CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. JEAN RICHARD DE LA TOUR
présentées le 9 janvier 2025 (1)
Affaire C‑536/23
Bundesrepublik Deutschland
contre
Mutua Madrileña Automovilista
[demande de décision préjudicielle formée par le Landgericht München I (tribunal régional de Munich I, Allemagne)]
« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière civile – Règlement (UE) no 1215/2012 – Article 11, paragraphe 1, sous b) – Article 13, paragraphe 2 – Compétence en matière d’assurances – Champ d’application des règles spéciales de compétence – Accident de la circulation – Action directe de la personne lésée contre l’assureur – Notion de “personne lésée” – Subrogation de l’employeur dans les droits de son employé victime de l’accident – Introduction de l’action directe par un État membre en
sa qualité d’employeur – Lieu où le demandeur a son domicile »
I. Introduction
1. En adoptant les règles spéciales de compétence que le règlement (UE) n^o 1215/2012 (2) consacre en matière d’assurances, le législateur de l’Union a entendu poursuivre l’objectif de protéger la partie la plus faible (3). Si l’identification de cette dernière est relativement aisée lorsque le litige oppose, comme cela est la plupart du temps le cas, la victime d’un accident de la circulation à l’entreprise d’assurances du véhicule responsable de cet accident, elle peut se révéler plus
délicate quand l’action en justice est introduite par l’employeur de la victime subrogé dans les droits de celle-ci.
2. Une telle situation n’est pas inconnue de la Cour puisqu’elle a déjà jugé qu’il résulte du règlement n o 1215/2012 qu’un employeur, établi dans un premier État membre, qui a maintenu la rémunération de son employé absent à la suite d’un accident de la circulation et qui est subrogé dans les droits de celui-ci à l’égard de la société assurant la responsabilité civile résultant du véhicule impliqué dans cet accident, qui est établie dans un second État membre, peut, en sa qualité de
« victime », au sens de l’article 11, paragraphe 2, du règlement (CE) n^o 44/2001 (4), attraire cette société d’assurances devant les tribunaux du premier État membre, lorsqu’une telle action directe est possible (5).
3. La particularité du présent renvoi préjudiciel réside dans le fait que la victime de l’accident de la circulation est une fonctionnaire et que l’employeur subrogé dans les droits de celle-ci est donc un État.
4. Dans les présentes conclusions, je m’attacherai à expliquer les raisons pour lesquelles la solution déjà retenue par la Cour peut être transposée, sans trahir ni la lettre ni l’esprit du règlement n o 1215/2012, dans l’hypothèse où l’employeur qui introduit l’action, dont il est constant qu’il est subrogé dans les droits de la victime, possède une nature étatique. Ce faisant, je profiterai également de l’occasion fournie par ce renvoi préjudiciel pour clarifier et préciser la jurisprudence
antérieure de la Cour en ce qui concerne la détermination de la compétence tant internationale que territoriale de la juridiction devant laquelle une telle action pourra être introduite, dans ce cas particulier où le critère de rattachement qui est celui du domicile du demandeur doit être appliqué à un État.
II. Le cadre juridique
5. Sont pertinents, dans le cadre de la présente affaire, les considérants 15, 16, 18 et 34 ainsi que l’article 1^er, paragraphe 1, l’article 4, paragraphe 1, et l’article 5, paragraphe 1, du règlement ^n^o^ 1215/2012.
6. En outre, il y a lieu de mentionner le chapitre II, section 3, du règlement n^o 1215/2012, intitulée « Compétence en matière d’assurances », qui couvre les articles 10 à 16 de ce dernier.
7. L’article 10 de ce règlement est libellé comme suit :
« En matière d’assurances, la compétence est déterminée par la présente section, sans préjudice de l’article 6 et de l’article 7, point 5). »
8. L’article 11, paragraphe 1, sous a) et b), dudit règlement dispose :
« L’assureur domicilié sur le territoire d’un État membre peut être attrait :
a) devant les juridictions de l’État membre où il a son domicile ;
b) dans un autre État membre, en cas d’actions intentées par le preneur d’assurance, l’assuré ou un bénéficiaire, devant la juridiction du lieu où le demandeur a son domicile [...] »
9. L’article 13, paragraphe 2, du même règlement prévoit :
« Les articles 10, 11 et 12 sont applicables en cas d’action directe intentée par la personne lésée contre l’assureur, lorsque l’action directe est possible. »
10. Enfin, l’article 63, paragraphe 1, du règlement n o 1215/2012 est libellé comme suit :
« Pour l’application du présent règlement, les sociétés et les personnes morales sont domiciliées là où est situé :
a) leur siège statutaire ;
b) leur administration centrale ; ou
c) leur établissement principal. »
III. Les faits du litige au principal et la question préjudicielle
11. Une fonctionnaire fédérale travaillant au bureau de Munich (Allemagne) du Deutsche Patent- und Markenamt (Office allemand des brevets et des marques) est victime d’un accident de la circulation qui s’est produit le 8 mars 2020 en Espagne lors d’un séjour de vacances. La voiture de location qui est entrée en collision avec cette fonctionnaire alors qu’elle circulait à vélo était assurée en responsabilité civile auprès d’une société d’assurances espagnole, Mutua Madrileña Automovilista
(ci-après la « société d’assurances »).
12. En raison des blessures consécutives à cet accident, la fonctionnaire s’est trouvée dans l’incapacité de travailler du 8 mars 2020 au 16 mars 2020. Pendant cette période, son employeur – l’État allemand – a continué à lui verser sa rémunération. Par lettre du 25 janvier 2021, l’État allemand a demandé au représentant désigné par la société d’assurances en Allemagne pour le règlement des sinistres (6) de procéder au remboursement de la rémunération maintenue, soit de la somme de
1 432,77 euros. Considérant que c’était la fonctionnaire qui était à l’origine de l’accident, ce représentant a refusé de payer.
13. L’État allemand, toujours agissant en qualité d’employeur, a alors saisi l’Amtsgericht München (tribunal de district de Munich, Allemagne) d’une action civile contre la société d’assurances en vue d’obtenir le paiement de la rémunération litigieuse. Cette société ayant son siège en Espagne, elle a excipé du défaut de compétence internationale de cette juridiction et a contesté le bien‑fondé du recours.
14. Dans un jugement du 16 février 2022, l’Amtsgericht München (tribunal de district de Munich) a décliné sa compétence internationale. Cette juridiction a ainsi jugé que l’État allemand ne pouvait pas se prévaloir d’une compétence tirée de l’article 11, paragraphe 1, sous b), et de l’article 13, paragraphe 2, du règlement n o 1215/2012, dès lors que ces dispositions consacreraient des règles dérogatoires devant être interprétées strictement et dont le bénéfice ne pourrait pas être étendu à un
employeur lorsqu’il a la qualité d’État. Après avoir procédé à une évaluation générale des besoins de protection, l’Amtsgericht München (tribunal de district de Munich) a conclu que l’État allemand, qui, par ailleurs, assume aussi le rôle d’organisme de sécurité sociale notamment dans le cadre du régime d’assurance vieillesse et maladie, ne saurait se prévaloir de ces règles.
