ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)
19 décembre 2024 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Union douanière – Règlement (UE) no 952/2013 – Code des douanes de l’Union – Article 15 – Communication d’informations aux autorités douanières – Infraction à la législation douanière – Article 42 – Sanctions effectives, proportionnées et dissuasives – Décision-cadre 2005/212/JAI – Confiscation des produits, des instruments et des biens en rapport avec le crime – Article 2, paragraphe 1 – Confiscation – Réglementation nationale prévoyant l’infliction d’une amende d’un montant
compris entre 100 % et 200 % de la valeur en douane des marchandises et la confiscation de celles-ci quel que soit le propriétaire »
Dans les affaires jointes C‑717/22 et C‑372/23,
ayant pour objet deux demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par le Rayonen sad Svilengrad (tribunal d’arrondissement de Svilengrad, Bulgarie) (C‑717/22) et par l’Administrativen sad – Haskovo (tribunal administratif de Haskovo, Bulgarie) (C-372/23), par décisions du 10 novembre 2022 et du 1er juin 2023, parvenues à la Cour respectivement le 23 novembre 2022 et le 13 juin 2023, dans les procédures
« SISTEM LUX » OOD (C‑717/22),
VU (C‑372/23)
contre
Teritorialna direktsia Mitnitsa Burgas,
en présence de :
Rayonna prokuratura – Haskovo, Teritorialno otdelenie – Svilengrad (C‑717/22),
Okrazhna prokuratura – Haskovo (C‑372/23),
LA COUR (troisième chambre),
composée de Mme K. Jürimäe, présidente de la deuxième chambre, faisant fonction de président de la troisième chambre, M. K. Lenaerts, président de la Cour, faisant fonction de juge de la troisième chambre, MM. N. Jääskinen (rapporteur), M. Gavalec et N. Piçarra, juges,
avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
– pour « SISTEM LUX » OOD, par Me I. A. Ivanov, advokat,
– pour la Teritorialna direktsia Mitnitsa Burgas, par M. V. Stefanov,
– pour le gouvernement bulgare, par Mmes T. Mitova, S. Ruseva et M. R. Stoyanov, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement belge, par MM. S. Baeyens et P. Cottin, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement espagnol, par Mme A. Pérez-Zurita Gutiérrez, en qualité d’agent,
– pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de Mme A. Collabolletta et M. F. Meloncelli, avvocati dello Stato,
– pour le gouvernement letton, par Mmes J. Davidoviča, K. Pommere et I. Romanovska, en qualité d’agents,
– pour la Commission européenne, par Mme F. Moro et M. I. Zaloguin, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 8 mai 2024,
rend le présent
Arrêt
1 Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de l’article 1er, quatrième tiret, et de l’article 2, paragraphe 1, de la décision-cadre 2005/212/JAI du Conseil, du 24 février 2005, relative à la confiscation des produits, des instruments et des biens en rapport avec le crime (JO 2005, L 68, p. 49), de l’article 5, point 3, de l’article 15 et de l’article 42, paragraphes 1 et 2, du règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 9 octobre 2013, établissant le
code des douanes de l’Union (JO 2013, L 269, p. 1, et rectificatif JO 2016, L 267, p. 2, ci-après le « code des douanes de l’Union »), de l’article 2, point 4, de la directive 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil, du 3 avril 2014, concernant le gel et la confiscation des instruments et des produits du crime dans l’Union européenne (JO 2014, L 127, p. 39), ainsi que de l’article 17, paragraphe 1, de l’article 41 et de l’article 49, paragraphe 3, de la charte des droits fondamentaux de
l’Union européenne (ci-après la « Charte »).
2 Ces demandes ont été présentées dans le cadre d’un litige opposant « SISTEM LUX » OOD (ci-après « Sistem Lux »), une société établie en Serbie, à la Teritorialna direktsia Mitnitsa Burgas (direction territoriale des douanes de Burgas, Bulgarie) (ci-après la « direction des douanes ») (affaire C‑717/22), d’une part, et, VU, un particulier de nationalité serbe, à la direction des douanes (affaire C‑372/23), d’autre part, au sujet de la décision d’infliger une sanction administrative à VU pour
contrebande douanière ainsi que de confisquer les marchandises de Sistem Lux ayant fait l’objet de cette contrebande.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
La décision-cadre 2005/212
3 Le considérant 1 de la décision-cadre 2005/212 énonce :
« La criminalité organisée transfrontalière poursuit essentiellement des fins lucratives. Afin de prévenir et de combattre efficacement cette criminalité, il convient de concentrer les efforts sur le dépistage, le gel, la saisie et la confiscation des produits du crime. [...] »
4 L’article 1er de cette décision-cadre, intitulé « Définitions », dispose, à son quatrième tiret :
« Aux fins de la présente décision-cadre, on entend par :
[...]
– “confiscation” une peine ou une mesure ordonnée par un tribunal à la suite d’une procédure portant sur une ou des infractions pénales, aboutissant à la privation permanente du bien ».
5 L’article 2 de ladite décision-cadre, intitulé « Confiscation », prévoit :
« 1. Chaque État membre prend les mesures nécessaires pour permettre la confiscation de tout ou partie des instruments et des produits provenant d’infractions pénales passibles d’une peine privative de liberté d’une durée supérieure à un an, ou de biens dont la valeur correspond à ces produits.
[...] »
Le code des douanes de l’Union
6 L’article 15 du code des douanes de l’Union, intitulé « Communication d’informations aux autorités douanières », dispose :
« 1. Toute personne intervenant directement ou indirectement dans l’accomplissement des formalités douanières ou dans les contrôles douaniers fournit aux autorités douanières, à leur demande et dans les délais éventuellement fixés, la totalité des documents ou informations requis, sous une forme appropriée, ainsi que toute l’assistance nécessaire à l’accomplissement des formalités ou des contrôles précités.
2. Le dépôt d’une déclaration en douane, d’une déclaration de dépôt temporaire, d’une déclaration sommaire d’entrée, d’une déclaration sommaire de sortie, d’une déclaration de réexportation ou d’une notification de réexportation par une personne aux autorités douanières, ou la présentation d’une demande d’autorisation ou de toute autre décision, rend la personne concernée responsable de tout ce qui suit :
a) de l’exactitude et du caractère complet des renseignements fournis dans la déclaration, la notification ou la demande ;
b) de l’authenticité, de l’exactitude et de la validité des documents accompagnant la déclaration, la notification ou la demande ;
c) le cas échéant, de la conformité à l’ensemble des obligations se rapportant au placement des marchandises en question sous le régime douanier en cause, ou à l’exécution des opérations autorisées.
Le premier alinéa s’applique également à la communication sous toute autre forme de toute information requise par les autorités douanières ou fournies à ces dernières.
