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27/02/2025 | CJUE | N°C-277/24

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, M. B. contre Dyrektor Izby Administracji Skarbowej we Wrocławiu., 27/02/2025, C-277/24


 ARRÊT DE LA COUR (neuvième chambre)

27 février 2025 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Article 273 – Mesures visant à assurer l’exacte perception de la TVA – Dette de TVA d’un assujetti – Réglementation nationale prévoyant la responsabilité solidaire de l’ancien président du conseil d’administration de l’assujetti – Participation de l’ancien président du conseil d’administration à la procédure constatant l’existence d’une dette de TVA – Pro

cédure d’engagement de la responsabilité
solidaire – Remise en cause de la dette de TVA – Droits de la défense – Propor...

 ARRÊT DE LA COUR (neuvième chambre)

27 février 2025 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Article 273 – Mesures visant à assurer l’exacte perception de la TVA – Dette de TVA d’un assujetti – Réglementation nationale prévoyant la responsabilité solidaire de l’ancien président du conseil d’administration de l’assujetti – Participation de l’ancien président du conseil d’administration à la procédure constatant l’existence d’une dette de TVA – Procédure d’engagement de la responsabilité
solidaire – Remise en cause de la dette de TVA – Droits de la défense – Proportionnalité »

Dans l’affaire C‑277/24 [Adjak] ( i ),

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Wojewódzki Sąd Administracyjny we Wrocławiu (tribunal administratif de voïvodie de Wrocław, Pologne), par décision du 25 janvier 2024, parvenue à la Cour le 22 avril 2024, dans la procédure

M. B.

contre

Dyrektor Izby Administracji Skarbowej we Wrocławiu,

LA COUR (neuvième chambre),

composée de M. N. Jääskinen, président de chambre, M. A. Arabadjiev et Mme R. Frendo (rapporteure), juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour le Dyrektor Izby Administracji Skarbowej we Wrocławiu, par M. E. Chojnacki et Mme B. Rogowska-Rajda,

– pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna et Mme D. Lutostańska, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement tchèque, par Mme L. Březinová, MM. M. Smolek et J. Vláčil, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par M. M. Herold et Mme B. Sasinowska, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 205 et 273 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1, ci-après la « directive TVA »), lus en combinaison avec l’article 2 TUE, les articles 17, 41 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), le principe de proportionnalité, le droit à un procès équitable et les droits de la
défense.

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. B. au Dyrektor Izby Administracji Skarbowej we Wrocławiu (directeur de la chambre de l’administration fiscale de Wrocław, Pologne) (ci-après le « DIAS ») au sujet de la participation de M. B. à la procédure administrative visant à déterminer l’existence d’une dette de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) d’une société dont celle-ci avait présidé le conseil d’administration.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 L’article 193 de la directive TVA prévoit :

« La TVA est due par l’assujetti effectuant une livraison de biens ou une prestation de services imposable, sauf dans les cas où la taxe est due par une autre personne en application des articles 194 à 199 ter et de l’article 202. »

4 L’article 205 de cette directive énonce :

« Dans les situations visées aux articles 193 à 200 et aux articles 202, 203 et 204, les États membres peuvent prévoir qu’une personne autre que le redevable est solidairement tenue d’acquitter la TVA. »

5 L’article 273, premier alinéa, de ladite directive est libellé comme suit :

« Les États membres peuvent prévoir d’autres obligations qu’ils jugeraient nécessaires pour assurer l’exacte perception de la TVA et pour éviter la fraude, sous réserve du respect de l’égalité de traitement des opérations intérieures et des opérations effectuées entre États membres par des assujettis, et à condition que ces obligations ne donnent pas lieu dans les échanges entre les États membres à des formalités liées au passage d’une frontière. »

Le droit polonais

6 L’ustawa – Ordynacja podatkowa (loi portant réglementation fiscale), du 29 août 1997, dans sa version applicable aux faits du litige au principal (Dz. U. de 2023, position 2383) (ci-après le « code des impôts »), dispose, à son article 107 :

« 1.   Dans les cas et dans la mesure prévus par le présent chapitre, des tiers sont également solidairement responsables avec l’assujetti, sur l’ensemble de leur patrimoine, des arriérés d’impôts de ce dernier.

[...]

2.   Sauf dispositions contraires, les tiers sont également responsables :

[...]

