ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)
1er août 2025 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Fiscalité – Régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents – Directive 2011/96/UE – Article 4, paragraphe 1, sous a) – Interdiction d’imposer les bénéfices reçus par la société mère – Prévention de la double imposition des dividendes – Champ d’application – Impôt régional sur les activités productives – Inclusion de 50 % des dividendes perçus par les sociétés mères dans l’assiette de cet impôt »
Dans les affaires jointes C‑92/24 à C‑94/24,
ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par la Corte di giustizia tributaria di secondo grado della Lombardia (cour de justice fiscale de deuxième instance de la Lombardie, Italie), par décisions du 6 octobre 2023, parvenues à la Cour le 24 janvier 2024, dans les procédures
Banca Mediolanum SpA
contre
Agenzia delle Entrate – Direzione regionale della Lombardia,
LA COUR (quatrième chambre),
composée de M. I. Jarukaitis, président de chambre, MM. N. Jääskinen, A. Arabadjiev, M. Condinanzi et Mme R. Frendo (rapporteure), juges,
avocat général : Mme J. Kokott,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
– pour Banca Mediolanum SpA, par Mes G. Escalar et A. Siragusa, avvocati,
– pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de Mme G. Galluzzo, avvocato dello Stato,
– pour la Commission européenne, par MM. A. Ferrand, W. Roels et P. Rossi, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 27 mars 2025,
rend le présent
Arrêt
1 Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de l’article 4 de la directive 2011/96/UE du Conseil, du 30 novembre 2011, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents (JO 2011, L 345, p. 8).
2 Ces demandes ont été présentées dans le cadre de litiges opposant Banca Mediolanum SpA à l’Agenzia delle Entrate – Direzione regionale della Lombardia (administration fiscale, direction régionale de la Lombardie, Italie) (ci-après l’« administration fiscale ») au sujet de demandes de remboursement partiel de l’imposta regionale sulle attività produttive (impôt régional sur les activités productives) (ci-après l’« IRAP »).
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 Le considérant 4 de la directive 2003/123/CE du Conseil, du 22 décembre 2003, modifiant la directive 90/435/CEE concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents (JO 2004, L 7, p. 41), énonçait :
« L’article 2 de la directive 90/435/CEE [du Conseil, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents (JO 1990, L 225, p. 6),] définit les sociétés qui entrent dans son champ d’application. L’annexe contient une liste des sociétés auxquelles la directive s’applique. [...] »
4 Aux termes des considérants 1 et 3 de la directive 2011/96 :
« (1) La directive [90/435] a été modifiée à plusieurs reprises et de façon substantielle [...]. Étant donné que des modifications supplémentaires doivent être apportées, il convient, dans un souci de clarté, de procéder à la refonte de ladite directive.
[...]
(3) L’objectif de la présente directive est d’exonérer de retenue à la source les dividendes et autres bénéfices distribués par des filiales à leur société mère, et d’éliminer la double imposition de ces revenus au niveau de la société mère. »
5 L’article 2 de la directive 2011/96 prévoit :
« Aux fins de l’application de la présente directive, on entend par :
a) “société d’un État membre” : toute société :
[...]
iii) qui [...] est assujettie, sans possibilité d’option et sans en être exonérée, à l’un des impôts énumérés à l’annexe I, partie B, ou à tout autre impôt qui viendrait se substituer à l’un de ces impôts.
[...] »
6 Dans sa version antérieure aux modifications apportées par la directive 2014/86/UE du Conseil, du 8 juillet 2014 (JO 2014, L 219, p. 40), que les États membres devaient transposer dans leurs droits nationaux au plus tard le 31 décembre 2015, l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2011/96 disposait :
« Lorsqu’une société mère ou son établissement stable perçoit, au titre de l’association entre la société mère et sa filiale, des bénéfices distribués autrement qu’à l’occasion de la liquidation de cette dernière, l’État membre de la société mère et l’État membre de son établissement stable :
a) soit s’abstiennent d’imposer ces bénéfices ;
b) soit les imposent tout en autorisant la société mère et l’établissement stable à déduire du montant de leur impôt la fraction de l’impôt sur les sociétés afférente à ces bénéfices et acquittée par la filiale et toute sous-filiale, à condition qu’à chaque niveau la société et sa sous-filiale relèvent des définitions de l’article 2 et respectent les exigences prévues à l’article 3, dans la limite du montant dû de l’impôt correspondant. »
7 À la suite des modifications opérées par la directive 2014/86, l’article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive 2011/96 est libellé comme suit :
« [...]
a) soit s’abstiennent d’imposer ces bénéfices dans la mesure où ces derniers ne sont pas déductibles par la filiale, et les imposent dans la mesure où ils sont déductibles par la filiale ».