Lorsque la déclaration ou la notification est déposée, la demande présentée ou l’information fournie émane d’un représentant en douane de la personne concernée, tel que visé à l’article 18, ce représentant en douane est lié lui aussi par les obligations visées au premier alinéa du présent paragraphe. »
7 L’article 42 de ce code, intitulé « Application des sanctions », énonce :
« 1. Chaque État membre prévoit des sanctions en cas d’infraction à la législation douanière. Ces sanctions sont effectives, proportionnées et dissuasives.
2. Lorsque des sanctions administratives sont appliquées, elles peuvent l’être, notamment, sous l’une ou les deux formes suivantes :
a) une charge pécuniaire imposée par les autorités douanières, y compris, le cas échéant, un règlement en lieu et place d’une sanction pénale ;
b) le retrait, la suspension ou la modification de toute autorisation dont la personne concernée est titulaire.
[...] »
8 L’article 79 dudit code, intitulé « Dette douanière née en raison d’une inobservation », prévoit, à son paragraphe 1 :
« Une dette douanière naît à l’importation, dans la mesure où les marchandises sont passibles de droits à l’importation, par suite de l’inobservation :
a) soit d’une des obligations définies dans la législation douanière applicable à l’introduction de marchandises non Union [européenne] dans le territoire douanier de l’Union, à leur soustraction à la surveillance douanière, ou à la circulation, à la transformation, au stockage, au dépôt temporaire, à l’admission temporaire ou à la disposition de ces marchandises dans ce territoire ;
b) soit d’une des obligations définies dans la législation douanière pour la destination particulière de marchandises dans le territoire douanier de l’Union ;
c) soit d’une des conditions fixées pour le placement des marchandises non Union sous un régime douanier ou pour l’octroi d’une exonération de droits ou d’un droit à l’importation réduit en raison de la destination particulière des marchandises. »
9 L’article 158 du même code, intitulé « Déclaration des marchandises à la douane et surveillance douanière des marchandises de l’Union », est libellé comme suit :
« 1. Toute marchandise destinée à être placée sous un régime douanier, à l’exclusion du régime de la zone franche, fait l’objet d’une déclaration en douane correspondant au régime concerné.
2. Dans des cas spécifiques, autres que ceux visés à l’article 6, paragraphe 3, le dépôt de la déclaration en douane peut se faire par des moyens autres que des procédés informatiques de traitement des données.
3. Les marchandises de l’Union déclarées pour l’exportation, le transit interne de l’Union ou le perfectionnement passif se trouvent sous surveillance douanière dès l’acceptation de la déclaration visée au paragraphe 1 et jusqu’au moment où elles sortent du territoire douanier de l’Union ou sont abandonnées à l’État ou sont détruites, ou jusqu’au moment où la déclaration en douane est invalidée. »
10 L’article 198 du code des douanes de l’Union, intitulé « Mesures à prendre par les autorités douanières », dispose :
« 1. Les autorités douanières prennent toutes les mesures nécessaires, y compris la confiscation et la vente ou la destruction, pour régler la situation des marchandises dans les cas suivants :
a) lorsqu’une des obligations prévues par la législation douanière en ce qui concerne l’introduction de marchandises non Union sur le territoire douanier de l’Union n’a pas été satisfaite ou que les marchandises ont été soustraites à la surveillance douanière ;
[...] »
11 L’article 233 de ce code, intitulé « Obligations du titulaire du régime du transit de l’Union et du transporteur ou destinataire des marchandises circulant sous le régime du transit de l’Union », prévoit :
« 1. Le titulaire du régime du transit de l’Union est tenu de :
a) présenter en douane les marchandises intactes et les informations requises au bureau de douane de destination, dans le délai prescrit et dans le respect des mesures d’identification prises par les autorités douanières ;
[...]
3. Le transporteur ou le destinataire des marchandises qui accepte celles-ci en sachant qu’elles circulent sous le régime du transit de l’Union est tenu aussi de les présenter intactes au bureau de douane de destination dans le délai prescrit et dans le respect des mesures d’identification prises par les autorités douanières. »
12 L’article 226 dudit code, intitulé « Transit externe », énonce :
« 1. Le régime du transit externe permet la circulation de marchandises non Union d’un point à un autre du territoire douanier de l’Union sans que ces marchandises soient soumises :
a) aux droits à l’importation ;
b) aux autres impositions, conformément aux autres dispositions pertinentes ;
c) aux mesures de politique commerciale dans la mesure où elles n’interdisent pas l’entrée de marchandises sur le territoire douanier de l’Union ou leur sortie de ce territoire.
(2) Dans des cas spécifiques, les marchandises de l'Union sont placées sous le régime du transit externe.
[...] »
La directive 2014/42
13 L’article 2, point 4, de la directive 2014/42, intitulé « Définitions », dispose :
« Aux fins de la présente directive, on entend par :
[...]
4) “confiscation”, une privation permanente d’un bien ordonnée par une juridiction en lien avec une infraction pénale ».
14 L’article 14 de cette directive, intitulé « Remplacement de l’action commune 98/699/JAI et de certaines dispositions des décisions-cadres 2001/500/JAI et 2005/212/JAI », prévoit, à son paragraphe 1 :
« L’action commune 98/699/JAI[, du 3 décembre 1998, adoptée par le Conseil sur la base de l’article K.3 du traité sur l’Union européenne, concernant l’identification, le dépistage, le gel ou la saisie et la confiscation des instruments et des produits du crime (JO 1998, L 333, p. 1)], l’article 1er, point a), et les articles 3 et 4 de la décision-cadre 2001/500/JAI [du Conseil, du 26 juin 2001, concernant le blanchiment d’argent, l’identification, le dépistage, le gel ou la saisie et la
confiscation des instruments et des produits du crime (JO 2001, L 182, p. 1)], ainsi que les quatre premiers tirets de l’article 1er et l’article 3 de la décision-cadre [2005/212] sont remplacés par la présente directive pour les États membres liés par la présente directive, sans préjudice des obligations de ces États membres relatives aux délais de transposition de ces décisions-cadres en droit national. »
Le Code européen de bonne conduite administrative
15 Aux termes de l’article 7, intitulé « Absence d’abus de pouvoirs » du code européen de bonne conduite administrative, approuvé par la résolution du Parlement du 6 septembre 2001 (JO 2002, C 72 E, p. 331) :
« Les pouvoirs ne sont exercés que dans le but pour lequel ils ont été conférés par les dispositions pertinentes. Le fonctionnaire évite notamment d’user de ces pouvoirs à des fins qui n’ont pas de base juridique ou qui ne sont pas motivées par un intérêt public. »
Le droit bulgare
La loi sur les douanes
16 L’article 231 du zakon za mitnitsite (loi sur les douanes) (DV no 15, du 6 février 1998), dans sa version applicable aux faits du litige au principal (ci-après la « loi sur les douanes »), prévoit :
« Les décisions de sanction administrative sont émises par le directeur de l’Agentsia “Mitnitsi” [(Agence des douanes, Bulgarie)] ou par les agents que celui-ci a désignés. »
17 L’article 233 de cette loi dispose :
« (1) Quiconque déplace ou transporte des marchandises à travers la frontière de l’État, ou tente de le faire, à l’insu ou sans autorisation des autorités douanières, est sanctionné, lorsque l’acte commis ne constitue pas une infraction pénale, d’une amende pour contrebande douanière de 100 à 200 % de la valeur en douane des marchandises ou, en cas d’exportation, de la valeur de ces marchandises.
