La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/07/2025 | CJUE | N°C-268/24

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, ZT contre Ministero dell’Istruzione e del Merito., 03/07/2025, C-268/24


 ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

3 juillet 2025 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Directive 1999/70/CE – Accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée – Clause 4 – Principe de non-discrimination – Indemnité octroyée sous la forme d’une carte électronique en vue de soutenir la formation continue des enseignants et d’améliorer leurs compétences professionnelles – Non-octroi de cette carte aux enseignants non titulaires chargés d’effectuer des remplacements de courte durée »

Dans l’affa

ire C‑268/24 [Lalfi] ( i ),

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article...

 ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

3 juillet 2025 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Directive 1999/70/CE – Accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée – Clause 4 – Principe de non-discrimination – Indemnité octroyée sous la forme d’une carte électronique en vue de soutenir la formation continue des enseignants et d’améliorer leurs compétences professionnelles – Non-octroi de cette carte aux enseignants non titulaires chargés d’effectuer des remplacements de courte durée »

Dans l’affaire C‑268/24 [Lalfi] ( i ),

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunale di Lecce (tribunal de Lecce, Italie), par décision du 16 avril 2024, parvenue à la Cour le 16 avril 2024, dans la procédure

ZT

contre

Ministero dell’Istruzione e del Merito,

LA COUR (dixième chambre),

composée de M. D. Gratsias, président de chambre, MM. E. Regan et B. Smulders (rapporteur), juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour le gouvernement italien, par M. S. Fiorentino et Mme G. Palmieri, en qualité d’agents, assistés de Mme L. Fiandaca, avvocato dello Stato,

– pour la Commission européenne, par Mmes S. Delaude et D. Recchia, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la clause 4 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999 (ci-après l’« accord-cadre »), qui figure à l’annexe de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée (JO 1999, L 175, p. 43).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant ZT, une enseignante non titulaire, au Ministero dell’Istruzione e del Merito (ministère de l’Éducation et du Mérite, Italie) (ci-après le « ministère ») au sujet du refus d’accorder à celle-ci l’indemnité annuelle de 500 euros sous la forme d’une carte électronique permettant aux enseignants d’acheter différents biens et services, octroyée en vue de soutenir leur formation continue et d’améliorer leurs compétences professionnelles.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 Aux termes de l’article 1er de la directive 1999/70, celle-ci vise « à mettre en œuvre [l’accord-cadre] ».

4 La clause 2 de l’accord-cadre, intitulée « Champ d’application », prévoit, à son point 1 :

« Le présent accord s’applique aux travailleurs à durée déterminée ayant un contrat ou une relation de travail défini par la législation, les conventions collectives ou les pratiques en vigueur dans chaque État membre. »

5 La clause 3 de l’accord-cadre, intitulée « Définitions », est ainsi libellée :

« Aux termes du présent accord, on entend par :

1. “travailleur à durée déterminée”, une personne ayant un contrat ou une relation de travail à durée déterminée conclu directement entre l’employeur et le travailleur où la fin du contrat ou de la relation de travail est déterminée par des conditions objectives telles que l’atteinte d’une date précise, l’achèvement d’une tâche déterminée ou la survenance d’un événement déterminé ;

2. “travailleur à durée indéterminée comparable”, un travailleur ayant un contrat ou une relation de travail à durée indéterminée dans le même établissement, et ayant un travail/emploi identique ou similaire, en tenant compte des qualifications/compétences. [...] »

6 La clause 4 de l’accord-cadre, intitulée « Principe de non-discrimination », énonce, à ses points 1 et 2 :

« 1. Pour ce qui concerne les conditions d’emploi, les travailleurs à durée déterminée ne sont pas traités d’une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables au seul motif qu’ils travaillent à durée déterminée, à moins qu’un traitement différent [ne] soit justifié par des raisons objectives.

2. Lorsque c’est approprié, le principe du “pro rata temporis” s’applique. »

Le droit italien

7 Aux termes de l’article 282 du decreto legislativo n. 297 – Approvazione del testo unico delle disposizioni legislative vigenti in materia di istruzione, relative alle scuole di ogni ordine e grado (décret législatif no 297, portant approbation du texte unique des dispositions applicables en matière d’enseignement et relatives aux écoles de tout type et de tout niveau), du 16 avril 1994 (GURI no 115, du 19 mai 1994, supplément ordinaire no 79), l’actualisation des connaissances est un droit-devoir
fondamental du personnel d’inspection, de direction et enseignant. Elle est comprise comme une adaptation des connaissances au développement de la science dans les différentes disciplines et dans les connexions interdisciplinaires, comme un approfondissement de la préparation à l’enseignement ainsi que comme une participation à la recherche et à l’innovation didactique et pédagogique.

8 L’article 4 de la legge n. 124 – Disposizioni urgenti in materia di personale scolastico (loi no 124, portant dispositions urgentes concernant le personnel scolaire), du 3 mai 1999 (GURI no 107, du 10 mai 1999), dans sa version applicable aux faits en cause au principal (ci-après la « loi no 124/1999 »), prévoit, à ses paragraphes 1 à 3 :

« 1.   Lorsqu’il n’est pas possible de pourvoir aux postes de professeurs et d’enseignants qui sont effectivement vacants et libres avant le 31 décembre et dont il est prévisible qu’ils le resteront pendant toute l’année scolaire par du personnel enseignant titulaire faisant partie des effectifs provinciaux ou par du personnel en surnombre, et à condition que du personnel titulaire n’ait pas déjà été affecté à ces postes à quelque titre que ce soit, il y est pourvu par des remplacements annuels,
dans l’attente de procédures de concours pour le recrutement de personnel enseignant titulaire.

