ARRÊT DE LA COUR (neuvième chambre)
30 avril 2025
« Renvoi préjudiciel – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Article 273 – Mesures visant à assurer l’exacte perception de la TVA – Dette de TVA d’un assujetti – Réglementation nationale prévoyant la responsabilité solidaire de l’ancien président du conseil d’administration de l’assujetti – Exonération de la responsabilité solidaire – Absence de faute – Demande de mise en faillite – Existence d’un seul créancier – Proportionnalité – Égalité de traitement –
Droit de propriété – Sécurité juridique »
(*)‑278/24 [Genzyński] (i),
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Wojewódzki Sąd Administracyjny we Wrocławiu (tribunal administratif de voïvodie de Wrocław, Pologne), par décision du 31 janvier 2024, parvenue à la Cour le 22 avril 2024, dans la procédure
P. K.
contre
Dyrektor Izby Administracji Skarbowej we Wrocławiu,
LA COUR (neuvième chambre),
composée de M. N. Jääskinen, président de chambre, M. A. Arabadjiev et M^me R. Frendo (rapporteure), juges,
avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
– pour le Dyrektor Izby Administracji Skarbowej we Wrocławiu, par M. E. Chojnacki et M^me B. Rogowska-Rajda,
– pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,
– pour la Commission européenne, par M. M. Herold et M^me B. Sasinowska, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 193, 205 et 273 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1), telle que modifiée par la directive (UE) 2018/1695 du Conseil, du 6 novembre 2018 (JO 2018, L 282, p. 5, et rectificatif JO 2018, L 329, p. 53) (ci-après la « directive TVA »), lus en combinaison avec l’article 2 TUE, l’article 325 TFUE, les articles 17, 20,
21, 41 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») ainsi qu’avec les principes de proportionnalité, de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime.
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant P. K. au Dyrektor Izby Administracji Skarbowej we Wrocławiu (directeur de la chambre de l’administration fiscale de Wrocław, Pologne) au sujet de l’engagement de la responsabilité solidaire de P. K. pour la dette de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) d’une société dont celui-ci avait présidé le conseil d’administration.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 L’article 193 de la directive TVA prévoit :
« La TVA est due par l’assujetti effectuant une livraison de biens ou une prestation de services imposable, sauf dans les cas où la taxe est due par une autre personne en application des articles 194 à 199 ter et de l’article 202. »
4 L’article 205 de cette directive énonce :
« Dans les situations visées aux articles 193 à 200 et aux articles 202, 203 et 204, les États membres peuvent prévoir qu’une personne autre que le redevable est solidairement tenue d’acquitter la TVA. »
5 L’article 273, premier alinéa, de ladite directive est libellé comme suit :
« Les États membres peuvent prévoir d’autres obligations qu’ils jugeraient nécessaires pour assurer l’exacte perception de la TVA et pour éviter la fraude, sous réserve du respect de l’égalité de traitement des opérations intérieures et des opérations effectuées entre États membres par des assujettis, et à condition que ces obligations ne donnent pas lieu dans les échanges entre les États membres à des formalités liées au passage d’une frontière. »
Le droit polonais
Le code des impôts
6 L’ustawa – Ordynacja podatkowa (loi portant réglementation fiscale), du 29 août 1997, dans sa version applicable aux faits du litige au principal (Dz. U. de 2023, position 2383) (ci-après le « code des impôts »), dispose, à son article 107 :
« 1. Dans les cas et dans la mesure prévus par le présent chapitre, des tiers sont également solidairement responsables avec l’assujetti, sur l’ensemble de leur patrimoine, des arriérés d’impôts de ce dernier.
[...]
2. Sauf dispositions contraires, les tiers sont également responsables :
[...]
2) des intérêts de retard sur les arriérés d’impôts ;
[...] »
7 L’article 108 du code des impôts prévoit, à son paragraphe 1 :
« L’administration fiscale statue par voie de décision sur la responsabilité fiscale d’un tiers. »
8 Aux termes de l’article 116 de ce code :
« 1. Les membres du conseil d’administration d’une société à responsabilité limitée, d’une société à responsabilité limitée en formation, d’une société par actions simplifiée, d’une société par actions simplifiée en formation, d’une société anonyme ou d’une société anonyme en formation sont solidairement responsables sur l’ensemble de leur patrimoine pour les arriérés d’impôts desdites sociétés, si l’exécution forcée sur le patrimoine de la société s’est révélée totalement ou partiellement
infructueuse et si le membre du conseil d’administration :
1) n’a pas démontré que :
a) une demande de mise en faillite a été introduite en temps utile ou qu’une décision d’ouverture d’une procédure de restructuration [...] ou d’approbation du concordat dans le cadre d’un plan de concordat [...] a été rendue en même temps, ou ;
b) l’absence de demande de mise en faillite n’est pas due à une faute de sa part ;
2) n’a pas identifié les biens de la société dont l’exécution permettrait de couvrir en grande partie les arriérés d’impôts de la société.
[...]
2. La responsabilité des membres du conseil d’administration s’étend aux arriérés d’impôts pour les dettes échues pendant l’exercice de leurs fonctions et aux arriérés [...] nés pendant l’exercice desdites fonctions.
[...]
4. Les dispositions des paragraphes 1 à 3 s’appliquent également à l’ancien membre du conseil d’administration et à l’ancien représentant ou associé de la société en formation.
[...] »
La loi sur la faillite
9 L’ustawa – Prawo upadłościowe (loi sur le droit de la faillite), du 28 février 2003, dans sa version applicable aux faits au principal (Dz. U. de 2024, position 794) (ci-après la « loi sur la faillite »), prévoit, à son article 1^er :
« 1. La loi régit :
1) les principes d’exécution collective des créances d’entreprises débitrices insolvables.
[...] »
10 L’article 11 de cette loi dispose :
« 1. Le débiteur est insolvable lorsqu’il a perdu la capacité à faire face à ses engagements financiers.
1 bis. Le débiteur est présumé avoir perdu la capacité à faire face à ses engagements financiers lorsque le retard dans l’exécution des engagements financiers dépasse trois mois.
[...] »
11 L’article 20 de ladite loi énonce :
« 1. Une demande de mise en faillite peut être déposée par le débiteur ou par un de ses créanciers.
[...] »
12 Aux termes de l’article 21 de la même loi :
« 1. Le débiteur est tenu, au plus tard dans les trente jours à compter de la date à laquelle les motifs de la mise en faillite se sont produits, de déposer une demande de mise en faillite auprès du tribunal.
[...] »
Le litige au principal et les questions préjudicielles
13 P. K. a été président du conseil d’administration de la société E. sp. z o.o. du mois de janvier 2014 au mois de septembre 2017.
