ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)
27 mars 2025 ( *1 )
« Manquement d’État – Traitement des eaux urbaines résiduaires – Directive 91/271/CEE – Articles 4, 5 et 10 – Pollution de zones sensibles – Stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires – Arrêt de la Cour constatant un manquement – Inexécution – Article 260, paragraphe 2, TFUE – Sanctions pécuniaires – Astreinte – Somme forfaitaire »
Dans l’affaire C‑515/23,
ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 260, paragraphe 2, TFUE, introduit le 10 août 2023,
Commission européenne, représentée par M. G. Gattinara et Mme E. Sanfrutos Cano, en qualité d’agents,
partie requérante,
contre
République italienne, représentée par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. M. Di Benedetto, Mmes M. Russo et M. F. Severi, avvocati dello Stato,
partie défenderesse,
LA COUR (sixième chambre),
composée de M. A. Kumin, président de chambre, M. F. Biltgen (rapporteur), président de la première chambre, et Mme I. Ziemele, juge,
avocat général : Mme T. Ćapeta,
greffier : M. G. Chiapponi, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 novembre 2024,
vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour :
– de constater que, en n’ayant pas adopté toutes les mesures nécessaires à l’exécution de l’arrêt du 10 avril 2014, Commission/Italie (C‑85/13, ci‑après l’ arrêt C‑85/13 , EU:C:2014:251), la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 260, paragraphe 1, TFUE ;
– de condamner la République italienne à payer à la Commission une astreinte journalière d’un montant de 122760 euros, avec une réduction éventuelle résultant de la formule de dégressivité proposée, par jour de retard dans l’exécution de l’arrêt C‑85/13, à compter du jour du prononcé de l’arrêt dans la présente affaire jusqu’au jour où sera exécuté l’arrêt C‑85/13 ;
– de condamner la République italienne à payer à la Commission une somme forfaitaire journalière de 13640 euros, avec une éventuelle réduction résultant de la formule de dégressivité proposée, pour un montant total minimal de 9548000 euros, à compter de la date du prononcé de l’arrêt C‑85/13 et jusqu’à la date du prononcé de l’arrêt dans la présente affaire ou jusqu’à la date d’exécution de l’arrêt C‑85/13, si cette date d’exécution est antérieure à la date du prononcé de l’arrêt dans la présente
affaire, et
– de condamner la République italienne aux dépens.
Le cadre juridique
2 L’article 1er de la directive 91/271/CEE du Conseil, du 21 mai 1991, relative au traitement des eaux urbaines résiduaires (JO 1991, L 135, p. 40), telle que modifiée par le règlement (CE) no 1137/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008 (JO 2008, L 311, p. 1) (ci‑après la « directive 91/271 »), prévoit :
« La présente directive concerne la collecte, le traitement et le rejet des eaux urbaines résiduaires ainsi que le traitement et le rejet des eaux usées provenant de certains secteurs industriels.
La présente directive a pour objet de protéger l’environnement contre une détérioration due aux rejets des eaux résiduaires précitées. »
3 Aux termes de l’article 2 de cette directive :
« Aux fins de la présente directive, on entend par :
1) “eaux urbaines résiduaires” : les eaux ménagères usées ou le mélange des eaux ménagères usées avec des eaux industrielles usées et/ou des eaux de ruissellement ;
2) “eaux ménagères usées” : les eaux usées provenant des établissements et services résidentiels et produites essentiellement par le métabolisme humain et les activités ménagères ;
[...]
4) “agglomération” : une zone dans laquelle la population et/ou les activités économiques sont suffisamment concentrées pour qu’il soit possible de collecter les eaux urbaines résiduaires pour les acheminer vers une station d’épuration ou un point de rejet final ;
5) “système de collecte” : un système de canalisations qui recueille et achemine les eaux urbaines résiduaires ;
6) “un équivalent habitant (EH)” : la charge organique biodégradable ayant une demande biochimique d’oxygène en cinq jours (DB05) de 60 grammes d’oxygène par jour ;
[...]
8) “traitement secondaire” : le traitement des eaux urbaines résiduaires par un procédé comprenant généralement un traitement biologique avec décantation secondaire ou par un autre procédé permettant de respecter les conditions du tableau 1 de l’annexe I ;
9) “traitement approprié” : le traitement des eaux urbaines résiduaires par tout procédé et/ou système d’évacuation qui permettent, pour les eaux réceptrices des rejets, de respecter les objectifs de qualité retenus ainsi que de répondre aux dispositions pertinentes de la présente directive et d’autres directives communautaires ;
[...] »
4 L’article 3 de ladite directive dispose :
« 1. Les États membres veillent à ce que toutes les agglomérations soient équipées de systèmes de collecte des eaux urbaines résiduaires :
– au plus tard le 31 décembre 2000 pour celles dont l’équivalent habitant (EH) est supérieur à 15000
et
– au plus tard le 31 décembre 2005 pour celles dont l’EH se situe entre 2000 et 15000.
Pour les rejets d’eaux urbaines résiduaires dans des eaux réceptrices considérées comme des “zones sensibles”, telles que définies à l’article 5, les États membres veillent à ce que des systèmes de collecte soient installés au plus tard le 31 décembre 1998 pour les agglomérations dont l’EH est supérieur à 10000.
Lorsque l’installation d’un système de collecte ne se justifie pas, soit parce qu’il ne présenterait pas d’intérêt pour l’environnement, soit parce que son coût serait excessif, des systèmes individuels ou d’autres systèmes appropriés assurant un niveau identique de protection de l’environnement sont utilisés.
2. Les systèmes de collecte décrits au paragraphe 1 doivent répondre aux prescriptions de l’annexe I, point A. [...] »
5 L’article 4 de la même directive est libellé comme suit :
« 1. Les États membres veillent à ce que les eaux urbaines résiduaires qui pénètrent dans les systèmes de collecte soient, avant d’être rejetées, soumises à un traitement secondaire ou à un traitement équivalent selon les modalités suivantes :
– au plus tard le 31 décembre 2000 pour tous les rejets provenant d’agglomérations ayant un EH de plus de 15000,
– au plus tard le 31 décembre 2005 pour tous les rejets provenant d’agglomérations ayant un EH compris entre 10000 et 15000,
– au plus tard le 31 décembre 2005 pour les rejets, dans des eaux douces et des estuaires, provenant d’agglomérations ayant un EH compris entre 2000 et 10000.
[...]
3. Les rejets des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires visées aux paragraphes 1 et 2 doivent répondre aux prescriptions pertinentes de l’annexe I, point B. [...]
[...] »
6 L’article 5, paragraphes 1 à 5, de la directive 91/271 dispose :
« 1. Aux fins du paragraphe 2, les États membres identifient, pour le 31 décembre 1993, les zones sensibles sur la base des critères définis à l’annexe II.
2. Les États membres veillent à ce que les eaux urbaines résiduaires qui entrent dans les systèmes de collecte fassent l’objet, avant d’être rejetées dans des zones sensibles, d’un traitement plus rigoureux que celui qui est décrit à l’article 4, et ce au plus tard le 31 décembre 1998 pour tous les rejets provenant d’agglomérations ayant un EH de plus de 10000.
3. Les rejets des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires visées au paragraphe 2 doivent répondre aux prescriptions pertinentes de l’annexe I, point B. [...]
4. Toutefois, les conditions requises d’une station d’épuration au titre des paragraphes 2 et 3 ne s’appliquent pas nécessairement aux zones sensibles, s’il peut être prouvé que le pourcentage minimal de réduction de la charge globale entrant dans toutes les stations d’épuration des eaux résiduaires urbaines de cette zone atteint au moins 75 % pour la quantité totale de phosphore et au moins 75 % pour la quantité totale d’azote.
5. Pour les rejets des stations d’épuration d’eaux urbaines qui sont situées dans les bassins versants pertinents des zones sensibles et qui contribuent à la pollution de ces zones, les paragraphes 2, 3 et 4 sont applicables.
[...] »
7 Aux termes de l’article 10 de cette directive :
« Les États membres veillent à ce que les stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires construites pour satisfaire aux exigences des articles 4, 5, 6 et 7 soient conçues, construites, exploitées et entretenues de manière à avoir un rendement suffisant dans toutes les conditions climatiques normales du lieu où elles sont situées. Il convient de tenir compte des variations saisonnières de la charge lors de la conception de ces installations. »
8 L’annexe I de ladite directive, intitulée « Prescriptions relatives aux eaux urbaines résiduaires », est libellée comme suit :
« A. Systèmes de collecte [...]
Les systèmes de collecte tiennent compte des prescriptions en matière de traitement des eaux usées.
La conception, la construction et l’entretien des systèmes de collecte sont entrepris sur la base des connaissances techniques les plus avancées, sans entraîner des coûts excessifs, notamment en ce qui concerne :
– le volume et les caractéristiques des eaux urbaines résiduaires,
– la prévention des fuites,
– la limitation de la pollution des eaux réceptrices résultant des surcharges dues aux pluies d’orage.
B. Rejets provenant des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires dans les eaux réceptrices [...]
1. Les stations d’épuration des eaux usées sont conçues ou modifiées de manière que des échantillons représentatifs des eaux usées entrantes et des effluents traités puissent être obtenus avant rejet dans les eaux réceptrices.
2. Les rejets provenant des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires, traités conformément aux articles 4 et 5 de la présente directive, répondent aux prescriptions figurant au tableau 1.
3. Les rejets des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires dans des zones sensibles sujettes à eutrophisation, telles qu’identifiées à l’annexe II point A lettre a), répondent en outre aux prescriptions figurant au tableau 2 de la présente annexe.
4. Des prescriptions plus rigoureuses que celles qui figurent aux tableaux 1 et/ou 2 sont, au besoin, appliquées pour garantir que les eaux réceptrices satisfont à toute autre directive en la matière.