15. L’État allemand a interjeté appel devant le Landgericht München I (tribunal régional de Munich I, Allemagne), la juridiction de renvoi. Il soutient que, en tant qu’employeur de la fonctionnaire, il était parfaitement fondé à se prévaloir de l’article 11, paragraphe 1, sous b), et de l’article 13, paragraphe 2, du règlement n o 1215/2012, dès lors qu’il avait acquis, par voie de cession légale, les droits à réparation que la fonctionnaire détenait contre l’assureur du véhicule impliqué dans
l’accident dont elle avait été victime. Il découlerait de la jurisprudence de la Cour relative aux règles consacrées par ces dispositions (7), d’une part, qu’il n’y aurait pas lieu de procéder à une appréciation au cas par cas, ni d’opérer des distinctions fondées sur un critère tiré de la position de faiblesse et, d’autre part, que, afin d’assurer la prévisibilité de la compétence, tout cessionnaire agissant au titre d’une subrogation légale, et non en tant qu’assureur ou organisme de sécurité
sociale, devrait pouvoir saisir les juridictions du domicile de la personne lésée.
16. Pour sa part, la société d’assurances, défenderesse au principal, soutient devant la juridiction de renvoi qu’il résulterait de l’objectif de protection visé par l’article 11, paragraphe 1, sous b), et par l’article 13 du règlement n o 1215/2012 que seule une partie se trouvant en position de faiblesse par rapport à l’assureur qu’elle attrait en justice pourrait se prévaloir de ce privilège dérogeant à la compétence de principe des juridictions du domicile du défendeur. La Cour aurait
d’ailleurs refusé cette possibilité tant à un organisme de sécurité sociale qu’à des professionnels du secteur de l’assurance, et ce quelle que soit leur taille (8). L’existence d’une telle position de faiblesse serait à exclure lorsque le demandeur est un État membre de l’Union, donc une entité de droit international public, a fortiori lorsque ce dernier fournit des prestations qui, par nature, correspondent à des prestations de sécurité sociale et exerce une surveillance dans le secteur des
assurances sur son territoire, comme ce serait le cas de la requérante au principal.
17. Selon la juridiction de renvoi, le bien-fondé de l’appel dépend du point de savoir si c’est à bon droit que la juridiction de première instance a décliné sa compétence au regard de l’article 11, paragraphe 1, sous b), et de l’article 13, paragraphe 2, du règlement n o 1215/2012. Elle relève, à cet égard, qu’il n’est pas contesté par les parties au litige au principal que l’État allemand entend exercer, conformément aux dispositions du droit espagnol applicables (9) et au titre d’une cession
de droits prévue par le droit civil allemand (10), une action directe contre la société d’assurances en sa qualité d’assureur du véhicule impliqué dans l’accident au cours duquel la fonctionnaire a été blessée.
18. Au vu des arguments avancés par chacune des parties et de l’état de la jurisprudence nationale (11), la juridiction de renvoi s’interroge sur le fait de savoir si un État membre qui, en tant qu’employeur, intente une action directe contre un assureur sur le fondement d’une subrogation légale dans les droits d’un fonctionnaire victime d’accident, peut se prévaloir, en dépit de leur caractère dérogatoire, des règles spéciales de compétence en matière d’assurances prévues au profit de la
« personne lésée » (12), par les dispositions combinées de l’article 11, paragraphe 1, sous b), et de l’article 13, paragraphe 2, du règlement n^o 1215/2012, lues à la lumière des considérants 15 et 18 de ce règlement. Cette juridiction souligne la nature juridique particulière de cet employeur dans le cadre du litige au principal, qui se trouve également être un sujet de droit international public.
19. Dans ces conditions, le Landgericht München I (tribunal régional de Munich I) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
« L’article 13, paragraphe 2, du règlement [n o 1215/2012], lu conjointement avec l’article 11, paragraphe 1, sous b), [de ce] règlement, doit-il être interprété en ce sens qu’un État membre de l’Union européenne qui a, en qualité d’employeur, continué de verser sa rémunération à un fonctionnaire se trouvant en incapacité de travail (temporaire) à la suite d’un accident de la circulation et est subrogé dans les droits de ce dernier contre la société, établie dans un autre État membre, auprès de
laquelle le véhicule impliqué dans l’accident est assuré en responsabilité civile, peut lui-même aussi attraire, en tant que “personne lésée” au sens de la [première] disposition susmentionnée, cette société d’assurances devant la juridiction du domicile du fonctionnaire en incapacité de travail, lorsqu’une telle action directe est possible ? »
20. L’État allemand, la société d’assurances, le gouvernement espagnol ainsi que la Commission ont déposé des observations écrites.
IV. Analyse
21. Il résulte de la lecture combinée de l’article 11, paragraphe 1, sous b), et de l’article 13, paragraphe 2, du règlement n o 1215/2012 que, lorsqu’une action directe intentée par la personne lésée contre l’assureur est possible (13), l’assureur domicilié sur le territoire d’un État membre peut être attrait dans un autre État membre, devant la juridiction du lieu où le demandeur a son domicile.
22. Ces dispositions, spécifiques au secteur des assurances (14), consacrent ainsi une dérogation (15) à la compétence de principe des juridictions du domicile du défendeur (16), telle qu’elle découle notamment du considérant 15, de l’article 4, paragraphe 1, ou de l’article 11, paragraphe 1, sous a), du règlement n o 1215/2012. En apparaissant plus favorables au demandeur, l’article 11, paragraphe 1, sous b), et l’article 13, paragraphe 2, de ce règlement participent à la poursuite de
l’objectif de protection de la partie la plus faible (17).
23. Dans son arrêt MMA IARD, la Cour s’est prononcée sur un cas de figure prima facie très proche de celui de la présente affaire préjudicielle. Elle a ainsi jugé qu’un employeur, établi dans un premier État membre, qui a maintenu la rémunération de son employé absent à la suite d’un accident de la circulation et qui est subrogé dans les droits de celui-ci à l’égard de la société assurant la responsabilité civile résultant du véhicule impliqué dans cet accident, qui est établie dans un second
État membre, peut, en qualité de « victime », au sens de l’article 11, paragraphe 2, du règlement n^o 44/2001, ^attraire cette société d’assurances devant les tribunaux du premier État membre, lorsqu’u^ne action directe est possible.
24. L a juridiction de renvoi s’interroge sur le fait de savoir s’il est possible de transposer cette solution dans le cadre du litige au principal, alors que l’employeur est un État membre.
25. L a société d’assurances, pour sa part, soutient que l’État allemand agit, dans le cadre du litige au principal, non pas en tant qu’employeur, mais en tant qu’entité de droit international public. Or, une telle entité ne saurait se prévaloir des règles spéciales de compétence du règlement no 1215/2012.
