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30/04/2025 | CJUE | N°C-630/23

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, ZH et KN contre AxFina Hungary Zrt., 30/04/2025, C-630/23


ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

30 avril 2025 (*)

« Renvoi préjudiciel – Protection des consommateurs – Directive 93/13/CEE – Clauses abusives contenues dans des contrats conclus avec des consommateurs – Contrat de crédit-bail libellé en devise étrangère – Articles 6 et 7 – Clause abusive mettant le risque de change à la charge du consommateur – Effets de la constatation du caractère abusif d’une telle clause – Invalidité du contrat – Effets de l’annulation du contrat dans son intégralité »

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ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Kú...

ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

30 avril 2025 (*)

« Renvoi préjudiciel – Protection des consommateurs – Directive 93/13/CEE – Clauses abusives contenues dans des contrats conclus avec des consommateurs – Contrat de crédit-bail libellé en devise étrangère – Articles 6 et 7 – Clause abusive mettant le risque de change à la charge du consommateur – Effets de la constatation du caractère abusif d’une telle clause – Invalidité du contrat – Effets de l’annulation du contrat dans son intégralité »

Dans l’affaire C‑630/23,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Kúria (Cour suprême, Hongrie), par décision du 26 septembre 2023, parvenue à la Cour le 17 octobre 2023, dans la procédure 

ZH,

KN

contre

AxFina Hungary Zrt.,

LA COUR (dixième chambre),

composée de M. D. Gratsias, président de chambre, MM. E. Regan et B. Smulders (rapporteur), juges,

avocat général : M. D. Spielmann,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour ZH et KN, par M^e L. Marczingós, ügyvéd,

–        pour AxFina Hungary Zrt., par M^e G. Stanka, ügyvéd,

–        pour le gouvernement hongrois, par M. M. Z. Fehér et M^me K. Szíjjártó, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par M. P. Kienapfel et M^me Zs. Teleki, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 1^er, paragraphe 2, de l’article 6, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant ZH et KN (ci-après, ensemble, les « deux consommateurs ») à AxFina Hungary Zrt. (ci-après « AxFina ») au sujet des conséquences juridiques de la suppression d’une clause relative au risque de change figurant dans un contrat de crédit-bail libellé en devise étrangère conclu entre AxFina et ZH (ci-après la « clause relative au risque de change »).

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Les vingt-et-unième et vingt-quatrième considérants de la directive 93/13 énoncent :

« considérant que les États membres doivent prendre les mesures nécessaires afin d’éviter la présence de clauses abusives dans des contrats conclus avec des consommateurs par un professionnel ; que, si malgré tout, de telles clauses venaient à y figurer, elles ne lieront pas le consommateur, et le contrat continuera à lier les parties selon les mêmes termes s’il peut subsister sans les clauses abusives ;

[...]

considérant que les autorités judiciaires et organes administratifs des États membres doivent disposer de moyens adéquats et efficaces afin de faire cesser l’application de clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs ».

4        Aux termes de l’article 1^er, paragraphe 2, de cette directive :

« Les clauses contractuelles qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives ainsi que des dispositions ou principes des conventions internationales, dont les États membres ou la Communauté [européenne] sont partis, notamment dans le domaine des transports, ne sont pas soumises aux dispositions de la présente directive. »

5        L’article 6, paragraphe 1, de ladite directive dispose :

« Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives. »

6        L’article 7, paragraphe 1, de la même directive est libellé comme suit :

« Les États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel. »

 Le droit hongrois

 L’ancien code civil

7        L’article 209/A de la Polgári Törvénykönyvről szóló 1959. évi IV. törvény (loi n^o IV de 1959, instituant le code civil), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après l’« ancien code civil »), prévoit que sont nulles les clauses abusives intégrées dans des contrats de consommation en tant que conditions générales ou que le professionnel a rédigées de manière unilatérale, au préalable et sans négociation individuelle. En vertu de cet article 209/A, la nullité ne peut être
invoquée que dans l’intérêt du consommateur.

8        En vertu de l’article 237, paragraphe 1, de l’ancien code civil, en cas de contrat invalide, il convient de revenir à la situation qui prévalait antérieurement à la conclusion de ce contrat.

9        Aux termes de l’article 237, paragraphe 2, de ce code :

« S’il n’est pas possible de revenir à la situation qui prévalait antérieurement à la conclusion du contrat invalide, le juge peut déclarer ce contrat applicable jusqu’à ce qu’il ait statué. Ledit contrat peut être déclaré valide s’il est possible de supprimer la cause de l’invalidité, en particulier par la suppression de l’avantage disproportionné en cas de disproportion des prestations des parties ainsi qu’en cas d’un contrat usuraire. Dans de tels cas de figure, il convient d’ordonner la
restitution de la prestation restant due, le cas échéant, sans contreprestation. »

10      Il ressort de l’article 361, paragraphe 1, dudit code que toute personne ayant obtenu un avantage patrimonial au détriment d’autrui est tenue de rembourser cet avantage.

11      Aux termes de l’article 363 du même code, « [l]es règles relatives à la possession sans titre [...] sont applicables à la restitution des avantages patrimoniaux liés à l’enrichissement ; la personne tenue au remboursement peut exiger le remboursement des dépenses nécessaires qui ont été consacrées à la chose ».

 La loi DH1

12      L’article 3, paragraphes 1 et 2, de la Kúriának a pénzügyi intézmények fogyasztói kölcsönszerződéseire vonatkozó jogegységi határozatával kapcsolatos egyes kérdések rendezéséről szóló 2014. évi XXXVIII. törvény [loi n^o XXXVIII de 2014, relative au règlement de certaines questions liées à la décision rendue par la Kúria (Cour suprême) dans l’intérêt d’une interprétation uniforme des dispositions du droit civil à propos des contrats de prêt conclus par des établissements de crédit avec des
consommateurs], dans sa version applicable au litige au principal (ci-après la « loi DH1 »), prévoit :

« 1.      Dans un contrat de prêt conclu avec un consommateur, est nulle – sauf s’il s’agit d’une condition contractuelle négociée individuellement – la clause en vertu de laquelle l’établissement de crédit décide que c’est le cours acheteur qui s’applique lors du déblocage des fonds destinés à l’acquisition du bien qui fait l’objet du prêt ou du crédit-bail, alors que c’est le cours vendeur qui s’applique pour le remboursement, ou tout autre taux de change d’un type différent de celui fixé lors du
déblocage des fonds.

