ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)
19 novembre 2024 ( *1 )
« Manquement d’État – Article 20 TFUE – Citoyenneté de l’Union – Article 21 TFUE – Droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres – Article 22 TFUE – Droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales ainsi qu’aux élections au Parlement européen dans l’État membre de résidence dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État – Citoyens de l’Union résidant dans un État membre sans en avoir la nationalité – Absence de droit de devenir membre d’un
parti politique – Articles 2 et 10 TUE – Principe de démocratie – Article 4, paragraphe 2, TUE – Respect de l’identité nationale des États membres – Article 12 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Rôle des partis politiques dans l’expression de la volonté des citoyens de l’Union »
Dans l’affaire C‑808/21,
ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 21 décembre 2021,
Commission européenne, représentée par MM. P. Ondrůšek, J. Tomkin et Mme A. Szmytkowska, en qualité d’agents,
partie requérante,
contre
République tchèque, représentée par Mme A. Edelmannová, MM. T. Müller, M. Smolek et J. Vláčil, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
soutenue par :
République de Pologne, représentée par M. B. Majczyna, Mmes E. Borawska-Kędzierska et A. Siwek-Ślusarek, en qualité d’agents,
partie intervenante,
LA COUR (grande chambre),
composée de M. K. Lenaerts, président, M. T. von Danwitz, vice‑président, Mme K. Jürimäe, M. C. Lycourgos, Mme M. L. Arastey Sahún, MM. A. Kumin et D. Gratsias, présidents de chambre, M. E. Regan, Mme I. Ziemele (rapporteure), M. Z. Csehi et Mme O. Spineanu‑Matei, juges,
avocat général : M. J. Richard de la Tour,
greffier : Mme C. Strömholm, administratrice,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 septembre 2023,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 11 janvier 2024,
rend le présent
Arrêt
1 Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en refusant aux citoyens de l’Union qui n’ont pas la nationalité tchèque mais qui résident en République tchèque le droit de devenir membre d’un parti politique ou d’un mouvement politique, la République tchèque a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 22 TFUE.
Le cadre juridique
Le droit international
2 La convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), prévoit, à son article 11, intitulé « Liberté de réunion et d’association » :
« 1. Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, y compris le droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts.
2. L’exercice de ces droits ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. Le présent article n’interdit pas que des restrictions légitimes soient imposées à l’exercice de ces droits par les membres des
forces armées, de la police ou de l’administration de l’État. »
3 L’article 16 de la CEDH, intitulé « Restrictions à l’activité politique des étrangers », dispose :
« Aucune des dispositions des articles 10, 11 et 14 ne peut être considérée comme interdisant aux Hautes Parties contractantes d’imposer des restrictions à l’activité politique des étrangers. »
4 L’article 3 du protocole additionnel à la CEDH, signé à Paris le 20 mars 1952, intitulé « Droit à des élections libres », est libellé comme suit :
« Les Hautes Parties contractantes s’engagent à organiser, à des intervalles raisonnables, des élections libres au scrutin secret, dans les conditions qui assurent la libre expression de l’opinion du peuple sur le choix du corps législatif. »
Le droit de l’Union
Les traités UE et FUE
5 L’article 2 TUE prévoit :
« L’Union [européenne] est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’État de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. Ces valeurs sont communes aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l’égalité entre les femmes et les hommes. »
6 L’article 4, paragraphes 1 et 2, TUE se lit comme suit :
« 1. Conformément à l’article 5, toute compétence non attribuée à l’Union dans les traités appartient aux États membres.
2. L’Union respecte l’égalité des États membres devant les traités ainsi que leur identité nationale, inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles, y compris en ce qui concerne l’autonomie locale et régionale. Elle respecte les fonctions essentielles de l’État, notamment celles qui ont pour objet d’assurer son intégrité territoriale, de maintenir l’ordre public et de sauvegarder la sécurité nationale. En particulier, la sécurité nationale reste de la seule
responsabilité de chaque État membre. »
7 L’article 5, paragraphes 1 et 2, TUE prévoit :
« 1. Le principe d’attribution régit la délimitation des compétences de l’Union. Les principes de subsidiarité et de proportionnalité régissent l’exercice de ces compétences.
2. En vertu du principe d’attribution, l’Union n’agit que dans les limites des compétences que les États membres lui ont attribuées dans les traités pour atteindre les objectifs que ces traités établissent. Toute compétence non attribuée à l’Union dans les traités appartient aux États membres. »
8 L’article 10 TUE dispose :
« 1. Le fonctionnement de l’Union est fondé sur la démocratie représentative.
2. Les citoyens sont directement représentés, au niveau de l’Union, au Parlement européen.
Les États membres sont représentés au Conseil européen par leur chef d’État ou de gouvernement et au Conseil [de l’Union européenne] par leurs gouvernements, eux-mêmes démocratiquement responsables, soit devant leurs parlements nationaux, soit devant leurs citoyens.
3. Tout citoyen a le droit de participer à la vie démocratique de l’Union. Les décisions sont prises aussi ouvertement et aussi près que possible des citoyens.
4. Les partis politiques au niveau européen contribuent à la formation de la conscience politique européenne et à l’expression de la volonté des citoyens de l’Union. »
9 L’article 18, premier alinéa, TFUE énonce :
« Dans le domaine d’application des traités, et sans préjudice des dispositions particulières qu’ils prévoient, est interdite toute discrimination exercée en raison de la nationalité. »
10 L’article 20 TFUE est ainsi libellé :
« 1. Il est institué une citoyenneté de l’Union. Est citoyen de l’Union toute personne ayant la nationalité d’un État membre. La citoyenneté de l’Union s’ajoute à la citoyenneté nationale et ne la remplace pas.
2. Les citoyens de l’Union jouissent des droits et sont soumis aux devoirs prévus par les traités. Ils ont, entre autres :
[...]
b) le droit de vote et d’éligibilité aux élections au Parlement européen ainsi qu’aux élections municipales dans l’État membre où ils résident, dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État ;
[...]
Ces droits s’exercent dans les conditions et limites définies par les traités et par les mesures adoptées en application de ceux-ci. »
11 L’article 21, paragraphe 1, TFUE prévoit :
« Tout citoyen de l’Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, sous réserve des limitations et conditions prévues par les traités et par les dispositions prises pour leur application. »
12 L’article 22 TFUE dispose :
« 1. Tout citoyen de l’Union résidant dans un État membre dont il n’est pas ressortissant a le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales dans l’État membre où il réside, dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État. Ce droit sera exercé sous réserve des modalités arrêtées par le Conseil, statuant à l’unanimité conformément à une procédure législative spéciale, et après consultation du Parlement européen ; ces modalités peuvent prévoir des dispositions dérogatoires
lorsque des problèmes spécifiques à un État membre le justifient.
2. Sans préjudice des dispositions de l’article 223, paragraphe 1, et des dispositions prises pour son application, tout citoyen de l’Union résidant dans un État membre dont il n’est pas ressortissant a le droit de vote et d’éligibilité aux élections au Parlement européen dans l’État membre où il réside, dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État. Ce droit sera exercé sous réserve des modalités arrêtées par le Conseil, statuant à l’unanimité conformément à une procédure
législative spéciale, et après consultation du Parlement européen ; ces modalités peuvent prévoir des dispositions dérogatoires lorsque des problèmes spécifiques à un État membre le justifient. »
La Charte
13 L’article 12 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), intitulé « Liberté de réunion et d’association », est libellé comme suit :
« 1. Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association à tous les niveaux, notamment dans les domaines politique, syndical et civique, ce qui implique le droit de toute personne de fonder avec d’autres des syndicats et de s’y affilier pour la défense de ses intérêts.
