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13/03/2025 | CJUE | N°C-230/24

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, MF contre Banco Santander SA., 13/03/2025, C-230/24


 ARRÊT DE LA COUR (neuvième chambre)

13 mars 2025 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Protection des consommateurs – Directive 93/13/CEE – Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Article 6, paragraphe 1, et article 7, paragraphe 1– Principe d’équivalence – Contrats de prêt hypothécaire – Clause prévoyant le paiement des frais liés au contrat à la charge du consommateur – Action en nullité – Délai de prescription de l’action tendant à la restitution des sommes indûment payées – Actions tendant respectiveme

nt à faire constater la
nullité d’une clause contractuelle et à faire valoir les effets restitutifs d’un...

 ARRÊT DE LA COUR (neuvième chambre)

13 mars 2025 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Protection des consommateurs – Directive 93/13/CEE – Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Article 6, paragraphe 1, et article 7, paragraphe 1– Principe d’équivalence – Contrats de prêt hypothécaire – Clause prévoyant le paiement des frais liés au contrat à la charge du consommateur – Action en nullité – Délai de prescription de l’action tendant à la restitution des sommes indûment payées – Actions tendant respectivement à faire constater la
nullité d’une clause contractuelle et à faire valoir les effets restitutifs d’un tel constat soumises à des délais de prescription différents »

Dans l’affaire C‑230/24,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Juzgado de Primera Instancia no 8 de La Coruña (tribunal de première instance no 8 de La Corogne, Espagne), par décision du 12 mars 2024, parvenue à la Cour le 26 mars 2024, dans la procédure

MF

contre

Banco Santander SA,

LA COUR (neuvième chambre),

composée de M. N. Jääskinen, président de chambre, M. M. Condinanzi et Mme R. Frendo (rapporteure), juges,

avocat général : M. D. Spielmann,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour Banco Santander SA, par Mes G. Fernández-Bravo, C. García Vega et J. Rodríguez Cárcamo, abogados,

– pour le gouvernement espagnol, par Mme A. Pérez-Zurita Gutiérrez, en qualité d’agent,

– pour la Commission européenne, par Mme I. Galindo Martín et M. P. Kienapfel, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation du principe d’équivalence, de l’article 6, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant MF, une consommatrice, à Banco Santander SA au sujet de la demande visant à faire déclarer la nullité d’une clause d’un contrat de prêt en raison de son caractère abusif.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 dispose :

« Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, [...] »

4 L’article 7, paragraphe 1, de cette directive prévoit :

« Les États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel. »

Le droit espagnol

La loi générale relative à la protection des consommateurs et des usagers

5 Le Real Decreto Legislativo 1/2007, por el que se aprueba el texto refundido de la Ley General para la Defensa de los Consumidores y Usuarios y otras leyes complementarias (décret royal législatif 1/2007, portant refonte de la loi générale relative à la protection des consommateurs et des usagers et d’autres lois complémentaires), du 16 novembre 2007 (BOE no 287, du 30 novembre 2007, p. 49181), a promulgué la refonte de la cette loi, laquelle a été modifiée par la loi 5/2019 (ci-après la « loi
générale relative à la protection des consommateurs et des usagers »).

6 L’article 82, intitulé « Notion de clauses abusives », dispose :

« 1.   Sont considérées comme abusives toutes les clauses n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle ainsi que toutes les pratiques qui ne résultent pas d’un accord exprès et qui, en dépit de l’exigence de bonne foi, créent au détriment du consommateur et de l’usager un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.

[...]

3.   Le caractère abusif d’une clause est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou des services qui font l’objet du contrat et en se référant à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend.

[...] »

7 Aux termes de l’article 83 de la loi générale relative à la protection des consommateurs et des usagers, intitulé « Nullité des clauses abusives et subsistance du contrat » :

« Les clauses abusives sont nulles de plein droit et sont réputées non écrites. À ces fins, après avoir entendu les parties, le juge constate la nullité des clauses abusives figurant dans le contrat, celui-ci restant néanmoins contraignant pour les parties selon les mêmes termes s’il peut subsister sans les clauses abusives.

