ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)
12 juin 2025 ( *1 )
« Pourvoi – Fonction publique – Transfert interinstitutionnel – Demande de transfert au titre de l’article 8 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, présentée en réponse à un avis de vacance – Rejet de cette demande – Obligation de prise en compte de l’ordre de priorité prévu à l’article 29, paragraphe 1, de ce statut – Erreurs de droit – Contradiction de motifs »
Dans l’affaire C‑364/23 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 8 juin 2023,
ZR, représentée par Mes A. Champetier et S. Rodrigues, avocats,
partie requérante,
l’autre partie à la procédure étant :
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mmes E. Lekan et A. Lukošiūtė, en qualité d’agents,
partie défenderesse en première instance,
LA COUR (cinquième chambre),
composée de Mme M. L. Arastey Sahún (rapporteure), présidente de chambre, MM. D. Gratsias, E. Regan, J. Passer et B. Smulders, juges,
avocat général : M. R. Norkus,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 30 janvier 2025,
rend le présent
Arrêt
1 Par son pourvoi, ZR demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 29 mars 2023, ZR/EUIPO (T‑400/21, ci‑après l’« arrêt attaqué », EU:T:2023:169), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 8 septembre 2020 rejetant sa demande de transfert à l’EUIPO (ci‑après la « décision litigieuse »).
I. Le cadre juridique
A. Le règlement (UE) 2017/1001
2 Aux termes de l’article 143, paragraphe 1, du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), « [s]ans préjudice de l’application de l’article 166 du présent règlement aux membres des chambres de recours, le statut des fonctionnaires [de l’Union européenne], le régime applicable aux autres agents [de l’Union] et les réglementations d’exécution de ces dispositions, arrêtées d’un commun accord par les
institutions de l’Union, s’appliquent au personnel de l’[EUIPO]. »
B. Le statut
3 L’article 1er bis du statut des fonctionnaires de l’Union, dans sa version applicable au litige (ci-après le « statut »), est libellé comme suit :
« 1. Est fonctionnaire de l’Union au sens du présent statut toute personne qui a été nommée dans les conditions prévues à ce statut dans un emploi permanent d’une des institutions de l’Union par un acte écrit de l’autorité investie du pouvoir de nomination [(ci-après l’“AIPN”)] de cette institution.
2. La définition figurant au paragraphe 1 s’applique également aux personnes nommées par les organismes de l’Union (ci-après dénommés “agences”) auxquels le présent statut s’applique en vertu des actes qui les établissent. Les références faites aux institutions dans le présent statut s’entendent également comme faites aux agences, sauf disposition contraire du présent statut. »
4 Aux termes de l’article 4 du statut :
« Toute nomination ou promotion ne peut avoir pour objet que de pourvoir à la vacance d’un emploi dans les conditions prévues au présent statut.
Toute vacance d’emploi dans une institution est portée à la connaissance du personnel de cette institution dès que l’[AIPN] a décidé qu’il y a lieu de pourvoir à cet emploi.
S’il n’est pas possible de pourvoir à cette vacance d’emploi par voie de mutation, de nomination en application de l’article 45 bis ou de promotion, celle-ci est portée à la connaissance du personnel des autres institutions et/ou un concours interne est organisé. »
5 L’article 8 du statut dispose :
« Le fonctionnaire qui a été détaché dans une autre institution de l’Union européenne peut, à l’issue d’un délai de six mois, demander à être transféré dans cette institution.
S’il est fait droit à cette demande, du commun accord de l’institution d’origine du fonctionnaire et de l’institution dans laquelle il a été détaché, le fonctionnaire est alors réputé avoir accompli sa carrière auprès de l’Union au sein de cette dernière institution. Il ne bénéficie au titre de ce transfert d’aucune des dispositions financières prévues au présent statut à l’occasion de la cessation définitive des fonctions d’un fonctionnaire dans une institution de l’Union.
[...] »
6 L’article 29, paragraphe 1, du statut prévoit :
« Avant de pourvoir aux vacances d’emploi dans une institution, l’[AIPN] examine en premier lieu :
a) les possibilités de pourvoir l’emploi par voie de :
i) mutation, ou
ii) nomination conformément à l’article 45 bis, ou
iii) promotion
au sein de l’institution ;
b) les demandes de mutation de fonctionnaires du même grade d’autres institutions, et/ou
c) s’il n’a pas été possible de pourvoir le poste vacant par le biais des possibilités mentionnées aux points a) et b), les possibilités d’examiner les listes d’aptitude des candidats au sens de l’article 30, le cas échéant, en tenant compte des dispositions pertinentes de l’annexe III concernant les candidats aptes, et/ou
d) les possibilités d’organiser un concours interne à l’institution ouvert uniquement aux fonctionnaires et aux agents temporaires visés à l’article 2 du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne ;
ou ouvre la procédure de concours sur titres, sur épreuves ou sur titres et épreuves. [...]
[...] »
II. Les antécédents du litige
7 Les antécédents du litige figurent aux points 2 à 13 de l’arrêt attaqué et peuvent être résumés de la manière suivante.
8 La requérante, fonctionnaire de grade AD 5 auprès de la Commission européenne, a été, à sa demande, détachée auprès de l’EUIPO, où elle a occupé un emploi d’assistante en matière de propriété intellectuelle en qualité d’agent temporaire à compter du 16 septembre 2013.
9 Le 1er mars 2019, la requérante a conclu avec l’EUIPO un nouveau contrat d’une durée de cinq ans, au titre duquel elle a occupé un emploi de spécialiste en propriété intellectuelle en qualité d’agent temporaire de grade AD 6.