14 Cette société n’ayant pas acquitté les montants dus au titre de la TVA pour la période allant du mois de mai au mois d’août 2017, ces montants sont devenus des arriérés d’impôts.
15 Le Naczelnik Dolnośląskiego Urzędu Skarbowego we Wrocławiu (chef du bureau de l’administration fiscale de Basse-Silésie à Wrocław, Pologne) (ci-après le « NDUS ») a émis des titres exécutoires à l’égard de la société E. et pris certaines mesures d’exécution. Ayant constaté que les actifs de cette société ne permettaient pas d’apurer l’intégralité des arriérés d’impôts, le NDUS a abandonné cette procédure d’exécution.
16 Sur le fondement de l’article 107, paragraphe 1, et paragraphe 2, point 2, ainsi que de l’article 108, paragraphe 1, du code des impôts, lus conjointement avec l’article 116 de celui-ci, le NDUS a ouvert une procédure visant à établir la responsabilité solidaire de P. K. pour les arriérés d’impôts de la société E.
17 Par décision du 15 juin 2022, le NDUS a reconnu P. K. solidairement responsable de ces arriérés.
18 P. K. ayant contesté la décision mentionnée au point précédent devant le directeur de la chambre de l’administration fiscale de Wrocław, celui-ci en a confirmé le bien-fondé, par décision du 18 octobre 2022.
19 P. K. a demandé l’annulation de cette décision au Wojewódzki Sąd Administracyjny we Wrocławiu (tribunal administratif de voïvodie de Wrocław, Pologne), qui est la juridiction de renvoi.
20 À cette fin, P. K. a invoqué la violation de l’article 11, de l’article 20, paragraphe 1, et de l’article 21, paragraphe 1, de la loi sur la faillite ainsi que de l’article 116, paragraphe 1, point 1, du code des impôts.
21 P. K. a notamment fait valoir, d’une part, que, pendant la période au cours de laquelle il exerçait ses fonctions de président du conseil d’administration de la société E., il n’existait aucune raison juridique ou factuelle d’introduire une demande de mise en faillite de cette société, requise pour que l’article 116, paragraphe 1, point 1, du code des impôts puisse s’appliquer. Le dépôt d’une telle demande aurait donc été prématuré et injustifié. L’administration fiscale polonaise aurait
engagé sa responsabilité pour les dettes fiscales de la société E. en se fondant seulement sur une présomption générale selon laquelle, puisque l’obligation fiscale de cette société était née pendant la période susvisée, il était, par principe, responsable de cette dette. Or, le fait qu’une dette naisse à un moment donné n’impliquerait pas, en soi, que l’insolvabilité du débiteur soit survenue au même moment.
22 D’autre part, P. K. a soutenu que, selon les dispositions pertinentes de la loi sur la faillite, telles qu’interprétées par la jurisprudence et la doctrine nationales, une procédure d’insolvabilité peut être engagée seulement si le débiteur concerné n’exécute pas ses obligations envers deux créanciers au moins. Une demande tendant à ouvrir cette procédure lorsqu’il existe un seul créancier, bien qu’elle soit formellement possible, ne produirait pas d’effet juridique.
23 La juridiction de renvoi expose que, dans l’ordre juridique polonais, la question de la responsabilité solidaire d’un tiers, tel qu’un membre ou ancien membre du conseil d’administration d’une société, est régie par les dispositions de l’article 116 du code des impôts.
24 Cette juridiction fait observer qu’un membre ou un ancien membre du conseil d’administration d’une société est solidairement responsable des dettes fiscales de celle-ci dès lors que, d’une part, l’administration fiscale démontre que certaines conditions positives sont réunies et, d’autre part, ce membre ou ancien membre ne démontre pas qu’il peut être exonéré de cette responsabilité.
25 En particulier, selon ladite juridiction, les conditions positives pour l’engagement de la responsabilité solidaire d’un membre ou d’un ancien membre du conseil d’administration d’une société (ci-après les « conditions positives ») sont les suivantes :
– la société concernée a une dette fiscale résultant notamment d’une décision d’imposition ayant le caractère de précédent aux fins de cette responsabilité ;
– cette dette est née au cours de la période pendant laquelle ce membre ou ancien membre exerçait une fonction de gestion au sein de cette société ;
– l’exécution forcée à l’encontre de ladite société a été infructueuse.
26 D’après la juridiction de renvoi, l’exonération de la responsabilité solidaire d’un membre ou d’un ancien membre du conseil d’administration d’une société est exclusivement acquise lorsque les conditions suivantes sont remplies :
– ce membre ou cet ancien membre démontre qu’il a introduit en temps utile une demande de mise en faillite ou qu’une décision d’ouverture d’une procédure de restructuration ou d’approbation de concordat dans le cadre d’un plan de concordat a été rendue en même temps, ou
– ledit membre ou ancien membre démontre que l’absence de dépôt d’une demande de mise en faillite n’est pas due à une faute de sa part, ou
– le même membre ou ancien membre identifie les biens de la société sur lesquels l’exécution forcée permettra de couvrir, en grande partie, les arriérés d’impôts de cette société.
27 À cet égard, cette juridiction précise que l’expression « en temps utile », figurant à l’article 116, paragraphe 1, point 1, sous a), du code des impôts, désigne le moment où, en faisant preuve d’une diligence raisonnable, le gérant de la société pouvait avoir connaissance du fait que cette société était devenue insolvable, avait durablement cessé de payer ses dettes et que les actifs de celle-ci ne suffisaient pas à les apurer.
28 Ladite juridiction ajoute, en substance, que, en ce qui concerne l’absence de dépôt d’une demande de mise en faillite, la faute peut être intentionnelle ou non intentionnelle. Elle précise qu’il n’y a pas de faute si le membre ou l’ancien membre du conseil d’administration de la société, tout en faisant preuve de toute la diligence requise dans la conduite de ses affaires, n’a pas procédé à ce dépôt pour des raisons indépendantes de sa volonté.
29 La juridiction de renvoi estime que, au vu de ses caractéristiques, le régime polonais de responsabilité solidaire d’un membre ou d’un ancien membre du conseil d’administration d’une société ayant une dette fiscale pourrait être incompatible avec le droit de l’Union.
30 À titre liminaire, cette juridiction observe que, selon les enseignements découlant notamment de l’arrêt du 13 octobre 2022, Direktor na Direktsia « Obzhalvane i danachno-osiguritelna praktika » (C‑1/21, EU:C:2022:788), un mécanisme de responsabilité solidaire d’un tiers pour les obligations fiscales d’une société contribue, certes, à assurer l’exacte perception de la TVA, au sens de l’article 273 de la directive TVA, lu à la lumière de l’article 325, paragraphe 1, TFUE. Toutefois, la marge
d’appréciation que cet article 273 confère aux États membres quant aux moyens pour atteindre les objectifs poursuivis par ledit article devrait être exercée dans le respect du droit de l’Union, notamment de ses principes généraux, dont le principe de proportionnalité.
