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06/03/2025 | CJUE | N°C-150/23

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Commission européenne contre Grand-duché de Luxembourg., 06/03/2025, C-150/23


 ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

6 mars 2025 ( *1 )

« Manquement d’État – Article 258 TFUE – Protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union – Directive (UE) 2019/1937 – Article 26, paragraphes 1 et 3 – Absence de transposition et de communication des mesures de transposition – Article 260, paragraphe 3, TFUE – Demande de condamnation au paiement d’une somme forfaitaire – Critères d’établissement du montant de la sanction – Application automatique d’un coefficient de gravité »

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ans l’affaire C‑150/23,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 et de l’article 260, paragr...

 ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

6 mars 2025 ( *1 )

« Manquement d’État – Article 258 TFUE – Protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union – Directive (UE) 2019/1937 – Article 26, paragraphes 1 et 3 – Absence de transposition et de communication des mesures de transposition – Article 260, paragraphe 3, TFUE – Demande de condamnation au paiement d’une somme forfaitaire – Critères d’établissement du montant de la sanction – Application automatique d’un coefficient de gravité »

Dans l’affaire C‑150/23,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 et de l’article 260, paragraphe 3, TFUE, introduit le13 mars 2023,

Commission européenne, représentée par M. J. Baquero Cruz, Mme F. Blanc et M. T. Materne, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Grand-Duché de Luxembourg, représenté par MM. A. Germeaux et T. Schell, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. T. von Danwitz, vice-président de la Cour, faisant fonction de président de la sixième chambre, M. A. Kumin et Mme I. Ziemele (rapporteure), juges,

avocat général : M. N. Emiliou,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour :

– de constater que, en ayant omis d’adopter toutes les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2019, sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union (JO 2019, L 305, p. 17), et en ayant omis de communiquer ces dispositions à la Commission, le Grand-Duché de Luxembourg a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 26,
paragraphes 1 et 3, de cette directive ;

– de condamner le Grand-Duché de Luxembourg à payer à la Commission une somme forfaitaire correspondant au plus élevé des deux montants suivants :

– un montant forfaitaire journalier de 900 euros multiplié par le nombre de jours intervenus entre le jour suivant l’expiration du délai de transposition fixé dans la directive 2019/1937 et le jour de régularisation de l’infraction ou, à défaut de régularisation, le jour du prononcé de l’arrêt dans la présente affaire ;

– un montant forfaitaire minimal de 252000 euros ;

– dans le cas où le manquement constaté au premier tiret persisterait jusqu’à la date de prononcé de l’arrêt dans la présente affaire, de condamner le Grand-Duché de Luxembourg à payer à la Commission une astreinte de 3150 euros par jour de retard à compter de la date du prononcé de cet arrêt et jusqu’à la date à laquelle le Grand-Duché de Luxembourg se conforme aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive 2019/1937, et

– de condamner le Grand-Duché de Luxembourg aux dépens.

Le cadre juridique

La directive 2019/1937

2 Le considérant 1 de la directive 2019/1937 énonce :

« [...] [L]es lanceurs d’alerte potentiels sont souvent dissuadés de signaler leurs inquiétudes ou leurs soupçons par crainte de représailles. Dans ce contexte, l’importance d’assurer une protection équilibrée et efficace des lanceurs d’alerte est de plus en plus reconnue tant au niveau de l’Union [européenne] qu’au niveau international. »

3 Aux termes de l’article 1er de cette directive :

« La présente directive a pour objet de renforcer l’application du droit et des politiques de l’Union dans des domaines spécifiques en établissant des normes minimales communes assurant un niveau élevé de protection des personnes signalant des violations du droit de l’Union. »

4 L’article 26 de ladite directive prévoit :

« 1.   Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 17 décembre 2021.

[...]

3.   Lorsque les États membres adoptent les dispositions visées aux paragraphes 1 et 2, celles-ci contiennent une référence à la présente directive ou sont accompagnées d’une telle référence lors de leur publication officielle. Les modalités de cette référence sont arrêtées par les États membres. Les États membres communiquent immédiatement à la Commission le texte de ces dispositions. »

La communication de 2023

5 La communication de la Commission 2023/C 2/01, intitulée « Sanctions financières dans les procédures d’infraction » (JO 2023, C 2, p. 1, ci‑après la « communication de 2023 »), consacre ses points 3 et 4 respectivement à l’« astreinte » et à la « somme forfaitaire ».

6 Le point 3.2 de cette communication, relatif à l’application du coefficient de gravité dans le cadre du calcul de l’astreinte journalière, dispose :

« Une infraction relative à [...] l’absence de communication de mesures de transposition d’une directive adoptée dans le cadre d’une procédure législative est toujours considérée comme grave. Afin d’adapter le montant de la sanction aux circonstances particulières de l’espèce, la Commission détermine le coefficient de gravité sur la base de deux paramètres : l’importance des règles de l’Union enfreintes ou non transposées et les effets de l’infraction sur des intérêts d’ordre général ou
particulier.

