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08/05/2025 | CJUE | N°C-615/23

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Dyrektor Krajowej Informacji Skarbowej contre P. S.A., 08/05/2025, C-615/23


 ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

8 mai 2025 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Fiscalité – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Article 73 – Base d’imposition – Contrepartie – Subventions directement liées au prix d’une opération imposable – Services de transport public collectif – Compensation versée par une collectivité locale au prestataire de services pour couvrir les coûts encourus – Lien direct entre la compensation et les services fournis »

Dans l’affaire C‑615/

23,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Naczelny S...

 ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

8 mai 2025 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Fiscalité – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Article 73 – Base d’imposition – Contrepartie – Subventions directement liées au prix d’une opération imposable – Services de transport public collectif – Compensation versée par une collectivité locale au prestataire de services pour couvrir les coûts encourus – Lien direct entre la compensation et les services fournis »

Dans l’affaire C‑615/23,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Naczelny Sąd Administracyjny (Cour suprême administrative, Pologne), par décision du 16 juin 2023, parvenue à la Cour le 6 octobre 2023, dans la procédure

Dyrektor Krajowej Informacji Skarbowej

contre

P. S.A.,

LA COUR (première chambre),

composée de M. F. Biltgen, président de chambre, M. T. von Danwitz, vice‑président de la Cour, faisant fonction de juge de la première chambre, M. A. Kumin (rapporteur), Mme I. Ziemele et M. S. Gervasoni, juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour le Dyrektor Krajowej Informacji Skarbowej, par Mme B. Rogowska-Rajda, MM. T. Tratkiewicz et T. Wojciechowski,

– pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement hongrois, par M. M. Z. Fehér et Mme R. Kissné Berta, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par Mme O. Glinicka et M. M. Herold, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 13 février 2025,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 73 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1, ci-après la « directive TVA »).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Dyrektor Krajowej Informacji Skarbowej (directeur de l’information fiscale nationale, Pologne) (ci-après l’« administration fiscale ») à la société P. S.A. au sujet de la base d’imposition à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de la prestation de services de transport public collectif que P. envisage de fournir.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 L’article 73 de la directive TVA prévoit :

« Pour les livraisons de biens et les prestations de services autres que celles visées aux articles 74 à 77, la base d’imposition comprend tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l’acquéreur, du preneur ou d’un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations. »

Le droit polonais

4 L’article 29a, paragraphe 1, de l’ustawa o podatku od towarów i usług (loi relative à la taxe sur les biens et services), du 11 mars 2004 (Dz. U. de 2004, no 54, position 535), dans sa version applicable au litige au principal, dispose :

« Sous réserve des paragraphes 2 à 5, des articles 30a à 30c, de l’article 32, de l’article 119 ainsi que de l’article 120, paragraphes 4 et 5, la base d’imposition comprend tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir, de la part de l’acquéreur, du preneur ou d’un tiers, par le fournisseur ou le prestataire au titre de la vente, y compris les dotations, les subventions et autres financements de même nature reçus par le fournisseur ou le prestataire, ayant une incidence directe sur
le prix des biens livrés ou des services fournis par l’assujetti. »

5 Aux termes de l’article 50, paragraphe 1, de l’ustawa o publicznym transporcie zbiorowym (loi sur le transport public collectif), du 16 décembre 2010 (Dz. U. de 2018, position 2016), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après la « loi sur le transport public collectif ») :

« Le financement des transports d’intérêt public peut notamment prendre la forme :

[...]

2) d’une compensation versée à l’opérateur pour :

[...]

c) les coûts qu’il supporte pour fournir les services de transport public collectif [...] »

Le litige au principal et la question préjudicielle

6 P. est active dans le domaine du transport de voyageurs. Elle envisage de conclure, en qualité d’opérateur, des contrats de prestation de services de transport public collectif, tels que prévus par le règlement (CE) no 1370/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2007, relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route, et abrogeant les règlements (CEE) no 1191/69 et (CEE) no 1107/70 du Conseil (JO 2007, L 315, p. 1), ainsi que par la loi sur le
transport public collectif. L’autre partie au contrat, à savoir une collectivité locale, aurait la qualité d’organisateur de transport public collectif, au sens de cette loi (ci-après l’« organisateur »).