2.      La clause frappée de nullité en vertu du paragraphe 1 est remplacée [...] par une disposition visant à l’application du taux de change officiel fixé par la Magyar Nemzeti Bank (Banque nationale de Hongrie) pour la devise correspondante, tant en ce qui concerne le déblocage des fonds que le remboursement (y compris le paiement des mensualités et de tous coûts, frais et commissions fixés en devise). »

 La loi DH2

13      L’article 3, paragraphe 1, de la Kúriának a pénzügyi intézmények fogyasztói kölcsönszerződéseire vonatkozó jogegységi határozatával kapcsolatos egyes kérdések rendezéséről szóló 2014. évi XXXVIII. törvényben rögzített elszámolás szabályairól és egyes egyéb rendelkezésekről szóló 2014. évi XL. törvény [loi n^o XL de 2014, relative aux règles applicables au décompte prévu dans la loi n^o XXXVIII de 2014 relative au règlement de certaines questions liées à la décision rendue par la Kúria (Cour
suprême) dans l’intérêt d’une interprétation uniforme du droit à propos des contrats de prêt conclus par des établissements de crédit avec des consommateurs, ainsi qu’à différentes autres dispositions], dans sa version applicable au litige au principal (ci-après la « loi DH2 »), dispose :

« En cas d’exécution d’une clause frappée de nullité à l’article 3, paragraphe 1, de la [loi DH1], il faut décompter en faveur du consommateur, en tant que trop‑perçu imputable à un écart de change, la différence entre le montant du crédit octroyé en application de cette clause et celui résultant d’une conversion conforme au paragraphe 2, et entre les montants du remboursement versés en application de ladite clause et ceux résultant d’une conversion conforme au paragraphe 2. »

14      Aux termes de l’article 37, paragraphe 1, de la loi DH2 :

« La partie ne peut, au regard de contrats relevant du champ d’application de la présente loi, conclure à ce que la juridiction constate l’invalidité du contrat ou de certaines de ses clauses [...] – quel que soit le motif d’invalidité – qu’en concluant également à ce que cette juridiction applique les conséquences juridiques de l’invalidité, à savoir que le contrat soit déclaré comme étant valide ou comme produisant effet jusqu’à la date à laquelle est rendue la décision [d’invalidité]. [...] »

 La loi DH7

15      L’article 3 de la Egyes fogyasztói kölcsönszerződésekből eredő követelések forintra átváltásával kapcsolatos kérdések rendezéséről szóló 2015. évi CXLV. törvény (loi n^o CXLV de 2015, sur le règlement des questions liées à la conversion en forints de certaines créances nées de contrats de prêt conclus avec des consommateurs), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après la « loi DH7 »), prévoit :

« L’établissement de crédit est tenu

a)      de convertir ses créances nées de contrats de prêt libellés en devises étrangères relevant de la présente loi en créances libellées en forints (ci-après la “conversion en forints”) par application du chapitre 4,

b)      de convertir ses créances nées de contrats de prêt libellés en devises étrangères relevant de la présente loi qui ont été conclus avec des consommateurs et ont déjà été résiliés en créances libellées en forints par application du chapitre 5. »

16      L’article 9, paragraphe 1, de la loi DH7 dispose :

« Une modification d’un contrat de prêt libellé en devise étrangère en application du présent chapitre ne peut pas avoir lieu au détriment du consommateur concerné s’agissant du niveau des intérêts, des frais et des coûts liés à l’opération. »

17      Aux termes de l’article 12, paragraphe 1, de cette loi :

« Le taux de change appliqué pour la conversion en forints est le taux de change officiellement fixé pour la devise par la Banque nationale de Hongrie le 19 août 2015. »

18      L’article 15, paragraphe 1, de ladite loi dispose :

« Les créances nées de contrats de prêt libellés en devises étrangères qui ont déjà été résiliés sont converties par l’établissement de crédit en créances libellées en forints selon les modalités prévues dans le présent chapitre et au taux de change prévu à l’article 12, paragraphe 1. »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

19      Le 21 juin 2007, ZH a conclu avec AxFina, en vue de l’achat d’un véhicule automobile, un contrat de crédit-bail libellé en devise étrangère, à savoir en francs suisses (CHF), KN s’étant, pour sa part, porté caution solidaire de l’exécution par ZH de ses obligations contractuelles. Les parties sont convenues que le crédit en cause au principal devait être remboursé en 120 mensualités fixes libellées en forints hongrois (HUF). Ce contrat comportait en outre la clause relative au risque de
change, en vertu de laquelle la variation du taux de change de cette devise étrangère ferait l’objet d’un décompte au terme dudit contrat et qui avait pour effet que le risque associé à l’appréciation de ladite devise étrangère par rapport au forint hongrois était intégralement mis à la charge des deux consommateurs.

20      Le 7 mai 2013, AxFina a résilié le contrat de crédit-bail en cause au principal avec effet immédiat en raison de retards de paiement imputables aux deux consommateurs, la totalité de la dette calculée en forints hongrois et découlant de ce contrat étant alors devenue exigible en une seule fois. De cette dette, AxFina a notamment déduit le montant résultant du décompte prévu à l’article 3, paragraphe 1, de la loi DH2, en tant que trop-perçu imputable à un écart de change visé à l’article 3,
paragraphe 1, de la loi DH1, ainsi que le montant provenant de la vente du véhicule concerné.

21      AxFina a introduit un recours visant à ce que, dans le cas où le caractère abusif de la clause relative au risque de change et, par conséquent, l’invalidité dudit contrat seraient constatés, le même contrat soit déclaré valide avec effet rétroactif à la date de sa conclusion et les deux consommateurs soient condamnés solidairement au paiement de la somme d’un montant de 1 637 682 HUF (environ 4 000 euros) au titre du principal et des intérêts de retard. Dans ce montant, 972 960 HUF (environ
2 250 euros) seraient dus au titre du risque de change.

22      Dans son jugement, la juridiction statuant en première instance, tout en constatant l’invalidité du contrat de crédit-bail en cause au principal en raison du caractère abusif de la clause relative au risque de change, a jugé que les deux consommateurs étaient néanmoins tenus de supporter ce risque dans une mesure limitée. À cet effet, elle a réduit la créance d’AxFina, fondée sur ce contrat, qu’elle a déclaré comme étant valide, du montant que ZH avait perdu en comparaison avec la situation
dans laquelle ledit contrat aurait été libellé en forints hongrois.

23      La juridiction statuant sur l’appel interjeté par les deux consommateurs contre ce jugement a confirmé ce dernier. Selon elle, la solution retenue dans ledit jugement permettait d’éliminer l’atteinte aux intérêts de ces consommateurs causée par la clause relative au risque de change. En outre, le caractère irréversible des prestations prévues par ledit contrat aurait exclu le rétablissement de la situation qui aurait été celle desdits consommateurs en l’absence de la clause relative au
risque de change.

24      Les mêmes consommateurs ont formé un pourvoi contre la décision rendue en appel devant la Kúria (Cour suprême, Hongrie), qui est la juridiction de renvoi. Dans ce cadre, ils demandent, notamment, que soit rendue une décision rejetant le recours initial introduit par AxFina, faisant valoir, à cet effet, que l’exclusion de la solution consistant à rétablir la situation qui aurait été la leur en l’absence de la clause relative au risque de change est contraire au droit de l’Union et que le juge
n’est par ailleurs pas autorisé à modifier le contenu de cette clause abusive.

25      La juridiction de renvoi relève qu’elle est ainsi appelée à se prononcer sur le sort à réserver à un contrat de crédit-bail libellé en devise étrangère lorsqu’une clause figurant dans ce contrat, en vertu de laquelle le risque de change est entièrement supporté par le consommateur concerné, est jugée abusive en raison d’une information insuffisante de ce consommateur en ce qui concerne la nature de ce risque et que la suppression de cette clause, qui définirait l’objet principal dudit
contrat, entraînerait l’invalidité du même contrat dans son ensemble.

