ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)
3 juillet 2025 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière pénale – Décision-cadre 2008/675/JAI – Article 3, paragraphes 1 et 2 – Prise en compte des condamnations antérieures prononcées dans un autre État membre à l’occasion d’une nouvelle procédure pénale – Effets juridiques équivalents aux condamnations nationales antérieures – Décision-cadre 2009/315/JAI – Échanges d’informations extraites du casier judiciaire entre les États membres – Article 2, sous a) – Notion de condamnation pénale –
Infractions administratives – Classification des infractions en droit national – Actes ne constituant pas des infractions pénales au regard du droit national »
Dans l’affaire C‑263/24 [Smiliev] ( i ),
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Rayonen sad Tutrakan (tribunal d’arrondissement de Tutrakan, Bulgarie), par décision du 15 avril 2024, parvenue à la Cour le 15 avril 2024, dans la procédure pénale contre
YE,
en présence de :
Rayonna prokuratura Silistra, Teritorialno otdelenie Tutrakan,
LA COUR (dixième chambre),
composée de M. D. Gratsias (rapporteur), président de chambre, MM. E. Regan et J. Passer, juges,
avocat général : M. J. Richard de la Tour,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
– pour la Commission européenne, M. H. Leupold, Mme J. Vondung et M. I. Zaloguin, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 3, paragraphe 1, de la décision‑cadre 2008/675/JAI du Conseil, du 24 juillet 2008, relative à la prise en compte des décisions de condamnation entre les États membres de l’Union européenne à l’occasion d’une nouvelle procédure pénale (JO 2008, L 220, p. 32), lu en combinaison avec l’article 2, sous a), de la décision-cadre 2009/315/JAI du Conseil, du 26 février 2009, concernant l’organisation et le contenu des échanges
d’informations extraites du casier judiciaire entre les États membres (JO 2009, L 93, p. 23), telle que modifiée par la directive (UE) 2019/884 du Parlement européen et du Conseil, du 17 avril 2019 (JO 2019, L 151, p. 143) (ci-après la « décision‑cadre 2009/315 »).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure pénale engagée contre YE, ressortissant bulgare, pour la conduite d’un véhicule à moteur sans le permis de conduire correspondant, dans un délai de moins d’un an après avoir fait l’objet d’une sanction administrative pour les mêmes faits.
Le cadre juridique
Le droit international
3 L’article 13 de la convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale (STE no 30), signé à Strasbourg le 20 avril 1959 (ci-après la « convention européenne d’entraide judiciaire »), stipule, à son paragraphe 1 :
« La partie requise communiquera, dans la mesure où ses autorités judiciaires pourraient elles‑mêmes les obtenir en pareil cas, les extraits du casier judiciaire et tous renseignements relatifs à ce dernier qui lui seront demandés par les autorités judiciaires d’une Partie contractante pour les besoins d’une affaire pénale. »
Le droit de l’Union
La convention relative à l’entraide judiciaire entre les États membres
4 L’article 1er de la convention établie par le Conseil conformément à l’article 34 du traité sur l’Union européenne, relative à l’entraide judiciaire en matière pénale entre les États membres de l’Union européenne (JO 2000, C 197, p. 3, ci-après la « convention relative à l’entraide judiciaire entre les États membres »), intitulé « Relations avec les autres conventions relatives à l’entraide judiciaire », est libellé comme suit :
« 1. La présente convention a pour objet de compléter les dispositions et de faciliter l’application entre les États membres de l’Union européenne:
a) de la [convention européenne d’entraide judiciaire] ;
[...] »
5 L’article 6 de cette convention, intitulé « Transmission des demandes d’entraide », dispose, à son paragraphe 1 :
« Les demandes d’entraide [...] sont fait[e]s par écrit, ou par tout moyen permettant d’en obtenir une trace écrite dans des conditions permettant à l’État membre destinataire d’en vérifier l’authenticité. Les demandes sont transmises directement entre les autorités judiciaires territorialement compétentes pour les présenter et les exécuter et il y est répondu par la même voie, sauf disposition contraire du présent article.
[...] »
La décision‑cadre 2008/675
6 Les considérants 2, 3, 5 à 8 et 13 de la décision-cadre 2008/675 énoncent ce qui suit :
« (2) Le 29 novembre 2000, conformément aux conclusions du Conseil européen de Tampere, le Conseil a adopté un programme de mesures destiné à mettre en œuvre le principe de reconnaissance mutuelle des décisions pénales [...], qui prévoit “l’adoption d’un ou de plusieurs instruments instaurant le principe selon lequel le juge d’un État membre doit être en mesure de tenir compte des décisions pénales définitives rendues dans les autres États membres pour apprécier le passé pénal du délinquant, pour
retenir la récidive et pour déterminer la nature des peines et les modalités d’exécution susceptibles d’être mises en œuvre”.
(3) La présente décision-cadre vise à établir une obligation minimale imposant aux États membres de tenir compte des condamnations prononcées dans d’autres États membres. Elle ne devrait donc pas les empêcher de prendre en compte, conformément à leur droit interne et lorsqu’ils disposent d’informations à ce sujet, par exemple, les décisions définitives d’une autorité administrative pouvant donner lieu à un recours devant une juridiction pénale, établissant la culpabilité d’une personne pour une
infraction pénale ou un acte punissable selon le droit national du fait qu’il constitue une violation des règles de droit.
[...]
(5) Il y a lieu d’affirmer le principe selon lequel une condamnation prononcée dans un État membre doit se voir attacher dans les autres États membres des effets équivalents à ceux qui sont attachés aux condamnations prononcées par leurs propres tribunaux conformément au droit national, qu’il s’agisse d’effets de fait ou d’effets de droit procédural ou matériel selon le droit national. Toutefois, la présente décision-cadre ne vise pas à harmoniser les conséquences attachées par les différentes
législations nationales à l’existence de condamnations antérieures et l’obligation de prendre en compte les condamnations antérieures prononcées dans d’autres États membres n’existe que dans la mesure où les condamnations nationales antérieures sont prises en compte en vertu du droit national.
(6) Contrairement à d’autres instruments, la présente décision-cadre ne vise pas à faire exécuter dans un État membre des décisions judiciaires rendues dans d’autres États membres, mais à permettre que des conséquences soient attachées à une condamnation antérieure prononcée dans un État membre, à l’occasion d’une nouvelle procédure pénale engagée dans un autre État membre, dans la mesure où ces conséquences sont attachées à des condamnations nationales antérieures en vertu du droit de cet autre
État membre.
La présente décision-cadre ne prévoit donc aucune obligation de prendre en compte [d]es condamnations antérieures, par exemple, lorsque les informations obtenues au titre des instruments applicables ne sont pas suffisantes, lorsqu’une condamnation nationale n’aurait pas été possible pour l’acte ayant donné lieu à la condamnation antérieure, ou lorsque la sanction imposée antérieurement est inconnue dans le système juridique national.
(7) Les effets attachés aux condamnations prononcées dans d’autres États membres devraient être équivalents à ceux qui sont attachés aux décisions nationales, qu’il s’agisse de la phase préalable au procès pénal, du procès pénal lui-même, ou de la phase d’exécution de la condamnation.
(8) Lorsque, au cours de la procédure pénale dans un État membre, des informations sont disponibles concernant une condamnation antérieure dans un autre État membre, il convient d’éviter dans la mesure du possible que la personne concernée soit traitée de manière moins favorable que si la condamnation antérieure avait été une condamnation nationale.
[...]
