ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)
1er août 2025 ( *1 )
« Pourvoi – Mesures restrictives prises au regard de la situation en Ukraine – Décision 2014/145/PESC – Article 1er, paragraphe 1, in fine – Mesures restrictives imposées à une personne physique associée à une autre personne physique faisant elle-même l’objet de mesures restrictives – Notion d’“association dans le cas de deux personnes unies par un lien familial” »
Dans l’affaire C‑703/23 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 16 novembre 2023,
Elena Petrovna Timchenko, demeurant à Genève (Suisse), représentée par Mes S. Bonifassi, T. Bontinck et E. Fedorova, avocats,
partie requérante,
les autres parties à la procédure étant :
Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme M.-C. Cadilhac et M. V. Piessevaux, en qualité d’agents,
partie défenderesse en première instance,
Commission européenne, représentée par Mme M. Carpus-Carcea, MM. C. Giolito et H. Krämer, en qualité d’agents,
partie intervenante en première instance,
LA COUR (cinquième chambre),
composée de Mme M. L. Arastey Sahún (rapporteure), présidente de chambre, MM. D. Gratsias, E. Regan, J. Passer et B. Smulders, juges,
avocat général : Mme L. Medina,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 10 avril 2025,
rend le présent
Arrêt
1 Par son pourvoi, la requérante demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 6 septembre 2023, Timchenko/Conseil (T‑361/22, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2023:502), par lequel celui-ci a rejeté son recours visant, premièrement, à faire annuler, d’une part, la décision (PESC) 2022/582 du Conseil, du 8 avril 2022, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté
et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 110, p. 55), et le règlement d’exécution (UE) 2022/581 du Conseil, du 8 avril 2022, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 110, p. 3) (ci-après, pris ensemble, les « actes initiaux litigieux »), ainsi que, d’autre part, la décision (PESC) 2022/1530 du Conseil, du 14 septembre 2022,
modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 239, p. 149), et le règlement d’exécution (UE) 2022/1529 du Conseil, du 14 septembre 2022, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO
2022, L 239, p. 1) (ci-après, pris ensemble, les « actes de maintien litigieux »), en tant que les actes initiaux et de maintien litigieux (ci-après, pris ensemble, les « actes litigieux ») la concernent, et, deuxièmement, à obtenir réparation du préjudice moral qu’elle aurait subi du fait de l’adoption des actes litigieux.
Le cadre juridique et les antécédents du litige
2 Le contexte factuel et juridique de l’espèce est exposé aux points 2 à 16 de l’arrêt attaqué. Pour les besoins de la présente procédure, il peut être résumé et complété comme suit.
La décision 2014/145
3 À la suite de l’invasion de l’Ukraine par les forces armées de la Fédération de Russie le 24 février 2022, le Conseil de l’Union européenne a adopté, le 25 février 2022, la décision (PESC) 2022/329 modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 50, p. 1).
4 L’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2014/145/PESC du Conseil, du 17 mars 2014, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2014, L 78, p. 16), telle que modifiée par la décision 2022/329 (ci-après la « décision 2014/145 »), proscrit l’entrée ou le passage en transit sur le territoire des États membres des personnes physiques répondant aux critères prévus notamment à ses
points a), b) et e), tandis que l’article 2, paragraphe 1, de la décision 2014/145 prévoit le gel des fonds et ressources économiques des personnes physiques répondant aux critères prévus notamment à ses points a), d) et g), ces derniers critères étant en substance identiques à ceux prévus aux points a), b) et e) de l’article 1er, paragraphe 1, de cette décision. Par ailleurs, l’article 1er, paragraphe 1, in fine, et l’article 2, paragraphe 1, in fine, de ladite décision prévoient que de telles
mesures restrictives peuvent également être imposées à l’égard, notamment, des personnes physiques associées aux personnes physiques qui font elles-mêmes l’objet de mesures restrictives au titre des critères susmentionnés.
5 L’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2014/145 se lit comme suit :
« Les États membres prennent les mesures nécessaires pour empêcher l’entrée ou le passage en transit sur leur territoire :
a) des personnes physiques qui sont responsables d’actions ou de politiques qui compromettent ou menacent l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, ou la stabilité ou la sécurité en Ukraine, ou qui font obstruction à l’action d’organisations internationales en Ukraine, des personnes physiques qui soutiennent ou mettent en œuvre de telles actions ou politiques ;
b) des personnes physiques qui apportent un soutien matériel ou financier aux décideurs russes responsables de l’annexion de la Crimée ou de la déstabilisation de l’Ukraine, ou qui tirent avantage de ces décideurs ;
[...]
e) des femmes et hommes d’affaires influents ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine,
et les personnes physiques qui leur sont associés, dont la liste figure en annexe. »
Le règlement no 269/2014
6 Le 25 février 2022, le Conseil a adopté le règlement (UE) 2022/330 modifiant le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L. 51, p. 1).
