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06/03/2025 | CJUE | N°C-149/23

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Commission européenne contre République fédérale d'Allemagne., 06/03/2025, C-149/23


 ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

6 mars 2025 ( *1 )

« Manquement d’État – Article 258 TFUE – Protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union – Directive (UE) 2019/1937 – Article 26, paragraphes 1 et 3 – Absence de transposition et de communication des mesures de transposition – Article 260, paragraphe 3, TFUE – Demande de condamnation au paiement d’une somme forfaitaire – Critères d’établissement du montant de la sanction – Application automatique d’un coefficient de gravité »

D

ans l’affaire C‑149/23,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 et de l’article 260, paragr...

 ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

6 mars 2025 ( *1 )

« Manquement d’État – Article 258 TFUE – Protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union – Directive (UE) 2019/1937 – Article 26, paragraphes 1 et 3 – Absence de transposition et de communication des mesures de transposition – Article 260, paragraphe 3, TFUE – Demande de condamnation au paiement d’une somme forfaitaire – Critères d’établissement du montant de la sanction – Application automatique d’un coefficient de gravité »

Dans l’affaire C‑149/23,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 et de l’article 260, paragraphe 3, TFUE, introduit le 14 mars 2023,

Commission européenne, représentée par MM. J. Baquero Cruz et L. Mantl, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

République fédérale d’Allemagne, représentée par MM. J. Möller, J. Heitz et M. Hellmann, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. T. von Danwitz, vice-président de la Cour, faisant fonction de président de la sixième chambre, M. A. Kumin et Mme I. Ziemele (rapporteure), juges,

avocat général : M. N. Emiliou,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 Par son recours, la Commission européenne demande à la Cour :

– de constater que la République fédérale d’Allemagne a omis d’adopter les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour transposer la directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2019, sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union (JO 2019, L 305, p. 17), ou a, en toute hypothèse, omis de les communiquer à la Commission, et qu’elle a ainsi manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de
l’article 26, paragraphes 1 et 3, de cette directive ;

– de condamner la République fédérale d’Allemagne à payer à la Commission une somme forfaitaire correspondant au plus élevé des deux montants suivants :

– un montant forfaitaire journalier de 61600 euros multiplié par le nombre de jours écoulés entre le jour suivant l’expiration du délai de transposition de la directive 2019/1937 fixé par celle-ci et le jour de régularisation de l’infraction ou, à défaut de régularisation, le jour du prononcé de l’arrêt dans la présente affaire ;

– un montant forfaitaire minimal de 17248000 euros ;

– dans l’hypothèse où le manquement constaté au premier tiret persisterait jusqu’à la date de prononcé de l’arrêt dans la présente affaire, de condamner la République fédérale d’Allemagne à verser à la Commission une astreinte d’un montant de 240240 euros par jour de retard à compter de la date du prononcé de cet arrêt et jusqu’à la date à laquelle la République fédérale d’Allemagne se conforme aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive 2019/1937, et

– de condamner la République fédérale d’Allemagne aux dépens.

Le cadre juridique

La directive 2019/1937

2 Les considérants 1 et 33 de la directive 2019/1937 énoncent :

« (1) [...] [L]es lanceurs d’alerte potentiels sont souvent dissuadés de signaler leurs inquiétudes ou leurs soupçons par crainte de représailles. Dans ce contexte, l’importance d’assurer une protection équilibrée et efficace des lanceurs d’alerte est de plus en plus reconnue tant au niveau de l’Union [européenne] qu’au niveau international.

[...]

(33) Un auteur de signalement se sent généralement plus à l’aise d’effectuer un signalement en interne, sauf s’il a des raisons de le faire à l’extérieur. Des études empiriques montrent que les lanceurs d’alerte, dans leur majorité, ont tendance à effectuer un signalement en interne, au sein de l’organisation dans laquelle ils travaillent. Le signalement en interne est aussi le meilleur moyen de faire en sorte que l’information parvienne aux personnes qui peuvent contribuer à la résolution rapide
et efficace des risques pour l’intérêt public. Dans le même temps, l’auteur de signalement devrait pouvoir choisir le canal de signalement le plus approprié en fonction des circonstances particulières de l’affaire. [...] »

3 Aux termes de l’article 1er de cette directive :

« La présente directive a pour objet de renforcer l’application du droit et des politiques de l’Union dans des domaines spécifiques en établissant des normes minimales communes assurant un niveau élevé de protection des personnes signalant des violations du droit de l’Union. »

4 L’article 8 de ladite directive est ainsi rédigé :

« 1.   Les États membres veillent à ce que les entités juridiques des secteurs privé et public établissent des canaux et des procédures pour le signalement interne et pour le suivi, après consultation des partenaires sociaux et en accord avec ceux-ci lorsque le droit national le prévoit.

2.   Les canaux et procédures visés au paragraphe 1 du présent article permettent aux travailleurs de l’entité de signaler des informations sur des violations. Ils peuvent permettre à d’autres personnes, visées à l’article 4, paragraphe 1, points b), c) et d), et à l’article 4, paragraphe 2, qui sont en contact avec l’entité dans le cadre de leurs activités professionnelles, de signaler également des informations sur des violations.

3.   Le paragraphe 1 s’applique aux entités juridiques du secteur privé qui comptent 50 travailleurs ou plus.

[...]

9.   Le paragraphe 1 s’applique à toutes les entités juridiques du secteur public, y compris toute entité appartenant à de telles entités ou contrôlée par de telles entités.

[...] »

5 L’article 23, paragraphe 1, de la même directive dispose :

« Les États membres prévoient des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives applicables aux personnes physiques ou morales qui :

[...]

c) intentent des procédures abusives contre les personnes visées à l’article 4 ;

[...] »

6 L’article 26 de la directive 2019/1937 prévoit :

« 1.   Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 17 décembre 2021.

2.   Par dérogation au paragraphe 1, en ce qui concerne les entités juridiques du secteur privé comptant 50 à 249 travailleurs, les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à l’obligation d’établir des canaux de signalement interne en vertu de l’article 8, paragraphe 3, au plus tard le 17 décembre 2023.

3.   Lorsque les États membres adoptent les dispositions visées aux paragraphes 1 et 2, celles-ci contiennent une référence à la présente directive ou sont accompagnées d’une telle référence lors de leur publication officielle. Les modalités de cette référence sont arrêtées par les États membres. Les États membres communiquent immédiatement à la Commission le texte de ces dispositions. »

La communication de 2023

7 La communication de la Commission 2023/C 2/01, intitulée « Sanctions financières dans les procédures d’infraction » (JO 2023, C 2, p. 1, ci‑après la « communication de 2023 »), consacre ses points 3 et 4 respectivement à l’« astreinte » et à la « somme forfaitaire ».

8 Le point 3.2 de cette communication, relatif à l’application du coefficient de gravité dans le cadre du calcul de l’astreinte journalière, dispose :

« Une infraction relative à [...] l’absence de communication de mesures de transposition d’une directive adoptée dans le cadre d’une procédure législative est toujours considérée comme grave. Afin d’adapter le montant de la sanction aux circonstances particulières de l’espèce, la Commission détermine le coefficient de gravité sur la base de deux paramètres : l’importance des règles de l’Union enfreintes ou non transposées et les effets de l’infraction sur des intérêts d’ordre général ou
particulier.

