ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)
21 janvier 2025 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Environnement – Transfert de déchets – Directive 2006/12/CE – Directive 2008/98/CE – Notion de “déchets” – Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination – Article 1er, paragraphe 4 – Règlement (CE) no 1013/2006 – Déchets soumis à la procédure de notification et de consentement écrits préalables – Transferts de déchets à l’intérieur de l’Union européenne – Article 1er, paragraphe 3, sous b) – Validité –
Interprétation conforme à la convention de Bâle – Déchets produits à bord d’un navire à la suite de son avarie en haute mer – Notion de “débarquement des déchets” – Débarquement partiel des déchets dans un port sûr »
Dans l’affaire C‑188/23,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Oberlandesgericht München (tribunal régional supérieur de Munich, Allemagne), par décision du 14 mars 2023, parvenue à la Cour le 23 mars 2023, dans la procédure
Land Niedersachsen
contre
Conti 11. Container Schiffahrts-GmbH & Co. KG MS « MSC Flaminia »,
LA COUR (grande chambre),
composée de M. K. Lenaerts, président, M. F. Biltgen, Mme K. Jürimäe, MM. C. Lycourgos, I. Jarukaitis, Mme M. L. Arastey Sahún, MM. S. Rodin, A. Kumin, N. Jääskinen et D. Gratsias, présidents de chambre, M. E. Regan, Mme I. Ziemele (rapporteure) et M. J. Passer, juges,
avocat général : Mme T. Ćapeta,
greffier : Mme A. Juhász-Tóth, administratrice,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 27 février 2024,
considérant les observations présentées :
– pour le Land Niedersachsen, par Mes H. Jacobj, R. van der Hout et S. Walter, Rechtsanwälte,
– pour Conti 11. Container Schiffahrts-GmbH & Co. KG MS « MSC Flaminia », par Mes J.-E. Pötschke et W. Steingröver, Rechtsanwälte,
– pour le gouvernement français, par MM. B. Fodda, B. Herbaut et M. Raux, en qualité d’agents,
– pour le Parlement européen, par Mme G. C. Bartram et M. W. D. Kuzmienko, en qualité d’agents,
– pour le Conseil de l’Union européenne, par Mmes T. Haas et A. Maceroni, en qualité d’agents,
– pour la Commission européenne, par Mmes M. Escobar Gomez, M. Bruti Liberati, L. Haasbeek et M. M. Noll-Ehlers, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 16 mai 2024,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur la validité et l’interprétation de l’article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement (CE) no 1013/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2006, concernant les transferts de déchets (JO 2006, L 190, p. 1).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Land Niedersachsen (Land de Basse-Saxe, Allemagne) à Conti 11. Container Schiffahrts-GmbH & Co. KG MS « MSC Flaminia » (ci-après « Conti ») au sujet de la réparation du préjudice que cette dernière soutient avoir subi du fait de l’obligation, imposée par le Land de Basse-Saxe, de mettre en œuvre une procédure de notification et de consentement écrits préalables relative au transport de déchets se trouvant à bord du navire MSC
Flaminia (ci-après le « Flaminia ») à la suite de son avarie survenue en haute mer.
Le cadre juridique
Le droit international
La convention de Vienne sur le droit des traités
3 L’article 31 de la convention de Vienne sur le droit des traités, du 23 mai 1969 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 1155, p. 331), intitulé « Règle générale d’interprétation », énonce :
« 1. Un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but.
2. Aux fins de l’interprétation d’un traité, le contexte comprend, outre le texte, préambule et annexes inclus :
a) Tout accord ayant rapport au traité et qui est intervenu entre toutes les parties à l’occasion de la conclusion du traité ;
b) Tout instrument établi par une ou plusieurs parties à l’occasion de la conclusion du traité et accepté par les autres parties en tant qu’instrument ayant rapport au traité.
[...] »
La convention de Bâle
4 Le préambule de la convention sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination, signée à Bâle le 22 mars 1989, approuvée, au nom de la Communauté économique européenne, par la décision 93/98/CEE du Conseil, du 1er février 1993 (JO 1993, L 39, p. 1), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après la « convention de Bâle »), énonce, à ses premier, troisième à cinquième, dixième, onzième et quinzième alinéas :
« [les Parties à la Convention sont] conscientes des dommages que les déchets dangereux et d’autres déchets ainsi que les mouvements transfrontières de ces déchets risquent de causer à la santé humaine et à l’environnement,
[...]
[...] la manière la plus efficace de protéger la santé humaine et l’environnement des dangers que représentent ces déchets consiste à réduire leur production au minimum du point de vue de la quantité et/ou du danger potentiel,
[...] les États devraient prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que la gestion des déchets dangereux et d’autres déchets, y compris leurs mouvements transfrontières et leur élimination, soit compatible avec la protection de la santé humaine et de l’environnement, quel que soit le lieu où ils sont éliminés,
[...] les États devraient veiller à ce que le producteur s’acquitte des obligations ayant trait au transport et à l’élimination des déchets dangereux et d’autres déchets d’une manière qui soit compatible avec la protection de l’environnement, quel que soit le lieu où ils sont éliminés,
[...]
[...] le contrôle accru des mouvements transfrontières de déchets dangereux et d’autres déchets encouragera une gestion écologiquement rationnelle de ces déchets et une réduction du volume des mouvements transfrontières correspondants,
[...] les États devraient prendre des mesures pour assurer un échange approprié d’informations et un contrôle effectif des mouvements transfrontières de déchets dangereux et d’autres déchets en provenance et à destination de ces États,
[...]
[...] les États sont tenus de s’acquitter de leurs obligations internationales concernant la protection de la santé humaine ainsi que la protection et la sauvegarde de l’environnement et sont responsables à cet égard conformément au droit international ».
5 L’article 1er de cette convention, intitulé « Champ d’application de la convention », prévoit :
« 1. Les déchets ci-après, qui font l’objet de mouvements transfrontières, seront considérés comme des “déchets dangereux” aux fins de la présente Convention :
a) Les déchets qui appartiennent à l’une des catégories figurant à l’annexe I, à moins qu’ils ne possèdent aucune des caractéristiques indiquées à l’annexe III ; et
b) Les déchets auxquels les dispositions de l’alinéa a) ne s’appliquent pas, mais qui sont définis ou considérés comme dangereux par la législation interne de la partie d’exportation, d’importation ou de transit.