7 Dans ce cadre, le Conseil a introduit, à l’article 3, paragraphe 1, sous a), d), g) et in fine, du règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2014, L 78, p. 6), tel que modifié par le règlement 2022/330 (ci-après le « règlement no 269/2014 »), les mêmes critères que ceux reproduits au point 5 du présent arrêt.
Les actes litigieux
Les actes initiaux litigieux
8 Le 8 avril 2022, au vu de la gravité de la situation en Ukraine, le Conseil a adopté les actes initiaux litigieux. Les considérants 6 et 7 de chacun de ces actes énoncent :
« (6) Dans ses conclusions du 24 mars 2022, le Conseil européen a déclaré que la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine viole le droit international de façon flagrante et entraîne d’énormes pertes de vies humaines et un nombre considérable de blessés parmi les civils, et que l’Union [européenne] se tient prête à combler les failles et à s’en prendre aux contournements avérés et éventuels des mesures restrictives déjà adoptées, ainsi qu’à adopter rapidement de nouvelles sanctions
coordonnées et fortes visant la Russie et la Biélorussie afin de contrer efficacement les capacités de la Russie à poursuivre l’agression.
(7) Compte tenu de la gravité de la situation, le Conseil estime qu’il convient d’imposer des mesures restrictives aux femmes et hommes d’affaires influents ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie et aux personnes qui le soutiennent ou en tirent avantage, ainsi qu’aux personnes physiques qui leur sont associées, y compris des membres de leur famille qui tirent indûment avantage de ces femmes et
hommes d’affaires. »
9 Par ailleurs, par lesdits actes, le nom de la requérante a été ajouté, respectivement, sur la liste annexée à la décision 2014/145 et sur celle figurant à l’annexe I du règlement no 269/2014, pour les motifs suivants :
« [Mme] Elena [Petrovna] Timchenko est l’épouse du milliardaire Gennady Timchenko, inscrit sur la liste figurant dans la [décision 2014/145]. Elle participe à ses affaires publiques par l’intermédiaire de la Fondation Timchenko. Elle tire donc avantage de [M.] Gennady Timchenko qui est responsable du soutien apporté aux actions et politiques qui compromettent ou menacent l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, et tire avantage des décideurs russes responsables de
l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine. »
Les actes de maintien litigieux
10 Le 14 septembre 2022, le Conseil a adopté les actes de maintien litigieux afin de prolonger les mesures restrictives adoptées contre la requérante. Ces actes se fondent sur des motifs identiques à ceux figurant dans les actes initiaux litigieux et reproduits au point précédent.
La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
11 Par requête du 17 juin 2022, la requérante a demandé au Tribunal d’annuler les actes litigieux pour autant qu’ils la concernent et de lui accorder réparation du préjudice moral qu’elle prétendait avoir subi du fait de l’adoption de ces actes. Dans le cadre de son recours en annulation, elle faisait notamment valoir que le Conseil avait commis une erreur d’appréciation en considérant qu’elle était « associée », au sens notamment de l’article 1er, paragraphe 1, in fine, de la décision 2014/145
(ci-après le « critère de l’association »), à son mari, lequel s’était vu imposer des mesures restrictives au titre notamment de l’article 1er, paragraphe 1, sous a) de cette décision [ci-après le « critère a) »].
12 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a notamment écarté, aux points 67 à 85 de l’arrêt attaqué, le moyen de la requérante tiré d’une erreur d’appréciation. Ayant estimé, aux points 74 à 76 de cet arrêt, que la notion d’association visait notamment des membres d’une même famille liés par des intérêts communs allant au-delà de la relation familiale qui les unit et que cette définition n’était pas remise en cause par les considérants 7 des actes initiaux litigieux, le Tribunal a constaté, aux points 77
et 78 dudit arrêt, que la requérante, membre du conseil d’administration de la fondation Timchenko, et son mari étaient les fondateurs de cette dernière et y jouaient un rôle actif en ce qu’ils étaient directement liés à ses activités opérationnelles et disposaient de pouvoirs substantiels.