31 À cet égard, selon ladite juridiction, il ressort de cet arrêt que l’article 273 de la directive TVA et le principe de proportionnalité doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale prévoyant, lorsque certaines circonstances sont réunies, un mécanisme de responsabilité solidaire pour les dettes de TVA d’une personne morale. Néanmoins, il découlerait dudit arrêt que des mesures nationales en vertu desquelles une personne autre que l’assujetti
devient responsable du paiement de la TVA, sans possibilité de prouver son absence de lien avec les agissements de celui-ci, ne sauraient être admises.
32 En l’occurrence, la juridiction de renvoi considère, en premier lieu, que le mécanisme prévu à l’article 116 du code des impôts n’exige pas de procéder à une appréciation du comportement du membre ou de l’ancien membre du conseil d’administration d’une société dont la responsabilité solidaire est recherchée, en vue de déterminer si ce comportement est caractérisé par la mauvaise foi ou par un manque de diligence dans le cadre de sa gestion des affaires de cette société. L’existence d’une
faute n’apparaîtrait que dans l’une des conditions d’exonération d’une telle responsabilité, à savoir dans le cas où aucune demande de mise en faillite n’aurait été déposée en temps utile.
33 Dès lors, selon cette juridiction, quand bien même ce membre ou ancien membre démontrerait avoir agi avec la diligence requise, il ne serait pas exonéré de sa responsabilité, à défaut de prouver qu’il remplit les conditions d’exonération.
34 Dans ce contexte, ladite juridiction éprouve des doutes quant au respect, par l’article 116 du code des impôts, du principe de proportionnalité et du droit de propriété, consacré à l’article 17 de la Charte ainsi qu’à l’article 1^er du protocole additionnel n^o 1 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signé à Paris le 20 mars 1952.
35 La même juridiction ajoute que, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droit de l’homme, pour être compatible avec cet article 1^er, l’ingérence dans le droit de propriété doit ménager un « juste équilibre » entre les exigences de l’intérêt public et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l’individu (Cour EDH, 5 janvier 2000, Beyeler c. Italie, CE:ECHR:2000:0105JUD003320296, § 107, ainsi que Cour EDH, 6 juillet 2014, Ališić et autres c. Bosnie-Herzégovine,
Croatie, Serbie, Slovénie et l’ex-République yougoslave de Macédoine, CE:ECHR:2014:0716JUD006064208, § 108).
36 En deuxième lieu, la juridiction de renvoi fait état de la pratique et de la jurisprudence polonaises selon lesquelles un membre ou un ancien membre du conseil d’administration d’une société est obligé de déposer une demande de mise en faillite de celle-ci pour pouvoir être exonéré de sa responsabilité solidaire. En vertu des articles 10 et 11 de la loi sur la faillite, une telle demande devrait être déposée lorsque les conditions de l’insolvabilité du débiteur que ces dispositions prévoient
sont réunies, à savoir lorsque le débiteur a perdu sa capacité à faire face à ses engagements financiers, ce qui est présumé être le cas lorsque le retard dans l’exécution de ces engagements dépasse trois mois. Or, selon la jurisprudence nationale, le débiteur serait seulement tenu d’apprécier s’il est en mesure de s’acquitter de ses dettes, tandis que l’appréciation des conditions de la mise en faillite ne pourrait être effectuée que par une juridiction compétente en matière d’insolvabilité.
37 Cette juridiction souligne ainsi que, selon la pratique et la jurisprudence polonaises, le fait de ne pas s’acquitter d’une dette envers un seul créancier ne dispense pas le membre ou l’ancien membre du conseil d’administration d’une société de déposer une demande de mise en faillite. Toutefois, selon ladite juridiction, en cas d’existence d’un seul créancier, cette demande serait nécessairement rejetée par la juridiction compétente en matière d’insolvabilité et ainsi privée de tout effet
utile.
38 Sur la base de ces considérations, la juridiction de renvoi estime que la condition d’exonération tenant au dépôt d’une demande de mise en faillite ne peut bénéficier au membre ou à l’ancien membre du conseil d’administration d’une société ayant le Trésor public comme seul créancier. Il s’ensuivrait une violation des principes de sécurité juridique, ayant pour corollaire la protection de la confiance légitime, de bonne administration et du respect de l’État de droit. Ce membre ou ancien
membre serait également privé du droit à un recours effectif, car tous ses arguments portant sur l’impossibilité d’introduire utilement une demande seraient ignorés par les juridictions polonaises.
39 En troisième lieu, la juridiction de renvoi estime que la condition d’exonération tenant à l’obligation de déposer une demande de mise en faillite soulève des interrogations quant au respect du principe d’égalité devant la loi, consacré aux articles 20 et 21 de la Charte. À cet égard, cette juridiction souligne, notamment, que le membre ou l’ancien membre du conseil d’administration d’une société ayant le Trésor public comme seul créancier n’a pas la possibilité de déposer utilement une
demande de mise en faillite, dès lors que celle-ci serait nécessairement rejetée par la juridiction compétente en matière d’insolvabilité du simple fait de l’absence d’une multiplicité de créanciers. En revanche, le membre ou l’un ancien membre du conseil d’administration d’une société ayant plusieurs créanciers verraient leurs demandes de mise en faillite examinées sur le fond par cette dernière juridiction.
40 Dans ces conditions, le Wojewódzki Sąd Administracyjny we Wrocławiu (tribunal administratif de voïvodie de Wrocław) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Les dispositions de la directive [TVA], notamment ses articles 193, 205 et 273, lus en combinaison avec l’article 325 [TFUE], l’article 17 de la [Charte] et le principe de proportionnalité doivent-elles être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à une réglementation nationale qui prévoit un mécanisme de responsabilité solidaire d’un membre du conseil d’administration d’une personne morale pour les dettes de TVA de cette personne morale sans qu’il ait été établi au préalable que ce
membre du conseil d’administration avait agi de mauvaise foi ou que son comportement peut être qualifié de faute ou de négligence ?
2) Les dispositions de la directive TVA, notamment ses articles 193, 205 [et] 273, lus en combinaison avec l’article 325 TFUE, le principe de sécurité juridique, le principe de confiance légitime, le principe de bonne administration découlant de l’article 41 de la Charte, lu en combinaison avec l’article 2 [TUE] (État de droit, respect des droits de l’homme), l’article 47 de la Charte (recours effectif, droit à un tribunal), doivent-elles être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à une
pratique nationale qui, pour qu’un membre du conseil d’administration puisse s’exonérer de la responsabilité solidaire des dettes de TVA d’une personne morale ayant un seul créancier, exige de ce membre du conseil d’administration qu’il dépose une demande de mise en faillite, [...] qui [est sans objet] au regard des règles et de la pratique du droit national de l’insolvabilité, et porte donc atteinte à la substance même du droit de propriété (article 17 de la Charte) ?