(13) La présente décision-cadre respecte la diversité des solutions et des procédures internes nécessaires pour prendre en compte une condamnation antérieure prononcée dans un autre État membre. Le fait qu’il ne soit pas possible de réexaminer une condamnation antérieure ne devrait pas empêcher un État membre de rendre, si nécessaire, une décision permettant d’attacher les effets juridiques équivalents à ladite condamnation antérieure. [...] »
7 L’article 1er de cette décision-cadre, intitulé « Objet », dispose, à son paragraphe 1 :
« La présente décision-cadre a pour objet de déterminer les conditions dans lesquelles, à l’occasion d’une procédure pénale engagée dans un État membre à l’encontre d’une personne, les condamnations antérieures prononcées à l’égard de cette même personne dans un autre État membre pour des faits différents sont prises en compte. »
8 L’article 2 de ladite décision-cadre, intitulé « Définitions », énonce :
« Aux fins de la présente décision-cadre, on entend par “ condamnation ”, toute décision définitive d’une juridiction pénale établissant la culpabilité d’une personne pour une infraction pénale. »
9 L’article 3 de la même décision-cadre, intitulé « Prise en compte, à l’occasion d’une nouvelle procédure pénale, d’une condamnation prononcée dans un autre État membre », prévoit, à ses paragraphes 1 à 3 :
« 1. Tout État membre fait en sorte que, à l’occasion d’une procédure pénale engagée contre une personne, des condamnations antérieures prononcées dans un autre État membre contre cette même personne pour des faits différents, pour lesquelles des informations ont été obtenues en vertu des instruments applicables en matière d’entraide judiciaire ou d’échange d’informations extraites des casiers judiciaires, soient prises en compte dans la mesure où des condamnations nationales antérieures le sont
et où les effets juridiques attachés à ces condamnations sont équivalents à ceux qui sont attachés aux condamnations nationales antérieures conformément au droit interne.
2. Le paragraphe 1 s’applique lors de la phase qui précède le procès pénal, lors du procès pénal lui-même et lors de l’exécution de la condamnation, notamment en ce qui concerne les règles de procédure applicables, y compris celles qui concernent la détention provisoire, la qualification de l’infraction, le type et le niveau de la peine encourue, ou encore les règles régissant l’exécution de la décision.
3. La prise en compte de condamnations antérieures prononcées dans un autre État membre, prévue au paragraphe 1, n’a pour effet ni d’influer sur ces condamnations antérieures ou toute décision relative à leur exécution dans l’État membre où se déroule la nouvelle procédure, ni de les révoquer, ni de les réexaminer. »
La décision‑cadre 2009/315
10 Les considérants 6 et 10 de la décision‑cadre 2009/315 indiquent :
« (6) [La présente décision‑cadre] vise plus particulièrement l’amélioration des échanges d’informations sur les condamnations pénales [...]
[...]
(10) La présente décision-cadre ne devrait pas porter atteinte à la possibilité qu’ont les autorités judiciaires de demander et de se transmettre directement les informations relatives au casier judiciaire en application de l’article 13, en liaison avec l’article 15, paragraphe 3, de la [convention européenne d’entraide judiciaire], ni porter atteinte à l’article 6, paragraphe 1, de la [convention relative à l’entraide judiciaire entre les États membres]. »
11 L’article 1er de cette décision‑cadre, intitulé « Objet », prévoit :
« La présente décision‑cadre
a) définit les conditions dans lesquelles un État membre de condamnation communique aux autres États membres les informations relatives à des condamnations ;
b) définit les obligations qui incombent à l’État membre de condamnation ainsi qu’à l’État membre de la nationalité de la personne condamnée (ci-après dénommé “État membre de nationalité”), et précise les modalités à respecter pour répondre à une demande d’informations extraites du casier judiciaire ;
c) établit un système informatique décentralisé pour les échanges d’informations relatives aux condamnations, fondé sur les bases de données relatives aux casiers judiciaires de chaque État membre, le système européen d’information sur les casiers judiciaires (ECRIS). »
12 L’article 2 de ladite décision‑cadre, intitulé « Définitions », dispose :
« Aux fins de la présente décision‑cadre, on entend par :
a) “condamnation” : toute décision définitive d’une juridiction pénale rendue à l’encontre d’une personne physique en raison d’une infraction pénale, pour autant que ces décisions soient inscrites dans les casiers judiciaires de l’État de condamnation ;
[...]
c) “casier judiciaire” : le registre national ou les registres nationaux regroupant les condamnations conformément au droit national ;
[...] »
13 L’article 4 de la même décision‑cadre, intitulé « Obligations incombant à l’État membre de condamnation », énonce, à son paragraphe 2 :
« L’autorité centrale de l’État membre de condamnation informe le plus tôt possible les autorités centrales des autres États membres des condamnations prononcées sur son territoire à l’encontre des ressortissants desdits États membres, telles qu’inscrites dans le casier judiciaire.
[...] »
14 L’article 7 de la décision‑cadre 2009/315, intitulé « Réponse à une demande d’informations sur les condamnations », prévoit, à son paragraphe 4 :
« Lorsqu’une demande d’informations extraites du casier judiciaire et relatives aux condamnations prononcées à l’encontre d’un ressortissant d’un État membre est adressée, au titre de l’article 6, à l’autorité centrale d’un État membre autre que l’État membre de nationalité, l’État membre requis transmet ces informations dans les mêmes conditions que celles prévues à l’article 13 de la [convention européenne d’entraide judiciaire]. »
Le droit bulgare
Le NK
15 L’article 8, paragraphe 2, du Nakazatelen kodeks (code pénal, ci‑après le « NK ») transpose la décision‑cadre 2008/675. Aux termes de cette disposition :
« Une condamnation prononcée dans un autre État membre de l’Union européenne, passée en force de chose jugée, pour un acte qui constitue une infraction pénale conformément au [NK] est prise en compte dans toute procédure pénale menée contre la même personne en République de Bulgarie ».
16 L’article 66, paragraphe 1, du NK est libellé comme suit :
« Lorsque le tribunal impose une peine privative de liberté allant jusqu’à trois ans, il peut surseoir à l’exécution de la peine infligée pour un délai de trois à cinq ans si la personne n’a pas été condamnée à une peine privative de liberté pour une infraction pénale à caractère général et si le tribunal constate que pour atteindre les objectifs de la peine et, avant tout, pour la correction de la personne condamnée, il n’est pas nécessaire d’exécuter la peine. »
17 L’article 78a du NK prévoit, à son paragraphe 1 :
« Un adulte est exonéré de sa responsabilité pénale par le tribunal et est condamné au paiement d’une amende de [1000] à [5000] [leva bulgares (BGN)] [de 500 à 2500 euros environ] lorsque les conditions suivantes sont réunies simultanément :
a) [...] [L]’infraction est passible d’une peine de privation de liberté de trois ans au maximum, ou toute autre peine moins sévère, lorsqu’elle est commise de manière intentionnelle, ou d’une privation de liberté de cinq ans au maximum, ou toute autre peine moins sévère, en cas d’imprudence ;
b) l’auteur n’a pas été condamné pour une infraction pénale à caractère général et n’a pas été exonéré de sa responsabilité pénale au titre du présent chapitre ;
c) le préjudice matériel résultant de l’infraction a été réparé. »
18 L’article 343c du NK est libellé comme suit :
« (1) Quiconque conduit un véhicule à moteur pendant la durée de l’exécution de la peine de privation du droit de conduire un véhicule à moteur, après avoir été sanctionné pour le même acte dans le cadre d’une procédure administrative, est passible d’une peine de privation de liberté d’une durée maximale de trois ans et d’une amende de [200] à [1000] BGN [de 100 à 500 euros environ].