7 Dans le cadre de l’activité envisagée, P. serait rémunérée, notamment, par la vente de titres de transport dont le prix serait déterminé par l’organisateur. Dès lors que ce mode de financement ne suffit pas à couvrir les coûts de cette activité, P. obtiendrait de l’organisateur une compensation, au sens de l’article 50, paragraphe 1, point 2, sous c), de la loi sur le transport public collectif.

8 Le contrat conclu avec l’organisateur fixerait les modalités de paiement de la compensation, dont la base est constituée par le résultat financier négatif résultant de ladite activité, et préciserait le montant maximal de la compensation pour une période donnée.

9 C’est dans ce contexte que P. a demandé à l’administration fiscale un rescrit fiscal portant sur le point de savoir si la compensation des pertes résultant de la prestation de services de transport public collectif constitue un chiffre d’affaires soumis à la TVA, au sens de l’article 29a, paragraphe 1, de la loi relative à la taxe sur les biens et services, dans sa version applicable au litige au principal.

10 Selon P., la compensation n’augmente pas la base d’imposition, car elle n’a pas d’incidence directe sur le prix des services fournis mais constitue une contribution à l’ensemble des coûts de l’activité envisagée.

11 Dans un rescrit fiscal du 14 mai 2019, l’administration fiscale a exprimé un avis contraire à cette opinion.

12 P. a introduit un recours contre ce rescrit fiscal devant le Wojewódzki Sąd Administracyjny w Gdańsku (tribunal administratif de voïvodie de Gdańsk, Pologne), qui l’a annulé, par un arrêt du 26 novembre 2019.

13 Par la suite, l’administration fiscale a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt devant le Naczelny Sąd Administracyjny (Cour suprême administrative, Pologne), qui est la juridiction de renvoi.

14 Cette juridiction s’interroge sur le point de savoir si la compensation versée par une collectivité locale à une entreprise fournissant des services de transport public collectif pour couvrir les coûts supportés par cette entreprise constitue une contrepartie de cette prestation de services, au sens de l’article 73 de la directive TVA, de sorte qu’elle doit être soumise à la TVA.

15 À cet égard, ladite juridiction indique que, compte tenu de la jurisprudence de la Cour, notamment des arrêts du 22 novembre 2001, Office des produits wallons (C‑184/00, EU:C:2001:629), et du 15 juillet 2004, Commission/Suède (C‑463/02, EU:C:2004:455), la jurisprudence nationale considère qu’une telle compensation ne fait pas partie de la base d’imposition. En effet, pour que le montant d’un financement obtenu par un assujetti soit regardé comme un élément de la base d’imposition d’une livraison
de biens ou d’une prestation de services, il importerait que ce montant soit clairement affecté à une opération spécifique. Or, la compensation en cause dans l’affaire dont elle est saisie n’aurait pas d’incidence directe sur le prix des services fournis par P., à savoir le prix des titres de transport, son but étant avant tout de couvrir les pertes encourues lors d’une période donnée.

16 En se référant à l’arrêt du 27 mars 2014, Le Rayon d’Or (C‑151/13, EU:C:2014:185), la juridiction de renvoi émet toutefois des doutes sur cette jurisprudence nationale. À cet égard, elle se demande si, pour déterminer si une telle compensation fait partie de la base d’imposition à la TVA, il est nécessaire qu’existe un lien direct entre le prix des titres de transport et cette compensation, entendue comme un financement direct des titres de transport qui réduit proportionnellement leur prix, ou
s’il suffit, afin d’établir ce lien direct, de constater que, sans ladite compensation, le prix de ces titres devrait être plus élevé. En outre, cette juridiction s’interroge sur le point de savoir si l’existence d’un tel lien direct peut être déduit du fait que les services fournis par le prestataire sont caractérisés par leur continuité et la disponibilité permanente de ce prestataire à les fournir.

17 Selon la juridiction de renvoi, s’il ne fait aucun doute que, dans l’affaire dont elle est saisie, la compensation envisagée ne porte pas sur un service individualisé destiné aux bénéficiaires de ce service, il n’en reste pas moins que cette compensation réduit le prix devant être payé par de tels bénéficiaires, dès lors que, sans elle, le prix des titres de transport commercialisés par l’opérateur du service de transport public devrait être fixé à un niveau beaucoup plus élevé. En outre, ladite
compensation ne serait pas une prestation financière destinée à l’ensemble des activités de cet opérateur, mais serait uniquement liée à l’activité de transport public de celui-ci.