26      À cet égard, la juridiction de renvoi explique, en premier lieu, que, dans le droit hongrois, les conséquences juridiques de l’invalidité d’un contrat dans son ensemble sont régies à l’article 237, paragraphes 1 et 2, de l’ancien code civil. En vertu de cette disposition, les conséquences juridiques principales, « et de même rang », de cette invalidité seraient le rétablissement de la situation d’origine ou, si le motif d’invalidité peut être éliminé, une déclaration selon laquelle le
contrat concerné est valide ex tunc, cette validité pouvant être déclarée, notamment, lorsque le rétablissement de la situation antérieure à la conclusion de ce contrat est impossible. Si une telle déclaration de validité n’est pas non plus possible, la juridiction saisie déclarerait ledit contrat comme ayant produit effet jusqu’à ce que sa décision soit rendue et ordonnerait le remboursement de la contrevaleur de la prestation éventuellement restée sans contrepartie.

27      S’agissant, en particulier, des contrats relevant du champ d’application des lois DH1 et DH2, tels que le contrat de crédit-bail en cause au principal, l’article 37, paragraphe 1, de la loi DH2 imposerait de considérer que les conséquences de l’invalidité d’un tel contrat consistent à déclarer le contrat valide ou à constater qu’il produit effet jusqu’à ce que la décision d’invalidité soit rendue et exclurait ainsi le rétablissement de la situation d’origine. De même, dans la doctrine et la
jurisprudence hongroises, il serait considéré que, eu égard à la nature des contrats de crédit et des contrats de crédit-bail, il n’est pas possible, en cas d’invalidité de tels contrats, de concevoir un rétablissement de la situation d’origine.

28      Dans ce cadre, la juridiction de renvoi estime que, si la Cour s’est à plusieurs reprises et notamment dans les arrêts du 27 avril 2023, AxFina Hungary (C‑705/21, EU:C:2023:352), et du 15 juin 2023, Bank M. (Conséquences de l’annulation du contrat) (C‑520/21, EU:C:2023:478), prononcée sur les conséquences juridiques, au regard de la directive 93/13, du caractère abusif d’une clause dont la suppression entraîne l’invalidité du contrat concerné, la jurisprudence issue de ces arrêts ne porte
pas sur toutes les questions d’interprétation pertinentes en ce qui concerne la réglementation et la pratique hongroises et ne peut pas dans tous les cas être conciliée avec celles-ci.

29      En l’occurrence, l’application des lois DH1 et DH2 aurait pour effet que la valeur de la prestation à fournir au titre du contrat de crédit-bail en cause au principal peut toujours être calculée, soit en francs suisses, soit en forints hongrois, même si la clause relative au risque de change est « inopérante », ce qui permettrait à ce contrat de continuer à produire ses effets. Plus généralement, dans le droit hongrois, l’invalidité d’un contrat ne provoquerait pas nécessairement sa nullité,
si bien que considérer la « restitutio in integrum » comme étant la seule conséquence juridique possible d’une telle nullité serait une conclusion logiquement incorrecte.

30      La juridiction de renvoi souligne, à cet égard, qu’il n’apparaît pas que la directive 93/13, qui n’aurait réalisé qu’une harmonisation minimale en la matière, régisse le point de savoir quelles conséquences juridiques s’imposent en cas d’invalidité d’un contrat. Dès lors, la détermination de ces conséquences relèverait de l’autonomie procédurale des États membres, sous réserve que le juge national ait l’obligation de veiller à ce que le consommateur concerné se trouve en définitive dans la
situation qui aurait été la sienne si la clause jugée abusive n’avait jamais existé.

31      C’est ainsi que la juridiction de renvoi se demande s’il ne convient pas de considérer qu’un contrat « peut subsister » sans les clauses abusives, au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, lorsque, en cas d’invalidité de ce contrat dans son ensemble à la suite de la suppression de l’une de ses clauses jugée comme étant abusive, un juge national peut, en application de sa législation nationale, déclarer ledit contrat valide, avec un effet rétroactif à la date de la
conclusion de celui-ci, de telle manière que la clause abusive qu’il contient n’implique aucune obligation pour le consommateur concerné, tandis que les autres clauses, non abusives, du même contrat continuent à lier les parties de la même manière.

32      Une telle solution n’impliquerait pas une modification contractuelle interdite selon la jurisprudence, dans la mesure où la clause relative au risque de change serait éliminée et où le contrat de crédit-bail en cause au principal pourrait subsister sans cette clause. La nature de ce contrat ne serait pas non plus modifiée, car le décompte établi sur la base de la devise étrangère dans laquelle le prêt est libellé subsisterait par le fait que ce serait désormais l’établissement de crédit qui
supporterait le risque de change.

33      Par ailleurs, l’effet dissuasif associé à la simple suppression de la clause abusive serait assuré, dans le respect du principe de proportionnalité des sanctions, à savoir le prêt concerné serait maintenu à un taux d’intérêt adapté à la devise étrangère stipulée et favorable pour le consommateur concerné, mais sans que cela soit compensé par l’« indemnité » tenant au risque de change supporté par ce consommateur, l’établissement de crédit étant alors obligé de rembourser audit consommateur
les montants perçus en vertu de la clause relative au risque de change.

34      Dans le cas où l’interprétation proposée par la juridiction de renvoi ne serait pas compatible avec le droit de l’Union, celle-ci demande à la Cour de lui fournir des indications quant au point de savoir quelles sont les conséquences juridiques qu’elle pourrait tirer directement de ce droit dans l’hypothèse d’un contrat invalide, dans la mesure où elle estime pouvoir, dans cette hypothèse, être amenée à faire une interprétation contra legem de son droit interne.

35      En second lieu, la juridiction de renvoi indique que le contrat de crédit‑bail en cause au principal relève également du champ d’application de la loi DH7. En application de cette loi, les créances issues de ce contrat devraient, pour l’avenir, être converties en créances libellées en forints hongrois au taux de change fixé par la Banque nationale de Hongrie le 19 août 2015 pour la devise étrangère stipulée. À cet égard, il ne ressortirait pas des règles et de l’exposé des motifs de la
loi DH7 que celle-ci vise à remédier à une quelconque invalidité, le législateur ayant au contraire voulu dispenser, de manière générale, les consommateurs concernés de devoir supporter, pour un grand nombre de contrats valides, le risque de change pour l’avenir.

36      Cela étant, cette juridiction tend à considérer que, bien que les clauses contractuelles qui reflètent des dispositions législatives impératives, telles que celles prévues par la loi DH7, ne soient pas soumises aux dispositions de la directive 93/13, cette loi est néanmoins contraire à cette directive en ce qu’elle a pour effet de faire peser sur le consommateur concerné un risque de change d’un certain niveau, alors que ce consommateur devrait en être totalement exonéré, si bien que ladite
loi devrait être laissée inappliquée.

37      Dans ces conditions, la Kúria (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Est-il correct d’interpréter les termes “le contrat [...] peut subsister sans les clauses abusives”, figurant à l’article 6, paragraphe 1, de la directive [93/13], en ce sens qu’un contrat en devise conclu avec un consommateur peut subsister lorsqu’en a été écartée une clause contractuelle relevant de l’objet principal de ce contrat, qui met à charge de ce consommateur le risque de change sans limitation, compte tenu du fait que le droit interne de l’État membre en question prévoit un
mécanisme de conversion des devises dans des dispositions [législatives] impératives ?