(2) Quiconque, dans un délai d’un an à compter de sa condamnation dans le cadre d’une procédure administrative pour conduite d’un véhicule à moteur sans le permis de conduire correspondant, commet un tel acte est puni d’une peine privative de liberté allant d’un an à trois ans et d’une amende de [500] à [1200] BGN [de 250 à 600 euros environ]. »
19 Aux termes de l’article 345 du NK :
« (1) Quiconque utilise une plaque d’immatriculation délivrée pour un autre véhicule à moteur ou une plaque d’immatriculation non délivrée par les autorités compétentes est puni d’une peine de privation de liberté d’un an au maximum ou d’une amende de [500] à [1000] BGN [de 250 à 500 euros environ].
(2) La peine prévue au paragraphe 1 est également appliquée à quiconque conduit un véhicule à moteur qui n’est pas dûment immatriculé ».
Le Nakazatelno-protsesualen kodeks
20 En vertu de l’article 247, paragraphe 1, du Nakazatelno-protsesualen kodeks (code de procédure pénale) (DV no 86, du 28 octobre 2005), la procédure en première instance est engagée par un acte d’accusation ou à la suite d’une plainte introduite par la victime de l’infraction.
Le Naredba no 8 za funktsiite i organizatsiata na deynostta na byurata za sadimost
21 L’article 40 du Naredba no 8 za funktsiite i organizatsiata na deynostta na byurata za sadimost (règlement no 8 relatif aux fonctions et à l’organisation des activités des bureaux du casier judiciaire), du 26 février 2008, dispose, à son paragraphe 1 :
« Toutes les condamnations et sanctions administratives prononcées en vertu de l’article 78a du NK sont inscrites au relevé des condamnations [...] »
Le litige au principal et les questions préjudicielles
22 YE a fait l’objet d’une sanction administrative, infligée par procès-verbal du 7 mars 2023, ayant pris effet le 4 mai 2023, pour la conduite d’un véhicule à moteur sans le permis de conduire correspondant. Dans le cadre de la présente affaire, il est accusé d’avoir, le 25 octobre 2023, commis de nouveau les mêmes faits, dans un délai de moins d’un an après avoir été sanctionné dans le cadre d’une procédure administrative pour ces faits, infraction pénale prévue à l’article 343c, paragraphe 2, du
NK.
23 YE est poursuivi devant le Rayonen sad Tutrakan (tribunal d’arrondissement de Tutrakan, Bulgarie), qui est la juridiction de renvoi. Au cours de l’enquête judiciaire, il a été constaté que plusieurs condamnations par des juridictions nationales ont été prononcées à l’égard de YE, respectivement, le 2 novembre 2023, pour utilisation d’un faux permis de conduire, infraction visée à l’article 316 du NK, lu en combinaison avec l’article 308, paragraphe 1, du NK, le 7 décembre 2023, pour une
infraction identique à celle visée au point 22 du présent arrêt, et le 19 janvier 2024, de nouveau, pour utilisation d’un faux permis de conduire. Ces condamnations correspondaient toutes à une peine d’emprisonnement avec sursis, prononcées sur le fondement de l’article 66, paragraphe 1, du NK.
24 En outre, la juridiction de renvoi a constaté, sur la base des informations provenant de l’ECRIS, que YE avait également fait l’objet de condamnations pour des infractions à la législation sur la circulation routière dans d’autres États membres.
25 Ainsi, d’une part, par jugement du 15 novembre 2021, devenu définitif le 3 janvier 2022, le politierechtbank Vilvoorde (tribunal de police de Vilvorde, Belgique) a prononcé à l’égard de YE plusieurs condamnations relatives à des infractions à la législation belge commises le 14 juin 2020 à Zaventem (Belgique).
26 Premièrement, pour avoir, d’une part, conduit un véhicule sans que celui-ci soit couvert par une assurance obligatoire de responsabilité civile et, d’autre part, conduit sur la voie publique un véhicule non immatriculé ou sur lequel la plaque d’immatriculation délivrée au moment de l’immatriculation n’était pas apposée, YE a été condamné à une amende de 800 euros ou, à défaut de paiement de cette dernière dans le délai légal, à une peine d’interdiction de conduire un véhicule automobile pour une
durée de 30 jours, ainsi qu’à la privation du droit de conduire tout véhicule automobile pour une période d’un mois.
27 Deuxièmement, il a été condamné à une amende de 200 euros ou, à défaut de paiement de cette dernière dans le délai légal, à une peine d’interdiction de conduire un véhicule automobile pour une durée de 30 jours, ainsi qu’à la privation du droit de conduire tout véhicule automobile pour une période de 15 jours, pour utilisation d’un téléphone portable en tant que conducteur d’un véhicule sur la voie publique sans que ce dernier soit arrêté ou stationné.
28 Troisièmement, il a été condamné au paiement d’une amende de 200 euros, ou, à défaut de paiement de cette dernière dans le délai légal, à une peine d’emprisonnement de trois jours, pour circulation sur la voie publique au moyen d’un véhicule immatriculé en Belgique ne disposant pas d’un certificat de contrôle technique valable, de la vignette de contrôle technique correspondante et d’un rapport d’identification, d’une fiche technique ou d’un document d’examen visuel du véhicule correspondant à
son utilisation.
29 D’autre part, par jugement du 16 août 2023, devenu définitif le 16 septembre 2023, l’Amtsgericht Prüm (tribunal de district de Prüm, Allemagne) a condamné YE à une amende d’un montant de 50 euros pour avoir conduit un véhicule sans permis de conduire ou après avoir été déchu du droit de conduire.
30 Par jugement du 15 décembre 2023, la juridiction de renvoi, prenant en considération les condamnations antérieures de YE, l’a déclaré coupable de la conduite d’un véhicule sans permis de conduire et lui a infligé une peine privative de liberté, sans sursis, ainsi qu’une amende.
31 Le 27 février 2024, ce jugement a été annulé par l’Okrazhen sad Silistra (tribunal régional de Silistra, Bulgarie) qui a renvoyé l’affaire devant une autre formation de jugement de la juridiction de renvoi, en lui ordonnant d’examiner si les sanctions infligées par la juridiction belge produisaient des effets juridiques.
32 La juridiction de renvoi considère que l’interprétation de l’article 3, paragraphe 1, de la décision-cadre 2008/675, lu en combinaison avec l’article 2, sous a), de la décision‑cadre 2009/315, est nécessaire à la solution de l’affaire au principal. En effet, la reconnaissance des effets juridiques tant des condamnations prononcées en Belgique que celle prononcée en Allemagne aurait une incidence sur la peine susceptible d’être infligée au prévenu, ces condamnations étant devenues définitives à la
date des faits en cause dans l’affaire au principal et constituant donc des « condamnations antérieures », au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la décision-cadre 2008/675.
33 Elle indique qu’il est, en principe, possible d’exonérer le prévenu de sa responsabilité pénale et de lui infliger une sanction administrative, si celui-ci, conformément à l’article 78a, paragraphe 1, sous b), du NK, n’a pas été condamné pour une infraction pénale « à caractère général ». Il serait également possible de suspendre l’exécution d’une peine privative de liberté sur la base de l’article 66, paragraphe 1, du NK si le prévenu n’a pas été condamné antérieurement à une telle peine pour
avoir commis une infraction pénale à caractère général.
34 La juridiction de renvoi s’interroge sur les critères lui permettant de déterminer si les infractions commises par YE et sanctionnées par les juridictions belge et allemande doivent être qualifiées d’infractions pénales ou d’infractions administratives, aux fins de leur prise en compte dans le cadre de l’affaire au principal.
35 En premier lieu, elle estime que l’article 3, paragraphe 1, de la décision-cadre 2008/675 doit être interprété en ce sens qu’il convient de prendre en compte les condamnations prononcées pour des actes passibles d’une sanction et non pas seulement pour des infractions pénales, cette dernière notion ayant une acception plus étroite dans le droit bulgare.