13 Le Tribunal en a alors conclu, au point 79 du même arrêt, que le Conseil avait pu, sans commettre d’erreur d’appréciation, considérer que la requérante était, au sein de la fondation Timchenko, associée à son mari, qui, lui-même, ainsi que cela résultait de l’arrêt du 6 septembre 2023, Timchenko/Conseil (T‑252/22, EU:T:2023:496), remplissait notamment le critère a), et adopter en conséquence des mesures restrictives à son égard.
14 Le Tribunal a en outre écarté, au point 82 de l’arrêt attaqué, l’argument de la requérante selon lequel ses activités au sein de la fondation Timchenko étaient sans lien avec l’invasion de l’Ukraine, au motif que le critère a) ne prévoyait pas d’établir un tel lien.
15 Ayant par ailleurs écarté les autres moyens de la requérante ainsi que rejeté sa demande indemnitaire, le Tribunal a rejeté le recours dans son intégralité.
La procédure devant la Cour et les conclusions des parties
16 Par son pourvoi, la requérante demande à la Cour :
– d’annuler l’arrêt attaqué ;
– d’évoquer le recours au fond et d’annuler les actes litigieux en ce qu’ils la concernent, et
– de condamner le Conseil aux dépens des deux instances.
17 Le Conseil demande à la Cour :
– de rejeter le pourvoi et
– de condamner la requérante aux dépens.
18 La Commission européenne demande à la Cour :
– de rejeter le pourvoi et
– de condamner la requérante aux dépens.
Sur le pourvoi
19 La requérante soulève trois moyens au soutien de son pourvoi, le premier étant tiré d’une erreur de droit que le Tribunal aurait commise en retenant une interprétation arbitraire et abusivement large du critère de l’association en lien avec la notion d’« intérêts communs », le deuxième étant tiré d’une erreur de droit dans l’interprétation du terme « indûment » figurant au considérant 7 de la décision 2022/582 et le troisième étant tiré d’une erreur de droit dans l’interprétation de ce critère au
regard de l’objectif poursuivi par les mesures restrictives ainsi que d’une violation de l’obligation de motivation.
Sur le premier moyen
Argumentation des parties
20 Par son premier moyen, la requérante reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit dans son interprétation du critère de l’association, en ce que celle-ci reviendrait à permettre d’appliquer ce critère à des personnes physiques du seul fait de l’existence d’un lien familial avec une personne faisant l’objet de mesures restrictives, en contradiction avec la jurisprudence issue notamment de l’arrêt du 13 mars 2012, Tay Za/Conseil (C‑376/10 P, EU:C:2012:138). En effet, le Tribunal aurait
considéré, aux points 74 et 76 de l’arrêt attaqué, que, lorsqu’une personne physique est un membre de la famille d’une personne faisant l’objet de telles mesures, il conviendrait d’établir l’existence objective d’une « imbrication d’intérêts communs » qui ne devraient pas nécessairement se traduire par une activité économique ni être formalisés dans une structure juridique commune. Par ces termes vagues, le Tribunal aurait cherché à couvrir de très nombreuses situations sans identifier des
intérêts communs allant au-delà de la seule relation familiale et sans préciser la notion d’« imbrication d’intérêts communs », en violation du principe de sécurité juridique.
21 Tout en reconnaissant qu’il est nécessaire de prendre en considération le contexte et les circonstances de chaque espèce, la requérante considère que le Tribunal aurait dû expliquer en quoi, par leur nature, par leur qualité et par leur quantité, de tels intérêts communs dépassaient la simple communauté d’intérêts inhérente à toute relation familiale pour pouvoir caractériser l’existence objective d’une telle imbrication. Or, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait conclu que la requérante était
associée à son mari sans identifier de quelconques liens d’affaires ou des types d’intérêts communs, qu’ils soient économiques, capitalistiques ou autres, qui uniraient les deux époux au-delà de la relation familiale qui les unit. La requérante précise que, aux points 77 et 78 de l’arrêt attaqué, le Tribunal se serait contenté de déduire une association entre elle et son mari des fonctions et pouvoirs habituels liés au statut de fondateur d’une association caritative, alors que l’intérêt commun
des époux à mener une activité caritative s’inscrirait dans le cadre de leur relation familiale.
22 Le Conseil estime que la requérante cherche à remettre en cause l’appréciation des éléments factuels opérée par le Tribunal aux points 77 et 78 de l’arrêt attaqué. Or, sauf en cas de dénaturation non invoquée en l’espèce par cette requérante, l’appréciation des faits et des éléments de preuve ne constituerait pas une question de droit soumise au contrôle de la Cour dans la procédure de pourvoi, de sorte que les arguments de ladite requérante devraient, dans cette mesure, être déclarés
irrecevables. Pour le reste, le Conseil conteste les arguments de la requérante sur le fond.