2.   Il est pourvu aux postes de professeurs et d’enseignants non vacants qui se libèrent de fait avant le 31 décembre et jusqu’au terme de l’année scolaire par des remplacements temporaires jusqu’à la fin des activités d’enseignement. Il est également pourvu par des remplacements temporaires jusqu’à la fin des activités d’enseignement aux heures d’enseignement qui ne permettent pas de constituer des postes de professeur à temps plein ou pour un nombre d’heures déterminé.

3.   Dans les cas autres que ceux prévus aux paragraphes 1 et 2, il est pourvu aux postes par des remplacements temporaires. »

9 L’article 1er de la legge n. 107 – Riforma del sistema nazionale di istruzione e formazione e delega per il riordino delle disposizioni legislative vigenti (loi no 107, portant réforme du système national d’instruction et de formation et délégation pour le remaniement des dispositions législatives en vigueur), du 13 juillet 2015 (GURI no 162, du 15 juillet 2015, ci-après la « loi no 107/2015 »), énonce, à ses paragraphes 121 à 124 :

« 121.   Afin de soutenir la formation continue des enseignants et d’améliorer leurs compétences professionnelles, la carte électronique pour la mise à niveau et la formation des enseignants titulaires dans les établissements d’enseignement à tous les niveaux est créée, dans le respect de la limite des dépenses visée au paragraphe 123. La carte, dont la valeur nominale est de 500 euros par an pour chaque année scolaire, peut être utilisée pour l’achat de livres et de manuels, y compris en format
numérique, de publications et de revues utiles à la remise à niveau professionnelle, pour l’achat de matériel et de logiciels, pour l’inscription à des cours de mise à niveau et de qualification des compétences professionnelles, réalisés par des établissements accrédités par le [ministère], à des cours de licence, de maîtrise, spécialisée ou de cycle unique, liés au profil professionnel, ou à des cours de troisième cycle ou les masters universitaires liés au profil professionnel, pour des
représentations théâtrales et [des projections] cinématographiques, pour des entrées dans les musées, les expositions et les manifestations culturelles et les spectacles vivants, ainsi que pour les initiatives conformes aux activités identifiées dans le plan triennal de l’offre éducative des écoles et dans le plan national de formation visé au paragraphe 124. La somme mentionnée dans la carte ne constitue pas un accessoire de rémunération ni un revenu imposable.

122.   Par décret du président du Conseil des ministres, en accord avec le [ministère] et le ministère de l’Économie et des Finances, à adopter dans un délai de soixante jours à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi, sont définis les critères et les modalités d’attribution et d’utilisation de la carte visée au paragraphe 121, le montant à allouer dans le cadre des ressources disponibles visées au paragraphe 123, en tenant compte du système public de gestion de l’identité numérique,
ainsi que les modalités de fourniture des facilités et avantages liés à cette même carte.

123.   Aux fins visées au paragraphe 121, une dépense de 381,137 millions d’euros par an est autorisée, à compter de 2015.

124.   Dans le cadre des obligations liées à la fonction d’enseignement, la formation continue des enseignants titulaires est obligatoire, permanente et structurelle. Les activités de formation sont définies par les différents établissements d’enseignement conformément au plan triennal de l’offre de formation et aux résultats découlant des plans d’amélioration des établissements d’enseignement prévus par la réglementation visée au décret présidentiel no 80 du 28 mars 2013, sur la base des
priorités nationales indiquées dans le plan national de formation, adopté tous les trois ans par décret du [ministère], après avoir entendu les organisations syndicales professionnelles représentatives. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

10 Au cours de l’année scolaire 2020/2021, ZT a effectué un remplacement qui a débuté avant le 31 décembre 2020 et s’est poursuivi jusqu’au terme des activités d’enseignement pour cette année scolaire. Au cours de l’année scolaire suivante, elle a effectué une série de remplacements dans trois établissements scolaires différents, sur trois périodes distinctes de l’année, à savoir du 8 octobre au 22 décembre 2021, du 24 janvier au 10 février 2022 et du 11 février au 27 mai 2022.

11 ZT a demandé à bénéficier de la carte électronique prévue à l’article 1er, paragraphe 121, de la loi no 107/2015, dont la valeur nominale est de 500 euros par an pour chaque année scolaire (ci-après la « carte électronique en cause »), pour ces deux années scolaires.

12 Le ministère n’ayant pas fait droit à sa demande, ZT a formé un recours devant le Tribunale di Lecce (tribunal de Lecce, Italie), qui est la juridiction de renvoi, afin qu’il constate qu’elle a droit au bénéfice de cette carte.

13 Au soutien de son recours, ZT fait valoir que le refus du ministère est contraire à la clause 4 de l’accord-cadre.

14 La juridiction de renvoi indique, à titre liminaire, que, en droit italien, les remplacements d’enseignants doivent être distingués selon qu’ils relèvent des paragraphes 1, 2 ou 3 de l’article 4 de la loi no 124/1999. Ainsi, les paragraphes 1 et 2 de cet article viseraient des « remplacements annuels » relatifs à des postes de professeurs et d’enseignants devenant libres avant le 31 décembre de l’année scolaire et ayant vocation à le rester jusqu’au terme (des activités d’enseignement) de
celle-ci, à savoir jusqu’au 31 août ou jusqu’au 30 juin de chaque année scolaire, et constitueraient des remplacements pour la durée de l’année scolaire. Le paragraphe 3 dudit article aurait, quant à lui, trait aux remplacements dits « brefs et occasionnels » ou « temporaires », à savoir aux remplacements de courte durée.