36 À l’appui de cette interprétation, elle expose que, certes, la version bulgare de l’article 2 de la décision-cadre 2008/675 se réfère, pour la définition de la notion de « condamnation », à toute décision définitive d’une juridiction pénale établissant la culpabilité d’une personne pour une« infraction pénale » (en langue bulgare, « prestaplenie »). Toutefois, elle relève que l’article 2, sous a), de la décision-cadre 2009/315, dans cette même version linguistique, définit le terme
« condamnation » comme toute décision définitive d’une juridiction pénale rendue à l’encontre d’une personne physique en raison d’un « acte passible d’une sanction » (en langue bulgare, « nakazuemo deyanie »). De même, la version en langue allemande et la version en langue néerlandaise de cette dernière disposition utilisent, respectivement, les termes « Straftat » et « strafbaar feit », lesquels seraient analogues.
37 En deuxième lieu, la juridiction de renvoi expose que le droit bulgare procède à une distinction entre les infractions « pénales » et les infractions « administratives », ces dernières ne figurant généralement pas au casier judiciaire et ne devant donc pas être qualifiées d’« actes passibles d’une sanction », au sens de l’article 2, sous a), de la décision-cadre 2009/315 dans la version en langue bulgare. Toutefois, conformément à l’article 40, paragraphe 1, du règlement no 8, du 26 février 2008,
le casier judiciaire mentionnerait non seulement les condamnations pour des infractions pénales, mais aussi les sanctions administratives imposées en vertu de l’article 78a du NK. En outre, elle précise que l’article 247 du code de procédure pénale introduit une distinction entre les infractions pénales « à caractère général », c’est-à-dire pour lesquelles l’action est engagée par un acte d’accusation du procureur, et les infractions « à caractère privé », pour lesquelles l’action publique est
mise en œuvre à la suite d’une plainte de la victime.
38 Elle relève que, en revanche, les droits allemand et belge utilisent une classification différente des actes passibles d’une sanction, le premier distinguant deux catégories d’actes, d’une part, les crimes (« Verbrechen ») et, d’autre part, les délits (« Vergehen »), le second prévoyant un classement en trois catégories, les « crimes », les « délits » et les « contraventions ».
39 Or, les informations fournies par l’ECRIS ne permettent pas de déterminer la catégorie dont les actes visés par les condamnations antérieures prononcées en Belgique et en Allemagne relèvent selon le droit national pertinent, ce qui, selon la juridiction de renvoi, l’empêche de déterminer si elle doit traiter ces actes, au regard du droit bulgare, comme des infractions administratives ou pénales et, dans cette dernière hypothèse, s’ils constituent des infractions pénales à caractère général ou
privé.
40 En troisième lieu, dans l’hypothèse où lesdits actes devraient être considérés comme ayant un effet équivalent aux actes figurant au casier judiciaire et dans l’ECRIS en vertu du droit bulgare, la juridiction de renvoi en déduit qu’elle sera tenue de considérer que les condamnations prononcées par les juridictions belge et allemande ne peuvent constituer, au regard de la loi bulgare, que des condamnations pour des infractions pénales ou des décisions d’exonération de la responsabilité pénale, au
sens de l’article 78a du NK. À cet égard, d’une part, elle observe que ces condamnations ne sont pas reprises dans l’ECRIS en tant que décisions d’exonération de la responsabilité pénale. D’autre part, les catégories d’infractions pénales concernées viseraient des actes qui n’ont pas fait de victimes. Elle en conclut que les actes en cause sont des infractions pénales à caractère général, ce qui exclut l’application des articles 66 et 78a du NK dans l’affaire au principal.
41 Dans l’hypothèse où elle ne serait pas tenue de considérer que les condamnations figurant dans l’ECRIS sont équivalentes aux condamnations figurant dans le casier judiciaire bulgare, la juridiction de renvoi fait observer qu’il n’existe pas de critères permettant d’apprécier à quelles catégories d’actes passibles d’une sanction relèvent ceux pour lesquels le prévenu a été condamné en Belgique et en Allemagne et que la prise en compte des condamnations prononcées à cet égard devra être déterminée
au cas par cas. Dans ce cadre, il pourrait être conclu que les peines infligées par les juridictions étrangères sont des condamnations pour des infractions administratives et donc ne devraient pas être prises en compte.
42 Toutefois, elle est d’avis que l’inscription des condamnations au casier judiciaire pour certaines catégories d’infractions est justifiée par le danger pour l’ordre public que représentent, selon le législateur de l’État membre concerné, ces infractions, appréciation qui doit être acceptée par les autres États membres. Or, l’obligation prévue à l’article 3, paragraphe 1, de la décision-cadre 2008/675 vise à la prise en compte, par ceux-ci, des condamnations que cet État membre a décidé de faire
figurer dans le casier judiciaire et donc à une prise en compte de ces condamnations identique à celle prévue par sa législation nationale quant aux effets des condamnations nationales inscrites à son propre casier judiciaire.
43 En quatrième lieu, la juridiction de renvoi indique que l’article 8, paragraphe 2, du NK ne permet de prendre en compte une condamnation prononcée dans un autre État membre que pour les seuls actes constituant une infraction pénale au sens du code pénal bulgare. En outre, conformément au considérant 6 de la décision-cadre 2008/675, la juridiction nationale compétente ne serait pas tenue de prendre en compte une condamnation antérieure rendue dans un autre État membre lorsqu’une condamnation
nationale ne serait pas possible pour l’acte ayant donné lieu à cette condamnation antérieure.
44 Dès lors, selon la juridiction de renvoi, pourraient seulement être prises en compte dans l’affaire au principal la condamnation prononcée par la juridiction allemande parce qu’elle correspond à une condamnation pour l’infraction pénale visée à l’article 343c du NK et celle prononcée par la juridiction belge concernant la conduite d’un véhicule non immatriculé parce qu’elle correspond à une condamnation pour l’infraction pénale visée à l’article 345 du NK. Les autres actes objet des condamnations
prononcées par cette dernière juridiction ne seraient pas passibles d’une sanction en tant qu’infractions pénales en droit bulgare, en particulier la conduite d’un véhicule n’ayant pas fait l’objet d’un contrôle technique. Or, la condamnation prononcée en raison de cette dernière infraction correspond à une peine privative de liberté, ce qui signifierait que, si son effet était reconnu, il ne serait pas possible de prononcer une peine avec sursis en vertu de l’article 66 du NK pour l’infraction
en cause au principal.
45 En conséquence, la juridiction de renvoi estime qu’il n’y a pas de conflit entre l’article 8, paragraphe 2, du NK et l’article 3, paragraphe 1, de la décision-cadre 2008/675. Une telle interprétation permettrait, d’une part, de garantir que la situation du prévenu ne soit pas aggravée par une sanction plus sévère que s’il avait été condamné pour le même acte par la juridiction nationale et, d’autre part, d’éviter d’aboutir, en pratique, à l’exécution d’une condamnation pour un acte qui n’est pas
poursuivi dans l’État d’exécution.