[...] »

7 Le point 3.2.2 de ladite communication énonce :

« Pour les recours introduits en vertu de l’article 260, paragraphe 3, [TFUE], la Commission applique systématiquement un coefficient de gravité de 10 en cas de manquement complet à l’obligation de communiquer les mesures de transposition. Dans une Union fondée sur le respect de l’[É]tat de droit, toutes les directives législatives doivent être considérées comme étant d’une importance égale et doivent être intégralement transposées par les États membres dans les délais qui y sont fixés.

En cas de manquement partiel à l’obligation de communiquer les mesures de transposition, l’importance de la lacune de transposition doit être prise en considération lors de la fixation d’un coefficient de gravité qui sera inférieur à 10. En outre, les effets de l’infraction sur des intérêts d’ordre général ou particulier pourraient être pris en compte [...] »

8 Aux termes du point 3.3 de la communication de 2023, intitulé « Application du coefficient de durée » :

« [...]

Le coefficient de durée est exprimé sous la forme d’un multiplicateur compris entre 1 et 3. Il est calculé à un taux de 0,10 par mois à compter de la date du premier arrêt ou du jour suivant l’expiration du délai de transposition de la directive en question.

[...] »

9 Le point 3.4 de cette communication, intitulé « Capacité de paiement de l’État membre », prévoit :

« [...]

Le niveau de sanction requis pour produire un effet dissuasif variera en fonction de la capacité de paiement des États membres. Cet effet dissuasif se reflète dans le facteur n. Il se définit comme une moyenne géométrique pondérée du produit intérieur brut (PIB) [...] de l’État membre concerné par rapport à la moyenne des PIB des États membres, dont le poids est égal à deux, et de la population de l’État membre concerné par rapport à la moyenne de la population des États membres, dont le poids est
égal à un. Cela représente la capacité de paiement de l’État membre concerné par rapport à la capacité de paiement des autres États membres :

Image

[...]

La Commission a [...] décidé de revoir sa méthode de calcul du facteur n, qui repose désormais principalement sur le PIB des États membres et, à titre subsidiaire, sur leur population en tant que critère démographique permettant de maintenir un écart raisonnable entre les différents États membres. La prise en compte de la population des États membres pour un tiers du calcul du facteur n réduit dans une mesure raisonnable la variation des facteurs n des États membres en comparaison avec un calcul
fondé uniquement sur le PIB des États membres. Elle ajoute également un élément de stabilité dans le calcul du facteur n, étant donné qu’il est peu probable que la population varie de manière significative sur une base annuelle. En revanche, le PIB d’un État membre est susceptible de connaître des fluctuations annuelles plus importantes, en particulier en période de crise économique. Dans le même temps, étant donné que le PIB de l’État membre représente encore deux tiers du calcul, il demeure le
facteur prédominant aux fins de l’évaluation de sa capacité de paiement.

[...] »

10 Le point 4.2 de ladite communication précise la méthode de calcul de la somme forfaitaire comme suit :

« La somme forfaitaire est calculée d’une manière globalement similaire à la méthode de calcul de l’astreinte, à savoir :

– en multipliant un forfait par un coefficient de gravité ;

– en multipliant le résultat par le facteur n ;

– en multipliant le résultat par le nombre de jours de persistance de l’infraction [...]

[...] »

11 Le point 4.2.1 de la même communication prévoit :

« Aux fins du calcul de la somme forfaitaire, le montant journalier doit être multiplié par le nombre de jours de persistance de l’infraction. Ce nombre de jours est défini comme suit :

[...]

– pour les recours introduits en vertu de l’article 260, paragraphe 3, [TFUE], il s’agit du nombre de jours compris entre le jour suivant l’expiration du délai de transposition fixé dans la directive concernée et la date à laquelle l’infraction prend fin ou, à défaut de régularisation, la date du prononcé de l’arrêt au titre de l’article 260 [TFUE].

[...] »

12 Aux termes du point 4.2.2 de la communication de 2023 :

« Pour le calcul de la somme forfaitaire, la Commission applique le même coefficient de gravité et le même facteur n fixe que pour le calcul de l’astreinte [...]

Le forfait de la somme forfaitaire est inférieur à celui des astreintes. [...]

Le forfait applicable à la somme forfaitaire est fixé au point 2 de l’annexe I.

[...] »

13 L’annexe I de cette communication, intitulée « Données servant au calcul des sanctions financières proposées à la Cour », prévoit, à son point 2, que le forfait de la somme forfaitaire mentionné au point 4.2.2 de ladite communication est fixé à 1000 euros par jour, ce qui correspond à un tiers du forfait de l’astreinte, et, à son point 3, que le facteur « n » pour le Grand-Duché de Luxembourg est fixé à 0,09. Au point 5 de cette annexe I, il est précisé que la somme forfaitaire minimale fixée
pour le Grand-Duché de Luxembourg s’élève à 252000 euros.