L’article 1^er, paragraphe 2, l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 s’opposent-ils à une jurisprudence de l’État membre (fondée sur une interprétation du droit national à la lumière de cette directive et respectueuse des principes d’interprétation énoncés par la Cour de justice de l’Union européenne) qui, tout en tenant compte des principes de l’enrichissement sans cause,

a)      contraint à un remboursement (ou à un décompte) au consommateur concerné des montants que le prêteur a reçus en vertu d’une clause considérée comme étant abusive, non pas en le prévoyant dans le cadre d’une restitutio in integrum – les règles spéciales du droit national excluant, en effet, cette conséquence juridique possible de l’invalidité – ou en appliquant de façon autonome les règles de l’enrichissement sans cause – une telle conséquence juridique n’étant pas prévue par le droit
national en cas d’invalidité d’un contrat –, mais en libérant ce consommateur des effets particulièrement préjudiciables pour lui et en rétablissant, en même temps, l’équilibre contractuel entre les parties contractantes dans le cadre de l’application de la principale conséquence juridique de la nullité dans le droit national, à savoir la déclaration de validité du contrat concerné, et cela, de telle manière que les clauses abusives n’impliquent aucune obligation pour ledit consommateur, tandis que
les autres éléments (non abusifs) de ce contrat (y compris les intérêts contractuels et les autres frais) continuent de lier les parties à des conditions inchangées [ ;]

b)      dans l’hypothèse où une déclaration de validité n’est pas possible, tire de l’invalidité du contrat concerné une conséquence juridique consistant à déclarer que celui-ci produira effet, aux fins du décompte, jusqu’au prononcé d’un jugement, et à effectuer entre les parties un décompte en appliquant les principes qui régissent l’enrichissement sans cause ?

2)      Peut-on, lors de la détermination de la conséquence juridique de l’invalidité d’un contrat pour les motifs susmentionnés, écarter la disposition de la législation de l’État membre – entrée en vigueur ultérieurement – qui prévoit la conversion en forints hongrois [...] pour l’avenir, au motif que cela ferait, en conséquence de la détermination du taux de change résultant de la conversion, supporter un risque de change d’un certain niveau par le consommateur concerné qui, en raison du
caractère abusif de la clause contractuelle, devrait être exonéré du risque de change dans son ensemble ?

3)      Au cas où les conséquences juridiques de l’invalidité ne pourraient, au regard du droit de l’Union, consister ni en une déclaration de validité ni en une déclaration selon laquelle le contrat concerné produit effet, quelles conséquences juridiques peuvent être tirées et sur quelle base théorique – en suivant une interprétation contra legem, ne tenant pas compte de la législation de l’État membre régissant les conséquences juridiques et fondée uniquement sur le droit de l’Union –, sachant que
la directive 93/13 ne règle pas la question des conséquences juridiques de l’invalidité ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur les première et troisième questions

38      Les première et troisième questions portent sur l’encadrement, à l’article 1^er, paragraphe 2, à l’article 6, paragraphe 1, et à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, des modalités selon lesquelles doit être appréciée la possibilité de laisser subsister un contrat de crédit-bail libellé en devise étrangère dont a été écartée, comme étant abusive, la clause mettant intégralement à la charge du consommateur concerné le risque de change associé à cette devise.

39      Il y a lieu de préciser, à titre liminaire, que, dès lors que ces questions visent un contrat comprenant une clause déclarée abusive au titre de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, celles-ci présupposent nécessairement que cette clause relève du champ d’application de cette directive et n’y est donc pas soustraite en application de l’article 1^er, paragraphe 2, de celle-ci, qui en exclut notamment les clauses contractuelles reflétant des dispositions législatives ou
réglementaires impératives.

40      À cet égard, bien que la juridiction de renvoi se réfère, dans le cadre de sa première question, à un « mécanisme de conversion des devises [prévu] dans des dispositions [législatives] impératives », rien dans le dossier dont dispose la Cour n’indique que ladite clause, qui porte sur le risque de change en tant que tel et non pas sur les modalités de conversion des devises, refléterait le contenu de telles dispositions, cette juridiction n’exposant par ailleurs pas les raisons pour
lesquelles il serait néanmoins nécessaire que la Cour fournisse une interprétation de l’article 1^er, paragraphe 2, de la directive 93/13.

41      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que, par ses première et troisième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, de celle-ci, doit être interprété en ce sens qu’il permet de considérer qu’un contrat de crédit-bail libellé en devise étrangère, devenu invalide après qu’en a été écartée, comme étant abusive, une clause mettant à
la charge du consommateur concerné le risque de change associé à cette devise étrangère, peut « subsister sans les clauses abusives », au sens de la première de ces dispositions, lorsque ce contrat relève d’une législation nationale imposant comme conséquence juridique de l’invalidité de tels contrats celle consistant à libérer complètement ce consommateur des effets préjudiciables de la seule clause abusive tout en préservant la validité et le caractère contraignant des autres éléments du contrat
concerné. Dans l’hypothèse d’une réponse négative, cette juridiction souhaite en outre être éclairée sur les conséquences qu’il lui appartiendrait de tirer de l’invalidité du même contrat, étant précisé qu’elle estime pouvoir, dans cette hypothèse, être amenée à faire une interprétation contra legem de son droit interne.

 Sur la possibilité pour un contrat de subsister sans les clauses abusives

42      Il ressort d’une jurisprudence constante que, compte tenu de la situation d’infériorité dans laquelle le consommateur se trouve à l’égard du professionnel, l’article 6, paragraphe 1, premier membre de phrase, de la directive 93/13 prévoit que les clauses abusives ne lient pas les consommateurs. Cette disposition est une disposition impérative qui tend à substituer à l’équilibre formel que le contrat établit entre les droits et les obligations des cocontractants un équilibre réel de nature à
rétablir l’égalité entre ces derniers [arrêt du 9 avril 2024, Profi Credit Polska (Réouverture de la procédure terminée par une décision définitive), C‑582/21, EU:C:2024:282, point 72 et jurisprudence citée].

43      Par ailleurs, étant donné la nature et l’importance de l’intérêt public que constitue la protection des consommateurs, la directive 93/13 impose aux États membres, ainsi que cela ressort de son article 7, paragraphe 1, lu en combinaison avec son vingt-quatrième considérant, de prévoir des moyens adéquats et efficaces « afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel » [arrêt du 9 avril 2024, Profi Credit Polska
(Réouverture de la procédure terminée par une décision définitive), C‑582/21, EU:C:2024:282, point 73 et jurisprudence citée].

44      Pour ce faire, il incombe aux juridictions nationales d’écarter l’application des clauses abusives afin qu’elles ne produisent pas d’effets contraignants à l’égard du consommateur, sauf si ce dernier s’y oppose (arrêt du 9 juillet 2020, Raiffeisen Bank et BRD Groupe Société Générale, C‑698/18 et C‑699/18, EU:C:2020:537, point 53 ainsi que jurisprudence citée).