23 La Commission conteste le bien-fondé des arguments de la requérante.
Appréciation de la Cour
– Sur la recevabilité
24 Il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 256 TFUE et de l’article 58 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le pourvoi est limité aux questions de droit. Le Tribunal est seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que pour apprécier les éléments de preuve. L’appréciation de ces faits et éléments de preuve ne constitue donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le
cadre d’un pourvoi (arrêt du 4 octobre 2024, Ferriere Nord/Commission, C‑31/23 P, EU:C:2024:851 point 89 et jurisprudence citée). En revanche, la Cour est compétente pour exercer, en vertu de l’article 256 TFUE, un contrôle sur la qualification juridique de ces faits et les conséquences de droit qui en ont été tirées par le Tribunal (arrêt du 1er octobre 2014, Conseil/Alumina, C‑393/13 P, EU:C:2014:2245, point 16 et jurisprudence citée).
25 En l’espèce, le Conseil estime que la requérante cherche à remettre en cause, par certains de ses arguments, l’appréciation des éléments de fait et de preuve opérée par le Tribunal aux points 77 et 78 de l’arrêt attaqué.
26 Ce motif d’irrecevabilité ne saurait prospérer. En effet, il ressort clairement du pourvoi que, par son premier moyen, la requérante ne vise pas à remettre en cause les constatations et appréciations factuelles relatives à son association à son mari, telles qu’elles ont été effectuées par le Tribunal aux points 77 et 78 de l’arrêt attaqué. En critiquant ces points, elle fait grief au Tribunal d’avoir conclu, au point 79 de cet arrêt, à l’existence d’une telle association sans avoir identifié, au
mépris des critères qu’il avait pourtant établis aux points 74 et 76 dudit arrêt, des intérêts communs qui uniraient les deux époux au-delà de leur relation familiale. Dans ces conditions, les arguments de la requérante portent sur le contrôle de la qualification juridique des faits et sur les conséquences de droit qui en ont été tirées par le Tribunal, au sens de la jurisprudence rappelée au point 24 du présent arrêt. Partant, le premier moyen est recevable dans son intégralité.
– Sur le fond
27 Par son premier moyen, la requérante reproche au Tribunal, en premier lieu, d’avoir, aux points 74 et 76 de l’arrêt attaqué, retenu, en méconnaissance de la jurisprudence issue notamment de l’arrêt du 13 mars 2012, Tay Za/Conseil (C‑376/10 P, EU:C:2012:138), une interprétation du critère de l’association tellement large que celui-ci pourrait être appliqué à des personnes physiques du seul fait de l’existence d’un lien familial avec une personne faisant elle-même l’objet de mesures restrictives.
Elle considère également que l’interprétation large retenue par le Tribunal enfreint le principe de sécurité juridique.
28 En l’espèce, le Tribunal a considéré, aux points 74 et 76 de l’arrêt attaqué, que la notion d’association vise notamment des personnes physiques ou morales qui sont, de façon générale, liées par des intérêts communs sans pour autant nécessiter un lien au moyen d’une activité économique. Ainsi, cette notion concerne toute personne physique qui présente un lien allant au-delà de la relation familiale qui l’unit avec une personne faisant l’objet de mesures restrictives. Le Tribunal a précisé que,
lorsque ces personnes sont liées par une relation familiale, il convenait d’établir l’existence objective d’une « imbrication d’intérêts communs », laquelle ne devait pas forcément être formalisée dans une structure juridique créée à cet effet.
29 Cette définition ne revient pas à circonscrire la notion d’association à l’existence d’un simple lien familial. L’interprétation retenue par le Tribunal implique en effet que des intérêts communs allant objectivement au-delà d’un tel lien doivent être rapportés pour que les membres d’une famille puissent être considérés comme étant « associés », au sens du critère de l’association.
30 Ce faisant, le Tribunal a jugé que les intérêts communs de tels membres doivent dépasser la simple communauté d’intérêts inhérente à toute relation familiale.
31 Dès lors qu’il suffit que de tels intérêts communs aillent objectivement au-delà de la relation familiale qui unit les deux personnes concernées, il n’est pas nécessaire, ainsi que le Tribunal l’a jugé à bon droit et contrairement à ce que la requérante affirme, que ces intérêts se traduisent par une activité économique ou soient formalisés dans une structure juridique.