La procédure précontentieuse et la procédure devant la Cour

14 Le 21 janvier 2022, la Commission a adressé une lettre de mise en demeure au Grand-Duché de Luxembourg, lui reprochant de ne pas lui avoir communiqué les dispositions législatives, réglementaires ou administratives nécessaires pour se conformer à la directive 2019/1937 dont le délai de transposition avait expiré le 17 décembre 2021. Dans sa réponse du 15 mars 2022, le Grand-Duché de Luxembourg a informé la Commission que ces dispositions étaient en cours d’adoption.

15 En l’absence de communication ultérieure relative à la transposition de la directive 2019/1937, la Commission a, le 15 juillet 2022, adressé un avis motivé au Grand-Duché de Luxembourg, par lequel elle l’invitait à se conformer aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive dans un délai de deux mois à compter de la réception de cet avis.

16 Dans sa réponse du 25 août 2022, le Grand-Duché de Luxembourg a indiqué que le Conseil d’État (Luxembourg), informé de l’urgence de ce dossier, allait rendre un avis sur le projet de loi no 7945 portant transposition de cette directive, de telle sorte que les travaux législatifs reprendraient dans le courant du mois de septembre 2022.

17 Considérant que cet État membre ne s’était toujours pas conformé à ses obligations, la Commission a décidé, le 13 mars 2023, de saisir la Cour du présent recours.

18 Le 17 mai 2023, le Grand-Duché de Luxembourg a notifié à la Commission la loi du 16 mai 2023 portant transposition de la directive(UE) 2019/1937 du Conseil du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union (Mémorial A no 332 du 17 mai 2023, ci-après la « loi du 16 mai 2023 »), entrée en vigueur le 21 mai 2023.

19 Par acte du 28 septembre 2023, la Commission a informé la Cour que, à la suite de contacts avec les autorités luxembourgeoises, la transposition de la directive 2019/1937 par le Grand-Duché de Luxembourg pouvait être considérée comme ayant été achevée le 21 mai 2023. Partant, cette institution, d’une part, s’est partiellement désistée de son recours, renonçant à sa demande de fixation d’une astreinte, et, d’autre part, a adapté ses conclusions tendant à la condamnation de cet État membre au
paiement d’une somme forfaitaire, demandant à ce titre un montant de 467100 euros.

20 Par décision du président de la Cour du 19 décembre 2023, la procédure a été suspendue jusqu’au prononcé de l’arrêt à intervenir dans l’affaire C-147/23. À la suite du prononcé de l’arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d’alerte) (C‑147/23, EU:C:2024:346), la procédure dans la présente affaire a été reprise par décision du président de la Cour du même jour.

Sur le recours

Sur le manquement au titre de l’article 258 TFUE

Argumentation des parties

21 La Commission rappelle que, en application de l’article 288, troisième alinéa, TFUE, les États membres sont tenus d’adopter les dispositions nécessaires pour la transposition des directives dans leur système juridique national, dans les délais prescrits dans ces directives, et de lui communiquer immédiatement ces dispositions.

22 Cette institution précise que l’existence de tout manquement à ces obligations doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé qu’elle lui a adressé.

23 Or, en l’occurrence, le Grand-Duché de Luxembourg n’avait pas adopté les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires à la transposition de la directive 2019/1937 ni informé la Commission de leur adoption avant l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé du 15 juillet 2022.

24 Le Grand-Duché de Luxembourg reconnaît qu’il n’avait pas adopté ces dispositions dans le délai imparti.

25 Cet État membre indique que la loi du 16 mai 2023, notifiée à la Commission le 17 mai 2023 et entrée en vigueur le 21 mai 2023, a permis, à cette date, la transposition complète de la directive 2019/1937.

26 La Commission rappelle, à cet égard, que la circonstance que l’État membre concerné se conforme aux obligations qui lui incombent au cours de la procédure contentieuse n’est pas pertinente pour constater l’existence d’un manquement de ce dernier, celle-ci devant être appréciée au regard de la situation de cet État membre à l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé.

Appréciation de la Cour

27 Aux termes de l’article 26, paragraphe 1, de la directive 2019/1937, les États membres devaient, au plus tard le 17 décembre 2021, mettre en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à celle-ci. En outre, l’article 26, paragraphe 3, de cette directive précise que, lorsque les États membres adoptent ces dispositions nationales, celles-ci contiennent une référence à la présente directive ou sont accompagnées d’une telle référence lors de
leur publication officielle. De surcroît, en vertu de cet article 26, paragraphe 3, il appartenait aux États membres de communiquer à la Commission le texte desdites dispositions nationales.

28 Conformément à une jurisprudence constante, l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé, les changements intervenus par la suite ne pouvant être pris en compte par la Cour [arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d’alerte), C‑147/23, EU:C:2024:346, point 28 et jurisprudence citée].

29 En l’espèce, après avoir constaté que le Grand-Duché de Luxembourg ne lui avait pas communiqué les dispositions nécessaires à la transposition de la directive 2019/1937, la Commission a adressé à cet État membre, le 15 juillet 2022, un avis motivé, l’invitant à se conformer, dans un délai de deux mois, qui courait à compter de la réception de celui-ci, aux obligations visées dans cet avis.