2. Les déchets qui appartiennent à l’une des catégories figurant à l’annexe II et font l’objet de mouvements transfrontières seront considérés comme “d’autres déchets” aux fins de la présente Convention.
[...]
4. Les déchets provenant de l’exploitation normale d’un navire et dont le rejet fait l’objet d’un autre instrument international sont exclus du champ d’application de la présente Convention. »
6 L’article 4 de la convention de Bâle, intitulé « Obligations générales », dispose :
« [...]
2. Chaque Partie prend les dispositions voulues pour :
a) Veiller à ce que la production de déchets dangereux et d’autres déchets à l’intérieur du pays soit réduite au minimum, compte tenu des considérations sociales, techniques et économiques ;
b) Assurer la mise en place d’installations adéquates d’élimination qui devront, dans la mesure du possible, être situées à l’intérieur du pays, en vue d’une gestion écologiquement rationnelle des déchets dangereux et d’autres déchets en quelque lieu qu’ils soient éliminés ;
[...]
d) Veiller à ce que les mouvements transfrontières de déchets dangereux et d’autres déchets soient réduits à un minimum compatible avec une gestion efficace et écologiquement rationnelle desdits déchets et qu’ils s’effectuent de manière à protéger la santé humaine et l’environnement contre les effets nocifs qui pourraient en résulter ;
[...]
f) Exiger que les renseignements sur les mouvements transfrontières proposés de déchets dangereux et d’autres déchets soient communiqués aux États concernés, conformément à l’annexe V A, pour qu’ils puissent évaluer les conséquences pour la santé humaine et l’environnement des mouvements envisagés ;
[...]
h) Coopérer avec les autres Parties et les autres organisations intéressées, directement et par l’intermédiaire du Secrétariat, à des activités portant notamment sur la diffusion de renseignements sur les mouvements transfrontières de déchets dangereux et d’autres déchets, afin d’améliorer la gestion écologiquement rationnelle desdits déchets et d’empêcher le trafic illicite ;
[...] »
7 L’article 6 de cette convention, intitulé « Mouvements transfrontières entre parties », prévoit :
« 1. L’État d’exportation informe par écrit, par l’intermédiaire de l’autorité compétente de l’État d’exportation, l’autorité compétente des États concernés de tout mouvement transfrontière de déchets dangereux ou d’autres déchets envisagé, ou exige du producteur ou de l’exportateur qu’il le fasse. Ces notifications doivent contenir les déclarations et renseignements spécifiés à l’annexe V-A, rédigés dans une langue acceptable pour l’État d’importation. Une seule notification est envoyée à
chacun des États concernés.
2. L’État d’importation accuse par écrit réception de la notification à celui qui l’a donnée en consentant au mouvement avec ou sans réserve, ou en refusant l’autorisation de procéder au mouvement, ou en demandant un complément d’information. Une copie de la réponse définitive de l’État d’importation est envoyée aux autorités compétentes des États concernés qui sont Parties.
3. L’État d’exportation n’autorise pas le producteur ou l’exportateur à déclencher le mouvement transfrontière avant d’avoir reçu confirmation écrite que :
a) L’auteur de la notification a reçu le consentement écrit de l’État d’importation ; et que
b) L’auteur de la notification a reçu de l’État d’importation confirmation de l’existence d’un contrat entre l’exportateur et l’éliminateur spécifiant une gestion écologiquement rationnelle des déchets considérés.
[...] »
8 L’article 10, paragraphe 1, de ladite convention est libellé comme suit :
« Les Parties coopèrent entre elles afin d’améliorer et d’assurer la gestion écologiquement rationnelle des déchets dangereux et d’autres déchets. »
9 L’annexe I de la même convention contient une liste des catégories de déchets soumis au contrôle prévu par ladite convention.
10 L’annexe II de la convention de Bâle précise les catégories de déchets demandant un examen spécial.
11 L’annexe VIII de cette convention établit une liste des déchets considérés comme étant dangereux en vertu de l’article 1er, paragraphe 1, sous a), de ladite convention.
Le droit de l’Union
La directive 2006/12/CE
12 L’article 1er de la directive 2006/12/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2006, relative aux déchets (JO 2006, L 114, p. 9), prévoyait, à son paragraphe 1, sous a) :
« Aux fins de la présente directive, on entend par :
a) “déchet” : toute substance ou tout objet qui relève des catégories figurant à l’annexe I, dont le détenteur se défait ou dont il a l’intention ou l’obligation de se défaire ;
[...] »
13 La directive 2006/12 a été abrogée par la directive 2008/98/CE du Parlement et du Conseil, du 19 novembre 2008, relative aux déchets et abrogeant certaines directives (JO 2008, L 312, p. 3). L’article 1, paragraphe 1, sous a), de la directive 2006/12 est repris, en substance, à l’article 3, point 1, de la directive 2008/98.
Le règlement no 1013/2006
14 Les considérants 1, 3, 7, 8, 14, 18, 35 et 36 du règlement no 1013/2006 énoncent :
« (1) L’objectif et l’élément principal et prédominant du présent règlement est la protection de l’environnement, ses effets sur le commerce international n’étant que marginaux.
[...]
(3) La décision [93/98] [...] concernait la conclusion, au nom de la Communauté, de la convention de Bâle [...], à laquelle la Communauté est partie depuis 1994. En adoptant le règlement (CEE) no 259/93 [du Conseil, du 1er février 1993, concernant la surveillance et le contrôle des transferts de déchets à l’entrée et à la sortie de la Communauté européenne (JO 1993, L 30, p. 1)], le Conseil [de l’Union européenne] a établi des règles visant à restreindre et à contrôler ces mouvements dans le but,
notamment, de rendre le système communautaire existant en matière de surveillance et de contrôle des mouvements de déchets conforme aux exigences de la convention de Bâle.
[...]
(7) Il est important d’organiser et de réglementer la surveillance et le contrôle des transferts de déchets d’une manière qui tienne compte de la nécessité de préserver, de protéger et d’améliorer la qualité de l’environnement et la santé humaine et qui favorise une application plus uniforme du règlement dans l’ensemble de la Communauté.
(8) Il importe également de garder à l’esprit l’exigence prévue à l’article 4, paragraphe 2, point d), de la convention de Bâle, en vertu de laquelle les mouvements de déchets dangereux doivent être réduits au minimum compatible avec une gestion efficace et écologiquement rationnelle desdits déchets.
[...]