32 En effet, compte tenu du fait que le terme « associés » figurant notamment à l’article 1er, paragraphe 1, in fine, de la décision 2014/145 est utilisé de manière générale sans aucune autre précision ni contextualisation et que, ainsi qu’il ressort également, en substance, des considérants 6 et 7 de chacun des actes initiaux litigieux, l’imposition de mesures restrictives à des personnes associées à d’autres personnes faisant elles-mêmes l’objet de telles mesures vise à éviter le risque de
contournement de ces dernières (voir, par analogie, arrêts du 14 juin 2018, Makhlouf/Conseil, C‑458/17 P, EU:C:2018:441, point 79, ainsi que du 1er octobre 2020, Souruh/Conseil, C‑350/19 P, EU:C:2020:784, point 83), la notion d’association doit recevoir une interprétation large qui ne saurait par conséquent être limitée aux associations présentant des liens d’affaires ou des liens économiques ou capitalistiques (voir, par analogie, arrêt du 11 novembre 2021, Bank Sepah, C‑340/20, EU:C:2021:903,
point 56).
33 Par ailleurs, le Tribunal n’a pas méconnu le principe de sécurité juridique en interprétant la notion d’association de la manière exposée au point 28 du présent arrêt. Il convient en effet de rappeler que ce principe, qui exige que les règles de droit soient claires et précises et que leur application soit prévisible pour les justiciables, en particulier lorsqu’elles peuvent avoir des conséquences défavorables, ne saurait être compris comme imposant au législateur ou au juge de l’Union, dans le
cadre d’une norme que le premier adopte et le second interprète, de mentionner les différentes hypothèses concrètes dans lesquelles une norme abstraite est susceptible de s’appliquer, dans la mesure où toutes ces hypothèses ne peuvent pas être déterminées à l’avance [voir, en ce sens, arrêt du 4 octobre 2024, Lituanie e.a./Parlement et Conseil (Paquet mobilité), C‑541/20 à C‑555/20, EU:C:2024:818, points 159 et 160 ainsi que jurisprudence citée].
34 Ainsi que Mme l’avocate générale l’a souligné au point 55 de ses conclusions, le Tribunal a, aux points 74 et 76 de l’arrêt attaqué, identifié, comme cela ressort du point 28 du présent arrêt, des critères suffisamment clairs et précis aux fins de l’application de cette notion dans le cas de deux personnes unies par un lien familial, alors qu’il ne s’imposait pas à lui de mentionner dans le détail les hypothèses dans lesquelles ladite notion était susceptible de s’appliquer du fait que, d’une
part, celle-ci doit recevoir une interprétation large et que, d’autre part, ainsi que le Tribunal l’a relevé au point 74 de l’arrêt attaqué et comme la requérante l’admet elle-même dans ses écrits devant la Cour, les types de relation qu’elle peut recouvrir dépendent « des contextes et des circonstances en cause ».
35 En second lieu, la requérante reproche au Tribunal d’avoir conclu, au point 79 de l’arrêt attaqué, qu’elle était associée à son mari alors que, contrairement à ce qu’il avait annoncé aux points 74 à 76 de cet arrêt, il n’aurait pas identifié, au regard des constatations de fait rapportées aux points 77 et 78 dudit arrêt, l’existence objective d’une « imbrication d’intérêts communs » qui unirait les deux époux au-delà de leur relation familiale.
36 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, au titre du contrôle de la légalité des motifs sur lesquels est fondée la décision d’inscrire ou de maintenir le nom d’une personne sur la liste des personnes faisant l’objet de mesures restrictives, l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne exige que le juge de l’Union vérifie, outre le caractère suffisamment précis et concret des motifs invoqués, la question de savoir si
ces motifs ou, à tout le moins, l’un d’entre eux constituent en soi une base suffisante pour soutenir cette décision. Par ailleurs, le juge de l’Union est tenu de s’assurer que cette dernière, qui revêt une portée individuelle pour la personne concernée, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la
vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur le point de savoir si ces motifs ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir la même décision sont étayés (voir, en ce sens, arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, points 118 et 119 ; du 28 novembre 2013, Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft, C‑348/12 P, EU:C:2013:776, points 72 et 73 ainsi que jurisprudence citée, et du
19 décembre 2018, Azarov/Conseil, C‑530/17 P, EU:C:2018:1031, point 22 ainsi que jurisprudence citée).
37 Ainsi que cela ressort du point 47 de l’arrêt attaqué non contesté dans le pourvoi, la requérante a fait l’objet de mesures restrictives au titre du critère de l’association, au motif que, par l’intermédiaire de l’action qu’elle déployait au sein de la fondation Timchenko, elle participait aux affaires publiques de son mari, M. Timchenko, et en tirait avantage.