15 Cette juridiction précise que, à la suite du prononcé de l’ordonnance du 18 mai 2022, Ministero dell’istruzione (Carte électronique) (C‑450/21, EU:C:2022:411), la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation, Italie) a jugé, par son arrêt no 29961 du 27 octobre 2023, que les enseignants non titulaires ayant effectué des remplacements pour la durée de l’année scolaire ont également droit à la carte électronique en cause. Elle ne se serait toutefois pas explicitement prononcée sur l’existence
d’un tel droit dans le chef des enseignants non titulaires ayant effectué des remplacements de courte durée, ce qui aurait conduit à une jurisprudence divergente des juges du fond sur ce sujet.

16 La juridiction de renvoi estime toutefois qu’il ressort des motifs de cet arrêt, comme de ceux de l’ordonnance no 7254, du 19 mars 2024, que la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation) a entendu exclure l’octroi de la carte électronique en cause à ces enseignants.

17 Elle souligne, en effet, que la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation) a considéré que le législateur italien avait établi un lien entre l’octroi de la carte électronique en cause et le caractère annuel de l’enseignement, de sorte qu’il suffirait, afin de « supprimer la discrimination subie » par les enseignants non titulaires par rapport aux enseignants titulaires, ayant fait l’objet de l’ordonnance visée au point 15 du présent arrêt, d’accorder aux premiers le droit à l’avantage dont
disposent les seconds uniquement à l’égard des enseignants non titulaires qui effectuent des remplacements pour la durée de l’année scolaire, à l’exclusion des enseignants chargés de remplacements de courte durée, dans la mesure où uniquement les premiers enseignants effectueraient une « prestation comparable » à celle des enseignants titulaires.

18 En revanche, selon la juridiction de renvoi, la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation) a considéré que, si cet avantage était également reconnu aux enseignants chargés de ces derniers types de remplacements, le lien devant exister entre l’octroi de la carte électronique en cause et le cadre annuel de l’enseignement « serait altéré de manière injustifiée », y compris dans l’hypothèse où la somme des jours de travail effectués par ces enseignants s’avère a posteriori égale à celle des
jours de travail effectués par les enseignants titulaires ou par ceux effectuant des remplacements pour la durée de l’année scolaire.

19 La juridiction de renvoi relève que, en l’occurrence, s’agissant de l’année scolaire 2020/2021, ZT a effectué un remplacement pour la durée de l’année scolaire. Ainsi, il est constant qu’elle a droit, pour cette année, à la carte électronique en cause.

20 Quant à la demande de ZT afférente à l’année scolaire 2021/2022, seule pertinente aux fins du présent renvoi préjudiciel, la juridiction de renvoi expose que ZT a cumulé une série de remplacements de courte durée, sur la base de contrats distincts.

21 Dès lors, compte tenu de la jurisprudence susvisée de la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation), la juridiction de renvoi expose que ZT ne devrait pas pouvoir bénéficier de la carte électronique en cause pour l’année scolaire 2021/2022.

22 Cependant, la juridiction de renvoi tend à considérer que le fait de refuser à ZT le bénéfice de la carte électronique en cause est contraire à la clause 4 de l’accord-cadre, telle qu’interprétée par la Cour, notamment dans l’ordonnance du 18 mai 2022, Ministero dell’istruzione (Carte électronique) (C‑450/21, EU:C:2022:411).

23 La juridiction de renvoi relève, à cet égard, que les tâches et les fonctions exercées par ZT pendant l’année scolaire 2021/2022 étaient les mêmes que celles de ses collègues, enseignants titulaires employés à durée indéterminée. En outre, les enseignants non titulaires qui effectuent des remplacements, tels que ZT, seraient recrutés sur la base de listes d’enseignants disposant des titres requis conformément au droit interne. Ils seraient également soumis aux mêmes devoirs à l’égard des élèves
et aux mêmes obligations de formation que les enseignants titulaires employés à durée indéterminée.

24 Cette juridiction est d’avis que les enseignants non titulaires qui effectuent des remplacements participent, pendant la durée de leur contrat, à la mise en œuvre d’une phase d’éducation et d’apprentissage au même titre que les enseignants titulaires. Par essence, la planification de l’enseignement serait un préalable à l’activité de tous les enseignants, y compris de ceux qui effectuent des remplacements, et ce indépendamment du type de remplacement effectué. Elle précise que tous les
enseignants qui effectuent des remplacements sont également membres du conseil des enseignants pendant la période au cours de laquelle ils exercent leurs fonctions.

25 Ladite juridiction considère, par ailleurs, que le lien entre la carte électronique en cause et le caractère annuel de l’enseignement est hypothétique, notamment en ce que ce lien dépendrait de la volonté de l’enseignant, celui-ci étant libre de dépenser le montant concerné ou non au cours de l’année scolaire concernée. Un tel lien ne trouverait du reste aucun fondement dans le libellé de l’article 1er, paragraphe 121, de la loi no 107/2015, la référence figurant, à cette disposition, au plan
triennal de l’offre éducative étant davantage liée à l’offre de formations au public qu’à la formation des enseignants.

26 Ainsi, la juridiction de renvoi estime, au vu des objectifs généraux sous-tendant l’instauration de cette carte, qu’il serait discriminatoire, et contraire au principe du pro rata temporis, d’exclure complètement son octroi à certains enseignants non titulaires sur la seule base de la durée d’exercice de leurs fonctions, d’autant que, dans les faits, des remplacements de courte durée peuvent atteindre, au cours d’une année scolaire, une durée cumulée équivalente aux remplacements pour la durée de
l’année scolaire.

27 Dans ces conditions, le Tribunale di Lecce (tribunal de Lecce) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) La clause 4 de [l’accord-cadre] doit-elle être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une limitation de l’octroi de la carte [électronique], prévue à l’article 1er, paragraphes 121 et suivants, de la loi no 107/2015, sur la base de la durée du remplacement lui-même ?