(14) Dans le cas des transferts de déchets destinés à être éliminés et de déchets non visés aux annexes III, III A ou III B et destinés à être valorisés, il convient d’assurer une surveillance et un contrôle optimaux en imposant l’obtention d’un consentement écrit préalable à ce type de transferts. Une telle procédure devrait elle-même donner lieu à une notification préalable, permettant aux autorités compétentes d’être dûment informées de manière à pouvoir prendre toutes les mesures nécessaires
à la protection de la santé humaine et de l’environnement, mais aussi à pouvoir formuler des objections motivées à l’encontre de ce transfert.
[...]
(18) Eu égard à la responsabilité des producteurs de déchets dans la gestion écologiquement rationnelle des déchets, ils devraient, dans la mesure du possible, remplir eux-mêmes les documents de notification et de mouvement concernant les transferts de déchets.
[...]
(35) Il est nécessaire de veiller à ce que le démantèlement des navires soit réalisé d’une manière sûre et écologiquement rationnelle afin de préserver la santé humaine et l’environnement. [...]
(36) Une coopération internationale efficace en matière de contrôle des transferts de déchets concourt à assurer le contrôle des transferts de déchets dangereux. Il convient d’encourager l’échange d’informations, le partage des responsabilités et la coopération entre la Communauté et ses États membres, d’une part, et les pays tiers, d’autre part, afin de garantir une gestion rationnelle des déchets. »
15 L’article 1er de ce règlement dispose :
« 1. Le présent règlement établit les procédures et les régimes de contrôle applicables au transfert de déchets, en fonction de l’origine, de la destination et de l’itinéraire du transfert, du type de déchets transférés et du type de traitement à appliquer aux déchets sur leur lieu de destination.
[...]
3. Sont exclus du champ d’application du présent règlement :
a) le déchargement à terre de déchets produits par le fonctionnement normal des navires et des plates-formes offshore, y compris les eaux résiduaires et les résidus, pour autant que ceux-ci sont régis par la convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires, [signée à Londres le 2 novembre 1973, telle que complétée par le protocole du 17 février 1978] (Marpol 73/78), ou d’autres instruments internationaux contraignants ;
b) les déchets produits à bord de véhicules, de trains, d’avions et de navires, jusqu’à ce que ces déchets soient débarqués en vue de leur valorisation ou élimination ;
[...] »
16 L’article 2 dudit règlement prévoit :
« Aux fins du présent règlement, on entend par :
[...]
1) “déchet”, la définition qui en est donnée à l’article 1er, paragraphe 1, point a), de la directive [2006/12] ;
2) “déchet dangereux”, la définition qui en est donnée à l’article 1er, paragraphe 4, de la directive 91/689/CEE du Conseil, du 12 décembre 1991, relative aux déchets dangereux [(JO 1991, L 377, p. 20), telle que modifiée par la directive 94/31/CE du 27 juin 1994 (JO 1994, L 168, p. 28)] ;
[...]
8) “gestion écologiquement rationnelle”, toutes mesures pratiques permettant d’assurer que les déchets sont gérés d’une manière qui garantisse la protection de la santé humaine et de l’environnement contre les effets nocifs que peuvent avoir ces déchets ;
[...]
34) “transfert”, le transport de déchets destinés à être éliminés ou valorisés qui est prévu ou a lieu :
a) entre un pays et un autre pays ; ou
b) entre un pays et des pays et territoires d’outre-mer ou d’autres zones sous la protection dudit pays ; ou
c) entre un pays et un territoire qui n’est rattaché à aucun pays au regard du droit international ; ou
d) entre un pays et l’Antarctique ; ou
e) au départ d’un pays par l’une des zones susvisées ; ou
f) à l’intérieur d’un pays par une autre des zones susvisées et qui débute et s’achève dans le même pays ; ou
g) au départ d’une zone géographique qui ne relève de la compétence d’aucun pays, à destination d’un pays ;
[...] »
17 L’article 3, paragraphe 1, du même règlement, qui figure sous le titre II de celui-ci, intitulé « Transferts à l’intérieur de la Communauté transitant ou non par des pays tiers », dispose :
« Sont soumis à la procédure de notification et de consentement écrits préalables, conformément aux dispositions du présent titre, les transferts ayant pour objet les déchets suivants :
a) s’il s’agit de déchets destinés à être éliminés :
tous les déchets ;
b) s’il s’agit de déchets destinés à être valorisés :
i) les déchets figurant à l’annexe IV, laquelle comprend notamment les déchets énumérés aux annexes II et VIII de la convention de Bâle ;
ii) les déchets figurant à l’annexe IV A ;
iii) les déchets pour lesquels il n’existe pas de rubrique propre dans les annexes III, III B, IV ou IV A ;
iv) les mélanges de déchets pour lesquels il n’existe pas de rubrique propre dans les annexes III, III B, IV ou IV A, sauf s’ils figurent à l’annexe III A. »
18 Le chapitre 1 du titre II du règlement no 1013/2006, qui comprend les articles 4 à 17, décrit la procédure de notification et de consentement écrits préalables.
Le litige au principal et les questions préjudicielles
19 Le Flaminia est un porte-conteneurs appartenant à Conti, qui battait pavillon allemand lors de la période en cause au principal.
20 Le 14 juillet 2012, au cours d’un voyage de Charleston (États-Unis) à Anvers (Belgique), un incendie s’est déclaré et des explosions se sont produites à bord de ce navire, alors qu’il transportait 4808 conteneurs, dont 151 dits « de matières dangereuses ». Après que l’incendie a été maîtrisé, Conti a obtenu, le 21 août 2012, l’autorisation de remorquer ce navire dans les eaux territoriales allemandes. Conformément à la lettre du Havariekommando (centre de commandement en cas d’urgence maritime,
Allemagne), du 25 août 2012, Conti s’est vu imposer l’obligation d’établir un plan pour la suite des opérations et de désigner d’éventuels partenaires contractuels en vue de l’exécution des mesures correspondantes.
21 Le 9 septembre 2012, ledit navire a été remorqué à Wilhelmshaven (Allemagne).
22 Conti s’est notamment engagée auprès des autorités allemandes à assurer le transfert sûr du même navire vers un chantier de réparation situé à Mangalia (Roumanie) et à garantir un traitement approprié des substances se trouvant à son bord.