8 Aux termes de l’article 4, paragraphe 3, de la directive 2011/96 :
« Tout État membre garde la faculté de prévoir que des charges se rapportant à la participation et des moins-values résultant de la distribution des bénéfices de la société filiale ne sont pas déductibles du bénéfice imposable de la société mère.
Si, dans ce cas, les frais de gestion se rapportant à la participation sont fixés forfaitairement, le montant forfaitaire ne peut excéder 5 % des bénéfices distribués par la société filiale. »
9 L’annexe I, partie B, de cette directive, intitulée « Liste des impôts visés à l’article 2, point a), iii) », énumère les impôts suivants :
« [...]
– imposta sul reddito delle società en Italie,
[...] »
Le droit italien
10 L’article 89 du decreto del Presidente della Repubblica n. 917 – Approvazione del testo unico delle imposte sui redditi (décret no 917 du président de la République, portant approbation du texte unique relatif aux impôts sur les revenus), du 22 décembre 1986 (GURI no 302, du 31 décembre 1986, supplément ordinaire no 126, ci-après le « TUIR »), énonce :
« [...]
2. Les bénéfices distribués, sous quelque forme et sous quelque dénomination que ce soit [...] ne constituent pas un élément du revenu de l’exercice lors duquel ils sont perçus, en ce qu’ils sont exclus à 95 % de leur montant du revenu de la société ou de l’établissement bénéficiaire. [...]
[...] »
11 L’article 2 du decreto legislativo n. 446 – Istituzione dell’imposta regionale sulle attività produttive, revisione degli scaglioni, delle aliquote e delle detrazioni dell’Irpef e istituzione di una addizionale regionale a tale imposta, nonché riordino della disciplina dei tributi locali (décret législatif no 446, portant instauration de l’impôt régional sur les activités productives, révision des tranches, des taux et des déductions de l’impôt sur les revenus des personnes physiques et
institution d’une taxe additionnelle régionale à cet impôt, ainsi que réorganisation de la réglementation de la fiscalité locale), du 15 décembre 1997 (GURI no 298, du 23 décembre 1997, supplément ordinaire no 252, ci-après le « décret législatif no 446/1997 »), prévoit :
« 1. La condition d’application de l’[IRAP] est l’exercice habituel d’une activité organisée de façon autonome, destinée à la production ou à l’échange de biens ou à la prestation de services. [...] »
12 Aux termes de l’article 4 de ce décret législatif :
« L’[IRAP] s’applique sur la valeur de la production nette découlant de l’activité exercée sur le territoire de la région.
[...] »
13 Le décret législatif no 446/1997 a été modifié par la legge n. 244 – Disposizioni per la formazione del bilancio annuale e pluriennale dello Stato (legge finanziaria 2008) [loi no 244, portant dispositions relatives à l’élaboration du budget annuel et pluriannuel de l’État (loi de finances de 2008)], du 24 décembre 2007 (GURI no 300, du 28 décembre 2007, supplément ordinaire no 285) (ci-après le « décret législatif no 446/1997 modifié »). L’article 6 du décret législatif no 446/1997 modifié,
intitulé « Détermination de la valeur de la production nette des banques et d’autres entités et sociétés financières », dispose :
« 1. [...] l’assiette est déterminée par la somme algébrique des postes suivants du compte de résultat établi conformément aux bilans [...] :
a) le produit net bancaire, réduit de 50 % des dividendes ;
[...] »
Les litiges au principal et la question préjudicielle
14 Au cours des exercices fiscaux 2014 et 2015, Banca Mediolanum, une banque ayant sa résidence fiscale en Italie, et Mediolanum SpA, une filiale de Banca Mediolanum ayant également sa résidence fiscale en Italie et absorbée par cette banque avant l’introduction des procédures juridictionnelles à l’origine des présentes demandes de décision préjudicielle, détenaient des participations dans plusieurs sociétés qui avaient leurs résidences fiscales dans d’autres États membres de l’Union européenne.