2) À la lumière de la clause 4 précitée, peut-il être considéré que les catégories de postes auxquels il est “pourvu” par la désignation d’un remplaçant en cas de carence de personnel – qui correspondent aux cas visés à l’article 4, paragraphes 1, 2 ou 3, de la loi no 124/1999 – constituent des “raisons objectives” permettant d’exclure l’existence d’une discrimination ?

3) Le fait d’avoir effectué – au cours de la même année scolaire – des remplacements temporaires dans différentes écoles sur la base de plusieurs contrats de remplacements temporaires différents peut-il être considéré comme une raison objective au sens de la clause 4 de [l’accord-cadre] ?

4) En tout état de cause, convient-il de considérer que la comparaison entre enseignants à durée déterminée et enseignants à durée indéterminée doit être effectuée ex ante, ou faut-il prendre en compte la durée effective de l’activité de remplacement exercée au cours de l’année (par exemple lorsque – bien que ce soit au titre de plusieurs contrats – le remplaçant a travaillé pendant la même durée qu’un remplaçant nommé afin de pourvoir à un poste vacant [jusqu’au terme de l’année scolaire]) ? »

Sur les questions préjudicielles

28 Par ses quatre questions, qu’il convient d’examiner conjointement, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la clause 4, point 1, de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale, telle qu’interprétée par une juridiction nationale suprême, qui réserve le bénéfice d’une carte électronique d’une valeur nominale de 500 euros par an, permettant l’achat de divers biens et services destinés à soutenir la formation continue des enseignants, aux
enseignants titulaires ainsi qu’aux enseignants non titulaires qui effectuent des remplacements pour la durée de l’année scolaire, à l’exclusion des enseignants non titulaires effectuant des remplacements de courte durée.

Sur la recevabilité

29 Le gouvernement italien soutient que les questions posées sont irrecevables, au motif qu’il ne fait pas de doute, de l’avis de la juridiction de renvoi, que, compte tenu de la clause 4 de l’accord-cadre, l’article 1er, paragraphes 121 et suivants, de la loi no 107/2015 doit être interprété de manière à permettre que la carte électronique en cause soit octroyée également aux enseignants exerçant des remplacements de courte durée. Dans ces conditions, cette juridiction aurait dû procéder à une
interprétation conforme au droit de l’Union de ces dispositions du droit national au lieu de poser des questions préjudicielles, par lesquelles elle demanderait, en réalité, à la Cour de résoudre un conflit jurisprudentiel interne portant sur le bien-fondé, au regard du droit de l’Union, d’une jurisprudence de la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation) que la juridiction de renvoi interpréterait, au demeurant à tort, comme s’étant prononcée sur la question de savoir si ces enseignants ont
droit à l’octroi de la carte électronique en cause.

30 À cet égard, il y a lieu de rappeler, tout d’abord, qu’il n’est nullement interdit à une juridiction nationale de poser à la Cour une question préjudicielle dont, selon l’opinion de l’un des intéressés ayant participé à la procédure devant la Cour, la réponse ne laisse place à aucun doute raisonnable. Ainsi, à supposer même que tel soit le cas, la demande de décision préjudicielle comportant une telle question ne devient pas pour autant irrecevable (arrêt du 17 octobre 2024, Lufoni, C‑322/23,
EU:C:2024:900, point 29 et jurisprudence citée).

31 Ensuite, selon une jurisprudence constante, l’article 267 TFUE confère aux juridictions nationales la faculté la plus étendue de saisir la Cour si elles considèrent qu’une affaire pendante devant elles soulève des questions exigeant une interprétation des dispositions du droit de l’Union nécessaires au règlement du litige qui leur est soumis. C’est ainsi que la juridiction qui ne statue pas en dernière instance doit être libre, si elle considère que l’appréciation en droit effectuée par une
juridiction de degré supérieur, même de rang constitutionnel, pourrait l’amener à rendre un jugement contraire au droit de l’Union, de saisir la Cour des questions qui se posent à elle (arrêt du 18 mai 2021, Asociaţia  Forumul Judecătorilor din România  e.a., C‑83/19, C‑127/19, C‑195/19, C‑291/19, C‑355/19 et C‑397/19, EU:C:2021:393, point 133 ainsi que jurisprudence citée).

32 Enfin, il n’appartient pas à la Cour de se prononcer sur l’interprétation de dispositions nationales, celle-ci relevant de la compétence exclusive des juridictions nationales, et la Cour ne saurait substituer son jugement à celui du juge de renvoi quant à l’évolution de la jurisprudence devant lesdites juridictions (arrêt du 8 septembre 2011, Rosado Santana, C‑177/10, EU:C:2011:557, point 60).

33 En l’occurrence, la juridiction de renvoi estime qu’une interprétation de la clause 4 de l’accord-cadre est nécessaire aux fins de la solution du litige au principal, compte tenu d’une jurisprudence de la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation), applicable à ce litige, qu’elle considère comme étant contraire à cette clause.

34 Dans ces conditions, eu égard à la jurisprudence rappelée aux points 30 à 32 du présent arrêt, l’argumentation avancée par le gouvernement italien telle qu’exposée au point 29 du présent arrêt ne saurait remettre en cause la recevabilité des questions préjudicielles.

35 Il s’ensuit que ces questions sont recevables.

Sur le fond

36 Il convient de rappeler que la Cour a jugé, au point 48 de son ordonnance du 18 mai 2022, Ministero dell’istruzione (Carte électronique) (C‑450/21, EU:C:2022:411), que la clause 4 de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale qui réserve au seul personnel enseignant permanent d’un ministère, et non au personnel enseignant employé à durée déterminée de ce ministère, le bénéfice d’un avantage financier d’un montant de 500 euros par an, octroyé en
vue de soutenir la formation continue des enseignants et d’améliorer leurs compétences professionnelles, au moyen d’une carte électronique qui peut être utilisée pour l’achat de divers biens et services à ce titre.