38 Aux points 77 et 78 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a indiqué que la requérante et son mari ont créé la fondation Timchenko et sont directement liés aux activités opérationnelles que celle-ci déploie. Il a également constaté que leur rôle actif au sein de cette fondation est notamment confirmé par les fonctions et les pouvoirs qu’ils y exercent. Dès lors, il ne saurait être reproché au Tribunal de s’être abstenu de vérifier si ces éléments de fait remplissaient les critères de la notion
d’association établis aux points 74 à 76 de l’arrêt attaqué.
39 Par conséquent, contrairement à ce que soutient la requérante, il y a lieu de considérer, ainsi que Mme l’avocate générale l’a indiqué au point 62 de ses conclusions, que, afin de conclure, au point 79 de l’arrêt attaqué, que cette requérante était associée à son mari, au sens du critère de l’association, le Tribunal a pu, à bon droit, considérer que ces époux étaient liés par des intérêts communs qui vont au-delà de la simple communauté d’intérêts inhérente à toute relation familiale, fût-elle
une relation maritale.
40 Eu égard aux motifs qui précèdent, il y a lieu d’écarter le premier moyen comme étant non fondé.
Sur le deuxième moyen
Argumentation des parties
41 Dans le cadre de son deuxième moyen, la requérante fait grief au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en interprétant le terme « indûment » figurant au considérant 7 de la décision 2022/582. En effet, en prévoyant la possibilité d’appliquer le critère de l’association aux membres de la famille qui tirent indûment avantage d’une personne faisant elle-même l’objet de mesures restrictives, le législateur de l’Union aurait souhaité, pour éviter que de tels membres fassent l’objet de mesures
restrictives en raison de leur seul lien familial, imposer la démonstration d’un avantage indu, c’est-à-dire d’un avantage particulier d’une certaine intensité allant au-delà d’une relation familiale normale.
42 Or, au point 76 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait interprété le terme « indûment » comme imposant la démonstration d’un élément moral imputable au membre de la famille concerné, à savoir le fait que ce dernier devait avoir conscience que l’avantage tiré provenait d’une personne remplissant l’un des critères prévus pour l’adoption de mesures restrictives. Outre le fait qu’il serait impossible de prouver l’absence d’une telle prise de conscience, la requérante considère que l’interprétation
retenue par le Tribunal n’est « pas raisonnable », en ce que ce dernier n’expliquerait pas en quoi cette prise de conscience pourrait objectivement rendre indus les avantages tirés d’une relation familiale. En outre, cette interprétation reviendrait à obliger le membre de la famille concerné à déterminer a priori si la personne avec laquelle elle est unie par un lien familial remplit les critères d’inscription prévus dans un acte tel que la décision 2014/145, ce qui serait contraire au principe
de prévisibilité.
43 Le Conseil et la Commission contestent les arguments de la requérante tout en convenant, à titre subsidiaire, que le Tribunal n’a effectivement pas retenu une interprétation correcte du terme « indûment ».
Appréciation de la Cour
44 Par son deuxième moyen, la requérante reproche, en substance, au Tribunal de ne pas avoir correctement interprété, au point 76 de l’arrêt attaqué, le terme « indûment » figurant au considérant 7 de la décision 2022/582, à savoir l’un des deux actes initiaux litigieux.
45 Le considérant 7 de la décision 2022/582, de même d’ailleurs que le considérant 7 du règlement d’exécution 2022/581, qui est le second des actes initiaux litigieux, énonce que des mesures restrictives peuvent être imposées aux personnes physiques associées à des femmes et à des hommes d’affaires influents ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie et que ces personnes physiques associées peuvent
inclure, ainsi qu’il découle de l’expression « y compris », des membres de la famille qui tirent « indûment » avantage de ces femmes et de ces hommes d’affaires.
46 Au point 76 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a notamment déclaré que, en employant l’adverbe « indûment », le législateur de l’Union avait voulu mettre en évidence le fait que le membre de la famille concerné devait avoir conscience que l’avantage tiré provenait d’une personne remplissant l’un des critères justifiant l’adoption de mesures restrictives.
47 À cet égard, il y a lieu de juger, ainsi que le reconnaissent unanimement les parties, que le Tribunal n’a pas correctement interprété l’adverbe « indûment » figurant aux considérants 7 des actes initiaux litigieux.