3) Les articles 193, 205 et 273 de la directive TVA, lus en combinaison avec l’article 325 TFUE ainsi qu’avec le principe d’égalité devant la loi et le principe de non‑discrimination (article 20 et article 21 de la Charte), doivent‑ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à la réglementation nationale [visée au point 1] qui permet de traiter de manière différenciée les membres du conseil d’administration de personnes morales, en ce sens qu’un membre du conseil d’administration d’une
personne morale ayant plus d’un créancier peut s’exonérer de sa responsabilité pour les dettes de la société en déposant une demande de mise en faillite alors qu’un membre du conseil d’administration d’une personne morale n’ayant qu’un seul créancier n’a pas la possibilité de déposer utilement une telle demande, de sorte qu’il est privé de la possibilité de s’exonérer de sa responsabilité solidaire pour les dettes de TVA de la personne morale ainsi que du droit à un recours effectif (article 47 de
la Charte) ? »
Sur les questions préjudicielles
Observations liminaires
41 Selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la procédure de coopération entre les juridictions nationales et la Cour, instituée à l’article 267 TFUE, il appartient à celle-ci de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. Dans cette optique, il incombe, le cas échéant, à la Cour de reformuler les questions qui lui sont soumises (arrêt du 26 octobre 2021, PL Holdings, C‑109/20, EU:C:2021:875, point 34 et jurisprudence citée).
42 Ainsi qu’il résulte du point 40 du présent arrêt, les questions préjudicielles portent sur l’interprétation des articles 193, 205 et 273 de la directive TVA, lus en combinaison avec l’article 2 TUE, l’article 325 TFUE, les articles 17, 20, 21, 41 et 47 de la Charte ainsi qu’avec les principes de proportionnalité, de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime.
43 En premier lieu, en ce qui concerne la directive TVA, il convient de rappeler, d’une part, que les articles 193 à 200 et 202 à 204 de celle-ci déterminent les personnes redevables de la TVA, conformément à l’objet de la section 1, intitulée « Redevables de la taxe envers le Trésor », du chapitre 1 du titre XI de cette directive, dont ces dispositions font partie. Si l’article 193 de ladite directive prévoit, comme règle de base, que la TVA est due par l’assujetti effectuant une livraison de
biens ou une prestation de services imposable, le libellé de cet article précise que d’autres personnes peuvent ou doivent être redevables de cette taxe dans les situations visées aux articles 194 à 199 ter et 202 de la même directive (voir, en ce sens, arrêt du 13 octobre 2022, Direktor na Direktsia « Obzhalvane i danachno-osiguritelna praktika », C‑1/21, EU:C:2022:788, point 48 et jurisprudence citée).
44 D’autre part, aux termes de l’article 205 de la directive TVA, dans les situations visées aux articles 193 à 200 et 202 à 204 de celle-ci, les États membres peuvent prévoir qu’une personne autre que le redevable est solidairement tenue d’acquitter la TVA.
45 Il ressort ainsi du contexte formé par les articles 193 à 205 de la directive TVA que l’article 205 de cette directive s’inscrit dans un ensemble de dispositions qui visent à identifier le redevable de la TVA en fonction de diverses situations (arrêt du 13 octobre 2022, Direktor na Direktsia « Obzhalvane i danachno-osiguritelna praktika », C‑1/21, EU:C:2022:788, point 49 et jurisprudence citée).
46 Dès lors, l’article 205 de la directive TVA permet, en principe, aux États membres d’adopter, en vue d’une perception efficace de la TVA, des mesures en vertu desquelles une personne autre que celle qui est normalement redevable de cette taxe en vertu des articles 193 à 200 et 202 à 204 de cette directive est solidairement tenue d’acquitter ladite taxe (arrêt du 13 octobre 2022, Direktor na Direktsia « Obzhalvane i danachno-osiguritelna praktika », C‑1/21, EU:C:2022:788, point 50 et
jurisprudence citée).
47 En l’occurrence, il ne ressort de la demande de décision préjudicielle ni que P. K. soit un assujetti à la TVA ou une autre personne redevable de la TVA au sens de l’article 193 de ladite directive ni que le mécanisme de responsabilité solidaire prévu à l’article 116 du code des impôts ait pour objet de désigner une personne redevable de la taxe sur une ou plusieurs opérations imposables déterminées, au sens des articles 193 et 205 de la même directive, lus conjointement. En effet, en
application de ce mécanisme, les membres ou les anciens membres du conseil d’administration d’une société peuvent, sous certaines conditions, être considérés comme étant solidairement responsables de tout ou partie des dettes de TVA de cette société, sans que ces dettes se rattachent à une ou à plusieurs opérations imposables déterminées.
48 Par conséquent, les articles 193 et 205 de la directive TVA ne sont pas pertinents dans les circonstances du litige au principal.
49 En deuxième lieu, s’agissant des principes et des droits fondamentaux mentionnés par la juridiction de renvoi, il convient de relever que, tout d’abord, l’article 41 de la Charte, relatif au droit à une bonne administration, n’est pas applicable dans le cadre du litige au principal, dès lors qu’il s’adresse non pas aux États membres, mais uniquement aux institutions, aux organes et aux organismes de l’Union européenne (arrêt du 17 juillet 2014, YS e.a., C‑141/12 et C‑372/12, EU:C:2014:2081,
point 67). Certes, le droit à une bonne administration, consacré à cette disposition, reflète un principe général du droit de l’Union (arrêt du 17 juillet 2014, YS e.a., C‑141/12 et C‑372/12, EU:C:2014:2081, point 68). Toutefois, la demande de décision préjudicielle ne contient pas d’élément susceptible de conduire la Cour à se prononcer sur le droit à une bonne administration en tant que principe général du droit de l’Union.
50 Ensuite, en ce qui concerne l’article 47 de la Charte, relatif au droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial, ainsi qu’il résulte du point 38 du présent arrêt, la juridiction de renvoi considère que le membre ou l’ancien membre du conseil d’administration d’une société ayant le Trésor public comme seul créancier est privé de ce droit, car tous les arguments portant sur l’impossibilité pour ce membre ou ancien membre d’introduire utilement une demande de mise en faillite
ne seraient pas pris en compte.