3) des avances non remboursées dans les délais sur la [TVA] payée en amont ainsi que des intérêts sur ces avances ;

[...] »

7 L’article 108 du code des impôts prévoit, à son paragraphe 1 :

« L’administration fiscale statue par voie de décision sur la responsabilité fiscale d’un tiers. »

8 Aux termes de l’article 116 de ce code :

« 1.   Les membres du conseil d’administration d’une société à responsabilité limitée, d’une société à responsabilité limitée en formation, d’une société par actions simplifiée, d’une société par actions simplifiée en formation, d’une société anonyme ou d’une société anonyme en formation sont solidairement responsables sur l’ensemble de leur patrimoine pour les arriérés d’impôts desdites sociétés, si l’exécution forcée sur le patrimoine de la société s’est révélée totalement ou partiellement
infructueuse et si le membre du conseil d’administration :

1) n’a pas démontré que :

a) une demande de mise en faillite a été introduite [...] ;

b) l’absence de demande de mise en faillite n’est pas due à une faute de sa part ;

2) n’a pas identifié les biens de la société dont l’exécution permettrait de couvrir en grande partie les arriérés d’impôts de la société.

[...]

2.   La responsabilité des membres du conseil d’administration s’étend aux arriérés d’impôts pour les dettes échues pendant l’exercice de leurs fonctions et aux arriérés [...] nés pendant l’exercice desdites fonctions.

[...]

4.   Les dispositions des paragraphes 1 à 3 s’appliquent également à l’ancien membre du conseil d’administration et à l’ancien représentant ou associé de la société en formation.

[...] »

9 L’article 133, paragraphe 1, dudit code énonce :

« Sont parties à la procédure fiscale le contribuable, le payeur, le percepteur ou leur ayant droit, ainsi que le tiers visé aux articles 110 à 117c qui, en raison de son intérêt juridique, demande une action de l’administration fiscale, auquel l’action de l’administration fiscale se rapporte ou dont l’action de l’administration fiscale concerne l’intérêt juridique. »

Le litige au principal et la question préjudicielle

10 M. B. a été présidente du conseil d’administration de la société B. sp z o.o. du mois d’août 2014 au mois de janvier 2018.

11 Cette société a fait l’objet d’une procédure de contrôle fiscal (ci-après la « procédure fiscale en cause ») par le Naczelnik Urzędu Skarbowego Wrocław-Stare Miasto (chef de l’administration fiscale de Wrocław-Stare Miasto, Pologne) (ci-après le « NUS »), portant sur les déclarations de TVA relatives à la période allant du mois de juin au mois d’octobre 2016.

12 Le 22 août 2022, M. B. a présenté au NUS une demande tendant à obtenir la qualité de partie à la procédure fiscale en cause ainsi que l’accès au dossier de celle-ci, au motif qu’elle avait présidé le conseil d’administration de la société B. Par une ordonnance du 12 septembre 2022, le NUS a rejeté cette demande.

13 Saisi par M. B. d’une réclamation, le DIAS, par une ordonnance du 27 octobre 2022 (ci-après l’« ordonnance du DIAS »), a annulé l’ordonnance du NUS du 12 septembre 2022 dans son intégralité et a clôturé la procédure. Dans cette ordonnance, le DIAS a indiqué que la qualité de partie à une procédure fiscale dépend de l’appréciation des autorités compétentes. Or, de l’avis du DIAS, M. B. ne relève d’aucune des catégories d’entités énumérées à l’article 133 du code des impôts. Dans ces circonstances,
le DIAS a considéré qu’il n’existait aucune base juridique sur laquelle le NUS pouvait fonder son ordonnance. En effet, ce code ne prévoit pas que la question de l’octroi ou non à une personne donnée de la qualité de partie à une procédure en cours soit tranchée par une ordonnance ou tout autre acte.

14 Le 6 décembre 2022, M. B. a formé un recours devant le Wojewódzki Sąd Administracyjny we Wrocławiu (tribunal administratif de voïvodie de Wrocław, Pologne), qui est la juridiction de renvoi, en vue d’obtenir l’annulation de l’ordonnance du DIAS.

15 À l’appui de son recours, M. B. fait valoir, tout d’abord, que le DIAS a erronément interprété les dispositions du droit national, en considérant qu’elle n’avait pas d’intérêt juridique, au sens de l’article 133 du code des impôts, à demander l’octroi de la qualité de partie à la procédure fiscale menée envers la société B. Ensuite, M. B. indique que, ayant été l’unique membre du conseil d’administration de cette société pendant la période faisant l’objet de la procédure fiscale en cause, elle
possède la meilleure connaissance de l’activité de ladite société, ce qui serait crucial aux fins de cette procédure. Son audition ponctuelle par le NUS en tant que témoin ne serait ni suffisante ni exhaustive. Enfin, M. B. souligne que sa demande d’octroi de la qualité de partie à ladite procédure est justifiée au motif que d’éventuelles créances impayées de la société B. l’affecteront en tant que personne physique.