45      Il s’ensuit qu’une clause contractuelle déclarée abusive doit être considérée, en principe, comme n’ayant jamais existé, de sorte qu’elle ne saurait avoir d’effet à l’égard du consommateur. Partant, la constatation judiciaire du caractère abusif d’une telle clause doit, en principe, avoir pour conséquence le rétablissement en droit et en fait de la situation dans laquelle ce consommateur se serait trouvé en l’absence de cette clause [arrêt du 15 juin 2023, Bank M. (Conséquences de
l’annulation du contrat), C‑520/21, EU:C:2023:478, point 57 et jurisprudence citée].

46      L’obligation pour le juge national d’écarter une clause contractuelle abusive imposant le paiement de sommes qui se révèlent indues emporte, en principe, un effet restitutoire correspondant à l’égard de ces sommes, dans la mesure où l’absence d’un tel effet serait susceptible de méconnaître l’effet dissuasif que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, de cette directive, entend attacher au constat du caractère abusif des clauses
figurant dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel [arrêt du 15 juin 2023, Bank M. (Conséquences de l’annulation du contrat), C‑520/21, EU:C:2023:478, point 58 et jurisprudence citée].

47      En outre, si l’article 6, paragraphe 1, premier membre de phrase, de ladite directive précise que les États membres prévoient que les clauses abusives ne lient pas les consommateurs « dans les conditions fixées par leurs droits nationaux », l’encadrement par le droit national de la protection garantie aux consommateurs par la même directive ne saurait cependant modifier l’étendue et, partant, la substance de cette protection (arrêt du 12 décembre 2024, Kutxabank, C‑300/23, EU:C:2024:1026,
point 160 et jurisprudence citée).

48      Par conséquent, s’il appartient aux États membres, au moyen de leur droit national, de définir les modalités selon lesquelles le constat du caractère abusif d’une clause figurant dans un contrat est établi et les effets juridiques concrets de ce constat sont matérialisés, il n’en demeure pas moins qu’un tel constat doit permettre de rétablir en droit et en fait la situation qui aurait été celle du consommateur en l’absence de cette clause abusive, notamment en fondant un droit à restitution
des avantages indûment acquis, à son détriment, par le professionnel sur le fondement de ladite clause abusive [arrêt du 25 avril 2024, Caixabank (Délai de prescription), C‑484/21, EU:C:2024:360, point 20 et jurisprudence citée].

49      En l’occurrence, il résulte des explications fournies par la juridiction de renvoi que, s’agissant de contrats de crédit-bail libellés en devise étrangère contenant une clause abusive relative au risque de change et devenus invalides à la suite de la suppression de cette clause, tels que celui en cause au principal, le droit hongrois prévoit une solution consistant en une « déclaration de validité » ou en une « déclaration selon laquelle le contrat produit effet jusqu’à la date à laquelle
est rendue la décision [d’invalidité] », selon les termes employés à l’article 37, paragraphe 1, de la loi DH2. Dans ce cadre, l’article 3 de la loi DH1 prévoirait un mécanisme de conversion des devises de nature à garantir que, après la suppression de la clause abusive relative au risque de change, la valeur des prestations à fournir au titre du contrat concerné pourrait toujours être calculée.

50      Ainsi que cette juridiction l’expose, elle part de la prémisse selon laquelle une telle solution respecte les exigences découlant de l’article 6, paragraphe 1, premier membre de phrase, de la directive 93/13, telles qu’interprétées dans la jurisprudence rappelée aux points 42 à 48 du présent arrêt, en ce que cette solution permettrait à la fois de libérer complètement les consommateurs concernés de la clause abusive relative au risque de change figurant dans le contrat qu’ils ont conclu,
tout en maintenant en vigueur l’intégralité des autres clauses de ce contrat, et d’assurer en même temps l’effet dissuasif associé à la suppression de cette clause abusive. En effet, à la suite de la mise en œuvre de ladite solution, ce ne seraient plus ces consommateurs, mais l’établissement de crédit concerné qui supporterait les conséquences financières provoquées par ladite clause abusive, alors que lesdits consommateurs continueraient à bénéficier du taux d’intérêt favorable lié à la devise
étrangère stipulée dans ledit contrat, et ce sans qu’il soit besoin d’aucune modification de la même clause.

51      Or, le dossier dont dispose la Cour ne contient pas d’éléments de nature à faire douter qu’un tel résultat soit, en principe, à même d’assurer que soient restituées aux mêmes consommateurs les sommes indument acquises par cet établissement de crédit sur le fondement de la même clause abusive, conformément à cette disposition.

52      Cela étant, l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 dispose, à son second membre de phrase, que, une fois écartées ses clauses abusives, le contrat concerné « restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans [c]es clauses ».

53      À cet égard, il est vrai que l’article 6, paragraphe 1, second membre de phrase, de la directive 93/13 n’énonce pas lui-même les critères régissant la possibilité pour un contrat de « subsister sans les clauses abusives », au sens de cette disposition, mais laisse à l’ordre juridique national le soin de les établir dans le respect du droit de l’Union. Ainsi, c’est en principe au regard des critères prévus par le droit national que, dans une situation concrète, la possibilité du maintien d’un
contrat dont certaines clauses ont été invalidées doit être examinée (arrêt du 3 octobre 2019, Dziubak, C‑260/18, EU:C:2019:819, point 40).

54      De plus, l’objectif de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 consiste à rétablir l’équilibre entre les parties, tout en maintenant, en principe, la validité de l’ensemble d’un contrat, et non pas à annuler tous les contrats contenant des clauses abusives (arrêt du 14 mars 2019, Dunai, C‑118/17, EU:C:2019:207, point 40 et jurisprudence citée).

55      Il n’en demeure pas moins que la marge d’appréciation dont jouissent les États membres en ce qui concerne l’établissement des critères régissant la possibilité pour un contrat de subsister sans ses clauses abusives connaît des limites.

56      Ainsi, d’une part, il découle du libellé de l’article 6, paragraphe 1, second membre de phrase, de la directive 93/13 que le contrat concerné doit subsister, en principe, sans aucune autre modification que celle résultant de la suppression de ses clauses abusives, dans la mesure où, conformément aux règles du droit national, une telle persistance du contrat est juridiquement possible, les juges nationaux étant dès lors tenus uniquement d’écarter l’application d’une clause contractuelle
abusive afin qu’elle ne produise pas d’effets contraignants à l’égard du consommateur concerné, sans être habilités à réviser le contenu de celle‑ci (voir, en ce sens, arrêt du 14 juin 2012, Banco Español de Crédito, C‑618/10, EU:C:2012:349, point 65).

57      Dans ce contexte, la Cour a jugé que, s’il était loisible au juge national de réviser le contenu des clauses abusives figurant dans un tel contrat, une telle faculté serait susceptible de porter atteinte à la réalisation de l’objectif à long terme visé à l’article 7 de la directive 93/13. En effet, cette faculté contribuerait à éliminer l’effet dissuasif exercé sur les professionnels par la pure et simple non-application à l’égard du consommateur de telles clauses abusives, dans la mesure où
ceux-ci demeureraient tentés d’utiliser ces clauses, en sachant que, même si celles-ci devaient être invalidées, le contrat concerné pourrait néanmoins être complété, dans la mesure nécessaire, par le juge national de sorte à garantir ainsi l’intérêt de ces professionnels (arrêt du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria et Bankia, C‑70/17 et C‑179/17, EU:C:2019:250, point 54 ainsi que jurisprudence citée).