23 Par lettre du 30 novembre 2012, le Niedersächsisches Umweltministerium (ministère de l’Environnement du Land de Basse-Saxe, Allemagne) a informé Conti que le navire lui-même « ainsi que l’eau d’extinction se trouvant à bord, de même que les boues et la ferraille, [devaient] être qualifiés de déchets » et que, par conséquent, leur transfert était soumis à une procédure de notification et de consentement écrits préalables. Par courrier du 3 décembre 2012, Conti a contesté cette appréciation.
24 Par décision du 4 décembre 2012, le Gewerbeaufsichtsamt Oldenburg (inspection du travail d’Oldenbourg, Allemagne) a fait obligation à Conti de mettre en œuvre une telle procédure en raison de la présence, à bord du Flaminia, de ferraille et d’eau d’extinction mêlée de boues et de résidus de cargaison. Conti s’est, en outre, vu interdire d’éloigner ce navire avant la clôture de ladite procédure et la présentation, en langue allemande, d’un projet vérifiable d’élimination de ces déchets.
25 Le 21 décembre 2012, la cargaison intacte a été déchargée et la navigabilité dudit navire jusqu’à une hauteur de vague de six mètres a été confirmée.
26 Une procédure de notification et de consentement écrits préalables pour le transfert de l’eau d’extinction vers le port d’Odense (Danemark) a été engagée et clôturée. Les opérations de pompage de l’eau d’extinction ont débuté le 18 février 2013. Une fois qu’il a été possible d’estimer la quantité de boue d’extinction qui ne pouvait pas être pompée, la suite de cette procédure a été engagée, le 26 février 2013, avec les autorités roumaines.
27 L’autorisation de départ, demandée pour le 4 mars 2013, a été délivrée le 1er mars 2013. Toutefois, avant que le Flaminia ne puisse quitter le port, 30 conteneurs avec des déchets ont dû être déchargés, cette opération s’étant prolongée jusqu’au 7 mars 2013. Après la clôture de la procédure de notification et de consentement écrits préalables engagée avec les autorités roumaines, ce navire contenant 24000 tonnes de déchets a pu entreprendre son voyage le 15 mars 2013.
28 À la suite du recours formé par Conti devant le Landgericht München I (tribunal régional de Munich I, Allemagne) tendant à la condamnation du Land de Basse-Saxe à réparer les préjudices résultant en particulier des coûts engendrés par les procédures de notification qu’elle a dû supporter, cette juridiction a introduit une demande de décision préjudicielle devant la Cour visant à déterminer si des résidus imputables à l’avarie d’un navire, sous forme de ferraille et d’eau d’extinction mêlée de
boues et de résidus de cargaison, devaient être qualifiés de « déchets produits à bord de véhicules, de trains, d’avions et de navires », au sens de l’article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement no 1013/2006.
29 Dans son arrêt du 16 mai 2019, Conti 11. Container Schiffahrt (C‑689/17, ci-après l’« arrêt Conti 11 , EU:C:2019:420), la Cour a dit pour droit que de tels résidus devaient être considérés comme étant des déchets produits à bord de navires, au sens de cette disposition, qui sont exclus du champ d’application de ce règlement jusqu’à ce qu’ils soient débarqués en vue de leur valorisation ou de leur élimination.
30 À la suite de cet arrêt, le Landgericht München I (tribunal régional de Munich I) a partiellement accueilli la demande en réparation de Conti.
31 Le Land de Basse-Saxe a interjeté appel de cette décision devant l’Oberlandesgericht München (tribunal régional supérieur de Munich, Allemagne), qui est la juridiction de renvoi, laquelle émet des doutes sur la validité de l’article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement no 1013/2006 au regard de l’article 1er, paragraphe 4, de la convention de Bâle, pour autant que les déchets dangereux qui ne sont pas produits dans le cadre de l’exploitation normale d’un navire, qui n’ont pas encore été
déchargés et qui doivent être transférés d’un État membre vers un autre État membre sont, en vertu de cette disposition du règlement no 1013/2006, également soustraits à la nécessité d’être soumis à une procédure de notification et de consentement écrits préalables.
32 Elle estime que l’article 1er, paragraphe 4, de la convention de Bâle exclut uniquement du champ d’application de cette convention les déchets, au sens de l’annexe I de celle-ci, qui sont produits dans le cadre de l’exploitation « normale » d’un navire. Or, les déchets produits à bord d’un navire à la suite de son avarie en haute mer ne seraient pas imputables à l’exploitation « normale » de ce navire.
33 Cela étant, il résulterait de l’arrêt Conti 11 que l’article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement no 1013/2006 prévoit une dérogation à la procédure de notification et de consentement écrits préalables plus étendue que celle prévue par la convention de Bâle, puisque, en vertu de cette disposition, des déchets qui ne résultent pas de l’exploitation « normale » d’un navire, au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de cette convention, qui n’ont pas encore été déchargés et qui doivent être
transférés d’un État membre vers un autre État membre, ne relèveraient pas du champ d’application de ce règlement.
34 Or, la juridiction de renvoi rappelle que l’Union européenne est partie à cette même convention et qu’elle est, en tant que telle, liée par les obligations en découlant.
35 Dans ces conditions, l’Oberlandesgericht München (tribunal régional supérieur de Munich) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) La dérogation à l’obligation de notification prévue à l’article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement [no 1013/2006] est-elle invalide du fait de la violation des dispositions de la convention de Bâle [...] dans la mesure où la dérogation exclut également de l’obligation de notification les déchets dangereux résultant d’une avarie survenue à bord d’un navire et qui, d’après l’arrêt [Conti 11], doivent être considérés comme des déchets, au sens de cette disposition dérogatoire ?
2) En cas de réponse négative à la [première question], l’exception prévue à l’article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement [no 1013/2006] doit-elle, eu égard à la convention de Bâle [...], être interprétée de manière restrictive en ce sens que des résidus sous forme de ferraille et d’eau d’extinction mélangée à des boues et à des résidus de cargaison, tels que ceux en cause au principal, qui sont imputables à une avarie survenue à bord de navires, ne doivent pas être considérés comme des
déchets produits à bord de navires, au sens de cette disposition ? »
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
Sur la recevabilité
36 Sans directement soulever l’irrecevabilité de la première question, Conti considère que la validité de l’article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement no 1013/2006 au regard de l’article 1er, paragraphe 4, de la convention de Bâle a, à tout le moins incidemment, été confirmée par la Cour dans l’arrêt Conti 11. En particulier, au point 30 de cet arrêt, la Cour aurait motivé sa décision de ne pas faire droit à la demande du Land de Basse-Saxe de rouvrir la phase orale de la procédure à la suite
du prononcé des conclusions de M. l’avocat général dans l’affaire ayant donné lieu audit arrêt par l’absence de fait nouveau intervenu après la clôture de cette phase orale, suggérant ainsi qu’elle souscrivait aux considérations, exposées dans ces conclusions, relatives à la validité de l’article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement no 1013/2006 au regard de l’article 1er, paragraphe 4, de la convention de Bâle.