30 Or, ainsi qu’il ressort du mémoire en défense et du mémoire en duplique déposés par le Grand-Duché de Luxembourg dans la présente procédure, à l’expiration de ce délai, cet État membre n’avait pas adopté les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive 2019/1937 et, partant, n’avait pas non plus communiqué ces dispositions à la Commission.

31 Par conséquent, il y a lieu de constater que, en ayant omis, à l’expiration du délai imparti dans l’avis motivé du 15 juillet 2022, d’adopter les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive 2019/1937 et, partant, en ayant omis de communiquer ces dispositions à la Commission, le Grand‑Duché de Luxembourg a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 26, paragraphes 1 et 3, de cette directive.

Sur la demande présentée au titre de l’article 260, paragraphe 3, TFUE

Argumentation des parties

32 En vue de la fixation du montant de la somme forfaitaire, la Commission se fonde sur les principes généraux visés au point 2 de la communication de 2023 ainsi que sur la méthode de calcul figurant aux points 3 et 4 de cette communication. En particulier, cette institution indique que la détermination du montant de la somme forfaitaire doit se fonder sur les critères fondamentaux que sont la gravité de l’infraction, sa durée et la nécessité d’assurer l’effet dissuasif de la sanction pour éviter
les récidives.

33 S’agissant, en premier lieu, de la gravité de l’infraction, la Commission rappelle que le coefficient applicable en vertu de la communication de 2023 est compris entre un minimum de 1 et un maximum de 20. Cette institution précise que, conformément au point 3.2.2 de cette communication, elle applique systématiquement un coefficient de gravité de 10 en cas de manquement complet à l’obligation de communiquer les dispositions permettant la transposition d’une directive, tout défaut de transposition
d’une directive et de communication de ces dispositions revêtant un même degré de gravité, indépendamment de la nature des dispositions de la directive concernée.

34 En deuxième lieu, en ce qui concerne la durée de l’infraction, la Commission expose que celle-ci équivaut, s’agissant du calcul de la somme forfaitaire, au nombre de jours de persistance de l’infraction. Cette durée est calculée conformément au point 4.2.1 de la communication de 2023 et correspond, pour les recours introduits en vertu de l’article 260, paragraphe 3, TFUE, au nombre de jours compris entre celui suivant l’expiration du délai de transposition de la directive en question et celui
auquel l’infraction a pris fin ou, à défaut de régularisation, de la date du prononcé de l’arrêt au titre de l’article 260 TFUE.

35 S’agissant, en troisième lieu, du critère ayant trait à la nécessité d’assurer l’effet dissuasif de la sanction en considération de la capacité de paiement de l’État membre concerné, la Commission indique que celui-ci est exprimé par le facteur « n » fixé pour chaque État membre au point 3 de l’annexe I de la communication de 2023. Son calcul repose sur le rapport entre le PIB de l’État concerné et le PIB moyen national de l’Union multiplié par le rapport entre la population de cet État et la
population moyenne nationale de l’Union. Le premier rapport est pondéré à hauteur de deux tiers alors que le second est pondéré à hauteur d’un tiers. En application de ce point 3, le facteur « n » pour le Grand-Duché de Luxembourg est de 0,09.

36 En conséquence, la Commission propose, en vertu du point 4.2 de la communication de 2023, de retenir un coefficient de gravité de 10 et d’appliquer le facteur « n » de 0,09. Le produit de ces deux éléments devrait être multiplié par le forfait de la somme forfaitaire fixé au point 2 de l’annexe I de cette communication, à savoir 1000 euros, ce qui correspond à la somme de 900 euros, à multiplier par le nombre de jours durant lesquels le manquement a persisté, conformément au point 4.2.1 de ladite
communication. La Commission indique que le paiement de la somme forfaitaire à laquelle conduit ce calcul doit être imposé au Grand-Duché de Luxembourg à condition qu’elle soit supérieure à 252000 euros, montant de la somme forfaitaire minimale fixée pour cet État membre en vertu du point 5 de l’annexe I de la communication de 2023.

37 Dans son mémoire en défense, le Grand-Duché de Luxembourg souligne que l’application systématique d’un coefficient de gravité de 10 fait obstacle à toute prise en considération des circonstances propres au processus législatif de l’État membre concerné.

38 D’une part, la loi du 16 mai 2023 assurerait non seulement la transposition de la directive 2019/1937, mais constituerait également un cadre normatif plus large englobant les signalements des violations du droit national. Cet élargissement du champ d’application de la protection prévue par la directive 2019/1937 expliquerait le retard pris dans la transposition de cette directive, ce dont il devrait être tenu compte dans la fixation du coefficient de gravité. D’autre part, le Grand‑Duché de
Luxembourg aurait fait preuve de transparence et de célérité dans le cadre de sa coopération avec la Commission, ce qui constituerait également une circonstance atténuante devant conduire à une réduction du coefficient de gravité.