26. D’emblée, cette thèse doit être rejetée.
27. L a qualité étatique de l’employeur n’a – et ne saurait avoir – pour conséquence ni de modifier la nature de la procédure engagée ni d’affaiblir la position du défendeur. Nul ne conteste, en effet, que la procédure au principal est une procédure de caractère civil. S’il en allait autrement, le règlement no 1215/2012 ne trouverait d’ailleurs pas à s’appliquer (18). Comme l’indique l’État allemand dans ses écritures (19), les mêmes règles procédurales s’appliquent à lui dans le cadre de
l’action intentée contre la société d’assurances. Il est tenu de faire valoir ses droits à l’égard de cette dernière dans le cadre d’une procédure civile ordinaire, comme n’importe quel employeur subrogé dans les droits de son employé. L’État allemand doit être représenté par un avocat et pourra, le cas échéant, succomber comme n’importe quelle autre partie. Comme l’a fait valoir, à juste titre, le gouvernement espagnol dans ses observations écrites, quand un État membre exerce une action dans un
autre État membre en application des règles de compétence prévues par le règlement no 1215/2012, c’est qu’il agit comme toute personne ayant qualité pour le faire en application des dispositions de ce règlement.
28. Contrairement à ce qu’allègue la société d’assurances, c’est bien en sa seule qualité d’employeur de la victime de l’accident de la circulation que l’État allemand agit (20), sans qu’il puisse se prévaloir d’un quelconque privilège ou d’un quelconque pouvoir exorbitant du droit commun. Partant, la situation de flagrant déséquilibre au profit de l’État employeur décrite par cette société dans ses observations me semble être à relativiser, dès lors que – je le répète encore une fois – l’État
allemand n’agit pas ici en tant que sujet de droit international public exerçant ses prérogatives de puissance publique (acta jure imperii), mais seulement et strictement en tant qu’employeur subrogé dans les droits de sa fonctionnaire qui est victime de l’accident de la circulation (acta jure gestionis).
29. L’État allemand agit donc, dans le cadre du litige au principal, en sa qualité d’employeur public. Or, si la juridiction de renvoi devait transposer la solution de l’arrêt MMA IARD à ce requérant particulier, elle estime qu’une telle approche pourrait apparaître difficilement conciliable avec d’autres arrêts de la Cour dans lesquels cette dernière aurait concrètement vérifié le besoin de protection de la partie réputée la plus faible avant de la faire bénéficier des règles de compétence
spéciales et exclu, notamment, qu’un organisme de sécurité sociale ou qu’un professionnel du secteur des assurances puisse se prévaloir du forum actoris.
30. Dans ces conditions , il me faudra, d’abord, revenir en détail sur la jurisprudence invoquée. Il conviendra, ensuite, de tirer les conséquences de cette analyse pour le cas particulier où l’employeur subrogé est un État. Enfin, une fois que j’aurai établi que les règles spéciales de compétence en matière d’assurances peuvent, selon moi, être invoquées dans les circonstances du litige au principal par l’État allemand, il restera encore à déterminer devant quelle juridiction son action doit
être portée.
A. L’état de la jurisprudence pertinente
31. De manière liminaire, je rappelle que l’article 11, paragraphe 1, sous b), et l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 1215/2012 sont des dispositions jugées comme étant équivalentes à l’article 9, paragraphe 1, sous b), et à l’article 11, paragraphe 2, du règlement no 44/2001 dès lors que le libellé des premiers reprend, pour l’essentiel, les libellés respectifs des derniers. Partant, l’interprétation déjà fournie par la Cour en ce qui concerne les dispositions du règlement no 44/2001
reste valable pour les dispositions équivalentes du règlement no 1215/2012 (21).
32. La juridiction de renvoi identifie deux tendances dans la jurisprudence de la Cour qui, si elles devaient être appliquées au cas d’espèce, aboutiraient soit à la conclusion selon laquelle un État employeur ne pourrait pas se prévaloir du forum actoris prévu par les dispositions spéciales du règlement n o 1215/2012 en matière d’assurances, soit à la conclusion strictement opposée.
33. Dans la première tendance , la Cour a, en substance, jugé que l’article 9 paragraphe 1, sous b), et l’article 11, paragraphe 2, du règlement no 44/2001 devaient être interprétés en ce sens qu’un organisme de sécurité sociale, cessionnaire légal des droits de la personne directement lésée dans un accident de voiture, ne peut pas introduire un recours direct devant les tribunaux de son État membre d’établissement contre l’assureur de la personne prétendument responsable de cet accident,
établi dans un autre État membre (22).
34. La Cour est parvenue à cette conclusion au terme d’un raisonnement fondé sur une interprétation systématique et téléologique du règlement no 44/2001 (23), et un rappel du caractère dérogatoire des dispositions analysées (24).
35. Elle a poursuivi en indiquant que « [l]a fonction de protection que remplissent ces dispositions implique que l’application de règles de compétence spéciales [...] ne soit pas étendue à des personnes pour lesquelles cette protection ne se justifie pas » (25). Or, en l’espèce, il n’avait pas été soutenu que l’organisme de sécurité sociale était une partie économiquement plus faible et juridiquement moins expérimentée que l’assureur et aucune protection spéciale ne se justifiait s’agissant
des rapports entre des professionnels du secteur des assurances (26).
36. Ce faisant, la Cour a clairement énoncé qu’un cessionnaire légal des droits de la personne directement lésée pouvait profiter des règles de compétence spéciale dont il était question, à condition que ce cessionnaire puisse lui-même être considéré comme partie faible (27).
37. Pour asseoir son raisonnement, l a Cour a, enfin, rappelé sa jurisprudence tirée de l’arrêt du 15 janvier 2004, Blijdenstein (28), selon laquelle un organisme public ne pouvait pas, en vertu des règles de compétence spéciales prévues par la convention de Bruxelles (29), introduire devant les tribunaux de l’État contractant où il est établi une action récursoire en recouvrement de sommes qu’il a versées, en application du droit public, à un créancier d’aliments dans les droits duquel il est
subrogé, contre le débiteur d’aliments domicilié dans un autre État contractant, dans la mesure où cet organisme n’est pas une partie faible à l’égard de ce débiteur d’aliments (30).
38. Dans un autre contexte, l a Cour, après avoir rappelé qu’« aucune protection spéciale ne se justifie dans les rapports entre des professionnels du secteur des assurances, dont aucun d’entre eux ne peut être présumé se trouver en position de faiblesse par rapport à l’autre » (31), a jugé que l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 1215/2012, lu en combinaison avec l’article 11, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, doit être interprété en ce sens qu’il ne peut pas être invoqué par une
personne physique, dont l’activité professionnelle consiste à recouvrer des créances d’indemnisation auprès des assureurs et qui se prévaut d’un contrat de cession de créance conclu avec la victime d’un accident de la circulation pour assigner l’assureur en responsabilité civile de l’auteur de cet accident, qui a son siège dans un État membre autre que l’État membre du domicile de la personne lésée, devant une juridiction de ce dernier État membre (32). La situation procédurale d’une partie réputée
plus faible ne se trouve pas affectée par un tel constat dès lors qu’il s’agit d’un rapport juridique établi entre deux professionnels (33). Une appréciation au cas par cas de la question de savoir si un professionnel peut être considéré comme une « partie plus faible » afin de pouvoir relever de la notion de « personne lésée », au sens de l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 1215/2012, en faisant naître un risque d’insécurité juridique, irait à l’encontre de l’objectif de ce règlement (34).