58      D’autre part, pourvu qu’il soit satisfait à la condition visée au point 56 du présent arrêt, la possibilité que le contrat en cause puisse, conformément aux règles du droit national, être maintenu sans ses clauses abusives doit être vérifiée selon une approche objective (arrêt du 23 novembre 2023, Provident Polska, C‑321/22, EU:C:2023:911, point 81 et jurisprudence citée). Ainsi, la situation de l’une des parties à ce contrat ne saurait être considérée comme étant le critère déterminant
réglant le sort futur dudit contrat (arrêt du 15 mars 2012, Pereničová et Perenič, C‑453/10, EU:C:2012:144, point 32).

59      Se pose ainsi la question de savoir si la solution visée aux points 49 et 50 du présent arrêt est conforme à l’article 6, paragraphe 1, second membre de phrase, de cette directive, tel qu’interprété dans la jurisprudence rappelée aux points 53 à 58 de cet arrêt.

60      La juridiction de renvoi tend à considérer qu’il en est ainsi dans la mesure où, en l’occurrence, la clause abusive relative au risque de change est, selon elle, tout simplement écartée du contrat de crédit-bail en cause au principal, si bien que cette clause n’implique plus aucune obligation pour les deux consommateurs. Ce contrat pourrait ainsi « subsister sans les clauses abusives », au sens de l’article 6, paragraphe 1, second membre de phrase, de la directive 93/13, par l’effet du
mécanisme de conversion prévu dans les lois DH1 et DH2 et dès lors « rester contraignant pour les parties selon les mêmes termes », au sens de cette disposition.

61      Cependant, un tel aménagement du droit national ne saurait, en lui‑même, suffire pour pouvoir considérer qu’un contrat peut « subsister sans les clauses abusives », au sens de l’article 6, paragraphe 1, second membre de phrase, de la directive 93/13.

62      À cette fin, il convient, en effet, d’établir qu’une telle subsistance du contrat concerné est juridiquement possible et qu’elle n’implique pas d’autre modification que celle résultant de la suppression de ces clauses, comme cela résulte de la jurisprudence mentionnée aux points 56 et 58 du présent arrêt, faute de quoi le maintien de ce contrat serait contraire à cette disposition.

63      Or, lorsque, comme en l’occurrence, la juridiction de renvoi a déjà constaté qu’une clause relative au risque de change définit l’objet principal du contrat en cause au principal et que la suppression de celle‑ci entraînerait l’invalidité de ce contrat, le maintien du contrat ne paraît pas juridiquement possible, ce qu’il appartient toutefois à cette juridiction d’apprécier (voir, en ce sens, arrêts du 5 juin 2019, GT, C‑38/17, EU:C:2019:461, point 43, et du 14 mars 2019, Dunai, C‑118/17,
EU:C:2019:207, point 52).

64      En outre, la Cour a jugé que le juge national ne saurait remédier à l’invalidité d’un contrat, résultant du caractère abusif d’une clause y figurant, en déclarant ce contrat valide ainsi qu’en modifiant simultanément la devise de ce dernier. Une telle intervention par le juge reviendrait, en définitive, à réviser le contenu de cette clause (arrêt du 27 avril 2023, AxFina Hungary, C‑705/21, EU:C:2023:352, point 41).

65      Or, contrairement à ce que suggère la juridiction de renvoi, cette appréciation n’est pas remise en cause par les précisions supplémentaires, telles que synthétisées aux points 49 et 50 du présent arrêt, qu’elle a fournies en ce qui concerne une « déclaration de validité », telle qu’elle entend la mettre en œuvre et à laquelle elle indique pouvoir, le cas échéant, substituer une « déclaration selon laquelle le contrat produit effet jusqu’à la date à laquelle est rendue la décision
[d’invalidité] ».

66      En effet, étant donné qu’une telle solution a en définitive pour conséquence, selon ces précisions supplémentaires, que le risque de change et ses conséquences financières, qui pesaient initialement sur les consommateurs concernés en application de la clause relative au risque de change, sont désormais supportés par l’établissement de crédit, force est de constater que celles-ci impliquent nécessairement une modification de cette clause.

67      Il s’ensuit qu’il ne saurait être considéré que le contrat en question puisse « subsister sans les clauses abusives », au sens de l’article 6, paragraphe 1, second membre de phrase, de la directive 93/13.

68      Certes, la Cour a jugé que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 ne s’oppose pas, dans une telle situation, à ce que le juge national, en application de principes du droit des contrats, supprime la clause abusive figurant dans un contrat en lui substituant une disposition du droit national à caractère supplétif, ou applicable en cas d’accord des parties à ce contrat, dans des situations dans lesquelles l’invalidation de cette clause abusive obligerait le juge à annuler ledit
contrat dans son ensemble, exposant par là-même le consommateur à des conséquences particulièrement préjudiciables, de sorte que ce dernier en serait pénalisé (voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria et Bankia, C‑70/17 et C‑179/17, EU:C:2019:250, points 56, 59 et 64 ainsi que jurisprudence citée).

69      À cet égard, il convient de souligner que, aux fins de l’appréciation des conséquences sur la situation du consommateur provoquées par l’invalidation d’un contrat dans son ensemble, telles que visées dans cette jurisprudence, la volonté que ce consommateur a exprimée à cet égard est déterminante [arrêt du 8 septembre 2022, D.B.P. e.a. (Crédit hypothécaire libellé en devises étrangères), C‑80/21 à C‑82/21, EU:C:2022:646, point 74 ainsi que jurisprudence citée].

70      Or, en l’occurrence, et indépendamment même de l’existence ou non d’une disposition du droit hongrois à caractère supplétif ou applicable en cas d’accord des parties au contrat concerné, au sens de ladite jurisprudence, les deux consommateurs ont clairement exprimé, tant devant la juridiction de renvoi que dans leurs observations écrites déposées devant la Cour, leur souhait que le contrat de crédit-bail en cause au principal soit annulé dans son ensemble. Dans ces circonstances, la
condition selon laquelle l’annulation du contrat dans son ensemble exposerait les consommateurs concernés à des conséquences particulièrement préjudiciables, requise pour que le juge national soit autorisé à substituer à la clause abusive annulée une disposition de son droit interne à caractère supplétif ou applicable en cas d’accord des parties à ce contrat, n’apparaît pas satisfaite en l’occurrence [voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2022, D.B.P. e.a. (Crédit hypothécaire libellé en devises
étrangères), C‑80/21 à C‑82/21, EU:C:2022:646, point 78].

71      Deuxièmement, la Cour a jugé que l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 ne fait pas obstacle à ce que les États membres fassent cesser par une législation l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec des consommateurs par un professionnel, tout en sauvegardant ainsi la validité de ces contrats, sous réserve que le législateur national respecte, dans ce contexte, les exigences qui découlent de l’article 6, paragraphe 1, de cette directive (voir, en ce sens,
arrêts du 14 mars 2019, Dunai, C‑118/17, EU:C:2019:207, points 40 et 42, ainsi que du 29 avril 2021, Bank BPH, C‑19/20, EU:C:2021:341, point 77 et jurisprudence citée).