51 Toutefois, il ressort de la décision de renvoi que cette considération concerne, en réalité, la question de savoir si l’article 273 de la directive TVA, lu en combinaison avec l’article 325 TFUE, le droit de propriété, consacré à l’article 17 de la Charte, le principe d’égalité de traitement, résultant des articles 20 et 21 de celle-ci, ainsi qu’avec les principes de proportionnalité et de sécurité juridique, s’oppose au mécanisme prévu à l’article 116 du code des impôts, en ce qu’il ne
dispense pas un tel membre ou ancien membre de l’introduction d’une demande de mise en faillite. En effet, s’il était conclu que ce mécanisme, tout en ne prévoyant pas cette dispense, respecte ces dispositions et ces principes, le fait que les arguments mentionnés au point précédent du présent arrêt ne soient pas pris en compte ne serait pas contraire à l’article 47 de la Charte. En revanche, s’il était considéré que lesdites dispositions et lesdits principes s’opposent audit mécanisme, celui-ci ne
serait, en tout état de cause, pas compatible avec le droit de l’Union, sans qu’il soit nécessaire de mobiliser cet article 47.
52 Enfin, si la juridiction de renvoi se réfère également à l’article 2 TUE, qui énonce les valeurs sur lesquelles l’Union est fondée, rien dans la demande de décision préjudicielle ne permet de considérer que cette juridiction demande l’interprétation de cet article de manière autonome par rapport aux droits fondamentaux et aux principes qu’elle mentionne dans les questions posées. De même, ainsi qu’il résulte du point 38 du présent arrêt, la juridiction de renvoi a évoqué le principe de
protection de la confiance légitime seulement en tant que corollaire du principe de sécurité juridique.
53 En troisième et dernier lieu, il apparaît qu’un lien étroit existe entre les trois questions posées par la juridiction de renvoi.
54 Par conséquent, il y a lieu de considérer que, par ses questions, qu’il convient d’examiner ensemble, cette juridiction demande, en substance, si l’article 273 de la directive TVA, lu en combinaison avec l’article 325 TFUE, avec le droit de propriété ainsi qu’avec les principes d’égalité de traitement, de proportionnalité et de sécurité juridique, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à un mécanisme national permettant d’établir la responsabilité solidaire d’un membre ou d’un ancien
membre du conseil d’administration d’une société pour la dette de TVA de celle-ci, lorsque ce mécanisme, d’une part, n’exige pas de constater l’existence d’une faute commise par ce membre ou ancien membre et, d’autre part, prévoit, en tant que condition d’exonération, le dépôt en temps utile, par ledit membre ou ancien membre, d’une demande de mise en faillite de cette société, y compris lorsque ladite société a le Trésor public comme seul créancier et que, de ce fait, une telle demande est, selon
la pratique et la jurisprudence nationales, vouée au rejet.
Sur le fond
55 Conformément à l’article 273, premier alinéa, de la directive TVA, les États membres peuvent prévoir d’autres obligations que celles prévues par cette directive lorsqu’ils jugent ces obligations nécessaires pour assurer l’exacte perception de la TVA et pour éviter la fraude (arrêts du 19 octobre 2017, Paper Consult, C‑101/16, EU:C:2017:775, point 49, et du 11 janvier 2024, Global Ink Trade, C‑537/22, EU:C:2024:6, point 41).
56 En outre, l’article 325, paragraphe 1, TFUE impose aux États membres de lutter contre la fraude et toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union par des mesures dissuasives et effectives.
57 Il découle, notamment, des dispositions susmentionnées que les États membres ont l’obligation de prendre toutes les mesures législatives et administratives propres à garantir la perception de l’intégralité de la TVA due sur leurs territoires respectifs et à lutter contre la fraude (arrêt du 13 octobre 2022, Direktor na Direktsia « Obzhalvane i danachno-osiguritelna praktika », C‑1/21, EU:C:2022:788, point 60 et jurisprudence citée).
58 Un mécanisme de responsabilité solidaire tel que celui institué par l’article 116 du code des impôts participe au recouvrement de montants de TVA qui n’ont pas été acquittés par une personne morale assujettie dans les délais impératifs établis par les dispositions de la directive TVA. Un tel mécanisme contribue donc à assurer l’exacte perception de la TVA au sens de l’article 273 de cette directive, conformément à l’obligation établie à l’article 325, paragraphe 1, TFUE (voir, en ce sens et
par analogie, arrêt du 13 octobre 2022, Direktor na Direktsia « Obzhalvane i danachno-osiguritelna praktika », C‑1/21, EU:C:2022:788, point 61).
59 Il résulte de la jurisprudence que, en dehors des limites qu’elles fixent, les dispositions de l’article 273 de la directive TVA ne précisent ni les conditions ni les obligations que les États membres peuvent prévoir. Elles confèrent, dès lors, à ceux-ci une marge d’appréciation quant aux moyens visant à atteindre les objectifs tenant à recouvrer l’intégralité de la TVA et à lutter contre la fraude. Néanmoins, les États membres sont tenus d’exercer leur compétence dans le respect du droit de
l’Union et de ses principes généraux, et par conséquent, du principe de proportionnalité (voir, en ce sens, arrêt du 13 octobre 2022, Direktor na Direktsia « Obzhalvane i danachno-osiguritelna praktika », C‑1/21, EU:C:2022:788, points 69 et 72).
60 Ainsi, s’il est légitime que les mesures adoptées par les États membres tendent à préserver le plus efficacement possible les droits du Trésor public, elles ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire à cette fin (arrêt du 14 novembre 2024, Herdijk, C‑613/23, EU:C:2024:961, point 24 et jurisprudence citée).
61 À cet égard, selon la jurisprudence, des mesures nationales donnant naissance à un système de responsabilité solidaire sans faute vont au-delà de ce qui est nécessaire pour préserver les droits du Trésor public. Faire peser la responsabilité du paiement de la TVA sur une personne autre que le redevable de celle-ci, sans lui permettre d’y échapper en rapportant la preuve qu’elle est totalement étrangère aux agissements de ce redevable, doit, dès lors, être considéré comme étant incompatible
avec le principe de proportionnalité. En effet, il serait manifestement disproportionné d’imputer, de manière inconditionnelle, à ladite personne la perte de recettes fiscales causée par les agissements d’un tiers assujetti sur lesquels elle n’a aucune influence (arrêt du 14 novembre 2024, Herdijk, C‑613/23, EU:C:2024:961, point 25 et jurisprudence citée).
62 Dans ces conditions, l’exercice de la faculté pour les États membres de désigner un débiteur solidaire autre que le redevable de la taxe afin d’assurer une perception efficace de cette dernière doit être justifié par la relation factuelle et/ou juridique existant entre les deux personnes concernées au regard des principes de sécurité juridique et de proportionnalité (arrêt du 14 novembre 2024, Herdijk, C‑613/23, EU:C:2024:961, point 26 et jurisprudence citée).