10 Au cours du mois de mars 2020, l’EUIPO a publié, en interne, un appel à manifestation d’intérêt, visant à nommer en tant que fonctionnaires de l’EUIPO des agents temporaires et contractuels dans le cadre de l’exercice annuel de transferts (ci-après l’« exercice annuel de transferts »). Cet appel précisait qu’il était ouvert à tous les profils professionnels, y compris à ceux liés à la propriété intellectuelle. L’EUIPO y a indiqué que l’AIPN analyserait les candidatures soumises en tenant compte
de l’intérêt du service et à la lumière de critères tels que i) les postes ou connaissances clés au sein de l’EUIPO, ii) la carrière et les performances au sein de l’EUIPO, iii) les opportunités existantes dans le tableau des effectifs, iv) l’incidence budgétaire, et v) la durée résiduelle du contrat ou période de validité restante des listes de réserve (ci-après les « critères en matière de transferts »).
11 Le 31 mars 2020, la requérante a répondu audit appel, en demandant son transfert à l’EUIPO conformément à l’article 8 du statut.
12 Le 16 avril 2020, l’EUIPO a publié l’avis de vacance EXT/20/38/AD 6/Spécialiste PI en vue d’établir une liste de réserve de candidats pour pourvoir un emploi de spécialiste en propriété intellectuelle par le recrutement d’un agent temporaire de grade AD 6 (ci-après l’« avis de vacance externe »).
13 Par ailleurs, le 28 avril 2020, l’EUIPO a publié l’avis de vacance interne IM/FT&TA/20/47/AD/OD s’adressant à des fonctionnaires ou à des agents temporaires de grades AD 5 à AD 8, en vue de pourvoir un emploi de spécialiste en propriété intellectuelle (ci-après l’« avis de vacance interne »).
14 Le 12 mai 2020, la requérante a soumis sa candidature en réponse à cet avis de vacance interne.
15 Par un courriel du même jour, adressé à l’AIPN, elle a fait référence audit avis de vacance et, sur le fondement de l’article 90, paragraphe 1, du statut, a demandé à être transférée à l’EUIPO, conformément aux articles 8 et 29 du statut (ci-après la « demande litigieuse »).
16 Le 8 septembre 2020, par la décision litigieuse, l’AIPN a rejeté cette demande.
17 Le 5 novembre 2020, l’EUIPO a engagé un agent temporaire, retenu à la suite de la publication de l’avis de vacance externe.
18 Le 8 décembre 2020, la requérante a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre la décision litigieuse, laquelle a été rejetée par une décision du 22 mars 2021 (ci-après la « décision sur la réclamation »).
III. Le recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
19 Par une requête déposée au greffe du Tribunal le 2 juillet 2021, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse et, pour autant que de besoin, de la décision sur la réclamation.
20 À l’appui de ce recours, elle a soulevé trois moyens. Le premier était tiré, en substance, d’une violation des articles 4, 8, 29 et 110 du statut ainsi que du principe de continuité de la carrière des fonctionnaires de l’Union. Le deuxième moyen était tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement. Enfin, le troisième moyen était tiré d’une violation de l’obligation de motivation, de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation et de la méconnaissance du devoir de sollicitude.
21 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté ces trois moyens et, par conséquent, ledit recours dans son intégralité.
22 En particulier, dans le cadre de l’examen du premier moyen, le Tribunal a considéré que la demande litigieuse devait être qualifiée de demande de transfert, fondée sur l’article 8, premier alinéa, du statut, et non de candidature à l’avis de vacance interne. Il a également jugé qu’une telle demande de transfert, par sa nature même, ne saurait être considérée comme visant à pourvoir un emploi vacant faisant l’objet d’un avis de vacance, si bien que, dans l’examen de la demande litigieuse, l’EUIPO
n’avait pas à prendre en considération l’article 29, paragraphe 1, sous b), du statut ni les règles prévues à l’article 4 de celui-ci.
IV. Les conclusions des parties au pourvoi
23 La requérante demande à la Cour :
– d’annuler l’arrêt attaqué ;
– d’annuler la décision litigieuse et la décision sur la réclamation ou, à défaut, de renvoyer l’affaire au Tribunal pour qu’il statue, et
– de condamner l’EUIPO aux dépens.
24 L’EUIPO demande à la Cour :
– de rejeter le pourvoi dans son intégralité comme étant manifestement irrecevable ou, à titre subsidiaire, comme étant non fondé et
– de condamner la requérante aux dépens de la procédure de pourvoi et de la procédure devant le Tribunal.
V. Sur le pourvoi
25 À l’appui de son pourvoi, la requérante soulève trois moyens par lesquels elle conteste, respectivement, le rejet de chacun des trois moyens soulevés en première instance.
A. Sur la recevabilité du pourvoi
1. Argumentation des parties
26 L’EUIPO considère que le pourvoi est irrecevable en ce qu’il est principalement fondé sur la prétendue interprétation erronée de la demande litigieuse par le Tribunal, ce dernier l’ayant, selon la requérante, qualifiée à tort de demande de transfert au titre de l’article 8 du statut au lieu de candidature à l’avis de vacance interne.
27 En effet, cet argument ne serait pas suffisamment clair et précis pour permettre à la Cour d’exercer son contrôle car les éléments essentiels sur lesquels se fonde le pourvoi ne ressortiraient pas de manière suffisamment cohérente et compréhensible du texte de ce pourvoi. En outre, ledit argument constituerait une tentative de réinterprétation de la demande litigieuse d’une manière manifestement contradictoire avec les faits établis dans le dossier.
28 Pour ce qui est du reste des arguments invoqués à l’appui du pourvoi, la requérante se bornerait à reproduire les moyens et les arguments déjà présentés devant le Tribunal, sans préciser l’erreur de droit dont serait entaché l’arrêt attaqué.
29 La requérante soutient que le pourvoi est recevable.
2. Appréciation de la Cour
30 Il résulte de l’article 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que de l’article 168, paragraphe 1, sous d), et de l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les points critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande, sous peine d’irrecevabilité du
pourvoi ou du moyen concerné (arrêt du 12 décembre 2024, DD/FRA, C‑680/22 P, EU:C:2024:1019, point 99 et jurisprudence citée).