2. Les partis politiques au niveau de l’Union contribuent à l’expression de la volonté politique des citoyens de l’Union. »
14 L’article 39 de la Charte, intitulé « Droit de vote et d’éligibilité aux élections au Parlement européen », dispose :
« 1. Tout citoyen de l’Union a le droit de vote et d’éligibilité aux élections au Parlement européen dans l’État membre où il réside, dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État.
2. Les membres du Parlement européen sont élus au suffrage universel direct, libre et secret. »
15 L’article 40 de la Charte, intitulé « Droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales », prévoit :
« Tout citoyen de l’Union a le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales dans l’État membre où il réside, dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État. »
La directive 93/109/CE
16 La directive 93/109/CE du Conseil, du 6 décembre 1993, fixant les modalités de l’exercice du droit de vote et d’éligibilité aux élections au Parlement européen pour les citoyens de l’Union résidant dans un État membre dont ils ne sont pas ressortissants (JO 1993, L 329, p. 34), telle que modifiée par la directive 2013/1/UE du Conseil, du 20 décembre 2012 (JO 2013, L 26, p. 27) (ci-après la « directive 93/109 »), énonce, à ses troisième à septième considérants :
« considérant que le droit de vote et d’éligibilité aux élections au Parlement européen dans l’État membre de résidence, prévu à l’article 8 B paragraphe 2 [CE], constitue une application du principe de non-discrimination entre nationaux et non-nationaux, et un corollaire du droit de libre circulation et de séjour prévu à l’article 8 A [CE] ;
considérant que l’article 8 B paragraphe 2 [CE] ne concerne que la possibilité d’exercice du droit de vote et d’éligibilité au Parlement européen, sans préjudice de la mise en œuvre de l’article 138 paragraphe 3 [CE] prévoyant l’établissement d’une procédure uniforme dans tous les États membres pour ces élections ; qu’il vise essentiellement à supprimer la condition de nationalité qui, actuellement, est requise dans la plupart des États membres pour exercer ces droits ;
considérant que l’application de l’article 8 B paragraphe 2 [CE] ne suppose pas une harmonisation des régimes électoraux des États membres, et que, de surcroît, pour tenir compte du principe de proportionnalité prévu à l’article 3 [B] troisième alinéa [CE], le contenu de la législation communautaire en la matière ne doit pas excéder ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif visé à l’article 8 B paragraphe 2 [CE] ;
considérant que l’article 8 B paragraphe 2 [CE] a pour objet que tous les citoyens de l’Union, qu’ils soient ou non ressortissants de l’État membre de résidence, puissent y exercer leur droit de vote et d’éligibilité au Parlement européen dans les mêmes conditions ; qu’il est nécessaire, en conséquence, que les conditions, et notamment celles liées à la durée et à la preuve de la résidence valant pour les non-nationaux soient identiques à celles applicables, le cas échéant, aux nationaux de
l’État membre considéré ;
considérant que l’article 8 B paragraphe 2 [CE] prévoit le droit de vote et d’éligibilité au Parlement européen dans l’État membre de résidence sans, pour autant, le substituer au droit de vote et d’éligibilité dans l’État membre dont le citoyen européen est ressortissant ; qu’il importe de respecter la liberté de choix des citoyens de l’Union relative à l’État membre dans lequel ils veulent participer aux élections européennes, tout en prenant soin qu’il n’y ait pas d’abus de cette liberté par
un double vote ou une double candidature ».
17 L’article 1er, paragraphe 1, de la directive 93/109 dispose :
« La présente directive fixe les modalités selon lesquelles les citoyens de l’Union qui résident dans un État membre dont ils ne sont pas ressortissants peuvent y exercer le droit de vote et d’éligibilité au Parlement européen. »
18 L’article 10, paragraphe 1, de cette directive prévoit :
« Lors du dépôt de sa déclaration de candidature, chaque éligible communautaire doit apporter les mêmes preuves qu’un candidat national. En outre, il doit produire une déclaration formelle, précisant :
a) sa nationalité, sa date et son lieu de naissance, sa dernière adresse dans l’État membre d’origine et son adresse sur le territoire électoral de l’État membre de résidence ;
b) qu’il n’est pas simultanément candidat aux élections au Parlement européen dans un autre État membre ;
c) le cas échéant, sur la liste électorale de quelle collectivité locale ou circonscription dans l’État membre d’origine il était inscrit en dernier lieu ;
d) qu’il n’est pas déchu du droit d’éligibilité dans l’État membre d’origine, par l’effet d’une décision de justice individuelle ou d’une décision administrative, pour autant que cette dernière puisse faire l’objet d’un recours juridictionnel. »
19 Aux termes de l’article 11, paragraphe 2, de ladite directive :
« En cas de refus d’inscription sur la liste électorale ou du rejet de sa candidature, l’intéressé peut introduire les recours que la législation de l’État membre de résidence réserve, dans des cas identiques, aux électeurs et éligibles nationaux. »
La directive 94/80/CE
20 Les quatrième, cinquième et quatorzième considérants de la directive 94/80/CE du Conseil, du 19 décembre 1994, fixant les modalités de l’exercice du droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales pour les citoyens de l’Union résidant dans un État membre dont ils n’ont pas la nationalité (JO 1994, L 368, p. 38), sont libellés comme suit :
« considérant que l’application de l’article 8 B paragraphe 1 [CE] ne suppose pas une harmonisation globale des régimes électoraux des États membres ; qu’il vise essentiellement à supprimer la condition de nationalité qui, actuellement, est requise dans la plupart des États membres pour exercer le droit de vote et d’éligibilité ; que, de surcroît, pour tenir compte du principe de proportionnalité énoncé à l’article 3 B troisième alinéa [CE], le contenu de la législation communautaire en la
matière ne doit pas excéder ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif de l’article 8 B paragraphe 1 [CE] ;
considérant que l’article 8 B paragraphe 1 [CE] a pour objet [que] tous les citoyens de l’Union, qu’ils soient ou non ressortissants de l’État membre de résidence, puissent y exercer leur droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales dans les mêmes conditions ; qu’il est nécessaire, en conséquence, que les conditions, et notamment celles liées à la durée et à la preuve de la résidence valant pour les non-nationaux, soient identiques à celles applicables, le cas échéant, aux nationaux
de l’État membre considéré ; que les citoyens non nationaux ne doivent pas être soumis à des conditions spécifiques à moins que, exceptionnellement, un traitement différent de nationaux et de non-nationaux [ne] se justifie par des circonstances spécifiques à ces derniers les distinguant des premiers ;
[...]
considérant que la citoyenneté de l’Union vise à mieux intégrer les citoyens de l’Union dans leur pays d’accueil et qu’il est, dans ce contexte, conforme aux intentions des auteurs du traité d’éviter toute polarisation entre listes de candidats nationaux et non nationaux ».
21 L’article 1er, paragraphe 1, de la directive 94/80 dispose :
« La présente directive fixe les modalités selon lesquelles les citoyens de l’Union qui résident dans un État membre sans en avoir la nationalité peuvent y exercer le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales. »
22 L’article 8, paragraphe 3, de cette directive est ainsi libellé :
« L’électeur [...] figurant sur une liste électorale y reste inscrit, dans les mêmes conditions que l’électeur national, jusqu’à sa radiation d’office, parce qu’il ne réunit plus les conditions pour voter.
Les électeurs qui ont été inscrits sur une liste électorale à leur demande peuvent également être radiés de cette liste à leur demande.