63 Les circonstances qu’une personne autre que le redevable a agi de bonne foi en déployant toute la diligence d’un opérateur avisé, qu’elle a pris toute mesure raisonnable en son pouvoir et que sa participation à un abus ou à une fraude est exclue constituent des éléments à prendre en compte pour déterminer la possibilité d’obliger solidairement cette personne à acquitter la TVA due (arrêt du 14 novembre 2024, Herdijk, C‑613/23, EU:C:2024:961, point 27 et jurisprudence citée).
64 En l’occurrence, ainsi qu’il résulte des points 24 à 26 du présent arrêt, la juridiction de renvoi expose que, en droit polonais, l’article 116 du code des impôts prévoit un mécanisme en vertu duquel un membre ou un ancien membre du conseil d’administration d’une société peut être tenu responsable de la dette fiscale de celle-ci. À cette fin, d’une part, l’administration fiscale doit démontrer que sont réunies les conditions positives suivantes :
– la société concernée a une dette fiscale résultant notamment d’une décision d’imposition ayant le caractère de précédent aux fins de cette responsabilité ;
– cette dette est née au cours de la période pendant laquelle ce membre ou ancien membre exerçait une fonction de gestion ;
– l’exécution forcée à l’encontre de cette société a été infructueuse.
65 D’autre part, le membre ou l’ancien membre du conseil d’administration de la société concernée peut, quant à lui, prouver qu’il remplit les conditions pour être exonéré de cette responsabilité, à savoir :
– qu’une demande de mise en faillite a été introduite en temps utile ou qu’une décision d’ouverture d’une procédure de restructuration ou d’approbation de concordat dans le cadre d’un plan de concordat a été rendue en même temps, ou
– qu’il démontre que l’absence de dépôt d’une demande de mise en faillite n’est pas due à une faute de sa part, ou
– qu’il identifie les biens de la société dont l’exécution forcée permettra de couvrir, en grande partie, les arriérés d’impôts de celle-ci.
66 Il convient de rappeler que la juridiction de renvoi est seule compétente pour constater et apprécier les faits du litige au principal ainsi que pour interpréter et appliquer le droit national. Toutefois, appelée à fournir à cette juridiction une réponse utile dans le cadre de la procédure de coopération instituée à l’article 267 TFUE, la Cour est compétente pour donner à ladite juridiction des indications tirées du dossier de l’affaire au principal ainsi que des observations écrites qui lui
ont été soumises, de nature à permettre à la même juridiction de statuer (arrêt du 12 décembre 2024, Dranken Van Eetvelde, C‑331/23, EU:C:2024:1027, points 27 et 28 ainsi que jurisprudence citée).
67 À cet égard, ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, l’une des conditions positives de l’engagement de la responsabilité solidaire d’un membre ou d’un ancien membre du conseil d’administration d’une société à l’égard de la dette fiscale de celle-ci tient à ce qu’une telle dette soit née au cours de la période pendant laquelle ce membre ou ancien membre exerçait une fonction de gestion au sein de cette société.
68 Il s’ensuit que, ainsi qu’il résulte du dossier dont la Cour dispose, le droit polonais prévoit, en substance, une présomption en vertu de laquelle un membre du conseil d’administration d’une société dispose, ou devrait disposer, tant d’une connaissance directe des activités de cette société que d’une influence sur celles-ci.
69 Or, Une telle présomption ne semble pas, en soi, être contraire au principe de proportionnalité. En effet, elle n’apparaît pas établir une responsabilité sans faute.
70 Sur ce point, il convient de relever que la faute peut prendre différentes formes, dont un défaut de vigilance ou une négligence en matière de contrôle. Aussi, il semble possible de déduire de l’absence de paiement d’une dette fiscale par une société qu’un membre ou un ancien membre du conseil d’administration de cette société a manqué à son obligation de vigilance dans la gestion des affaires de ladite société et que cette absence de paiement en est la conséquence. Dans ces circonstances,
la responsabilité solidaire de ce membre ou ancien membre paraît résulter non pas d’un événement fortuit sur lequel il n’a aucun contrôle, mais de ses actions ou de ses omissions.
71 Toutefois, il est indispensable qu’une présomption telle que celle en cause au principal soit réfragable, en ce sens qu’il ne soit pas pratiquement impossible ou excessivement difficile pour ledit membre ou ancien membre de renverser cette présomption par la preuve contraire (voir, en ce sens, arrêt du 14 novembre 2024, Herdijk, C‑613/23, EU:C:2024:961, points 33 et 41 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt du 12 décembre 2024, Dranken Van Eetvelde, C‑331/23, EU:C:2024:1027,
point 31).
72 En l’occurrence, il convient de rappeler que la présomption mentionnée au point 68 du présent arrêt peut être renversée par le membre ou l’ancien membre du conseil d’administration de la société concernée. À cette fin, il peut notamment démontrer qu’il satisfait à l’une des conditions permettant d’être exonéré de la responsabilité solidaire, figurant à l’article 116, paragraphe 1, point 1, du code des impôts, à savoir :
– qu’une demande de mise faillite a été présentée en temps utile ou
– que l’absence de dépôt d’une telle demande n’est pas due à une faute de sa part.
73 Il résulte du point 27 du présent arrêt que, selon la juridiction de renvoi, l’expression « en temps utile », figurant à l’article 116, paragraphe 1, point 1, sous a), du code des impôts, désigne le moment où, en faisant preuve d’une diligence raisonnable, le membre ou l’ancien membre du conseil d’administration de la société concernée pouvait avoir connaissance du fait que cette société était devenue insolvable et avait durablement cessé de payer ses dettes et que ses actifs ne suffisaient
pas à les apurer.
74 Or, il y a lieu de considérer que la naissance d’une dette de TVA à un moment donné ne justifie pas, en soi, le dépôt d’une demande de mise en faillite, même si la situation financière globale de la société débitrice peut être dégradée. Ainsi, la nécessité de déposer une demande de mise en faillite pourrait apparaître plus tard, lorsque cette situation financière se dégrade davantage. En outre, il ne saurait être exclu que, dans l’intervalle, une personne qui était membre du conseil
d’administration de cette société ait cessé ses fonctions. Toutefois, de telles circonstances ne font pas en sorte que la présomption visée au point 68 du présent arrêt devienne irréfragable. En effet, il demeure loisible à cette personne de démontrer que l’absence de dépôt d’une demande de mise en faillite en temps utile n’est pas due à une faute de sa part, précisément au motif que, tant qu’elle exerçait ses fonctions, la situation financière de la société concernée n’exigeait pas de déposer une
telle demande.