[...] »

9 Le point 3.2.2 de ladite communication énonce :

« Pour les recours introduits en vertu de l’article 260, paragraphe 3, [TFUE], la Commission applique systématiquement un coefficient de gravité de 10 en cas de manquement complet à l’obligation de communiquer les mesures de transposition. Dans une Union fondée sur le respect de l’[É]tat de droit, toutes les directives législatives doivent être considérées comme étant d’une importance égale et doivent être intégralement transposées par les États membres dans les délais qui y sont fixés.

En cas de manquement partiel à l’obligation de communiquer les mesures de transposition, l’importance de la lacune de transposition doit être prise en considération lors de la fixation d’un coefficient de gravité qui sera inférieur à 10. En outre, les effets de l’infraction sur des intérêts d’ordre général ou particulier pourraient être pris en compte [...] »

10 Aux termes du point 3.3 de la même communication, intitulé « Application du coefficient de durée » :

« [...]

Le coefficient de durée est exprimé sous la forme d’un multiplicateur compris entre 1 et 3. Il est calculé à un taux de 0,10 par mois à compter de la date du premier arrêt ou du jour suivant l’expiration du délai de transposition de la directive en question.

[...] »

11 Le point 3.4 de la communication de 2023, intitulé « Capacité de paiement de l’État membre », prévoit :

« [...]

Le niveau de sanction requis pour produire un effet dissuasif variera en fonction de la capacité de paiement des États membres. Cet effet dissuasif se reflète dans le facteur n. Il se définit comme une moyenne géométrique pondérée du produit intérieur brut (PIB) [...] de l’État membre concerné par rapport à la moyenne des PIB des États membres, dont le poids est égal à deux, et de la population de l’État membre concerné par rapport à la moyenne de la population des États membres, dont le poids
est égal à un. Cela représente la capacité de paiement de l’État membre concerné par rapport à la capacité de paiement des autres États membres :

Image

[...]

La Commission a [...] décidé de revoir sa méthode de calcul du facteur n, qui repose désormais principalement sur le PIB des États membres et, à titre subsidiaire, sur leur population en tant que critère démographique permettant de maintenir un écart raisonnable entre les différents États membres. La prise en compte de la population des États membres pour un tiers du calcul du facteur n réduit dans une mesure raisonnable la variation des facteurs n des États membres en comparaison avec un calcul
fondé uniquement sur le PIB des États membres. Elle ajoute également un élément de stabilité dans le calcul du facteur n, étant donné qu’il est peu probable que la population varie de manière significative sur une base annuelle. En revanche, le PIB d’un État membre est susceptible de connaître des fluctuations annuelles plus importantes, en particulier en période de crise économique. Dans le même temps, étant donné que le PIB de l’État membre représente encore deux tiers du calcul, il demeure le
facteur prédominant aux fins de l’évaluation de sa capacité de paiement.

[...] »

12 Le point 4.2 de cette communication précise la méthode de calcul de la somme forfaitaire comme suit :

« La somme forfaitaire est calculée d’une manière globalement similaire à la méthode de calcul de l’astreinte, à savoir :

– en multipliant un forfait par un coefficient de gravité ;

– en multipliant le résultat par le facteur n ;

– en multipliant le résultat par le nombre de jours de persistance de l’infraction [...]

[...] »

13 Le point 4.2.1 de ladite communication prévoit :

« Aux fins du calcul de la somme forfaitaire, le montant journalier doit être multiplié par le nombre de jours de persistance de l’infraction. Ce nombre de jours est défini comme suit :

[...]

– pour les recours introduits en vertu de l’article 260, paragraphe 3, [TFUE], il s’agit du nombre de jours compris entre le jour suivant l’expiration du délai de transposition fixé dans la directive concernée et la date à laquelle l’infraction prend fin ou, à défaut de régularisation, la date du prononcé de l’arrêt au titre de l’article 260 [TFUE].

[...] »

14 Aux termes du point 4.2.2 de la même communication :

« Pour le calcul de la somme forfaitaire, la Commission applique le même coefficient de gravité et le même facteur n fixe que pour le calcul de l’astreinte [...]

Le forfait de la somme forfaitaire est inférieur à celui des astreintes. [...]

Le forfait applicable à la somme forfaitaire est fixé au point 2 de l’annexe I.

[...] »

15 L’annexe I de la communication de 2023, intitulée « Données servant au calcul des sanctions financières proposées à la Cour », prévoit, à son point 2, que le forfait de la somme forfaitaire mentionné au point 4.2.2 de ladite communication est fixé à 1000 euros par jour, ce qui correspond à un tiers du forfait de l’astreinte, et, à son point 3, que le facteur « n » pour la République fédérale d’Allemagne est fixé à 6,16. Au point 5 de cette annexe I, il est précisé que la somme forfaitaire
minimale fixée pour cet État membre s’élève à 17248000 euros.

La procédure précontentieuse et la procédure devant la Cour

16 Le 27 janvier 2022, la Commission a adressé une lettre de mise en demeure à la République fédérale d’Allemagne, lui reprochant de ne pas lui avoir communiqué les dispositions législatives, réglementaires ou administratives nécessaires pour se conformer à la directive 2019/1937, dont le délai de transposition avait expiré le 17 décembre 2021. Dans ses réponses du 28 mars et du 3 mai 2022, la République fédérale d’Allemagne a informé la Commission que ces dispositions étaient en cours
d’élaboration.

17 En l’absence de communication ultérieure relative à la transposition de cette directive, la Commission a, le 15 juillet 2022, adressé un avis motivé à la République fédérale d’Allemagne, par lequel elle l’invitait à se conformer aux obligations qui lui incombent en vertu de ladite directive dans un délai de deux mois à compter de la réception de cet avis.

18 La République fédérale d’Allemagne, ayant obtenu une prorogation du délai de réponse audit avis jusqu’au 15 décembre 2022, a indiqué, par lettres du 7 décembre 2022 et du 6 janvier 2023, que la loi de transposition de la directive 2019/1937 serait adoptée de manière définitive le 10 février 2023.

19 Considérant que cet État membre ne s’était toujours pas conformé à ses obligations, la Commission a décidé, le 14 mars 2023, de saisir la Cour du présent recours.

20 Le 2 juin 2023, la République fédérale d’Allemagne a notifié à la Commission le Gesetz für einen besseren Schutz hinweisgebender Personen sowie zur Umsetzung der Richtlinie zum Schutz von Personen, die Verstöβe gegen das Unionsrecht melden (loi fédérale relative à l’amélioration de la protection des lanceurs d’alerte et transposant la directive sur la protection des personnes signalant des violations du droit de l’Union), du 31 mai 2023 (BGBl. 2023 I, no 140, ci‑après le « HinSchG »), dont les
dispositions sont entrées en vigueur le 2 juillet 2023.

21 En outre, la République fédérale d’Allemagne a notifié à la Commission, par lettres du 17 juillet 2023 et du 10 août 2023, les lois régionales concernant respectivement les Länder de Hesse et de Bavière, entrées en vigueur, respectivement, le 2 juillet et le 1er août 2023, visant à transposer la directive 2019/1937 à l’échelon régional. La République fédérale d’Allemagne indiquait au demeurant que l’adoption de lois régionales pour les Länder de Berlin et de Hambourg n’était pas requise en raison
de leur statut particulier.