[...] »

Le code civil

8 L’article 6, paragraphe 3, du Código Civil (code civil) est libellé comme suit :

« Toute action contraire à une norme impérative ou à une interdiction légale est nulle de plein droit, à moins que celles-ci ne sanctionnent différemment leur violation. »

9 L’article 1303 du code civil prévoit :

« Lorsqu’une obligation est déclarée nulle, les parties doivent se restituer réciproquement les choses ayant fait l’objet du contrat et leurs fruits, ou le prix majoré des intérêts [...] »

10 À la date de la signature du contrat de prêt hypothécaire faisant l’objet du litige au principal, l’article 1964 de ce code disposait :

« Le délai de prescription pour les actions hypothécaires est de vingt ans, les actions personnelles qui n’ont pas de délai de prescription spécial se prescrivent par quinze ans. »

11 Au cours de l’exécution du contrat, cet article 1964 a été modifié par la Ley 42/2015 de reforma de la Ley 1/2000 de Enjuiciamiento Civil (loi 42/2015, portant réforme de la loi de procédure civile 1/2000), du 5 octobre 2015 (BOE no 239, du 6 octobre 2015, p. 90240). À la suite de cette modification, cette disposition se lit comme suit :

« 1.   L’action hypothécaire se prescrit par vingt ans.

2.   Les actions personnelles non soumises à un délai particulier se prescrivent par cinq ans à compter du jour où l’obligation est réputée applicable. Pour les obligations continues de faire ou de ne pas faire, le délai débute à chaque manquement à ces obligations. »

Le litige au principal et la question préjudicielle

12 Le 19 janvier 2009, MF a conclu avec Banco Santander un contrat de prêt hypothécaire. Une clause de ce contrat faisait supporter à MF, en tant qu’emprunteur, tous les frais afférents à la conclusion de celui-ci, tels que les coûts préparatoires de la transaction ainsi que les frais et taxes occasionnés par la constitution d’hypothèque, son inscription au registre foncier, les frais de gestion ainsi que les frais liés à la modification ou à l’annulation dudit contrat (ci-après la « clause relative
aux frais »).

13 Le 27 février 2023, MF a introduit une action devant le Juzgado de Primera Instancia no 8 de La Coruña (tribunal de première instance no 8 de La Corogne, Espagne), qui est la juridiction de renvoi, tendant à faire constater la nullité de la clause relative aux frais, en raison de son caractère abusif. Par cette action, MF demande également la restitution d’une somme correspondant à la moitié des honoraires de notaire et à la totalité des frais liés à l’inscription au registre foncier, augmentée
des intérêts légaux.

14 Banco Santander soutient que l’action tendant à la restitution de cette somme est prescrite. En effet, si, au moment de la signature du contrat de prêt hypothécaire, l’article 1964 du code civil prévoyait qu’une telle action se prescrivait par quinze ans, ce délai a été modifié par la loi no 42/2015 et réduit à cinq ans.

15 La juridiction de renvoi nourrit des doutes quant à la possibilité, à la lumière du principe d’équivalence, de traiter différemment, d’une part, une demande tendant à faire constater la nullité d’une clause prétendument abusive et, d’autre part, une demande fondée sur les effets restitutifs d’un tel constat, telle que celle dont elle est saisie.

16 En effet, il n’existerait, dans l’ordre juridique espagnol, aucune règle de droit ni de jurisprudence qui permettrait que le délai de prescription de l’action tendant à faire constater la nullité d’une clause contractuelle soit différent de celui qui s’applique à l’action fondée sur les effets d’un tel constat.