15 Banca Mediolanum et Mediolanum percevaient des dividendes de ces filiales et incluaient ceux-ci dans l’assiette de l’imposta sur reddito delle società (impôt sur le revenu des sociétés, ci-après l’« IRES »), visée à l’annexe I, partie B, de la directive 2011/96, dans la limite de 5 % de leur montant, conformément à l’article 89, paragraphe 2, du TUIR.
16 Ces sociétés, en leur qualité d’intermédiaires financiers, incluaient également ces dividendes dans l’assiette de l’IRAP, à hauteur de 50 % de leur montant, en application des dispositions de l’article 6, paragraphe 1, sous a), du décret législatif no 446/1997 modifié.
17 Par la suite, Banca Mediolanum, estimant que cette disposition est contraire à l’article 4 de la directive 2011/96, a saisi l’administration fiscale de trois demandes tendant à obtenir le remboursement de la part de l’IRAP qui découlait de l’inclusion dans l’assiette de cet impôt des montants correspondant à 50 % des dividendes reçus des filiales résidant dans d’autres États membres.
18 L’administration fiscale a rejeté ces demandes au motif que l’article 6, paragraphe 1, sous a), du décret législatif no 446/1997 modifié ne serait pas contraire à l’article 4 de la directive 2011/96, dans la mesure où cette disposition aurait vocation à s’appliquer seulement aux impôts sur les revenus, et non également à l’IRAP.
19 Banca Mediolanum a engagé des recours contre les décisions de rejet de l’administration fiscale devant la Commissione tributaria provinciale di Milano (commission fiscale provinciale de Milan, Italie), laquelle a rendu trois jugements confirmant ces décisions.
20 Dès lors, Banca Mediolanum a fait appel de ces jugements devant la Corte di giustizia tributaria di secondo grado della Lombardia (cour de justice fiscale de deuxième instance de la Lombardie, Italie), qui est la juridiction de renvoi.
21 Celle-ci, en se référant à l’article 4 de la directive 2011/96 dans sa version antérieure à la modification opérée par la directive 2014/86, estime que l’interdiction, découlant de cet article 4, de traiter les bénéfices distribués par une filiale résidant dans un État membre à une société mère résidant dans un autre État membre comme étant imposables, dans une mesure supérieure à 5 % de leur montant, pourrait également s’appliquer à l’IRAP.
22 À cet égard, la juridiction de renvoi rappelle que l’IRAP, conformément aux articles 2 et 4 du décret législatif no 446/1997, par lequel cet impôt a été introduit, d’une part, a comme condition d’application l’exercice habituel d’une activité organisée de façon autonome, destinée à la production ou à l’échange de biens ou à la prestation de services et, d’autre part, s’applique sur la valeur de la production nette découlant de l’activité exercée sur le territoire de la région italienne concernée.
23 Toutefois, cette juridiction estime qu’il découle des arrêts du 17 mai 2017, AFEP e.a. (C‑365/16, EU:C:2017:378), ainsi que du 17 mai 2017, X (C‑68/15, EU:C:2017:379), que l’article 4 de la directive 2011/96 interdit aux États membres de soumettre à toute forme d’imposition les dividendes distribués aux sociétés mères résidant dans un État membre par leurs filiales résidant dans d’autres États membres, au-delà de 5 % du montant de ces dividendes.
24 Selon ladite juridiction, s’il pouvait être considéré que l’IRAP relève de cette interdiction, l’article 6, paragraphe 1, sous a), du décret législatif no 446/1997 modifié serait incompatible avec la directive 2011/96, dans la mesure où cette disposition impose aux banques et aux autres intermédiaires financiers ayant qualité de sociétés mères au sens de cette directive de soumettre à l’IRAP 50 % des dividendes que ces sociétés ont reçus de sociétés résidant dans d’autres États membres,
qualifiées de filiales aux fins de ladite directive.