39 Pour ces raisons, le Grand-Duché de Luxembourg demande la réduction du montant journalier forfaitaire.

40 Dans ses conclusions additionnelles du 28 septembre 2023, la Commission propose, à la suite de la notification par le Grand-Duché de Luxembourg de l’entrée en vigueur, le 21 mai 2023, de la loi du 16 mai 2023, de considérer que le nombre de jours de persistance de l’infraction est compris entre le 18 décembre 2021, à savoir le jour suivant celui de l’expiration du délai de transposition de la directive 2019/1937, et le 20 mai 2023, à savoir le jour ayant précédé celui de l’entrée en vigueur de la
loi assurant la transposition de cette directive. Il en résulte que le montant journalier proposé de 900 euros (10 x 0,09 x 1000) est à multiplier par le nombre de jours de persistance de l’infraction, soit 519 jours. Le montant de la somme forfaitaire demandée est donc de 467100 euros.

Appréciation de la Cour

41 L’article 260, paragraphe 3, premier alinéa, TFUE prévoit que, lorsque la Commission saisit la Cour d’un recours en vertu de l’article 258 TFUE, estimant que l’État membre concerné a manqué à son obligation de communiquer les dispositions nécessaires à la transposition d’une directive adoptée conformément à une procédure législative, elle peut, lorsqu’elle le considère approprié, indiquer le montant d’une somme forfaitaire ou d’une astreinte à payer par cet État membre, qu’elle estime adapté aux
circonstances. Conformément à l’article 260, paragraphe 3, second alinéa, TFUE, si la Cour constate le manquement, elle peut infliger à l’État membre concerné le paiement d’une somme forfaitaire ou d’une astreinte dans la limite du montant indiqué par la Commission, l’obligation de paiement prenant effet à la date fixée par la Cour dans son arrêt.

42 Dès lors que, ainsi qu’il ressort du point 31 du présent arrêt, il est établi que, à l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé du 15 juillet 2022, le Grand-Duché de Luxembourg n’avait ni adopté ni, partant, communiqué à la Commission les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires à la transposition dans son droit interne des dispositions de la directive 2019/1937, le manquement ainsi constaté relève du champ d’application de l’article 260, paragraphe 3, TFUE.

43 Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que l’objectif poursuivi par le mécanisme figurant à l’article 260, paragraphe 3, TFUE est non seulement d’inciter les États membres à mettre fin, dans les plus brefs délais, à un manquement qui, en l’absence d’une telle disposition, aurait tendance à persister, mais également d’alléger et d’accélérer la procédure d’imposition de sanctions pécuniaires concernant les manquements à l’obligation de communication des dispositions nationales de transposition d’une
directive adoptée conformément à la procédure législative [arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d’alerte), C‑147/23, EU:C:2024:346, point 57 et jurisprudence citée].

44 Afin d’atteindre cet objectif, l’article 260, paragraphe 3, TFUE prévoit l’imposition, notamment, d’une somme forfaitaire en tant que sanction pécuniaire.

45 La condamnation au paiement d’une somme forfaitaire repose sur l’appréciation des conséquences du défaut d’exécution des obligations pesant sur l’État membre concerné à l’égard des intérêts privés et publics en présence, notamment lorsque le manquement a persisté pendant une longue période [voir, en ce sens, arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d’alerte), C‑147/23, EU:C:2024:346, point 59 et jurisprudence citée].

46 À cet égard, la Commission motive la nature et le montant des sanctions pécuniaires sollicitées, en tenant compte des lignes directrices qu’elle a adoptées, telles que celles contenues dans ses communications, qui, tout en ne liant pas la Cour, contribuent à garantir la transparence, la prévisibilité et la sécurité juridique de l’action menée par la Commission [arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d’alerte), C-147/23, EU:C:2024:346, point 60 et jurisprudence citée].

47 S’agissant de l’opportunité d’imposer une somme forfaitaire, il appartient à la Cour, dans chaque affaire et en fonction des circonstances de l’espèce dont elle se trouve saisie ainsi que du niveau de persuasion et de dissuasion qui lui paraît requis, d’arrêter les sanctions pécuniaires appropriées, notamment pour prévenir la répétition d’infractions analogues au droit de l’Union [arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d’alerte), C‑147/23, EU:C:2024:346, point 62 et
jurisprudence citée].

48 En l’occurrence, l’ensemble des éléments juridiques et factuels entourant le manquement constaté constitue un indicateur de ce que la prévention effective de la répétition future d’infractions analogues au droit de l’Union est de nature à requérir l’adoption d’une mesure dissuasive telle que l’imposition d’une somme forfaitaire.