22 Par acte du 24 octobre 2023, la Commission a adapté ses conclusions indiquant que, à la suite de l’entrée en vigueur du HinSchG, la directive 2019/1937 pouvait être considérée comme étant transposée à l’échelon fédéral, mais que, dans douze Länder, les mesures de transposition de l’article 8, paragraphes 1 et 9, de cette directive, relatif aux canaux de signalement interne, n’avaient toujours pas été adoptées.

23 En conséquence, la Commission a modifié le montant des sanctions demandées, préconisant l’application d’un coefficient de gravité de 1 à partir du 2 juillet 2023. Il en résultait que, pour la période du 18 décembre 2021 au 1er juillet 2023, le coefficient de gravité de 10 demeurait inchangé et le montant de la somme forfaitaire proposée était de 34557600 euros. À compter du 2 juillet 2023, le montant forfaitaire journalier proposé était de 6160 euros. En outre, en application du nouveau
coefficient de gravité, le montant de l’astreinte demandée était réduit à 24024 euros par jour de retard.

24 Entre le 17 juillet 2023 et le 19 juillet 2024, la République fédérale d’Allemagne a notifié à la Commission plusieurs lois régionales de transposition de la directive 2019/1937.

25 Par décision du président de la Cour du 19 décembre 2023, la procédure a été suspendue jusqu’au prononcé de l’arrêt à intervenir dans l’affaire C-147/23. À la suite du prononcé de l’arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d’alerte) (C‑147/23, EU:C:2024:346), la procédure dans la présente affaire a été reprise par décision du président de la Cour du même jour.

26 Par acte du 18 septembre 2024, la Commission a informé la Cour que la transposition de la directive 2019/1937 par la République fédérale d’Allemagne pouvait être considérée comme ayant été achevée le 19 juillet 2024. Partant, cette institution, d’une part, s’est partiellement désistée de son recours, renonçant à sa demande de fixation d’une astreinte, et, d’autre part, a adapté ses conclusions tendant à la condamnation de cet État membre au paiement d’une somme forfaitaire, demandant à ce titre
un montant de 34557600 euros pour la période du 18 décembre 2021 au 1er juillet 2023 et un montant de 2353120 euros pour la période du 2 juillet 2023 au 18 juillet 2024.

Sur le recours

Sur le manquement au titre de l’article 258 TFUE

Argumentation des parties

27 La Commission rappelle que, en application de l’article 288, troisième alinéa, TFUE, les États membres sont tenus d’adopter les dispositions nécessaires pour la transposition des directives dans leur système juridique national, dans les délais prescrits dans ces directives, et de lui communiquer immédiatement ces dispositions.

28 Cette institution précise que l’existence de tout manquement à ces obligations doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé qu’elle lui a adressé.

29 Or, en l’occurrence, la République fédérale d’Allemagne n’aurait pas adopté les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires à la transposition de la directive 2019/1937 ni informé la Commission de leur adoption avant l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, tel qu’il a été prorogé jusqu’au 15 décembre 2022.

30 Tout en reconnaissant le manquement en cause, la République fédérale d’Allemagne expose trois raisons qui justifieraient le retard de transposition de la directive 2019/1937 dans son ordre juridique interne. Tout d’abord, elle fait valoir qu’il n’existait pas de système uniforme de protection des lanceurs d’alerte en droit allemand. Dès lors, il aurait été nécessaire d’instaurer un régime cohérent applicable au-delà du champ d’application de cette directive.

31 Ensuite, la transposition de ladite directive pourrait avoir des répercussions économiques considérables sur les opérateurs contraints d’instaurer des cellules de signalement. Partant, afin de réaliser une transposition responsable et réfléchie, un long processus se serait avéré nécessaire.

32 Enfin, la République fédérale d’Allemagne invoque les difficultés rencontrées au cours du processus législatif de transposition de la directive 2019/1937. Ainsi, en raison des élections au Bundestag (chambre basse du Parlement fédéral) qui ont eu lieu au cours de l’année 2021, l’activité législative a été interrompue dès le mois de juin 2021. Par conséquent, la première lecture du projet de loi de transposition de la directive 2019/1937 par la chambre basse du Parlement fédéral a eu lieu le
29 septembre 2022. Par la suite, le texte de cette loi a été adopté le 16 décembre 2022. Le Bundesrat (Conseil fédéral) l’ayant cependant rejeté, le comité de conciliation a dû être saisi en vue d’aboutir à un compromis. L’approbation par le Conseil fédéral n’est, par conséquent, intervenue que le 12 mai 2023. En tout état de cause, la directive 2019/1937 serait désormais transposée à l’échelon fédéral par le HinSchG.

33 Par ailleurs, la République fédérale d’Allemagne souligne que l’établissement de canaux de signalement interne pour les communes, les associations de communes et les employeurs contrôlés par de telles entités prévus par la directive 2019/1937 relève de la compétence des législateurs régionaux. Cela étant, les lanceurs d’alerte employés dans de telles entités communales pourraient en pratique, indépendamment de l’existence de canaux de signalement interne, utiliser les canaux de signalement
externe, de sorte qu’une protection effective leur serait garantie.

34 Dans son mémoire en réplique, la Commission rappelle, d’une part, que, en vertu d’une jurisprudence constante, un État membre ne saurait exciper de circonstances de son ordre juridique interne ou de difficultés pratiques pour justifier une absence de transposition dans les délais prescrits.

35 D’autre part, la Commission relève que, malgré les actes de transposition notifiés par la République fédérale d’Allemagne au cours de la procédure, la transposition complète de la directive 2019/1937, au sens de l’article 26, paragraphe 1, de celle-ci, n’était pas achevée à la date du dépôt du mémoire en réplique, à savoir le 5 juillet 2023.

36 Ainsi, premièrement, les règles précisant l’organisation et la procédure régissant les canaux de signalement externe au sein du Bundesamt für Justiz (Office fédéral de la justice, Allemagne) n’auraient pas été communiquées à la Commission.

37 Deuxièmement, l’absence de règles régionales régissant les canaux de signalement interne au sein des entités communales ne saurait être compensée par l’existence de canaux de signalement externe mis à la disposition des employés de ces entités. En effet, cette simple possibilité ne répondrait pas à l’exigence de sécurité juridique que requiert la transposition des dispositions d’une directive.

38 Troisièmement, la Commission souligne que la législation allemande qui lui a été notifiée ne prévoit pas de sanctions en cas de procédures judiciaires abusives dirigées contre les lanceurs d’alerte, alors même que de telles sanctions sont prescrites par l’article 23, paragraphe 1, sous c), de la directive 2019/1937.

39 Cette institution en conclut que les dispositions notifiées jusqu’alors par la République fédérale d’Allemagne ne permettaient qu’une transposition partielle de la directive précitée tant à l’échelon fédéral qu’à l’échelon régional.

40 Dans son mémoire en duplique, la République fédérale d’Allemagne souligne, premièrement, que, à l’échelon fédéral, les canaux de signalement externe sont opérationnels depuis l’entrée en vigueur du règlement sur l’organisation de tels canaux, le 11 août 2023.

41 Deuxièmement, le HinSchG prévoirait que l’exercice de représailles contre les auteurs de signalement constitue une infraction passible d’une amende. La notion de « représailles » engloberait à cet égard les procédures judiciaires abusives.