16 Dans la demande de décision préjudicielle, la juridiction de renvoi expose, en premier lieu, que, selon la pratique constante de l’administration fiscale polonaise, confirmée par la jurisprudence des juridictions nationales relative aux articles 116 et 133 du code des impôts, l’engagement de la responsabilité solidaire de tiers, tels qu’un membre ou un ancien membre du conseil d’administration d’une société, résulte de deux procédures distinctes :

– une procédure qui vise à définir le montant de la dette fiscale (ci-après la « procédure d’imposition »), à laquelle est seule partie la personne assujettie à l’imposition en cause dans cette procédure ;

– une action en responsabilité solidaire des tiers (ci-après la « procédure en responsabilité solidaire »), lorsque la personne assujettie dont la dette fiscale a été établie à l’issue de la procédure d’imposition ne respecte pas ses obligations fiscales.

17 À cet égard, la juridiction de renvoi indique que, selon la pratique nationale, un tiers tel qu’un ancien membre du conseil d’administration de la société ayant une dette fiscale n’a pas un intérêt juridique, au sens de l’article 133 du code des impôts, à être partie à la procédure d’imposition concernant cette société. Ce tiers pourrait être seulement partie à la procédure en responsabilité solidaire.

18 Cette juridiction précise, néanmoins, que les dispositions du code des impôts et la pratique nationale ne prévoient pas la possibilité pour ledit tiers de contester le montant de la dette fiscale établi à l’issue de la procédure d’imposition, dans le cadre de la procédure en responsabilité solidaire. Cette dernière, en effet, viserait principalement à déterminer si les conditions de la responsabilité du tiers sont réunies.

19 En second lieu, la juridiction de renvoi expose ses doutes quant à la compatibilité de la pratique nationale en cause avec le droit de l’Union.

20 Cette juridiction indique que, en l’occurrence, le litige porte en substance sur les garanties procédurales qu’il convient d’accorder à un tiers, dans le cadre d’une procédure visant à définir le montant de la dette fiscale d’une société, en raison de l’obligation, qui lui incombe potentiellement, de couvrir, avec son patrimoine personnel, la dette de TVA pesant sur cette société.

21 La juridiction de renvoi expose que, certes, un mécanisme de responsabilité solidaire d’un tiers pour les obligations fiscales d’une société contribue à assurer l’exacte perception de la TVA, au sens de l’article 273 de la directive TVA, lu à la lumière de l’article 325, paragraphe 1, TFUE. Toutefois, en s’appuyant notamment sur l’arrêt du 8 mai 2019, EN.SA. (C‑712/17, EU:C:2019:374, points 38 et 39), cette juridiction souligne que la marge d’appréciation que l’article 273 de la directive TVA
confère aux États membres quant aux moyens pour atteindre les objectifs poursuivis par cet article doit être exercée dans le respect du droit de l’Union, notamment de ses principes généraux, dont le principe de proportionnalité.

22 À cet égard, ladite juridiction indique qu’il ressort, notamment, de l’arrêt du 13 octobre 2022, Direktor na Direktsia « Obzhalvane i danachno-osiguritelna praktika » (C‑1/21, EU:C:2022:788), que l’article 273 de la directive TVA et le principe de proportionnalité doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale prévoyant, lorsque certaines circonstances sont réunies, un mécanisme de responsabilité solidaire pour les dettes de TVA d’une personne morale.
Néanmoins, conformément à cet arrêt, l’administration fiscale devrait, dans le cadre d’une procédure relative à la responsabilité solidaire d’un tiers, examiner les circonstances liées à la contribution de ce tiers à la dette fiscale, ou à une autre réduction du budget de l’État au titre de la TVA. Or, selon la même juridiction, une pratique nationale excluant la participation dudit tiers à la procédure visant à fixer le montant de la dette fiscale ne satisfait pas à cette exigence.

23 En effet, l’absence de participation d’un tiers susceptible de faire l’objet d’une procédure en responsabilité solidaire à la procédure d’imposition pourrait avoir pour conséquence que ce tiers ne pourrait pas remettre en cause les éventuelles constatations erronées de l’administration fiscale, dès lors que cette administration serait liée par la décision définitive prise à l’égard de la société concernée par la procédure d’imposition.

24 Par ailleurs, la juridiction de renvoi indique que le fait que ledit tiers puisse être entendu en tant que témoin dans le cadre de la procédure d’imposition ne permet pas de considérer qu’il dispose des garanties procédurales propres à une partie à cette procédure.

25 Ainsi, selon cette juridiction, le fait qu’un tiers susceptible de voir sa responsabilité solidaire engagée ne puisse pas participer à la procédure d’imposition, visant à définir le montant de la dette fiscale, soulève des interrogations quant au respect de l’État de droit, visé à l’article 2 TUE, du droit de propriété, protégé par l’article 17 de la Charte, du principe de bonne administration, des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective, garantis notamment
aux articles 41 et 47 de la Charte, ainsi que du principe de proportionnalité.