75 À cet égard, le membre ou l’ancien membre du conseil d’administration d’une société ayant une dette de TVA doit disposer de la possibilité d’invoquer toute circonstance susceptible d’établir que l’absence de dépôt en temps utile d’une demande de mise en faillite n’est pas due à une faute de sa part. La possibilité d’une telle démonstration ne doit pas être purement théorique en raison d’une interprétation indûment large de la notion d’« imputabilité » par l’administration ou par les
juridictions nationales (voir, en ce sens, arrêt du 14 novembre 2024, Herdijk, C‑613/23, EU:C:2024:961, point 36).
76 Dans la présente affaire, ainsi qu’il résulte du point 28 du présent arrêt, la juridiction de renvoi indique que la faute peut être intentionnelle ou non intentionnelle.
77 Toutefois, elle précise qu’il n’y a pas de faute si le membre ou l’ancien membre du conseil d’administration de la société concernée démontre que, tout en faisant preuve de la diligence requise dans la conduite de ses affaires, il n’a pas déposé une demande de mise en faillite pour des raisons indépendantes de sa volonté.
78 Dès lors, il n’apparaît pas que l’exonération prévue à l’article 116, paragraphe 1, point 1, du code des impôts soit purement théorique.
79 Il s’ensuit que le principe de proportionnalité ne s’oppose pas à un mécanisme tel que celui prévu à cette disposition.
80 Quant au principe d’égalité de traitement, auquel la juridiction de renvoi s’est également référée, il convient de rappeler que ce principe, consacré aux articles 20 et 21 de la Charte, exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié. Une différence de traitement est justifiée dès lors qu’elle est fondée sur un critère
objectif et raisonnable, c’est-à-dire lorsqu’elle est en rapport avec un but légalement admissible poursuivi par la réglementation en cause, et que cette différence est proportionnée au but poursuivi par le traitement concerné (arrêt du 24 février 2022, Glavna direktsia « Pozharna bezopasnost i zashtita na naselenieto », C‑262/20, EU:C:2022:117, point 58 et jurisprudence citée).
81 Dès lors il convient de déterminer si le fait qu’une société ne soit débitrice qu’envers un seul créancier peut conduire à une application inégale de la condition d’exonération d’un membre ou d’un ancien membre du conseil d’administration d’une société figurant à l’article 116, paragraphe 1, point 1, du code des impôts.
82 À cet égard, la juridiction de renvoi précise qu’un membre ou un ancien membre du conseil d’administration d’une société ayant plus d’un créancier a la possibilité d’être exonéré de sa responsabilité solidaire pour les dettes de cette société par le dépôt d’une demande de mise en faillite. En revanche, un membre ou un ancien membre du conseil d’administration d’une société ayant un seul créancier n’aurait pas la possibilité de déposer « utilement » une telle demande. Ainsi, selon cette
juridiction, dans ce second cas, un tel membre ou ancien membre peut se trouver dans une situation moins favorable, sans que cette inégalité de traitement soit justifiée.
83 Dans ce contexte, ladite juridiction souligne que, selon la pratique et la jurisprudence polonaises, le fait pour une société de ne pas s’acquitter de sa dette envers le seul créancier qu’elle a ne dispense pas le membre ou l’ancien membre du conseil d’administration de cette société de déposer une demande de mise en faillite.
84 Or, il importe de rappeler que, aux fins de l’exonération d’un membre ou d’un ancien membre du conseil d’administration d’une société de sa responsabilité solidaire, l’article 116, paragraphe 1, point 1, du code des impôts prévoit, entre autres, que soit déposée, en temps utile, une demande de mise en faillite de cette société, sans faire de distinction selon le nombre de créanciers de la société concernée.
85 Certes, la juridiction de renvoi relève qu’un membre ou un ancien membre du conseil d’administration d’une société ayant un seul créancier n’a pas la possibilité d’être exonéré de sa responsabilité solidaire à la suite du dépôt, « utilement » effectué, d’une telle demande, notamment au motif que celle-ci serait rejetée par la juridiction compétente en matière d’insolvabilité. Toutefois, il semble ressortir de l’article 116, paragraphe 1, point 1, du code des impôts que le simple dépôt de la
demande de mise en faillite, et non pas l’issue de la procédure entamée par le dépôt de cette demande, suffit pour considérer que le membre ou l’ancien membre du conseil d’administration de la société concernée a rempli ses obligations au titre de cette disposition, indépendamment du nombre de créanciers de cette société.
86 Dans ces conditions, il n’apparaît pas que l’application de l’article 116, paragraphe 1, point 1, du code des impôts entraîne une inégalité de traitement entre :
– d’une part, les membres ou les anciens membres du conseil d’administration d’une société ayant un seul créancier et,
– d’autre part, les membres ou les anciens membres du conseil d’administration d’une société ayant plus d’un créancier.
87 Par ailleurs, la juridiction de renvoi semble estimer, en substance, que, lorsqu’une société a le Trésor public comme seul créancier, le respect du principe d’égalité de traitement impose de considérer que l’absence de dépôt d’une demande de mise en faillite n’est pas due à une faute de la part des membres ou des anciens membres du conseil d’administration de cette société, au motif qu’un telle demande aurait en tout état de cause été rejetée.
88 Or, il y a lieu de relever que, si une telle considération était admise, il existerait une inégalité de traitement entre :
– d’une part, les membres ou les anciens membres du conseil d’administration d’une société qui, face à une dégradation de la situation financière de celle-ci susceptible de conduire à son insolvabilité, désintéresserait de manière égalitaire et proportionnelle les créanciers, soient-ils privés ou publics, et,
– d’autre part, les membres ou les anciens membres du conseil d’administration d’une société qui, dans une telle situation, désintéresserait tous les créanciers sauf le Trésor public.
89 Ce désavantage découlerait du fait que, dans le premier cas, ces membres ou anciens membres devraient démontrer qu’a eu lieu, en temps utile, le dépôt d’une demande de mise en faillite ou que l’absence d’un tel dépôt n’est pas due à une faute de leur part. En revanche, dans le second cas, le fait que le Trésor public soit le seul créancier suffirait pour que lesdits membres ou anciens membres soient exonérés de leur responsabilité solidaire.
90 La création prétorienne d’une telle condition d’exonération pourrait inciter les membres du conseil d’administration d’une société à faire en sorte que, lorsque la situation financière de cette société se dégrade au point que cette dernière risque de devenir insolvable, ladite société n’ait des dettes qu’à l’égard d’un seul créancier, à savoir le Trésor public. Cela pourrait conduire à des détournements, au détriment de ce dernier, en ce qu’une société ne garderait pas de fonds suffisants
pour payer sa dette de TVA, mais utiliserait ses fonds à d’autres fins. Or, un tel résultat irait clairement à l’encontre de l’objectif d’assurer l’exacte perception de la TVA.