46 Dans ces conditions, le Rayonen sad Tutrakan (tribunal d’arrondissement de Tutrakan) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) L’article 3, paragraphe 1, de la décision-cadre [2008/675] en liaison avec l’article 2, sous a), de la décision-cadre [2009/315] do[it]-[il] être interprét[é] en ce sens que la prise en compte des condamnations antérieures prononcées contre la même personne dans d’autres États membres signifie que la juridiction saisie d’une nouvelle procédure pénale à l’encontre de la même personne (juridiction d’application) est tenue de considérer que les condamnations antérieures enregistrées dans
l’ECRIS prononcées dans d’autres États membres concernent les mêmes catégories d’actes passibles d’une sanction, classés en droit national en fonction du danger public qu’ils représentent, soumis à une inscription au casier judiciaire dans l’État de la juridiction d’application ? Lorsqu’il existe plusieurs catégories d’actes passibles d’une sanction, soumis à une inscription au casier judiciaire en vertu du droit national de la juridiction d’application, dont les conséquences juridiques en
cas de condamnation sont différentes, appartient-il à la juridiction nationale saisie d’une procédure pénale contre une personne donnée d’apprécier dans chaque cas individuel dans quelle catégorie, selon la classification nationale, tombent les actes ayant donné lieu aux condamnations antérieures prononcées dans d’autres États membres ? Dans quels cas faut-il procéder à une telle appréciation ?
2) L’article 3, paragraphe 1, de la décision-cadre [2008/675] doit-il être interprété en ce sens qu’il autorise une réglementation nationale qui prévoit qu’une juridiction est tenue de ne pas tenir compte des condamnations antérieures prononcées dans un autre État membre de l’Union européenne pour des actes qui ne constituent pas des infractions pénales au regard du droit national de la juridiction d’application ? »
La procédure devant la Cour
47 Par décision du président de la Cour du 24 juin 2024, la présente affaire a été soumise à un traitement prioritaire en vertu de l’article 53, paragraphe 3, du règlement de procédure.
48 Par ordonnance du président de la Cour du 29 juillet 2024, la demande de la juridiction de renvoi de soumettre la présente affaire à la procédure accélérée prévue à l’article 105 du règlement de procédure a été rejetée.
Sur les questions préjudicielles
49 Il convient de commencer l’examen des questions préjudicielles par la seconde question.
Sur la seconde question
50 Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, paragraphe 1, de la décision‑cadre 2008/675 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle, afin de statuer sur des poursuites pénales, la juridiction compétente ne peut pas prendre en considération les condamnations antérieures prononcées dans un autre État membre à l’égard de la personne faisant l’objet de ces poursuites pour des actes qui ne constituent
pas des infractions pénales au regard du droit national.
51 Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision-cadre 2008/675, celle-ci a pour objet de déterminer les conditions dans lesquelles, à l’occasion d’une procédure pénale engagée dans un État membre à l’encontre d’une personne, les condamnations antérieures prononcées à l’égard de cette même personne dans un autre État membre pour des faits différents sont prises en compte.
52 À cette fin, l’article 3, paragraphe 1, de cette décision-cadre, lu à la lumière du considérant 5 de celle-ci, fixe à la charge des États membres l’obligation de faire en sorte que, à cette occasion, les condamnations antérieures prononcées dans un autre État membre, pour lesquelles des informations ont été obtenues en vertu des instruments applicables en matière d’entraide judiciaire ou d’échange d’informations extraites des casiers judiciaires, d’une part, soient prises en compte dans la mesure
où les condamnations nationales antérieures le sont en vertu du droit national et, d’autre part, se voient reconnaître des effets équivalents à ceux attachés à ces dernières condamnations conformément à ce droit, qu’il s’agisse d’effets factuels ou d’effets de droit procédural ou matériel (arrêt du 21 septembre 2017, Beshkov, C‑171/16, EU:C:2017:710, point 26).
53 Toutefois, il ressort également du considérant 5 de ladite décision‑cadre que celle-ci ne vise pas à harmoniser les conséquences attachées par les différentes législations nationales à l’existence de condamnations antérieures et l’obligation de prendre en compte les condamnations antérieures prononcées dans d’autres États membres n’existe que dans la mesure où les condamnations nationales antérieures sont prises en compte en vertu du droit national. Ainsi qu’il est souligné par le considérant 3
de la décision-cadre 2008/675, l’obligation à la charge des États membres, fixée à l’article 3, paragraphe 1, de celle-ci, de tenir compte, à l’occasion d’une nouvelle procédure pénale, des condamnations prononcées dans d’autres États membres présente un caractère minimal.
54 En outre, ainsi que le précise expressément le considérant 6 de cette décision‑cadre, contrairement à d’autres instruments, cette dernière ne vise pas à faire exécuter dans un État membre des décisions judiciaires rendues dans d’autres États membres, mais à permettre que des conséquences soient attachées à une condamnation antérieure prononcée dans un État membre, à l’occasion d’une nouvelle procédure pénale engagée dans un autre État membre, dans la mesure où ces conséquences sont attachées à
des condamnations nationales antérieures en vertu du droit de cet autre État membre. Ladite décision-cadre ne prévoit donc aucune obligation de prendre en compte ces condamnations antérieures, par exemple, lorsque les informations obtenues au titre des instruments applicables ne sont pas suffisantes, lorsqu’une condamnation nationale n’aurait pas été possible pour l’acte ayant donné lieu à la condamnation antérieure, ou lorsque la sanction imposée antérieurement est inconnue dans le système
juridique national.
55 Il ressort donc des termes de l’article 3, paragraphe 1, de la décision‑cadre 2008/675, lus à la lumière des considérants 3, 5 et 6 de celle-ci, que cette disposition n’impose pas aux États membres de prendre en compte, dans le cadre d’une procédure pénale, des condamnations antérieures prononcées à l’égard de la personne concernée dans un autre État membre, lorsque celles-ci l’ont été pour des actes qui ne constituent pas des infractions pénales au regard du droit national et ne peuvent donc pas
faire l’objet, dans le cadre de ce droit, d’une condamnation pénale.
56 Partant, ladite disposition n’interdit pas à un État membre de prévoir, dans sa législation nationale, une disposition imposant aux juridictions compétentes de ne pas prendre en considération les condamnations antérieures prononcées dans un autre État membre à l’égard de la personne faisant l’objet d’une procédure pénale pour des actes qui ne constituent pas des infractions pénales au regard du droit national.
57 En l’occurrence, elle ne s’oppose pas à ce que la juridiction de renvoi, conformément à son droit national, prenne uniquement en compte la condamnation antérieure prononcée à l’égard du défendeur au principal en Allemagne pour conduite d’un véhicule sans permis de conduire et celle prononcée à son égard en Belgique pour conduite d’un véhicule non immatriculé, étant donné que, selon les indications de cette juridiction, seules ces condamnations visent des actes qui constituent, au regard de ce
droit national, des infractions pénales passibles, en tant que telles, d’une condamnation.
58 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de répondre à la seconde question que l’article 3, paragraphe 1, de la décision‑cadre 2008/675 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale en vertu de laquelle, afin de statuer sur des poursuites pénales, la juridiction compétente ne peut pas prendre en considération les condamnations antérieures prononcées dans un autre État membre à l’égard de la personne faisant l’objet de ces poursuites pour des actes qui ne
constituent pas des infractions pénales au regard du droit national et ne peuvent donc pas faire l’objet, dans le cadre de ce droit, d’une condamnation pénale.
Sur la première question
59 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la procédure de coopération entre les juridictions nationales et la Cour instituée à l’article 267 TFUE, il appartient à celle-ci de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. Dans cette optique, il incombe, le cas échéant, à la Cour de reformuler les questions qui lui sont soumises. En outre, la Cour peut être amenée à prendre en
considération des normes du droit de l’Union auxquelles le juge national n’a pas fait référence dans l’énoncé de sa question [arrêt du 5 décembre 2019, Centraal Justitieel Incassobureau (Reconnaissance et exécution des sanctions pécuniaires), C‑671/18, EU:C:2019:1054, point 26 et jurisprudence citée].