5. Les points d’évacuation des eaux urbaines résiduaires sont choisis, dans toute la mesure possible, de manière à réduire au minimum les effets sur les eaux réceptrices.
[...] »
L’arrêt C‑85/13
9 Par l’arrêt C‑85/13, la Cour a jugé que, en n’ayant pas pris les dispositions nécessaires afin de s’assurer que :
– les agglomérations de Melegnano, de Mortara, d’Olona Nord, d’Olona Sud, de Robecco sul Naviglio, de San Giuliano Milanese Est, de Trezzano sul Naviglio et de Vigevano (Lombardie), dont l’EH est supérieur à 10000 et qui rejettent des eaux urbaines résiduaires dans des eaux réceptrices considérées comme des « zones sensibles », au sens de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 91/271, soient équipées de systèmes de collecte des eaux urbaines résiduaires, conformément à l’article 3 de cette
directive ;
– dans les agglomérations de Pescasseroli (Abruzzes), de Cormons, de Gradisca d’Isonzo, de Grado (Frioul-Vénétie Julienne), de Broni, de Calco, de Casteggio, de Melegnano, de Mortara, d’Orzinuovi, de Rozzano, de Trezzano sul Naviglio, de Valle San Martino, de Vigevano (Lombardie), de Pesaro, d’Urbino (Marches), d’Alta Val Susa (Piémont), de Nuoro (Sardaigne), de Castellammare del Golfo I, de Cinisi, de Terrasini (Sicile), de Courmayeur (Vallée d’Aoste) et de Thiene (Vénétie), dont l’EH est
supérieur à 10000, les eaux urbaines résiduaires qui pénètrent dans les systèmes de collecte soient, avant d’être rejetées, soumises à un traitement secondaire ou à un traitement équivalent, conformément à l’article 4 de la directive 91/271 ;
– dans les agglomérations de Pescasseroli (Abruzzes), d’Aviano Capoluogo, de Cividale del Friuli, de Codroipo/Sedegliano/Flaibano, de Cormons, de Gradisca d’Isonzo, de Grado, de Latisana Capoluogo, de Pordenone/Porcia/Roveredo/Cordenons, de Sacile, d’Udine (Frioul-Vénétie Julienne), de Frosinone (Latium), de Francavilla Fontana, de Trinitapoli (Pouilles), de Dorgali, de Nuoro, de ZIR Villacidro (Sardaigne) ainsi que de Castellammare del Golfo I, de Cinisi, de Partinico, de Terrasini et de Trappeto
(Sicile), dont l’EH est supérieur à 10000 et qui rejettent dans des eaux réceptrices considérées comme des « zones sensibles », au sens de la directive 91/271, les eaux urbaines résiduaires qui entrent dans les systèmes de collecte fassent l’objet, avant d’être rejetées, d’un traitement plus rigoureux qu’un traitement secondaire ou un traitement équivalent, conformément à l’article 5 de ladite directive, et
– les stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires construites pour satisfaire aux exigences des articles 4 à 7 de la directive 91/271, soient conçues, construites, exploitées et entretenues de manière à avoir un rendement suffisant dans toutes les conditions climatiques normales du lieu où elles sont situées et afin que les stations d’épuration soient conçues de manière à tenir compte des variations saisonnières de la charge dans les agglomérations de Pescasseroli (Abruzzes), d’Aviano
Capoluogo, de Cividale del Friuli, de Codroipo/Sedegliano/Flaibano, de Cormons, de Gradisca d’Isonzo, de Grado, de Latisana Capoluogo, de Pordenone/Porcia/Roveredo/Cordenons, de Sacile, d’Udine (Frioul-Vénétie Julienne), de Frosinone (Latium), de Broni, de Calco, de Casteggio, de Melegnano, de Mortara, d’Orzinuovi, de Rozzano, de Trezzano sul Naviglio, de Valle San Martino, de Vigevano (Lombardie), de Pesaro, d’Urbino (Marches), d’Alta Val Susa (Piémont), de Francavilla Fontana, de Trinitapoli
(Pouilles), de Dorgali, de Nuoro, de ZIR Villacidro (Sardaigne), de Castellammare del Golfo I, de Cinisi, de Partinico, de Terrasini, de Trappeto (Sicile), de Courmayeur (Vallée d’Aoste) et de Thiene (Vénétie),
la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 3 et/ou de l’article 4 et/ou de l’article 5 ainsi que de l’article 10 de la directive 91/271.
La procédure précontentieuse et la procédure devant la Cour
10 Afin de contrôler l’exécution de l’arrêt C‑85/13, la Commission a demandé à la République italienne, par lettre du 12 mai 2014, des informations sur les mesures prises à cet effet. Les 15 janvier et 15 octobre 2015 ainsi que le 31 janvier 2017, cette institution a invité cet État membre à fournir des informations actualisées sur les progrès accomplis en matière de mise en conformité des agglomérations visées par ledit arrêt avec celui-ci et a présenté sa propre évaluation de la situation des
agglomérations déclarées conformes par les autorités italiennes.
11 Par lettres des 15 et 25 juillet 2014, des 20 février, 19 mars, 22 septembre et 23 novembre 2015, des 2 mars, 23 septembre et 30 septembre 2016, des 12 janvier, 27 février, 24 mai et 27 juillet 2017 ainsi que du 18 janvier 2018, la République italienne a fourni à la Commission des éléments d’information sur les mesures adoptées et leur mise en œuvre.
12 Estimant que la République italienne ne s’était que partiellement conformée à l’arrêt C‑85/13, la Commission lui a adressé, le 18 mai 2018, une lettre de mise en demeure au titre de l’article 260, paragraphe 2, TFUE, concernant quatorze des agglomérations visées par cet arrêt qui ne répondaient toujours pas aux prescriptions de la directive 91/271, et a invité cet État membre à présenter ses observations dans un délai de deux mois à compter de la réception de cette lettre.
13 Par lettre du 12 juillet 2018, la République italienne a répondu à la lettre de mise en demeure. Par la suite, cet État membre a fait parvenir à la Commission plusieurs communications et notes contenant, notamment, des mises à jour semestrielles de l’état d’exécution de l’arrêt C‑85/13.
14 Considérant, au vu des éléments fournis, que la République italienne n’avait toujours pas complètement exécuté l’arrêt C‑85/13, compte tenu de la situation persistante de non-conformité avec cet arrêt de cinq agglomérations visées par celui-ci, à savoir Castellammare del Golfo I, Cinisi, Terrasini, Trappeto (Sicile) et Courmayeur (Vallée d’Aoste), neuf ans après le prononcé dudit arrêt et plus de vingt ans après l’expiration des délais de mise en conformité prévus aux articles 4 et 5 de la
directive 91/271, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.
Sur le recours
Sur le manquement
Argumentation des parties
15 La Commission reproche à la République italienne de ne pas avoir pris toutes les mesures nécessaires pour se conformer à l’arrêt C‑85/13, dès lors que, à l’expiration du délai fixé dans la lettre de mise en demeure, à savoir le 18 juillet 2018, mais également à la date du 30 juin 2023, date de la dernière mise à jour de l’état d’exécution de cet arrêt que cet État membre a fait parvenir à cette institution, dans les cinq agglomérations visées par le présent recours, à savoir Castellammare del
Golfo I, Cinisi, Terrasini, Trappeto (Sicile) et Courmayeur (Vallée d’Aoste), dont l’EH est supérieur à 10000, les obligations découlant des articles 4, 5 et 10 de la directive 91/271 n’avaient pas encore été respectées.
16 La Commission fait valoir, en premier lieu, qu’il ressort de l’évaluation des réponses fournies par la République italienne à la lettre de mise en demeure que cet État membre n’avait toujours pas pris, à la date pertinente aux fins de la présente procédure, à savoir le 18 juillet 2018, toutes les mesures nécessaires pour s’assurer que, dans quatre des cinq agglomérations visées par ce recours, à savoir Castellammare del Golfo I, Cinisi, Terrasini et Courmayeur, dont l’EH est supérieur à 10000,
les eaux urbaines résiduaires qui pénètrent dans les systèmes de collecte fassent l’objet, avant d’être rejetées, d’un traitement secondaire ou d’un traitement équivalent, conformément à l’article 4 de la directive 91/271. Au demeurant, les autorités italiennes auraient admis au cours de la procédure précontentieuse la persistance de la violation de cet article.
17 La Commission soutient, en deuxième lieu, au vu des réponses fournies par la République italienne à la lettre de mise en demeure, que cet État membre n’avait toujours pas pris, à la date visée au point précédent, toutes les mesures nécessaires pour s’assurer que, dans quatre des cinq agglomérations visées par le présent recours, à savoir Castellammare del Golfo I, Cinisi, Terrasini et Trappeto, dont l’EH est supérieur à 10000 et qui déversent leurs rejets dans des eaux réceptrices qualifiées de
« zones sensibles », les eaux urbaines résiduaires qui pénètrent dans les systèmes de collecte fassent l’objet, avant d’être rejetées, d’un traitement plus rigoureux qu’un traitement secondaire ou équivalent, conformément à l’article 5 de la directive 91/271.
18 S’agissant, plus particulièrement, de l’agglomération de Trappeto, la Commission précise qu’il ressort des réponses de la République italienne à la lettre de mise en demeure et des mises à jour présentées par cet État membre sur l’état d’exécution de l’arrêt C‑85/13 que la situation de cette agglomération n’était, à la date pertinente aux fins de la présente procédure, à savoir le 18 juillet 2018, toujours pas conforme à l’article 5 de la directive 91/271, ce dont les autorités italiennes
conviendraient également dans la dernière mise à jour communiquée en date du 30 juin 2023.