37 En l’occurrence, l’affaire au principal porte sur la même réglementation nationale que celle en cause dans l’affaire ayant donné lieu à cette ordonnance, à savoir sur l’article 1er, paragraphes 121 et suivants, de la loi no 107/2015, laquelle prévoit la création d’une « carte électronique pour la mise à niveau et la formation des enseignants titulaires [...] à tous les niveaux [...] dont la valeur nominale est de 500 euros par an pour chaque année scolaire ».

38 La juridiction de renvoi expose qu’il résulte de la jurisprudence de la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation), postérieure à ladite ordonnance, relative à cette réglementation, que la carte électronique en cause doit cependant, désormais, également être accordée aux enseignants non titulaires effectuant des remplacements pour la durée de l’année scolaire, dont l’activité s’inscrit ainsi dans le cadre de l’enseignement annuel. En revanche, selon cette jurisprudence, les enseignants non
titulaires effectuant des remplacements de courte durée, tels que ZT, en demeureraient privés, au motif que leur activité ne s’inscrit pas dans un tel cadre.

39 À cet égard, il convient de rappeler, en premier lieu, que l’accord-cadre trouve à s’appliquer à l’ensemble des travailleurs fournissant des prestations rémunérées dans le cadre d’une relation de travail à durée déterminée les liant à leur employeur [ordonnance du 18 mai 2022, Ministero dell’istruzione (Carte électronique), C-450/21, EU:C:2022:411, point 30, et arrêt du 20 février 2024, X (Absence de motifs de résiliation), C‑715/20, EU:C:2024:139, point 33 ainsi que jurisprudence citée].

40 En l’occurrence, dès lors que, ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, ZT, qui a effectué, au cours de l’année scolaire 2021/2022, plusieurs remplacements de courte durée en tant qu’enseignante non titulaire, était engagée, à ce titre, dans le cadre d’un ou de plusieurs contrats de travail à durée déterminée, au sens de la clause 2, point 1, de l’accord-cadre, lue en combinaison avec la clause 3, point 1, de celui-ci, le litige au principal relève du champ d’application de cet accord‑cadre.

41 En deuxième lieu, l’interdiction d’un traitement moins favorable des travailleurs à durée déterminée par rapport à celui réservé aux travailleurs à durée indéterminée, visée à la clause 4, point 1, de l’accord-cadre, concerne les conditions d’emploi des travailleurs.

42 Selon une jurisprudence constante, le critère décisif pour déterminer si une mesure relève de la notion de « conditions d’emploi », au sens de la clause 4, point 1, de l’accord‑cadre, est précisément celui de l’emploi, à savoir la relation de travail établie entre un travailleur et son employeur [ordonnance du 18 mai 2022, Ministero dell’istruzione (Carte électronique), C-450/21, EU:C:2022:411, point 33, et arrêt du 20 février 2024, X (Absence de motifs de résiliation), C‑715/20, EU:C:2024:139,
point 37 ainsi que jurisprudence citée].

43 En l’occurrence, comme le constate la juridiction de renvoi, il convient de rappeler que, eu égard aux appréciations opérées aux points 36 à 38 de l’ordonnance du 18 mai 2022, Ministero dell’istruzione (Carte électronique) (C‑450/21, EU:C:2022:411), la carte électronique en cause doit être considérée comme relevant des « conditions d’emploi », au sens de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre.

44 En troisième lieu, conformément à l’objectif d’élimination des discriminations entre travailleurs à durée déterminée et travailleurs à durée indéterminée qu’elle poursuit, la clause 4, point 1, de l’accord-cadre énonce une interdiction de traiter, en ce qui concerne les conditions d’emploi, les travailleurs à durée déterminée d’une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables au seul motif qu’ils travaillent à durée déterminée, à moins qu’un traitement différent
ne soit justifié par des raisons objectives [voir, en ce sens, ordonnance du 18 mai 2022, Ministero dell’istruzione (Carte électronique), C‑450/21, EU:C:2022:411, point 39, et arrêt du 20 février 2024, X (Absence de motifs de résiliation), C‑715/20, EU:C:2024:139, points 42 et 45 ainsi que jurisprudence citée].

45 À cette fin, le principe de non-discrimination a été mis en œuvre et concrétisé par l’accord-cadre uniquement en ce qui concerne les différences de traitement entre les travailleurs à durée déterminée et les travailleurs à durée indéterminée qui se trouvent dans une situation comparable [ordonnance du 18 mai 2022, Ministero dell’istruzione (Carte électronique), C-450/21, EU:C:2022:411, point 40, et arrêt du 5 juin 2018, Grupo Norte Facility, C‑574/16, EU:C:2018:390, point 47 ainsi que
jurisprudence citée].

46 À cet égard, s’agissant, premièrement, de l’existence d’une différence de traitement au sens de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre, il résulte des motifs de la décision de renvoi, rappelés au point 38 du présent arrêt, que peuvent bénéficier de la carte électronique en cause non pas seulement l’ensemble des enseignants titulaires, employés à durée indéterminée, mais également les enseignants non titulaires, employés à durée déterminée, s’ils effectuent des remplacements pour la durée de
l’année scolaire, à l’exclusion des enseignants non titulaires, employés à durée déterminée, qui effectuent des remplacements de courte durée.

47 Le gouvernement italien en déduit que les questions préjudicielles portent, en réalité, sur une différence de traitement existant non pas entre travailleurs à durée déterminée et travailleurs à durée indéterminée, mais entre deux catégories de travailleurs à durée déterminée, laquelle serait soustraite au champ d’application de l’accord-cadre.