39. Dans une seconde tendance, la Cour, dans l’arrêt MMA IARD, s’est prononcée sur la question de savoir si l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement no 44/2001, lu en combinaison avec l’article 11, paragraphe 2, de ce règlement, devait être interprété en ce sens que l’employeur, qui a maintenu le paiement de la rémunération de son employé pendant l’indisponibilité de celui-ci, qui a été victime d’un accident de la circulation, peut attraire l’assureur de la responsabilité civile du
véhicule à l’origine de l’accident devant les tribunaux de l’État membre dans lequel l’employeur est établi, lorsque l’action directe est possible.
40. La Cour a jugé qu’« un employeur, établi dans un premier État membre, qui a maintenu la rémunération de son employé absent à la suite d’un accident de la circulation et qui est subrogé dans les droits de celui-ci à l’égard de la société assurant la responsabilité civile résultant du véhicule impliqué dans cet accident, qui est établie dans un second État membre, peut, en sa qualité de “victime”, au sens de [l’article 11, paragraphe 2, du règlement n^o 44/2001], attraire cette société
d’assurances devant les tribunaux du premier État membre lorsqu’une action directe est possible » (35).
41. Pour parvenir à cette conclusion, la Cour a, d’abord, souligné que l’action en matière d’assurances est caractérisée par un certain déséquilibre entre les parties et que les dispositions du chapitre II, section 3, du règlement no 44/2001, consacrées à la compétence dans cette matière, entendent corriger ce déséquilibre en faisant bénéficier la partie plus faible de règles de compétences plus favorables à ses intérêts que ne le sont les règles générales (36).
42. Elle a, ensuite, examiné la question de savoir si un employeur subrogé dans les droits de la personne directement lésée relève de la notion de « victime », au sens de l’article 11, paragraphe 2, du règlement n o 44/2001 (37). Après avoir constaté que l’article 9, paragraphe 1, sous b), de ce règlement vise, en substance, des personnes qui ont subi un dommage sans qu’elles l’aient nécessairement directement subi (38), la Cour a indiqué, enfin, qu’« une appréciation au cas par cas de la
question de savoir si l’employeur maintenant le paiement de la rémunération peut être considéré comme “partie plus faible” afin de pouvoir relever de la notion de “victime”, au sens de l’article 11, paragraphe 2, du règlement no 44/2001, ferait naître un risque d’insécurité juridique et irait à l’encontre de l’objectif dudit règlement, énoncé au considérant 11 de celui-ci, selon lequel les règles de compétence doivent présenter un haut degré de prévisibilité » (39).
43. La Cour a ainsi dit pour droit que « les employeurs subrogés dans les droits à réparation de leurs employés peuvent, en tant que personnes ayant subi un dommage et quelles que soient leur taille et leur forme juridique, se prévaloir des règles de compétence spéciales prévues aux articles 8 à 10 de ce règlement » (40). Par conséquent, un employeur subrogé dans les droits du salarié victime d’un accident de la circulation dont il a maintenu la rémunération peut, en qualité de « victime »,
attraire l’assureur du véhicule impliqué dans cet accident devant les tribunaux de l’État membre où il est établi (41), lorsqu’une action directe est possible (42).
B. Le cas de l’État employeur
44. Dans l’arrêt MMA IARD, la Cour a pris une position nette en rejetant explicitement l’idée d’une appréciation au cas par cas de la position de l’employeur subrogé dans les droits de son employé (43), qui peut donc se prévaloir, en toute hypothèse et dès lors qu’il agit à ce titre, des règles spéciales de compétence prévues, en matière d’assurances, par le règlement no 44/2001. Le refus d’une telle appréciation a été réitérée dans la jurisprudence postérieure de la Cour (44).
45. Ainsi, a fin de satisfaire l’objectif d’un haut degré de prévisibilité poursuivi par les dispositions du règlement no 44/2001, les règles spéciales de compétence consacrées au secteur des assurances et destinées à protéger les parties les plus faibles peuvent être invoquées sans que cette position de faiblesse soit concrètement vérifiée. Il suffit donc, à cet égard, qu’elles soient invoquées par des personnes relevant du champ d’application personnel de ces dispositions, c’est-à-dire par le
preneur d’assurance, l’assuré, un bénéficiaire ou la personne lésée (45). Il ne résulte de cette large formulation des catégories de bénéficiaires aucune exigence de vérification de leur faiblesse économique ou juridique réelle (46). Si la société d’assurances, défenderesse au principal, a raison de soutenir que les dérogations à la compétence de principe de la juridiction du domicile du défendeur doivent s’interpréter strictement, force est néanmoins de constater que, dans le cas présent, c’est
l’exception elle-même qui est largement formulée.
46. En jugeant de la sorte , la Cour a nécessairement admis la possibilité que ces règles puissent être invoquées par un employeur qui ne serait pas en position de « faiblesse » par rapport à l’assureur puisque ni la taille ni la forme juridique de l’employeur ne saurait remettre en cause une telle possibilité (47).
47. Le cœur de la présente affaire préjudicielle appelle la Cour à répondre à la question de savoir si la solution qu’elle a dégagée dans son arrêt MMA IARD est transposable dans le cas où l’employeur subrogé dans les droits de la victime de l’accident de la circulation est un État qui attrait l’assureur de la responsabilité civile du conducteur du véhicule responsable devant ses propres juridictions en vue d’obtenir le remboursement de la rémunération versée pendant la période
d’indisponibilité de son fonctionnaire.
48. Au vu des éléments que je viens de rappeler, cette question doit recevoir, selon moi, une réponse positive.
49. S’ajoutent encore trois séries d’arguments.
50. En premier lieu, je rappelle que l’employeur dont il s’agissait dans le contexte de l’arrêt MMA IARD était déjà une personne morale de droit public, à savoir un établissement gérant cinq hôpitaux publics (48).
51. En deuxième lieu, en ce qui concerne le contexte législatif, je rappelle que les dispositions du règlement no 1215/2012 visées par la juridiction de renvoi dans sa question préjudicielle sont équivalentes (49) à celles interprétées par la Cour dans l’arrêt MMA IARD et que l’objectif de prévisibilité n’a pas perdu de son importance dans ce règlement (50).