En cas de déplacement de sa résidence vers une autre collectivité locale de base du même État membre, cet électeur est inscrit sur la liste électorale de cette collectivité dans les mêmes conditions qu’un électeur national. »
23 L’article 9, paragraphe 1, de ladite directive dispose :
« Lors du dépôt de sa déclaration de candidature, chaque éligible visé à l’article 3 doit apporter les mêmes preuves qu’un candidat national. L’État membre de résidence peut exiger qu’il présente une déclaration formelle précisant sa nationalité et son adresse dans l’État membre de résidence. »
24 L’article 10, paragraphe 2, de la même directive prévoit :
« En cas de non-inscription sur la liste électorale, de refus de la demande d’inscription sur la liste électorale ou de rejet de sa candidature, l’intéressé peut introduire les recours que la législation de l’État membre de résidence prévoit, dans des cas semblables, pour les électeurs et les éligibles nationaux. »
Le droit tchèque
25 L’article 1er du zákon č. 424/1991 Sb., o sdružování v politických stranách a v politických hnutích (loi no 424/1991 relative aux associations en partis politiques et en mouvements politiques), telle que modifiée par le zákon č. 117/1994 Sb. (loi no 117/1994) (ci-après la « loi relative aux partis et mouvements politiques »), prévoit, à son paragraphe 1 :
« Les citoyens ont le droit de s’associer en partis politiques et en mouvements politiques (ci-après “partis et mouvements politiques”). L’exercice de ce droit permet aux citoyens de participer à la vie politique de la société, en particulier à la constitution des corps législatifs et des organes des collectivités territoriales régionales et locales [...] »
26 L’article 2, paragraphe 3, de la loi relative aux partis et mouvements politiques dispose :
« Tout citoyen âgé de plus de 18 ans peut adhérer à un parti ou à un mouvement ; il ne peut toutefois adhérer qu’à un seul parti ou mouvement. »
27 Aux termes de l’article 20, paragraphe 1, du zákon č. 491/2001 Sb., o volbách do zastupitelstev obcí a o změně některých zákonů (loi no 491/2001 relative aux élections aux conseils municipaux et modifiant certaines lois), dans sa version applicable au présent recours (ci-après la « loi relative aux élections aux conseils municipaux ») :
« Peuvent constituer un parti électoral en vertu de la présente loi : les partis politiques et les mouvements politiques enregistrés [...], dont les activités n’ont pas été suspendues, ainsi que leurs coalitions, les candidats indépendants, les associations de candidats indépendants ou les associations de partis politiques ou mouvements politiques et de candidats indépendants. »
28 L’article 21, paragraphe 1, du zákon č. 62/2003 Sb., o volbách do Evropského parlamentu a o změně některých zákonů (loi no 62/2003 relative aux élections au Parlement européen et modifiant certaines lois), dans sa version applicable au présent recours (ci-après la « loi relative aux élections au Parlement européen »), prévoit que les listes des candidats aux élections au Parlement européen peuvent être présentées par des partis et des mouvements politiques enregistrés dont les activités n’ont pas
été suspendues, ainsi que par leurs coalitions.
29 L’article 22, paragraphes 2 et 3, de la loi relative aux élections au Parlement européen dispose :
« (2) La liste des candidats doit être accompagnée d’un justificatif de la nationalité du candidat et d’une déclaration signée par le candidat indiquant qu’il consent à sa candidature, qu’il n’a pas connaissance d’obstacles à son éligibilité, le cas échéant que ces obstacles auront disparu le jour des élections au Parlement européen, et qu’il n’a pas consenti à figurer sur une autre liste des candidats aux élections au Parlement européen, et ce ni même dans un autre État membre. Le candidat
indiquera également dans sa déclaration son lieu de résidence ou, s’il s’agit d’un ressortissant d’un autre État membre, son lieu de séjour et sa date de naissance. La déclaration du candidat peut être rédigée en langue tchèque ou dans l’une des langues de travail de l’Union européenne conformément à l’article 4.
(3) Si le candidat est ressortissant d’un autre État membre, outre les informations prévues au paragraphe 2, il indiquera dans sa déclaration son lieu de naissance et l’adresse de son dernier lieu de séjour dans son État membre d’origine, il joindra une déclaration dans laquelle il indiquera qu’il n’a pas été déchu du droit d’éligibilité dans son État membre d’origine par effet d’une décision de justice ou d’une décision administrative et joindra à la liste des candidats les documents visés à
la première phrase du paragraphe 2. »
La procédure précontentieuse et la procédure devant la Cour
30 Au cours de l’année 2010, la Commission a, dans le cadre du système EU Pilot, fait part à la République tchèque de ses doutes quant à la compatibilité avec l’article 22 TFUE du fait que seuls les ressortissants tchèques pouvaient devenir membres d’un parti politique.
31 Les informations fournies par la République tchèque n’ayant pas dissipé ces doutes et considérant que, en permettant aux seuls ressortissants tchèques de devenir membres d’un parti politique, la République tchèque avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 22 TFUE, la Commission a, le 22 novembre 2012, adressé une lettre de mise en demeure à cet État membre. Ce dernier y a répondu le 22 janvier 2013, en contestant toute violation du droit de l’Union.
32 Le 22 avril 2014, la Commission a émis un avis motivé dans lequel elle maintenait que la République tchèque avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 22 TFUE en refusant aux citoyens de l’Union qui n’ont pas la nationalité tchèque, mais qui résident sur son territoire, les droits de fonder un parti ou un mouvement politique et de devenir membre d’un tel parti ou mouvement. En conséquence, cette institution invitait la République tchèque à prendre les mesures nécessaires
pour se conformer à cet avis motivé dans un délai de deux mois à compter de la réception de celui-ci.
33 Dans sa réponse transmise le 20 juin 2014, la République tchèque a indiqué, en substance, que les mesures prises par cet État membre devaient être considérées comme proportionnées et conformes au droit de l’Union.
34 Par lettre du 2 décembre 2020, le commissaire européen chargé de la justice a demandé à la République tchèque des informations sur l’évolution de sa position ou sur les éventuelles modifications législatives intervenues afin de garantir les droits concernés aux citoyens de l’Union qui n’ont pas la nationalité tchèque et qui résident sur son territoire.
35 N’ayant pas reçu de réponse à cette lettre, la Commission a décidé d’introduire le présent recours, en restreignant son objet à un manquement de cet État membre aux obligations lui incombant au titre de l’article 22 TFUE en raison du fait qu’il réserverait le droit de devenir membre d’un parti ou d’un mouvement politique aux seuls ressortissants tchèques.
36 Par décision du président de la Cour du 19 mai 2022, la République de Pologne a été admise à intervenir au litige au soutien des conclusions de la République tchèque.
Sur le recours
Sur la recevabilité du recours
Argumentation des parties
37 La République tchèque excipe de l’irrecevabilité du présent recours en manquement, dès lors que le manquement reproché ne saurait être fondé sur l’article 22 TFUE. Cette disposition se limiterait à appliquer au droit de vote et d’éligibilité le principe de non‑discrimination en raison de la nationalité, tandis que la qualité de membre d’un parti politique ou d’un mouvement politique serait un aspect différent des conditions d’exercice de ce droit. La Commission invoquerait donc de fait, à l’appui
de son recours, la violation de l’article 18 TFUE, ainsi que, en se référant à des limitations du droit d’association, la violation de ce droit, tel que garanti par l’article 12, paragraphe 1, de la Charte.