19 La Commission fait observer, dans ce contexte, que les autorités italiennes ont déclaré, dans le cadre de la procédure précontentieuse afférente à la présente affaire, une charge de 7783 EH générée par l’agglomération de Trappeto, inférieure à celle qu’elles avaient précédemment déclarée dans leur réponse à l’avis motivé au titre de l’article 258 TFUE et que la Cour a retenue dans l’arrêt C‑85/13. Elles n’auraient toutefois pas fourni une motivation claire et précise, étayée par des éléments
concrets démontrant la réduction de la charge. À cet égard, les données produites par la République italienne à l’annexe de son mémoire en défense à l’appui de l’existence d’une charge de 8910 EH générée par cette agglomération ne sauraient combler l’absence de preuves pour le passé, mais pourraient seulement prendre effet à compter de la date à laquelle elles ont été produites, à savoir le 18 octobre 2023.
20 Au surplus, dès lors que les eaux résiduaires de l’agglomération de Trappeto sont rejetées dans une zone sensible qui connaît une fréquentation touristique importante et qu’il existe un doute quant à l’interprétation des données fournies par les autorités italiennes, la Commission propose de privilégier une lecture de ces données en ce sens que cette agglomération reste soumise aux obligations découlant de l’article 5 de la directive 91/271. Une telle lecture serait, en effet, la seule conforme à
l’objectif de cette directive, qui vise à protéger l’environnement contre une détérioration due aux rejets des eaux résiduaires.
21 La Commission rappelle, en troisième lieu, qu’une violation de l’article 4 ou de l’article 5 de la directive 91/271 implique nécessairement une violation de l’article 10 de celle‑ci [voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2021, Commission/Italie (Système de collecte et traitement des eaux urbaines résiduaires), C‑668/19, EU:C:2021:815, points 94 à 96]. Or, au vu des réponses fournies par la République italienne à la lettre de mise en demeure et compte tenu de la persistance de la violation, par cet
État membre, des obligations découlant des articles 4 et 5 de cette directive, il conviendrait de constater que ledit État membre n’avait toujours pas pris, à la date pertinente aux fins de la présente procédure, à savoir le 18 juillet 2018, toutes les mesures nécessaires pour s’assurer que, dans les cinq agglomérations visées par le présent recours, à savoir à Castellammare del Golfo I, à Cinisi, Terrasini, à Trappeto et à Courmayeur, les stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires
construites pour satisfaire aux exigences des articles 4 à 7 de ladite directive fussent conçues, construites, exploitées et entretenues de manière à garantir des performances suffisantes dans les conditions climatiques normales du lieu où elles sont situées et afin que les stations d’épuration fussent conçues de manière à tenir compte des variations saisonnières de la charge, ainsi que l’exigerait l’article 10 de la même directive.
22 La Commission en conclut que la République italienne ne s’est pas pleinement conformée à l’arrêt C‑85/13 et, partant, a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 260, paragraphe 2, TFUE.
23 La République italienne, sans contester la situation de fait décrite dans la requête de la Commission, fait état, en premier lieu, des interventions nécessaires en vue de mettre en conformité les agglomérations de Castellammare del Golfo I, de Cinisi et de Terrasini avec les obligations découlant des articles 4, 5 et 10 de la directive 91/271. Ces interventions consisteraient, d’une part, à équiper l’agglomération de Castellammare del Golfo I d’une nouvelle station d’épuration souterraine ainsi
que, d’autre part, à adapter et à renforcer la station d’épuration conjointe de Contrada Ciachea à Carini, aux fins du traitement des eaux résiduaires des agglomérations de Cinisi et de Terrasini. Le calendrier pour l’achèvement des mesures nécessaires à cet effet, présenté dans le mémoire en défense, prévoit la mise en conformité de la situation de l’agglomération de Castellammare del Golfo I avec cette directive au mois de juillet 2027 ainsi que celle de la situation des agglomérations de
Cinisi et de Terrasini au mois de mars 2027.
24 En ce qui concerne, en deuxième lieu, l’agglomération de Trappeto, la République italienne excipe de l’irrecevabilité du grief tiré d’une violation de l’article 5 de la directive 91/271, en raison de variations de la charge intervenues après la date du prononcé de l’arrêt C‑85/13.
25 La République italienne relève, à cet égard, que l’arrêt C‑85/13 et la lettre de mise en demeure du 18 mai 2018 concernaient les seules agglomérations dont l’EH était supérieur à 10000, et donc que le présent litige est, lui aussi, limité à ces agglomérations. Si, dans le cadre de la procédure de constatation de manquement au titre de l’article 258 TFUE, les autorités italiennes ont communiqué à la Commission une charge générée supérieure à 10000 EH pour l’agglomération de Trappeto, le rapport de
l’Assemblea Territoriale Idrica (Assemblée territoriale de l’eau, Italie), joint au mémoire en défense, retiendrait une charge générée de 8910 EH pour cette agglomération, calculée suivant une méthode consistant à exclure l’apport des maisons dites « dispersées » et des « noyaux isolés » du calcul de la charge générée par ladite agglomération. Il s’ensuivrait que la même agglomération, dont la charge générée réelle serait inférieure à 10000 EH, ne serait plus soumise aux obligations découlant de
la directive 91/271 méconnues par les manquements reprochés.
26 La République italienne ajoute que les travaux en vue d’équiper l’agglomération de Trappeto d’une station d’épuration des eaux résiduaires apte à garantir le respect des valeurs limites d’émission fixées aux articles 4 et 5 de la directive 91/271 ont été achevés et que les tests statiques et technico-fonctionnels étaient en cours de réalisation à la date du dépôt de son mémoire en défense. Cet État membre joint à ce mémoire des analyses d’échantillonnage semestriel réalisées entre le mois d’avril
et le mois de septembre 2023 à titre de preuve du bon fonctionnement de cette station d’épuration.
27 En ce qui concerne, en troisième lieu, l’agglomération de Courmayeur, la République italienne précise que celle-ci devrait être réputée conforme « du point de vue physique » avec les obligations découlant des articles 4 et 10 de la directive 91/271 au plus tard à la date du 31 décembre 2023. En outre, cet État membre renvoie aux données qu’il a déjà communiquées à la Commission, le 31 juillet 2020, dans le cadre de la procédure précontentieuse et aux nouvelles données contenues dans son mémoire
en défense afin de démontrer que le défaut de conformité aux obligations découlant de l’article 4 de cette directive porte non pas sur la totalité de la charge générée par ladite agglomération, soit 60000 EH, mais seulement sur 37200 EH, puisque les 22800 EH restants seraient déjà correctement traités par la station d’épuration de La Salle, commune faisant partie de l’agglomération de Courmayeur. Ledit État membre ajoute que, au terme des travaux de réalisation des tronçons d’égouts destinés à
l’acheminement des eaux résiduaires rejetées par la commune de Courmayeur vers la station d’épuration de La Salle, il devra encore faire parvenir à la Commission les attestations certifiant l’achèvement des travaux et l’analyse des rejets, en vue de démontrer le bon fonctionnement de cette station.
28 La Commission considère, dans son mémoire en réplique, en ce qui concerne l’agglomération de Courmayeur, que, premièrement, les données communiquées par la République italienne dans son mémoire en défense ne sont pas suffisamment fiables, compte tenu de la marge d’erreur qu’elles présentent, deuxièmement, ces données ne sauraient influer sur la formule de réduction proposée pour le calcul de l’astreinte journalière car c’est la conformité de l’agglomération dans son ensemble qui est pertinente à
cette fin, et, troisièmement, les autorités italiennes reconnaissent, elles‑mêmes, qu’il s’agit de données à caractère variable et non définitif.
29 La République italienne relève, dans son mémoire en duplique, que de nouvelles mesures ont été adoptées pour accélérer l’exécution de l’arrêt C‑85/13. Cet État membre fait état, à ce titre, du décret‑loi no 181, du 9 décembre 2023, converti par la loi no 11, du 2 février 2024 (GURI no 31, du 7 février 2024), qui complète les compétences du commissaire unique, chargé de cette exécution, pour la mise en œuvre des interventions en matière d’eaux urbaines résiduaires. Les dispositions ainsi adoptées
apporteraient une réponse précise aux principaux obstacles rencontrés par le commissaire unique, qui auraient ralenti l’exécution de ces interventions.
30 Ledit État membre fournit, en outre, des indications supplémentaires relatives à l’évolution prévue de la situation des cinq agglomérations visées par le recours de la Commission.
31 Premièrement, afin d’impulser et d’accélérer la conception et la mise en œuvre des actions nécessaires aux fins de l’exécution de l’arrêt C‑85/13, le commissaire unique aurait appliqué des mesures d’accélération pour les marchés publics non encore attribués, qui devraient permettre, d’une part, d’atteindre la mise en conformité de Castellammare del Golfo I avec la directive 91/271 au mois décembre 2026 et, d’autre part, d’avancer d’environ six mois l’achèvement des travaux projetés pour Cinisi et
Terrasini.
32 Deuxièmement, en ce qui concerne l’agglomération de Trappeto, les travaux d’adaptation et de renforcement de la station d’épuration de celle-ci effectués pour remédier à l’infraction au droit de l’Union auraient été achevés et la gestion de la station d’épuration aurait été remise, le 22 décembre 2023, à AMAP SpA, gestionnaire du service hydrique intégré de l’Ambito Territoriale Ottimale (ATO) di Palermo (Zone territoriale optimale de Palerme, Italie). La République italienne présente, dans son
mémoire en duplique, les résultats des rapports d’essai effectués à la station d’épuration de Trappeto au cours de la période comprise entre le 23 juin et le 15 décembre 2023, dont il ressortirait que cette station d’épuration garantit désormais le respect des limites d’émission fixées par la directive 91/271 pour le déversement des eaux urbaines résiduaires dans des eaux réceptrices considérées comme des zones sensibles.