52. En troisième lieu, au regard du constat opéré par la Cour au point 35 de l’arrêt MMA IARD, la nature juridique particulière de l’employeur (l’État allemand) ne fait pas obstacle à ce qu’il puisse se prévaloir des règles spéciales de compétence en matière d’assurances et attraire, devant les juridictions allemandes, l’assureur. La Cour établit, dans cet arrêt, une sorte de présomption (51) selon laquelle, à partir du moment où l’employeur subrogé entend faire valoir ses droits, à ce titre, à
l’égard d’une société d’assurances, il pourra se prévaloir de ces règles spéciales de compétence prévues par le droit dérivé.
53. Cette approche est fondée, selon moi, sur l’idée selon laquelle, dans une telle configuration, l’employeur subrogé se retrouve contraint à une action intentée contre un défendeur qui, en sa qualité d’assureur, se trouve naturellement bien plus aguerri que lui en termes de contentieux lié aux questions d’assurance (52). L’employeur, en cette seule qualité, est donc toujours réputé en position de faiblesse. Il en va de la prévisibilité des règles de compétence.
54. Il y a donc une certaine logique à prolonger la fiction de la faiblesse presque institutionnelle de la figure de l’employeur, y compris dans le cas où cet employeur est un État qui n’agit qu’en tant qu’employeur subrogé dans les droits de son employé, personne lésée. C’est la conséquence d’un choix assumé par la Cour, dès lors qu’elle a exclu toute appréciation au cas par cas de la position de faiblesse de l’employeur.
55. En proposant à la Cour de maintenir une position maximaliste, je m’assure, dans le même temps, que toutes les situations de réelle position de faiblesse de l’employeur seront effectivement couvertes. Je partage donc l’avis de l’avocat général Bobek dans ses conclusions dans l’affaire MMA IARD (53) qui, « tout bien considéré, [continuait] à penser que la “surinclusion” occasionnelle de certaines entités [était] une solution plus raisonnable qu’une analyse au cas par cas du rapport de force
des parties, analyse qui pose problème dans la pratique » (54). La confirmation de l’absence de nécessité de procéder à une appréciation au cas par cas de la situation de faiblesse assure que les deux objectifs poursuivis par le règlement no 1215/2012 que sont, d’une part, la protection de la partie la plus faible et, d’autre part, la garantie d’un haut degré de prévisibilité des règles de compétence soient remplis.
56. Quant à l’argument que la société d’assurances, défenderesse au principal, prétend tirer de l’arrêt du 15 janvier 2004, Blijdenstein (55), l’analogie avec les faits de cette espèce me paraît limitée, dès lors que, premièrement, cet arrêt ne portait pas sur le système autonome de répartition des compétences juridictionnelles en matière d’assurances et, deuxièmement, la nature de la créance était tout à fait différente puisqu’il s’agissait, dans ledit arrêt, d’aides à caractère social.
57. Ainsi donc, i l résulte de mon analyse qu’un État membre qui, en sa qualité d’employeur, a continué à verser sa rémunération à un de ses fonctionnaires se trouvant en incapacité de travail à la suite d’un accident de la circulation et qui est subrogé dans les droits de ce dernier à l’égard d’une société d’assurances, établie dans un autre État membre, auprès de laquelle la responsabilité civile résultant du véhicule impliqué dans cet accident est assurée, doit être considéré comme une
« personne lésée », au sens de l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 1215/2012, pouvant se prévaloir du bénéfice des règles spéciales de compétence prévues par cette disposition envisagée conjointement avec l’article 11, paragraphe 1, sous b), de ce règlement afin d’attraire cette société dans le cadre d’une action visant à la faire condamner au remboursement de la rémunération versée devant ses propres juridictions.
58. Une fois la compétence internationale des juridictions de l’État membre employeur établie, il reste encore à formuler quelques précisions quan t à la compétence territoriale.
C. La compétence territoriale en cas de subrogation
59. Il ressort de la demande de décision préjudicielle que la fonctionnaire qui a été victime de l’accident de la circulation en Espagne a son domicile à Munich. Elle travaille pour l’Office allemand des brevets et des marques, qui – sauf erreur de ma part, ce qu’il appartiendra à la juridiction de renvoi de vérifier – a son siège à Munich. L’État allemand a introduit son action en première instance devant l’Amtsgericht München(tribunal de district de Munich). Il semblerait que cette
juridiction soit territorialement compétente, que ce soit en considération du lieu du domicile de la victime, ou en considération du lieu où le « siège » de l’employeur est établi.
60. Dans ces conditions, les développements qui vont suivre ne sont pas immédiatement nécessaires à la juridiction de renvoi pour trancher le litige pendant devant elle.
61. Toutefois, deux raisons m’invitent à pousser plus loin l’analyse.
62. D’une part, la juridiction de renvoi ainsi que les parties intéressées ayant pris part à la procédure écrite devant la Cour ont identifié de manière variable « la » juridiction territorialement compétente. Ainsi, le libellé de la question préjudicielle vise la possibilité pour l’État employeur subrogé d’att raire la société d’assurances devant la juridiction du domicile du fonctionnaire en incapacité de travail. L’État allemand a soutenu, dans ses observations écrites, que l’employeur
subrogé dans les droits de sa fonctionnaire devait pouvoir saisir exactement la même juridiction que celle que cette fonctionnaire aurait pu initialement saisir en application de l’article 13, paragraphe 2, lu en combinaison avec l’article 11, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1215/2012 et porter son action devant la juridiction du domicile de sa fonctionnaire. La société d’assurances s’est opposée à ce que soit reconnue la possibilité qu’elle soit attraite d’abord devant la juridiction du
siège de l’autorité administrative avant de finalement se référer à la juridiction du domicile de la fonctionnaire (56). Le gouvernement espagnol s’est contenté de faire référence aux juridictions « autres que celle du domicile du défendeur » (57). La Commission a fourni à la Cour une analyse plus élaborée en proposant la distinction suivante. Si l’employeur doit être considéré comme une « personne lésée », au sens de l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 1215/2012, alors c’est la juridiction
du lieu où l’employeur a son domicile qui est compétente. Si l’employeur est seulement subrogé dans les droits de son employée victime, alors c’est la juridiction du lieu où cette employée a son domicile qui est compétente pour connaître de l’action directe introduite. Pour la résolution du litige au principal, la Commission soutient que l’État membre employeur subrogé peut attraire la société d’assurances devant la juridiction du domicile du fonctionnaire en incapacité de travail, lorsque l’action
directe est possible.
63. D’autre part, dans l’arrêt MMA IARD, la Cour, en se référant seulement de manière générale aux tribunaux de l’État membre dans lequel l’employeur est établi (58), ne s’est prononcée que sur la question de la compétence internationale.