48 À cet égard, il convient cependant de préciser, d’une part, que, en soulignant également cette dernière différence de traitement, la juridiction de renvoi n’entend que mettre en évidence le fait que, s’il a été mis fin au traitement moins favorable en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance du 18 mai 2022, Ministero dell’istruzione (Carte électronique) (C‑450/21, EU:C:2022:411), en ce qui concerne les enseignants non titulaires effectuant des remplacements pour la durée de l’année
scolaire, celui-ci perdure, en revanche, à l’égard des enseignants non titulaires effectuant des remplacements de courte durée. Ainsi, la suppression uniquement partielle de la différence de traitement entre les enseignants titulaires, employés à durée indéterminée, et les enseignements non titulaires, employés à durée déterminée, signifie qu’une partie des enseignants non titulaires fait toujours l’objet d’une différence de traitement par rapport aux enseignants titulaires.

49 D’autre part, la Cour a jugé qu’il découle du libellé de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre qu’il suffit que les travailleurs à durée déterminée en cause soient traités de manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée placés dans une situation comparable pour que ces premiers travailleurs soient fondés à revendiquer le bénéfice de cette clause (arrêt du 20 juin 2019, Ustariz Aróstegui, C‑72/18, EU:C:2019:516, point 31).

50 Il s’ensuit que l’existence d’un traitement différent au sens de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre ne saurait être exclue au seul motif que celui-ci n’affecte qu’une partie des travailleurs à durée déterminée, sous peine de réduire de manière indue le champ d’application de la protection contre la discrimination conférée par cette disposition, qui doit s’appliquer à l’ensemble des travailleurs à durée déterminée, conformément à la jurisprudence rappelée au point 39 du présent arrêt, ainsi
que la Commission européenne l’a, en substance, également relevé.

51 Dans ces conditions, une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, institue une différence de traitement au détriment des enseignants non titulaires, engagés à durée déterminée, effectuant des remplacements de courte durée par rapport aux enseignants titulaires, engagés à durée indéterminée.

52 Partant, il convient, deuxièmement, d’examiner si ces enseignants non titulaires effectuant des remplacements de courte durée sont dans une situation comparable à celle des enseignants titulaires concernés.

53 À cet égard, pour apprécier si les personnes intéressées exercent un travail identique ou similaire, au sens de l’accord-cadre, il y a lieu, conformément à la clause 3, point 2, et à la clause 4, point 1, de celui-ci, de rechercher si, compte tenu d’un ensemble de facteurs, tels que la nature du travail, les conditions de formation et les conditions d’emploi, ces personnes peuvent être considérées comme se trouvant dans une situation comparable [ordonnance du 18 mai 2022, Ministero
dell’istruzione (Carte électronique), C-450/21, EU:C:2022:411, point 41, et arrêt du 20 février 2024, X (Absence de motifs de résiliation), C‑715/20, EU:C:2024:139, point 47 ainsi que jurisprudence citée].

54 En l’occurrence, la juridiction de renvoi fait état de plusieurs éléments qui tendent à démontrer que les enseignants non titulaires effectuant des remplacements de courte durée, tels que ZT, et les enseignants titulaires se trouvent dans une situation comparable.

55 Cette juridiction souligne, en effet, que ZT a effectué, pendant l’année scolaire 2021/2022, plusieurs remplacements de courte durée, recouvrant des périodes allant de quelques semaines à quelques mois, lors desquels elle a assumé les mêmes tâches et les mêmes fonctions que celles assurées par les enseignants titulaires engagés auprès des établissements scolaires concernés. Elle ajoute que les enseignants non titulaires sont soumis aux mêmes devoirs à l’égard des élèves ainsi qu’aux mêmes
obligations de formation que les enseignants titulaires concernés, indépendamment du type de remplacement qu’ils effectuent.

56 Il résulte de ces éléments que les fonctions des enseignants non titulaires, tels que ZT, exercées dans le cadre de leurs remplacements de courte durée, apparaissent, en principe, comme étant comparables à celles des enseignants titulaires.

57 Le caractère comparable de leurs fonctions ne peut a priori pas être remis en cause par le seul fait que, ainsi que l’avance le gouvernement italien en substance, ce sont uniquement les enseignants titulaires et les enseignants non titulaires effectuant des remplacements pour la durée de l’année scolaire au cours de la période des congés scolaires comprise entre le 30 juin et le 31 août qui accomplissent des « activités de nature collégiale », dont les activités de rattrapage des apprentissages,
lesquelles exigeraient des compétences spécifiques.

58 En effet, d’une part, selon cette argumentation, les « activités de nature collégiale » ne sont pas effectuées par les enseignants non titulaires effectuant des remplacements pour la durée de l’année scolaire jusqu’à la fin des activités d’enseignement, c’est-à-dire jusqu’au 30 juin de l’année scolaire, alors que ces enseignants non titulaires ont droit, conformément à la réglementation nationale telle qu’interprétée par la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation), à la carte électronique
en cause et semblent donc être considérés comme se trouvant dans une situation comparable à celle des enseignants titulaires.

59 À cet égard, il ne ressort, au demeurant, pas du dossier dont dispose la Cour que ces « activités de nature collégiale » acquièrent une place prépondérante dans le cadre de l’exercice, par les enseignants non titulaires effectuant des remplacements pour la durée de l’année scolaire, de leurs fonctions, notamment par rapport à leurs activités d’enseignement.

60 D’autre part, rien n’indique que le caractère éventuellement bref et occasionnel de certains des remplacements que les enseignants non titulaires, tels que ZT, peuvent être amenés à effectuer serait par ailleurs de nature à modifier substantiellement les fonctions de ces enseignants, voire la nature de leur travail d’enseignant ou les conditions d’exercice de ce dernier. Il appartient toutefois à la juridiction de renvoi, qui dispose seule de l’ensemble des éléments pertinents, d’effectuer une
appréciation à cet égard (voir, en ce sens, arrêt du 30 novembre 2023, Ministero dell'Istruzione et INPS, C‑270/22, EU:C:2023:933, point 68).