18 En revanche, selon la juridiction de renvoi, la circonstance que la compensation envisagée soit fixée de manière forfaitaire et sur une base annuelle ne semble pas avoir d’importance décisive pour déterminer si cette compensation fait partie de la base d’imposition à la TVA. Tel serait également le cas de la circonstance que le prix des titres de transport et le montant d’éventuels tarifs réduits sont déterminés par l’organisateur, et non par ledit opérateur, étant donné que ces éléments sont
également définis dans le contrat conclu entre ceux-ci et qu’ils ont une incidence sur la détermination du montant de la compensation.

19 Dans ces conditions, le Naczelny Sąd Administracyjny (Cour suprême administrative) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’article 73 de la directive [TVA] doit-il être interprété en ce sens qu’une compensation telle que celle décrite dans la demande de rescrit fiscal, versée à une entité distincte (un opérateur) par une collectivité locale pour la fourniture de services de transport public collectif, est comprise dans la base d’imposition visée dans cette disposition ? »

Sur la question préjudicielle

20 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 73 de la directive TVA doit être interprété en ce sens que la compensation forfaitaire versée par une collectivité locale à une entreprise fournissant des services de transport public collectif et destinée à couvrir les pertes subies dans le cadre de la fourniture de ces services est comprise dans la base d’imposition de cette entreprise.

21 Conformément à l’article 73 de la directive TVA, la base d’imposition pour la livraison d’un bien ou la prestation d’un service « comprend tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l’acquéreur, du preneur ou d’un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations ».

22 D’emblée, il convient de relever que, selon les indications figurant dans la décision de renvoi et dans les observations écrites de l’administration fiscale, les bénéficiaires directs des services de transport public collectif que l’opérateur de ces services envisage de fournir sont les utilisateurs desdits services, qui achètent un titre de transport en contrepartie des mêmes services, alors que l’organisateur versant la compensation à cet opérateur n’est pas considéré comme preneur de ce
service. Ainsi, en l’occurrence, cet organisateur revêt la qualité de « tiers », au sens de cet article 73.

23 S’agissant du point de savoir si cette compensation constitue une subvention directement liée au prix des opérations, au sens de l’article 73 de la directive TVA, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, en prévoyant que la base d’imposition à la TVA comprend, dans les hypothèses qu’il détermine, certaines subventions versées aux assujettis, cet article 73 vise à soumettre à la TVA la totalité de la valeur des biens ou des prestations de services et, ainsi, à éviter que le versement d’une
subvention n’entraîne un rendement moins élevé de la taxe [voir, par analogie, arrêt du 9 octobre 2019, C et C (TVA et subventions agricoles), C‑573/18 et C‑574/18, EU:C:2019:847, point 30 ainsi que jurisprudence citée].

24 Conformément à son libellé, cette disposition s’applique lorsque la subvention est directement liée au prix de l’opération en cause. Pour que tel soit le cas, la subvention doit être spécifiquement versée à l’opérateur subventionné afin qu’il fournisse un bien ou effectue un service déterminé. Ce n’est que dans ce cas que la subvention peut être considérée comme une contrepartie de la livraison d’un bien ou de la prestation d’un service et que, partant, elle est imposable [voir, par analogie,
arrêt du 9 octobre 2019, C et C (TVA et subventions agricoles), C‑573/18 et C‑574/18, EU:C:2019:847, point 31 ainsi que jurisprudence citée].

25 Par ailleurs, il doit être vérifié que les acheteurs du bien ou les preneurs du service tirent profit de la subvention octroyée au bénéficiaire de celle-ci. En effet, il est nécessaire que le prix à payer par l’acheteur ou par le preneur soit fixé de telle façon qu’il diminue à proportion de la subvention accordée au vendeur du bien ou au prestataire du service, laquelle constitue alors un élément de détermination du prix exigé par ce dernier. Il doit ainsi être vérifié si, objectivement, le fait
qu’une subvention est versée au vendeur ou au prestataire permet à celui-ci de vendre le bien ou de fournir le service à un prix inférieur à celui qu’il devrait exiger en l’absence de subvention [voir, par analogie, arrêt du 9 octobre 2019, C et C (TVA et subventions agricoles), C‑573/18 et C‑574/18, EU:C:2019:847, point 32 ainsi que jurisprudence citée].

