paragraphe 9, sous b), de la directive 2013/33 ne comporte aucune indication montrant que son application devrait être écartée lorsque l’épuisement temporaire des capacités de logement normalement disponibles procède d’un afflux important et soudain de ressortissants de pays tiers sollicitant une protection temporaire ou internationale, qui présente un caractère imprévisible et irrésistible.
48 En outre, cette disposition prévoit explicitement, d’une part, que la dérogation qu’elle institue ne peut être mise en œuvre qu’« à titre exceptionnel et dans des cas dûment justifiés » et, d’autre part, que les mesures adoptées dans ce cadre doivent être appliquées « pendant une période raisonnable, aussi courte que possible ».
49 Au vu des exigences cumulatives auxquelles est ainsi subordonnée l’application de l’article 18, paragraphe 9, sous b), de la directive 2013/33, il y a lieu de considérer que le régime dérogatoire institué par cette disposition est applicable lorsque l’épuisement temporaire des capacités de logement normalement disponibles pour les demandeurs de protection internationale ne pouvait objectivement pas être évité par un État membre raisonnablement diligent. Dès lors, ce régime dérogatoire trouve
notamment à s’appliquer, ainsi que l’a relevé Mme l’avocate générale au point 44 de ses conclusions, dans des cas où l’épuisement temporaire des capacités de logement normalement disponibles est la conséquence d’un afflux important et soudain de ressortissants de pays tiers sollicitant une protection temporaire ou internationale, qui présente un caractère imprévisible et irrésistible.
50 La Cour a d’ailleurs déjà jugé que, en adoptant l’article 18, paragraphe 9, de la directive 2013/33, le législateur de l’Union avait veillé à prendre en compte la situation dans laquelle un État membre devrait faire face à une augmentation très significative du nombre de demandes de protection internationale [voir, en ce sens, arrêt du 17 décembre 2020, Commission/Hongrie (Accueil des demandeurs de protection internationale), C‑808/18, EU:C:2020:1029, points 222 et 223], laquelle peut présenter
un caractère imprévisible et irrésistible (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Slovaquie et Hongrie/Conseil, C‑643/15 et C‑647/15, EU:C:2017:631, point 114).
51 Or, dans des situations dans lesquelles le législateur de l’Union a adopté des règles visant à définir un régime imposant certaines obligations de résultat dans l’hypothèse de la survenance d’événements imprévisibles ou irrésistibles ou d’un autre aléa, quelles que soient les causes de ces événements ou de cet aléa, il ressort de la jurisprudence de la Cour que ces obligations ne sauraient être écartées en se prévalant de la survenance de tels événements ou de l’aléa visés par le régime en cause
[voir, en ce sens, arrêts du 15 juin 1999, Rechberger e.a., C‑140/97, EU:C:1999:306, points 74 et 75, ainsi que du 8 juin 2023, UFC - Que choisir et CLCV, C‑407/21, EU:C:2023:449, points 56 et 57].
52 Partant, il ne saurait être admis, sauf à méconnaître l’objet même du régime dérogatoire établi à l’article 18, paragraphe 9, sous b), de la directive 2013/33 et à priver celui-ci de son effet utile, qu’un État membre puisse justifier l’absence d’application des obligations résultant de ce régime dérogatoire, et notamment celle de couvrir « en tout état de cause » les besoins fondamentaux des personnes concernées, en se prévalant de la survenance de l’événement à laquelle est subordonnée
l’application dudit régime dérogatoire, à savoir l’épuisement temporaire des capacités de logement normalement disponibles pour les demandeurs de protection internationale, y compris si celui-ci procède d’un afflux important et soudain de ressortissants de pays tiers sollicitant une protection temporaire ou internationale, qui présente un caractère imprévisible et irrésistible.
53 De même, il ne saurait être admis que l’invocation de la survenance d’un tel événement permette d’établir que la méconnaissance des obligations prévues par la directive 2013/33 n’est pas suffisamment caractérisée pour pouvoir donner droit à indemnisation. En effet, une telle solution, en privant les demandeurs de protection internationale d’un élément essentiel de leur protection juridictionnelle effective, porterait atteinte à l’efficacité de l’article 18, paragraphe 9, sous b), de celle-ci, et
notamment de l’obligation de résultat quant à la couverture des besoins fondamentaux de ces demandeurs, qui est prévue à cette disposition et qui vise à assurer le respect de la dignité humaine garantie par l’article 1er de la Charte.
54 En l’occurrence, force est d’ailleurs de constater qu’il ne ressort pas de la décision de renvoi ou de la procédure devant la Cour que l’Irlande aurait démontré qu’elle avait été dans l’incapacité, à la suite de l’important afflux de ressortissants de pays tiers sollicitant une protection temporaire ou internationale dont elle fait état, soit de leur fournir un logement en dehors du système normalement prévu pour héberger de tels ressortissants de pays tiers, le cas échéant en mettant en œuvre la
dérogation prévue à l’article 18, paragraphe 9, sous b), de la directive 2013/33, soit, à défaut, de leur octroyer des allocations financières ou des bons d’un montant suffisant pour leur assurer des conditions de vie digne.
55 À cet égard, la juridiction de renvoi indique, au contraire, qu’il est constant que les autorités irlandaises disposaient, dans les affaires au principal, de ressources suffisantes pour assurer la fourniture de conditions matérielles d’accueil aux demandeurs de protection internationale et que des logements étaient disponibles en Irlande.
56 Il s’ensuit que ces affaires ne se rapportent pas à une situation dans laquelle il serait établi que la survenance d’un événement imprévisible et irrésistible aurait objectivement empêché un État membre de fournir des conditions matérielles d’accueil en nature, y compris au titre du régime dérogatoire prévu à l’article 18, paragraphe 9, de la directive 2013/33, ou sous forme d’allocations financières ou de bons, selon les modalités rappelées aux points 40 et 41 du présent arrêt. Il n’apparaît
donc pas nécessaire, afin de permettre au juge de renvoi de trancher les litiges au principal, de déterminer si cet État membre pourrait, dans une telle situation, se prévaloir valablement de la survenance d’un cas de force majeure pour échapper à sa responsabilité au titre du droit de l’Union.
57 Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux questions posées que le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’un État membre, qui n’a pas garanti, pendant plusieurs semaines, l’accès d’un demandeur de protection internationale aux conditions matérielles d’accueil prévues par la directive 2013/33 ne peut pas échapper à sa responsabilité au titre du droit de l’Union en invoquant l’épuisement temporaire des capacités de logement normalement disponibles
sur son territoire pour les demandeurs de protection internationale, en raison d’un afflux de ressortissants de pays tiers sollicitant une protection temporaire ou internationale qui, du fait de son caractère important et soudain, aurait été imprévisible et irrésistible.
Sur les dépens
58 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit :
Le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’un État membre, qui n’a pas garanti, pendant plusieurs semaines, l’accès d’un demandeur de protection internationale aux conditions matérielles d’accueil prévues par la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale, ne peut pas échapper à sa responsabilité au titre du droit de l’Union en invoquant l’épuisement temporaire des
capacités de logement normalement disponibles sur son territoire pour les demandeurs de protection internationale, en raison d’un afflux de ressortissants de pays tiers sollicitant une protection temporaire ou internationale qui, du fait de son caractère important et soudain, aurait été imprévisible et irrésistible.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.