38 À cet égard, il ne ressortirait pas de façon compréhensible de la requête quels sont les éléments de droit sur lesquels le recours est fondé et si, outre la violation alléguée de l’article 22 TFUE, la Commission reproche également à la République tchèque une violation de l’article 18 TFUE et de l’article 12, paragraphe 1, de la Charte.
39 La Commission n’aurait ainsi pas respecté les exigences découlant de la jurisprudence de la Cour selon lesquelles cette institution est tenue d’exposer de manière cohérente et compréhensible les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels le recours est fondé, ces éléments devant correspondre à ceux qui ont été soulevés par ladite institution dans le cadre de la phase précontentieuse de la procédure. La Commission ne saurait, dans l’exposé de sa requête, fonder un prétendu manquement au
droit de l’Union par un État membre sur des dispositions qui ne sont pas visées dans les conclusions de cette requête et dont la violation n’a pas été alléguée lors de la phase précontentieuse de la procédure.
40 La Commission conteste le bien-fondé de cette argumentation.
Appréciation de la Cour
41 Il importe de rappeler que l’objet d’un recours en manquement, en application de l’article 258 TFUE, est fixé par l’avis motivé de la Commission, de telle sorte que le recours doit être fondé sur les mêmes motifs et moyens que cet avis [arrêt du 28 juin 2022, Commission/Espagne (Violation du droit de l’Union par le législateur), C‑278/20, EU:C:2022:503, point 24 et jurisprudence citée].
42 En outre, il résulte d’une jurisprudence constante relative à l’article 120, sous c), du règlement de procédure de la Cour que toute requête introductive d’instance doit indiquer de manière claire et précise l’objet du litige et contenir un exposé sommaire des moyens invoqués pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et à la Cour d’exercer son contrôle. Il en découle que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels un tel recours est fondé doivent ressortir d’une
façon cohérente et compréhensible du texte même de la requête et que les conclusions de cette dernière doivent être formulées de manière non équivoque afin d’éviter que la Cour ne statue ultra petita ou bien qu’elle n’omette de statuer sur un grief [arrêt du 8 mars 2022, Commission/Royaume-Uni (Lutte contre la fraude à la sous-évaluation), C‑213/19, EU:C:2022:167, point 132 et jurisprudence citée].
43 La Cour a également jugé que, dans le cadre d’un recours formé en application de l’article 258 TFUE, celui-ci doit présenter les griefs de façon cohérente et précise, afin de permettre à l’État membre et à la Cour d’appréhender exactement la portée de la violation du droit de l’Union reprochée, condition nécessaire pour que cet État puisse faire valoir utilement ses moyens de défense et pour que la Cour puisse vérifier l’existence du manquement allégué [arrêt du 8 mars 2022,
Commission/Royaume-Uni (Lutte contre la fraude à la sous-évaluation), C‑213/19, EU:C:2022:167, point 133 et jurisprudence citée].
44 En particulier, le recours de la Commission doit contenir un exposé cohérent et détaillé des raisons l’ayant amenée à la conviction que l’État membre intéressé a manqué à l’une des obligations qui lui incombent en vertu du droit de l’Union [arrêt du 5 juin 2023, Commission/Pologne (Indépendance et vie privée des juges), C‑204/21, EU:C:2023:442, point 190 ainsi que jurisprudence citée].
45 S’agissant, en premier lieu, de l’objet du présent recours en manquement, la Commission a indiqué dans les conclusions de la requête introductive d’instance qu’elle reprochait à la République tchèque la violation de l’article 22 TFUE en ce que cet État membre refuse aux citoyens de l’Union qui n’ont pas la nationalité tchèque mais qui résident sur son territoire le droit de devenir membre d’un parti ou d’un mouvement politique.
46 Or, ce grief figurait bien dans la lettre de mise en demeure ainsi que dans l’avis motivé.
47 S’agissant, en second lieu, des arguments de la République tchèque selon lesquels la requête introductive d’instance ne serait pas formulée de manière cohérente ainsi que compréhensible et ne permettrait pas à cet État membre d’appréhender exactement la portée de la violation du droit de l’Union reprochée, il convient de relever qu’il ressort sans équivoque des conclusions de ladite requête que la Commission fait grief à la République tchèque d’avoir manqué aux obligations lui incombant au titre
de l’article 22 TFUE, plus particulièrement à l’exigence selon laquelle les États membres doivent garantir aux citoyens de l’Union résidant dans un État membre sans en avoir la nationalité les mêmes conditions que celles applicables aux ressortissants dudit État membre au regard du droit d’être candidat aux élections municipales et au Parlement européen. La Commission ne s’étant pas référée à l’article 18 TFUE dans sa requête, il ne saurait ainsi être considéré qu’elle reproche à cet État membre
un manquement à ce dernier article, et non pas à l’article 22 TFUE. La question de savoir si l’article 22 TFUE contient effectivement une obligation d’autoriser les citoyens de l’Union résidant dans un État membre sans en avoir la nationalité à devenir membres de partis et de mouvements politiques dans cet État constitue d’ailleurs une question de fond, qui doit être appréciée dans le cadre de l’examen du bien-fondé du manquement allégué.
48 S’agissant de l’article 12 de la Charte, il ressort tout aussi clairement de la requête que la Commission fait valoir que l’article 22 TFUE doit être interprété à la lumière de cette disposition de la Charte, sans invoquer une violation autonome de celle-ci.
49 Par conséquent, il ne saurait être considéré que ladite requête est formulée de manière ambiguë et ne satisfait pas, sur ce point, aux exigences de la jurisprudence rappelées aux points 42 et 43 du présent arrêt.
50 Compte tenu de ce qui précède, l’exception d’irrecevabilité doit être rejetée.
Sur le fond
Argumentation des parties
51 La Commission fait valoir que l’article 22 TFUE garantit à un citoyen de l’Union résidant dans un État membre sans en avoir la nationalité le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales ainsi qu’au Parlement européen dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État. Par conséquent, la République tchèque aurait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 22 TFUE dès lors que la loi relative aux partis et mouvements politiques accorde le droit de devenir
membre d’un parti ou d’un mouvement politique uniquement aux ressortissants tchèques et que les citoyens de l’Union qui résident sur le territoire de cet État membre sans en avoir la nationalité ne peuvent pas exercer le droit d’éligibilité aux élections municipales et au Parlement européen dans les mêmes conditions que les ressortissants tchèques.
52 L’article 22 TFUE énoncerait une obligation générale d’égalité de traitement et impliquerait la suppression de l’exigence de nationalité en tant que condition de vote et d’éligibilité à ces élections ainsi que celle de toutes les mesures susceptibles d’empêcher les citoyens de l’Union résidant dans un État membre sans en avoir la nationalité d’exercer leur droit d’éligibilité dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État membre. Ces citoyens de l’Union devraient ainsi bénéficier de
tous les moyens existant dans l’ordre juridique national qui sont à la disposition des candidats nationaux auxdites élections.
53 Or, en premier lieu, les partis politiques auraient un rôle fondamental dans les systèmes électoraux des États membres dès lors qu’ils constitueraient la forme essentielle de participation à la vie politique et le moyen le plus couramment utilisé pour prendre part aux élections en tant que candidats. Il existerait, en outre, un lien direct entre l’appartenance à un parti politique et la possibilité de se présenter avec succès et efficacité aux élections. Dans ces circonstances, le fait que les
citoyens de l’Union qui résident en République tchèque sans en avoir la nationalité ne puissent pas devenir membres d’un parti ou d’un mouvement politique et bénéficier ainsi des nombreux avantages, notamment en termes de notoriété, de ressources humaines et financières, d’infrastructure organisationnelle et d’accès aux médias, que comporterait une telle qualité de membre, compromettrait leur capacité à se présenter aux élections dans les mêmes conditions que les ressortissants tchèques.