42 Troisièmement, le champ d’application du HinSchG s’étendrait, en principe, aux employés des entités communales, ce qui garantirait leur protection en cas de signalement, indépendamment de la transposition de la directive 2019/1937 par les entités régionales.

43 À la suite du dépôt des conclusions additionnelles de la Commission du 18 septembre 2024, par lesquelles cette institution a indiqué qu’elle estimait que la transposition de la directive 2019/1937 par la République fédérale d’Allemagne pouvait être considérée comme ayant été achevée le 19 juillet 2024, cet État membre a déposé, le 1er octobre 2024, des observations par lesquelles il maintient que cette directive a été intégralement transposée dès l’entrée en vigueur de la loi de transposition, à
savoir le 2 juillet 2023.

Appréciation de la Cour

44 Aux termes de l’article 26, paragraphe 1, de la directive 2019/1937, les États membres devaient, au plus tard le 17 décembre 2021, mettre en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à celle-ci. En outre, l’article 26, paragraphe 3, de cette directive précise que, lorsque les États membres adoptent ces dispositions nationales, celles-ci contiennent une référence à la présente directive ou sont accompagnées d’une telle référence lors de
leur publication officielle. De surcroît, en vertu de cet article 26, paragraphe 3, il appartenait aux États membres de communiquer à la Commission le texte desdites dispositions nationales.

45 Conformément à une jurisprudence constante, l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé, les changements intervenus par la suite ne pouvant être pris en compte par la Cour [arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d’alerte), C-147/23, EU:C:2024:346, point 28 et jurisprudence citée].

46 En l’espèce, après avoir constaté que la République fédérale d’Allemagne ne lui avait pas communiqué les dispositions nécessaires à la transposition de la directive 2019/1937, la Commission a adressé à cet État membre, le 15 juillet 2022, un avis motivé, l’invitant à se conformer dans un délai de deux mois qui courait à compter de la réception de celui-ci et qui a été prorogé jusqu’au 15 décembre 2022, aux obligations visées dans cet avis.

47 Or, ainsi qu’il ressort du mémoire en défense et du mémoire en duplique déposés par la République fédérale d’Allemagne dans la présente procédure, à l’expiration de ce délai, la République fédérale d’Allemagne n’avait pas adopté les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive 2019/1937 et, partant, cet État membre n’avait pas non plus communiqué ces dispositions à la Commission.

48 Pour justifier le retard dans l’adoption des dispositions nécessaires à la transposition de la directive 2019/1937, ledit État membre invoque, premièrement, les longues discussions techniques et politiques qui ont dû être menées pour déterminer dans quelle mesure il convenait d’étendre le champ d’application matériel des dispositions de transposition au-delà de celui prévu par cette directive, de manière à offrir un niveau élevé de protection aux lanceurs d’alerte. En outre, le même État membre
fait état des difficultés liées aux répercussions économiques de ladite directive, ainsi qu’au processus législatif nécessaire à l’adoption de ces dispositions.

49 À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence constante de la Cour, un État membre ne saurait exciper de dispositions, de pratiques ou de situations de son ordre juridique interne pour justifier une inobservation des obligations résultant du droit de l’Union, telle que l’absence de transposition d’une directive dans le délai imparti [arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d’alerte), C‑147/23, EU:C:2024:346, point 33 et jurisprudence citée].

50 En outre, aux termes de l’article 26, paragraphe 1, de la directive 2019/1937, le législateur de l’Union a considéré qu’un délai de transposition de deux ans était suffisant pour permettre aux États membres de se conformer à leurs obligations, de sorte que la République fédérale d’Allemagne ne saurait invoquer des difficultés liées au champ d’application et aux répercussions économiques de la transposition de cette directive.

51 Deuxièmement, s’agissant de la transposition des dispositions de ladite directive, relatives aux canaux de signalement interne au sein des entités communales, la République fédérale d’Allemagne souligne que, en l’absence de tels canaux, rien ne s’oppose à ce que les employés relevant de telles entités utilisent les canaux de signalement externe établis à l’échelon fédéral.

52 Cela étant, ainsi qu’il résulte du considérant 33 de la directive 2019/1937, le législateur de l’Union a considéré que les signalements en interne revêtaient une importance toute particulière en ce qui concerne la prévention des violations du droit de l’Union.

53 C’est pourquoi l’article 8, paragraphe 1, de cette directive prévoit une obligation d’établir des canaux de signalement interne au sein, notamment, des entités juridiques du secteur public.

54 En outre, pour autant que la République fédérale d’Allemagne fait valoir que, en pratique, les employés des entités communales pourraient utiliser les canaux de signalement externe, il convient de relever qu’une pratique dépourvue d’une publicité adéquate est par nature modifiable au gré de l’administration, de sorte qu’elle ne saurait être considérée comme constituant une transposition adéquate des dispositions d’une directive [arrêt du 3 décembre 2020, Commission/Belgique (Marchés de
l’électricité et du gaz naturel), C‑767/19, EU:C:2020:984, point 57 et jurisprudence citée].

55 Dès lors, la République fédérale d’Allemagne ne saurait invoquer utilement ces circonstances pour justifier l’absence de transposition de la directive 2019/1937 dans le délai imparti.

56 Par conséquent, il y a lieu de constater que, en ayant omis, à l’expiration du délai imparti dans l’avis motivé du 15 juillet 2022, prorogé jusqu’au 15 décembre 2022, d’adopter les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive 2019/1937 et, partant, en ayant omis de communiquer ces dispositions à la Commission, la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 26, paragraphes 1 et 3, de
cette directive.

Sur la demande présentée au titre de l’article 260, paragraphe 3, TFUE

Argumentation des parties

57 En vue de la fixation du montant de la somme forfaitaire, la Commission se fonde sur les principes généraux visés au point 2 de la communication de 2023 ainsi que sur la méthode de calcul figurant aux points 3 et 4 de cette communication. En particulier, cette institution indique que la détermination du montant de la somme forfaitaire doit se fonder sur les critères fondamentaux que sont la gravité de l’infraction, sa durée et la nécessité d’assurer l’effet dissuasif de la sanction pour éviter
les récidives.

58 S’agissant, en premier lieu, de la gravité de l’infraction, la Commission rappelle que le coefficient applicable en vertu de la communication de 2023 est compris entre un minimum de 1 et un maximum de 20. Cette institution précise que, conformément au point 3.2.2 de cette communication, elle applique systématiquement un coefficient de gravité de 10 en cas de manquement complet à l’obligation de communiquer les dispositions permettant la transposition d’une directive, tout défaut de transposition
d’une directive et de communication de ces dispositions revêtant un même degré de gravité, indépendamment de la nature des dispositions de la directive concernée.

59 En deuxième lieu, en ce qui concerne la durée de l’infraction, la Commission expose que celle-ci équivaut, s’agissant du calcul de la somme forfaitaire, au nombre de jours de persistance de l’infraction. Cette durée est calculée conformément au point 4.2.1 de la communication de 2023 et correspond au nombre de jours compris entre celui suivant l’expiration du délai de transposition de la directive en question et celui auquel l’infraction a pris fin.