33 Troisièmement, en ce qui concerne l’agglomération de Courmayeur, des travaux de collecte et de raccordement de cette agglomération auraient été achevés au mois de décembre 2023, permettant de compléter le système de collecte de cette agglomération. Selon les analyses effectuées au mois de janvier 2024, jointes au mémoire en duplique, la station d’épuration de ladite agglomération, qui recevrait désormais toutes les eaux usées de celle-ci, se serait révélée efficace dans le traitement des eaux
provenant des dernières canalisations raccordées et respecterait les limites d’émission fixées par la directive 91/271 pour le déversement des eaux urbaines résiduaires dans les zones sensibles. En conséquence, l’agglomération de Courmayeur serait conforme à cette directive non seulement du point de vue physique, avec l’achèvement et le raccordement des systèmes de collecte à la station d’épuration de La Salle, mais également du point de vue fonctionnel et de l’efficacité du traitement. Par
conséquent, cette agglomération devrait être exclue de l’objet du recours.
Appréciation de la Cour
34 En vertu de l’article 260, paragraphe 2, TFUE, si la Commission estime que l’État membre concerné n’a pas pris les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt de la Cour, elle peut saisir cette dernière, après avoir mis cet État membre en mesure de présenter ses observations, en indiquant le montant de la somme forfaitaire ou de l’astreinte à payer par cet État membre qu’elle estime adapté aux circonstances.
35 En l’occurrence, afin de déterminer si la République italienne a adopté toutes les mesures nécessaires pour se conformer à l’arrêt C‑85/13, il convient de vérifier si cette dernière a pleinement respecté les articles 4 et/ou 5 ainsi que 10 de la directive 91/271.
36 En outre, en ce qui concerne la procédure en manquement au titre de l’article 260, paragraphe 2, TFUE, la date de référence pour apprécier l’existence d’un tel manquement est celle de l’expiration du délai fixé dans la lettre de mise en demeure émise en vertu de cette disposition [voir, en ce sens, arrêt du 13 juin 2024, Commission/Hongrie (Accueil des demandeurs de protection internationale II), C‑123/22, EU:C:2024:493, point 56 et jurisprudence citée].
37 En l’espèce, la Commission ayant envoyé la lettre de mise en demeure le 18 mai 2018, la date de référence pour apprécier l’existence du manquement mentionnée au point précédent du présent arrêt est celle de l’expiration du délai fixé dans cette lettre, à savoir le 18 juillet 2018.
38 En ce qui concerne, en premier lieu, les agglomérations de Castellammare del Golfo I, de Cinisi et de Terrasini, la République italienne reconnaît la persistance du manquement aux articles 4, 5 et 10 de la directive 91/271. Ainsi, dans ses réponses à la lettre de mise en demeure et dans ses mémoires devant la Cour, cet État membre a indiqué que les travaux d’infrastructure nécessaires pour équiper ces agglomérations de systèmes de collecte et de traitement des eaux urbaines résiduaires conformes
aux obligations découlant de ces articles restaient à exécuter à la date du 18 juillet 2018. Selon les derniers éléments présentés par cet État membre dans son mémoire en duplique, la mise en conformité de ces trois agglomérations devrait être achevée avant la fin de l’année 2026.
39 En ce qui concerne, en deuxième lieu, l’agglomération de Trappeto, l’argument de la République italienne relatif à l’irrecevabilité du grief tiré de la persistance du manquement en ce qui concerne la violation de l’article 5 de la directive 91/271, au motif qu’une charge inférieure à 10000 EH aurait dû être retenue pour cette agglomération, ce qui l’aurait dispensée de l’obligation de respecter les exigences prévues à cet article, ne saurait être accueilli.
40 En effet, permettre à un État membre, dans le cadre de la procédure prévue à l’article 260, paragraphe 2, TFUE, de faire valoir, devant la Cour, pour la première fois, un changement de la méthode de calcul de la charge générée par une agglomération visée par l’arrêt ayant constaté le manquement par rapport à celle qui sous‑tendait les constatations de la Cour dans cet arrêt risquerait de porter atteinte au caractère définitif dudit arrêt, qui est revêtu de l’autorité de la chose jugée.
41 Même si un tel argument était admis, les nouveaux éléments invoqués par la République italienne ne permettent pas de démontrer, ni à la date du 18 juillet 2018 ni à une date ultérieure, que la charge générée par l’agglomération de Trappeto serait inférieure à 10000 EH et, partant, que cette agglomération serait dispensée de l’obligation de respecter les exigences prévues à l’article 5 de la directive 91/271.
42 En effet, d’une part, la charge de 7783 EH communiquée par les autorités italiennes à la Commission au cours de la procédure précontentieuse n’a pas été étayée, ce que la République italienne admet dans ses écrits. D’autre part, cet État membre a évoqué dans son mémoire en défense une charge de 8910 EH générée par l’agglomération de Trappeto, ressortant d’un rapport de l’Assemblée territoriale de l’eau et d’une cartographie qui y était jointe. Toutefois, ces nouveaux éléments ont été communiqués
par ledit État membre seulement lors du dépôt de son mémoire en défense, le 23 octobre 2023, et, partant, postérieurement à la date pertinente aux fins de l’appréciation de l’existence du manquement reproché, à savoir le 18 juillet 2018. En outre, ce rapport n’est pas daté et ne précise pas la date à partir de laquelle la réduction de la charge générée par cette agglomération est intervenue. Au demeurant, ledit rapport fait état d’une charge générée par l’agglomération de Trappeto tantôt de
8618 EH, tantôt de 11816 EH. À cet égard, la Commission a soutenu, sans être contredite par la République italienne, que, s’il n’était pas tenu compte du changement de la méthode de calcul, invoqué par celle-ci, la charge générée par ladite agglomération s’élèverait, selon les données fournies par les autorités italiennes, à 11816 EH.
43 De surcroît, il ressort des écrits de la République italienne que ce changement de la méthode de calcul de la charge générée par la même agglomération consiste à exclure de ce calcul l’apport des maisons dispersées et des noyaux isolés, où se concentre une population fluctuante. Or, cet État membre n’a pas fourni d’explications quant aux raisons justifiant ce changement de méthode de calcul de la charge générée par une agglomération telle que Trappeto, qui se situe dans une région touristique, où
des maisons dispersées et des noyaux isolés sont susceptibles d’avoir un impact écologique sensible.
44 Pour le reste, la République italienne n’a ni allégué ni, a fortiori, démontré qu’elle avait remédié, au terme de l’expiration du délai fixé dans la lettre de mise en demeure, à savoir le 18 juillet 2018, aux violations des obligations découlant des articles 5 et 10 de la directive 91/271 constatées dans le dispositif de l’arrêt C‑85/13 en ce qui concerne l’agglomération de Trappeto. À cet égard, il ressort du mémoire en défense de cet État membre que les tests statiques et technico‑fonctionnels
effectués à la suite des travaux d’infrastructure réalisés sur la station d’épuration de Trappeto étaient toujours en cours à la date du dépôt du mémoire en défense, à savoir le 23 octobre 2023. Il ressort, en outre, du mémoire en duplique et de ses annexes que les travaux d’adaptation et de renforcement de cette station d’épuration destinés à remédier aux infractions au droit de l’Union ont été achevés seulement au mois de décembre 2023. Il convient d’ajouter que les rapports d’essai joints à ce
mémoire attestant de la conformité des rejets provenant de cette station d’épuration avec les limites d’émission fixées par l’article 5 de cette directive ont été effectués entre le 23 juin et le 15 décembre 2023. Dès lors, les éléments de preuve relatifs à l’achèvement de ces travaux et les rapports d’essai relatifs à ladite station d’épuration sont postérieurs à la date pertinente aux fins de l’appréciation de l’existence du manquement reproché, à savoir le 18 juillet 2018, si bien qu’ils ne
sauraient être pris en compte à cet effet.
45 Il s’ensuit que la République italienne n’a pas établi que la situation de l’agglomération de Trappeto était conforme aux obligations découlant des articles 5 et 10 de la directive 91/271 à la date d’expiration du délai indiqué dans la lettre de mise en demeure.
46 En ce qui concerne, en troisième lieu, l’agglomération de Courmayeur, la République italienne reconnaît dans son mémoire en défense que la situation de cette agglomération n’était toujours pas conforme aux obligations découlant des articles 4 et 10 de la directive 91/271. Il ressort, à cet égard, de la réponse de cet État membre à la lettre de mise en demeure, du 10 juillet 2018, ainsi que de ses écrits devant la Cour que, si les eaux usées de quatre communes de ladite agglomération, à savoir de
La Salle, de Morgex, de Pré‑Saint Didier et de Thuile, étaient déjà traitées dans la nouvelle station d’épuration de la commune de La Salle, les travaux de collecte pour raccorder Courmayeur, à savoir la cinquième commune de l’agglomération, à cette station d’épuration étaient encore en cours et devaient être terminés au plus tard le 31 décembre 2023. En outre, les attestations certifiant l’achèvement des travaux et l’analyse des rejets, en vue de démontrer le bon fonctionnement de cette station,
n’avaient pas encore été communiquées à la Commission. Il s’ensuit que la République italienne n’a pas établi que la situation de cette agglomération était conforme aux obligations découlant des articles 4 et 10 de la directive 91/271 au terme du délai fixé dans la lettre de mise en demeure, à savoir le 18 juillet 2018.
47 Au demeurant, l’argument de la République italienne selon lequel le défaut de conformité ne porterait que sur une partie de la totalité de la charge générée par l’agglomération de Courmayeur, à savoir 37200 EH sur un total de 60000 EH pour cette agglomération, ne saurait prospérer. Cet argument ne fait que confirmer que le traitement de la totalité des eaux urbaines résiduaires de ladite agglomération n’était pas assuré, à la date pertinente, en violation des obligations découlant des articles 4
et 10 de la directive 91/271.