49 En ce qui concerne le calcul du montant de cette somme forfaitaire, il convient de rappeler que, en application de l’article 260, paragraphe 3, TFUE, seule la Cour est compétente pour infliger une sanction pécuniaire à un État membre. Toutefois, dans le cadre d’une procédure engagée sur le fondement de cette disposition, la Cour ne dispose que d’un pouvoir d’appréciation encadré, dès lors que, en cas de constat d’un manquement par cette dernière, les propositions de la Commission lient la Cour
quant à la nature de la sanction pécuniaire qu’elle peut infliger et quant au montant maximal de la sanction qu’elle peut prononcer [arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d’alerte), C-147/23, EU:C:2024:346, point 67 et jurisprudence citée].

50 Dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation en la matière, tel qu’encadré par les propositions de la Commission, il appartient à la Cour, ainsi qu’il a été rappelé au point 47 du présent arrêt, de fixer le montant de la somme forfaitaire au paiement de laquelle un État membre peut être condamné en vertu de l’article 260, paragraphe 3, TFUE de telle sorte qu’il soit, d’une part, adapté aux circonstances et, d’autre part, proportionné à l’infraction commise. Figurent notamment au rang des
facteurs pertinents à cet égard des éléments tels que la gravité du manquement constaté, la période durant laquelle celui-ci a persisté ainsi que la capacité de paiement de l’État membre en cause [arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d’alerte), C‑147/23, EU:C:2024:346, points 68 et 87 ainsi que jurisprudence citée].

51 Il convient également de rappeler que, dans le cadre de ce pouvoir d’appréciation, des lignes directrices, telles que les communications de la Commission, ne lient pas la Cour, mais contribuent à garantir la transparence, la prévisibilité et la sécurité juridique de l’action menée par la Commission elle-même lorsque cette institution fait des propositions à la Cour [arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d’alerte), C‑147/23, EU:C:2024:346, point 69 et jurisprudence citée].

52 En l’occurrence, la Commission s’est fondée sur la communication de 2023 pour justifier sa demande tendant à la condamnation du Grand‑Duché de Luxembourg au paiement d’une somme forfaitaire, ainsi que pour fixer le montant de celle-ci.

53 En premier lieu, concernant la gravité du manquement constaté, il ressort du point 3.2 de la communication de 2023 que, selon la Commission, l’absence de communication des dispositions permettant la transposition d’une directive adoptée dans le cadre d’une procédure législative est toujours considérée comme étant grave. Partant, ce manquement justifierait l’application automatique d’un coefficient de gravité de 10.

54 Le Grand-Duché de Luxembourg conteste le niveau de ce coefficient et l’automaticité de son application dans les circonstances du manquement constaté.

55 À cet égard, il convient de rappeler que l’obligation d’adopter des dispositions pour assurer la transposition complète d’une directive et l’obligation de les communiquer à la Commission constituent des obligations essentielles des États membres afin d’assurer la pleine effectivité du droit de l’Union, et que le manquement à ces obligations doit, dès lors, être considéré comme étant d’une gravité certaine [arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d’alerte), C‑147/23,
EU:C:2024:346, point 72 et jurisprudence citée].

56 En l’occurrence, il y a lieu de souligner que la directive 2019/1937 est un instrument crucial du droit de l’Union en tant qu’elle établit, en vertu de son article 1er, lu en combinaison avec le considérant 1 de celle-ci, des normes minimales communes assurant un niveau élevé de protection équilibrée et efficace des personnes qui signalent des violations de ce droit dans des domaines dans lesquels de telles violations sont susceptibles de porter particulièrement atteinte à l’intérêt général. En
effet, en établissant un système de protection des personnes signalant des violations du droit de l’Union dans un contexte professionnel, cette directive contribue à prévenir les atteintes à l’intérêt public, dans des domaines particulièrement sensibles, tels que ceux des marchés publics, de la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, de la protection de l’environnement ou des intérêts financiers de l’Union. Ainsi, les dispositions de ladite directive prévoient
l’obligation, tant pour les entités du secteur public que pour celles du secteur privé, de mettre en place des canaux de signalement interne, des procédures de réception et de suivi des signalements, tout en garantissant les droits des personnes signalant des violations du droit de l’Union ainsi que les conditions dans lesquelles celles-ci peuvent bénéficier de la protection ainsi prévue [arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d’alerte), C‑147/23, EU:C:2024:346, point 73].

57 Or, l’absence de transposition des dispositions de la directive 2019/1937 dans le délai imparti porte nécessairement atteinte au droit de l’Union et à son application uniforme et effective, dès lors que des violations de ce droit sont susceptibles de ne pas faire l’objet d’un signalement si les personnes ayant connaissance de telles violations ne bénéficient pas d’une protection contre d’éventuelles représailles [voir, en ce sens, arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs
d’alerte), C‑147/23, EU:C:2024:346, point 74].

58 Cela étant, le montant des sanctions pécuniaires infligées à un État membre en vertu de l’article 260, paragraphe 3, TFUE doit être adapté aux circonstances et proportionné à l’infraction commise [arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d’alerte), C‑147/23, EU:C:2024:346, point 75], ainsi qu’il a été rappelé au point 50 du présent arrêt.