48 En effet, d’une part, il ne ressort pas de la formulation de ces considérants 7 que le caractère indu de l’avantage devrait nécessairement dépendre d’un élément intentionnel, à savoir du fait que le membre de la famille concerné en ait eu conscience.
49 D’autre part, la notion d’association ne saurait correspondre ni être restreinte aux seuls cas dans lesquels un membre de la famille tire avantage d’une personne faisant l’objet de mesures restrictives en raison du fait que ce membre de la famille a conscience que cet avantage provient d’une personne qui remplit un ou plusieurs critères d’inscription. En effet, compte tenu du fait que l’imposition de mesures restrictives au titre du critère de l’association vise, ainsi que cela ressort du
point 32 du présent arrêt, à éviter les risques de contournement, un tel objectif ne pourrait pas être pleinement et efficacement atteint s’il fallait systématiquement établir, à l’égard du membre de la famille concerné, l’existence d’une telle conscience. Dès lors, l’interprétation retenue par le Tribunal du terme « indûment » est contraire à l’objectif poursuivi par le critère de l’association.
50 Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que les considérants 7 des actes initiaux litigieux visent à expliciter, à titre purement exemplatif en raison de l’utilisation de l’expression « y compris » et, partant, sans préjudice d’autres formes d’association, la notion d’association dans le cas où les deux personnes associées se trouvent unies par une relation familiale. Ces considérants 7 reflètent l’idée que, comme cela est exposé aux points 30 et 31 du présent arrêt, une personne physique
ne peut pas faire l’objet de mesures restrictives lorsqu’elle n’est pas liée à des personnes faisant elles-mêmes l’objet de telles mesures par des intérêts communs allant objectivement au-delà de la relation familiale qui les unit.
51 L’erreur d’interprétation commise par le Tribunal à la dernière phrase du point 76 de l’arrêt attaqué est toutefois sans incidence sur le dispositif de l’arrêt attaqué, lequel reste fondé sur d’autres motifs de droit, de sorte que cet arrêt n’encourt pas l’annulation (arrêt du 6 octobre 2021, Prosegur Compañía de Seguridad/Commission, C‑55/19 P, EU:C:2021:797, point 106 et jurisprudence citée).
52 En effet, l’interprétation incorrecte du terme « indûment » par le Tribunal ne remet pas en cause l’interprétation que celui-ci a retenue, au point 74 et à la première phrase du point 76 de l’arrêt attaqué, de la notion d’association dans le cas des membres d’une même famille, cette dernière interprétation n’étant pas entachée d’erreurs de droit ainsi que cela ressort des points 29 à 32 du présent arrêt.
53 En outre, l’erreur d’interprétation du Tribunal est sans incidence sur l’appréciation du bien-fondé du motif pour lequel la requérante a fait l’objet de mesures restrictives. En effet, le Tribunal n’a pas examiné, à un quelconque point de l’arrêt attaqué, si la requérante avait conscience que l’avantage qu’elle pouvait tirer de sa participation aux affaires publiques de son mari par l’intermédiaire de la fondation Timchenko provenait d’une personne remplissant l’un des critères d’inscription
prévus par la décision 2014/145 et par le règlement no 269/2014.
54 Dans ces conditions, il y a lieu d’écarter le deuxième moyen comme étant non fondé.
Sur le troisième moyen
Argumentation des parties
55 Par son troisième moyen, la requérante fait valoir que, au point 82 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a commis une erreur de droit et a violé son obligation de motivation en se contentant de rejeter son argument selon lequel ses activités au sein de la fondation Timchenko n’avaient aucun lien avec l’invasion de l’Ukraine au motif que le critère a) ayant justifié l’adoption de mesures restrictives contre son mari ne prévoyait pas d’établir un tel lien. Considérant que les mesures restrictives
adoptées contre elle au titre du critère de l’association doivent être nécessaires à la réalisation des objectifs poursuivis par le régime de mesures restrictives institué contre la Fédération de Russie, à savoir faire pression sur le gouvernement de la Fédération de Russie et accroître le coût des actions de cet État visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, la requérante estime que le Tribunal aurait dû expliquer, à ce point de l’arrêt
attaqué, en quoi l’imposition de mesures restrictives à son égard permettait d’atteindre ces objectifs.
56 Le Conseil et la Commission contestent les arguments de la requérante, étant précisé que le Conseil considère que, pour autant qu’il vise la proportionnalité du critère de l’association et des mesures restrictives prises sur son fondement, le troisième moyen est irrecevable dès lors que la requérante avait déclaré renoncer, devant le Tribunal, au moyen tiré d’une violation du principe de proportionnalité.