48 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de constater que, en n’ayant pas pris toutes les mesures pour se conformer à l’arrêt C‑85/13, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 260, paragraphe 1, TFUE.
Sur les sanctions pécuniaires
Argumentation des parties
49 Considérant que la République italienne n’a pas pris toutes les mesures qu’implique l’exécution de l’arrêt C‑85/13, la Commission propose, sur le fondement de l’article 260, paragraphe 2, TFUE, d’infliger à cet État membre le paiement d’une astreinte et d’une somme forfaitaire.
50 En vue de la détermination des montants de ces sanctions pécuniaires, elle se fonde sur la communication de la Commission 2023/C 2/01, intitulée « Sanctions financières dans les procédures d’infraction » (JO 2023, C 2, p. 1, ci‑après la « communication de 2023 »). En particulier, cette institution précise que cette détermination doit se fonder sur les critères fondamentaux que sont la gravité de l’infraction, sa durée et la nécessité d’assurer l’effet dissuasif de la sanction pour éviter les
récidives.
51 En premier lieu, en ce qui concerne la gravité de l’infraction, la Commission propose de fixer le coefficient de gravité à 4, sur une échelle de 1 à 20, compte tenu, d’une part, de l’importance des règles du droit de l’Union ayant été enfreintes et, d’autre part, des conséquences de cette infraction sur des intérêts d’ordre général ou particulier.
52 S’agissant de l’importance de ces règles, la Commission rappelle que la directive 91/271 vise à protéger l’environnement contre les effets néfastes des eaux urbaines résiduaires et des eaux rejetées par certains secteurs industriels, et fixe les exigences en matière de collecte et de traitement des eaux résiduaires en fonction de la taille des agglomérations concernées. Les exigences de cette directive seraient plus strictes lorsque les eaux résiduaires sont rejetées dans des zones qualifiées de
« sensibles », au sens de l’article 5, paragraphe 1, de cette directive, sur la base des critères définis à l’annexe II de celle‑ci.
53 La Commission précise que la présente affaire concerne la violation des obligations de traitement prévues par la directive 91/271, et, en particulier, aux articles 4 et 5 de celle-ci, dont le non‑respect a des effets particulièrement préjudiciables dans les agglomérations qui déversent des eaux résiduaires dans des zones sensibles. Le traitement des eaux urbaines résiduaires italiennes serait fondamental pour maintenir et améliorer la qualité des masses d’eau de surface et des écosystèmes
aquatiques et terrestres qui dépendent directement de ces masses d’eau, ainsi que pour garantir la mise en œuvre des directives pertinentes de l’Union, et, notamment, de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2000, établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau (JO 2000, L 327, p. 1), de la directive (UE) 2020/2184 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2020, relative à la qualité des eaux destinées à la consommation
humaine (JO 2000, L 435, p. 1), et de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JO 1992, L 206, p. 7).
54 La Commission relève, dans sa requête, que, dans la présente affaire, cinq agglomérations visées par l’arrêt C‑85/13, dont la charge totale générée s’élève à 149069 EH et qui déversent des rejets dans des zones sensibles, ne sont pas encore conformes à la directive 91/271. Or, l’absence ou l’insuffisance de systèmes de collecte ou de traitement des eaux urbaines résiduaires sont susceptibles de porter atteinte à l’environnement et doivent être considérées comme particulièrement graves (arrêt du
31 mai 2018, Commission/Italie, C‑251/17, EU:C:2018:358, point 72). En outre, l’importance de l’atteinte à l’environnement serait fonction, dans une large mesure, du nombre d’agglomérations visées par le manquement en cause. Ainsi, un nombre de cinq agglomérations non conformes devrait être considéré comme étant significatif.
55 S’agissant des effets de la non‑exécution de l’arrêt de la Cour sur les intérêts privés et publics, la Commission souligne que l’absence d’exécution complète de l’arrêt C‑85/13 implique, en ce qui concerne les cinq agglomérations non encore conformes à la directive 91/271, des risques importants de pollution pour l’environnement et la santé humaine. Cette institution évoque, en outre, un risque d’incidence négative sur la mise en œuvre d’autres directives de l’Union, et, notamment, celles visées
au point 53 du présent arrêt. L’exécution incomplète de l’arrêt C‑85/13 aurait également une incidence sur la possibilité de disposer de masses d’eau de surface suffisamment propres et sur les activités récréatives et économiques.
56 En outre, la Commission estime qu’il y a lieu de tenir compte de trois circonstances aggravantes.
57 Premièrement, l’obligation que l’État membre était et reste tenu de respecter, à savoir la construction de stations d’épuration adéquates pour le traitement des eaux urbaines résiduaires, serait claire. Les autorités italiennes reconnaîtraient, par ailleurs, l’infraction et auraient communiqué à la Commission, dès le prononcé de l’arrêt C‑85/13, les mesures de construction d’infrastructures prévues pour mettre chaque agglomération concernée en conformité avec cet arrêt.
58 Deuxièmement, cet arrêt s’inscrirait dans une jurisprudence constante portant sur la directive 91/271 et six arrêts auraient déjà été rendus contre la République italienne pour défaut d’application correcte de cette directive. Ainsi, une situation généralisée de non‑respect de ladite directive persisterait depuis des décennies en Italie. La présente procédure serait, par ailleurs, l’une des quatre procédures d’infraction pendantes contre cet État membre, lesquelles porteraient ensemble sur plus
de 800 agglomérations.
59 Troisièmement, les manquements constatés dans les agglomérations en cause dureraient depuis plus de neuf ans après le prononcé de l’arrêt C‑85/13 et depuis plus de 24 ans après l’expiration du délai fixé à l’article 5, paragraphe 2, de la directive 91/271.
60 À titre de circonstances atténuantes, la Commission propose de retenir, premièrement, la coopération de la République italienne tout au long de la présente procédure, et, deuxièmement, le fait qu’un progrès considérable a été accompli dans l’exécution de l’arrêt C‑85/13.
61 En deuxième lieu, en ce qui concerne la durée de l’infraction, la Commission relève que, conformément au point 3.3 de la communication de 2023, le coefficient de durée est exprimé sous la forme d’un multiplicateur compris entre 1 et 3 et est calculé à un taux de 0,10 par mois écoulé à compter de la date du premier arrêt constatant le manquement. En l’espèce, 109 mois se seraient écoulés entre le 10 avril 2014, date du prononcé de l’arrêt C‑85/13, et le 1er juin 2023, date à laquelle la Commission
a décidé de saisir la Cour. Dès lors, cette institution propose de fixer à 3 le coefficient de durée.
62 En troisième lieu, en ce qui concerne la nécessité d’assurer l’effet dissuasif de la sanction en prenant en considération la capacité de paiement de l’État membre concerné, la Commission précise que cet effet dissuasif se reflète dans un facteur « n », qui, pour la République italienne, est fixé à 3,41.
63 En conséquence, d’une part, la Commission propose de calculer la somme forfaitaire sur la base d’un montant journalier s’élevant à 13640 euros, obtenu en multipliant un forfait, au sens du point 4.2 de la communication de 2023, fixé à 1000 euros, par le coefficient de gravité de 4 et le facteur « n » de 3,41. Conformément au point 4.2.1 de cette communication, il conviendrait de multiplier cette somme forfaitaire journalière par le nombre de jours durant lesquels le manquement a persisté. Cette
institution précise que le paiement de la somme forfaitaire ainsi obtenue doit être imposé à la République italienne si cette somme est supérieure à 9548000 euros, montant de la somme forfaitaire minimale fixée pour cet État membre.
64 En outre, conformément au point 2.1 de la communication de 2023, la Commission propose d’adapter le montant de la somme forfaitaire dans la mesure où la situation de certaines agglomérations visées par l’arrêt C‑85/13 deviendrait conforme à cet arrêt en cours de procédure. Cette institution estime qu’il conviendrait alors de diviser le montant de la somme forfaitaire journalière par le nombre total d’EH défaillants afin d’obtenir le coefficient de réduction journalier, à savoir en l’espèce
0,09 euros. Ce coefficient de réduction journalier devrait être déduit du montant de la somme forfaitaire journalière pour chaque unité d’EH des agglomérations dont la situation sera effectivement conforme à la directive 91/271.
65 D’autre part, la Commission propose de fixer le montant de l’astreinte à 122760 euros par jour, obtenu en multipliant le forfait de l’astreinte, fixé au point 1 de l’annexe I de la communication de 2023, s’élevant à 3000 euros par jour, par le coefficient de gravité de 4, le coefficient de durée de 3 ainsi que par le facteur « n » de 3,41.
66 Toutefois, la Commission propose, conformément à la section 2.1 de cette communication, d’appliquer une astreinte journalière dégressive, dont le montant effectif sera calculé tous les six mois, en réduisant le montant total relatif à chacune de ces périodes d’un pourcentage correspondant à la proportion d’EH des agglomérations ayant mis leurs systèmes de collecte et de traitement en conformité avec l’arrêt C‑85/13. Il incomberait à la République italienne de communiquer à cette institution les
éléments de preuve permettant d’établir que la mise en conformité a été réalisée avant la fin de toute période semestrielle.
67 La Commission estime, en outre, que, si cette mise en conformité a lieu progressivement, il conviendra alors, pour calculer la réduction graduelle de l’astreinte journalière, de diviser le montant de l’astreinte journalière par le total des EH générés par les agglomérations qui, à ce jour, ne seraient pas encore en conformité avec l’arrêt C‑85/13.