17 Dans ces circonstances, le Juzgado de Primera Instancia no 8 de La Coruña (tribunal de première instance no 8 de La Corogne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Le principe d’équivalence et la directive [93/13] s’opposent-ils à la possibilité de dissocier la nullité pour cause de caractère abusif et les effets restitutifs qui découlent de cette nullité, en prévoyant simultanément que l’action en nullité est imprescriptible et que l’action en restitution ne l’est pas, alors que l’ordre juridique interne espagnol ne prévoit aucune règle et ne comprend aucune jurisprudence qui applique une telle dissociation à d’autres rapports de droit ? »

Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

18 Banco Santander conteste la recevabilité de la demande de décision préjudicielle au motif qu’elle n’identifie pas précisément la prétendue règle nationale qui s’appliquerait plus favorablement aux actions fondées sur la violation du droit interne qu’à celles fondées sur la violation du droit de l’Union. Ainsi, la Cour ne disposerait pas des éléments de droit espagnol nécessaires pour vérifier si le principe d’équivalence est respecté.

19 Selon une jurisprudence constante de la Cour, il appartient au seul juge national qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour, lesquelles bénéficient d’une présomption de pertinence. Partant, dès lors que la question posée porte sur
l’interprétation ou la validité d’une règle du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer, sauf s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, si le problème est de nature hypothétique ou encore si la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile à ladite question (arrêt du 12 décembre 2024, Kutxabank, C-300/23, EU:C:2024:1026, point 59 et
jurisprudence citée).

20 Il convient aussi de rappeler que le principe d’équivalence implique que les modalités de mise en œuvre du droit de l’Union relevant de l’ordre juridique interne des États membres en vertu du principe de l’autonomie procédurale de ces derniers ne doivent pas être moins favorables que celles régissant des situations similaires de nature interne (voir, en ce sens, arrêt du 17 mai 2022, Unicaja Banco, C-869/19, EU:C:2022:397, point 22 et jurisprudence citée).

21 Or, dans sa demande de décision préjudicielle, la juridiction de renvoi fait état de l’existence, en droit espagnol, d’un certain nombre d’actions fondées sur les effets d’un constat de nullité dont le régime de prescription ne serait pas différent de celui de l’action qui a conduit à ce constat.

22 Il en résulte, selon la juridiction de renvoi, que, dans l’ordre juridique espagnol, les conditions d’exercice des actions fondées sur les effets restitutifs de la constatation de la nullité d’une clause contractuelle abusive sont moins favorables que celles auxquelles sont soumises d’autres actions comparables, fondées sur les effets d’une déclaration de nullité.

23 Aussi, il n’apparaît pas de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union, en particulier du principe d’équivalence, est dépourvue de pertinence au regard de la décision que la juridiction de renvoi est appelée à rendre ou que l’interprétation sollicitée des dispositions du droit de l’Union visées par la question posée serait sans rapport avec l’objet du litige au principal.

24 Le gouvernement espagnol soulève aussi des doutes quant à la recevabilité de la demande de décision préjudicielle en ce qu’il conteste la prémisse sur laquelle la juridiction fonde cette demande, à savoir l’existence, dans l’ordre juridique national, d’une réglementation ou d’une jurisprudence prévoyant, de manière générale, que l’action visant à faire valoir les effets restitutifs d’une déclaration de nullité est soumise au même délai de prescription que l’action en vertu de laquelle cette
nullité a été constatée. La Commission européenne exprime les mêmes doutes quant à l’existence, en droit espagnol, de la règle nationale invoquée par la juridiction de renvoi.

25 Cependant, il n’appartient pas à la Cour, dans le cadre du système de coopération judiciaire établi par l’article 267 TFUE, de vérifier ou de remettre en cause l’exactitude de l’interprétation du droit national faite par le juge national, cette interprétation relevant de la compétence exclusive de ce dernier. Aussi, la Cour doit-elle, lorsqu’elle est saisie à titre préjudiciel par une juridiction nationale, s’en tenir à l’interprétation du droit national qui lui a été exposée par ladite
juridiction (voir, par analogie, arrêt du 12 décembre 2024, Volvo Group Belgium, C‑436/23, EU:C:2024:1023, point 18 et jurisprudence citée).