60 S’agissant, en troisième lieu, du critère ayant trait à la nécessité d’assurer l’effet dissuasif de la sanction en considération de la capacité de paiement de l’État membre concerné, la Commission indique que celui-ci est exprimé par le facteur « n » fixé pour chaque État membre au point 3 de l’annexe I de la communication de 2023. Son calcul repose sur le rapport entre le PIB de l’État concerné et le PIB moyen national de l’Union multiplié par le rapport entre la population de cet État et la
population moyenne nationale de l’Union. Le premier rapport est pondéré à hauteur de deux tiers alors que le second est pondéré à hauteur d’un tiers. En application de ce point 3, le facteur « n » de la République fédérale d’Allemagne est de 6,16.

61 En conséquence, la Commission propose, en vertu du point 4.2 de la communication de 2023, de retenir un coefficient de gravité de 10 et d’appliquer le facteur « n » de 6,16. Le produit de ces deux éléments devrait être multiplié par le forfait de la somme forfaitaire fixé au point 2 de l’annexe I de cette communication, à savoir 1000 euros, ce qui correspond à la somme de 61600 euros, à multiplier par le nombre de jours durant lesquels le manquement a persisté, conformément au point 4.2.1 de
ladite communication. La Commission indique que le paiement de cette somme forfaitaire doit être imposé à condition qu’elle soit supérieure à 17248000 euros, montant de la somme forfaitaire minimale fixée pour la République fédérale d’Allemagne au point 5 de l’annexe I de la communication de 2023.

62 Dans son mémoire en défense, la République fédérale d’Allemagne fait valoir que la communication de 2023 n’est pas applicable à la présente procédure de manquement. Elle considère que le point 7 de cette communication, en vertu duquel les dispositions de cette dernière sont applicables aux décisions de saisine de la Cour adoptées après le 4 janvier 2023, est contraire à l’arrêt du 24 mai 2011, Commission/Allemagne (C‑54/08, EU:C:2011:339), dont le point 126 précise que la situation de l’État
membre concerné doit être appréciée au terme du délai prévu dans l’avis motivé. En l’espèce, le terme de ce délai ayant été fixé au 15 décembre 2022, le montant des sanctions financières devrait être calculé selon les modalités établies par la communication de la Commission 2022/C 74/02, intitulée « Mise à jour des données utilisées pour le calcul des sommes forfaitaires et des astreintes que la Commission proposera à la Cour de justice de l’Union européenne dans le cadre des procédures
d’infraction », du 15 février 2022 (JO 2022, C 74, p. 2).

63 En tout état de cause, l’application automatique d’un coefficient de gravité de 10 ne permettrait pas de tenir compte des particularités de la situation en cause. En effet, d’une part, la procédure législative d’adoption des dispositions nécessaires à la transposition de la directive 2019/1937 aurait été achevée avant la fin de la procédure écrite devant la Cour. D’autre part, à la date du dépôt du mémoire en défense, le délai de transposition prévu à l’article 26, paragraphe 2, de cette
directive, concernant l’obligation, prévue à l’article 8, paragraphe 3, de cette dernière, d’établir des canaux de signalement interne n’avait pas expiré. Or, ces circonstances justifieraient, en ce qu’elles seraient constitutives de circonstances atténuantes, l’application d’un coefficient de 3 tout au plus.

64 Dans son mémoire en réplique, la Commission relève, d’une part, que ce n’est qu’au stade de la procédure contentieuse que l’infliction d’une somme forfaitaire peut être demandée. En l’espèce, la Cour ayant été saisie le 14 mars 2023, la communication de 2023 serait applicable en vertu du point 7 de cette dernière. Cette règle garantirait l’égalité de traitement entre les États membres, en particulier lorsque ceux-ci demandent une prolongation du délai fixé dans l’avis motivé, tel que l’a demandée
la République fédérale d’Allemagne en l’espèce.

65 D’autre part, la Commission indique que l’application systématique d’un coefficient de gravité de 10 sur l’échelle allant de 1 à 20 garantit la prévisibilité et l’égalité de traitement entre les États membres. Un tel coefficient serait modéré eu égard aux conséquences de la non transposition de la directive 2019/1937 qui garantit la protection des personnes signalant une violation du droit de l’Union.

66 Par ses conclusions additionnelles du 24 octobre 2023, la Commission propose, à la suite de la notification par la République fédérale d’Allemagne du HinSchG, de déterminer deux périodes d’infraction et d’appliquer, en conséquence, deux coefficients de gravité, l’un de 10 pour la période du 18 décembre 2021 au 1er juillet 2023 et l’autre de 1 pour la période comprise entre le 2 juillet 2023 et le jour de régularisation de l’infraction ou, à défaut de régularisation, le jour du prononcé de l’arrêt
dans la présente affaire. Il en résulte que, pour la première période, le montant journalier proposé est de 61600 euros (10 × 6,16 × 1000), lequel est à multiplier par le nombre de jours de persistance de l’infraction, soit 561 jours. Le montant de la somme forfaitaire demandée est donc de 34557600 euros. Pour la seconde période, le montant forfaitaire journalier proposé de 6160 euros (1 × 6,16 × 1000) est à multiplier par le nombre de jours de persistance de l’infraction.

67 Dans ses observations du 4 décembre 2023 sur ces conclusions additionnelles, la République fédérale d’Allemagne maintient la position qu’elle a exposée dans son mémoire en défense et rappelée dans son mémoire en duplique.

68 Par ses conclusions additionnelles du 18 septembre 2024, la Commission indique qu’elle estime que la transposition de la directive 2019/1937 en droit allemand peut être considérée comme ayant été achevée le 19 juillet 2024. En conséquence, elle considère qu’elle est en mesure de proposer le montant de la somme forfaitaire afférent à la seconde période, celle-ci étant comprise entre le 2 juillet 2023 et le 18 juillet 2024, soit 382 jours de persistance de l’infraction selon la Commission. Le
montant de la somme forfaitaire demandée pour cette période est de 2353120 euros (6160 × 382).

69 La République fédérale d’Allemagne a déposé, le 1er octobre 2024, des observations par lesquelles elle maintient que cette directive a été intégralement transposée dès l’entrée en vigueur de la loi de transposition, à savoir le 2 juillet 2023. Par ailleurs, cet État membre conteste la méthode de calcul du montant de la somme forfaitaire demandée, se fondant sur l’arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d’alerte) (C‑147/23, EU:C:2024:346).

Appréciation de la Cour

70 À titre liminaire, la République fédérale d’Allemagne fait valoir que la communication de 2023 n’est pas applicable ratione temporis à la présente demande de condamnation au paiement d’une somme forfaitaire, au motif que la procédure en manquement a été engagée le 28 janvier 2022, à la suite de la lettre de mise en demeure du 27 janvier 2022, et que les dispositions applicables sont celles qui étaient en vigueur à l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé du 15 juillet 2022. Il convient
toutefois de relever que, en vertu du point 7 de cette communication, les règles et les critères exposés dans celle-ci sont applicables à toutes les décisions de la Commission de saisir la Cour au titre de l’article 260 TFUE prises après la publication de ladite communication, à savoir après le 4 janvier 2023.

71 La Commission ayant décidé de saisir la Cour du présent recours en manquement le 14 mars 2023, la même communication constitue la base juridique pour fixer le montant de la somme forfaitaire demandée en l’espèce.

72 La jurisprudence de la Cour, invoquée par la République fédérale d’Allemagne, selon laquelle l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé, les changements intervenus par la suite ne pouvant être pris en compte par la Cour, est sans incidence à cet égard.