26 En outre, la contrepartie représentée par la subvention doit, à tout le moins, être déterminable [voir, par analogie, arrêt du 9 octobre 2019, C et C (TVA et subventions agricoles), C‑573/18 et C‑574/18, EU:C:2019:847, point 33 ainsi que jurisprudence citée].

27 Ainsi, la notion de « subventions directement liées au prix », au sens de l’article 73 de la directive TVA, comprend uniquement les subventions qui constituent la contrepartie totale ou partielle d’une opération de livraison de biens ou de prestation de services déterminée et qui sont versées par un tiers au vendeur ou au prestataire [voir, par analogie, arrêt du 9 octobre 2019, C et C (TVA et subventions agricoles), C‑573/18 et C‑574/18, EU:C:2019:847, point 34 ainsi que jurisprudence citée].

28 En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que les services de transport public collectif en cause au principal seraient fournis sur la base d’un contrat conclu entre une collectivité locale, agissant en tant qu’organisateur, qui fixerait le prix des titres de transport, et P., agissant en tant qu’opérateur. Les recettes générées, notamment, par la vente des titres de transport étant insuffisantes pour couvrir les coûts de ces services, la collectivité locale verserait à P. une
compensation forfaitaire dont le montant ne pourrait pas excéder celui correspondant au résultat financier négatif résultant desdits services et, en tout état de cause, un montant maximal fixé pour une période donnée.

29 Ainsi que la juridiction de renvoi l’a constaté, une telle compensation n’a pas d’incidence directe sur le prix des services de transport fournis, fixé par l’organisateur de ces services, le but de cette compensation étant avant tout de couvrir les pertes liées à cette activité.

30 Dans ces conditions, il y a lieu de constater qu’une compensation telle que celle en cause au principal n’est pas spécifiquement versée à l’opérateur afin qu’il effectue un service de transport à un preneur déterminé de ce service et n’a pas d’influence sur le prix à payer par ce preneur, ce prix n’étant pas fixé de telle façon qu’il diminue à proportion de la compensation versée au prestataire de ce service. En revanche, comme l’a relevé, en substance, Mme l’avocate générale au point 54 de ses
conclusions, ladite compensation est accordée a posteriori et est indépendante de l’utilisation concrète des services de transport, mais dépend du nombre de véhicules-kilomètres proposés. Une telle compensation ne relève donc pas de la notion de « subventions directement liées au prix », au sens de l’article 73 de la directive TVA.

31 Cette conclusion n’est pas remise en cause par le fait que, sans une telle compensation, qui permet de réduire nettement le prix du service fourni, le prix des titres de transport devrait être plus élevé pour les bénéficiaires de ce service.

32 Ainsi que Mme l’avocate générale l’a relevé au point 58 de ses conclusions, il convient en effet de considérer que, nécessairement, toute subvention est susceptible de produire des effets sur le calcul des prix, que celui-ci soit effectué par le bénéficiaire de la subvention ou, comme en l’occurrence, par l’organisateur versant ladite subvention. Or, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, le seul fait qu’un financement puisse avoir une influence sur le prix des biens livrés ou des
services fournis par l’organisme recevant ce financement ne suffit pas à rendre celui-ci imposable en tant que subvention directement liée au prix, au sens de l’article 73 de la directive TVA (voir, en ce sens, arrêt du 22 novembre 2001, Office des produits wallons, C‑184/00, EU:C:2001:629, point 12).

33 Cela étant, les subventions directement liées au prix d’une opération imposable ne constituent qu’une situation parmi d’autres visées à l’article 73 de la directive TVA, la base d’imposition d’une prestation de services étant, en tout état de cause, formée par tout ce qui est reçu en contrepartie du service fourni (voir, par analogie, arrêt du 27 mars 2014, Le Rayon d’Or, C‑151/13, EU:C:2014:185, point 30 et jurisprudence citée).