26 Il s’ensuit que la demande de décision préjudicielle est recevable.

Sur la question préjudicielle

27 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 ainsi que le principe d’équivalence doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation ou à une jurisprudence nationale qui, tout en prévoyant le caractère imprescriptible de l’action tendant à faire constater la nullité d’une clause abusive figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, soumet à un
délai de prescription l’action visant à faire valoir les effets restitutifs de cette constatation, alors que, dans l’ordre juridique national, d’autres actions fondées sur les effets d’un constat de nullité ne sont pas soumises à un régime de prescription différent de celui de l’action qui a conduit à ce constat.

28 La juridiction de renvoi précise que, en droit espagnol, il n’existe, en principe, aucune hypothèse dans laquelle la nullité et ses effets sont soumises à deux régimes de prescription différents.

29 Dans ce contexte, il y a lieu de relever que, selon la jurisprudence de la Cour, l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’une clause contractuelle déclarée abusive doit être considérée, en principe, comme n’ayant jamais existé, de sorte qu’elle ne saurait avoir d’effet à l’égard du consommateur. Partant, la constatation judiciaire du caractère abusif d’une telle clause doit, en principe, avoir pour conséquence le rétablissement de la situation en droit
et en fait du consommateur dans laquelle il se serait trouvé en l’absence de ladite clause. Il en découle que l’obligation pour le juge national d’écarter une clause contractuelle abusive imposant le paiement de sommes qui se révèlent indues emporte, en principe, un effet restitutoire correspondant à l’égard de ces mêmes sommes (arrêt du 9 juillet 2020, Raiffeisen Bank et BRD Groupe Société Générale, C‑698/18 et C‑699/18, EU:C:2020:537, point 54 ainsi que jurisprudence citée).

30 Toutefois, d’une part, la Cour a déjà reconnu que la protection du consommateur ne revêt pas un caractère absolu et que la fixation de délais raisonnables de recours à peine de forclusion, dans l’intérêt de la sécurité juridique, est compatible avec le droit de l’Union (arrêt du 22 avril 2021, Profi Credit Slovakia, C‑485/19, EU:C:2021:313, point 57).

31 D’autre part, l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui, tout en prévoyant le caractère imprescriptible de l’action tendant à faire constater la nullité d’une clause abusive figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, soumet à un délai de prescription l’action visant à faire valoir les effets restitutifs de cette constatation, pour autant que ce délai ne soit pas moins
favorable que celui concernant des recours similaires de nature interne (principe d’équivalence) et qu’il ne rende pas en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union, en particulier la directive 93/13 (principe d’effectivité) [voir, en ce sens, arrêts du 9 juillet 2020, Raiffeisen Bank et BRD Groupe Société Générale, C‑698/18 et C‑699/18, EU:C:2020:537, point 58, ainsi que du 8 septembre 2022, D.B.P. e.a. (Crédit hypothécaire
libellé en devises étrangères), C‑80/21 à C‑82/21, EU:C:2022:646, point 90].

32 En ce qui concerne, notamment, le principe d’équivalence, sur lequel porte la question préjudicielle, il convient de rappeler que le respect de ce principe exige que la règle nationale en cause s’applique indifféremment aux actions fondées sur la violation du droit de l’Union et à celles fondées sur la méconnaissance du droit interne ayant un objet et une cause semblables (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2020, Raiffeisen Bank et BRD Groupe Société Générale, C‑698/18 et C‑699/18,
EU:C:2020:537, point 76 ainsi que jurisprudence citée).

33 Ainsi, la directive 93/13 et le principe d’équivalence ne s’opposent pas à ce que l’action visant à faire valoir les effets restitutifs de la constatation de la nullité d’une clause contractuelle abusive soit soumise à un délai de prescription, en maintenant le caractère imprescriptible de l’action tendant à faire constater la nullité d’une telle clause, pour autant que ce délai de prescription ne soit pas moins favorable que celui qui est applicable aux actions fondées sur une méconnaissance du
droit interne et ayant un objet et une cause semblables.