61 À ce titre, il n’y a pas lieu, pour la juridiction de renvoi, de tenir compte de la durée totale, effective ou envisagée, des remplacements de courte durée consécutifs, la durée du travail pour lequel le travailleur à durée déterminée a été engagé ne relevant précisément pas, en tant que telle, des éléments pertinents aux fins de l’appréciation, visée au point 53 du présent arrêt, du caractère comparable des fonctions exercées par les personnes intéressées.

62 Il convient, troisièmement, de déterminer si l’éventuelle différence de traitement entre travailleurs à durée déterminée et travailleurs à durée indéterminée se trouvant dans des situations comparables est susceptible d’être justifiée par des « raisons objectives », au sens de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre.

63 Selon une jurisprudence constante, la notion de « raisons objectives », au sens de cette clause 4, point 1, requiert que la différence de traitement constatée soit justifiée par l’existence d’éléments précis et concrets, caractérisant la condition d’emploi concernée, dans le contexte particulier dans lequel elle s’insère et sur le fondement de critères objectifs et transparents, afin de vérifier si cette différence de traitement répond à un besoin véritable, est de nature à atteindre l’objectif
poursuivi et est nécessaire à cet effet. Ces éléments peuvent résulter, notamment, de la nature particulière des tâches pour l’accomplissement desquelles des contrats à durée déterminée ont été conclus et des caractéristiques inhérentes à celles-ci ou, le cas échéant, de la poursuite d’un objectif légitime de politique sociale d’un État membre [ordonnance du 18 mai 2022, Ministero dell’istruzione (Carte électronique), C-450/21, EU:C:2022:411, point 45, et arrêt du 20 février 2024, X (Absence de
motifs de résiliation), C‑715/20, EU:C:2024:139, point 59 ainsi que jurisprudence citée].

64 En l’occurrence, il ressort des motifs de la décision de renvoi, relatifs à la jurisprudence de la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation) visée aux points 15 à 18 du présent arrêt, que la différence de traitement en cause au principal trouve sa raison d’être dans l’objectif poursuivi par la carte électronique en cause, lequel consisterait, conformément à un choix discrétionnaire opéré par le législateur italien, à ne soutenir que l’enseignement dispensé dans un cadre annuel et à
considérer que les missions d’enseignement accomplies par les enseignants non titulaires chargés de remplacements de courte durée ne s’inscrivent pas dans ce cadre.

65 Le gouvernement italien ajoute, dans ce contexte, que cette différence de traitement tient à la nature particulière des tâches exercées dans le cadre de remplacements de courte durée, les enseignants concernés pouvant être recrutés même pour un petit nombre d’heures par semaine et dans plusieurs établissements différents pour enseigner des matières souvent différentes, en dehors de la programmation annuelle. Ce gouvernement invoque également des considérations budgétaires.

66 À cet égard, il convient de rappeler que les États membres disposent d’une large marge d’appréciation dans le choix non seulement de la poursuite d’un objectif déterminé en matière de politique sociale et d’emploi, mais également dans la définition des mesures susceptibles de le réaliser (arrêt du 17 mars 2021, Consulmarketing, C‑652/19, EU:C:2021:208, point 63 et jurisprudence citée).

67 Toutefois, d’une part, à supposer que la réglementation nationale en cause au principal ait effectivement pour objectif de soutenir spécifiquement et exclusivement l’enseignement scolaire organisé dans un cadre annuel, encore faut‑il que la différence de traitement entre enseignants titulaires, disposant d’une relation de travail à durée indéterminée, et enseignants non titulaires effectuant des remplacements de courte durée, dans le cadre d’une relation de travail à durée déterminée, réponde à
un besoin véritable et ne procède pas, en réalité, d’un choix qui s’apparente plutôt à un critère reposant, de manière générale et abstraite, exclusivement sur la durée même de l’emploi [voir, en ce sens, arrêt du 20 février 2024, X (Absence de motifs de résiliation), C‑715/20, EU:C:2024:139, point 63], ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

68 En effet, le fait d’admettre que la seule nature temporaire d’une relation d’emploi suffit pour justifier une différence de traitement entre travailleurs à durée déterminée et travailleurs à durée indéterminée viderait de leur substance les objectifs de la directive 1999/70 ainsi que de l’accord-cadre et reviendrait à pérenniser le maintien d’une situation défavorable aux travailleurs à durée déterminée [arrêt du 20 juin 2019, Ustariz Aróstegui, C‑72/18, EU:C:2019:516, point 41 et jurisprudence
citée, ainsi que ordonnance du 18 mai 2022, Ministero dell’istruzione (Carte électronique), C-450/21, EU:C:2022:411, point 46].

69 D’autre part, et en tout état de cause, outre qu’une telle différence de traitement doit répondre à un besoin véritable, elle doit être de nature à permettre d’atteindre l’objectif poursuivi et être nécessaire à cet effet. Par ailleurs, cet objectif doit être poursuivi de manière cohérente et systématique [arrêt du 20 février 2024, X (Absence de motifs de résiliation), C‑715/20, EU:C:2024:139, point 65 et jurisprudence citée].

70 En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que les tâches confiées aux enseignants non titulaires chargés de remplacements de courte durée ne se distinguent pas substantiellement de celles des enseignants titulaires, comme cela a déjà été relevé au point 55 du présent arrêt. La juridiction de renvoi souligne, au demeurant, que ces enseignants non titulaires participent également à la « mise en œuvre d’une phase d’éducation et d’apprentissage ».