25 Dans ces conditions, la Corte di giustizia tributaria di secondo grado della Lombardia (cour de justice fiscale de deuxième instance de la Lombardie) a décidé, dans chacune des procédures d’appel pendantes devant elle, de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
« Le choix de la République italienne, résultant de l’article 6, paragraphe 1, du décret législatif [no 446/1997 modifié], de soumettre à l’IRAP 50 % des dividendes perçus par les intermédiaires financiers résidant en Italie qualifiés de sociétés mères au sens de la directive [2011/96], distribués par des sociétés résidant dans d’autres États membres [...] ayant qualité de filiales au sens de cette directive, sans autoriser les sociétés mères à déduire de l’IRAP la fraction de l’impôt sur les
sociétés afférente à ces [bénéfices] acquittée par les filiales, est-il incompatible avec l’interdiction d’imposer à un taux supérieur à 5 % de leur montant les bénéfices que les sociétés mères résidant dans un État membre ont reçus de la part de filiales résidentes d’autres États membres, prévue à l’article 4 de [ladite] directive ? »
Sur la question préjudicielle
26 Selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la procédure de coopération entre les juridictions nationales et la Cour instituée à l’article 267 TFUE, il appartient à celle-ci de donner au juge de renvoi une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. Dans cette optique, il incombe, le cas échéant, à la Cour de reformuler les questions qui lui sont soumises. Il lui appartient, à cet égard, d’extraire de l’ensemble des éléments fournis par la juridiction
nationale, et notamment de la motivation de la décision de renvoi, les éléments de droit de l’Union qui appellent une interprétation compte tenu de l’objet du litige [arrêt du 30 avril 2024, M.N. (EncroChat), C‑670/22, EU:C:2024:372, point 78 et jurisprudence citée].
27 En ce qui concerne le traitement fiscal des bénéfices distribués par une filiale à sa société mère, autres que ceux distribués à l’occasion de la liquidation de cette filiale, l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2011/96 laisse explicitement le choix aux États membres entre le système prévu à ce paragraphe 1, sous a) (ci-après le « système d’exonération ») et le système prévu audit paragraphe 1, sous b) (voir, en ce sens, arrêt du 13 mars 2025, John Cockerill, C‑135/24, EU:C:2025:176,
points 27 et 28 ainsi que jurisprudence citée). Lorsqu’un État membre a choisi l’un de ces systèmes, la disposition relative à l’autre système n’est pas pertinente (voir, en ce sens, arrêts du 19 décembre 2019, Brussels Securities, C‑389/18, EU:C:2019:1132, point 32, et du 12 mai 2022, Schneider Electric e.a., C‑556/20, EU:C:2022:378, point 63 ainsi que jurisprudence citée).
28 Par ailleurs, l’article 4, paragraphe 3, de la directive 2011/96 dispose que les États membres conservent la faculté de prévoir notamment que les charges se rapportant à la participation de la société mère dans le capital de la filiale ne sont pas déductibles du bénéfice imposable de la société mère. Il ressort également de cette disposition que, si, dans ce cas, les frais de gestion se rapportant à la participation sont fixés forfaitairement, un tel montant ne peut excéder 5 % des bénéfices
distribués par la filiale (arrêts du 17 mai 2017, AFEP e.a., C‑365/16, EU:C:2017:378, point 23, ainsi que du 17 mai 2017, X, C‑68/15, EU:C:2017:379, point 72).
29 En l’occurrence, il résulte du dossier dont dispose la Cour que la République italienne applique le système d’exonération. Toutefois, en sus d’imposer les dividendes distribués aux sociétés mères résidant en Italie par leurs filiales dans une mesure correspondant à 5 % de leur montant, au titre de l’IRES, conformément à l’article 89, paragraphe 2, du TUIR, la réglementation nationale exige, en substance, d’inclure 50 % de ces dividendes dans l’assiette d’un autre impôt, à savoir l’IRAP,
indépendamment de l’origine desdits dividendes.
30 Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que, par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 4 de la directive 2011/96 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale par laquelle un État membre ayant choisi le système d’exonération peut imposer, dans une mesure supérieure à 5 % de leur montant , les dividendes que les intermédiaires financiers résidant dans cet État membre perçoivent, en tant que sociétés mères au sens de cette
directive, de leurs filiales résidant dans d’autres États membres, y compris lorsque cette imposition est réalisée au moyen d’un impôt qui n’est pas un impôt sur les revenus des sociétés, mais inclut dans son assiette ces dividendes ou une fraction de ceux-ci.