64. De manière liminaire, je rappelle donc que, si la délimitation du ressort de la juridiction au sein duquel se situe le lieu où le demandeur a son domicile, au sens de l’article 11, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1215/2012, relève, en principe, de la compétence organisationnelle de l’État membre auquel cette juridiction appartient (59), la Cour a reconnu que cette disposition « a vocation à désigner directement une juridiction précise au sein d’un État membre, sans opérer de renvoi
aux règles de répartition de la compétence territoriale en vigueur dans ce dernier, et donc à déterminer non seulement la compétence internationale, mais aussi la compétence territoriale de ladite juridiction, dans les hypothèses couvertes par cette disposition » (60).
65. Cela étant précisé , la thèse de la Commission me paraît devoir d’emblée être écartée. En effet, la Cour a déjà dit pour droit, de manière très claire, qu’un employeur subrogé était lui-même une « personne lésée », au sens de l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 1215/2012 (61). Cet employeur subrogé, qui relève du champ d’application de cette disposition, peut donc se voir appliquer la règle de l’article 11, paragraphe 1, sous b), de ce règlement selon laquelle il peut attraire, en
sa qualité de demandeur, l’assureur devant la juridiction du lieu de son domicile. Une interprétation littérale de ces deux dispositions suffit, à mon sens, pour parvenir à cette conclusion.
66. Je suis également en désaccord avec la Commission lorsqu’elle fait valoir que les droits de l’entité subrogée ne sont pas des droits propres et ne feraient par conséquent pas naître de droits dans le chef du subrogé en termes de compétence qui soient autonomes par rapport à ceux de la victime directe. L’employeur subrogé est le seul à pouvoir se prévaloir des droits résultant de la subrogation. Son insertion dans la catégorie des bénéficiaires des règles spéciales de compétence en matière
d’assurances en sa qualité de « personne lésée » se fonde d’ailleurs sur l’idée d’une reconnaissance de son préjudice propre. Ainsi comprise, je peine donc à voir les risques de multiplication des fors que créerait la subrogation.
67. En outre, si le déplacement de l’instance d’un État membre à un autre est déjà, en soi, un désagrément pour le défendeur, je doute que ce désagrément soit accentué par le fait que ce soit telle juridiction plutôt qu’une autre au sein d’un même État membre qui devra connaître de l’instance. Autrement dit, une fois le forum actoris reconnu, il me paraît assez neutre, du point de vue du défendeur, que l’action en justice ait lieu devant la juridiction du domicile de l’employé ou devant la
juridiction du siège de l’employeur.
68. Il résulte de ce qui précède que, pour que les règles consacrées par les articles 11 et 13 du règlement no 1215/2012 soient véritablement spéciales et pour qu’elles remplissent pleinement leur fonction protectrice, la conclusion selon laquelle l’employeur subrogé dans les droits de son employé victime d’un accident de la circulation doit pouvoir introduire son action contre une société d’assurances devant la juridiction du lieu de son domicile ou de son siège (62) s’impose.
69. C’est aussi en ce sens que doit être compris l’arrêt MMA IARD dans lequel la Cour se réfère à de multiples reprises aux tribunaux de l’État membre dans lequel l’employeur subrogé est établi (63). En revanche, le critère de la juridiction du domicile de l’employé est remarquablement absent du raisonnement de la Cour (64).
70. Il résulte donc de l’article 13, paragraphe 2, lu en combinaison avec l’article 11, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1215/2012 que l’action directe intentée par l’employeur subrogé dans les droits de son employé contre une société d’assurances établie dans un autre État membre doit être portée devant la juridiction du lieu où cet employeur est établi.
71. Surgit alors la question de savoir comment déterminer ce lieu lorsque l’employeur est un État. Comme cela est le cas dans le cadre du litige au principal, l’État employeur appréhende sa fonction particulière au travers du prisme de son organisation administrative.
72. Ce n’est pas parce que la fonctionnaire exerçait ses activités à Munich que l’État employeur doit être considéré comme étant établi à Munich. Le critère du lieu des activités de « l’employé » est étranger à la question de la détermination du lieu où se situe l’employeur (65). Par ailleurs, conformément aux prescriptions de l’article 63, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012, les personnes morales sont domiciliées là où est situé leur siège statutaire, leur administration centrale ou
encore leur principal établissement (66).
73. Or, s i l’État employeur introduit l’action directe contre la société d’assurances, c’est en vertu d’une subrogation légale qui le rend créancier d’une obligation en raison du paiement, par l’une de ses entités, de la rémunération de sa fonctionnaire pendant l’indisponibilité de cette dernière.
74. Dans une telle hypothèse et par souci de satisfaire tant à l’objectif de prévisibilité des règles de compétence qu’à celui de sécurité juridique (67), je propose donc de considérer que l’État employeur subrogé dans les droits de son fonctionnaire peut attraire la société d’assurances devant la juridiction du lieu où est établie l’entité administrative qui emploie le fonctionnaire et qui a continué à verser la rémunération pendant l’indisponibilité de ce dernier. En effet, la subrogation ne
joue que parce que la rémunération a été versée au fonctionnaire et c’est parce que cette entité en a assuré le paiement pendant l’absence du fonctionnaire consécutive à l’accident que l’employeur est considéré comme étant lésé.
75. Pour l’ensemble des raisons qui précèdent, je suis d’avis que l’ article 13, paragraphe 2, du règlement no 1215/2012, lu en combinaison avec l’article 11, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, doit être interprété en ce sens qu’un État membre, agissant en qualité d’employeur subrogé dans les droits du fonctionnaire victime d’un accident de la circulation dont il a maintenu la rémunération, peut, en qualité de « personne lésée », attraire la société assurant la responsabilité civile
résultant du véhicule impliqué dans cet accident, qui est établie dans un autre État membre, devant la juridiction du lieu du siège de l’entité administrative qui emploie ce fonctionnaire.
V. Conclusion
76. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre à la question préjudicielle posée par le Landgericht München I (tribunal régional de Munich I, Allemagne) de la manière suivante :
L’article 13, paragraphe 2, du règlement (UE) n^o 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, lu en combinaison avec l’article 11, paragraphe 1, sous b), de ce règlement,
doit être interprété en ce sens que :
un État membre, agissant en qualité d’employeur subrogé dans les droits du fonctionnaire victime d’un accident de la circulation dont il a maintenu la rémunération, peut, en qualité de « personne lésée », attraire la société assurant la responsabilité civile résultant du véhicule impliqué dans cet accident, qui est établie dans un autre État membre, devant la juridiction du lieu du siège de l’entité administrative qui emploie ce fonctionnaire.
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1 Langue originale : le français.
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2 Règlement du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2012, L 351, p. 1).
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3 Voir considérant 18 du règlement no 1215/2012.
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4 Règlement du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2001, L 12, p. 1).
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5 Voir arrêt du 20 juillet 2017, MMA IARD (C‑340/16, ci-après l’« arrêt MMA IARD », EU:C:2017:576, point 39).
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6 Conformément à l’obligation qui découle de l’article 21 de la directive 2009/103/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, concernant l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs et le contrôle de l’obligation d’assurer cette responsabilité (JO 2009 L 263, p. 11). Si cette directive a été modifiée par la directive (UE) 2021/2118 du Parlement européen et du Conseil, du 24 novembre 2021 (JO 2021, L 430, p. 1), les
modifications introduites n’ont pas affecté cette disposition.