68 La République italienne, tout en convenant avec la Commission qu’il existe un retard persistant dans l’exécution de l’arrêt C‑85/13, estime, néanmoins, que le montant des sanctions pécuniaires demandé par cette institution est excessif et avance plusieurs arguments pour étayer ce constat.
69 Premièrement, il y aurait lieu de tenir compte de la complexité des interventions matérielles à effectuer, lesquelles impliquent la réalisation d’infrastructures complexes, dont le coût peut être sujet à des variations, ainsi que la nécessité de tester, de mettre en service et de surveiller le fonctionnement des infrastructures réalisées. Aux fins de ces opérations, il serait nécessaire de recourir à des procédures de passation de marchés publics, lesquelles présenteraient un risque élevé de
contentieux.
70 Deuxièmement, il conviendrait de tenir compte de la coopération loyale des autorités italiennes avec la Commission tout au long de la procédure.
71 Troisièmement, la République italienne aurait engagé des ressources économiques et financières considérables pour mettre en œuvre les mesures nécessaires tant afin d’exécuter l’arrêt C‑85/13 que pour résoudre le contentieux qui l’oppose à l’Union européenne dans le domaine des eaux urbaines résiduaires, en général. Cet État membre indique avoir alloué un montant total s’élevant à plus de 3 milliards d’euros à cette fin.
72 Quatrièmement, la République italienne précise avoir nommé un commissaire extraordinaire unique, chargé de l’exécution de l’arrêt C‑85/13, afin d’impulser et d’accélérer la conception et la mise en œuvre des actions nécessaires aux fins de cette exécution.
73 Cinquièmement, il y aurait lieu de tenir compte de l’irrecevabilité du recours de la Commission, en ce qu’il vise l’agglomération de Trappeto, dont l’EH généré ne dépasse pas 10000.
74 Sixièmement, la République italienne précise que, alors que l’arrêt C‑85/13 visait 41 agglomérations, ayant une charge totale de 2281847 EH, la lettre de mise en demeure de la Commission du 18 mai 2018 portait sur 14 agglomérations, ayant une charge totale de 462266 EH, et le recours de cette institution concerne 5 agglomérations, ayant une charge totale de 149069 EH.
75 Septièmement, il conviendrait de tenir compte du progrès significatif réalisé au cours de la présente procédure en vue de réduire tant le nombre total des agglomérations non conformes à la directive 91/271 que le nombre d’EH de celles‑ci. Ainsi, au cours de la période comprise entre l’année 2014 et l’année 2023, le nombre d’agglomérations non conformes aurait diminué de 88 % et le nombre d’EH non conformes aurait été réduit de 94 %. Au surplus, ces chiffres devraient être adaptés pour tenir
compte des arguments exposés aux points 26 et 27 du présent arrêt, s’agissant des agglomérations de Trappeto et de Courmayeur.
76 Huitièmement, la République italienne estime qu’il est inapproprié, pour la Commission, de viser dans son recours d’autres procédures d’infraction ouvertes à son égard dans le domaine des eaux urbaines résiduaires. En tout état de cause, il ressortirait des données relatives aux trois autres procédures d’infraction contre cet État membre que le nombre total de plus de 800 agglomérations non conformes a été progressivement réduit à un nombre total de 622 à la date du dépôt du mémoire en défense.
77 Neuvièmement, s’agissant de la qualité des eaux de baignade, la République italienne considère que le risque de dommage n’est que théorique et purement potentiel. Par ailleurs, les données relatives à la qualité des eaux de baignade dans les zones côtières situées à proximité des agglomérations de Castellammare del Golfo I, de Cinisi, de Terrassini et de Trappeto, telles que complétées et actualisées, présenteraient une image de la qualité des eaux dans ces zones différente de celle ressortant du
recours de la Commission et révéleraient une tendance à l’amélioration.
78 Dixièmement, la République italienne fait valoir que, si les propositions de la Commission étaient suivies, elle risquerait paradoxalement d’être condamnée au versement de sanctions pécuniaires d’un montant sensiblement plus élevé que celles que la Cour lui a imposées dans l’arrêt du 31 mai 2018, Commission/Italie (C‑251/17, EU:C:2018:358), alors même que cet arrêt visait des violations de la directive 91/271 portant sur un nombre plus important d’agglomérations et totalisant un EH plus élevé que
dans la présente affaire.
79 En conséquence, la République italienne demande que le coefficient de gravité soit fixé à un niveau inférieur à celui proposé par la Commission.
80 S’agissant de la demande de la Commission visant à l’application cumulative d’une somme forfaitaire et d’une astreinte, la République italienne fait valoir que, lorsqu’il est certain ou raisonnablement probable que l’État membre concerné ne sera pas en mesure d’exécuter l’arrêt constatant le manquement car le calendrier présenté par les autorités nationales destiné à assurer l’exécution complète de cet arrêt excède la durée de la procédure, la condition préalable à l’imposition de la somme
forfaitaire, à savoir la possibilité objective pour l’État membre défaillant de se mettre en conformité en temps voulu, ferait défaut. Dès lors, dans un tel cas, l’imposition d’une somme forfaitaire devrait être évitée, la fonction dissuasive étant déjà pleinement remplie par la seule astreinte.
81 Tel serait précisément le cas dans la présente affaire, dans laquelle il serait matériellement impossible à la République italienne d’assurer l’ensemble des opérations en vue d’exécuter l’arrêt C‑85/13 avant la clôture de la procédure au titre de l’article 260, paragraphe 2, TFUE devant la Cour. Partant, cet État membre demande, à titre principal, l’imposition d’une astreinte, à l’exclusion d’une somme forfaitaire, dans le cadre de cette affaire.
82 À titre subsidiaire, la République italienne demande à être uniquement condamnée au paiement d’une somme forfaitaire, qui suffirait pour sanctionner l’inexécution des obligations qui lui incombent en vertu du droit de l’Union. En effet, l’imposition d’une somme forfaitaire d’un montant important en sus d’une astreinte serait disproportionnée et risquerait de produire un effet contraire à celui recherché, en compliquant l’exécution de l’arrêt C‑85/13 en raison des graves conséquences financières
préjudiciables qu’elle entraînerait.
83 À titre encore plus subsidiaire, la République italienne demande que l’obligation de paiement d’une astreinte ne prenne effet qu’à compter du terme des échéanciers prévus. En effet, la fixation du délai de référence aux fins de l’application de l’astreinte relèverait de l’appréciation souveraine de la Cour.
84 Dans son mémoire en duplique, la République italienne ajoute que, à la date du dépôt de ce mémoire, seules trois agglomérations ayant une charge totale de 78069 EH n’étaient toujours pas conformes à l’arrêt C‑85/13. Ainsi, depuis le prononcé de cet arrêt, le nombre d’agglomérations non conformes aurait diminué de 93 %, ce qui représenterait une réduction de 96,6 % de la charge non conforme générée.
Appréciation de la Cour
85 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que la procédure prévue à l’article 260, paragraphe 2, TFUE a pour objectif d’inciter un État membre défaillant à exécuter un arrêt en manquement et, partant, d’assurer l’application effective du droit de l’Union, et que les mesures prévues à cette disposition, à savoir l’astreinte et la somme forfaitaire, visent toutes deux ce même objectif [arrêt du 13 juin 2024, Commission/Hongrie (Accueil des demandeurs de protection internationale II), C‑123/22,
EU:C:2024:493, point 96 et jurisprudence citée].
86 Selon une jurisprudence constante, l’application d’une astreinte et d’une somme forfaitaire dépend de l’aptitude de chacune à remplir l’objectif poursuivi en fonction des circonstances de l’espèce et, dans ces conditions, il n’est pas exclu de recourir aux deux types de sanctions prévues (arrêt du 17 septembre 2015, Commission/Italie, C‑367/14, EU:C:2015:611, point 114 et jurisprudence citée).
87 Si l’imposition d’une astreinte semble particulièrement adaptée pour inciter un État membre à mettre fin, dans les plus brefs délais, à un manquement qui, en l’absence d’une telle mesure, aurait tendance à persister, l’imposition d’une somme forfaitaire repose davantage sur l’appréciation des conséquences du défaut d’exécution des obligations de l’État membre concerné sur les intérêts privés et publics, notamment lorsque le manquement a persisté pendant une longue période depuis l’arrêt qui l’a
initialement constaté (arrêt du 17 septembre 2015, Commission/Italie, C‑367/14, EU:C:2015:611, point 115 et jurisprudence citée).
88 Il appartient à la Cour, dans chaque affaire et en fonction des circonstances de l’espèce dont elle se trouve saisie ainsi que du niveau de persuasion et de dissuasion qui lui paraît requis, d’arrêter les sanctions pécuniaires appropriées, notamment pour prévenir la répétition d’infractions analogues au droit de l’Union [arrêt du 13 juin 2024, Commission/Hongrie (Accueil des demandeurs de protection internationale II), C‑123/22, EU:C:2024:493, point 97 et jurisprudence citée].
89 Ainsi, les propositions de la Commission ne sauraient lier la Cour et ne constituent qu’une base de référence utile. De même, des lignes directrices telles que celles contenues dans les communications de la Commission ne lient pas la Cour, mais contribuent à garantir la transparence, la prévisibilité et la sécurité juridique de l’action menée par cette institution [arrêt du 12 mars 2020, Commission/Italie (Aides illégales au secteur hôtelier en Sardaigne), C‑576/18, EU:C:2020:202, point 136 et
jurisprudence citée].
– Sur la possibilité du cumul d’une astreinte et d’une somme forfaitaire
90 Selon une jurisprudence constante, la Cour est habilitée, dans l’exercice du pouvoir d’appréciation qui lui est conféré dans le domaine considéré, à imposer, de façon cumulative, une astreinte et une somme forfaitaire (arrêt du 17 septembre 2015, Commission/Italie, C‑367/14, EU:C:2015:611, point 116 et jurisprudence citée), et cela notamment lorsque le manquement, à la fois, a perduré sur une longue période et tendait à persister (voir arrêt du 12 juillet 2005, Commission/France, C‑304/02,
EU:C:2005:444, point 82).