54 Quand bien même un citoyen de l’Union résidant en République tchèque sans en avoir la nationalité pourrait se présenter sur la liste d’un parti ou d’un mouvement politique en tant que candidat indépendant, il se trouverait néanmoins dans une position moins favorable que celle des candidats à l’élection qui sont membres du parti ou du mouvement en question. Un tel citoyen de l’Union n’aurait, en effet, pas les mêmes chances d’occuper une place avantageuse sur cette liste et devrait souscrire à un
programme à l’élaboration duquel il n’a, en principe, pas participé. Le fait même qu’il ne pourrait se présenter sur ladite liste qu’en tant que candidat indépendant, alors que les ressortissants tchèques pourraient le faire en tant que membres de ce parti ou de ce mouvement, témoignerait, en soi, de ce que les citoyens de l’Union résidant dans cet État membre sans en avoir la nationalité ne peuvent pas se présenter en tant que candidats aux élections dans les mêmes conditions que les
ressortissants tchèques.
55 En deuxième lieu, la Commission soutient que le contenu et le champ d’application matériel de l’article 22 TFUE ne sauraient être réduits aux seuls aspects formels réglementés par les directives 93/109 et 94/80, qui ont été adoptées sur le fondement dudit article. Une telle interprétation ne se refléterait ni dans la lettre de cette disposition ni dans celle des directives 93/109 et 94/80, et priverait l’article 22 TFUE de son effet utile. Loin de conforter une interprétation restrictive de la
portée de l’obligation des États membres au titre de l’article 22 TFUE, l’arrêt du 12 septembre 2006, Eman et Sevinger (C‑300/04, EU:C:2006:545), ferait ressortir l’importance cruciale du principe de non-discrimination en raison de la nationalité dans l’interprétation et l’application de celui‑ci. Par ailleurs, l’obligation d’assurer l’égalité de traitement qui découle de l’article 22 TFUE ne serait pas remise en cause par l’absence, dans cette disposition, d’une liste exhaustive des conditions
qui doivent être remplies à cette fin.
56 En troisième lieu, la Commission fait valoir que, bien qu’il appartienne actuellement aux États membres de réglementer les aspects relatifs aux élections municipales et au Parlement européen qui ne sont pas harmonisés au niveau de l’Union, ces États doivent exercer leurs compétences dans le respect du droit de l’Union. Une mesure nationale susceptible de restreindre l’exercice de l’un des droits découlant du statut de citoyen de l’Union, tel que le droit d’éligibilité à ces élections, ne pourrait
être justifiée par l’intérêt général que si cette mesure est compatible avec les droits fondamentaux garantis par le droit de l’Union, ce qui ne serait pas le cas en l’occurrence.
57 En quatrième lieu, selon la Commission, l’article 20, paragraphe 2, sous b), et l’article 22 TFUE doivent être interprétés à la lumière des dispositions de la Charte, et notamment de son article 12, paragraphe 1, dont le libellé correspond à celui de l’article 11 de la CEDH.
58 La privation du droit de devenir membre d’un parti politique serait une limitation du droit fondamental à la liberté d’association et ne pourrait pas aller, conformément à l’article 52, paragraphe 3, de la Charte, au‑delà des limitations admises par la CEDH. Les motifs énoncés à l’article 11, paragraphe 2, de la CEDH pouvant justifier une limitation du droit à la liberté d’association ne s’appliqueraient pas en l’espèce. En outre, il ressortirait de l’arrêt de la Cour européenne des droits de
l’homme du 27 avril 1995, Piermont c. France (CE:ECHR:1995:0427JUD001577389, § 64), que les États membres ne sauraient se prévaloir de l’article 16 de la CEDH à l’égard des ressortissants d’autres États membres faisant valoir des droits que leur confèrent les traités, d’autant plus que la notion de « citoyenneté de l’Union » serait désormais expressément définie dans les traités et conférerait des droits aux citoyens de l’Union.
59 En cinquième lieu, la Commission soutient que le rôle essentiel des partis et des mouvements politiques lors des élections législatives nationales ne justifie pas une interprétation restrictive de l’article 22 TFUE et que l’interdiction de devenir membre d’un parti ou d’un mouvement politique ne saurait être justifiée par l’objectif d’éviter toute ingérence dans les affaires nationales et toute atteinte à l’identité nationale.
60 D’une part, les droits politiques auraient été inclus dans les dispositions du traité FUE relatives à la citoyenneté dans l’objectif de garantir que les citoyens de l’Union résidant dans un État membre sans en avoir la nationalité puissent s’intégrer et jouer un rôle politique actif dans cet État membre en ce qui concerne les élections municipales et au Parlement européen. Or, la législation tchèque relative aux partis et aux mouvements politiques se bornerait à accorder à de tels citoyens de
l’Union le même statut que celui dont bénéficient les ressortissants de pays tiers.
61 D’autre part, les États membres seraient libres de réserver à leurs ressortissants le droit d’éligibilité aux élections nationales ou, dans certains cas, régionales, ou encore d’adopter des règles particulières ayant pour effet de restreindre les droits conférés aux citoyens de l’Union résidant dans ces États membres sans en avoir la nationalité en leur qualité de membre d’un parti ou d’un mouvement politique, sans que la portée de ces mesures aille jusqu’à compromettre l’égalité des conditions
de leur participation aux élections municipales et au Parlement européen. En revanche, une interdiction générale, pour de tels citoyens de l’Union, de devenir membres d’un parti ou d’un mouvement politique qui participe activement tant aux élections municipales que législatives ou européennes s’étendrait manifestement aussi à des domaines dans lesquels le droit à l’égalité de traitement est consacré et serait plus restrictive qu’une limitation de leur participation à certaines décisions du parti
ou du mouvement politique en question.
62 L’interprétation de l’article 22 TFUE défendue par la Commission ne porterait pas atteinte au principe du respect de l’identité nationale, dès lors que, d’une part, l’article 4, paragraphe 2, TUE devrait être interprété conformément aux autres dispositions des traités, y compris à l’article 22 TFUE, et que, d’autre part, ce dernier article s’appliquerait uniquement aux élections municipales et au Parlement européen, et non pas aux élections législatives nationales. La portée de l’article 22 TFUE
ne saurait être restreinte sur la base de l’article 4, paragraphe 2, TUE et permettre une discrimination directe des citoyens de l’Union en raison de leur nationalité.
63 En tout état de cause, la République tchèque n’aurait fourni aucune preuve de ce que la possibilité pour les citoyens de l’Union résidant dans cet État membre sans en avoir la nationalité, souhaitant se porter candidats aux élections municipales et au Parlement européen dans ledit État membre, de devenir membres d’un parti ou d’un mouvement politique constituerait une menace pour l’identité nationale dudit État membre.
64 En sixième lieu, la Commission fait valoir que, dans le cadre d’un recours portant sur une violation du droit de l’Union du fait d’une législation nationale et non pas d’une application incorrecte du droit de l’Union, la Commission n’est pas tenue de fournir à la Cour des données statistiques sur le nombre de citoyens de l’Union qui, en pratique, ont subi un préjudice du fait de cette législation, une preuve des effets négatifs d’une mesure discriminatoire de nature dissuasive étant d’ailleurs
pratiquement impossible à rapporter.
65 Les données statistiques fournies par la République tchèque visant à démontrer que, dans les faits, la situation dans cet État membre est conforme à l’article 22 TFUE seraient également dénuées de pertinence pour cette raison.