31 Ne répond notamment pas à ces exigences et doit être déclaré irrecevable un moyen dont l’argumentation n’est pas suffisamment claire et précise pour permettre à la Cour d’exercer son contrôle de légalité, notamment parce que les éléments essentiels sur lesquels ce moyen s’appuie ne ressortent pas de façon suffisamment cohérente et compréhensible du texte de ce pourvoi, qui est formulé de manière obscure et ambiguë à cet égard. La Cour a également jugé que devait être rejeté comme étant
manifestement irrecevable un pourvoi dépourvu de structure cohérente, se limitant à des affirmations générales et ne comportant pas d’indications précises relatives aux points de la décision attaquée qui seraient éventuellement entachés d’une erreur de droit (arrêt du 12 décembre 2024, DD/FRA, C‑680/22 P, EU:C:2024:1019, point 100 et jurisprudence citée).
32 En outre, il résulte de l’article 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE et de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne que le Tribunal est seul compétent, d’une part, pour constater les faits, sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulte des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d’autre part, pour apprécier ces faits. En revanche, lorsque le Tribunal a constaté ou apprécié les faits, la Cour est compétente pour
exercer un contrôle sur la qualification juridique de ceux-ci et les conséquences de droit qui en ont été tirées par le Tribunal (arrêt du 4 avril 2017, Médiateur/Staelen, C‑337/15 P, EU:C:2017:256, point 53 et jurisprudence citée).
33 En l’espèce, il convient de relever, d’emblée, que la qualification juridique de la demande litigieuse est une question qui relève de la qualification juridique des faits et qui, conformément à la jurisprudence citée au point précédent du présent arrêt, peut être soumise au contrôle de la Cour au stade du pourvoi. En outre, contrairement à ce que soutient l’EUIPO, la requérante identifie plusieurs points de l’arrêt attaqué, notamment les points 45 à 48 et 60 à 64 de celui-ci, dans lesquels elle
estime que le Tribunal a commis des erreurs de droit ou a dénaturé les éléments de preuve en rapport avec cette qualification juridique, en exposant de façon compréhensible les raisons pour lesquelles elle considère que cet arrêt devrait être annulé.
34 Par ailleurs, en ce que l’EUIPO soutient que la requérante reproduit les moyens et les arguments déjà présentés devant le Tribunal, il y a lieu de rappeler que, lorsqu’un requérant conteste l’interprétation ou l’application du droit de l’Union faite par le Tribunal, les points de droit examinés en première instance peuvent être de nouveau discutés dans le cadre d’un pourvoi. En effet, si un requérant ne pouvait fonder de la sorte son pourvoi sur des moyens et des arguments déjà utilisés devant le
Tribunal, la procédure de pourvoi serait privée d’une partie de son sens (arrêt du 4 octobre 2024, Aeris Invest/Commission et CRU, C‑535/22 P, EU:C:2024:819, point 106 ainsi que jurisprudence citée).
35 Dans ces conditions, il y a lieu de déclarer le présent pourvoi recevable.
B. Sur le premier moyen
36 Par son premier moyen, divisé en trois branches, la requérante reproche au Tribunal d’avoir rejeté le premier moyen qu’elle a soulevé en première instance.
1. Sur la première branche du premier moyen
a) Argumentation des parties
37 Par la première branche de son premier moyen, la requérante conteste la qualification juridique de la demande litigieuse faite par le Tribunal et reproche à celui-ci des erreurs de droit dans l’interprétation des articles 4, 8 et 29 du statut.
38 Selon elle, premièrement, aux points 45 à 48 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a dénaturé les éléments de preuve en considérant que cette demande était non pas une candidature à l’avis de vacance interne, mais une demande de transfert fondée sur l’article 8 du statut.
39 Deuxièmement, cette qualification juridique serait entachée d’une erreur de droit en ce que le Tribunal aurait considéré à tort que cet article 8 et l’article 29 du statut ne sont pas liés.
40 En effet, le Tribunal aurait établi, au point 60 de l’arrêt attaqué, une distinction absolue entre les transferts interinstitutionnels effectués en vertu dudit article 8 et ceux effectués à la suite de la publication d’avis de vacance interinstitutionnels, conformément à cet article 29, paragraphe 1, sous b).
41 Cependant, en vertu de l’article 4 du statut, tout emploi vacant devrait faire l’objet d’une publication et les moyens de pourvoir à un tel emploi seraient régis par l’article 29 du statut, parmi lesquels figure le transfert, au sens de l’article 8 du statut. Ainsi, ces articles 8 et 29 ne régiraient pas deux procédures différentes.
42 Troisièmement, aux points 48 et 61 à 63 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait interprété l’article 8 du statut comme étant applicable uniquement dans l’hypothèse d’une demande de transfert sans vacance d’emploi. Or, une telle hypothèse ne saurait exister car elle serait contraire à l’article 4 du statut, lequel exige qu’il existe un emploi vacant auquel le fonctionnaire peut être transféré.
43 Ainsi, le Tribunal aurait également commis une erreur de droit en considérant, au point 64 de cet arrêt, que, dans l’examen de la demande litigieuse, l’EUIPO n’avait pas à prendre en considération l’article 4 et l’article 29, paragraphe 1, sous b), du statut.
44 Quatrièmement, la décision litigieuse serait le résultat d’une procédure arbitraire, à savoir l’exercice annuel de transferts, par laquelle l’EUIPO contournerait l’article 29 du statut, en tenant compte de critères, tels que la performance ou la durée résiduelle du contrat, qui seraient pertinents pour la promotion et non pour le recrutement. De plus, cette procédure serait également contraire au statut dans la mesure où elle s’appliquerait non seulement à des fonctionnaires détachés souhaitant
être transférés, mais également à des personnes souhaitant être recrutées à partir d’une liste de réserve, alors que ces dernières ne pourraient pas être recrutées sur la base de l’article 8 du statut, dès lors qu’elles ne sont pas fonctionnaires.