59 C’est la raison pour laquelle la Cour a jugé que l’application automatique d’un même coefficient de gravité dans tous les cas d’absence de transposition complète d’une directive et, partant, d’absence de communication des mesures de transposition de cette directive fait nécessairement obstacle à l’adaptation du montant des sanctions pécuniaires aux circonstances qui caractérisent l’infraction et à l’imposition de sanctions proportionnées [arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive
lanceurs d’alerte), C‑147/23, EU:C:2024:346, point 76].

60 À cet égard, la Cour a précisé que, en présumant que la violation de l’obligation de communiquer les mesures de transposition d’une directive doit être considérée comme ayant la même gravité quelle que soit la directive concernée, la Commission n’est pas en mesure d’adapter les sanctions pécuniaires en fonction des conséquences du défaut d’exécution de cette obligation sur les intérêts privés et publics, tel que le prévoit le point 3.2.2 de la communication de 2023 [arrêt du 25 avril 2024,
Commission/Pologne (Directive lanceurs d’alerte), C‑147/23, EU:C:2024:346, point 77].

61 En l’espèce, le manquement à l’obligation d’adopter les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires à la transposition de la directive 2019/1937 revêt une gravité particulièrement sérieuse dès lors que, ainsi qu’il a été souligné au point 56 du présent arrêt, les dispositions de cette directive, en tant qu’elles visent à protéger les personnes signalant les violations du droit de l’Union dans les domaines couverts par celle-ci, contribuent à assurer l’application
uniforme et effective de ce droit [arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d’alerte), C‑147/23, EU:C:2024:346, point 79].

62 S’agissant des circonstances atténuantes invoquées par le Grand-Duché de Luxembourg, il convient de relever, d’une part, que l’adoption d’une législation couvrant un champ d’application allant au-delà de celui de la directive 2019/1937 ne saurait avoir une incidence sur l’appréciation de la gravité du manquement, dès lors qu’il s’agit d’un choix délibéré de l’État membre qui, en l’espèce, s’est effectué au détriment d’une transposition de cette directive dans le délai requis.

63 D’autre part, en ce que le Grand-Duché de Luxembourg fait valoir qu’il a fait preuve de transparence et de célérité dans le cadre de sa coopération avec la Commission, il y a lieu de rappeler qu’une obligation de coopération loyale avec la Commission incombe de toute manière aux États membres en vertu de l’article 4, paragraphe 3, TUE, ce qui implique que tout État membre est tenu de faciliter l’accomplissement par cette institution de sa mission consistant, conformément à l’article 17 TUE, à
veiller, en tant que gardienne des traités, à l’application du droit de l’Union sous le contrôle de la Cour. Partant, seule une coopération avec la Commission se caractérisant par des démarches témoignant de l’intention de se conformer dans les plus brefs délais aux obligations découlant d’une directive peut être prise en compte en tant que circonstance atténuante dans le cadre de l’appréciation de la gravité de l’infraction [arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs
d’alerte), C‑147/23, EU:C:2024:346, point 98 et jurisprudence citée].

64 En l’occurrence, il y a lieu de considérer que le Grand-Duché de Luxembourg n’a pas fait preuve d’une célérité exemplaire en mettant 8 mois à compter de l’expiration du délai de deux mois imparti, après sa notification, dans l’avis motivé du 15 juillet 2022 et environ 17 mois à compter de l’expiration du délai fixé à l’article 26, paragraphe 1, de la directive 2019/1937 pour se conformer aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive.

65 En deuxième lieu, dans le cadre de l’appréciation de la durée de l’infraction, il importe de rappeler que, en ce qui concerne le début de la période dont il convient de tenir compte pour fixer le montant de la somme forfaitaire, la date à retenir en vue de l’évaluation de la durée du manquement en cause est non pas celle de l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé de la Commission, mais la date à laquelle expire le délai de transposition prévu par la directive en question [arrêt du 25 avril
2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d’alerte), C‑147/23, EU:C:2024:346, point 80 et jurisprudence citée].

66 Or, il est constant que le Grand-Duché de Luxembourg n’avait pas, à l’expiration du délai de transposition prévu à l’article 26, paragraphe 1, de la directive 2019/1937, à savoir le 17 décembre 2021, adopté les dispositions législatives, réglementaires ou administratives nécessaires pour assurer la transposition de cette directive et, partant, n’avait pas non plus communiqué ces dispositions à la Commission, contrairement à ce que le prévoit l’article 26, paragraphe 3, de ladite directive. Il
s’ensuit que le manquement en cause, qui n’a pris fin que le 20 mai 2023, avec l’entrée en vigueur de la loi du 16 mai 2023, a perduré presqu’un an et demi.