Appréciation de la Cour
57 Par son troisième moyen, la requérante reproche, en substance, au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit et d’avoir violé son obligation de motivation en s’abstenant de vérifier et d’expliquer, au point 82 de l’arrêt attaqué, si et en quoi les mesures restrictives qui lui ont été imposées permettent d’atteindre les objectifs poursuivis par le régime de mesures restrictives institué contre la Fédération de Russie.
58 À titre liminaire, il y a lieu de souligner que la requérante confirme dans son mémoire en réplique que, par ce moyen, elle ne fait pas valoir une violation du principe de proportionnalité, mais qu’elle considère que le Tribunal aurait dû vérifier si, en raison des intérêts communs avec son époux allant au-delà de la relation familiale les unissant, il existait un lien suffisant entre elle et la situation visée par le régime de mesures restrictives institué contre la Fédération de Russie. Dans
ces conditions, il n’est pas nécessaire de statuer sur le motif d’irrecevabilité soulevé par le Conseil.
59 Sur le fond, il y a lieu de rappeler que, au point 82 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a écarté l’argument de la requérante selon lequel les activités de cette dernière au sein de la fondation Timchenko sont sans lien avec l’invasion de l’Ukraine. À cet égard, il a indiqué que le critère a) prévu notamment par la décision 2014/145 ne prévoyait pas d’établir un tel lien.
60 Ce faisant, le Tribunal n’a ni commis une erreur de droit ni manqué à son obligation de motivation.
61 En effet, premièrement, ainsi que le Tribunal l’a jugé, en substance, à bon droit au point 82 de l’arrêt attaqué, ni le critère a), sur le fondement duquel des mesures restrictives ont été imposées au mari de la requérante, ni par ailleurs le critère de l’association, au titre duquel la requérante s’est vu imposer de telles mesures, ne prévoient que le Conseil serait tenu de rapporter que les activités de la requérante ont un lien avec les actions ou politiques de déstabilisation menées par la
Fédération de Russie contre l’Ukraine. En particulier, le critère de l’association dépend uniquement de l’existence d’un lien entre la personne concernée et la personne à laquelle elle est associée et qui fait elle-même l’objet de mesures restrictives au titre d’un autre critère d’inscription.
62 La motivation du Tribunal est d’ailleurs conforme à la jurisprudence de la Cour selon laquelle l’importance des objectifs poursuivis par un acte de l’Union établissant un régime de mesures restrictives est de nature à justifier des conséquences négatives, même considérables, pour certaines personnes, y compris pour celles qui, à l’instar de personnes associées à une personne ou à une entité faisant l’objet de mesures restrictives, n’ont aucune responsabilité quant à la situation ayant conduit à
l’adoption des mesures concernées (voir, en ce sens, arrêt du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, points 361 et 362).
63 Deuxièmement, le Tribunal n’avait, dans ces conditions, nullement besoin, pour répondre à l’argument de la requérante selon lequel ses activités au sein de la fondation Timchenko étaient sans lien avec l’invasion de l’Ukraine, d’examiner la question, distincte, de savoir si les mesures restrictives qui lui avaient été imposées au titre du critère de l’association permettaient d’atteindre les objectifs poursuivis par le régime de mesures restrictives adopté par l’Union contre la Fédération de
Russie. Au surplus, il suffit de rappeler que, ainsi que cela ressort du point 32 du présent arrêt, les mesures restrictives imposées à des personnes associées telles que la requérante visent à éviter un risque de contournement des mesures restrictives imposées à titre primaire à l’associé de ces personnes, de sorte qu’il serait en tout état de cause indifférent de vérifier si les mesures restrictives adoptées contre la requérante permettent également d’atteindre les autres objectifs que ce
régime poursuivrait selon les allégations de celle-ci résumées au point 55 du présent arrêt.
64 Il convient par conséquent également d’écarter le troisième moyen comme étant non fondé et, partant, de rejeter le pourvoi dans son intégralité.
Sur les dépens
65 Conformément à l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. L’article 138, paragraphe 1, de ce règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, dispose que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
66 Le Conseil et la Commission ayant conclu à la condamnation de la requérante aux dépens et celle-ci ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens.
Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) déclare et arrête :
1) Le pourvoi est rejeté.
2) Mme Elena Petrovna Timchenko est condamnée aux dépens.
Arastey Sahún
Gratsias
Regan
Passer
Smulders
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 1er août 2025.
Le greffier
A. Calot Escobar
La présidente de chambre
M. L. Arastey Sahún
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( *1 ) Langue de procédure : le français.