91 Or, au vu des éléments ressortant des points 38, 44, 46 du présent arrêt, il y a lieu de constater que les mêmes circonstances que celles mentionnées dans la jurisprudence citée au point précédent du présent arrêt caractérisent le manquement en cause dans la présente affaire. Dès lors, la République italienne ne saurait utilement contester l’application cumulative, à son égard, des deux sanctions pécuniaires.
– Sur la somme forfaitaire
92 Selon la jurisprudence de la Cour, la condamnation au paiement d’une somme forfaitaire et la fixation du montant éventuel de cette somme doivent, dans chaque cas d’espèce, demeurer fonction de l’ensemble des éléments pertinents ayant trait tant aux caractéristiques du manquement constaté qu’à l’attitude propre à l’État membre concerné par la procédure engagée sur le fondement de l’article 260 TFUE. À cet égard, cet article investit la Cour d’un large pouvoir d’appréciation afin de décider de
l’infliction ou non d’une telle sanction et de déterminer, le cas échéant, son montant [arrêt du 13 juin 2024, Commission/Hongrie (Accueil des demandeurs de protection internationale II), C‑123/22, EU:C:2024:493, point 98 et jurisprudence citée].
93 Dans la présente affaire, l’ensemble des éléments juridiques et factuels ayant amené la Cour à constater, par l’arrêt C‑85/13, le manquement reproché ainsi que les circonstances que quatre procédures d’infraction sont en cours contre la République italienne dans le domaine du traitement des eaux urbaines résiduaires usées, portant sur un nombre total de plus de 800 agglomérations, et que cet État membre a déjà fait l’objet de plusieurs arrêts constatant un manquement dans ce secteur spécifique de
l’action de l’Union, à savoir l’arrêt du 31 mai 2018, Commission/Italie (C‑251/17, EU:C:2018:358), et ceux visés au point 98 de cet arrêt, constituent un indicateur du fait que la prévention effective de la répétition future d’infractions analogues au droit de l’Union rend nécessaire l’adoption d’une mesure dissuasive telle que l’imposition d’une somme forfaitaire.
94 Il appartient à la Cour, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, de fixer le montant de cette somme forfaitaire de sorte qu’elle soit, d’une part, adaptée aux circonstances et, d’autre part, proportionnée à l’infraction commise. Figurent au rang des facteurs pertinents à cet égard des éléments tels que la gravité et la durée de l’infraction ainsi que la capacité de paiement de l’État membre concerné [arrêt du 13 juin 2024, Commission/Hongrie (Accueil des demandeurs de protection
internationale II), C‑123/22, EU:C:2024:493, points 100 et 101 ainsi que jurisprudence citée].
95 En ce qui concerne, en premier lieu, la gravité de l’infraction, d’une part, ainsi qu’il ressort de son article 1er, second alinéa, la directive 91/271 a pour objet de protéger l’environnement contre une détérioration due aux rejets des eaux résiduaires. Or, l’absence ou l’insuffisance de systèmes de collecte ou de traitement des eaux urbaines résiduaires sont susceptibles de porter atteinte à l’environnement et doivent être considérées comme particulièrement graves. D’autre part, l’importance de
l’atteinte à l’environnement est fonction, dans une large mesure, du nombre d’agglomérations visées par le manquement reproché (arrêt du 31 mai 2018, Commission/Italie, C‑251/17, EU:C:2018:358, points 72 et 73 ainsi que jurisprudence citée).
96 En l’espèce, s’agissant, premièrement, des agglomérations de Castellammare del Golfo I, de Cinisi et de Terrasini, il est constant que les obligations découlant des articles 4, 5 et 10 de la directive 91/271, telles que constatées dans l’arrêt C‑85/13, n’avaient toujours pas été respectées à la date de l’audience devant la Cour dans la présente affaire, à savoir le 13 novembre 2024.
97 S’agissant, deuxièmement, de l’agglomération de Trappeto, il convient de relever, ainsi qu’il ressort du point 32 du présent arrêt, que les travaux concernant la station d’épuration de cette agglomération ont été achevés et la gestion de cette station a été remise, le 22 décembre 2023, à AMAP, gestionnaire du service hydrique intégré de l’ATO de Palerme. En outre, la preuve attestant du respect des limites d’émission fixées par la directive 91/271, pour la période comprise entre le 23 juin et le
15 décembre 2023, a été rapportée dans le mémoire en duplique.
98 Dans ces conditions, il y a lieu de considérer, ainsi qu’en a également convenu la Commission lors de l’audience, que la République italienne a, à la date du 15 décembre 2023, pris toutes les mesures nécessaires pour mettre en conformité l’agglomération de Trappeto avec les obligations découlant des articles 4, 5 et 10 de la directive 91/271, telles que constatées dans l’arrêt C‑85/13.
99 S’agissant, troisièmement, de l’agglomération de Courmayeur, ainsi qu’il ressort du point 33 du présent arrêt, la République italienne a allégué, dans son mémoire en duplique, que la situation de cette agglomération était conforme à la directive 91/271 non seulement du point de vue physique, avec l’achèvement et le raccordement des systèmes de collecte à la station d’épuration de La Salle, mais également du point de vue fonctionnel et de l’efficacité du traitement. En outre, cet État membre s’est
appuyé, lors de l’audience, sur de nouvelles analyses communiquées à la Commission, qui confirmeraient le respect des limites d’émission fixées par cette directive.
100 Cela étant, la Commission a contesté, lors de cette audience, que la République italienne aurait rapporté la preuve de la conformité de la situation de l’agglomération de Courmayeur avec les prescriptions de cette directive. Cette institution a, en effet, relevé, sans être contredite par cet État membre, que, d’une part, les nouveaux éléments présentés par celui-ci concernaient seulement une fraction de cette agglomération et n’établissaient ainsi pas la conformité de ladite agglomération, dans
son ensemble, à ladite directive, et, d’autre part, le rapport d’acceptation de la seconde partie des travaux de construction et de raccordement des systèmes de collecte à cette station, le certificat d’acceptation de l’installation en résultant et le certificat de fonctionnement de ladite station n’avaient pas été communiqués.
101 Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la République italienne n’a pas établi, à la date de l’audience, qu’elle avait pris toutes les mesures nécessaires pour mettre en conformité l’agglomération de Courmayeur avec les obligations découlant des articles 4 et 10 de la directive 91/271, telles que constatées dans l’arrêt C‑85/13.
102 Il s’ensuit que le nombre d’agglomérations qui n’étaient, à cette date, pas conformes à la directive 91/271, soit 4, a été significativement réduit par rapport au nombre total d’agglomérations ayant fait l’objet de l’arrêt C‑85/13, soit 41, et, corrélativement, l’atteinte à l’environnement a diminué par rapport à celle résultant du manquement initial constaté dans cet arrêt (voir, en ce sens, arrêt du 22 juin 2016, Commission/Portugal, C‑557/14, EU:C:2016:471, point 75). Partant, la République
italienne a considérablement réduit l’atteinte à l’environnement découlant de l’infraction constatée par l’arrêt C‑85/13.
103 Il n’en demeure pas moins qu’une atteinte, certes moins importante, à l’environnement persiste. Cette atteinte est d’autant plus grave que l’ensemble des quatre agglomérations non conformes déversent leurs rejets d’eau dans des eaux réceptrices considérées comme des zones sensibles. En classant les territoires concernés comme « zones sensibles », conformément à l’article 5, paragraphe 1, de la directive 91/271 et à l’annexe II de celle-ci, la République italienne a, en effet, reconnu la
nécessité d’une protection environnementale accrue de ces territoires. Or, l’absence de traitement des eaux urbaines résiduaires constitue une atteinte à l’environnement (voir, en ce sens, arrêt du 17 octobre 2013, Commission/Belgique, C‑533/11, EU:C:2013:659, point 55).
104 Au regard des risques que, eu égard à la jurisprudence visée au point 95 du présent arrêt, l’infraction en cause comporte pour les intérêts publics importants en cause, liés à la protection de l’environnement, ni la complexité des interventions matérielles à effectuer ni le fait, à supposer qu’il soit avéré, que le risque de dommage à la qualité de l’eau de baignade dans les zones côtières concernées serait théorique et purement potentiel ou que la qualité de cette eau présenterait, en tout état
de cause, une tendance à l’amélioration ne sauraient conduire à une appréciation moins sévère de la gravité de cette infraction.
105 Pour autant, il y a lieu de tenir compte, en tant que circonstance atténuante, premièrement, de la coopération de la République italienne avec les services de la Commission tout au long de la procédure, deuxièmement, du progrès que cet État membre a accompli dans l’exécution de l’arrêt C‑85/13, troisièmement, des efforts d’investissements importants que ledit État membre a engagés pour exécuter cet arrêt et, quatrièmement, de la nomination d’un commissaire extraordinaire unique à cette fin.
106 En ce qui concerne, en deuxième lieu, la durée de l’infraction, il convient de prendre en compte la période comprise entre le prononcé de l’arrêt constatant le premier manquement et le moment auquel la Cour apprécie les faits [voir, en ce sens, arrêt du 13 juin 2024, Commission/Hongrie (Accueil des demandeurs de protection internationale II), C‑123/22, EU:C:2024:493, point 126 et jurisprudence citée].
107 En l’espèce, l’inexécution de l’arrêt C‑85/13 perdurait, à la date à laquelle la Cour apprécie les faits, depuis environ onze ans, ce qui constitue une durée excessive, même s’il doit être tenu compte de la période significative de plusieurs années que les travaux d’infrastructure requis nécessitaient.