[...]
(6) Les produits faisant l’objet de la contrebande douanière sont saisis au profit de l’État quel que soit leur propriétaire et lorsqu’ils font défaut ou ont été soustraits, [l’auteur] est condamné à l’équivalent de leur valeur en douane ou, en cas d’exportation, de la valeur de ces marchandises.
[...] »
La loi sur les infractions et les sanctions administratives
18 Aux termes de l’article 7 du zakon za administrativnite narushenia i nakazania (loi sur les infractions et les sanctions administratives) (DV no 92, du 28 novembre 1969) :
« (1) Il y a culpabilité pour un acte qualifié d’infraction administrative, lorsqu’il est commis de manière intentionnelle ou non intentionnelle.
(2) C’est uniquement dans les cas expressément prévus que les actes commis de manière non intentionnelle ne sont pas sanctionnés. »
Les litiges au principal et les questions préjudicielles
L’affaire C‑717/22
19 Le 28 mai 2021, un agent des douanes du poste douanier de Kapitan Andreevo (Bulgarie), situé à la frontière bulgaro-turque, a procédé au contrôle d’un camion semi-remorque qui transportait treize colis de profilés en aluminium, chargés en Turquie.
20 L’agent des douanes a vérifié les documents douaniers que lui a présentés VU, le chauffeur de ce camion, et a constaté que huit des colis transportés, qui appartenaient à Sistem Lux, n’avaient pas été déclarés dans les documents d’accompagnement.
21 Une procédure d’infraction administrative au titre de l’article 233, paragraphe 1, de la loi sur les douanes a été ouverte, au terme de laquelle il a été établi que VU, bien que présent lors du chargement et du pesage de la cargaison, n’avait pas rempli l’obligation qui lui incombait, en tant que chauffeur effectuant des transports internationaux, de prendre connaissance des documents qui lui étaient fournis et de vérifier, notamment, leur conformité avec les marchandises effectivement
transportées.
22 Par conséquent, l’autorité de sanction administrative a estimé que, en transportant, à l’insu et sans l’autorisation des autorités douanières, les profilés d’aluminium en cause à travers la frontière bulgare, VU avait commis, par négligence, l’infraction administrative visée à l’article 233, paragraphe 1, de la loi sur les douanes. Partant, elle lui a infligé une amende pour contrebande douanière d’un montant de 73140,06 leva bulgares (BGN) (environ 37400 euros), correspondant à la valeur
douanière des profilés d’aluminium retrouvés dans les huit colis non déclarés. Elle a également ordonné la confiscation au profit de l’État, sur le fondement de l’article 233, paragraphe 6, de la loi sur les douanes, de ces profilés d’aluminium.
23 C’est dans ce contexte que Sistem Lux a introduit un recours devant le Rayonen sad Svilengrad (tribunal d’arrondissement de Svilengrad, Bulgarie), qui est la juridiction de renvoi, contre la décision de confiscation desdits profilés d’aluminium.
24 À cet égard, la juridiction de renvoi considère que l’article 233, paragraphe 6, de la loi sur les douanes, lequel prévoit la confiscation des produits faisant l’objet de contrebande douanière quel que soit leur propriétaire, pourrait entrer en contrariété avec les dispositions du droit de l’Union, lorsque ces produits appartiennent à une personne autre que l’auteur de l’infraction administrative ou lorsque l’auteur a commis cette infraction par négligence.
25 En outre, cette juridiction relève que le droit de l’Union est également susceptible de s’opposer à une disposition nationale telle que celle mentionnée au point précédent dans la mesure où la confiscation, qui constitue une sanction supplémentaire s’ajoutant à l’amende pour contrebande douanière, pourrait méconnaître le principe de proportionnalité consacré à l’article 42, paragraphe 1, du code des douanes de l’Union, lu en combinaison avec l’article 49, paragraphe 3, de la Charte. Une telle
disposition pourrait également être contraire au droit de toute personne de jouir librement des biens qu’elle a acquis, visé à l’article 17, paragraphe 1, de la Charte.
26 Par ailleurs, la juridiction de renvoi s’interroge sur la compatibilité de la mesure de confiscation prévue à l’article 233, paragraphe 6, de la loi sur les douanes avec l’article 42, paragraphe 2, du code des douanes de l’Union, en ce que celui-ci fixerait une liste exhaustive des sanctions administratives susceptibles d’être appliquées en cas d’infraction à la législation douanière, ainsi qu’avec l’article 1er, quatrième tiret, et l’article 2, paragraphe 1, de la décision-cadre 2005/212 et
l’article 2, point 4, de la directive 2014/42, qui feraient obstacle à ce qu’une telle mesure soit ordonnée par une autorité administrative.
27 Dans ces conditions, le Rayonen sad Svilengrad (tribunal d’arrondissement de Svilengrad) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Convient-il d’interpréter l’article 42, paragraphe 2, du [code des douanes de l’Union], qui énumère de manière exhaustive les types de sanctions administratives pouvant être appliquées en cas de non-respect de la législation douanière, lu en combinaison avec l’article 17, paragraphe 1, de la [Charte], en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale telle que celle prévue à l’article 233, paragraphe 6, de la loi sur les douanes qui prévoit, à titre de sanction administrative
supplémentaire, la confiscation (ou la confiscation au profit de l’État) de l’objet de l’infraction ? La confiscation de l’objet de l’infraction est-elle admise lorsque le bien confisqué appartient à une personne autre que l’auteur de l’infraction ?
2) Convient-il d’interpréter l’article 42, paragraphe 1, [de ce code], lu en combinaison avec l’article 49, paragraphe 3, de la Charte, en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale, telle que l’article 233, paragraphe 6, de la loi sur les douanes qui, outre l’imposition d’une amende, prévoit à titre de sanction complémentaire la confiscation (ou la confiscation au profit de l’État) de l’objet de l’infraction, au motif qu’il s’agit d’une atteinte au droit de propriété disproportionnée
et démesurée par rapport au but légitime poursuivi, en général, dans les cas où les biens saisis (objet de l’infraction) appartiennent à l’auteur de l’infraction ainsi que dans les cas où ces biens appartiennent à un tiers (autre que l’auteur) et, en particulier, lorsque l’auteur de l’infraction n’a pas commis l’infraction de manière intentionnelle mais par négligence ?