60 En l’occurrence, d’une part, il convient de relever que, par sa première question, la juridiction de renvoi cherche essentiellement à déterminer si elle doit qualifier les actes ayant donné lieu aux condamnations antérieures dont la personne en cause dans la procédure pénale au principal a fait l’objet dans d’autres États membres au regard de la typologie des actes passibles d’une sanction prévue par son droit national, qui distingue ces actes en fonction de leur nature d’infraction
administrative ou d’infraction pénale et classe les infractions pénales en deux catégories, la première visant les infractions pénales « à caractère général », pour lesquelles l’action publique est engagée par un acte d’accusation du procureur, la seconde étant relative aux infractions pénales « à caractère privé », pour lesquelles cette action est mise en œuvre à la suite d’une plainte de la victime.
61 D’autre part, il y a lieu de souligner que l’article 3, paragraphe 2, de la décision‑cadre 2008/675 précise la portée de l’article 3, paragraphe 1, de cette décision‑cadre, auquel la première question se réfère, en indiquant que ce dernier paragraphe s’applique lors de la phase qui précède le procès pénal, lors du procès pénal lui-même et lors de l’exécution de la condamnation, notamment en ce qui concerne les règles de procédure applicables, y compris celles qui concernent la détention
provisoire, la qualification de l’infraction, le type et le niveau de la peine encourue, ou encore les règles régissant l’exécution de la décision. Or, par cette première question, la juridiction de renvoi s’interroge précisément sur la qualification des infractions pour lesquelles la personne, contre qui sont dirigées les poursuites pénales dont elle est saisie, a fait l’objet de condamnations antérieures dans d’autres États membres, et ce au regard des incidences d’une telle qualification sur
la décision qu’elle est susceptible de prendre à son égard.
62 Par conséquent, il y a lieu de considérer que, par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, paragraphes 1 et 2, de la décision-cadre 2008/675, lu en combinaison avec l’article 2, sous a), de la décision‑cadre 2009/315, doit être interprété en ce sens qu’il appartient à la juridiction nationale compétente, aux fins de la prise en compte des condamnations antérieures prononcées dans un autre État membre contre une personne faisant l’objet d’une procédure
pénale, d’apprécier si les actes ayant donné lieu à ces condamnations enregistrées dans l’ECRIS doivent être qualifiés, au regard de la classification opérée par le droit national, d’infractions pénales ou d’infractions administratives et, dans la première hypothèse, d’infractions pénales à caractère général ou d’infractions pénales à caractère privé, lorsque les conséquences juridiques prévues par le droit national sont différentes selon la catégorie à laquelle appartient l’acte ayant donné lieu
à une condamnation antérieure.
63 Ainsi qu’il a été rappelé au point 52 du présent arrêt, l’article 3, paragraphe 1, de la décision-cadre 2008/675 impose aux États membres de veiller, d’une part, à ce que, à l’occasion d’une procédure pénale engagée contre une personne, les « condamnations » antérieures prononcées dans un autre État membre soient prises en compte dans la mesure où elles le sont en vertu du droit national et, d’autre part, à ce qu’elles se voient reconnaître des effets juridiques « équivalents » à ceux attachés
aux condamnations nationales antérieures, conformément au droit national. Par ailleurs, il ressort du libellé de l’article 3, paragraphe 2, de cette décision‑cadre, repris au point 61 du présent arrêt, que cette obligation s’applique, notamment, en ce qui concerne la qualification de l’infraction ainsi que le type et le niveau de la peine encourue.
64 Dans ce contexte, la première question nécessite de déterminer la portée, d’une part, de la notion de « condamnation », au sens de l’article 2 de la décision-cadre 2008/675, et, d’autre part, du terme « équivalents », au sens de l’article 3, paragraphe 1, de celle-ci, afin de définir les obligations des juridictions nationales, prévues à cette dernière disposition, s’agissant de la prise en compte des « condamnations antérieures prononcées dans un autre État membre » et de la reconnaissance, à
l’égard de ces condamnations, d’« effets juridiques [...] équivalents à ceux qui sont attachés aux condamnations nationales antérieures conformément au droit interne ».
65 En premier lieu, aux termes de l’article 2 de cette décision-cadre, aux fins de celle-ci, il faut entendre par « condamnation », « toute décision définitive d’une juridiction pénale établissant la culpabilité d’une personne pour une infraction pénale ».
66 D’emblée, il convient de souligner que le fait, relevé par la juridiction de renvoi, que l’article 2, sous a), de la décision-cadre 2009/315, dans sa version en langue bulgare, définit le terme « condamnation » en se référant à la notion d’« acte passible d’une sanction » ne signifie pas nécessairement, contrairement à ce qu’affirme cette juridiction, qu’il faudrait retenir cette dernière notion aux fins de la définition du terme « condamnation », au sens de l’article 2 de la décision-cadre
2008/675, nonobstant la référence de cette dernière disposition à la notion d’« infraction pénale », au motif que cette dernière notion a une acception plus étroite en langue bulgare que la notion d’« acte passible d’une sanction ».
67 À cet égard, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, la formulation utilisée dans certaines versions linguistiques d’une disposition du droit de l’Union ne saurait servir de base unique à l’interprétation de cette disposition ou se voir attribuer un caractère prioritaire par rapport aux autres versions linguistiques. En effet, la nécessité d’une application et, dès lors, d’une interprétation uniformes d’un acte de l’Union exclut que celui-ci soit considéré isolément dans l’une de
ses versions, mais exige que la disposition en cause soit interprétée en fonction de l’économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément, à la lumière, notamment, des versions établies dans toutes les langues (arrêt du 5 décembre 2024, Network One Distribution, C‑506/23, EU:C:2024:1003, point 27 et jurisprudence citée).
68 En l’occurrence, il y a lieu de relever que, dans la plupart des versions linguistiques tant de l’article 2 de la décision-cadre 2008/675 que de l’article 2, sous a), de la décision-cadre 2009/315, le libellé de ces dispositions se réfère à la notion d’« infraction pénale ». Tel est, notamment, le cas des versions en langues allemande et néerlandaise de ces deux dispositions, qui emploient respectivement les termes « Straftat » et « strafbaar feit », lesquels termes correspondent à cette notion
et non à celle plus générale d’« acte passible d’une sanction ».
69 L’interprétation selon laquelle la notion de « condamnation », au sens de l’article 2 de la décision-cadre 2008/675, est définie par référence aux seules infractions pénales est corroborée par le considérant 3 de la décision-cadre 2008/675. En effet, il ressort de ce considérant que cette notion n’inclut pas les décisions définitives d’une autorité administrative qui constate la responsabilité d’une personne pour une « infraction pénale » ou un « acte punissable selon le droit national du fait
qu’il constitue une violation des règles de droit ». Ce faisant, le législateur de l’Union a entendu introduire une distinction entre les infractions pénales et les actes punissables selon le droit national ne présentant pas un caractère pénal.
70 Cette interprétation est également confirmée par les objectifs de la décision-cadre 2008/675 et de la décision‑cadre 2009/315, lesquelles sont indissociablement liées. En effet, il importe que les autorités compétentes des États membres coopèrent avec diligence et de façon uniforme à des échanges d’informations sur les condamnations pénales, afin d’éviter que les autorités judiciaires nationales saisies d’une nouvelle procédure pénale contre une personne qui a déjà fait l’objet de décisions de
condamnation rendues par des juridictions d’autres États membres pour d’autres faits, se prononcent sans être en mesure de tenir compte de ces décisions de condamnations antérieures (voir, en ce sens, arrêt du 5 juillet 2018, Lada, C‑390/16, EU:C:2018:532, point 47).