66 En tout état de cause, les données statistiques produites par la République tchèque porteraient de manière générale sur les « personnes sans affiliation politique », sans qu’il soit possible d’identifier parmi celles-ci le nombre de citoyens de l’Union résidant dans cet État membre sans en avoir la nationalité. Or, la situation de ces derniers serait spécifique, parce qu’ils seraient par définition moins connus dans leur État membre d’accueil et auraient donc un intérêt plus important à devenir
membres de partis ou de mouvements politiques établis, dont les valeurs et l’orientation politique sont notoires et les infrastructures de campagne électorale rodées. Il ne serait pas non plus possible de déduire de ces données le nombre de demandes d’inscription de tels citoyens de l’Union sur des listes de partis ou de coalitions de partis qui ont été rejetées.
67 Lesdites données relativiseraient, voire contrediraient, l’affirmation de la République tchèque selon laquelle les chances d’un candidat inscrit sur une liste d’un parti ou d’un mouvement politique d’être élu seraient parfaitement comparables, qu’il s’agisse d’un candidat indépendant ou d’un membre dudit parti ou mouvement. En effet, il découlerait de ces données que, s’agissant des élections au Parlement européen organisées entre l’année 2004 et l’année 2019, la grande majorité des candidats
s’étaient présentés en qualité de membres d’un parti ou d’un mouvement politique et que, dans trois des quatre élections au Parlement européen organisées pendant cette période, la proportion d’élus aurait été moindre chez les candidats qui n’étaient pas membres d’un tel parti ou mouvement que chez ceux qui l’étaient. Les candidats indépendants élus au Parlement européen seraient très souvent des personnalités bénéficiant d’une notoriété et d’une popularité exceptionnelles, et l’existence d’un
seul cas où un citoyen de l’Union résidant en République tchèque sans en avoir la nationalité a été élu au Parlement européen ne serait pas représentative et ne saurait infirmer l’existence d’une discrimination de iure.
68 Pour ce qui est des élections municipales, selon la Commission, s’il peut être considéré, comme le fait valoir la République tchèque, que, compte tenu de la dimension locale de ces élections, les électeurs ont tendance à privilégier des personnes connues à ce niveau, ce qui estompe quelque peu l’intérêt pour celles-ci de se porter candidates en tant que membres d’un parti ou d’un mouvement politique plutôt que comme candidates indépendantes, une telle considération n’apparaît pertinente que si
ces personnes sont des ressortissantes de l’État membre concerné. En effet, des citoyens de l’Union résidant dans un État membre sans en avoir la nationalité seraient, par définition, moins connus au niveau local, et auraient précisément plus de chances d’être élus s’ils avaient la possibilité de se porter candidats en tant que membres d’un parti politique.
69 Enfin, bien que les élections municipales en République tchèque seraient aussi ouvertes aux groupements de candidats sans affiliation politique ainsi qu’aux groupements de partis politiques et de candidats sans affiliation politique et que les modalités de scrutin permettraient à chaque électeur de disposer d’autant de voix qu’il y a de membres au conseil municipal, ce qui augmenterait les chances, pour les différents candidats, d’être élus, cela n’éliminerait nullement la discrimination dont
feraient l’objet les citoyens de l’Union résidant en République tchèque sans en avoir la nationalité. En outre, conformément à l’article 21, paragraphe 4, de la loi relative aux élections aux conseils municipaux, les candidats indépendants, contrairement à ceux qui sont présentés par les partis et mouvements politiques, devraient déposer une pétition soutenant leur candidature, signée par un certain nombre d’électeurs en fonction de la taille de la commune dans laquelle ils se présentent.
70 La République tchèque, soutenue par la République de Pologne, fait valoir, en premier lieu, que la question de l’acquisition de la qualité de membre d’un parti politique ne relève pas de l’article 22 TFUE. Une telle conclusion découlerait du libellé de cet article, qui ne ferait pas référence aux conditions pour devenir membre d’un parti politique et ne permettrait pas de déduire que ledit article inclut le droit des citoyens de l’Union résidant dans un État membre sans en avoir la nationalité
d’être membres de partis politiques. Cela serait confirmé par l’interprétation historique, systématique et téléologique de l’article 22 TFUE ainsi que par la jurisprudence de la Cour et, notamment, par l’arrêt du 12 septembre 2006, Eman et Sevinger (C‑300/04, EU:C:2006:545, point 53), dont il résulterait que cet article se limite à appliquer le principe de non‑discrimination en raison de la nationalité au droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales ainsi qu’au Parlement européen, et
qu’il ne couvrirait pas d’autres mesures nationales relatives aux élections.
71 L’expression « exercé sous réserve des modalités adoptées par le Conseil » figurant à l’article 22 TFUE impliquerait que l’exercice des droits de vote et d’éligibilité aux élections municipales ainsi qu’au Parlement européen serait subordonné à l’adoption de dispositions de droit dérivé, cet article ne pouvant trouver à s’appliquer de manière autonome, en dehors du cadre de droit dérivé pertinent. Or, le législateur de l’Union, par l’adoption des directives 93/109 et 94/80 sur le fondement de
l’article 22 TFUE, aurait considéré que les aspects réglementés par celles-ci sont ceux qui sont nécessaires au respect dudit article. Ces directives s’abstenant de réglementer d’autres aspects, dont l’acquisition de la qualité de membre d’un parti politique par des citoyens de l’Union résidant dans un État membre sans en avoir la nationalité, leurs champs d’application matériels respectifs confirmeraient clairement que ces autres aspects ne figurent pas parmi les « mêmes conditions », au sens de
l’article 22 TFUE, dont doivent pouvoir bénéficier ces citoyens de l’Union par rapport aux ressortissants de leur État membre de résidence. Il résulterait des considérants des directives 93/109 et 94/80 que l’intention du législateur de l’Union aurait été seulement d’interdire la condition de nationalité pour l’exercice du droit de vote et d’éligibilité, et ces directives ne feraient aucunement allusion à la possibilité que le droit prévu à l’article 22 TFUE puisse avoir un quelconque impact sur
les conditions dans lesquelles de tels citoyens de l’Union peuvent devenir membres d’un parti politique.
72 Selon la République tchèque, à la différence de l’article 18 TFUE, qui consacrerait l’interdiction générale de discrimination fondée sur la nationalité, l’article 22 TFUE, en tant que disposition spéciale, ne s’appliquerait à un citoyen de l’Union qu’après que ce dernier a éventuellement obtenu le statut d’électeur ou de candidat à une élection. Or, le fait qu’une personne puisse devenir membre d’un parti politique n’impliquerait pas pour autant que celle-ci se portera candidate aux élections
municipales ou au Parlement européen ou sera désignée comme telle sur les listes du parti politique, raison pour laquelle la question générale de l’acquisition de la qualité de membre d’un parti politique ne saurait relever de l’article 22 TFUE.
73 L’article 22 TFUE constituerait une exception aux restrictions que peuvent apporter les États membres à l’activité politique des ressortissants étrangers, reconnues également par l’article 16 de la CEDH.
74 Dans ce contexte, quand bien même devait être retenu l’argument de la Commission selon lequel cette dernière disposition ne peut pas être invoquée pour limiter les activités politiques des citoyens de l’Union dans le cadre de l’exercice des droits que leur reconnaissent les traités, rien n’empêcherait un État membre de restreindre la participation des ressortissants étrangers à des activités politiques qui iraient bien au-delà de l’exercice de ce droit de vote et d’éligibilité.