26 Dans ce contexte, la juridiction de renvoi se réfère notamment à l’arrêt du 16 octobre 2019, Glencore Agriculture Hungary (C‑189/18, EU:C:2019:861). Selon cette juridiction, dès lors qu’il résulte de cet arrêt qu’il est nécessaire que le particulier faisant l’objet d’une procédure fiscale puisse prendre connaissance des éléments réunis dans le cadre de procédures connexes, il y a lieu de considérer que les dispositions de la directive TVA, le principe du respect des droits de la défense et
l’article 47 de la Charte ne s’opposent pas à ce qu’un tiers susceptible d’être tenu pour solidairement responsable des dettes d’une société ait la qualité de partie à la procédure d’imposition menée contre cette société, ce qui impliquerait le droit pour celui-ci de prendre connaissance des éléments de preuve sur la base desquels l’administration fiscale fixe le montant de la dette fiscale que ce tiers sera en définitive susceptible de supporter.

27 Dans ces conditions, le Wojewódzki Sąd Administracyjny we Wrocławiu (tribunal administratif de voïvodie de Wrocław) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Les articles 205 et 273 de la directive [TVA] lus en combinaison avec l’article 2 TUE [...] ([É]tat de droit, respect des droits de l’homme) ainsi qu’avec l’article 17 (droit de propriété), l’article 41 (droit à une bonne administration) et l’article 47 (droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal) de la [Charte] de même qu’avec les principes suivants garantis par le droit de l’Union : le principe de proportionnalité, le droit à un procès équitable et les droits de la défense,
doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale et à une pratique nationale fondée sur celle-ci qui refusent à une personne physique (membre du conseil d’administration d’une personne morale) susceptible d’être tenue pour solidairement responsable, sur l’ensemble de son patrimoine privé, de la dette fiscale de cette personne morale au titre de la TVA, le droit de participer activement à la procédure visant à établir cette dette fiscale par voie de décision
définitive de l’administration fiscale, cette personne physique se trouvant privée, dans la procédure distincte visant à établir sa responsabilité solidaire pour la dette fiscale de la personne morale au titre de la TVA, d’un moyen adéquat pour contester de manière effective les constatations et appréciations précédemment effectuées quant à l’existence ou au montant de la dette fiscale de la personne morale, contenues dans la décision définitive de l’administration fiscale précédemment adoptée
sans la participation de cette personne physique, cette décision constituant par conséquent un précédent dans cette procédure distincte en vertu d’une disposition nationale consacrée par la pratique nationale ? »

Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

28 Dans ses observations écrites, le DIAS fait valoir que, en droit polonais, toute décision relative à la responsabilité d’un tiers est exclue si une période de plus de cinq ans s’est écoulée depuis la fin de l’année civile au cours de laquelle les arriérés d’impôts sont nés. Dans l’affaire au principal, cette période aurait expiré à la fin de l’année 2021, de sorte que le droit d’engager une procédure en responsabilité solidaire serait prescrit. Dès lors, la réponse de la Cour à la présente
demande de décision préjudicielle n’aurait aucune incidence sur la responsabilité de M. B., en tant qu’ancien membre du conseil d’administration de la société B., au regard des arriérés d’impôts de cette dernière.

29 À cet égard, certes, il ressort à la fois des termes et de l’économie de l’article 267 TFUE que la procédure préjudicielle présuppose, notamment, qu’un litige soit effectivement pendant devant les juridictions nationales, la décision préjudicielle sollicitée devant être « nécessaire » pour permettre à la juridiction de renvoi de « rendre son jugement » dans l’affaire dont elle se trouve saisie. En effet, la justification du renvoi préjudiciel est non pas la formulation d’opinions consultatives
sur des questions générales ou hypothétiques, mais le besoin inhérent à la solution effective d’un contentieux [arrêt du 25 juin 2020, Ministerio Fiscal (Autorité susceptible de recevoir une demande de protection internationale), C‑36/20 PPU, EU:C:2020:495, point 48 et jurisprudence citée].

30 Toutefois, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire au principal, la pertinence de la question qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que la question posée porte sur l’interprétation ou sur la validité d’une règle du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer. Il s’ensuit qu’une question préjudicielle portant sur
le droit de l’Union bénéficie d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une telle question n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées [arrêt du
22 novembre 2022, Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid (Éloignement – Cannabis thérapeutique), C‑69/21, EU:C:2022:913, point 41 et jurisprudence citée].

31 En l’occurrence, il est constant que la juridiction de renvoi est saisie du recours de M. B. tendant à l’annulation de l’ordonnance du DIAS, par laquelle celui-ci a rejeté la demande de M. B. tendant à ce qu’elle obtienne la qualité de partie à la procédure d’imposition visant la société B., laquelle est, selon cette juridiction, toujours en cours. De même, ladite juridiction estime que la réponse de la Cour à la présente demande de décision préjudicielle est nécessaire pour qu’elle puisse
résoudre précisément le litige ayant pour objet ce recours.