3) Convient-il d’interpréter, selon un raisonnement a fortiori, l’article 2, paragraphe 1, de la décision-cadre 2005/[212] – lu en combinaison avec l’article 17, paragraphe 1, de la Charte et à la lumière de l’arrêt de la Cour du 14 [janvier] 2021, Okrazhna prokuratura – Haskovo et Apelativna prokuratura – Plovdiv (C‑393/19, EU:C:2021:8) – en ce sens qu’il s’applique également aux situations dans lesquelles l’acte commis constitue non pas une infraction pénale mais une infraction administrative,
la différence entre les deux étant uniquement le critère des “montants importants”, en fonction de la valeur de l’objet de la contrebande établie par la jurisprudence [?] Dans l’hypothèse susmentionnée, convient-il d’interpréter l’article 1er, quatrième tiret, de la décision-cadre 2005/212 ainsi que l’article 2, point 4, de la [directive 2014/42] en ce sens que la notion de “confiscation” désigne précisément une peine ou une mesure ordonnée par une juridiction et qu’il n’est donc pas admis que
ces dernières soient imposées par une autorité administrative, et convient-il d’interpréter ces dispositions en ce sens qu’elles s’opposent à une réglementation nationale telle que celle de l’article 233, paragraphe 6, de la loi sur les douanes, lu en combinaison avec l’article 231 de cette même loi ? »
L’affaire C‑372/23
28 Il convient de relever que le litige au principal dans l’affaire C‑372/23 a pour origine les mêmes faits que ceux dans l’affaire C‑717/22, exposés aux points 19 à 22 du présent arrêt.
29 VU a contesté la décision de l’autorité de sanction administrative lui infligeant une amende pour contrebande douanière d’un montant de 73140,06 BGN et confisquant au profit de l’État les marchandises en cause devant le Rayonen sad Svilengrad (tribunal d’arrondissement de Svilengrad).
30 Ce tribunal a confirmé cette décision, aux motifs que VU avait effectivement transporté ces marchandises et les avait introduites sur le territoire bulgare à l’insu et sans l’autorisation des autorités douanières, faute d’avoir satisfait à l’obligation préalable de déclarer celles-ci non pas oralement mais par écrit, et que l’infraction administrative de « contrebande douanière », au sens de l’article 233, paragraphe 1, de la loi sur les douanes, était donc constituée. Il a, en outre, relevé que
VU avait commis un manquement à son obligation de prudence, lequel constitue une forme de « culpabilité », au sens de l’article 7 de la loi sur les infractions et les sanctions administratives, en dépit de son caractère non intentionnel.
31 VU a introduit un pourvoi contre ce jugement devant l’Administrativen sad – Haskovo (tribunal administratif de Haskovo, Bulgarie), qui est la juridiction de renvoi. Devant cette dernière, VU soutient qu’il n’a pas intentionnellement violé l’obligation de déclarer par écrit les marchandises en cause et qu’il n’a donc pas commis d’infraction de contrebande douanière, laquelle suppose l’existence d’une intention.
32 VU fait également valoir que, lors du contrôle douanier, les agents des douanes ne s’étaient pas conformés aux articles 6 à 10 du code européen de bonne conduite administrative, et, en particulier, qu’ils avaient violé l’article 7 de ce code en retenant sa responsabilité.
33 La juridiction de renvoi indique qu’elle éprouve des doutes quant à la compatibilité avec le droit de l’Union de l’article 233, paragraphe 1, de la loi sur les douanes dans la mesure où cette dernière disposition n’opère pas de distinction selon que les faits de contrebande douanière ont été commis ou non de manière intentionnelle. Cela étant, cette juridiction estime que la législation nationale pourrait également être considérée comme étant conforme à l’article 49, paragraphe 3, de la Charte,
au motif que les infractions administratives présentent une dangerosité sociale moindre que les infractions pénales. En outre, ladite juridiction relève que l’article 233, paragraphe 1, de la loi sur les douanes prévoit l’imposition d’une sanction pouvant être adaptée, comprise entre 100 % et 200 % de la valeur en douane des marchandises, si bien que l’autorité de sanction administrative applique cette disposition en tenant compte de tous les faits et circonstances du cas d’espèce, y compris le
caractère intentionnel ou non intentionnel de l’infraction commise.
34 Dans ces conditions, l’Administrativen sad – Haskovo (tribunal administratif de Haskovo) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Les dispositions combinées de l’article 15 et de l’article 42, paragraphe 1, du [code des douanes de l’Union] doivent-elles être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à une réglementation nationale telle que celle de l’article 233, paragraphe 1, de la [loi sur les douanes], lu en combinaison avec l’article 7 de la [loi sur les infractions et les sanctions administratives], réglementation qui prévoit l’imposition d’une sanction pour contrebande non intentionnelle en cas d’infraction
douanière commise par manquement à une obligation de prudence dans le cadre du non-respect de la forme appropriée de déclaration des marchandises transportées à travers la frontière nationale ? Une réglementation nationale qui permet, dans de tels cas, de qualifier l’infraction de contrebande douanière commise de manière non intentionnelle est-elle admise, ou l’intention est-elle nécessairement un élément constitutif de la contrebande douanière ?
2) L’article 42, paragraphe 1, [de ce code] doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale telle que celle de l’article 233, paragraphe 1, de la loi sur les douanes, lu en combinaison avec l’article 7 de la loi sur les infractions et les sanctions administratives, réglementation qui permet qu’une infraction relevant de la notion de “contrebande douanière” et commise pour la première fois soit passible d’une sanction de même nature et de même montant – à savoir
une “amende” d’un montant compris entre 100 % et 200 % de la valeur en douane de l’objet de l’infraction – indépendamment du fait qu’elle ait été commise intentionnellement ou de manière non intentionnelle ?
3) L’article 42, paragraphe 2, [dudit code] doit-il être interprété en ce sens qu’est inadmissible une réglementation nationale telle que celle de l’article 233, paragraphe 6, de la [loi sur les douanes], qui prévoit, à titre de sanction administrative complémentaire, la confiscation (au profit de l’État) des marchandises ou des biens qui constituent l’objet de l’infraction et dont la détention n’est pas interdite ? La confiscation de l’objet de l’infraction est-elle admise lorsque le bien
confisqué appartient à une personne autre que l’auteur de l’infraction ?