72      Cependant, il ne paraît pas résulter du dossier dont dispose la Cour qu’il existerait, en l’occurrence, une telle législation en ce qui concerne la clause relative au risque de change, la juridiction de renvoi faisant référence uniquement, dans ce cadre, à des législations nationales portant sur des clauses relatives à l’écart de change et visant à « dispenser les consommateurs de supporter, pour un grand nombre de contrats valides, le risque de change pour l’avenir ».

73      À cet égard, la Cour a jugé que l’existence d’une législation visant à remédier aux problèmes liés aux clauses relatives à l’écart de change est sans préjudice du contrôle qu’il y a lieu d’effectuer, au regard de la directive 93/13, sur d’autres clauses des contrats concernés, telles que celles relatives au risque de change (voir, en ce sens, arrêts du 14 mars 2019, Dunai, C‑118/17, EU:C:2019:207, point 46, ainsi que du 2 septembre 2021, OTP Jelzálogbank e.a., C‑932/19, EU:C:2021:673,
point 45).

 Sur les conséquences à tirer de l’impossibilité pour un contrat de subsister sans les clauses abusives

74      S’agissant des conséquences qu’il convient de tirer de la constatation selon laquelle un contrat comportant une clause abusive ne peut subsister sans cette clause, au sens de l’article 6, paragraphe 1, second membre de phrase, de la directive 93/13, il y a lieu de rappeler qu’il est vrai que la directive 93/13 ne régit pas expressément les conséquences qu’emporte l’invalidité d’un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur après la suppression des clauses abusives qu’il
comporte. Partant, il appartient aux États membres de déterminer les conséquences qu’emporte une telle constatation, étant entendu que les règles qu’ils établissent à cet égard doivent être compatibles avec le droit de l’Union et, en particulier, avec les objectifs poursuivis par cette directive [arrêt du 15 juin 2023, Bank M. (Conséquences de l’annulation du contrat), C‑520/21, EU:C:2023:478, point 64].

75      Cependant, dans ce contexte, la Cour a également rappelé l’effet dissuasif devant être exercé par la pure et simple non-application à l’égard d’un consommateur des clauses abusives, cette non-application devant emporter le droit de ce consommateur à se voir restituer les avantages indûment acquis par le professionnel concerné sur le fondement de telles clauses. Elle a ainsi jugé que, dans la mesure où l’absence d’un tel effet restitutoire serait susceptible de méconnaître cet effet
dissuasif, il y a lieu de reconnaître un effet restitutoire similaire lorsque le caractère abusif de clauses d’un contrat conclu entre un consommateur et un professionnel entraîne non seulement la nullité de ces clauses, mais également l’invalidité de ce contrat dans son intégralité [arrêt du 15 juin 2023, Bank M. (Conséquences de l’annulation du contrat), C‑520/21, EU:C:2023:478, points 65 et 66].

76      Il s’ensuit que la compatibilité avec le droit de l’Union de règles nationales régissant les conséquences pratiques de la nullité d’un contrat de prêt hypothécaire en raison de la présence de clauses abusives dépend de la question de savoir si ces règles, d’une part, permettent de rétablir en droit et en fait la situation qui aurait été celle du consommateur concerné en l’absence de ce contrat et, d’autre part, ne compromettent pas l’effet dissuasif recherché par la directive 93/13 [arrêt du
15 juin 2023, Bank M. (Conséquences de l’annulation du contrat), C‑520/21, EU:C:2023:478, point 68].

77      Aux fins de la mise en œuvre d’un tel rétablissement en droit et en fait s’agissant d’un contrat de crédit-bail tel que celui en cause au principal, d’une part, les consommateurs doivent avoir droit, à tout le moins, au remboursement des mensualités versées et des frais payés au titre de l’exécution de ce contrat ainsi qu’au paiement des intérêts de retard au taux légal à compter de la mise en demeure [voir, en ce sens, à l’égard d’un contrat de prêt hypothécaire, arrêt du 15 juin 2023, Bank
M. (Conséquences de l’annulation du contrat), C‑520/21, EU:C:2023:478, point 74].

78      Ainsi, il ne saurait suffire, en l’occurrence, de restituer aux deux consommateurs les seules sommes obtenues par l’établissement de crédit concerné sur le fondement de la clause relative au risque de change, comme le suggère la juridiction de renvoi, ces consommateurs devant, au contraire, bénéficier du remboursement de l’intégralité des mensualités et frais payés au titre du contrat de crédit-bail en cause au principal.

79      En ce qui concerne, d’autre part, le professionnel concerné, à savoir, en l’occurrence, un établissement de crédit, celui-ci ne saurait se voir octroyer le droit de demander aux consommateurs une compensation allant au-delà de la restitution du bien mis à leur disposition au titre de l’exécution du contrat de crédit-bail ou du remboursement de la valeur y correspondant ainsi que, le cas échéant, le paiement d’intérêts de retard. En effet, le fait d’octroyer à cet établissement de crédit un
tel droit et, partant, le droit de recevoir une rémunération pour l’utilisation de ce bien par ces consommateurs contribuerait à éliminer l’effet dissuasif exercé sur les professionnels par l’annulation de ce contrat [voir, en ce sens, à l’égard d’un contrat de prêt hypothécaire, arrêt du 15 juin 2023, Bank M. (Conséquences de l’annulation du contrat), C‑520/21, EU:C:2023:478, points 76 et 78].

80      Cette interprétation n’est pas remise en cause par la nécessité, mentionnée par la juridiction de renvoi, de garantir que la « sanction infligée [soit] [...] proportionnée ». En effet, d’une part, la Cour a jugé que l’invalidation du contrat dont le caractère abusif de l’une des clauses a été constaté ne constitue pas une sanction prévue par la directive 93/13 (ordonnance du 30 mai 2024, Deutsche Bank Polska, C‑325/23, EU:C:2024:453, point 74 et jurisprudence citée).

81      D’autre part, si l’objectif du rétablissement en droit et en fait de la situation qui aurait été celle du consommateur concerné en l’absence de la clause abusive figurant dans le contrat que ce dernier a conclu doit être poursuivi dans le respect du principe de proportionnalité, ce principe n’est susceptible de s’opposer à ce qu’il soit conclu à l’invalidation de ce contrat dans son ensemble que si la détermination, selon une approche objective, des conséquences qu’il y a lieu de tirer,
conformément au droit national, du constat du caractère abusif d’une clause en ce qui concerne la persistance ou non du contrat dans lequel elle s’insère laisse une certaine marge d’appréciation ou d’interprétation au juge national (voir, en ce sens, arrêt du 23 novembre 2023, Provident Polska, C‑321/22, EU:C:2023:911, points 85 et 86).

82      Or, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, l’existence d’une telle marge est à exclure, ainsi que cela découle du point 67 du présent arrêt.

83      Pour autant que la juridiction de renvoi considère se trouver dans l’impossibilité, au regard de son droit interne, de mettre en œuvre le rétablissement en droit et en fait de la situation qui aurait été celle des consommateurs concernés en l’absence du contrat conclu, sauf à procéder à une interprétation contra legem de ce droit, il y a lieu de rappeler que, lorsque la jurisprudence de la Cour a apporté une réponse claire à une question portant sur l’interprétation du droit de l’Union, le
juge national doit faire tout le nécessaire pour que cette interprétation soit mise en œuvre (arrêt du 10 mars 2022, Grossmania, C‑177/20, EU:C:2022:175, point 42).