37 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, dans le cadre de la coopération entre cette dernière et les juridictions nationales instituée par l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que
la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. Il s’ensuit qu’une question préjudicielle portant sur le droit de l’Union bénéficie d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation ou l’appréciation de validité d’une règle du droit de l’Union sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème
est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées [voir, en ce sens, arrêt du 4 octobre 2024, Confédération paysanne (Melons et tomates du Sahara occidental), C‑399/22, EU:C:2024:839, points 60 et 61 ainsi que jurisprudence citée].
38 En l’occurrence, la juridiction de renvoi motive la nécessité d’une réponse à la première question par la circonstance qu’il n’a pas été statué dans l’arrêt Conti 11 sur la validité de l’article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement no 1013/2006 au regard de l’article 1er, paragraphe 4, de la convention de Bâle. Or, une réponse de la Cour à cette question serait déterminante pour la résolution du litige au principal. En effet, dans la mesure où la demande de Conti dans le litige au principal
vise la réparation des dommages subis du fait de l’imposition, par le Land de Basse-Saxe, du respect de la procédure de notification et de consentement écrits préalables, la question de la validité de l’article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement no 1013/2006, dont Conti invoque l’application au transfert des déchets en cause au principal, serait décisive afin de statuer sur le bien-fondé de cette demande.
39 Dans de telles conditions, il ne fait pas de doute que la question posée est pertinente pour la solution du litige au principal et que les conditions de recevabilité, rappelées au point 37 du présent arrêt, sont remplies.
40 Il convient au demeurant de relever que, contrairement à ce que fait valoir Conti, l’arrêt Conti 11 ne saurait être compris en ce sens que la Cour y aurait implicitement confirmé la validité de l’article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement no 1013/2006 au regard de l’article 1er, paragraphe 4, de la convention de Bâle. En effet, au point 30 de cet arrêt, la Cour a expressément relevé que cette question de validité n’avait pas été posée par la juridiction de renvoi, de sorte qu’il ne lui
appartenait pas d’y répondre.
41 Il s’ensuit que la première question est recevable.
Sur le fond
42 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande à la Cour d’examiner, au regard de l’article 1er, paragraphe 4, de la convention de Bâle, la validité de l’article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement no 1013/2006, tel qu’interprété par la Cour dans l’arrêt Conti 11, en vertu duquel l’exclusion du champ d’application de ce règlement que cette disposition prévoit vise les déchets produits à bord d’un navire à la suite de son avarie survenue en haute mer jusqu’à ce qu’ils soient
débarqués en vue de leur valorisation ou de leur élimination.
43 Afin de donner une réponse utile à la juridiction de renvoi, il convient d’examiner, en premier lieu, si cette exclusion du champ d’application du règlement no 1013/2006 est applicable lorsque des déchets produits à bord de ce navire à la suite d’une telle avarie sont restés sur ledit navire afin qu’ils soient transférés, ensemble avec le même navire, en vue de leur valorisation ou de leur élimination, après qu’une partie de ces déchets a été débarquée en vue de sa valorisation ou de son
élimination.
44 En vertu de l’article 216, paragraphe 2, TFUE, lorsque des accords internationaux sont conclus par l’Union, leurs dispositions font partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union, de sorte que les institutions de l’Union sont liées par de tels accords. Ainsi, la Cour est compétente pour interpréter les dispositions de ces accords qui priment les actes de droit dérivé de l’Union, lesquels doivent être interprétés, dans la mesure du possible, en conformité avec ces accords (voir, en ce sens,
arrêt du 27 février 2024, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2024:172, point 70 et jurisprudence citée).
45 Or, en l’occurrence, par la décision 93/98, la Communauté économique européenne est devenue partie à la convention de Bâle, de sorte que cette convention fait partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union depuis l’année 1994 (voir, en ce sens, arrêt du 28 mai 2020, Interseroh, C‑654/18, EU:C:2020:398, point 44 et jurisprudence citée).
46 Ainsi que l’énonce le considérant 3 du règlement no 1013/2006, en adoptant le règlement no 259/93, qui a été abrogé et remplacé par le règlement no 1013/2006, le législateur de l’Union a établi des règles visant à restreindre et à contrôler les transferts de déchets dans le but, notamment, de rendre le système communautaire existant en matière de surveillance et de contrôle des mouvements de déchets conforme aux exigences de la convention de Bâle. Il découle par ailleurs du considérant 8 du
règlement no 1013/2006 que le législateur de l’Union a également poursuivi cet objectif de conformité du droit de l’Union à ladite convention lors de l’adoption de ce règlement.
47 Il convient, par conséquent, de déterminer la portée des dispositions pertinentes de la convention de Bâle. À cet égard, ainsi que le prévoit l’article 31, paragraphe 1, de la convention de Vienne sur le droit des traités, il y a lieu d’interpréter ces dispositions de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes de la convention de Bâle dans leur contexte et à la lumière de l’objet et du but de cette convention.
48 L’article 1er de ladite convention, intitulé « Champ d’application de la convention », comporte un paragraphe 1 qui expose ce qu’il y a lieu d’entendre par « déchets dangereux » au sens de cette convention.
49 Pour ces déchets, l’article 4, paragraphe 2, de la convention de Bâle prévoit, premièrement, que les parties à celle-ci adoptent les mesures appropriées en vue de réduire au minimum la production de déchets dangereux, compte tenu des considérations sociales, techniques et économiques, ainsi que de promouvoir une gestion écologiquement rationnelle de ces déchets en quelque lieu qu’ils soient éliminés [voir, notamment, points a) et b)]. Deuxièmement, aux termes de cette disposition, ces parties
adoptent les mesures appropriées pour restreindre les mouvements transfrontières de déchets dangereux hormis lorsqu’ils sont jugés conformes aux principes de gestion efficace et écologiquement rationnelle et s’effectuent de manière à protéger la santé humaine et l’environnement contre les effets nocifs qui pourraient en résulter [voir, notamment, point d)]. Troisièmement, en vertu de la même disposition, lesdites parties exigent que les renseignements sur les mouvements transfrontières proposés
de déchets dangereux soient communiqués aux États concernés, pour qu’ils puissent évaluer les conséquences pour la santé humaine et l’environnement de tels mouvements et coopèrent en vue de diffuser des renseignements sur lesdits mouvements, afin d’améliorer la gestion écologiquement rationnelle desdits déchets et d’empêcher le trafic illicite [voir, notamment, points f) et h)].