4) L’article 42, paragraphe 1, du [même code], lu en combinaison avec l’article 49, paragraphe 3, de la [Charte], doit-il être interprété en ce sens qu’une réglementation nationale telle que celle de l’article 233, paragraphe 6, de la loi sur les douanes – réglementation qui prévoit, à titre de sanction complémentaire, la confiscation (au profit de l’État) des marchandises ou des biens qui constituent l’objet de l’infraction et dont la possession n’est pas interdite, assortie de l’imposition
d’une amende – n’est pas admise au motif qu’elle constitue une atteinte au droit de propriété disproportionnée et démesurée par rapport au but légitime poursuivi, en général, dans les cas où les biens saisis (objet de l’infraction) appartiennent à l’auteur de l’infraction ainsi que dans les cas où ces biens appartiennent à un tiers (autre que l’auteur) et, en particulier, lorsque l’auteur de l’infraction n’a pas commis l’infraction de manière intentionnelle mais de manière non intentionnelle ?
5) L’article 5, [point] 3, du [code des douanes de l’Union], lu en combinaison avec l’article 41 de la [Charte], doit-il être interprété en ce sens que les autorités effectuant des contrôles douaniers doivent respecter les dispositions du code européen de bonne conduite administrative, en particulier ses articles 6 à 10 inclus, et que n’est pas admise une réglementation nationale telle que celle de l’article 233, paragraphe 1, de la loi sur les douanes, lu en combinaison avec l’article 7,
paragraphe 2, de la loi sur les infractions et les sanctions administratives, réglementation permettant que des personnes qui ont commis sur un plan formel et de manière non intentionnelle une infraction à la législation douanière soient sanctionnées par des sanctions pour actes intentionnels et par la confiscation au profit de l’État de l’objet de l’infraction appartenant à un tiers, en vertu de l’article 233, paragraphe 6, de la loi sur les douanes, sans que la personne défaillante n’ait été
préalablement informée sur les formalités légales requises ni sur la manière de formuler dûment, de la manière prescrite par la loi, ses documents pour le transport de marchandises à travers une frontière nationale qui est une frontière extérieure de l’Union ? »
Sur les questions préjudicielles
Sur la recevabilité
35 Selon une jurisprudence constante, la procédure instituée à l’article 267 TFUE est un instrument de coopération entre la Cour et les juridictions nationales, grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui leur sont nécessaires pour la solution du litige qu’elles sont appelées à trancher (arrêt du 26 mars 2020, Miasto Łowicz et Prokurator Generalny, C‑558/18 et C‑563/18, EU:C:2020:234, point 44 ainsi que jurisprudence citée).
36 Dès lors que la décision de renvoi sert de fondement à cette procédure, la juridiction nationale est tenue d’expliciter, dans cette décision elle-même, le cadre factuel et réglementaire du litige au principal et de fournir les explications nécessaires sur les raisons du choix des dispositions du droit de l’Union dont elle demande l’interprétation ainsi que sur le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige qui lui est soumis [voir, en ce sens,
arrêt du 4 juin 2020, C.F. (Contrôle fiscal), C‑430/19, EU:C:2020:429, point 23 et jurisprudence citée].
37 À cet égard, il importe également de souligner que les informations contenues dans la décision de renvoi doivent permettre, d’une part, à la Cour d’apporter des réponses utiles aux questions posées par la juridiction nationale et, d’autre part, aux gouvernements des États membres ainsi qu’aux autres intéressés d’exercer le droit qui leur est conféré par l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne de présenter des observations. Il incombe à la Cour de veiller à ce que ce
droit soit sauvegardé, compte tenu du fait que, en vertu de cette disposition, seules les décisions de renvoi sont notifiées aux intéressés (voir, en ce sens, arrêt du 2 septembre 2021, Irish Ferries, C‑570/19, EU:C:2021:664, point 134 et jurisprudence citée).
38 Ces exigences cumulatives concernant le contenu d’une décision de renvoi figurent de manière explicite à l’article 94 du règlement de procédure de la Cour, dont la juridiction de renvoi est censée, dans le cadre de la coopération instaurée à l’article 267 TFUE, avoir connaissance et qu’elle est tenue de respecter scrupuleusement (ordonnance du 3 juillet 2014, Talasca, C‑19/14, EU:C:2014:2049, point 21, et arrêt du 9 septembre 2021, Toplofikatsia Sofia e.a., C‑208/20 et C‑256/20, EU:C:2021:719,
point 20 ainsi que jurisprudence citée). Elles sont, en outre, rappelées aux points 13, 15 et 16 des recommandations de la Cour de justice de l’Union européenne à l’attention des juridictions nationales, relatives à l’introduction de procédures préjudicielles (JO 2019, C 380, p. 1), qui figurent désormais aux points 13, 15 et 16 de la nouvelle version des recommandations de la Cour de justice de l’Union européenne à l’attention des juridictions nationales, relatives à l’introduction de procédures
préjudicielles (JO 2024, C 6008).
39 En l’occurrence, la cinquième question dans l’affaire C‑372/23 ne répond pas à ces exigences.
40 En effet, la décision de renvoi ne comporte pas l’exposé des raisons qui ont conduit la juridiction de renvoi à s’interroger sur l’interprétation des dispositions mentionnées dans le libellé de cette question, en particulier de celles du code européen de bonne conduite administrative. Cette juridiction n’expose pas davantage le lien qu’elle établit entre les dispositions de ce code et la législation nationale applicable au litige au principal. Dans ces conditions, la Cour ne peut pas apprécier
dans quelle mesure une réponse à ladite question est nécessaire pour permettre à ladite juridiction de rendre sa décision.
41 Il s’ensuit que la cinquième question dans l’affaire C‑372/23 est irrecevable.
Sur le fond
Sur les première et deuxième questions dans l’affaire C‑372/23
42 Par ses première et deuxième questions dans l’affaire C‑372/23, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 15 et l’article 42, paragraphe 1, du code des douanes de l’Union doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui permet de constater une infraction à la législation douanière du seul fait d’une négligence, constituée par le non-respect de la forme appropriée de déclaration des marchandises
transportées, et à ce que, dans de telles circonstances, une sanction administrative d’un montant correspondant à, au moins, la valeur en douane des marchandises faisant l’objet de cette infraction soit infligée à l’auteur de ladite infraction.
43 L’article 15 du code des douanes de l’Union, intitulé « Communication d’informations aux autorités douanières », énonce, à son paragraphe 1, que toute personne intervenant directement ou indirectement dans les contrôles douaniers est tenue de fournir aux autorités douanières la totalité des documents ou informations requis. Conformément au paragraphe 2 de cet article 15, le dépôt d’une déclaration par une personne aux autorités douanières rend la personne concernée responsable notamment de
l’exactitude et du caractère complet des renseignements fournis dans cette déclaration.