71 Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient le gouvernement italien, les enseignants non titulaires chargés de remplacements de courte durée semblent exercer une activité d’enseignement, à l’instar de celle des enseignants titulaires qu’ils remplacent, qui s’inscrit dans le cadre de la programmation de l’enseignement annuel des établissements scolaires concernés, et ce pour la durée de leur engagement. Dès lors, comme la Commission l’a également relevé, il apparaît incohérent, au regard de
l’objectif consistant à améliorer la qualité de l’enseignement annuel, d’exclure du bénéfice de la carte électronique en cause les enseignants chargés de remplacements de courte durée.

72 Dans ce cadre, il importe également de relever, en ce qui concerne les caractéristiques de la condition d’emploi en cause au principal, que, selon la juridiction de renvoi, compte tenu du libellé de l’article 1er, paragraphe 121, de la loi no 107/2015, la carte électronique en cause peut être utilisée pour l’achat d’un large éventail de biens et services concourant, de manière générale, à l’activité d’enseignement, et non uniquement pour l’achat de biens et services spécifiquement liés aux tâches
particulières éventuellement réservées aux enseignants titulaires.

73 Par ailleurs, la différence de traitement en cause au principal semble excéder ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi, dans la mesure où l’ensemble des enseignants titulaires est en droit de bénéficier de l’octroi de la carte électronique en cause, indépendamment du fait de savoir s’ils exercent effectivement une activité susceptible de s’inscrire dans le cadre annuel de l’enseignement. Du reste, ainsi que la Commission l’a fait valoir, les enseignants effectuant des
remplacements de courte durée pourraient même requérir des besoins de formation plus importants lorsqu’ils sont au début de leur activité professionnelle ou appelés à enseigner différentes matières dans différentes écoles.

74 Quant à la nécessité de respecter les limites budgétaires, évoquée par le gouvernement italien, il suffit de rappeler que, si des considérations d’ordre budgétaire peuvent être à la base des choix de politique sociale d’un État membre et influencer la nature ou l’étendue des mesures qu’il souhaite adopter, elles ne constituent toutefois pas en elles-mêmes un objectif poursuivi par cette politique et, partant, elles ne sauraient justifier l’application d’une réglementation nationale aboutissant à
une différence de traitement au détriment des travailleurs à durée déterminée (voir, en ce sens, arrêt du 26 novembre 2014, Mascolo e.a., C‑22/13, C‑61/13 à C‑63/13 et C‑418/13, EU:C:2014:2401, point 110 ainsi que jurisprudence citée).

75 Enfin, il y a lieu de préciser que la réglementation nationale en cause au principal ne semble pas faire application du principe du pro rata temporis, tel que visé au point 2 de la clause 4 de l’accord-cadre et évoqué par la juridiction de renvoi, dès lors que le montant de l’indemnité annuelle accordée sous la forme de la carte électronique en cause est fixe et ne dépend pas de la durée effective des périodes pendant lesquelles les enseignants concernés ont travaillé.

76 Dans ces conditions, la réglementation nationale en cause au principal n’apparaît pas comme étant conforme aux exigences visées au point 69 du présent arrêt, ce qu’il appartient cependant, en définitive, à la juridiction de renvoi d’apprécier.

77 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux questions posées que la clause 4, point 1, de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale, telle qu’interprétée par une juridiction nationale suprême, qui réserve le bénéfice d’une carte électronique d’une valeur nominale de 500 euros par an, permettant l’achat de divers biens et services destinés à soutenir la formation continue des enseignants, aux enseignants
titulaires ainsi qu’aux enseignants non titulaires qui effectuent des remplacements pour la durée de l’année scolaire, à l’exclusion des enseignants non titulaires effectuant des remplacements de courte durée, à moins que cette exclusion ne soit justifiée par des raisons objectives au sens de cette disposition. Le seul fait que l’activité de ces derniers n’a pas vocation à durer jusqu’au terme de l’année scolaire ne constitue pas une telle raison objective.

Sur les dépens

78 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) dit pour droit :

  La clause 4, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999, qui figure à l’annexe de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée,

  doit être interprétée en ce sens que :

  elle s’oppose à une réglementation nationale, telle qu’interprétée par une juridiction nationale suprême, qui réserve le bénéfice d’une carte électronique d’une valeur nominale de 500 euros par an, permettant l’achat de divers biens et services destinés à soutenir la formation continue des enseignants, aux enseignants titulaires ainsi qu’aux enseignants non titulaires qui effectuent des remplacements pour la durée de l’année scolaire, à l’exclusion des enseignants non titulaires effectuant des
remplacements de courte durée, à moins que cette exclusion ne soit justifiée par des raisons objectives au sens de cette disposition. Le seul fait que l’activité de ces derniers n’a pas vocation à durer jusqu’au terme de l’année scolaire ne constitue pas une telle raison objective.

  Signatures

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

( *1 ) Langue de procédure : l’italien.

( i ) Le nom de la présente affaire est un nom fictif. Il ne correspond au nom réel d’aucune partie à la procédure.


Synthèse
Formation : Dixième chambre
Numéro d'arrêt : C-268/24
Date de la décision : 03/07/2025
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Tribunale di Lecce.

Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Directive 1999/70/CE – Accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée – Clause 4 – Principe de non-discrimination – Indemnité octroyée sous la forme d’une carte électronique en vue de soutenir la formation continue des enseignants et d’améliorer leurs compétences professionnelles – Non-octroi de cette carte aux enseignants non titulaires chargés d’effectuer des remplacements de courte durée.


Parties
Demandeurs : ZT
Défendeurs : Ministero dell’Istruzione e del Merito.

Composition du Tribunal
Avocat général : Kokott
Rapporteur ?: Smulders

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2025:526

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award