50 En particulier, l’article 6 de cette convention décrit la procédure de notification et de consentement écrits préalables qui s’applique à tout transfert de déchets relevant du champ d’application de ladite convention.
51 L’article 1er, paragraphe 4, de la convention de Bâle prévoit néanmoins que sont exclus du champ d’application de celle-ci et, par conséquent, exemptés de la procédure de notification et de consentement écrits préalables prévue à l’article 6 de cette convention les déchets provenant de l’« exploitation normale » d’un navire et dont le rejet fait l’objet d’un autre instrument international.
52 À cet égard, il importe de relever que, selon le premier alinéa du préambule de cette convention, les déchets dangereux et d’autres déchets ainsi que les mouvements transfrontières de ces déchets risquent de causer des dommages à la santé humaine et à l’environnement et que, selon le quatrième alinéa de ce préambule, les États devraient prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que la gestion des déchets dangereux et d’autres déchets, y compris leurs mouvements transfrontières et leur
élimination, soit compatible avec la protection de la santé humaine et de l’environnement, quel que soit le lieu où ces déchets sont éliminés. Le dixième alinéa dudit préambule relève, en outre, que le contrôle accru des mouvements transfrontières de déchets dangereux et d’autres déchets encouragera une gestion écologiquement rationnelle de ces déchets et une réduction du volume des mouvements transfrontières correspondants.
53 Partant, l’article 1er, paragraphe 4, de la convention de Bâle revêtant le caractère d’une exception à l’application de la procédure de notification et de consentement écrits préalables au transfert des déchets dangereux ou d’autres déchets, telle que prévue par cette convention, cette disposition ne saurait être interprétée d’une manière remettant en cause la réalisation des objectifs poursuivis par ladite convention, à savoir la protection de la santé humaine et de l’environnement.
54 Au point 53 de l’arrêt Conti 11, auquel se réfère la juridiction de renvoi, la Cour a dit pour droit que, en vertu de l’article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement no 1013/2006, les déchets produits à bord d’un navire à la suite de son avarie sont exclus du champ d’application de ce règlement « jusqu’à ce qu[e ces déchets] soient débarqués en vue de leur valorisation ou de leur élimination ».
55 Or, d’une part, il importe de souligner que, au point 48 de cet arrêt, la Cour a notamment explicité la raison qui justifie l’exclusion prévue à cette disposition en ce qui concerne les déchets produits à bord d’un navire à la suite de son avarie survenue en haute mer, à savoir le caractère soudain et imprévisible de la production de ce type de déchets, rendant en pratique impossible ou excessivement difficile la connaissance, en temps utile, par le responsable du navire concerné, des
informations nécessaires aux fins d’une application correcte des règles de ce règlement relatives à la procédure de notification et de consentement écrits préalables, lesquelles sont destinées à garantir une surveillance et un contrôle efficace du transfert desdits déchets, au sens dudit règlement.
56 D’autre part, au point 42 de l’arrêt Conti 11, la Cour a précisé que, dans la mesure où l’exclusion prévue à l’article 1er, paragraphe 3, sous b), du même règlement n’est applicable que « jusqu’à ce que ces déchets soient débarqués en vue de leur valorisation ou élimination », cette disposition ne s’applique que tant que les déchets concernés n’ont pas quitté le navire pour être transférés en vue de leur valorisation ou de leur élimination.
57 Cela étant, lorsque, comme dans le litige au principal, une partie des déchets produits à la suite de l’avarie d’un navire survenue en haute mer est débarquée dans un port sûr, le cas échéant en vue de faire l’objet d’un transfert lui-même soumis à une procédure de notification et de consentement écrits préalables, se pose la question de savoir si l’exclusion prévue à l’article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement no 1013/2006 est maintenue en ce qui concerne le transfert consécutif de la
partie des déchets qui n’a pas été débarquée de ce navire.
58 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, afin d’interpréter une disposition du droit de l’Union, il convient de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie [arrêt du 4 octobre 2024, Lindenapotheke, C‑21/23, EU:C:2024:846, point 52 et jurisprudence citée].
59 En ce qui concerne le contexte dans lequel s’inscrit l’article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement no 1013/2006, il importe de relever que, en vertu de l’article 1er, paragraphe 1, de ce règlement, celui-ci établit les procédures et les régimes de contrôle applicables au transfert de déchets. Il en découle que ledit règlement consacre un système dans lequel la procédure de notification et de consentement écrits préalables s’applique par principe, selon les modalités prévues au chapitre 1 du
titre II dudit règlement, à tout transfert de déchets relevant du champ d’application de celui-ci.
60 D’une part, la notion de « déchet », au sens de l’article 2, point 1, du même règlement, laquelle comprend la notion plus particulière de « déchets dangereux », telle que définie à l’article 2, point 2, du règlement no 1013/2006, renvoie à l’article 1er, paragraphe 1, sous a), de la directive 2006/12, dont le libellé a été repris à l’article 3, point 1, de la directive 2008/98. L’article 1er, paragraphe 1, sous a), de la directive 2006/12, lu ensemble avec l’annexe I de cette directive, retient
une définition particulièrement large de la notion de « déchet », à savoir toute substance ou tout objet dont le détenteur se défait ou dont il a l’intention ou l’obligation de se défaire et qui relève d’une des catégories visées à cette annexe. D’autre part, l’article 2, point 34, de ce règlement définit la notion de « transfert » comme « le transport de déchets destinés à être éliminés ou valorisés ». Ainsi, ces définitions témoignent de la volonté du législateur de l’Union de conférer un champ
d’application très étendu à la procédure de notification et de consentement écrits préalables que prévoit le règlement no 1013/2006.
61 Aussi, l’article 1er, paragraphe 3, sous b), de ce règlement revêt le caractère d’une exception au principe de l’application la plus large possible de cette procédure et doit, en conséquence, recevoir une interprétation restrictive.