44 En l’occurrence, les éléments du dossier dont dispose la Cour semblent indiquer que les marchandises en cause dans les affaires au principal ont été transportées de la Turquie à destination de la Serbie, la Bulgarie n’étant qu’un pays de transit. Sous réserve des vérifications à effectuer par la juridiction de renvoi, ces marchandises devaient donc être placées sous le « régime du transit externe », au sens de l’article 226 du code des douanes de l’Union. L’article 158 de ce code prévoit que
toute marchandise destinée à être placée sous un régime douanier, à l’exclusion du régime de la zone franche, fait l’objet d’une déclaration en douane correspondant au régime concerné.
45 L’inobservation de l’obligation de déposer une déclaration, découlant de l’article 15, paragraphe 1, du code des douanes de l’Union, lu en combinaison avec l’article 158 de ce code, constitue une « infraction à la législation douanière », au sens de l’article 42, paragraphe 1, dudit code. En effet, cette dernière notion ne vise pas uniquement des activités frauduleuses, mais inclut toute inobservation de la législation douanière de l’Union. Afin de qualifier une telle inobservation d’« infraction
à la législation douanière », au sens de cet article 42, paragraphe 1, il importe peu de savoir si cette inobservation a été intentionnelle, ou si elle a été commise par négligence ou en l’absence de tout comportement fautif de l’opérateur concerné (voir, en ce sens, arrêt du 23 novembre 2023, J. P. Mali, C‑653/22, EU:C:2023:912, point 29 et jurisprudence citée).
46 Il s’ensuit que l’application de sanctions au titre de l’article 42 du même code vise la situation dans laquelle l’inobservation de la part de l’opérateur concerné est commise par négligence.
47 S’agissant des conséquences d’une telle inobservation, il incombe à chaque État membre de prévoir, conformément à l’article 42, paragraphe 1, du code des douanes de l’Union, des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives, notamment en cas de fourniture de renseignements inexacts dans une déclaration en douane (arrêt du 23 novembre 2023, J. P. Mali, C‑653/22, EU:C:2023:912, point 30).
48 En l’absence d’harmonisation de la législation de l’Union dans le domaine des sanctions applicables en cas d’inobservation des conditions prévues par un régime institué par cette législation, les États membres sont compétents pour choisir les sanctions qui leur semblent appropriées. Toutefois, conformément à l’exigence de proportionnalité des sanctions, prévue à l’article 42, paragraphe 1, du code des douanes de l’Union, les mesures administratives ou répressives adoptées au titre de cette
disposition ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire à la réalisation des objectifs légitimement poursuivis par ce code ni être démesurées par rapport à ces objectifs (voir, en ce sens, arrêt du 8 juin 2023, Zes Zollner Electronic, C‑640/21, EU:C:2023:457, points 60 et 61 ainsi que jurisprudence citée).
49 Ainsi, la rigueur des sanctions doit être en adéquation avec la gravité des violations qu’elles répriment, notamment en assurant un effet réellement dissuasif, tout en respectant l’exigence de proportionnalité (voir, en ce sens, arrêts du 22 mars 2017, Euro-Team et Spirál-Gép, C‑497/15 et C‑498/15, EU:C:2017:229, point 42, ainsi que du 24 février 2022, Agenzia delle dogane e dei monopoli et Ministero dell’Economia e delle Finanze, C‑452/20, EU:C:2022:111, point 39).
50 Cette exigence s’impose aux États membres non seulement en ce qui concerne la détermination des éléments constitutifs d’une infraction et des règles relatives au niveau du montant des amendes, mais également en ce qui concerne l’appréciation des éléments dont il peut être tenu compte pour la fixation du montant de l’amende (voir, en ce sens, arrêt du 23 novembre 2023, J. P. Mali, C‑653/22, EU:C:2023:912, point 33 et jurisprudence citée).
51 En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que l’amende prévue à l’article 233, paragraphe 1, de la loi sur les douanes pour l’infraction de contrebande douanière est comprise entre 100 % et 200 % de la valeur en douane des marchandises faisant l’objet de cette infraction, de sorte que l’autorité douanière peut moduler le montant de cette amende en tenant compte de tous les faits et circonstances de l’espèce, y compris le caractère intentionnel ou non intentionnel de l’infraction
commise.
52 Toutefois, même au vu des particularités des infractions douanières, notamment leur fréquence importante et la difficulté de les détecter, une amende, prévue par le droit national, dont le montant est compris entre 100 % et 200 % de la valeur en douanes des marchandises n’apparaît pas en adéquation avec la gravité de l’ensemble des violations qu’elle réprime, notamment en cas d’inobservation des obligations liées aux déclarations douanières dans le contexte du régime douanier du transit externe.
En effet, une telle sanction, d’une part, va au-delà de ce qui est nécessaire pour garantir que les marchandises admises sous ce régime ne soient pas soustraites à la surveillance douanière et, d’autre part, apparaît démesurée par rapport à la dette douanière qui naît du fait de la soustraction à la surveillance douanière de marchandises placées sous ledit régime (voir, en ce sens, arrêt du 4 mars 2020, Schenker, C‑655/18, EU:C:2020:157, points 44 et 46).
53 Ce constat vaut d’autant plus que cette sanction s’ajoute à celle prévue à l’article 233, paragraphe 6, de la loi sur les douanes, en vertu duquel les marchandises faisant l’objet de contrebande douanière sont saisies au profit de l’État quel que soit leur propriétaire et, lorsque ces marchandises font défaut ou ont été soustraites, l’auteur est condamné à l’équivalent de leur valeur en douane ou, en cas d’exportation, de la valeur desdites marchandises. En effet, le cumul des sanctions
auxquelles s’expose l’auteur d’une infraction de contrebande douanière peut aboutir à ce que celui-ci soit condamné à payer trois fois la valeur en douane des marchandises concernés.
54 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre aux première et deuxième questions dans l’affaire C‑372/23 que l’article 15 et l’article 42, paragraphe 1, du code des douanes de l’Union doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui permet de constater une infraction à la législation douanière du seul fait d’une négligence, constituée par le non-respect de la forme appropriée de déclaration des marchandises transportées. En
revanche, ces dispositions s’opposent à ce que, dans de telles circonstances, une sanction administrative d’un montant correspondant à, au moins, la valeur en douane des marchandises faisant l’objet de cette infraction soit infligée à l’auteur de ladite infraction.
Sur les première et deuxième questions dans l’affaire C‑717/22 ainsi que sur les troisième et quatrième questions dans l’affaire C‑372/23
55 Par les première et deuxième questions dans l’affaire C‑717/22 ainsi que par les troisième et quatrième questions dans l’affaire C‑372/23, qu’il convient d’examiner ensemble, les juridictions de renvoi demandent, en substance, si l’article 42, paragraphes 1 et 2, du code des douanes de l’Union, lu à la lumière de l’article 17, paragraphe 1, de la Charte, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui prévoit, en cas d’infraction à la législation douanière, outre
l’imposition d’une amende, la confiscation des marchandises faisant l’objet de cette infraction. Dans la négative, ces juridictions souhaitent savoir si une telle confiscation est admise même lorsque ces marchandises n’appartiennent pas à l’auteur de l’infraction.