31 Il importe de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, d’une part, pour interpréter une disposition du droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (arrêts du 17 novembre 1983, Merck, 292/82, EU:C:1983:335, point 12, et du 25 février 2025, BSH Hausgeräte, C‑339/22, EU:C:2025:108, point 27). D’autre part, une interprétation d’une disposition
du droit de l’Union ne saurait avoir pour résultat de retirer tout effet utile au libellé clair et précis de cette disposition. Ainsi, dès lors que le sens d’une disposition du droit de l’Union ressort sans ambiguïté du libellé même de celle-ci, la Cour ne saurait se départir de cette interprétation (arrêts du 25 janvier 2022, VYSOČINA WIND, C‑181/20, EU:C:2022:51, point 39, et du 13 octobre 2022, Gmina Wieliszew, C‑698/20, EU:C:2022:787, point 83).
32 En premier lieu, sur le plan littéral, il résulte clairement du libellé de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive 2011/96 qu’un État membre qui a choisi le système d’exonération doit s’abstenir d’imposer les bénéfices qu’une société mère résidant dans cet État membre perçoit de ses filiales résidant dans d’autres États membres.
33 À cet égard, en ce qui concerne la version de cette disposition résultant de la modification introduite par la directive 2014/86, la Cour a constaté que l’application de ladite disposition n’est pas limitée à un impôt en particulier (voir, en ce sens, arrêt du 17 mai 2017, AFEP e.a., C‑365/16, EU:C:2017:378, points 5 et 33). Elle a procédé à cette constatation également s’agissant de l’article 4, paragraphe 1, premier tiret, de la directive 90/435 (voir, en ce sens, arrêt du 12 mai 2022,
Schneider Electric e.a., C‑556/20, EU:C:2022:378, point 47), qui correspond à la version de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive 2011/96 mentionnée par la juridiction de renvoi ainsi que par toutes les parties dans leurs observations écrites.
34 La Cour a ainsi dit pour droit que l’article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive 2011/96, telle que modifiée par la directive 2014/86, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une mesure fiscale prévue par l’État membre de résidence d’une société mère prévoyant la perception d’un impôt à l’occasion de la distribution des dividendes par la société mère et dont l’assiette est constituée par les montants des dividendes distribués, y compris ceux provenant des filiales non-résidentes de
cette société (arrêt du 17 mai 2017, AFEP e.a., C‑365/16, EU:C:2017:378, point 35).
35 Par conséquent, du point de vue littéral, l’article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive 2011/96 doit être interprété en ce sens que le système d’exonération qu’il prévoit concerne tout impôt incluant dans son assiette les dividendes qu’une société mère perçoit de ses filiales résidant dans d’autres États membres.
36 En deuxième lieu, sur le plan contextuel, il y a lieu de rappeler que le considérant 4 de la directive 2003/123 qui a modifié la directive 90/435, dont la directive 2011/96, ainsi que l’indique son considérant 1, procède à la refonte, énonce que l’article 2 de la directive 90/435 définit les sociétés qui entrent dans son champ d’application et que l’annexe de cette dernière contient une liste des sociétés auxquelles elle s’applique.
37 À cet égard, l’article 2, sous a), iii), de la directive 2011/96 et l’annexe I, partie B, de cette dernière énumèrent, afin de désigner les sociétés des États membres qui sont censées relever du champ d’application de cette directive, les impôts nationaux auxquels ces sociétés sont normalement assujetties (voir, par analogie, arrêt du 8 juin 2000, Epson Europe, C‑375/98, EU:C:2000:302, point 22).
38 Ainsi, contrairement à ce que soutient le gouvernement italien, si l’article 2 de la directive 2011/96 définit le champ d’application ratione personae de cette dernière, cet article n’est, en revanche, pas pertinent en vue de déterminer le champ d’application ratione materiae de celle‑ci. Dès lors, le fait que l’IRAP ne fait pas partie des impôts mentionnés à l’annexe I, partie B, de cette directive, auquel renvoie l’article 2, sous a), iii), de celle-ci ne signifie nullement que cet impôt serait
exclu du champ d’application matériel de ladite directive.
39 En troisième et dernier lieu, sur le plan téléologique, ainsi qu’il résulte de son considérant 3, la directive 2011/96 poursuit l’objectif d’éliminer la double imposition des bénéfices distribués par une filiale à sa société mère au niveau de la société mère.