62 S’agissant des objectifs poursuivis par le règlement no 1013/2006, il convient de rappeler que le considérant 1 de ce règlement énonce que son objectif principal est la protection de l’environnement. Cet objectif ressort également du quatrième alinéa du préambule de la convention de Bâle, qui énonce que les États parties devraient prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que la gestion des déchets dangereux et d’autres déchets, y compris leurs mouvements transfrontières et leur
élimination, soit compatible avec la protection de la santé humaine et de l’environnement, quel que soit le lieu où ils sont éliminés.
63 À cette fin, le considérant 7 de ce règlement souligne l’importance d’organiser et de réglementer la surveillance et le contrôle des transferts de déchets d’une manière qui tienne compte de la nécessité de préserver, de protéger et d’améliorer la qualité de l’environnement et de la santé humaine. De même, le considérant 8 dudit règlement, rappelant l’exigence prévue à l’article 4, paragraphe 2, sous d), de la convention de Bâle, relève l’importance de réduire les mouvements de déchets dangereux
au minimum compatible avec une gestion efficace et écologiquement rationnelle desdits déchets.
64 Le considérant 14 du même règlement précise, en outre, que l’obligation de notification et de consentement écrits préalables en cas de transfert de déchets vise à assurer une surveillance et un contrôle optimaux des déchets non visés aux annexes III, III A ou III B du règlement no 1013/2006 et qui sont destinés à être valorisés. Ainsi qu’il résulte, en substance, du considérant 36 de ce règlement, l’effectivité du contrôle des transferts de déchets dangereux implique une coopération
internationale efficace et un échange d’informations, ce qui ressort également du onzième alinéa du préambule de la convention de Bâle, ainsi que de son article 10, paragraphe 1.
65 Or, la réalisation de ces objectifs impose nécessairement de considérer que, lorsqu’une partie des déchets produits à la suite de l’avarie d’un navire survenue en haute mer a été débarquée dans un port sûr en vue de sa valorisation ou de son élimination, les autres déchets imputables à cette avarie restant sur le navire, en vue de leur transfert, ensemble avec ce navire, vers un autre port afin qu’ils soient éliminés ou valorisés, ne bénéficient plus, pour ce dernier transfert, de la dérogation
qui résulte de l’application de l’article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement no 1013/2006.
66 Tout d’abord, ce règlement institue, en vue de la mise en œuvre des obligations découlant pour l’Union de la convention de Bâle, la procédure de notification et de consentement écrits préalables en tant qu’élément central de la surveillance et du contrôle des transferts de déchets. Cette procédure permet de saisir les données concernant l’existence même de ces déchets et leur dangerosité, ainsi qu’il découle de l’article 4 dudit règlement, qui impose au notifiant de fournir des informations
relatives, notamment, à la quantité, à la dénomination, à la composition et à la destination des déchets. Ainsi qu’il ressort du considérant 14 du même règlement, ladite procédure permet en outre aux autorités nationales compétentes d’être dûment informées des transferts de déchets de manière à pouvoir prendre toutes les mesures nécessaires à la protection de la santé humaine et de l’environnement, mais aussi à pouvoir formuler des objections motivées à l’égard de ces transferts. Or, le maintien
du bénéfice de la dérogation qui résulte de l’application de l’article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement no 1013/2006 aux déchets restés sur le navire concerné, dans des circonstances où le responsable du navire est raisonnablement en mesure de connaître les informations nécessaires aux fins d’une application correcte de la procédure de notification et de consentement écrits préalables prévue par ce règlement, non seulement créerait une lacune dans la surveillance et le contrôle qu’impose
celui-ci, mais risquerait également de priver cette procédure de tout effet utile.
67 En effet, eu égard à la responsabilité particulière des producteurs de déchets, telle qu’elle est rappelée au considérant 18 du règlement no 1013/2006, dès lors que ce navire a accosté dans un port sûr pour y débarquer une partie des déchets, il peut être raisonnablement considéré que le responsable du navire dispose des informations nécessaires aux fins d’une application correcte des règles prévues par ce règlement.
68 Au demeurant, l’objectif consistant à assurer une gestion rationnelle des déchets et à en réduire les mouvements au minimum compatible avec une gestion efficace et écologiquement rationnelle de ceux-ci, énoncé au considérant 8 de ce règlement qui se réfère explicitement à l’article 4, paragraphe 2, sous d), de la convention de Bâle, serait compromis si le responsable du navire concerné, à bord duquel des déchets ont été produits à la suite de l’avarie de celui-ci survenue en haute mer, disposait,
après le débarquement d’une partie de ces déchets dans un port sûr, d’une marge d’appréciation quant au déclenchement de la procédure de notification et de consentement écrits préalables en ce qui concerne le transfert consécutif des déchets restés sur ce navire. En particulier, il convient de donner du règlement no°1013/2006 une interprétation qui garantisse que ledit responsable ne puisse pas tenir compte d’autres considérations que celles liées à la protection de l’environnement et de la santé
humaine, en procédant à des déplacements superflus de déchets, incompatibles avec l’objectif d’une réduction des mouvements des déchets au minimum compatible avec une gestion efficace et écologiquement rationnelle de ceux-ci.
69 Ensuite, le règlement no 1013/2006 définit avec précision, dans ses articles 4 à 17, les conditions dans lesquelles la procédure de notification et de consentement écrits préalables doit être déclenchée et menée à son terme. Un tel cadre contribue à assurer la sécurité juridique des opérateurs en permettant aux producteurs et aux transporteurs de déchets faisant l’objet d’un transfert de connaître l’étendue de leurs obligations. Ledit cadre permet également aux autorités nationales compétentes
d’exercer leurs prérogatives de surveillance et de contrôle. Or, l’interprétation de l’article 1er, paragraphe 3, sous b), de ce règlement selon laquelle, lorsqu’une partie des déchets produits à la suite de l’avarie d’un navire survenue en haute mer est débarquée dans un port sûr en vue de leur valorisation ou de leur élimination, la dérogation qui résulte de l’application de cette disposition cesse de s’appliquer au transfert consécutif des déchets qui sont restés sur ce navire a pour
conséquence de dissiper toute incertitude quant à la nécessité de déclencher ladite procédure en ce qui concerne ce transfert.