45 L’EUIPO soutient que la requérante confond les deux types de transferts interinstitutionnels visés au point 60 de l’arrêt attaqué, mentionnés au point 40 du présent arrêt, et précise que l’exercice annuel de transferts vise à donner une structure à l’application de l’article 8 du statut pour la nomination, en tant que fonctionnaires de l’EUIPO, de fonctionnaires d’autres institutions travaillant déjà dans cet office en tant qu’agents temporaires ou contractuels.
46 Selon l’EUIPO, la requérante s’est systématiquement référée, au cours de la procédure administrative ainsi que dans ses requêtes en première instance et dans le cadre du pourvoi, à la demande litigieuse comme étant une « demande de transfert ». Or, par son pourvoi, elle tenterait de faire valoir que la demande litigieuse était en réalité une candidature à l’avis de vacance interne, ce qui reviendrait à modifier l’objet du litige devant le Tribunal et à soulever pour la première fois devant la
Cour un argument qu’elle n’a pas invoqué devant le Tribunal, raison pour laquelle cet argument serait irrecevable.
47 Même en admettant que la demande litigieuse ait été déposée sur la base de l’article 29, paragraphe 1, du statut, il n’en demeurerait pas moins que la requérante cherchait à obtenir un transfert à l’EUIPO.
48 En tout état de cause, le Tribunal aurait considéré à juste titre que l’EUIPO n’avait pas à prendre en considération l’article 29, paragraphe 1, sous b), du statut ni l’article 4 de celui-ci, l’avis de vacance interne ayant été publié au titre de l’article 29, paragraphe 1, sous a), du statut en vue de pourvoir un emploi vacant par le recrutement d’un fonctionnaire ou d’un agent temporaire travaillant déjà au sein de cet office.
b) Appréciation de la Cour
1) Sur la recevabilité
49 Il convient de rappeler que, selon l’article 170, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement de procédure, le pourvoi ne peut modifier l’objet du litige devant le Tribunal. Ainsi, en vertu d’une jurisprudence bien établie, la compétence de la Cour dans le cadre du pourvoi est limitée à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens et aux arguments débattus devant les premiers juges. Une partie ne saurait donc soulever pour la première fois devant la Cour un moyen qu’elle n’a
pas soulevé devant le Tribunal, dès lors que cela reviendrait à lui permettre de saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal (arrêt du 27 février 2025, Lukoil/Registre de transparence e.a., C‑223/24 P, EU:C:2025:129, point 34 ainsi que jurisprudence citée).
50 En l’espèce, il ressort des points 56 à 58 de l’arrêt attaqué que, par la deuxième branche du premier moyen de son recours en première instance, la requérante a, en substance, soutenu que, conformément à l’article 29, paragraphe 1, sous b), du statut, l’EUIPO était tenu d’analyser la demande litigieuse en lien avec l’emploi vacant qu’il envisageait de pourvoir à la suite de la publication de l’avis de vacance interne. Or, ainsi qu’il ressort du point 43 du présent arrêt, par la première branche
du premier moyen de son pourvoi, la requérante reproche au Tribunal, en substance, d’avoir commis une erreur de droit en ce qu’il a écarté cette argumentation. Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient l’EUIPO, par cette première branche, la requérante ne soulève pas un argument non invoqué devant le Tribunal et ne modifie pas l’objet du litige devant cette juridiction, si bien que ladite branche est recevable.
51 Il s’ensuit que la première branche du premier moyen est recevable.
2) Sur le fond
52 Au point 60 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que, par son argumentation selon laquelle l’article 8 et l’article 29, paragraphe 1, du statut doivent être appliqués de manière concomitante, la requérante confondait, d’une part, les transferts interinstitutionnels effectués en vertu de cet article 8 et, d’autre part, les transferts interinstitutionnels effectués à la suite de la publication d’avis de vacance interinstitutionnels, conformément à cet article 29, paragraphe 1, sous b).
53 Aux points 61 et 62 de cet arrêt, le Tribunal a jugé que, par sa nature même, une demande de transfert interinstitutionnel, formée sur la base dudit article 8, premier alinéa, ne saurait être considérée comme visant à pourvoir un emploi vacant faisant l’objet d’un avis de vacance et que, par voie de conséquence, la demande litigieuse ne saurait valablement se rattacher à l’emploi vacant visé par l’avis de vacance interne.
54 Ainsi, au point 63 dudit arrêt, le Tribunal a rejeté l’argument de la requérante selon lequel l’EUIPO était obligé, au titre de l’article 29, paragraphe 1, sous b), du statut, de prendre en considération la demande litigieuse dans le cadre de l’examen des actes de candidature introduits en réponse à l’avis de vacance interne.
55 Enfin, au point 64 du même arrêt, le Tribunal a ajouté que, aux fins de l’examen de cette demande, l’EUIPO n’avait pas non plus à prendre en considération l’article 4 du statut, étant donné que cet article 29, paragraphe 1, sous b), et cet article 4 concernent la portée à la connaissance du personnel des autres institutions des emplois vacants. Il en a conclu que l’argumentation de la requérante concernant la méconnaissance, par l’EUIPO, de l’ordre de priorité énoncé audit article 29 et des
règles prévues audit article 4 était inopérante.
56 À cet égard, il y a lieu de relever qu’il ressort de l’article 8, premier alinéa, du statut qu’un fonctionnaire d’une institution de l’Union détaché dans une autre institution peut, à l’issue d’un délai de six mois, demander à être transféré dans cette dernière institution.