73 En effet, premièrement, la Commission ne peut proposer l’adoption de sanctions pécuniaires que lorsqu’elle saisit la Cour d’un recours fondé sur l’article 258 TFUE, de sorte que le montant de ces sanctions doit être déterminé en application des règles en vigueur à la date de cette saisine.

74 Deuxièmement, les lignes directrices adoptées par la Commission, telles que celles contenues dans ses communications, visent à expliciter les règles selon lesquelles elle fixe les montants des sanctions pécuniaires qu’elle propose à la Cour de prononcer, pour autant que cette dernière constate le manquement reproché à l’État membre concerné.

75 Or, il convient de distinguer les modalités relatives au constat de l’existence d’un manquement de celles relatives à l’infliction des sanctions pécuniaires.

76 En effet, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence citée au point 45 du présent arrêt, l’existence d’un manquement doit être apprécié en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé de la Commission. En revanche, afin de fixer le montant d’une somme forfaitaire, il convient de déterminer la durée du manquement reproché. À cette fin, d’une part, la date à retenir en vue de déterminer le point de départ du manquement en cause est non
pas celle de l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé de la Commission, mais la date à laquelle a expiré le délai de transposition prévu par la directive en question [arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d’alerte), C‑147/23, EU:C:2024:346, point 80 et jurisprudence citée]. D’autre part, la date à laquelle la Commission est en mesure d’apprécier au mieux la gravité de l’infraction, sa durée et l’effet dissuasif de la sanction proposée est celle à laquelle elle décide
de saisir la Cour d’un recours en manquement, la Commission pouvant au demeurant, durant la procédure contentieuse, adapter le montant de la somme forfaitaire demandée en fonction de l’évolution de la situation infractionnelle dans l’État membre concerné.

77 Par conséquent, la jurisprudence à laquelle se réfère la République fédérale d’Allemagne, mentionnée au point 62 du présent arrêt, ne s’oppose pas à ce que la Commission applique, en l’espèce, les règles prévues par la communication de 2023 pour déterminer le montant de la sanction pécuniaire qu’elle propose à la Cour de prononcer.

78 En l’occurrence, il convient de rappeler que l’article 260, paragraphe 3, premier alinéa, TFUE prévoit que, lorsque la Commission saisit la Cour d’un recours en vertu de l’article 258 TFUE, estimant que l’État membre concerné a manqué à son obligation de communiquer les dispositions de transposition d’une directive adoptée conformément à une procédure législative, elle peut, lorsqu’elle le considère approprié, indiquer le montant d’une somme forfaitaire ou d’une astreinte à payer par cet État
membre, qu’elle estime adapté aux circonstances. Conformément à l’article 260, paragraphe 3, second alinéa, TFUE, si la Cour constate le manquement, elle peut infliger à l’État membre concerné le paiement d’une somme forfaitaire ou d’une astreinte dans la limite du montant indiqué par la Commission, l’obligation de paiement prenant effet à la date fixée par la Cour dans son arrêt.

79 Dès lors que, ainsi qu’il ressort du point 56 du présent arrêt, il est établi que, à l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé du 15 juillet 2022, tel que prorogé jusqu’au 15 décembre 2022, la République fédérale d’Allemagne n’avait ni adopté ni, partant, communiqué à la Commission les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires à la transposition dans son droit interne des dispositions de la directive 2019/1937, le manquement ainsi constaté relève du champ
d’application de l’article 260, paragraphe 3, TFUE.

80 Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que l’objectif poursuivi par le mécanisme figurant à l’article 260, paragraphe 3, TFUE est non seulement d’inciter les États membres à mettre fin, dans les plus brefs délais, à un manquement qui, en l’absence d’une telle disposition, aurait tendance à persister, mais également d’alléger et d’accélérer la procédure d’imposition de sanctions pécuniaires concernant les manquements à l’obligation de communication des dispositions nationales de transposition d’une
directive adoptée conformément à la procédure législative [arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d’alerte), C-147/23, EU:C:2024:346, point 57 et jurisprudence citée].

81 Afin d’atteindre cet objectif, l’article 260, paragraphe 3, TFUE prévoit l’imposition, notamment, d’une somme forfaitaire en tant que sanction pécuniaire.

82 La condamnation au paiement d’une somme forfaitaire repose sur l’appréciation des conséquences du défaut d’exécution des obligations pesant sur l’État membre concerné à l’égard des intérêts privés et publics en présence, notamment lorsque le manquement a persisté pendant une longue période [voir, en ce sens, arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d’alerte), C‑147/23, EU:C:2024:346, point 59 et jurisprudence citée].

83 À cet égard, la Commission motive la nature et le montant des sanctions pécuniaires sollicitées, en tenant compte des lignes directrices qu’elle a adoptées, telles que celles contenues dans ses communications, qui, tout en ne liant pas la Cour, contribuent à garantir la transparence, la prévisibilité et la sécurité juridique de l’action menée par la Commission [arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d’alerte), C-147/23, EU:C:2024:346, point 60 et jurisprudence citée].

84 S’agissant de l’opportunité d’imposer une somme forfaitaire, il appartient à la Cour, dans chaque affaire et en fonction des circonstances de l’espèce dont elle se trouve saisie ainsi que du niveau de persuasion et de dissuasion qui lui paraît requis, d’arrêter les sanctions pécuniaires appropriées, notamment pour prévenir la répétition d’infractions analogues au droit de l’Union [arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d’alerte), C‑147/23, EU:C:2024:346, point 62 et
jurisprudence citée].

85 En l’occurrence, il convient de considérer que, nonobstant le fait que la République fédérale d’Allemagne a coopéré avec les services de la Commission au cours de la procédure précontentieuse, l’ensemble des éléments juridiques et factuels entourant le manquement constaté constitue un indicateur de ce que la prévention effective de la répétition future d’infractions analogues au droit de l’Union est de nature à requérir l’adoption d’une mesure dissuasive telle que l’imposition d’une somme
forfaitaire. À cet égard, il convient de relever que, tant à l’expiration du délai prévu à l’article 26, paragraphe 1, de la directive 2019/1937 qu’à l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé du 15 juillet 2022, prorogé jusqu’au 15 décembre 2022, aucune disposition législative, réglementaire et administrative permettant une transposition effective de cette directive n’avait été communiquée à la Commission.

86 En ce qui concerne le calcul du montant de la somme forfaitaire, il convient de rappeler que, en application de l’article 260, paragraphe 3, TFUE, seule la Cour est compétente pour infliger une sanction pécuniaire à un État membre. Toutefois, dans le cadre d’une procédure engagée sur le fondement de cette disposition, la Cour ne dispose que d’un pouvoir d’appréciation encadré, dès lors que, en cas de constat d’un manquement par cette dernière, les propositions de la Commission lient la Cour quant
à la nature de la sanction pécuniaire qu’elle peut infliger et quant au montant maximal de la sanction qu’elle peut prononcer [arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d’alerte), C-147/23, EU:C:2024:346, point 67 et jurisprudence citée].