32 Dès lors, la présente demande de décision préjudicielle est recevable.

Sur la question préjudicielle

Observations liminaires

33 Selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la procédure de coopération entre les juridictions nationales et la Cour, instituée à l’article 267 TFUE, il appartient à celle-ci de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. Dans cette optique, il incombe, le cas échéant, à la Cour de reformuler la question qui lui est soumise. En outre, la Cour peut être amenée à prendre en considération des normes du droit de l’Union auxquelles le
juge national n’a pas fait référence dans l’énoncé de sa question (arrêt du 16 mai 2019, Plessers, C‑509/17, EU:C:2019:424, point 32 et jurisprudence citée).

34 Ainsi qu’il résulte du point 27 du présent arrêt, la question préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 205 et 273 de la directive TVA, lus en combinaison avec l’article 2 TUE, les articles 17, 41 et 47 de la Charte, le principe de proportionnalité, le droit à un procès équitable et les droits de la défense.

35 En premier lieu, en ce qui concerne la directive TVA, il convient de rappeler que, aux termes de son article 205, dans les situations visées aux articles 193 à 200 et 202 à 204 de cette directive, les États membres peuvent prévoir qu’une personne autre que le redevable est solidairement tenue d’acquitter la TVA.

36 Les articles 193 à 200 et 202 à 204 de la directive TVA déterminent les personnes redevables de la TVA, conformément à l’objet de la section 1, intitulée « Redevables de la taxe envers le Trésor », du chapitre 1 du titre XI de cette directive, dont ces dispositions font partie. Si l’article 193 de ladite directive prévoit, comme règle de base, que la TVA est due par l’assujetti effectuant une livraison de biens ou une prestation de services imposable, le libellé de cet article précise que
d’autres personnes peuvent ou doivent être redevables de cette taxe dans les situations visées aux articles 194 à 199 ter et 202 de la même directive (voir, en ce sens, arrêt du 13 octobre 2022, Direktor na Direktsia « Obzhalvane i danachno-osiguritelna praktika », C‑1/21, EU:C:2022:788, point 48 et jurisprudence citée).

37 Il ressort ainsi du contexte formé par les articles 193 à 205 de la directive TVA que l’article 205 de cette directive s’inscrit dans un ensemble de dispositions qui visent à identifier le redevable de la TVA en fonction de diverses situations (arrêt du 13 octobre 2022, Direktor na Direktsia  Obzhalvane i danachno-osiguritelna praktika , C‑1/21, EU:C:2022:788, point 49 et jurisprudence citée).

38 Dès lors, l’article 205 de la directive TVA permet, en principe, aux États membres d’adopter, en vue d’une perception efficace de la TVA, des mesures en vertu desquelles une personne autre que celle qui est normalement redevable de cette taxe en vertu des articles 193 à 200 et 202 à 204 de cette directive est solidairement tenue d’acquitter ladite taxe (arrêt du 13 octobre 2022, Direktor na Direktsia  Obzhalvane i danachno-osiguritelna praktika , C‑1/21, EU:C:2022:788, point 50 et jurisprudence
citée).

39 En l’occurrence, il ne ressort pas de la demande de décision préjudicielle que le mécanisme de responsabilité solidaire prévu en Pologne à l’article 116 du code des impôts ait pour objet de désigner une personne redevable de la taxe sur une ou plusieurs opérations imposables déterminées, au sens des articles 193 et 205 de la directive TVA, lus conjointement. En effet, en application de ce mécanisme, les membres ou les anciens membres du conseil d’administration d’une société peuvent, sous
certaines conditions, être considérés comme étant solidairement responsables de tout ou partie des dettes de TVA de cette société, sans que ces dettes se rattachent à une ou à plusieurs opérations imposables déterminées.

40 Par conséquent, il n’apparaît pas que l’article 205 de la directive TVA soit applicable dans les circonstances du litige au principal (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 13 octobre 2022, Direktor na Direktsia  Obzhalvane i danachno-osiguritelna praktika , C‑1/21, EU:C:2022:788, points 51, 52 et 54).

41 En second lieu, s’agissant des principes et des droits fondamentaux mentionnés par la juridiction de renvoi, il y a lieu de constater que l’article 41 de la Charte, relatif au droit à une bonne administration, n’est pas applicable dans le cadre du litige au principal, dès lors qu’il s’adresse non pas aux États membres, mais uniquement aux institutions, aux organes et aux organismes de l’Union (arrêt du 17 juillet 2014, YS e.a., C‑141/12 et C‑372/12, EU:C:2014:2081, point 67). Certes, ainsi que le
souligne la juridiction de renvoi, le droit à une bonne administration, consacré à cette disposition, reflète un principe général du droit de l’Union (arrêt du 17 juillet 2014, YS e.a., C‑141/12 et C‑372/12, EU:C:2014:2081, point 68). Toutefois, il n’apparaît pas nécessaire, en l’occurrence, de mobiliser le droit à une bonne administration, en tant que principe général du droit de l’Union, sous un angle différent de celui du droit d’être entendu et du droit d’accès au dossier, qui, selon la
jurisprudence, font partie des droits de la défense (arrêt du 10 septembre 2013, G. et R., C‑383/13 PPU, EU:C:2013:533, point 32 ; voir, en ce sens, arrêt du 16 octobre 2019, Glencore Agriculture Hungary, C‑189/18, EU:C:2019:861, points 41 et 51), également visés par la question posée.