57 Il découle en outre de l’article 29, paragraphe 1, sous a) à c), du statut que, avant de pourvoir aux vacances d’emploi dans une institution, l’AIPN examine, en premier lieu, les possibilités de pourvoir l’emploi, au sein de cette institution, par voie de mutation, de nomination conformément à l’article 45 bis ou de promotion ainsi que les demandes de mutation de fonctionnaires du même grade d’autres institutions, et/ou, s’il n’a pas été possible de pourvoir cet emploi vacant au moyen de ces
possibilités et de ces demandes, les possibilités d’examiner les listes d’aptitude des candidats établies à la suite d’un concours général.
58 La Cour a jugé que cet article 29, paragraphe 1, énumère les phases successives qui doivent être suivies lorsqu’il y a lieu de pourvoir à un poste vacant dans une institution, l’AIPN devant examiner, par ordre de préférence, les possibilités de recrutement énumérées à cette disposition. Ladite disposition accorde donc la priorité aux fonctionnaires qui servent déjà dans l’institution concernée par rapport aux fonctionnaires des autres institutions, et à ces derniers par rapport aux personnes se
trouvant sur des listes d’aptitude établies à la suite d’un concours (voir, en ce sens, arrêt du 18 mars 1999, Carbajo Ferrero/Parlement, C‑304/97 P, EU:C:1999:152, points 29 et 30 ainsi que jurisprudence citée).
59 Il convient de relever que les notions de « transfert », au sens de l’article 8 du statut, et de « mutation », au sens de l’article 29, paragraphe 1, sous b), de celui-ci, doivent être considérées comme étant équivalentes.
60 En effet, bien que, dans leur version en langue française, ces dispositions utilisent, respectivement, les termes « transféré/transfert » et « mutation », elles emploient, dans de nombreuses autres versions linguistiques, des termes identiques ou, à tout le moins, très similaires. Il en va ainsi non seulement de la version en langue anglaise desdites dispositions, qui est la langue de procédure (respectivement, transferred/transfer et transfer), mais également des versions en langues espagnole
(transferido/transferencia et traslado), allemande (Übernahme et Übernahmeanträge), italienne (trasferito/trasferimento et trasferimento), néerlandaise (over te gaan/overgang et overgang), portugaise (transferência et transferência) ou roumaine (transferul/transfer et transfer) des mêmes dispositions.
61 Au demeurant, la Cour a déjà jugé, en rapport avec la mutation au sein d’une institution, visée à l’article 7 du statut, qu’il y a mutation en cas de transfert d’un fonctionnaire à un emploi vacant (voir, en ce sens, arrêts du 24 février 1981, Carbognani et Coda Zabetta/Commission, 161/80 et 162/80, EU:C:1981:51, point 19, ainsi que du 21 mai 1981, Kindermann/Commission, 60/80, EU:C:1981:115, point 12).
62 Il s’ensuit que, lorsque, après avoir constaté, en vertu de l’article 29, paragraphe 1, du statut, que, afin d’avoir une chance de pouvoir procéder à la nomination d’une personne possédant les plus hautes qualités de rendement, de compétence et d’intégrité, il est nécessaire d’élargir la procédure de recrutement au minimum jusqu’aux demandes prévues à l’article 29, paragraphe 1, sous b), du statut, l’AIPN publie un avis de vacance, celle-ci est tenue de prendre en compte, au titre de cette
dernière disposition, les demandes de transfert interinstitutionnel déposées en vertu de l’article 8 du statut.
63 Certes, l’article 8 du statut vise la situation d’un fonctionnaire considéré individuellement, en lui reconnaissant le droit de demander un transfert dans l’institution dans laquelle il a été détaché depuis au moins six mois. Cependant, cela n’implique pas que, lorsque l’AIPN a estimé nécessaire, afin d’avoir une chance de pouvoir aboutir à la nomination d’une personne possédant les plus hautes qualités de rendement, de compétence et d’intégrité, d’élargir la procédure de recrutement au-delà des
possibilités prévues à l’article 29, paragraphe 1, sous a), du statut, cette autorité puisse se dispenser de prendre en considération une demande de transfert interinstitutionnel déposée en vertu de cet article 8.
64 En effet, ainsi qu’il ressort du libellé de l’article 4, premier alinéa, du statut, toute nomination ne peut avoir pour objet que de pourvoir à la vacance d’un emploi. Par conséquent, comme la requérante le soutient, en cas de transfert interinstitutionnel au titre de l’article 8 du statut, un fonctionnaire ne peut être transféré que vers un emploi vacant dans l’institution dans laquelle il est détaché, y compris vers l’emploi qu’il occupe de manière temporaire lors de son détachement. De
surcroît, conformément à l’article 1er bis, paragraphe 1, du statut, l’emploi vacant vers lequel ce fonctionnaire est transféré doit être un emploi permanent. Or, afin de pourvoir à une telle vacance d’emploi, l’AIPN doit tenir compte de l’ordre de priorité prévu à l’article 29, paragraphe 1, du statut (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 24 février 1981, Carbognani et Coda Zabetta/Commission, 161/80 et 162/80, EU:C:1981:51, point 19, ainsi que du 21 mai 1981, Kindermann/Commission,
60/80, EU:C:1981:115, point 12).
65 Il est vrai que, ainsi que le Tribunal l’a rappelé, à juste titre, au point 50 de l’arrêt attaqué, le statut ne confère aucun droit à un transfert interinstitutionnel au titre de l’article 8 du statut.
66 Néanmoins, il ressort de cet article que les fonctionnaires d’une institution détachés depuis au moins six mois dans une autre institution ont le droit de demander à être transférés dans cette dernière. Or, afin de veiller à l’effectivité de ce droit, toute institution qui reçoit une telle demande dans le cadre d’une procédure de recrutement élargie au-delà des possibilités prévues à l’article 29, paragraphe 1, sous a), du statut a l’obligation de la prendre en considération et de l’examiner en
vue de pourvoir l’emploi vacant concerné.