87 Dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation en la matière tel qu’encadré par les propositions de la Commission, il appartient à la Cour, ainsi qu’il a été rappelé au point 84 du présent arrêt, de fixer le montant de la somme forfaitaire au paiement de laquelle un État membre peut être condamné en vertu de l’article 260, paragraphe 3, TFUE de telle sorte qu’il soit, d’une part, adapté aux circonstances et, d’autre part, proportionné à l’infraction commise. Figurent notamment au rang des facteurs
pertinents à cet égard des éléments tels que la gravité du manquement constaté, la période durant laquelle celui-ci a persisté ainsi que la capacité de paiement de l’État membre en cause [arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d’alerte), C-147/23, EU:C:2024:346, points 68 et 87 ainsi que jurisprudence citée].

88 Il convient également de rappeler que, dans le cadre de ce pouvoir d’appréciation, des lignes directrices, telles que les communications de la Commission, ne lient pas la Cour, mais contribuent à garantir la transparence, la prévisibilité et la sécurité juridique de l’action menée par la Commission elle-même lorsque cette institution fait des propositions à la Cour [arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d’alerte), C-147/23, EU:C:2024:346, point 69 et jurisprudence citée].

89 En l’occurrence, la Commission s’est fondée sur la communication de 2023 pour justifier sa demande tendant à la condamnation de la République fédérale d’Allemagne au paiement d’une somme forfaitaire, ainsi que pour fixer le montant de celle-ci.

90 En premier lieu, concernant la gravité du manquement constaté, il ressort du point 3.2 de la communication de 2023 que, selon la Commission, l’absence de communication des dispositions permettant la transposition d’une directive adoptée dans le cadre d’une procédure législative est toujours considérée comme étant grave. Partant, ce manquement justifierait l’application automatique d’un coefficient de gravité de 10 pour la période du 18 décembre 2021 au 1er juillet 2023. À la suite des
modifications législatives notifiées à la Commission, cette institution considère qu’il convient d’appliquer un coefficient de gravité de 1 pour la période allant du 2 juillet 2023 au 18 juillet 2024.

91 La République fédérale d’Allemagne conteste le niveau de ce coefficient et l’automaticité de son application dans les circonstances du manquement constaté.

92 À cet égard, il convient de rappeler que l’obligation d’adopter des dispositions pour assurer la transposition complète d’une directive et l’obligation de les communiquer à la Commission constituent des obligations essentielles des États membres afin d’assurer la pleine effectivité du droit de l’Union, et que le manquement à ces obligations doit, dès lors, être considéré comme étant d’une gravité certaine [arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d’alerte), C‑147/23,
EU:C:2024:346, point 72 et jurisprudence citée].

93 En l’occurrence, il y a lieu de souligner que la directive 2019/1937 est un instrument crucial du droit de l’Union en tant qu’elle établit, en vertu de son article 1er, lu en combinaison avec le considérant 1 de celle-ci, des normes minimales communes assurant un niveau élevé de protection équilibrée et efficace des personnes qui signalent des violations de ce droit dans des domaines dans lesquels de telles violations sont susceptibles de porter particulièrement atteinte à l’intérêt général. En
effet, en établissant un système de protection des personnes signalant des violations du droit de l’Union dans un contexte professionnel, cette directive contribue à prévenir les atteintes à l’intérêt public, dans des domaines particulièrement sensibles, tels que ceux des marchés publics, de la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, de la protection de l’environnement ou des intérêts financiers de l’Union. Ainsi, les dispositions de ladite directive prévoient
l’obligation, tant pour les entités du secteur public que pour celles du secteur privé, de mettre en place des canaux de signalement interne, des procédures de réception et de suivi des signalements, tout en garantissant les droits des personnes signalant des violations du droit de l’Union ainsi que les conditions dans lesquelles celles-ci peuvent bénéficier de la protection ainsi prévue [arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d’alerte), C-147/23, EU:C:2024:346, point 73].

94 Or, l’absence de transposition des dispositions de la directive 2019/1937 dans le délai imparti porte nécessairement atteinte au droit de l’Union et à son application uniforme et effective, dès lors que des violations de ce droit sont susceptibles de ne pas faire l’objet d’un signalement si les personnes ayant connaissance de telles violations ne bénéficient pas d’une protection contre d’éventuelles représailles [arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d’alerte), C‑147/23,
EU:C:2024:346, point 74].

95 Cela étant, le montant des sanctions pécuniaires infligées à un État membre en vertu de l’article 260, paragraphe 3, TFUE doit être adapté aux circonstances et proportionné à l’infraction commise [arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d’alerte), C‑147/23, EU:C:2024:346, point 75], ainsi qu’il a été rappelé au point 87 du présent arrêt.

96 C’est la raison pour laquelle la Cour a jugé que l’application automatique d’un même coefficient de gravité dans tous les cas d’absence de transposition complète d’une directive et, partant, d’absence de communication des mesures de transposition de cette directive fait nécessairement obstacle à l’adaptation du montant des sanctions pécuniaires aux circonstances qui caractérisent l’infraction et à l’imposition de sanctions proportionnées [arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive
lanceurs d’alerte), C-147/23, EU:C:2024:346, point 76].

97 À cet égard, la Cour a précisé que, en présumant que la violation de l’obligation de communiquer les mesures de transposition d’une directive doit être considérée comme ayant la même gravité quelle que soit la directive concernée, la Commission n’est pas en mesure d’adapter les sanctions pécuniaires en fonction des conséquences du défaut d’exécution de cette obligation sur les intérêts privés et publics, tel que le prévoit le point 3.2.2 de la communication de 2023 [arrêt du 25 avril 2024,
Commission/Pologne (Directive lanceurs d’alerte), C‑147/23, EU:C:2024:346, point 77].

98 En l’espèce, la Commission a proposé, dans ses conclusions additionnelles du 24 octobre 2023, l’application d’un coefficient de gravité de 1 à partir du 2 juillet 2023, à la suite de l’entrée en vigueur du HinSchG assurant, selon elle, la transposition complète de la directive 2019/1937 à l’échelon fédéral. Ainsi qu’il a été exposé au point 68 du présent arrêt, elle a donc déterminé deux périodes d’infraction et demande en conséquence à la Cour d’appliquer deux coefficients de gravité, l’un de 10
pour la période du 18 décembre 2021 au 1er juillet 2023 et l’autre de 1 pour la période du 2 juillet 2023 au 18 juillet 2024. Toutefois, cette institution n’a pas concrètement apprécié, conformément au point 79 de l’arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d’alerte), (C‑147/23, EU:C:2024:346), les conséquences de l’infraction constatée sur les intérêts privés et publics, qui justifieraient l’application d’un coefficient de gravité de 10 au titre de la première période. Cela
étant, la Cour a jugé que le manquement à l’obligation d’adopter les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires à la transposition complète de la directive 2019/1937 ainsi qu’à l’obligation de communiquer ces dispositions à la Commission doit être considéré comme étant d’une gravité particulièrement sérieuse [arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d’alerte), C‑147/23, EU:C:2024:346, point 89].

99 Par ailleurs, il y a lieu de rappeler qu’une obligation de coopération loyale avec la Commission incombe de toute manière aux États membres en vertu de l’article 4, paragraphe 3, TUE, ce qui implique que tout État membre est tenu de faciliter l’accomplissement par cette institution de sa mission consistant, conformément à l’article 17 TUE, à veiller, en tant que gardienne des traités, à l’application du droit de l’Union sous le contrôle de la Cour. Partant, seule une coopération avec la
Commission se caractérisant par des démarches témoignant de l’intention de se conformer dans les plus brefs délais aux obligations découlant d’une directive peut être prise en compte en tant que circonstance atténuante dans le cadre de l’appréciation de la gravité de l’infraction [arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d’alerte), C-147/23, EU:C:2024:346, point 98 et jurisprudence citée].