34 En l’occurrence, il appartient à la juridiction nationale de vérifier l’existence d’une similitude, sous l’angle de leur objet, de leur cause et de leurs éléments essentiels, entre les actions au principal et les autres types d’actions fondées sur le droit interne qu’elle cite dans sa demande de décision préjudicielle (voir, par analogie, arrêt du 9 juillet 2020, Raiffeisen Bank et BRD Groupe Société Générale, C‑698/18 et C‑699/18, EU:C:2020:537, point 77).

35 Aux fins de cet examen, cette juridiction devra, dès lors, vérifier si l’ordre juridique espagnol prévoit, dans des domaines autres que ceux couverts par la directive 93/13, des actions fondées sur les effets d’un constat de nullité qui seraient semblables, sous l’angle de leur objet, de leur cause et de leurs éléments essentiels, à celle dont elle a été saisie par MF, mais qui, conformément au droit ou à la jurisprudence nationale, ne seraient pour autant pas soumises à un délai de prescription
comparable à celui qui s’applique à cette dernière action. Dans l’affirmative, la réglementation nationale prévoyant l’application de ce délai de prescription à l’action au principal méconnaîtrait le principe d’équivalence.

36 Dans ces conditions, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier le respect du principe d’équivalence en tenant compte des éléments visés aux points 32 à 35 du présent arrêt [voir, par analogie, arrêt du 26 septembre 2018, Staatssecretaris van Veiligheid en justitie (Effet suspensif de l’appel), C‑180/17, EU:C:2018:775, point 42 et jurisprudence citée].

37 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 ainsi que le principe d’équivalence doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation ou à une jurisprudence nationale qui, tout en prévoyant le caractère imprescriptible de l’action tendant à faire constater la nullité d’une clause abusive figurant dans un contrat conclu entre un
professionnel et un consommateur, soumet à un délai de prescription l’action visant à faire valoir les effets restitutifs de cette constatation, pour autant que l’ordre juridique national prévoie, dans des domaines autres que ceux couverts par la directive 93/13, des actions fondées sur les effets d’un constat de nullité qui sont semblables, sous l’angle de leur objet, de leur cause et de leurs éléments essentiels, à celle tendant à faire valoir de tels effets restitutifs et qui sont soumises à
un délai de prescription comparable à celui qui s’applique à cette dernière action.

Sur les dépens

38 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) dit pour droit :

  L’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, ainsi que le principe d’équivalence

  doivent être interprétés en ce sens que :

  ils ne s’opposent pas à une réglementation ou à une jurisprudence nationale qui, tout en prévoyant le caractère imprescriptible de l’action tendant à faire constater la nullité d’une clause abusive figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, soumet à un délai de prescription l’action visant à faire valoir les effets restitutifs de cette constatation, pour autant que l’ordre juridique national prévoie, dans des domaines autres que ceux couverts par la directive 93/13,
des actions fondées sur les effets d’un constat de nullité qui sont semblables, sous l’angle de leur objet, de leur cause et de leurs éléments essentiels, à celle tendant à faire valoir de tels effets restitutifs et qui sont soumises à un délai de prescription comparable à celui qui s’applique à cette dernière action.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’espagnol.


Synthèse
Formation : Neuvième chambre
Numéro d'arrêt : C-230/24
Date de la décision : 13/03/2025
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Juzgado de Primera Instancia n° 8 de La Coruña.

Renvoi préjudiciel – Protection des consommateurs – Directive 93/13/CEE – Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Article 6, paragraphe 1, et article 7, paragraphe 1 – Principe d’équivalence – Contrats de prêt hypothécaire – Clause prévoyant le paiement des frais liés au contrat à la charge du consommateur – Action en nullité – Délai de prescription de l’action tendant à la restitution des sommes indûment payées – Actions tendant respectivement à faire constater la nullité d’une clause contractuelle et à faire valoir les effets restitutifs d’un tel constat soumises à des délais de prescription différents.

Protection des consommateurs


Parties
Demandeurs : MF
Défendeurs : Banco Santander SA.

Composition du Tribunal
Avocat général : Spielmann
Rapporteur ?: Frendo

Origine de la décision
Date de l'import : 15/03/2025
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2025:177

Source

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