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7 La requérante au principal invoque ici l’arrêt MMA IARD.
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8 La défenderesse au principal cite, à cet égard, les arrêts du 17 septembre 2009, Vorarlberger Gebietskrankenkasse (C‑347/08, ci-après l’« arrêt Vorarlberger Gebietskrankenkasse », EU:C:2009:561) ; du 31 janvier 2018, Hofsoe (C‑106/17, EU:C:2018:50) ; du 20 mai 2021, CNP (C‑913/19, EU:C:2021:399), ainsi que du 21 octobre 2021, T. B. et D. (Compétence en matière d’assurances) (C‑393/20, EU:C:2021:871).
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9 Voir point 2.2 de la demande de décision préjudicielle.
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10 Voir point 2.2 de la demande de décision préjudicielle. Si la juridiction de renvoi n’a pas cité expressis verbis la disposition allemande pertinente, la Commission européenne l’a citée dans ses écritures. En substance, l’article 76 du Bundesbeamtengesetz (loi sur les fonctionnaires fédéraux), du 5 février 2009 (BGBl. 2009 I, p. 160), prévoit que, lorsqu’un fonctionnaire, un titulaire de pension ou un membre de leur famille est blessé ou tué, l’employeur (« dienstherrn ») est subrogé
légalement dans le droit à réparation que la loi confère à cette personne contre un tiers en raison de ces blessures ou de ce décès, si cet employeur est tenu de verser des prestations pendant la durée d’une incapacité de travail consécutive aux lésions corporelles, ou à la suite du préjudice corporel ou du décès.
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11 Telle que mentionnée par la juridiction de renvoi dans la partie I et au point 2.5 de la partie II de sa demande de décision préjudicielle.
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12 Au sens de l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 1215/2012. Il est intéressant de relever que la directive 2009/103, telle que modifiée par la directive 2021/2118, définit la personne lésée comme « toute personne ayant droit à la réparation du dommage causé par des véhicules » (voir article 1^er, point 2, de la directive 2009/103 modifiée, ainsi que considérant 2 de la directive 2021/2118).
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13 Ce droit d’action directe dont disposent les personnes lésées à la suite d’un accident causé par un véhicule couvert par une assurance contre l’entreprise d’assurances couvrant la responsabilité civile de la personne responsable résulte de la directive 2009/103 (voir considérant 30 et article 18 de cette directive).
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14 Dès lors que les articles 11 et 13 du règlement no 1215/2012 relèvent du chapitre II, section 3, de ce règlement dédiée à la compétence en matière d’assurances. Cette section « établit un système autonome de répartition des compétences juridictionnelles en matière d’assurances » [voir arrêt du 9 décembre 2021, BT (Mise en cause de la personne assurée) (C‑708/20, EU:C:2021:986, point 26 et jurisprudence citée)].
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15 Parce qu’elles dérogent à la compétence du for du domicile du défendeur, ces dispositions doivent, toutefois et en principe, recevoir une interprétation stricte : voir arrêt du 30 juin 2022, Allianz Elementar Versicherung (C‑652/20, EU:C:2022:514, point 46 et jurisprudence citée).
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16 Voir arrêt du 14 février 2019, Milivojević (C‑630/17, EU:C:2019:123, point 81). Voir, à propos du règlement no 44/2001, notamment, arrêts Vorarlberger Gebietskrankenkasse (point 37) et du 25 janvier 2018, Schrems (C‑498/16, EU:C:2018:37, point 27). Dans la mesure où le règlement n^o 1215/2012 a abrogé et remplacé ce règlement, qui a lui-même remplacé la convention concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale signée à Bruxelles le
27 septembre 1968 (JO 1972, L 299, p. 32), telle que modifiée par les conventions successives relatives à l’adhésion des nouveaux États membres à cette convention (JO 1998, C 27, p. 1, ci-après la « convention de Bruxelles »), l’interprétation fournie par la Cour en ce qui concerne les dispositions de l’un de ces instruments juridiques vaut également pour celles des autres, lorsque ces dispositions peuvent être qualifiées d’équivalentes.
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17 Conformément à la volonté du législateur de l’Union exprimée au considérant 18 du règlement no 1215/2012.
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18 Je rappelle que, aux termes de l’article 1^er, paragraphe 1, du règlement ^n^o^ 1215/2012, ce dernier s’applique en matière civile et commerciale, mais ne s’applique pas « aux matières fiscales, douanières ou administratives, ni à la responsabilité de l’État pour des actes ou des omissions commis dans l’exercice de la puissance publique (acta jure imperii) ».
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19 Il faut ici souligner que, dans le cadre de la présente procédure préjudicielle, l’État allemand est représenté, tant devant la Cour que devant la juridiction de renvoi, non pas par des agents du gouvernement, mais par un avocat.
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20 Conformément à l’approche globale retenue par la Cour dans l’arrêt MMA IARD (voir point 36 de cet arrêt). En outre, la Cour a déjà jugé que les dispositions du règlement n^o 44/2001 s’appliquaient à un litige dans lequel un travailleur demandait le versement d’indemnités et contestait la résiliation de son contrat de travail qu’il avait conclu avec un État tiers [voir arrêt du 19 juillet 2012, Mahamdia (C‑154/11, EU:C:2012:491, point 56)].
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21 Voir arrêts du 31 janvier 2018, Hofsoe (C‑106/17, EU:C:2018:50, point 36) ; du 9 décembre 2021, BT (Mise en cause de la personne assurée) (C‑708/20, EU:C:2021:986, point 23), ainsi que du 4 octobre 2024, Mahá (C‑494/23, EU:C:2024:848, point 27 et jurisprudence citée). En outre, la Cour a jugé que l’article 8, premier alinéa, point 2, de la convention de Bruxelles pouvait être qualifié d’équivalent à l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement no 44/2001 et à l’article 11, paragraphe 1,
sous b), du règlement no 1215/2012 dès lors que ces dispositions « permettent que l’assureur domicilié sur le territoire, respectivement, d’un État contractant ou d’un État membre soit attrait devant la juridiction du lieu où le demandeur a son domicile, lorsque l’action est intentée par le preneur d’assurance s’agissant de ladite convention, ou encore par l’assuré ou par le bénéficiaire du contrat d’assurance s’agissant desdits règlements, pour autant que le demandeur concerné soit domicilié,
respectivement, dans un autre État contractant ou dans un autre État membre » [arrêt du 30 juin 2022, Allianz Elementar Versicherung (C‑652/20, EU:C:2022:514, point 23)].
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22 Voir arrêt Vorarlberger Gebietskrankenkasse (point 47).
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23 Voir arrêt Vorarlberger Gebietskrankenkasse (point 35).
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24 Voir arrêt Vorarlberger Gebietskrankenkasse (point 38).