100 Or, l’argument de la République fédérale d’Allemagne, exposé au point 63 du présent arrêt, selon lequel la procédure législative relative à la transposition de la directive 2019/1937 s’est achevée avant la clôture de la procédure écrite devant la Cour, ne permet pas d’établir l’existence d’une telle circonstance. En outre, l’argument invoqué par cet État membre et mentionné à ce point 63, selon lequel, en application de l’article 26, paragraphe 2, de cette directive, certaines prescriptions de
ladite directive devaient être transposées au plus tard non pas le 17 décembre 2021, mais le 17 décembre 2023, doit être rejeté comme étant inopérant, dans la mesure où le présent recours ne porte pas sur cette disposition.

101 En deuxième lieu, dans le cadre de l’appréciation de la durée de l’infraction, il importe de rappeler que, en ce qui concerne le début de la période dont il convient de tenir compte pour fixer le montant de la somme forfaitaire, la date à retenir en vue de l’évaluation de la durée du manquement en cause est non pas celle de l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé de la Commission, mais la date à laquelle expire le délai de transposition prévu par la directive en question [arrêt du 25 avril
2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d’alerte), C‑147/23, EU:C:2024:346, point 80 et jurisprudence citée].

102 Or, il est constant que la République fédérale d’Allemagne n’avait pas, à l’expiration du délai de transposition prévu à l’article 26, paragraphe 1, de la directive 2019/1937, à savoir le 17 décembre 2021, adopté les dispositions législatives, réglementaires ou administratives nécessaires pour assurer la transposition de cette directive et, partant, n’avait pas non plus communiqué ces dispositions à la Commission, contrairement à ce que prévoit l’article 26, paragraphe 3, de ladite directive. En
outre, ainsi qu’il ressort des points 51 à 54 du présent arrêt, la transposition complète de la même directive n’était pas assurée avec l’entrée en vigueur du HinSchG, en l’absence d’adoption de mesures de transposition dans certains Länder. Il s’ensuit que le manquement en cause, qui n’a pris fin que le 18 juillet 2024, a perduré pendant plus de deux ans et demi.

103 En troisième lieu, en ce qui concerne la capacité de paiement de l’État membre en cause, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, sans préjudice de la possibilité pour la Commission de proposer des sanctions financières fondées sur une pluralité de critères, en vue de permettre, notamment, de maintenir un écart raisonnable entre les divers États membres, il convient de prendre en compte le PIB de cet État en tant que facteur prédominant aux fins de l’appréciation de sa capacité de paiement
et de la fixation de sanctions suffisamment dissuasives et proportionnées, afin de prévenir de manière effective la répétition future d’infractions analogues au droit de l’Union [arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d’alerte), C-147/23, EU:C:2024:346, point 81 et jurisprudence citée].

104 À cet égard, la Cour a itérativement jugé qu’il convenait de prendre en compte l’évolution récente du PIB de l’État membre, telle qu’elle se présente à la date de l’examen des faits par la Cour [arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d’alerte), C-147/23, EU:C:2024:346, point 82 et jurisprudence citée].

105 En l’occurrence, le facteur « n », représentant la capacité de paiement de l’État membre concerné par rapport à la capacité de paiement des autres États membres, appliqué par la Commission aux termes des points 3.4 et 4.2 de la communication de 2023, se définit comme une moyenne géométrique pondérée du PIB de l’État membre concerné par rapport à la moyenne des PIB des États membres, qui compte pour deux tiers du calcul du facteur « n », et de la population de l’État membre concerné par rapport à
la moyenne de la population des États membres, qui compte pour un tiers du calcul du facteur « n », ainsi qu’il ressort de l’équation mentionnée au point 11 du présent arrêt. La Commission justifie cette méthode de calcul du facteur « n » à la fois par l’objectif de maintenir un écart raisonnable des facteurs « n » des États membres, en comparaison avec un calcul fondé uniquement sur le PIB des États membres et par l’objectif de garantir une certaine stabilité dans le calcul du facteur « n »,
étant donné qu’il est peu probable que la population varie de manière significative sur une base annuelle [arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d’alerte), C‑147/23, EU:C:2024:346, point 83 et jurisprudence citée].

106 Toutefois, la Cour a jugé que la détermination de la capacité de paiement de l’État membre concerné ne saurait inclure, dans la méthode de calcul du facteur « n », la prise en compte d’un critère démographique selon les modalités prévues aux points 3.4 et 4.2 de la communication de 2023 [voir, en ce sens, arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d’alerte), C-147/23, EU:C:2024:346, points 84 à 86].

107 Partant, conformément à la jurisprudence rappelée au point 103 du présent arrêt et à défaut d’un critère pertinent avancé par la Commission pour garantir une stabilité de calcul et maintenir un écart raisonnable des facteurs « n » des États membres, c’est en tenant compte de la moyenne du PIB de la République fédérale d’Allemagne des trois dernières années qu’il convient de fixer le montant de la somme forfaitaire.

108 Eu égard à ces considérations et au regard du pouvoir d’appréciation reconnu à la Cour par l’article 260, paragraphe 3, TFUE, lequel prévoit que celle-ci ne saurait, en ce qui concerne la somme forfaitaire, fixer un montant dépassant celui indiqué par la Commission, il y a lieu de considérer que la prévention effective de la répétition future d’infractions analogues à celle résultant de la violation de l’article 26, paragraphes 1 et 3, de la directive 2019/1937 et portant atteinte à la pleine
effectivité du droit de l’Union requiert l’imposition d’une somme forfaitaire dont le montant doit être fixé à 34000000 euros.

Sur les dépens

109 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République fédérale d’Allemagne et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission.

  Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) déclare et arrête :

  1) En ayant omis, à l’expiration du délai imparti dans l’avis motivé de la Commission européenne du 15 juillet 2022, tel qu’il a été prorogé jusqu’au 15 décembre 2022, d’adopter les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2019, sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union, et, partant, en ayant omis de communiquer ces dispositions à
la Commission, la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 26, paragraphes 1 et 3, de cette directive.

  2) La République fédérale d’Allemagne est condamnée à payer à la Commission européenne une somme forfaitaire d’un montant de 34000000 euros.

  3) La République fédérale d’Allemagne est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.


Synthèse
Formation : Sixième chambre
Numéro d'arrêt : C-149/23
Date de la décision : 06/03/2025
Type de recours : Recours en constatation de manquement

Analyses

Manquement d’État – Article 258 TFUE – Protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union – Directive (UE) 2019/1937 – Article 26, paragraphes 1 et 3 – Absence de transposition et de communication des mesures de transposition – Article 260, paragraphe 3, TFUE – Demande de condamnation au paiement d’une somme forfaitaire – Critères d’établissement du montant de la sanction – Application automatique d’un coefficient de gravité.

Rapprochement des législations


Parties
Demandeurs : Commission européenne
Défendeurs : République fédérale d'Allemagne.

Composition du Tribunal
Avocat général : Emiliou
Rapporteur ?: Ziemele

Origine de la décision
Date de l'import : 11/03/2025
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2025:145

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