34 Dans ce contexte, se référant à ce dernier arrêt, la juridiction de renvoi demande, en substance, si une compensation telle que celle en cause au principal doit être considérée comme étant une contrepartie obtenue d’un tiers, au sens de cet article 73.

35 L’affaire ayant donné lieu audit arrêt portait sur le caractère imposable d’un « forfait soins » qu’une caisse nationale d’assurance maladie versait à des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes pour la fourniture de prestations de services de soins médicaux et paramédicaux à leurs résidents et dont le calcul tenait notamment compte du nombre de résidents accueillis dans chaque établissement et de leur niveau de dépendance. Dans le même arrêt, la Cour a jugé qu’un lien
direct existait entre les prestations de services fournies par un tel établissement à ses résidents et la contrepartie reçue, à savoir ce « forfait soins », de telle sorte qu’un tel versement forfaitaire constituait la contrepartie des prestations de soins effectuées à titre onéreux par cet établissement au profit de ses résidents et relevait, à ce titre, du champ d’application de la TVA.

36 La Cour a précisé, à cet égard, que le fait que le bénéficiaire direct des prestations de services en cause est non pas la caisse nationale d’assurance maladie qui verse le forfait, mais l’assuré de celle‑ci, n’est pas de nature à rompre le lien direct existant entre la prestation de services effectuée et la contrepartie reçue (arrêt du 27 mars 2014, Le Rayon d’Or, C‑151/13, EU:C:2014:185, point 35).

37 En outre, la Cour a jugé que, lorsque la prestation de services en cause se caractérise, notamment, par la disponibilité permanente du prestataire de services à fournir, le moment venu, les prestations de soins requises par les résidents, il n’est pas nécessaire, afin de reconnaître l’existence d’un lien direct entre ladite prestation et la contrepartie obtenue, d’établir qu’un paiement se rapporte à une prestation de soins individualisée et ponctuelle effectuée à la demande d’un résident (arrêt
du 27 mars 2014, Le Rayon d’Or, C‑151/13, EU:C:2014:185, point 36).

38 Or, il y a lieu de constater que la situation en cause au principal et celle à l’origine de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 27 mars 2014, Le Rayon d’Or (C‑151/13, EU:C:2014:185), ne sont pas comparables.

39 Ainsi que Mme l’avocate générale l’a relevé aux points 52 et 56 de ses conclusions, il existait, dans cette affaire, un lien direct entre les prestations de soins au profit des pensionnaires de l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes et la contrepartie financière versée à cet établissement, déterminée en fonction des soins reçus et du nombre de résidents concernés. Or, en l’occurrence, les services de transport public collectif bénéficient non pas à des personnes qui
peuvent être clairement identifiées, mais à l’ensemble des passagers potentiels. En outre, la compensation est calculée sans que soit pris en considération l’identité et le nombre des utilisateurs du service fourni.

40 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que l’article 73 de la directive TVA doit être interprété en ce sens que la compensation forfaitaire versée par une collectivité locale à une entreprise fournissant des services de transport public collectif et destinée à couvrir les pertes subies dans le cadre de la fourniture de ces services n’est pas comprise dans la base d’imposition de cette entreprise.

Sur les dépens

41 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

  L’article 73 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée,

  doit être interprété en ce sens que :

  la compensation forfaitaire versée par une collectivité locale à une entreprise fournissant des services de transport public collectif et destinée à couvrir les pertes subies dans le cadre de la fourniture de ces services n’est pas comprise dans la base d’imposition de cette entreprise.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le polonais.


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : C-615/23
Date de la décision : 08/05/2025
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par Naczelny Sąd Administracyjny.

Renvoi préjudiciel – Fiscalité – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Article 73 – Base d’imposition – Contrepartie – Subventions directement liées au prix d’une opération imposable – Services de transport public collectif – Compensation versée par une collectivité locale au prestataire de services pour couvrir les coûts encourus – Lien direct entre la compensation et les services fournis.

Fiscalité

Taxe sur la valeur ajoutée


Parties
Demandeurs : Dyrektor Krajowej Informacji Skarbowej
Défendeurs : P. S.A.

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Kumin

Origine de la décision
Date de l'import : 10/05/2025
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2025:320

Source

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