40 En outre, selon la jurisprudence de la Cour, afin d’atteindre l’objectif de la neutralité, sur le plan fiscal, de la distribution de bénéfices par une société filiale sise dans un État membre à sa société mère établie dans un autre État membre, la directive 2011/96 entend éviter, notamment, par la règle prévue à son article 4, paragraphe 1, sous a), une double imposition de ces bénéfices, en termes économiques, c’est-à-dire éviter que les bénéfices distribués ne soient frappés, une première fois,
au niveau de la société filiale et, une seconde fois, au niveau de la société mère (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 12 mai 2022, Schneider Electric e.a., C‑556/20, EU:C:2022:378, point 45 ; voir également, en ce sens, arrêt du 13 mars 2025, John Cockerill, C‑135/24, EU:C:2025:176, point 33).
41 Dès lors, dans la mesure où cette directive vise à éviter la double imposition de ces bénéfices « en termes économiques », il y a lieu de considérer que le système d’exonération vise tout impôt qui, dans l’État membre de résidence de la société mère, inclut dans son assiette ne serait-ce qu’une partie desdits bénéfices, quelle que soit sa nature.
42 En l’occurrence, le décret législatif no 446/1997 modifié prévoit, à son article 6, paragraphe 1, que, s’agissant des intermédiaires financiers, l’assiette de l’IRAP est constituée de la somme algébrique de plusieurs éléments, au nombre desquels figure, au point a) de cette disposition, le produit net bancaire, réduit de 50 % des dividendes.
43 Dès lors que, ainsi que le précise le gouvernement italien, le produit net bancaire inclut l’ensemble des dividendes, l’article 6, paragraphe 1, sous a), du décret législatif no 446/1997 modifié a pour effet que 50 % des dividendes sont inclus dans la base imposable de l’IRAP dont sont redevables les intermédiaires financiers, indépendamment de l’origine de ces dividendes.
44 Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que le système d’exonération s’oppose à une réglementation nationale qui permet l’inclusion des dividendes qu’une société mère perçoit de ses filiales résidant dans d’autres États membres dans l’assiette d’un impôt, tel que l’IRAP, en sus de l’inclusion de ces dividendes, dans une mesure correspondant à 5 % de leur montant, dans l’assiette d’un impôt sur les revenus des sociétés, tel que l’IRES.
45 Par ailleurs, au regard de l’argument du gouvernement italien selon lequel, en substance, le résultat visé au point précédent est susceptible de donner lieu à une discrimination à rebours défavorable à une société mère résidant en Italie qui perçoit des dividendes de ses filiales italiennes, prétendument en violation du principe d’égalité de traitement, force est de constater que la situation ainsi évoquée par ce gouvernement serait purement interne à la République italienne.
46 Or, selon la jurisprudence, le principe d’égalité de traitement consacré par le droit de l’Union ne peut pas être invoqué dans une situation purement interne. Dans une telle situation, il appartient aux juridictions nationales d’apprécier s’il existe une discrimination prohibée par le droit interne et, le cas échéant, de déterminer comment celle-ci doit être éliminée (ordonnance du 5 avril 2004, Mosconi et Ordine degli Ingegneri di Verona e Provincia, C‑3/02, EU:C:2004:224, point 53 ainsi que
jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 2 avril 2020, PF e.a., C‑830/18, EU:C:2020:275, point 35 ainsi que jurisprudence citée).
47 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de répondre à la question préjudicielle que l’article 4 de la directive 2011/96 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale par laquelle un État membre qui a choisi le système d’exonération peut imposer, dans une mesure supérieure à 5 % de leur montant, les dividendes que les intermédiaires financiers résidant dans cet État membre perçoivent, en tant que sociétés mères au sens de cette directive, de leurs filiales résidant
dans d’autres États membres, y compris lorsque cette imposition est réalisée au moyen d’un impôt qui n’est pas un impôt sur les revenus des sociétés, mais inclut dans son assiette ces dividendes ou une fraction de ceux-ci.
Sur les dépens
48 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :
L’article 4 de la directive 2011/96/UE du Conseil, du 30 novembre 2011, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents,
doit être interprété en ce sens que :
il s’oppose à une réglementation nationale par laquelle un État membre qui a choisi le système prévu au paragraphe 1, sous a), de cet article puisse imposer, dans une mesure supérieure à 5 % de leur montant, les dividendes que les intermédiaires financiers résidant dans cet État membre perçoivent, en tant que sociétés mères au sens de cette directive, de leurs filiales résidant dans d’autres États membres, y compris lorsque cette imposition est réalisée au moyen d’un impôt qui n’est pas un impôt
sur les revenus des sociétés, mais inclut dans son assiette ces dividendes ou une fraction de ceux-ci.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : l’italien.