84      Or, s’agissant, en l’occurrence, de dispositions d’une directive, il est vrai que celles-ci ne peuvent pas, par elles-mêmes, créer d’obligations à l’égard d’un particulier, et ne peuvent donc être invoquées en tant que telles à l’encontre de celui-ci devant une juridiction nationale (arrêt du 18 janvier 2022, Thelen Technopark Berlin, C‑261/20, EU:C:2022:33, point 32 et jurisprudence citée).

85      Cela étant, le principe d’interprétation conforme du droit national est inhérent au système des traités, en ce qu’il permet aux juridictions nationales d’assurer, dans le cadre de leurs compétences, la pleine efficacité du droit de l’Union lorsqu’elles tranchent le litige dont elles sont saisies [arrêt du 9 avril 2024, Profi Credit Polska (Réouverture de la procédure terminée par une décision définitive), C‑582/21, EU:C:2024:282, point 61].

86      À cet égard, la Cour a itérativement jugé qu’une juridiction nationale, saisie d’un litige opposant exclusivement des particuliers, est tenue, lorsqu’elle applique les dispositions de son droit interne adoptées afin de transposer les obligations prévues par une directive, de prendre en considération l’ensemble des règles du droit national et de les interpréter, dans toute la mesure possible, à la lumière du texte ainsi que de la finalité de cette directive pour aboutir à une solution
conforme à l’objectif poursuivi par celle-ci (arrêt du 18 janvier 2022, Thelen Technopark Berlin, C‑261/20, EU:C:2022:33, point 27 et jurisprudence citée).

87      Certes, le principe d’interprétation conforme du droit national connaît certaines limites. Ainsi, l’obligation pour le juge national de se référer au contenu d’une directive lorsqu’il interprète et applique les règles pertinentes de son droit interne est limitée par les principes généraux du droit et elle ne peut pas servir de fondement à une interprétation contra legem du droit national (arrêt du 30 avril 2014, Kásler et Káslerné Rábai, C‑26/13, EU:C:2014:282, point 65 ainsi que
jurisprudence citée).

88      Toutefois, la Cour a également jugé que l’obligation d’interprétation conforme impose aux juridictions nationales de modifier, le cas échéant, une jurisprudence établie si celle-ci repose sur une interprétation de leur droit interne incompatible avec les objectifs d’une directive et de laisser inappliquée, de leur propre autorité, toute interprétation retenue par une juridiction supérieure qui s’imposerait à elle, en vertu de ce droit, si cette interprétation n’est pas compatible avec cette
directive (voir, en ce sens, arrêt du 24 juin 2019, Popławski, C‑573/17, EU:C:2019:530, point 78 et jurisprudence citée).

89      Partant, une juridiction nationale ne saurait valablement considérer qu’elle se trouve dans l’impossibilité d’interpréter une disposition nationale en conformité avec le droit de l’Union en raison du seul fait que cette disposition a, de manière constante, été interprétée dans un sens qui n’est pas compatible avec ce droit (arrêt du 24 juin 2019, Popławski, C‑573/17, EU:C:2019:530, point 79 et jurisprudence citée).

90      Toutefois, dans l’hypothèse où une telle impossibilité serait établie, les deux consommateurs devront, en tant que parties lésées par la non‑conformité du droit national au droit de l’Union, pouvoir se prévaloir de la jurisprudence issue de l’arrêt du 19 novembre 1991, Francovich e.a. (C6/90 et C9/90, EU:C:1991:428), pour obtenir, le cas échéant, réparation du dommage subi (voir, en ce sens, arrêt du 18 janvier 2022, Thelen Technopark Berlin, C‑261/20, EU:C:2022:33, point 41 et jurisprudence
citée).

91      Eu égard à tout ce qui précède, il convient de répondre aux première et troisième questions que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, de celle-ci, doit être interprété en ce sens qu’il ne permet pas de considérer qu’un contrat de crédit-bail libellé en devise étrangère, devenu invalide après qu’en a été écartée, comme étant abusive, une clause mettant à la charge du consommateur concerné le risque de change associé à cette devise
étrangère, peut « subsister sans les clauses abusives », au sens de la première de ces dispositions, lorsque ce contrat relève d’une législation nationale imposant comme conséquence juridique de l’invalidité d’un tel contrat celle consistant à libérer complètement ce consommateur des effets préjudiciables de la seule clause abusive tout en préservant la validité et le caractère contraignant des autres éléments de ce contrat. Dans une telle hypothèse, ledit contrat ne pouvant pas subsister sans
ladite clause, lesdites dispositions imposent de rétablir en droit et en fait la situation qui aurait été celle dudit consommateur en l’absence du même contrat.

 Sur la deuxième question

92      Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi souhaite savoir, en substance, si la directive 93/13 permet à une juridiction nationale d’écarter une législation nationale qui prévoit, en ce qui concerne les contrats de crédit-bail libellés en devise étrangère relevant du champ d’application de cette directive, que le montant du crédit concerné est converti en monnaie nationale à partir d’une date fixée par cette législation, dans l’objectif de libérer, pour l’avenir, les consommateurs
ayant conclu de tels contrats des conséquences financières liées à la clause relative au risque de change figurant dans ces contrats, que ces derniers soient valides ou non, lorsqu’une telle législation revient à faire supporter à ces consommateurs un risque de change d’un certain niveau.

93      À cet égard, il suffit de relever que, eu égard à la réponse apportée aux première et troisième questions, il n’y a pas lieu de répondre à la deuxième question.

 Sur les dépens

94      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) dit pour droit :

L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, de celle-ci,

doit être interprété en ce sens que :

il ne permet pas de considérer qu’un contrat de crédit-bail libellé en devise étrangère, devenu invalide après qu’en a été écartée, comme étant abusive, une clause mettant à la charge du consommateur concerné le risque de change associé à cette devise, peut « subsister sans les clauses abusives », au sens de la première de ces dispositions, lorsque ce contrat relève d’une législation nationale imposant comme conséquence juridique de l’invalidité d’un tel contrat celle consistant à libérer
complètement ce consommateur des effets préjudiciables de la seule clause abusive tout en préservant la validité et le caractère contraignant des autres éléments de ce contrat. Dans une telle hypothèse, ledit contrat ne pouvant pas subsister sans ladite clause, lesdites dispositions imposent de rétablir en droit et en fait la situation qui aurait été celle dudit consommateur en l’absence du même contrat.

Signatures

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*      Langue de procédure : le hongrois.


Synthèse
Formation : Dixième chambre
Numéro d'arrêt : C-630/23
Date de la décision : 30/04/2025
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par Kúria.

Renvoi préjudiciel – Protection des consommateurs – Directive 93/13/CEE – Clauses abusives contenues dans des contrats conclus avec des consommateurs – Contrat de crédit-bail libellé en devise étrangère – Articles 6 et 7 – Clause abusive mettant le risque de change à la charge du consommateur – Effets de la constatation du caractère abusif d’une telle clause – Invalidité du contrat – Effets de l’annulation du contrat dans son intégralité.

Rapprochement des législations


Parties
Demandeurs : ZH et KN
Défendeurs : AxFina Hungary Zrt.

Composition du Tribunal
Avocat général : Spielmann
Rapporteur ?: Smulders

Origine de la décision
Date de l'import : 02/05/2025
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2025:302

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