71 Il résulte de ce qui précède que la notion de « condamnation », au sens de l’article 2 de la décision‑cadre 2008/675, lu à la lumière du considérant 3 de celle-ci, laquelle notion est cohérente avec celle visée à l’article 2, sous a), de la décision‑cadre 2009/315, se réfère à une décision définitive d’une juridiction pénale établissant la culpabilité d’une personne en raison de la commission d’une « infraction pénale » et non, plus généralement d’un « acte passible d’une sanction » ou d’un
« acte punissable selon le droit national du fait qu’il constitue une violation des règles de droit ». De même, ainsi qu’il a déjà été indiqué au point 69 du présent arrêt, cette notion n’inclut pas les décisions définitives des autorités administratives, quelle que soit la nature de l’acte pour lequel elles ont établi la responsabilité de la personne concernée.
72 Il en ressort que l’obligation à la charge des États membres visée à l’article 3, paragraphe 1, de la décision‑cadre 2008/675 concerne seulement les décisions définitives prononcées par une juridiction pénale d’un autre État membre et qui établissent la culpabilité de la personne concernée pour une infraction pénale. En outre, ainsi que cela ressort expressément des termes de cette disposition, cette obligation se limite aux condamnations pour lesquelles des informations ont été obtenues en vertu
des instruments applicables en matière d’entraide judiciaire ou d’échange d’informations extraites des casiers judiciaires.
73 Il convient, toutefois, de préciser que, conformément à l’article 2 de cette décision-cadre, tel qu’interprété au point 71 du présent arrêt, cette obligation inclut des décisions définitives d’une juridiction pénale, telles que celles prévues à l’article 78a, paragraphe 1, sous b), du NK, qui, après avoir établi la culpabilité du prévenu pour une infraction pénale, l’exonère de sa responsabilité pénale et lui inflige une sanction administrative, au lieu d’une sanction pénale, pour autant que des
informations ont pu être obtenues sur ces décisions.
74 Il s’ensuit que, aux fins de la prise en compte des condamnations antérieures prononcées dans un autre État membre, au sens de l’article 3, paragraphe 1 de ladite décision-cadre, il appartient à la juridiction compétente de déterminer, au préalable, si les décisions définitives antérieures prononcées dans un autre État membre par une juridiction pénale, dont elle a été informée, ont reconnu la culpabilité de la personne concernée au titre de la commission d’une infraction pénale.
75 À cet égard, comme la juridiction de renvoi le suggère elle-même, en substance, le fait qu’une telle décision définitive est inscrite au casier judiciaire de l’intéressé dans l’État membre de condamnation et est donc portée à la connaissance des juridictions des autres États membres via l’ECRIS indique, en principe, que cette décision répond au critère visé au point précédent, étant précisé, par ailleurs, que la notion de « condamnation », au sens de l’article 2, sous a), de la décision-cadre
2009/315, inclut également un tel critère.
76 Pour autant que la juridiction de renvoi indique que les informations sur les condamnations antérieures du prévenu au principal, provenant de l’ECRIS, ne lui permettent pas de déterminer la catégorie dont relèvent les actes visés par ces condamnations, il y a lieu de souligner que, ainsi que le précise le considérant 10 de la décision‑cadre 2009/315, cette décision-cadre ne devrait pas porter atteinte à la possibilité qu’ont les autorités judiciaires de demander et de se transmettre directement
les informations relatives au casier judiciaire en application de l’article 13, lu en combinaison avec l’article 15, paragraphe 3, de la convention européenne d’entraide judiciaire, ni porter atteinte à l’article 6, paragraphe 1, de la convention relative à l’entraide judiciaire entre les États membres, lequel précise les modalités de présentation et de transmission d’une demande d’entraide judiciaire conformément aux dispositions susvisées de la convention européenne d’entraide judiciaire.
77 Par conséquent, dans le cas où une juridiction d’un État membre estime que, aux fins de l’application de l’article 3, paragraphe 1, de la décision‑cadre 2008/675, les informations disponibles dans l’ECRIS ne sont pas suffisantes, il incombe à celle-ci de vérifier directement auprès des juridictions ayant prononcé les condamnations antérieures si celles-ci constituent effectivement des condamnations, au sens de l’article 2 de cette décision-cadre.
78 En second lieu, s’agissant de la portée de l’obligation pesant sur chaque État membre de faire en sorte que les condamnations antérieures prononcées dans d’autres États membres se voient reconnaître des effets « équivalents » à ceux qui s’attachent aux condamnations nationales antérieures prononcées dans l’État membre concerné, conformément à son droit interne, au sens de cet article 3, paragraphe 1, en lien avec l’article 3, paragraphe 2, de ladite décision‑cadre, celle-ci doit être déterminée à
la lumière du principe de reconnaissance mutuelle des jugements et des décisions judiciaires en matière pénale, consacré à l’article 82, paragraphe 1, TFUE, que la décision‑cadre 2008/675, ainsi que l’énonce son considérant 2, vise à mettre en œuvre.
79 Il ressort de la jurisprudence de la Cour que ce principe s’oppose, notamment, à ce que, au titre de sa prise en compte, dans le cadre de cette décision-cadre, une décision de condamnation rendue antérieurement dans un autre État membre fasse l’objet d’un réexamen (voir, en ce sens, arrêt du 5 juillet 2018, Lada, C‑390/16, EU:C:2018:532, point 38 et jurisprudence citée).
80 C’est pourquoi l’article 3, paragraphe 3, de ladite décision-cadre proscrit expressément un tel réexamen, les décisions de condamnation rendues antérieurement dans les autres États membres devant ainsi être prises en compte telles qu’elles ont été prononcées (voir, en ce sens, arrêt du 5 juillet 2018, Lada, C‑390/16, EU:C:2018:532, point 39 et jurisprudence citée).
81 Cela étant, ainsi que l’explicite le considérant 13 de la décision-cadre 2008/675, cette dernière respecte la diversité des solutions et des procédures internes nécessaires pour prendre en compte une condamnation antérieure prononcée dans un autre État membre. Le fait qu’il ne soit pas possible de réexaminer une condamnation antérieure ne devrait pas empêcher un État membre de rendre, si nécessaire, une décision permettant d’attacher les effets juridiques équivalents à cette condamnation.
82 En particulier, comme précisé par le considérant 8 de cette décision‑cadre, lorsque, au cours de la procédure pénale dans un État membre, des informations sont disponibles concernant une condamnation antérieure dans un autre État membre, il convient d’éviter dans la mesure du possible que la personne concernée soit traitée de manière moins favorable que si la condamnation antérieure avait été une condamnation nationale.
83 Il en résulte que la juridiction saisie de poursuites pénales dans un État membre doit s’assurer que l’infraction ayant entraîné une condamnation antérieure prononcée dans un autre État membre ainsi que la peine infligée en vertu de celle-ci ne se voient pas attribuer des effets juridiques ayant des conséquences plus graves pour la situation du prévenu que si cette condamnation avait été prononcée par une juridiction nationale.
84 Dans cette perspective, afin d’être en mesure de reconnaître à la condamnation antérieure prononcée dans un autre État membre des effets juridiques « équivalents » à ceux qu’aurait produits une condamnation nationale, il est nécessaire que la juridiction de renvoi puisse apprécier, notamment, la catégorie à laquelle appartient l’infraction pénale sanctionnée par cette condamnation antérieure et qui a déterminé la nature et le niveau de cette sanction. En effet, la détermination d’une telle
équivalence peut requérir, entre autres, une comparaison entre la typologie des infractions pénales prévue par la législation pénale de l’État membre dans lequel ladite condamnation antérieure a été infligée et celle existante dans la législation nationale, en particulier lorsque, en vertu de cette dernière, les effets juridiques qui s’attachent aux condamnations prononcées à raison de l’infraction en cause sont susceptibles d’être différents selon la catégorie à laquelle appartient cette
infraction.