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25 Arrêt Vorarlberger Gebietskrankenkasse (point 41).
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26 Voir arrêt Vorarlberger Gebietskrankenkasse (point 42).
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27 Voir arrêt Vorarlberger Gebietskrankenkasse (point 44). La Cour a alors spécifiquement mentionné le cas des héritiers de la victime.
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28 C‑433/01, EU:C:2004:21. Dès lors que l’action de l’organisme public était régie par le droit civil, le litige au principal entrait dans la notion de « matière civile », au sens de l’article 1^er, premier alinéa, de la convention de Bruxelles (voir point 21 de cet arrêt).
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29 Sur l’uniformité d’interprétation entre la convention de Bruxelles, le règlement no 44/2001 et le règlement no 1215/2012, voir note en bas de page 16 des présentes conclusions.
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30 Voir arrêt Vorarlberger Gebietskrankenkasse (point 46 et jurisprudence citée).
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31 Voir arrêt du 31 janvier 2018, Hofsoe (C‑106/17, EU:C:2018:50, point 42).
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32 Voir arrêt du 31 janvier 2018, Hofsoe (C‑106/17, EU:C:2018:50, point 47).
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33 Voir arrêt du 31 janvier 2018, Hofsoe (C‑106/17, EU:C:2018:50, point 44).
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34 Voir arrêt du 31 janvier 2018, Hofsoe (C‑106/17, EU:C:2018:50, point 45).
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35 Arrêt MMA IARD (point 39).
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36 Voir arrêt MMA IARD (point 28 et jurisprudence citée).
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37 Il est utile de rappeler ici que, en raison de divergences entre les différentes versions linguistiques de cette disposition, la Cour est venue en fixer l’interprétation dans son arrêt Vorarlberger Gebietskrankenkasse, dans lequel elle a jugé que l’article 11, paragraphe 2, du règlement no 44/2001 doit être interprété comme visant la personne lésée (voir points 25 à 28 de cet arrêt).
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38 Voir arrêt MMA IARD (point 33 et jurisprudence citée).
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39 Arrêt MMA IARD (point 34).
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40 Arrêt MMA IARD (point 35). Italique ajouté par mes soins.
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41 Une telle formulation laisse ouverte la question de savoir devant quelle juridiction précisément l’action peut être introduite. Il faudra donc y revenir plus loin dans l’analyse (voir points 59 et suiv. des présentes conclusions).
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42 Voir arrêt MMA IARD (point 37).
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43 Voir arrêt MMA IARD (point 34).
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44 Voir arrêts du 31 janvier 2018, Hofsoe (C‑106/17, EU:C:2018:50, point 45) ; du 27 février 2020, Balta (C‑803/18, EU:C:2020:123, point 42) ; du 21 octobre 2021, T. B. et D. (Compétence en matière d’assurances) (C‑393/20, EU:C:2021:871, point 40), ainsi que du 27 avril 2023, A1 et A2 (Assurance d’un bateau de plaisance) (C‑352/21, EU:C:2023:344, point 53).
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45 Comme je l’ai déjà indiqué, la notion de « victime », visée à l’article 11, paragraphe 2, du règlement no 44/2001, a été interprétée par la Cour comme désignant la personne lésée. Le législateur de l’Union a consolidé cette interprétation en cessant d’utiliser le terme de « victime » à l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 1215/2012 pour y préférer l’expression de « personne lésée ».
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46 Voir, dans le même sens, conclusions de l’avocat général Bobek dans l’affaire MMA IARD (C‑340/16, EU:C:2017:396, point 47).
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47 Voir arrêt MMA IARD (point 35).
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48 Voir arrêt MMA IARD (points 21 et 25).
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49 Voir note en bas de page 21 des présentes conclusions.
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50 Voir, en particulier, considérant 15 du règlement no 1215/2012. Voir, également, arrêts du 27 février 2020, Balta (C‑803/18, EU:C:2020:123, point 42) ; du 27 avril 2023, A1 et A2 (Assurance d’un bateau de plaisance) (C‑352/21, EU:C:2023:344, point 53), ainsi que du 22 février 2024, FCA Italy et FPT Industrial (C‑81/23, EU:C:2024:165, point 41).
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51 La Cour avait déjà laissé la voie ouverte à l’établissement d’une présomption dans un arrêt du 13 juillet 2000, Group Josi (C‑412/98, EU:C:2000:399), dans lequel elle avait jugé qu’aucune des deux parties à un traité de réassurance conclu entre deux professionnels de ce secteur ne pouvait « être présumé[e] se trouver en position de faiblesse par rapport à son cocontractant » (point 66 de cet arrêt).
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52 La présomption sera toutefois objectivement renversée lorsque l’action directe sera introduite par un employeur subrogé qui est un professionnel du secteur des assurances.
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53 C‑340/16, EU:C:2017:396.
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54 Conclusions de l’avocat général Bobek dans l’affaire MMA IARD (C‑340/16, EU:C:2017:396, point 89).
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55 C‑433/01, EU:C:2004:21. Voir point 37 des présentes conclusions.
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56 Voir, pour comparaison, points 1.1 et 3 des observations écrites de la défenderesse au principal.
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57 Italique ajouté par mes soins.
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58 Voir arrêt MMA IARD (points 26, 30, 36, 37, 39 et 40).
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59 Voir arrêt du 30 juin 2022, Allianz Elementar Versicherung (C‑652/20, EU:C:2022:514, point 56 et jurisprudence citée).
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60 Arrêt du 30 juin 2022, Allianz Elementar Versicherung (C‑652/20, EU:C:2022:514, point 38).
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61 Voir, à propos de l’article 11, paragraphe 2, du règlement no 44/2001, arrêt MMA IARD (points 31 et suiv.). La qualité de « victime » est expressément reconnue à l’employeur subrogé (voir points 37 à 39 de cet arrêt).
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62 Voir, dans le même sens, arrêt du 13 décembre 2007, FBTO Schadeverzekeringen (C‑463/06, EU:C:2007:792, point 28).
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63 Voir arrêt MMA IARD (points 30, 36, 37, 39 et 40).
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64 La seule indication fournie par l’arrêt MMA IARD quant au domicile de l’employé est qu’il se situait en Autriche (voir point 15 de cet arrêt).
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65 En effet, le critère retenu, au terme de la lecture combinée de l’article 11, paragraphe 1, sous b), et de l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 1215/2012, est bien celui du domicile de l’employeur subrogé en tant que personne lésée, et non celui du lieu où travaille la victime.
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66 La détermination du domicile des sociétés et des personnes morales est effectuée, en l’absence de renvoi aux droits des États membres, selon une interprétation autonome du droit de l’Union [voir arrêt du 14 septembre 2023, Club La Costa e.a. (C‑821/21, EU:C:2023:672, point 60)].
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67 Voir arrêt du 30 juin 2022, Allianz Elementar Versicherung (C‑652/20, EU:C:2022:514, point 54).