67 Ainsi, en affirmant, au point 61 de l’arrêt attaqué, que, par sa nature même, une demande de transfert interinstitutionnel, formée sur la base de l’article 8, premier alinéa, du statut, ne saurait être considérée comme visant à pourvoir un emploi vacant faisant l’objet d’un avis de vacance, le Tribunal a commis une erreur de droit.
68 Par conséquent, les points 62 à 64 dudit arrêt, qui reposent sur cette prémisse erronée, sont également entachés d’illégalité.
69 De surcroît, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 55 de ses conclusions, l’erreur de droit visée au point 67 du présent arrêt a également affecté la qualification juridique de la demande litigieuse. En effet, aux points 40 à 48 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a, en substance, exclu que la demande litigieuse puisse être prise en considération et examinée en tant que candidature à l’avis de vacance interne fondée sur l’article 29, paragraphe 1, du statut, au motif que cette demande
était fondée sur l’article 8 de celui-ci et que ces deux dispositions ne pouvaient, selon lui, être appliquées de manière concomitante.
70 Or, cette dernière appréciation du Tribunal étant entachée d’une erreur de droit, il y a lieu de constater que la qualification juridique de la demande litigieuse est également entachée d’une telle erreur, sans qu’il soit besoin d’examiner si, ainsi que la requérante le soutient, le Tribunal a dénaturé les éléments de preuve en rapport avec cette qualification.
71 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu d’accueillir la première branche du premier moyen.
2. Sur la troisième branche du premier moyen
a) Argumentation des parties
72 Par la troisième branche de son premier moyen, la requérante affirme que, en première instance, elle a fait valoir l’absence de fondement juridique de l’exercice annuel de transferts, le fait que celui-ci enfreint les dispositions des articles 4 et 29 du statut et l’absence de lien entre cet exercice et l’article 8 du statut. Cependant, le Tribunal, en violation des droits de la défense, n’aurait répondu que partiellement à ces arguments.
73 En effet, le Tribunal aurait considéré, au point 69 de l’arrêt attaqué, que les arguments de la requérante concernant l’exercice annuel de transferts n’étaient pas pertinents car ils portaient sur sa demande de transfert du 31 mars 2020, visée au point 11 du présent arrêt, alors que le recours en première instance avait pour objet une autre demande de transfert introduite en dehors du délai fixé pour répondre à l’appel à manifestation d’intérêt dans le cadre de cet exercice.
74 Or, cette affirmation, d’une part, contredirait le point 47 de l’arrêt attaqué et, d’autre part, serait fondée sur une dénaturation des éléments de preuve, dès lors qu’il ressortirait du dossier que la décision litigieuse a été adoptée dans le cadre de l’exercice annuel de transferts et que le Tribunal aurait confirmé, au point 51 de cet arrêt, qu’il « ressort de la décision [litigieuse] que l’EUIPO a analysé la demande litigieuse à la lumière des critères en matière de transferts ».
75 Ainsi, la requérante considère qu’elle a le droit de contester la procédure d’exercice annuel de transferts, dès lors qu’elle lui a été appliquée.
76 L’EUIPO rétorque, dans son mémoire en réponse, que la requérante se contente de reproduire les arguments qu’elle a déjà présentés devant le Tribunal, de sorte que ceux-ci seraient irrecevables. En outre, la demande litigieuse ayant été présentée avec la référence à l’avis de vacance interne, tout argument contestant l’exercice annuel de transferts serait dépourvu de pertinence.
b) Appréciation de la Cour
1) Sur la recevabilité
77 S’agissant de la recevabilité de la troisième branche du premier moyen, il suffit de constater que la requérante ne se borne pas à reproduire des moyens et des arguments déjà présentés en première instance, mais qu’elle reproche au Tribunal, notamment, de ne pas avoir examiné l’ensemble des arguments qu’elle a invoqués devant lui pour contester la légalité de l’exercice annuel de transferts ainsi que d’avoir entaché la motivation de l’arrêt attaqué de contradictions.
78 Or, constituent des questions de droit pouvant être invoquées dans le cadre d’un pourvoi tant la question de savoir si le Tribunal a altéré l’objet ou la substance des différents chefs de conclusions et moyens présentés par la partie requérante (voir, en ce sens, arrêt du 7 juin 2018, Ori Martin/Cour de justice de l’Union européenne, C‑463/17 P, EU:C:2018:411, point 18 et jurisprudence citée) que celle de savoir si la motivation d’un arrêt du Tribunal est contradictoire (arrêt du 12 décembre
2024, DD/FRA, C‑587/21 P, EU:C:2024:1017, point 58 et jurisprudence citée).
79 Il s’ensuit que, conformément à la jurisprudence mentionnée au point 34 du présent arrêt, la troisième branche du premier moyen est recevable.
2) Sur le fond
80 Au point 69 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que tout argument se rattachant à l’exercice annuel de transferts était dépourvu de pertinence dans le cadre du contrôle de légalité de la décision litigieuse, car la demande litigieuse avait été introduite en dehors du délai fixé pour répondre à l’appel à manifestation d’intérêt dans le cadre de cet exercice.
81 Il y a lieu de relever que, ainsi que la requérante le soutient, ce constat contredit, en particulier, celui figurant au point 51 de cet arrêt, à savoir qu’il « ressort de la décision [litigieuse] que l’EUIPO a analysé la demande litigieuse à la lumière des critères en matière de transferts » et que « la demande litigieuse contient de nombreuses références [à ces] critères », étant entendu que lesdits critères ont été élaborés, ainsi qu’il ressort du point 10 du présent arrêt, dans le cadre de
l’exercice annuel de transferts.