42 De même, eu égard à la nature administrative de la procédure d’imposition, ainsi que, au demeurant, de la procédure en responsabilité solidaire, l’article 47 de la Charte, relatif au droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial, n’est pas pertinent, pas plus que ne l’est le droit à une protection juridictionnelle effective (voir, en ce sens, arrêt du 1er décembre 2022, Aquila Part Prod Com, C‑512/21, EU:C:2022:950, point 59).

43 En outre, dès lors que, au stade de la procédure d’imposition entamée à l’égard de la société susceptible d’avoir une dette de TVA, le patrimoine personnel des membres du conseil d’administration de celle-ci n’est pas susceptible d’être touché, il n’est pas nécessaire de prendre en considération l’article 17 de la Charte, relatif au droit de propriété.

44 Par ailleurs, si la juridiction de renvoi se réfère également à l’article 2 TUE, qui énonce les valeurs sur lesquelles l’Union est fondée, rien dans la demande de décision préjudicielle ne permet de considérer que cette juridiction demande l’interprétation de cet article de manière autonome par rapport aux droits fondamentaux et aux principes qu’elle mentionne dans sa question.

45 Par conséquent, il y a lieu de reformuler la présente question préjudicielle en ce sens que, par celle-ci, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 273 de la directive TVA, lu en combinaison avec l’article 325, paragraphe 1, TFUE, les droits de la défense et le principe de proportionnalité, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation et une pratique nationales selon lesquelles un tiers qui est susceptible d’être tenu pour responsable solidaire de la
dette fiscale d’une personne morale ne peut pas être partie à la procédure d’imposition menée à l’encontre de cette personne afin d’établir la dette fiscale de celle-ci, et ne se voit pas accorder de moyen adéquat pour contester les constatations et appréciations quant à l’existence ou au montant de ladite dette fiscale dans le cadre de la procédure en responsabilité solidaire.

Sur le fond

46 Conformément à l’article 273, premier alinéa, de la directive TVA, les États membres peuvent prévoir d’autres obligations que celles prévues par cette directive lorsqu’ils jugent ces obligations nécessaires pour assurer l’exacte perception de la TVA et pour éviter la fraude (arrêts du 19 octobre 2017, Paper Consult, C‑101/16, EU:C:2017:775, point 49, et du 11 janvier 2024, Global Ink Trade, C‑537/22, EU:C:2024:6, point 41).

47 En outre, l’article 325, paragraphe 1, TFUE impose aux États membres de lutter contre la fraude et toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union par des mesures dissuasives et effectives.

48 Il découle, notamment, des dispositions susmentionnées que les États membres ont l’obligation de prendre toutes les mesures législatives et administratives propres à garantir la perception de l’intégralité de la TVA due sur leurs territoires respectifs et à lutter contre la fraude (arrêt du 13 octobre 2022, Direktor na Direktsia  Obzhalvane i danachno-osiguritelna praktika , C‑1/21, EU:C:2022:788, point 60 et jurisprudence citée).

49 Un mécanisme de responsabilité solidaire tel que celui institué par l’article 116 du code des impôts participe au recouvrement de montants de TVA qui n’ont pas été acquittés par une personne morale assujettie dans les délais impératifs établis par les dispositions de la directive TVA. Un tel mécanisme contribue donc à assurer l’exacte perception de la TVA au sens de l’article 273 de cette directive, conformément à l’obligation établie à l’article 325, paragraphe 1, TFUE (voir, en ce sens et par
analogie, arrêt du 13 octobre 2022, Direktor na Direktsia  Obzhalvane i danachno-osiguritelna praktika , C‑1/21, EU:C:2022:788, point 61).

50 Il résulte de la jurisprudence que, en dehors des limites qu’elles fixent, les dispositions de l’article 273 de la directive TVA ne précisent ni les conditions ni les obligations que les États membres peuvent prévoir. Elles confèrent, dès lors, à ceux-ci une marge d’appréciation quant aux moyens visant à atteindre les objectifs tenant à recouvrer l’intégralité de la TVA et à lutter contre la fraude. Néanmoins, les États membres sont tenus d’exercer leur compétence dans le respect du droit de
l’Union et de ses principes généraux (voir, en ce sens, arrêt du 13 octobre 2022, Direktor na Direktsia  Obzhalvane i danachno-osiguritelna praktika , C‑1/21, EU:C:2022:788, points 69 et 72).