70 Enfin, l’application de la procédure de notification et de consentement écrits préalables au transfert des déchets restés sur le navire concerné contribue à la réalisation de l’objectif de responsabilisation des producteurs de déchets dans leur gestion écologiquement rationnelle, tel qu’il est, en substance, rappelé au considérant 18 du règlement no 1013/2006. En effet, le responsable du navire ayant débarqué une partie des déchets devra opter pour un transfert des déchets restés sur ce navire
qui réponde au mieux aux exigences de protection de l’environnement et de la santé humaine, tels qu’imposées par ce règlement.
71 L’interprétation reflétée aux points 65 à 70 du présent arrêt s’impose à plus forte raison lorsque, à la suite d’un incendie, des déchets ont fusionné avec le navire, rendant particulièrement difficile, voire impossible, une individualisation stricte de ces déchets. Dans cette situation, l’application de la procédure de notification et de consentement écrits préalables au navire lui-même impose au responsable de celui-ci d’opter pour un transfert permettant son démantèlement d’une manière sûre et
écologiquement rationnelle, ainsi que le prévoit le considérant 35 de ce règlement.
72 Dans ces conditions, il convient de considérer que les déchets produits à bord d’un navire à la suite de son avarie survenue en haute mer qui, après qu’une partie de ces déchets a été débarquée dans un port sûr en vue de sa valorisation ou de son élimination, sont restés sur ce navire afin d’être transférés, ensemble avec ce navire, en vue de leur valorisation ou de leur élimination, ne sauraient être exclus du champ d’application du règlement no 1013/2006, sur le fondement de l’article 1er,
paragraphe 3, sous b), de ce règlement.
73 Une telle interprétation de cette disposition, en ce sens que l’exception qui y est prévue ne s’applique que jusqu’au débarquement dans un port sûr de tout ou partie des déchets produits à bord d’un navire à la suite d’une avarie en haute mer, est conforme à ce que prévoit l’article 1er, paragraphe 4, de la convention de Bâle, dès lors qu’elle ne compromet pas l’objectif de protection de la santé humaine et de l’environnement poursuivi par cette convention.
74 En second lieu, eu égard au fait que l’article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement no 1013/2006 peut être interprété de manière conforme à la convention de Bâle, il n’est pas nécessaire d’apprécier, d’une part, si la nature et l’économie de cette convention s’opposent à ce que la Cour puisse procéder à un examen de la validité d’un acte du droit de l’Union au regard de ladite convention et, d’autre part, si les dispositions de la même convention, invoquées aux fins de cet examen,
apparaissent, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises [arrêts du 21 décembre 2011, Air Transport Association of America e.a., C‑366/10, EU:C:2011:864, points 53 et 54 ainsi que jurisprudence citée, et du 4 octobre 2024, Lituanie e.a./Parlement et Conseil (Paquet mobilité), C‑541/20 à C‑555/20, EU:C:2024:818, point 1036].
75 En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi qu’une partie des déchets produits à bord du Flaminia à la suite de son avarie survenue en haute mer, dont il n’est pas contesté qu’ils constituent des déchets dangereux, au sens de l’article 2, point 2, du règlement no 1013/2006, a été débarquée à la suite de l’accostage de ce navire dans le port de Wilhelmshaven. La juridiction de renvoi indique que cette partie des déchets est constituée de l’eau d’extinction de l’incendie qui s’est déclaré
sur ledit navire, qui a pu être pompée afin d’être transférée vers le port d’Odense en vue de sa valorisation ou de son élimination, ainsi que d’une partie des boues d’extinction.
76 Il ressort également de la décision de renvoi que les autres déchets imputables à cet incendie qui n’ont pu être ni pompés ni débarqués, en ce compris, notamment, des résidus sous forme de ferraille, de boues et des résidus de cargaison, sont restés à bord du Flaminia afin d’être transférés, ensemble avec ce navire, vers le port de Mangalia, en vue de leur valorisation ou de leur élimination.
77 Il s’ensuit que les déchets transférés depuis le port de Wilhelmshaven vers le port de Mangalia relevaient du champ d’application du règlement no 1013/2006, de telle sorte que ce transfert devait être soumis à la procédure de notification et de consentement écrits préalables prévue par ce règlement.
78 Ainsi, contrairement aux circonstances envisagées au point 48 de l’arrêt Conti 11, il peut être présumé que, à la suite du débarquement d’une partie de la masse globale des déchets produits sur le Flaminia, le responsable de celui-ci était raisonnablement en mesure de disposer des informations concernant la quantité et la nature des déchets restant sur ce navire, en vue d’organiser la gestion écologiquement rationnelle de ceux-ci et d’assurer que leurs mouvements soient réduits au minimum
compatible avec une telle gestion.
79 Eu égard à l’ensemble des motifs qui précèdent, il convient de répondre à la première question que l’article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement no 1013/2006 doit être interprété en ce sens que l’exclusion du champ d’application de ce règlement que cette disposition prévoit, visant les déchets produits à bord d’un navire à la suite de son avarie survenue en haute mer jusqu’à ce qu’ils soient débarqués en vue de leur valorisation ou de leur élimination, ne s’applique plus aux déchets restés à
bord de ce navire afin qu’ils soient transférés, ensemble avec ledit navire, en vue de leur valorisation ou de leur élimination, après qu’une partie de ces déchets a été débarquée dans un port sûr en vue de sa valorisation ou de son élimination, cette interprétation étant conforme à l’article 1er, paragraphe 4, de la convention de Bâle.
Sur la seconde question
80 Les éléments de réponse à la seconde question découlent de la réponse apportée à la première question.
Sur les dépens
81 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit :
L’article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement (CE) no 1013/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2006, concernant les transferts de déchets, doit être interprété en ce sens que l’exclusion du champ d’application de ce règlement que cette disposition prévoit, visant les déchets produits à bord d’un navire à la suite de son avarie survenue en haute mer jusqu’à ce qu’ils soient débarqués en vue de leur valorisation ou de leur élimination, ne s’applique plus aux déchets restés à
bord de ce navire afin qu’ils soient transférés, ensemble avec ledit navire, en vue de leur valorisation ou de leur élimination, après qu’une partie de ces déchets a été débarquée dans un port sûr en vue de sa valorisation ou de son élimination, cette interprétation étant conforme à l’article 1er, paragraphe 4, de la convention sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination, signée à Bâle le 22 mars 1989, approuvée, au nom de la Communauté économique
européenne, par la décision 93/98/CEE du Conseil, du 1er février 1993.
Signatures
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.