75 Par conséquent, l’article 22 TFUE ne saurait être interprété largement, de manière à réduire la portée de l’article 4, paragraphe 2, TUE. Or, la réglementation afférente au fonctionnement des partis politiques serait la pierre angulaire des structures politiques et constitutionnelles des États membres et la Cour européenne des droits de l’homme reconnaîtrait le rôle fondamental des partis politiques dans le cadre des élections législatives nationales. Dès lors que le droit de l’Union
n’interdirait pas à un État membre de réserver à ses seuls ressortissants la possibilité de se présenter à ces élections, il serait logique que ce même droit n’interdise pas non plus à un État membre de limiter de la même manière la possibilité, pour les ressortissants d’autres États membres, de participer à la « plateforme clé » pour l’activité politique au niveau national que constituent les partis politiques. Une telle conclusion découlerait également du droit reconnu aux États membres par
l’article 5, paragraphe 3, de la directive 94/80 de réserver à leurs seuls ressortissants les postes dans les organes exécutifs municipaux.
76 La République de Pologne ajoute à cet égard que l’interprétation de l’article 22 TFUE soutenue par la Commission conduirait à ce que les citoyens de l’Union résidant dans un État membre sans en avoir la nationalité aient le droit de participer de manière permanente et sans restriction à la vie politique de cet État membre, ce que ledit article ne leur conférerait pas. Il serait, en principe, de la compétence exclusive des États membres de déterminer les règles de fonctionnement, la structure et
les objectifs des partis politiques opérant sur leur territoire. Par conséquent, l’interprétation de l’article 22 TFUE proposée par la Commission serait contraire au principe d’attribution, tel qu’énoncé à l’article 5, paragraphe 2, TUE. Une telle interprétation conduirait, en outre, à l’application des dispositions des traités dans le domaine des compétences relevant des États membres, ce qui violerait l’article 4, paragraphes 1 et 2, TUE.
77 En deuxième lieu, à titre subsidiaire, la République tchèque, soutenue par la République de Pologne, fait valoir que, bien qu’il ne permette pas aux citoyens de l’Union résidant en République tchèque sans en avoir la nationalité de devenir membres d’un parti ou d’un mouvement politique, le droit tchèque met pleinement en œuvre les droits garantis par l’article 22 TFUE.
78 L’expression « dans les mêmes conditions », au sens de cette disposition, signifierait que les citoyens de l’Union résidant dans un État membre sans en avoir la nationalité doivent avoir la possibilité d’exercer leur droit de vote et d’éligibilité dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État membre et qu’ils doivent y disposer des mêmes recours. Une telle interprétation découlerait, d’une part, du sixième considérant de la directive 93/109 ainsi que de l’article 10, paragraphe 1,
et de l’article 11, paragraphe 2, de cette directive et, d’autre part, du cinquième considérant de la directive 94/80 ainsi que de l’article 8, paragraphe 3, de l’article 9, paragraphe 1, et de l’article 10, paragraphe 2, de cette dernière directive. Elle serait pleinement mise en œuvre dans le droit tchèque.
79 Le fait, pour une personne, de se porter candidate aux élections sur les listes des partis politiques ou des coalitions de partis politiques ne serait pas subordonné à sa qualité de membre d’un quelconque parti ou mouvement politique et correspondrait à une pratique courante en République tchèque.
80 Il résulterait de la jurisprudence de la Cour que la Commission est tenue d’établir ses allégations selon lesquelles les candidats aux élections qui ne sont pas présentés par un parti ou par un mouvement politique se trouvent dans une situation moins favorable que ceux qui le sont et disposent de moins de chances d’être élus, sans pouvoir se fonder sur une présomption quelconque sur ce point.
81 En tout état de cause, ces allégations seraient démenties dans les faits, ainsi que le démontreraient les données statistiques fournies par la République tchèque. Ces données statistiques indiqueraient que des candidats sans affiliation politique sont nombreux dans cet État membre, qu’ils ne sont aucunement désavantagés lors des élections, que leur statut ne diffère pas en fonction de leur nationalité et qu’ils peuvent se présenter sur les listes des partis politiques ou de leurs coalitions,
notamment, en tête de liste, et de bénéficier ainsi pleinement de la réputation de ces partis. Le succès d’un candidat aux élections dépendrait non pas de sa qualité de membre d’un parti politique ou d’un mouvement politique, mais plutôt de facteurs tels que ses opinions et sa personnalité.
82 Ainsi, lors des élections au Parlement européen qui se sont déroulées en République tchèque au cours des années 2004, 2009, 2014 et 2019, les listes de partis politiques, y compris des partis politiques majeurs, ou de coalitions de partis politiques auraient contenu au moins 30 % de candidats sans affiliation politique. Ces candidats auraient bénéficié d’une position, souvent en tête de liste, et d’un soutien suffisamment forts pour qu’ils soient élus, ce qui démontrerait également leur influence
sur la définition et la réalisation des priorités du programme de ces partis ou coalitions de partis. Ainsi, lors des élections au Parlement européen qui se sont tenues en République tchèque au cours de l’année 2004, un ressortissant allemand qui se présentait à ces élections dans cet État membre aurait été élu.
83 S’agissant des élections municipales qui ont eu lieu en République tchèque au cours des années 2006, 2010, 2014 et 2018, les candidats sans affiliation politique auraient représenté l’écrasante majorité des candidats et des élus et auraient notamment figuré, en proportion élevée, dans les premières places des listes des partis politiques majeurs. Des candidats sans affiliation politique auraient été positionnés en tête de liste et élus également dans les grandes villes, notamment à Prague au
cours des années 2010 et 2014.
84 En outre, conformément à l’article 20, paragraphe 1, de la loi relative aux élections aux conseils municipaux, peuvent notamment se présenter aux élections municipales des candidats indépendants, des groupements de candidats indépendants ou des groupements de partis politiques ou de mouvements politiques et de candidats indépendants. Conformément à l’article 34 de cette loi, un électeur possède autant de voix qu’il y a de conseillers municipaux à élire et il peut voter en faveur de candidats
spécifiques, figurant sur différentes listes. Un électeur ne serait donc pas obligé de voter pour une seule liste, mais aurait la possibilité de donner sa voix à des candidats spécifiques, indépendamment de la liste sur laquelle ils figurent. Lors des élections municipales, la personnalité des différents candidats jouerait un rôle prépondérant, de telle sorte que le fait qu’ils soient ou non membres d’un parti ou d’un mouvement politique aurait moins d’importance.
85 La Commission ne saurait relativiser le succès des candidats sans affiliation politique aux élections municipales en République tchèque en affirmant qu’il s’agissait de personnalités de premier plan, ou prétendre que les citoyens de l’Union résidant dans un État membre sans en avoir la nationalité peuvent être moins connus, ce qui justifierait d’autant plus qu’ils puissent se présenter à ces élections comme membres d’un parti politique pour avoir une chance d’être élus. La personnalité d’un
candidat serait un facteur particulièrement important non seulement lors des élections municipales, où sont élus les représentants au niveau le plus proche des citoyens, mais également lors des élections au Parlement européen, surtout en ce qui concerne les États membres qui comptent moins de députés au Parlement européen. Un citoyen de l’Union qui réside en République tchèque sans en avoir la nationalité aurait exactement la même chance de faire valoir ses qualités personnelles qu’un
ressortissant de cet État membre et le fait qu’un tel citoyen de l’Union, qui n’était pas très connu dans ledit État membre avant son élection, ait été élu au Parlement européen ne saurait être qualifié de « cas isolé », comme le ferait pourtant valoir la Commission. Cela démontrerait, au contraire, que de tels citoyens de l’Union sont pleinement en mesure de se présenter aux élections municipales et au Parlement européen et d’être élus, même sans être membres d’un parti ou d’un mouvement
politique.