51 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le respect des droits de la défense constitue un principe général du droit de l’Union. Ce principe trouve à s’appliquer dès lors que l’administration se propose de prendre, à l’égard d’une personne, un acte qui fait grief à cette dernière. En vertu dudit principe, les destinataires de décisions qui affectent de manière sensible leurs intérêts doivent être mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue quant
aux éléments sur lesquels l’administration entend se fonder. Cette obligation pèse sur les administrations des États membres lorsqu’elles prennent des mesures entrant dans le champ d’application du droit de l’Union, alors même que la législation de l’Union applicable ne prévoit pas expressément une telle formalité (arrêt du 16 octobre 2019, Glencore Agriculture Hungary, C‑189/18, EU:C:2019:861, point 39 et jurisprudence citée).

52 Ainsi qu’il résulte du point 41 du présent arrêt, les droits de la défense comportent le droit d’être entendu et le droit d’accès au dossier.

53 Toutefois, le principe du respect des droits de la défense ne constitue pas une prérogative absolue, mais peut comporter des restrictions, à la condition que celles-ci répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis par la mesure en cause et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même des droits ainsi garantis (arrêt du 16 octobre 2019, Glencore Agriculture Hungary, C‑189/18,
EU:C:2019:861, point 43 et jurisprudence citée).

54 Au nombre de ces objectifs figure, notamment, dans le contexte des procédures de contrôle fiscal, la protection des exigences de confidentialité ou de secret professionnel (voir, en ce sens, arrêt du 16 octobre 2019, Glencore Agriculture Hungary, C‑189/18, EU:C:2019:861, point 55).

55 Par ailleurs, il résulte de la jurisprudence que, lors du contrôle du respect des droits de la défense dans le cadre de procédures administratives connexes, il doit être tenu compte également de la sécurité juridique, qui est aussi un principe général du droit de l’Union. Dès lors que le caractère définitif d’une décision administrative contribue à la sécurité juridique, en principe, le droit de l’Union n’exige pas qu’un organe soit obligé de revenir sur une décision administrative ayant acquis
un tel caractère définitif (voir, en ce sens, arrêt du 16 octobre 2019, Glencore Agriculture Hungary, C‑189/18, EU:C:2019:861, points 45 et 46).

56 Cela étant, le caractère définitif d’une décision administrative ne saurait justifier une atteinte à la substance même des droits de la défense. Ainsi, il ne peut pas être admis que, en raison du caractère définitif des décisions prises à l’issue de procédures administratives connexes, l’administration fiscale soit dispensée de faire connaître à l’assujetti les éléments de preuve, y compris ceux provenant de ces procédures, sur la base desquels elle entend prendre une décision à son égard, et que
cet assujetti soit ainsi privé du droit de remettre en cause utilement, au cours de la procédure dont il fait l’objet, ces constatations de fait et ces qualifications juridiques (voir, en ce sens, arrêt du 16 octobre 2019, Glencore Agriculture Hungary, C‑189/18, EU:C:2019:861, points 47 et 49).

57 En l’occurrence, à l’issue de la procédure d’imposition, l’administration fiscale polonaise déterminera l’existence et le montant de la dette de TVA de la société B. et, dans l’hypothèse où cette société ne rembourserait pas sa dette et où l’exécution forcée de celle-ci serait infructueuse, M. B. pourra faire l’objet d’une procédure en responsabilité solidaire.

58 Or, une décision qui, à l’issue de cette dernière procédure, constaterait la responsabilité solidaire de M. B. pour la dette fiscale de la société B., telle que préalablement fixée dans le cadre de la procédure d’imposition, ferait grief à M. B.

59 Par conséquent, dans l’hypothèse visée au point précédent, les principes rappelés au point 56 du présent arrêt exigent que l’administration fiscale polonaise respecte les droits de la défense de la personne visée par la procédure en responsabilité solidaire engagée à la suite d’une procédure d’imposition ayant abouti à la constatation d’une dette fiscale, qui n’a pas pu être, en tout ou en partie, recouvrée auprès de la personne assujettie à la TVA.

60 Or, ainsi qu’il résulte des points 18 et 23 du présent arrêt, en l’occurrence, selon les constatations de la juridiction de renvoi, la procédure en responsabilité solidaire ne semble pas permettre de remettre en cause le montant de la dette, dès lors que son objet apparaît être limité à établir si sont réunies les conditions qui résultent de l’article 116 du code des impôts pour que la dette fiscale préalablement constatée à l’issue de la procédure d’imposition puisse être réclamée à un tiers.
Aussi, une procédure en responsabilité solidaire qui se déroulerait dans de telles conditions pourrait porter atteinte à la substance même des droits de la défense de ce tiers.