108 En ce qui concerne, en troisième lieu, la capacité de paiement de l’État membre concerné, la Commission a proposé, conformément aux points 3.4 et 4.2 de la communication de 2023, de prendre en compte le produit intérieur brut (PIB) de cet État membre par rapport à la moyenne des PIB des États membres pour deux tiers du calcul ainsi que la population de celui-ci par rapport à la moyenne de la population des États membres, en tant que critère démographique, pour un tiers du calcul.
109 À cet égard, il ressort de la jurisprudence récente de la Cour que la détermination de la capacité de paiement de l’État membre concerné ne saurait inclure dans la méthode de calcul du facteur « n », représentant la capacité de paiement de l’État membre concerné par rapport à la capacité de paiement des autres États membres, la prise en compte d’un critère démographique selon les modalités prévues aux points 3.4 et 4.2 de la communication de 2023 [arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne
(Directive lanceurs d’alerte), C‑147/23, EU:C:2024:346, point 86].
110 Ainsi, en vue de déterminer la capacité de paiement de la République italienne, il convient de s’appuyer sur le PIB de celle-ci, en tant que facteur prédominant, et de prendre en compte l’évolution récente de ce PIB, telle qu’elle se présente à la date de l’examen des faits par la Cour [voir, en ce sens, arrêt du 13 juin 2024, Commission/Hongrie (Accueil des demandeurs de protection internationale II), C‑123/22, EU:C:2024:493, point 131 et jurisprudence citée].
111 Eu égard aux considérations qui précèdent et à défaut de détermination par la Commission d’un critère valide pour le calcul du facteur « n », établissant la capacité de paiement de la République italienne, c’est en tenant compte de la moyenne du PIB de cet État membre calculée sur les trois dernières années qu’il convient de fixer le montant de la somme forfaitaire. La Cour estime qu’il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en fixant à 10 millions d’euros le montant de
la somme forfaitaire à infliger audit État membre.
– Sur l’astreinte
112 Selon une jurisprudence constante de la Cour, l’infliction d’une astreinte ne se justifie, en principe, que pour autant que perdure le manquement tiré de l’inexécution d’un précédent arrêt jusqu’à l’examen des faits par la Cour [arrêt du 13 juin 2024, Commission/Hongrie (Accueil des demandeurs de protection internationale II), C‑123/22, EU:C:2024:493, point 135 et jurisprudence citée].
113 En l’espèce, ainsi qu’il ressort des points 96 à 102 du présent arrêt, à la date de l’audience, les mesures nécessaires à l’exécution de l’arrêt C‑85/13 n’avaient pas encore été intégralement adoptées.
114 Dans ces conditions, la condamnation de la République italienne au paiement d’une astreinte constitue un moyen financier approprié afin d’inciter cet État membre à prendre les mesures nécessaires pour mettre fin au manquement constaté et pour assurer l’exécution complète de l’arrêt C‑85/13.
115 À cet égard, il est de jurisprudence constante que cette astreinte doit être arrêtée en fonction du degré de persuasion nécessaire pour que l’État membre concerné modifie son comportement et mette fin au comportement incriminé [arrêt du 13 juin 2024, Commission/Hongrie (Accueil des demandeurs de protection internationale II), C‑123/22, EU:C:2024:493, point 138 et jurisprudence citée].
116 Dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation en la matière, il incombe à la Cour de fixer ladite astreinte de telle sorte que celle-ci soit, d’une part, adaptée aux circonstances et, d’autre part, proportionnée au manquement constaté ainsi qu’à la capacité de paiement de l’État membre concerné [arrêt du 13 juin 2024, Commission/Hongrie (Accueil des demandeurs de protection internationale II), C‑123/22, EU:C:2024:493, point 139 et jurisprudence citée].
117 Aux fins de la fixation du montant d’une astreinte, les critères de base qui doivent être pris en considération pour assurer la nature coercitive de cette dernière, en vue d’une application uniforme et effective du droit de l’Union, sont, en principe, la gravité des infractions, leur durée et la capacité de paiement de l’État membre en cause. Pour l’application de ces critères, il y a lieu de tenir compte, en particulier, des conséquences du défaut d’exécution des obligations de l’État membre
concerné sur les intérêts privés et publics ainsi que de l’urgence à ce que l’État membre concerné se conforme à ses obligations [arrêt du 13 juin 2024, Commission/Hongrie (Accueil des demandeurs de protection internationale II), C‑123/22, EU:C:2024:493, point 141 et jurisprudence citée].
118 En ce qui concerne ces facteurs, les circonstances devant être prises en compte ressortent notamment des motifs figurant aux points 96 à 110 du présent arrêt, relatifs à la gravité et à la durée de l’infraction en cause ainsi qu’à la capacité de paiement de la République italienne.
119 Il convient, en outre, de prendre en compte, en tant que circonstance aggravante, la circonstance que l’exécution complète de l’arrêt C‑85/13 ne devrait intervenir, selon les dernières indications fournies par la République italienne dans son mémoire en duplique, qu’en 2026, ce qui équivaut à un retard compris entre 26 et 28 années par rapport à la date à laquelle les États membres devaient assurer le respect des articles 4 et/ou 5 ainsi que 10 de la directive 91/271.
120 En outre, la Commission a proposé à la Cour de réduire progressivement l’astreinte en fonction des progrès réalisés dans l’exécution de l’arrêt C‑85/13.
121 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, même si, pour garantir l’exécution complète de l’arrêt de la Cour, l’astreinte doit être exigée dans son intégralité jusqu’à ce que l’État membre ait pris toutes les mesures nécessaires pour mettre fin au manquement constaté, dans certains cas spécifiques, toutefois, une sanction qui tient compte des progrès éventuellement réalisés par l’État membre dans l’exécution de ses obligations peut être envisagée (arrêt du 31 mai 2018, Commission/Italie,
C‑251/17, EU:C:2018:358, point 83 et jurisprudence citée).
122 En l’espèce, il y a lieu de constater que, à la suite de la mise en conformité de la situation de l’agglomération de Trappeto avec les obligations découlant de la directive 91/271, le nombre d’EH des agglomérations ne disposant pas de systèmes de collecte et de traitement des eaux résiduaires urbaines conformes aux dispositions pertinentes de cette directive s’élevait, à la date de l’audience, à 137253.
123 Compte tenu de l’ensemble des circonstances de la présente affaire, la Cour considère comme appropriée l’imposition d’une astreinte dégressive d’un montant de 75000 euros par jour.
124 En ce qui concerne la périodicité de l’astreinte, la composante dégressive de celle-ci est fixée, conformément à la proposition de la Commission, sur une base semestrielle, étant donné que l’établissement et l’analyse de la preuve de la conformité de la situation des agglomérations en cause à la directive 91/271 peuvent exiger un certain délai et afin de tenir compte des progrès éventuellement réalisés par la République italienne. Ainsi, il conviendra de réduire le montant total relatif à
chacune de ces périodes d’un pourcentage correspondant à la proportion représentant le nombre d’EH des agglomérations dont les systèmes de collecte et de traitement des eaux urbaines résiduaires ont été mis en conformité avec l’arrêt C‑85/13 (voir, en ce sens, arrêt du 31 mai 2018, Commission/Italie, C‑251/17, EU:C:2018:358, point 87 et jurisprudence citée).
125 Il convient donc de condamner la République italienne à payer à la Commission une astreinte de 13687500 euros par semestre de retard dans la mise en œuvre des mesures nécessaires pour se conformer à l’arrêt C‑85/13, à compter de la date du prononcé du présent arrêt et jusqu’à l’exécution complète de l’arrêt C‑85/13, dont le montant effectif doit être calculé à la fin de chaque période de six mois en réduisant le montant total relatif à chacune de ces périodes d’un pourcentage correspondant à la
proportion représentant le nombre d’EH des agglomérations dont les systèmes de collecte et de traitement des eaux urbaines résiduaires ont été mis en conformité avec l’arrêt C‑85/13, à la fin de la période considérée par rapport au nombre d’EH des agglomérations ne disposant pas de tels systèmes au jour du prononcé du présent arrêt.
Sur les dépens
126 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République italienne et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.
Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) déclare et arrête :
1) En n’ayant pas pris l’ensemble des mesures nécessaires que comporte l’exécution de l’arrêt du 10 avril 2014, Commission/Italie (C‑85/13, EU:C:2014:251), la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 260, paragraphe 1, TFUE.
2) La République italienne est condamnée à payer à la Commission européenne une somme forfaitaire de 10 millions d’euros.
3) Dans le cas où le manquement constaté au point 1 persiste au jour du prononcé du présent arrêt, la République italienne est condamnée à payer à la Commission européenne une astreinte de 13687500 euros par semestre de retard dans la mise en œuvre des mesures nécessaires pour se conformer à l’arrêt du 10 avril 2014, Commission/Italie (C‑85/13, EU:C:2014:251), à compter de la date du prononcé du présent arrêt et jusqu’à l’exécution complète de l’arrêt du 10 avril 2014, Commission/Italie (C‑85/13,
EU:C:2014:251), dont le montant effectif doit être calculé à la fin de chaque période de six mois en réduisant le montant total relatif à chacune de ces périodes d’un pourcentage correspondant à la proportion représentant le nombre d’équivalents habitants des agglomérations dont les systèmes de collecte et de traitement des eaux urbaines résiduaires ont été mis en conformité avec l’arrêt du 10 avril 2014, Commission/Italie (C‑85/13, EU:C:2014:251), à la fin de la période considérée, par rapport
au nombre d’équivalents habitants des agglomérations ne disposant pas de tels systèmes au jour du prononcé du présent arrêt.
4) La République italienne est condamnée aux dépens.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : l’italien.