56 À titre liminaire, comme il a été relevé au point 44 du présent arrêt, sous réserve des vérifications qu’il incombe aux juridictions de renvoi d’effectuer, les marchandises en cause au principal auraient dû être placées sous le régime douanier du transit externe. Ainsi, conformément à l’article 158 du code des douanes de l’Union, ces marchandises devaient faire l’objet d’une déclaration en douane.
57 Cette précision étant faite et quant à la première partie des questions préjudicielles ainsi reformulées, il convient de relever que l’article 42, paragraphe 2, de ce code prévoit que, « [l]orsque des sanctions administratives sont appliquées, elles peuvent l’être, notamment, sous l’une ou les deux formes suivantes : [...] une charge pécuniaire imposée par les autorités douanières, y compris, le cas échéant, un règlement en lieu et place d’une sanction pénale ; [...] le retrait, la suspension ou
la modification de toute autorisation dont la personne concernée est titulaire ».
58 À cet égard, le doute des juridictions de renvoi trouve pour partie son origine dans la lecture qu’elles font de cet article 42, paragraphe 2, en ce qu’il énumérerait exhaustivement les sanctions administratives applicables en cas d’infraction à la législation douanière.
59 Or, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 63 de ses conclusions, l’emploi du terme « notamment » par cette disposition atteste que la liste de ces sanctions administratives n’est pas exhaustive et que les États membres peuvent, en principe, prévoir d’autres sanctions administratives que celles mentionnées à ladite disposition, telles que des mesures de confiscation des marchandises ayant fait l’objet d’une infraction douanière.
60 En outre, en l’absence d’harmonisation, par le code des douanes de l’Union, des sanctions applicables en cas d’inobservation des dispositions de ce code, il est loisible aux États membres d’opérer un cumul de sanctions administratives, telles que celles en cause au principal, sous réserve de respecter l’exigence de proportionnalité consacrée à l’article 42, paragraphe 1, dudit code (voir, en ce sens, arrêt du 4 mars 2020, Schenker, C‑655/18, EU:C:2020:157, points 41 et 42 ainsi que jurisprudence
citée).
61 En ce qui concerne la question de savoir si l’article 42 du code des douanes s’oppose à ce que des marchandises puissent être confisquées alors qu’elles n’appartiennent pas à la personne qui a commis l’infraction, la Cour a déjà jugé qu’une réglementation nationale permettant la confiscation de biens appartenant à un tiers de bonne foi utilisés pour la commission d’une infraction de contrebande est incompatible avec le droit de propriété garanti à l’article 17, paragraphe 1, de la Charte (voir,
en ce sens, arrêt du 14 janvier 2021, Okrazhna prokuratura – Haskovo et Apelativna prokuratura – Plovdiv, C‑393/19, EU:C:2021:8, point 56).
62 En revanche, des mesures de confiscation portant sur le produit d’une infraction ou d’une activité illégale ou un instrument ayant servi à une infraction n’appartenant pas à un tiers de bonne foi relèvent de la réglementation de l’usage des biens, au sens de l’article 17, paragraphe 1, troisième phrase, de la Charte (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2024, Neves 77 Solutions, C‑351/22, EU:C:2024:723, point 82).
63 Afin d’assurer un effet réellement dissuasif d’un régime de sanctions administratives applicables à une infraction douanière, tout en respectant l’exigence de proportionnalité, les auteurs de telles infractions doivent être effectivement privés des avantages économiques découlant de ces dernières et les sanctions prévues doivent permettre de produire des effets proportionnés à la gravité desdites infractions, de manière à décourager efficacement toute personne de commettre des infractions de même
nature (voir, par analogie, arrêt du 24 février 2022, Agenzia delle dogane e dei monopoli et Ministero dell’Economia e delle Finanze, C‑452/20, EU:C:2022:111, point 44).
64 En l’occurrence, il ressort du dossier dont dispose la Cour que les marchandises confisquées appartiennent non pas à VU, mais à Sistem Lux. Ainsi que l’ont relevé notamment la direction des douanes et le gouvernement bulgare dans leurs observations écrites, il apparaît que cette société est le destinataire des marchandises et/ou le titulaire du régime du transit de l’Union. Elle serait donc, dans l’une ou l’autre de ces hypothèses, tenue de respecter les obligations qui découlent de l’article 233
du code des douanes de l’Union.
65 Dans de telles circonstances, il n’est pas exclu que Sistem Lux puisse être considérée comme la personne à laquelle, en cas de non-respect des obligations découlant de cet article 233, l’infraction à cette disposition doit être imputée. Il appartient aux juridictions de renvoi de vérifier ces éléments factuels afin d’établir la responsabilité éventuelle de ladite société.
66 Dans le cadre des deux hypothèses visées au point 64 du présent arrêt, il importe de constater que, compte tenu de l’objectif poursuivi par la législation douanière d’empêcher l’importation illégale de marchandises non Union dans l’Union et de lutter contre la fraude en assurant la perception correcte des droits à l’importation pour protéger les intérêts financiers de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 15 juillet 2010, DSV Road, C‑234/09, EU:C:2010:435, point 33, et du 7 avril 2022, Kauno
teritorinė muitinė, C‑489/20, EU:C:2022:277, point 35), la confiscation, en tant que sanction complémentaire, de ces marchandises, lorsqu’elles appartiennent à une personne à laquelle une infraction au code des douanes de l’Union est imputable, apparaît proportionnée, tout en étant susceptible de dissuader les opérateurs concernés de violer les obligations découlant de ce code et d’empêcher que ces opérateurs puissent en tirer bénéfice.
67 Cette interprétation est, par ailleurs, confortée par l’article 198, paragraphe 1, sous a), du code des douanes de l’Union, selon lequel « [l]es autorités douanières prennent toutes les mesures nécessaires, y compris la confiscation [...], pour régler la situation des marchandises [...] lorsqu’une des obligations prévues par la législation douanière en ce qui concerne l’introduction de marchandises non Union sur le territoire douanier de l’Union n’a pas été satisfaite ou que les marchandises ont
été soustraites à la surveillance douanière ».
68 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre aux première et deuxième questions dans l’affaire C‑717/22 ainsi qu’aux troisième et quatrième questions dans l’affaire C‑372/23 que l’article 42, paragraphes 1 et 2, du code des douanes de l’Union, lu à la lumière de l’article 17, paragraphe 1, de la Charte, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui prévoit, en cas d’infraction à la législation douanière, outre l’imposition d’une
amende, la confiscation des marchandises faisant l’objet de cette infraction lorsque celles-ci appartiennent à une personne à laquelle ladite infraction est imputable, à condition que le régime de sanctions applicables à cette infraction soit, dans son ensemble, conforme à l’exigence de proportionnalité.