67 En troisième lieu, en ce qui concerne la capacité de paiement de l’État membre en cause, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, sans préjudice de la possibilité pour la Commission de proposer des sanctions financières fondées sur une pluralité de critères, en vue de permettre, notamment, de maintenir un écart raisonnable entre les divers États membres, il convient de prendre en compte le PIB de cet État en tant que facteur prédominant aux fins de l’appréciation de sa capacité de paiement
et de la fixation de sanctions suffisamment dissuasives et proportionnées, afin de prévenir de manière effective la répétition future d’infractions analogues au droit de l’Union [arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d’alerte), C‑147/23, EU:C:2024:346, point 81 et jurisprudence citée].

68 À cet égard, la Cour a itérativement jugé qu’il convenait de prendre en compte l’évolution récente du PIB de l’État membre, telle qu’elle se présente à la date de l’examen des faits par la Cour [arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d’alerte), C‑147/23, EU:C:2024:346, point 82 et jurisprudence citée].

69 En l’occurrence, le facteur « n », représentant la capacité de paiement de l’État membre concerné par rapport à la capacité de paiement des autres États membres, appliqué par la Commission aux termes des points 3.4 et 4.2 de la communication de 2023, se définit comme une moyenne géométrique pondérée du PIB de l’État membre concerné par rapport à la moyenne des PIB des États membres, qui compte pour deux tiers du calcul du facteur « n », et de la population de l’État membre concerné par rapport à
la moyenne de la population des États membres, qui compte pour un tiers du calcul du facteur « n », ainsi qu’il ressort de l’équation mentionnée au point 9 du présent arrêt. La Commission justifie cette méthode de calcul du facteur « n » à la fois par l’objectif de maintenir un écart raisonnable des facteurs « n » des États membres, en comparaison avec un calcul fondé uniquement sur le PIB des États membres et par l’objectif de garantir une certaine stabilité dans le calcul du facteur « n »,
étant donné qu’il est peu probable que la population varie de manière significative sur une base annuelle [arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d’alerte), C‑147/23, EU:C:2024:346, point 83 et jurisprudence citée].

70 Toutefois, la Cour a jugé que la détermination de la capacité de paiement de l’État membre concerné ne saurait inclure, dans la méthode de calcul du facteur « n », la prise en compte d’un critère démographique selon les modalités prévues aux points 3.4 et 4.2 de la communication de 2023 [voir, en ce sens, arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d’alerte), C‑147/23, EU:C:2024:346, points 84 à 86].

71 Partant, conformément à la jurisprudence rappelée au point 67 du présent arrêt et à défaut d’un critère pertinent avancé par la Commission pour garantir une stabilité de calcul et maintenir un écart raisonnable des facteurs « n » des États membres, c’est en tenant compte de la moyenne du PIB du Grand-Duché de Luxembourg des trois dernières années qu’il convient de fixer le montant de la somme forfaitaire.

72 Eu égard à ces considérations et au regard du pouvoir d’appréciation reconnu à la Cour par l’article 260, paragraphe 3, TFUE, lequel prévoit que celle-ci ne saurait, en ce qui concerne la somme forfaitaire, fixer un montant dépassant celui indiqué par la Commission, il y a lieu de considérer que la prévention effective de la répétition future d’infractions analogues à celle résultant de la violation de l’article 26, paragraphe 1, de la directive 2019/1937 et portant atteinte à la pleine
effectivité du droit de l’Union requiert l’imposition d’une somme forfaitaire dont le montant doit être fixé à 375000 euros.

Sur les dépens

73 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du Grand-Duché de Luxembourg et celui-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission.

  Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) déclare et arrête :

  1) En ayant omis, à l’expiration du délai imparti dans l’avis motivé de la Commission européenne du 15 juillet 2022, d’adopter les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2019, sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union, et, partant, en ayant omis de communiquer ces dispositions à la Commission, le Grand‑Duché de Luxembourg a
manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 26, paragraphes 1 et 3, de cette directive.

  2) Le Grand-Duché de Luxembourg est condamné à payer à la Commission européenne une somme forfaitaire d’un montant de 375000 euros.

  3) Le Grand-Duché de Luxembourg est condamné à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.

von Danwitz

Kumin

Ziemele

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 mars 2025.
 
Le greffier

A. Calot Escobar

Le président

K. Lenaerts

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( *1 ) Langue de procédure : le français.


Synthèse
Formation : Sixième chambre
Numéro d'arrêt : C-150/23
Date de la décision : 06/03/2025
Type de recours : Recours en constatation de manquement

Analyses

Manquement d’État – Article 258 TFUE – Protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union – Directive (UE) 2019/1937 – Article 26, paragraphes 1 et 3 – Absence de transposition et de communication des mesures de transposition – Article 260, paragraphe 3, TFUE – Demande de condamnation au paiement d’une somme forfaitaire – Critères d’établissement du montant de la sanction – Application automatique d’un coefficient de gravité.

Rapprochement des législations


Parties
Demandeurs : Commission européenne
Défendeurs : Grand-duché de Luxembourg.

Composition du Tribunal
Avocat général : Emiliou
Rapporteur ?: Ziemele

Origine de la décision
Date de l'import : 11/03/2025
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2025:146

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