61 Cela étant, il y a lieu de rappeler que, au stade de la procédure d’imposition menée à l’encontre d’une société, il existe seulement une possibilité qu’une procédure en responsabilité solidaire soit ultérieurement ouverte à l’encontre d’un tiers et que, à l’issue de cette dernière procédure, soit adoptée une décision faisant grief à ce tiers ou affectant sensiblement ses intérêts.

62 En revanche, l’octroi audit tiers du droit de participer à la procédure d’imposition pourrait, en principe, compromettre la confidentialité de certaines informations ou prolonger la durée de cette procédure, portant ainsi atteinte à l’intérêt public consistant à assurer la perception efficace de la TVA.

63 Dans ce contexte, il convient de rappeler que, en vertu du principe de proportionnalité, les États membres doivent avoir recours à des moyens qui, tout en permettant d’atteindre efficacement l’objectif poursuivi par le droit interne, portent le moins possible atteinte aux objectifs et aux principes posés par la législation de l’Union concernée. Ainsi, s’il est légitime que les mesures adoptées par les États membres tendent à préserver le plus efficacement possible les droits du Trésor public,
elles ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire à cette fin (arrêt du 13 octobre 2022, Direktor na Direktsia  Obzhalvane i danachno-osiguritelna praktika , C‑1/21, EU:C:2022:788, point 73 et jurisprudence citée).

64 Or, refuser à un tiers qui est susceptible d’être tenu pour responsable solidaire de la dette fiscale d’une personne morale le droit de participer à la procédure d’imposition menée à l’encontre de celle-ci ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour préserver le plus efficacement possible les droits du Trésor public. En revanche, cette limite serait franchie s’il était porté atteinte à la substance même des droits de la défense de ce tiers dans le cadre de la procédure en responsabilité
solidaire éventuellement engagée à l’égard dudit tiers.

65 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question préjudicielle que l’article 273 de la directive TVA, lu en combinaison avec l’article 325, paragraphe 1, TFUE, les droits de la défense et le principe de proportionnalité, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation et à une pratique nationales selon lesquelles un tiers qui est susceptible d’être tenu pour responsable solidaire de la dette fiscale d’une personne morale ne peut pas être
partie à la procédure d’imposition menée à l’encontre de cette personne afin d’établir la dette fiscale de celle-ci, sans préjudice de la nécessité que ce tiers, au cours de la procédure en responsabilité solidaire éventuellement menée à son égard, puisse remettre en cause utilement les constatations de fait et les qualifications juridiques effectuées par l’administration fiscale dans le cadre de la procédure d’imposition, et avoir accès au dossier de celle-ci, dans le respect des droits de
ladite personne ou d’autres tiers.

Sur les dépens

66 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) dit pour droit :

  L’article 273 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, lu en combinaison avec l’article 325, paragraphe 1, TFUE, les droits de la défense et le principe de proportionnalité,

  doit être interprété en ce sens que :

  il ne s’oppose pas à une réglementation et à une pratique nationales selon lesquelles un tiers qui est susceptible d’être tenu pour responsable solidaire de la dette fiscale d’une personne morale ne peut pas être partie à la procédure menée à l’encontre de cette personne afin d’établir la dette fiscale de celle-ci, sans préjudice de la nécessité que ce tiers, au cours de la procédure en responsabilité solidaire éventuellement menée à son égard, puisse remettre en cause utilement les constatations
de fait et les qualifications juridiques effectuées par l’administration fiscale dans le cadre de la première procédure, et avoir accès au dossier de celle-ci, dans le respect des droits de ladite personne ou d’autres tiers.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le polonais.

( i ) Le nom de la présente affaire est un nom fictif. Il ne correspond au nom réel d’aucune partie à la procédure.


Synthèse
Formation : Neuvième chambre
Numéro d'arrêt : C-277/24
Date de la décision : 27/02/2025
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Wojewódzki Sąd Administracyjny we Wrocławiu.

Renvoi préjudiciel – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Article 273 – Mesures visant à assurer l’exacte perception de la TVA – Dette de TVA d’un assujetti – Réglementation nationale prévoyant la responsabilité solidaire de l’ancien président du conseil d’administration de l’assujetti – Participation de l’ancien président du conseil d’administration à la procédure constatant l’existence d’une dette de TVA – Procédure d’engagement de la responsabilité solidaire – Remise en cause de la dette de TVA – Droits de la défense – Proportionnalité.

Droits fondamentaux

Charte des droits fondamentaux


Parties
Demandeurs : M. B.
Défendeurs : Dyrektor Izby Administracji Skarbowej we Wrocławiu.

Composition du Tribunal
Avocat général : Campos Sánchez-Bordona
Rapporteur ?: Frendo

Origine de la décision
Date de l'import : 01/03/2025
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2025:130

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