85 Il s’ensuit que l’adoption d’une décision permettant d’attacher à une condamnation antérieure prononcée dans un autre État membre des effets juridiques équivalents à ceux qui seraient attachés à une condamnation nationale antérieure nécessite un examen au cas par cas, au regard des circonstances concrètes du cas d’espèce, lequel ne saurait, toutefois, conduire à une requalification de l’infraction commise et de la peine infligée (voir, en ce sens, arrêt du 5 juillet 2018, Lada, C‑390/16,
EU:C:2018:532, point 45 et jurisprudence citée).
86 Plus précisément, il doit être déduit des considérations énoncées aux points 65 à 85 du présent arrêt que, lorsque les informations dont la juridiction pénale compétente dispose font ressortir que le prévenu a fait l’objet, dans un autre État membre, de condamnations, au sens de l’article 2 de la décision‑cadre 2008/675, à savoir des décisions définitives établissant sa culpabilité pour une infraction pénale, cette juridiction est tenue de reconnaître à ces décisions des effets équivalents à ceux
qui s’attachent aux condamnations nationales prononcées en raison de la commission d’une infraction pénale appartenant à une catégorie équivalente et donnant lieu à une peine d’une nature et d’un niveau comparables. Toutefois, cette reconnaissance ne doit pas conduire, dans la procédure en cause, à un traitement moins favorable de la personne concernée que si ces décisions avaient été prononcées par une juridiction nationale.
87 Dans ce contexte, la juridiction pénale compétente ne saurait procéder à une requalification de l’infraction pénale pour laquelle le prévenu a fait l’objet d’une condamnation dans un autre État membre qui aurait pour effet de lui conférer la nature d’une infraction administrative. En effet, non seulement une telle requalification aurait pour effet d’entraîner un réexamen de la condamnation antérieure, lequel est proscrit expressément par l’article 3, paragraphe 3, de cette décision-cadre, mais,
elle reviendrait, en définitive, en violation de l’obligation énoncée à l’article 3, paragraphe 1, de celle-ci, à ne pas faire produire à cette condamnation des effets équivalents à une condamnation nationale.
88 Toutefois, ainsi qu’il ressort du point 73 du présent arrêt, la décision‑cadre 2008/675 exige que, dans l’hypothèse où le droit national prévoit la prise en compte de décisions définitives antérieures d’une juridiction pénale ayant établi la culpabilité du prévenu pour une infraction pénale, mais lui ayant infligé, en lieu et place d’une sanction pénale, une sanction à caractère administratif, la juridiction compétente fasse application des dispositions pertinentes de ce droit à de telles
décisions rendues dans un autre État membre, pour autant qu’elle dispose d’informations suffisantes à cet égard.
89 S’agissant, à présent, de déterminer, si, conformément à la classification prévue par son droit national, les infractions pénales visées par les condamnations antérieures prononcées dans d’autres États membres constituent des infractions pénales « à caractère général » ou des infractions pénales « à caractère privé », pour autant que, selon la catégorie à laquelle celles-ci appartiennent, les conséquences juridiques en droit national sont différentes, il appartient à la juridiction de renvoi de
vérifier si l’action publique dans ces autres États membres a été exercée à l’initiative de l’autorité compétente ou à la suite d’une plainte de la victime devant un tribunal.
90 En l’occurrence, ainsi que la juridiction de renvoi l’a elle-même constaté, les infractions ayant donné lieu aux condamnations en Belgique et en Allemagne n’impliquaient pas de victime. Pour autant que ces infractions constituent effectivement des infractions pénales selon la législation de l’État membre concerné, il lui appartiendra de conférer à ces condamnations des effets équivalents à ceux qu’auraient entraînés des condamnations antérieures nationales pour des infractions pénales « à
caractère général ».
91 Eu égard aux motifs qui précèdent, il convient de répondre à la première question que l’article 3, paragraphes 1 et 2, de la décision-cadre 2008/675, lu en combinaison avec l’article 2, sous a), de la décision‑cadre 2009/315, doit être interprété en ce sens qu’il appartient à la juridiction nationale compétente, aux fins de la prise en compte des condamnations antérieures prononcées dans un autre État membre à l’égard de la personne faisant l’objet de la procédure pénale dont est saisie cette
juridiction, d’apprécier si les actes ayant donné lieu aux décisions définitives antérieures des juridictions de cet autre État membre, dont elle a pris connaissance, ont été qualifiés, au regard de la classification opérée par le droit de l’autre État membre, d’infractions pénales. En vertu de l’article 3, paragraphes 1 et 2, de la décision-cadre 2008/675, ladite juridiction est tenue de prendre en compte uniquement ces décisions et de leur conférer des effets juridiques équivalents à ceux qui
seraient attachés à des condamnations nationales antérieures en raison de la commission d’une infraction pénale appartenant à une catégorie équivalente et donnant lieu à une peine d’une nature et d’un niveau comparables. Toutefois, cette prise en compte ne doit pas conduire, dans la procédure en cause, à un traitement moins favorable de la personne concernée que si ces décisions avaient été prononcées par une juridiction nationale.
Sur les dépens
92 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) dit pour droit :
1) L’article 3, paragraphe 1, de la décision‑cadre 2008/675/JAI du Conseil, du 24 juillet 2008, relative à la prise en compte des décisions de condamnation entre les États membres de l’Union européenne à l’occasion d’une nouvelle procédure pénale,
doit être interprété en ce sens que :
il ne s’oppose pas à une réglementation nationale en vertu de laquelle, afin de statuer sur des poursuites pénales, la juridiction compétente ne peut pas prendre en considération les condamnations antérieures prononcées dans un autre État membre à l’égard de la personne faisant l’objet de ces poursuites pour des actes qui ne constituent pas des infractions pénales au regard du droit national et ne peuvent donc pas faire l’objet, dans le cadre de ce droit, d’une condamnation pénale.
2) L’article 3, paragraphes 1 et 2, de la décision-cadre 2008/675, lu en combinaison avec l’article 2, sous a), de la décision‑cadre 2009/315/JAI du Conseil, du 26 février 2009, concernant l’organisation et le contenu des échanges d’informations extraites du casier judiciaire entre les États membres, telle que modifiée par la directive (UE) 2019/884 du Parlement européen et du Conseil, du 17 avril 2019,
doit être interprété en ce sens que :
il appartient à la juridiction nationale compétente, aux fins de la prise en compte des condamnations antérieures prononcées dans un autre État membre à l’égard de la personne faisant l’objet de la procédure pénale dont est saisie cette juridiction, d’apprécier si les actes ayant donné lieu aux décisions définitives antérieures des juridictions de cet autre État membre, dont elle a pris connaissance, ont été qualifiés, au regard de la classification opérée par le droit de l’autre État membre,
d’infractions pénales. En vertu de l’article 3, paragraphes 1 et 2, de la décision-cadre 2008/675, ladite juridiction est tenue de prendre en compte uniquement ces décisions et de leur conférer des effets juridiques équivalents à ceux qui seraient attachés à des condamnations nationales antérieures en raison de la commission d’une infraction pénale appartenant à une catégorie équivalente et donnant lieu à une peine d’une nature et d’un niveau comparables. Toutefois, cette prise en compte ne
doit pas conduire, dans la procédure en cause, à un traitement moins favorable de la personne concernée que si ces décisions avaient été prononcées par une juridiction nationale.
Signatures
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
( *1 ) Langue de procédure : le bulgare.
( i ) Le nom de la présente affaire est un nom fictif. Il ne correspond au nom réel d’aucune partie à la procédure.