Sur la troisième question dans l’affaire C‑717/22
69 Par sa troisième question dans l’affaire C‑717/22, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2, paragraphe 1, de la décision-cadre 2005/212 doit être interprété en ce sens qu’il s’applique à la confiscation de marchandises faisant l’objet d’une infraction à la législation douanière lorsque cette infraction constitue non pas une infraction pénale mais une infraction administrative. Dans l’affirmative, cette juridiction demande, en substance, si l’article 1er, quatrième tiret, de
cette décision-cadre et l’article 2, point 4, de la directive 2014/42 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui prévoit qu’une telle confiscation est ordonnée par une autorité administrative.
70 À cet égard, il convient de relever que l’article 2, paragraphe 1, de la décision-cadre 2005/212 prévoit que chaque État membre doit prendre les mesures nécessaires pour permettre la confiscation de tout ou partie des instruments et des produits provenant d’infractions pénales passibles d’une peine privative de liberté d’une durée supérieure à un an, ou de biens dont la valeur correspond à ces produits.
71 Il découle du libellé de cette disposition que le champ d’application matériel de cette décision-cadre est, ainsi que cela ressort également du titre même ainsi que du considérant 1 de celle-ci, lesquels font référence respectivement à la « confiscation des produits, des instruments et des biens en rapport avec le crime » et à la « criminalité organisée », limité aux infractions pénales (voir, en ce sens, arrêt du 9 mars 2023, Otdel « Mitnichesko razsledvane i razuznavane », C‑752/21,
EU:C:2023:179, point 40).
72 En outre, seules les infractions pénales d’une certaine gravité, à savoir celles passibles d’une peine privative de liberté d’une durée supérieure à un an, sont visées par lesdites dispositions (voir, en ce sens, arrêt du 9 mars 2023, Otdel Mitnichesko razsledvane i razuznavane , C‑752/21, EU:C:2023:179, point 41).
73 Quant à la notion de « confiscation », il convient, conformément à l’article 14, paragraphe 1, de la directive 2014/42, de se référer aux termes de l’article 2, point 4, de celle-ci, selon lesquels constitue une confiscation la « privation permanente d’un bien ordonnée par une juridiction en lien avec une infraction pénale » (voir, en ce sens, arrêt du 9 mars 2023, Otdel Mitnichesko razsledvane i razuznavane , C‑752/21, EU:C:2023:179, points 42 et 43).
74 Or, il suffit de constater que, d’une part, dans l’affaire au principal, la décision confisquant les marchandises ayant fait l’objet de l’infraction à la législation douanière a été émise à la suite d’une procédure de nature administrative, laquelle procédure ne portait pas sur une infraction pénale passible d’une peine privative de liberté d’une durée supérieure à un an, telle qu’exigée par l’article 2, paragraphe 1, de la décision-cadre 2005/212, ni même, de manière générale, sur une infraction
pénale.
75 Dans ce contexte, il convient de préciser que, si la procédure administrative a, en l’occurrence, été précédée par une procédure pénale, il ressort sans équivoque de la décision de renvoi que cette dernière procédure a été classée sans suite, de sorte qu’aucune procédure pénale n’était pendante lorsque la procédure administrative a été entamée.
76 D’autre part, il ressort également du dossier dont dispose la Cour que la confiscation des marchandises en cause a été ordonnée non pas par une « juridiction », au sens de l’article 2, point 4, de la directive 2014/42, mais par les autorités douanières.
77 Or, la décision-cadre 2005/212 n’est pas applicable lorsque la décision de confiscation est prise par une autorité douanière à la suite d’une procédure qui ne porte pas sur une infraction pénale (voir, en ce sens, arrêts du 19 mars 2020, Agro In 2001 , C‑234/18, EU:C:2020:221, point 61, et du 9 mars 2023, Otdel Mitnichesko razsledvane i razuznavane , C‑752/21, EU:C:2023:179, point 46).
78 Dans la mesure où le champ d’application de cette décision-cadre est clairement encadré et que celle-ci a été adoptée en vue de mettre en place des règles minimales communes dans un domaine bien délimité, qui, au demeurant, concerne la coopération en matière pénale, ladite décision-cadre ne saurait pas davantage être matériellement applicable par analogie à une situation telle que celle en cause au principal (voir, en ce sens, arrêt du 9 mars 2023, Otdel Mitnichesko razsledvane i razuznavane ,
C‑752/21, EU:C:2023:179, point 47).
79 Eu égard à l’ensemble de ces motifs, il convient de répondre à la troisième question dans l’affaire C‑717/22 que l’article 2, paragraphe 1, de la décision-cadre 2005/212 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’applique pas à une mesure de confiscation prise à la suite d’une infraction à la législation douanière si cette infraction constitue non pas une infraction pénale passible d’une peine privative de liberté d’une durée supérieure à un an, mais une infraction administrative.
Sur les dépens
80 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant les juridictions de renvoi, il appartient à celles-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit :
1) L’article 15 et l’article 42, paragraphe 1, du règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 9 octobre 2013, établissant le code des douanes de l’Union,
doivent être interprétés en ce sens que :
ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui permet de constater une infraction à la législation douanière du seul fait d’une négligence, constituée par le non-respect de la forme appropriée de déclaration des marchandises transportées. En revanche, ces dispositions s’opposent à ce que, dans de telles circonstances, une sanction administrative d’un montant correspondant à, au moins, la valeur en douane des marchandises faisant l’objet de cette infraction soit infligée à l’auteur de
ladite infraction.
2) L’article 42, paragraphes 1 et 2, du règlement no 952/2013, lu à la lumière de l’article 17, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne,
doit être interprété en ce sens que :
il ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui prévoit, en cas d’infraction à la législation douanière, outre l’imposition d’une amende, la confiscation des marchandises faisant l’objet de cette infraction lorsque celles-ci appartiennent à une personne à laquelle ladite infraction est imputable, à condition que le régime de sanctions applicables à cette infraction soit, dans son ensemble, conforme à l’exigence de proportionnalité.
3) L’article 2, paragraphe 1, de la décision-cadre 2005/212/JAI du Conseil, du 24 février 2005, relative à la confiscation des produits, des instruments et des biens en rapport avec le crime,
doit être interprété en ce sens que :
il ne s’applique pas à une mesure de confiscation prise à la suite d’une infraction à la législation douanière si cette infraction constitue non pas une infraction pénale passible d’une peine privative de liberté d’une durée supérieure à un an, mais une infraction administrative.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : le bulgare.