82 Partant, la motivation de l’arrêt attaqué est entachée d’une contradiction à cet égard.
83 En effet, le point 69 de l’arrêt attaqué, selon lequel « tout argument se rattachant à l’exercice annuel de transferts est dépourvu de pertinence dans le cadre du contrôle de légalité de la décision [litigieuse] », entre en contradiction avec le point 51 de cet arrêt, selon lequel « il ressort de la décision [litigieuse] que l’EUIPO a analysé la demande litigieuse à la lumière des critères en matière de transferts ».
84 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu d’accueillir la troisième branche du premier moyen.
C. Sur la première branche du deuxième moyen
1. Argumentation des parties
85 Par son deuxième moyen, divisé en trois branches, la requérante reproche au Tribunal d’avoir rejeté le deuxième moyen qu’elle a soulevé en première instance.
86 Par la première branche de son deuxième moyen, la requérante conteste le rejet, par le Tribunal, de ses arguments tirés de l’inégalité de traitement entre les candidats externes et les fonctionnaires cherchant à être transférés, au motif que ces arguments étaient fondés sur le non-respect de l’ordre de priorité prévu à l’article 29, paragraphe 1, du statut.
87 En premier lieu, le Tribunal aurait jugé à tort, au point 76 de l’arrêt attaqué, que, compte tenu de la qualification de la demande litigieuse de « demande de transfert fondée sur l’article 8, premier alinéa, du statut », tout argument tiré d’une violation de cet article 29, paragraphe 1, était dépourvu de pertinence.
88 En second lieu, la requérante conteste l’affirmation figurant au point 79 de l’arrêt attaqué selon laquelle, en tant que fonctionnaire demandant à être transférée à l’EUIPO, elle ne saurait assimiler sa situation à celle d’un candidat recruté à titre temporaire parce que ces deux situations relèvent de deux régimes distincts, à savoir, respectivement, le statut et le régime applicable aux autres agents de l’Union. En effet, selon la requérante, cette affirmation n’est pas conforme à l’avis de
vacance interne, ouvert tant aux fonctionnaires qu’aux agents temporaires.
89 L’EUIPO soutient que, par son deuxième moyen, la requérante tente de réinterpréter la demande litigieuse comme étant une candidature à l’avis de vacance interne, ce qui constituerait une tentative illégale de réexamen des faits et des éléments de preuve du dossier, et que, par conséquent, ce moyen doit être déclaré irrecevable.
90 En tout état de cause, s’agissant de la première branche dudit moyen, l’EUIPO affirme que l’avis de vacance interne n’aurait pas pu s’appliquer aux fonctionnaires détachés au sein de cet office, à savoir à la situation dans laquelle la requérante se trouvait.
2. Appréciation de la Cour
a) Sur la recevabilité
91 Dans la mesure où, selon l’EUIPO, par son deuxième moyen, la requérante tente de réinterpréter la demande litigieuse comme étant une candidature à l’avis de vacance interne, ce qui constituerait une tentative illégale de réexamen des faits et des éléments de preuve du dossier, il suffit de constater que, pour les raisons exposées dans le cadre de l’appréciation du premier moyen, la requérante est recevable à contester la qualification juridique de cette demande.
92 Partant, le deuxième moyen, y compris la première branche de celui-ci, est recevable.
b) Sur le fond
93 La première branche du deuxième moyen vise le rejet, par le Tribunal, de l’argumentation de la requérante selon laquelle le non-respect de l’ordre de priorité prévu à l’article 29, paragraphe 1, du statut avait conduit à une inégalité de traitement entre les candidats externes et les fonctionnaires cherchant à être transférés.
94 Au point 76 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré, en substance, que tout argument tiré d’une éventuelle violation de cette disposition était dépourvu de pertinence, dans la mesure où le recours dont il avait été saisi tendait à l’annulation d’une décision rejetant une demande de transfert fondée sur l’article 8, premier, du statut, à savoir la décision litigieuse, et non pas à l’annulation d’une décision rejetant la candidature de la requérante soumise en réponse à l’avis de vacance
interne.
95 Or, pour les raisons exposées dans le cadre de l’appréciation de la première branche du premier moyen, il y a lieu de constater que cette conclusion est entachée d’une erreur de droit, l’ordre de priorité étant susceptible d’être pertinent aux fins de l’examen de la demande litigieuse par l’EUIPO.
96 Pour les mêmes raisons, le point 79 de l’arrêt attaqué est également entaché d’une erreur de droit. En effet, à ce point, le Tribunal a considéré que l’argument de la requérante tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement était non fondé, en ce que la situation de la requérante et celle du candidat qui a été recruté à titre temporaire à la suite de la publication de l’avis de vacance externe relevaient de deux régimes distincts, à savoir, respectivement, le statut et le régime
applicable aux autres agents de l’Union, de sorte que ces situations n’étaient pas comparables.
97 Or, une fois que l’AIPN a estimé nécessaire d’élargir une procédure de recrutement au-delà des possibilités prévues à l’article 29, paragraphe 1, sous a), du statut, tant les fonctionnaires dans la situation de la requérante que les candidats recrutés comme agents temporaires sur un emploi permanent se trouvent soumis aux dispositions du chapitre 1er du titre III du statut, auquel figure notamment cet article 29, paragraphe 1.
98 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu d’accueillir la première branche du deuxième moyen.
99 Par conséquent, les première et troisième branches du premier moyen ainsi que la première branche du deuxième moyen ayant été accueillies, il y a lieu d’accueillir également le pourvoi et, partant, d’annuler l’arrêt attaqué, sans qu’il soit nécessaire de statuer sur les autres branches de ces moyens ni sur le troisième moyen.
VI. Sur le recours devant le Tribunal
100 Conformément à l’article 61, premier alinéa, seconde phrase, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, la Cour peut, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, statuer définitivement sur le litige lorsque celui-ci est en état d’être jugé.