91 Partant, une telle inégalité de traitement ne saurait être justifiée.
92 Il s’ensuit que le principe d’égalité de traitement ne serait pas respecté si un membre ou un ancien membre du conseil d’administration d’une société ayant le Trésor public comme seul créancier était exonéré de sa responsabilité solidaire pour la dette de TVA de cette société en raison de ce seul motif.
93 En ce qui concerne le principe de sécurité juridique, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, celui-ci exige, d’une part, que les règles de droit soient claires et précises et, d’autre part, que leur application soit prévisible pour les justiciables, en particulier lorsqu’elles peuvent avoir sur les individus et les entreprises des conséquences défavorables. En particulier, ce principe exige qu’une réglementation permette aux intéressés de connaître avec exactitude
l’étendue des obligations qu’elle leur impose et que ces derniers puissent connaître sans ambiguïté leurs droits et leurs obligations et prendre leurs dispositions en conséquence [arrêt du 15 avril 2021, Federazione nazionale delle imprese elettrotecniche ed elettroniche (Anie) e.a., C‑798/18 et C‑799/18, EU:C:2021:280, point 41 ainsi que jurisprudence citée].
94 Or, le mécanisme prévu à l’article 116 du code des impôts est fondé sur des conditions positives, énumérées au point 64 du présent arrêt, et comporte une possible exonération, dans les conditions indiquées au point 65 de celui-ci.
95 La juridiction de renvoi ne soutient pas que ces conditions positives et cette exonération sont formulées de manière telle qu’un membre ou un ancien membre du conseil d’administration d’une société ayant une dette fiscale ne peut pas prévoir dans quelles circonstances sa responsabilité solidaire peut être engagée.
96 Par conséquent, il apparaît que le mécanisme prévu à l’article 116 du code des impôts est conforme au principe de sécurité juridique.
97 S’agissant du droit de propriété, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 17, paragraphe 1, de la Charte, toute personne a le droit de jouir de la propriété des biens qu’elle a acquis légalement, de les utiliser, d’en disposer et de les léguer. Nul ne peut être privé de sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, dans des cas et des conditions prévus par une loi et moyennant, en temps utile, une juste indemnité pour sa perte. L’usage des biens peut être réglementé
par la loi dans la mesure nécessaire à l’intérêt général.
98 Selon la jurisprudence, ce droit n’est pas une prérogative absolue et son exercice peut faire l’objet de restrictions justifiées par des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union (arrêt du 10 septembre 2024, Neves 77 Solutions, C‑351/22, EU:C:2024:723, point 85 et jurisprudence citée).
99 Toutefois, conformément à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, toute limitation de l’exercice des droits et des libertés reconnus par celle-ci doit être prévue par la loi, respecter leur contenu essentiel et, dans le respect du principe de proportionnalité, être nécessaire et répondre effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et des libertés d’autrui.
100 Tout d’abord, il résulte du point 96 du présent arrêt que le mécanisme prévu à l’article 116 du code des impôts est conforme au principe de sécurité juridique.
101 Ensuite, comme il a été indiqué au point 79 de cet arrêt, le principe de proportionnalité ne s’oppose pas à ce mécanisme. En outre, il convient d’ajouter que ledit mécanisme permet de parvenir au « juste équilibre » entre les exigences de l’intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l’individu, résultant de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, à laquelle s’est référée la juridiction de renvoi, ainsi qu’il a été
rappelé au point 35 du présent arrêt.
102 Enfin, il n’apparaît pas que le mécanisme prévu à l’article 116 du code des impôts porte atteinte au contenu essentiel du droit de propriété des membres ou des anciens membres du conseil d’administration d’une société ayant une dette de TVA. En effet, en vertu de la troisième condition positive qui caractérise ce mécanisme, le patrimoine personnel de ces membres ou anciens membres ne peut être touché que dans la limite du montant de cette dette pour lequel l’exécution forcée préalablement
menée à l’égard de la société concernée a été infructueuse.
103 Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux questions posées que l’article 273 de la directive TVA, lu en combinaison avec l’article 325 TFUE, avec le droit de propriété, ainsi qu’avec les principes d’égalité de traitement, de proportionnalité et de sécurité juridique, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à un mécanisme national en vertu duquel :
– le membre ou l’ancien membre du conseil d’administration d’une société ayant une dette de TVA est tenu solidairement responsable avec cette société des arriérés d’impôts nés durant son mandat,
– cette responsabilité est limitée aux arriérés d’impôts dont l’exécution forcée à l’encontre de ladite société s’est avérée, totalement ou partiellement, infructueuse,
– l’exonération de ladite responsabilité dépend notamment de la preuve apportée par le membre ou l’ancien membre du conseil d’administration qu’une demande de mise en faillite de la même société a été déposée en temps utile ou que l’absence de dépôt de cette demande n’est pas due à une faute de sa part,
pour autant que ce membre ou ancien membre, en vue de la démonstration de l’absence d’une telle faute, puisse utilement invoquer qu’il a fait preuve de toute la diligence requise dans la tenue des affaires de la société concernée, étant précisé que, à cet effet, ledit membre ou ancien membre ne peut pas se limiter à faire valoir que cette société, lors de l’établissement de son insolvabilité durable, avait le Trésor public comme seul créancier.
Sur les dépens
104 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) dit pour droit :
L’article 273 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, telle que modifiée par la directive (UE) 2018/1695 du Conseil, du 6 novembre 2018, lu en combinaison avec l’article 325 TFUE, avec le droit de propriété, ainsi qu’avec les principes d’égalité de traitement, de proportionnalité et de sécurité juridique,
doit être interprété en ce sens que :
il ne s’oppose pas à un mécanisme national en vertu duquel :
– le membre ou l’ancien membre du conseil d’administration d’une société ayant une dette de taxe sur la valeur ajoutée est tenu solidairement responsable avec cette société des arriérés d’impôts nés durant son mandat,
– cette responsabilité est limitée aux arriérés d’impôts dont l’exécution forcée à l’encontre de ladite société s’est avérée, totalement ou partiellement, infructueuse,
– l’exonération de ladite responsabilité dépend notamment de la preuve apportée par le membre ou l’ancien membre du conseil d’administration qu’une demande de mise en faillite de la même société a été déposée en temps utile ou que l’absence de dépôt de cette demande n’est pas due à une faute de sa part,
pour autant que ce membre ou ancien membre, en vue de la démonstration de l’absence d’une telle faute, puisse utilement invoquer qu’il a fait preuve de toute la diligence requise dans la tenue des affaires de la société concernée, étant précisé que, à cet effet, ledit membre ou ancien membre ne peut pas se limiter à faire valoir que cette société, lors de l’établissement de son insolvabilité durable, avait le Trésor public comme seul créancier.
Signatures
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* Langue de procédure : le polonais.
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i Le nom de la présente affaire est un nom fictif. Il ne correspond au nom réel d’aucune partie à la procédure.