101 Tel est le cas en l’espèce.
102 Ainsi qu’il est mentionné au point 20 du présent arrêt, à l’appui de son recours, la requérante a invoqué trois moyens tirés, le premier, en substance, d’une violation des articles 4, 8, 29 et 110 du statut ainsi que du principe de continuité de la carrière des fonctionnaires de l’Union, le deuxième, d’une violation du principe d’égalité de traitement et, le troisième, d’une violation de l’obligation de motivation, de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation et de la méconnaissance du
devoir de sollicitude.
103 Par son premier moyen, la requérante fait valoir, notamment, que l’EUIPO a violé l’article 29 du statut en omettant de prendre en considération la demande litigieuse dans le cadre de l’avis de vacance interne. La requérante ajoute que cet avis de vacance n’indique pas qu’il est basé sur cet article 29, paragraphe 1, sous a), et, plus généralement, ne mentionne pas la base juridique sur laquelle il est fondé.
104 L’EUIPO répond qu’il ne pouvait pas prendre en considération la demande litigieuse dans le cadre dudit avis de vacance interne, dès lors que celui‑ci visait la « mobilité interne » du personnel de l’EUIPO et, partant, était adressé uniquement aux fonctionnaires et aux agents temporaires de l’EUIPO, et non pas aux fonctionnaires d’autres institutions, comme la requérante, fonctionnaire de la Commission.
105 Il ressort de la lecture de la décision litigieuse et de la décision sur la réclamation que l’EUIPO a rejeté la demande litigieuse essentiellement au motif que cette demande ne pouvait pas être prise en considération dans le cadre de l’avis de vacance interne, dès lors que ce dernier aurait été publié sur le fondement de l’article 29, paragraphe 1, sous a), du statut et aurait été adressé seulement aux fonctionnaires et aux agents temporaires de l’EUIPO, et non pas aux fonctionnaires d’autres
institutions, comme le requérante. Selon l’EUIPO, ladite demande ne pouvait être prise en considération que dans le cadre d’un avis de transfert interinstitutionnel, publié conformément à l’article 29, paragraphe 1, sous b), du statut. L’EUIPO a, en outre, relevé qu’il avait examiné la demande de transfert de la requérante dans le cadre de l’exercice annuel de transferts et à la lumière des critères en matière de transferts et qu’il a considéré que le transfert de la requérante à l’EUIPO n’était
pas dans l’intérêt du service, notamment eu égard au nombre limité d’emplois disponibles. S’agissant de l’avis de vacance externe, l’EUIPO a relevé qu’il était dépourvu de pertinence pour l’appréciation de la demande litigieuse, dès lors qu’il visait au recrutement d’agents temporaires et que la requérante occupait déjà un emploi d’agent temporaire au sein de l’EUIPO.
106 Il convient de constater que, comme la requérante le fait valoir, l’avis de vacance interne, dont une copie a été annexée par celle-ci à sa requête en première instance, ne précise pas au titre duquel des points de l’article 29, paragraphe 1, du statut il a été publié. Au demeurant, il se déduit de l’indication, figurant dans cet avis, selon laquelle pouvaient y postuler tant les fonctionnaires que les agents temporaires, que l’AIPN avait estimé que, afin d’avoir une chance d’aboutir à la
nomination d’une personne possédant les plus hautes qualités de rendement, de compétence et d’intégrité, il était nécessaire d’élargir la procédure de recrutement au-delà des possibilités prévues à cet article 29, paragraphe 1, sous a).
107 Or, il ressort du point 69 du présent arrêt que, dans un tel contexte, la demande litigieuse aurait dû être prise en considération et examinée par l’AIPN en tant que candidature à l’avis de vacance interne fondée sur ledit article 29, paragraphe 1.
108 En effet, comme il est indiqué au point 66 du présent arrêt, l’institution qui reçoit, dans le cadre d’une procédure de recrutement ayant été élargie au-delà des possibilités prévues au même article 29, paragraphe 1, sous a), une demande de transfert déposée en vertu de l’article 8 du statut a l’obligation de la prendre en considération et de l’examiner en vue de pourvoir l’emploi vacant concerné. Par conséquent, l’AIPN ne pouvait pas rejeter la demande litigieuse au motif que la requérante
était originellement fonctionnaire de la Commission.
109 La circonstance que cette dernière demande a été examinée par l’AIPN dans le cadre d’une procédure distincte, à savoir l’exercice annuel de transferts, ne saurait conduire à une conclusion différente, et ce d’autant plus que l’un des motifs avancés par l’AIPN pour justifier son refus de demander le transfert de la requérante dans le cadre de cet exercice était le nombre limité d’emplois disponibles.
110 Partant, le premier moyen du recours doit être accueilli et, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du recours, il y a lieu d’annuler la décision litigieuse.
111 Quant au chef de conclusions du recours tendant à l’annulation, « pour autant que de besoin », de la décision sur la réclamation, il convient de relever que, cette dernière décision étant purement confirmative de la décision litigieuse, il n’y a pas lieu de statuer spécifiquement sur ce chef de conclusions (voir, en ce sens, arrêt du 21 février 2018, LL/Parlement, C‑326/16 P, EU:C:2018:83, points 36 à 39 et jurisprudence citée).
VII. Sur les dépens
112 Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens.
113 Conformément à l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
114 En l’espèce, la requérante ayant conclu à la condamnation de l’EUIPO aux dépens et celui-ci ayant succombé, il convient de le condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la requérante à l’occasion du présent pourvoi ainsi que ceux qu’elle a exposés en première instance.
Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) déclare et arrête :
1) L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 29 mars 2023, ZR/EUIPO (T‑400/21, EU:T:2023:169), est annulé.
2) La décision de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 8 septembre 2020 rejetant la demande de ZR du 12 mai 2020, par laquelle celle-ci a sollicité, conformément aux articles 8 et 29 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, son transfert à l’EUIPO, est annulée.
3) L’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) est condamné à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par ZR à l’occasion du présent pourvoi ainsi que ceux qu’elle a exposés en première instance.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.