86 En troisième lieu, selon la République tchèque, la législation nationale qui a pour effet d’empêcher les citoyens de l’Union résidant dans cet État membre sans en avoir la nationalité de devenir membre d’un parti ou d’un mouvement politique vise à assurer la protection du système politique et constitutionnel dudit État membre et, partant, à assurer le respect de l’identité nationale, au sens de l’article 4, paragraphe 2, TUE, en réservant ainsi aux citoyens tchèques le droit de participer à une
« plateforme clé » pour l’activité politique nationale. La mesure choisie pour garantir le respect de cette identité serait cohérente au regard tant de l’objectif premier des partis et mouvements politiques, qui serait d’influencer la politique de l’État au plus haut niveau possible, que du fait que, dans le cas des élections municipales et au Parlement européen, la qualité de membre d’un parti ou d’un mouvement politique ne serait ni une condition pour se porter candidat à l’élection ni, a
fortiori, une garantie d’être élu. Une telle mesure serait appropriée et ne porterait pas atteinte à la substance du droit de vote et d’éligibilité visé à l’article 22 TFUE. Elle permettrait en pratique aux citoyens de l’Union résidant dans cet État membre sans en avoir la nationalité d’exercer pleinement ce droit.
87 L’objectif légitime visé par la législation tchèque ne pourrait être atteint au moyen d’une mesure moins contraignante. Autoriser les citoyens de l’Union qui résident dans cet État membre sans en avoir la nationalité de devenir membres d’un parti ou d’un mouvement politique, mais en limitant leurs droits en tant que membres de celui-ci en les associant aux décisions liées aux élections municipales ou au Parlement européen ne serait pas envisageable, car cela signifierait qu’ils ne pourraient
prendre part qu’à une partie marginale de l’activité de ce parti ou de ce mouvement et qu’ils seraient exclus de tous les autres aspects de leur activité. D’une part, la République tchèque, soutenue par la République de Pologne, indique qu’une telle réglementation serait contraire au principe fondamental de l’égalité de traitement des membres d’un parti politique et, d’autre part, elle n’offrirait pas à ces citoyens de l’Union la position forte dans le parti politique que la Commission considère,
à tort, comme nécessaire. La Commission n’aurait d’ailleurs pas non plus précisé, dans l’avis motivé, quelles seraient les mesures moins restrictives que la République tchèque aurait pu adopter à cet égard.
88 Enfin, la République tchèque, soutenue par la République de Pologne, fait valoir que, selon la jurisprudence de la Cour, en l’absence de dispositions spécifiques du traité FUE relatives au droit des citoyens de l’Union résidant dans un État membre sans en avoir la nationalité d’être membres de partis politiques, il appartient aux États membres d’adopter les règles les mieux adaptées à leur système constitutionnel.
Appréciation de la Cour
89 Par son recours, la Commission demande à la Cour de constater que, en refusant aux citoyens de l’Union qui résident sur le territoire de la République tchèque sans en avoir la nationalité le droit de devenir membre d’un parti politique ou d’un mouvement politique, cet État membre a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 22 TFUE.
90 Afin d’examiner le bien-fondé de ce recours, il convient de déterminer la portée de l’article 22 TFUE avant d’apprécier si la différence de traitement ainsi instaurée par la législation tchèque en raison de la nationalité, quant à la possibilité de devenir membre d’un parti ou d’un mouvement politique, est prohibée par cette disposition ou peut éventuellement être justifiée par des raisons tenant au respect de l’identité nationale d’un État membre.
– Sur la portée de l’article 22 TFUE
91 Conformément à une jurisprudence constante de la Cour, lors de l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle-ci et des objectifs qu’elle poursuit, mais également de son contexte. La genèse d’une disposition du droit de l’Union peut également revêtir des éléments pertinents pour son interprétation [arrêt du 14 juillet 2022, Italie et Comune di Milano/Conseil (Siège de l’Agence européenne des médicaments), C‑59/18 et C‑182/18,
EU:C:2022:567, point 67 ainsi que jurisprudence citée].
92 En premier lieu, selon les termes de l’article 22 TFUE, les citoyens de l’Union résidant dans un État membre dont ils ne sont pas ressortissants bénéficient du droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales ainsi qu’au Parlement européen dans les mêmes conditions que les ressortissants de ce dernier État membre et ces droits sont exercés sous réserve des modalités adoptées par le Conseil.
93 Le libellé de l’article 22 TFUE ne contient pas de référence aux conditions relatives à l’acquisition de la qualité de membre de parti politique ou de mouvement politique.
94 En revanche, il ressort dudit libellé, tout d’abord, que le droit de vote et d’éligibilité conféré aux citoyens de l’Union résidant dans un État membre dont ils ne sont pas ressortissants concerne les élections municipales et au Parlement européen dans ledit État membre.
95 Il en résulte, ensuite, que ces citoyens de l’Union bénéficient de ce droit « dans les mêmes conditions » que les ressortissants de l’État membre dans lequel ils résident. En renvoyant aux conditions du droit de vote et d’éligibilité applicables aux ressortissants de l’État membre de résidence d’un tel citoyen de l’Union, l’article 22 TFUE instaure l’interdiction, pour cet État membre, de soumettre l’exercice de ce droit par ce citoyen de l’Union à d’autres conditions que celles qui sont
applicables à ses propres ressortissants.
96 Cette disposition établit ainsi une règle spécifique de non‑discrimination en raison de la nationalité applicable à l’exercice du droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales ainsi qu’au Parlement européen (voir, en ce sens, arrêts du 12 septembre 2006, Espagne/Royaume-Uni, C‑145/04, EU:C:2006:543, point 66 ; du 12 septembre 2006, Eman et Sevinger, C‑300/04, EU:C:2006:545, point 53, ainsi que du 6 octobre 2015, Delvigne, C‑650/13, EU:C:2015:648, point 42) et, par conséquent,
s’applique à toute mesure nationale opérant une différence de traitement susceptible de porter atteinte à l’exercice effectif de ces droits.
97 En outre, il y a lieu de relever que cette règle de non-discrimination n’est que l’expression spécifique du principe général d’égalité qui relève des principes fondamentaux du droit de l’Union [voir, par analogie, arrêt du 20 février 2024, X (Absence de motifs de résiliation), C‑715/20, EU:C:2024:139, point 43 et jurisprudence citée].
98 Conformément à une jurisprudence constante, l’article 18, premier alinéa, TFUE n’a vocation à s’appliquer de manière autonome que dans des situations régies par le droit de l’Union pour lesquelles le traité FUE ne prévoit pas de règles spécifiques de non-discrimination [arrêt du 15 juillet 2021, The Department for Communities in Northern Ireland, C‑709/20, EU:C:2021:602, point 65].
99 La République tchèque ne saurait donc valablement alléguer que la législation nationale visée par la requête de la Commission relève de l’article 18, premier alinéa, TFUE, et non de l’article 22 TFUE, lequel ne s’appliquerait à un citoyen de l’Union résidant dans un État membre sans en avoir la nationalité qu’à partir du moment où il a obtenu le statut d’électeur ou de candidat à une élection.
100 Enfin, il ressort du libellé de l’article 22 TFUE que ces droits de vote et d’éligibilité sont exercés sous réserve des modalités adoptées par le Conseil.
101 À cet égard, les directives 93/109 et 94/80 qui ont été adoptées sur le fondement de l’article 8 B CE, devenu l’article 22 TFUE, fixent les modalités de l’exercice du droit de vote et d’éligibilité, respectivement, aux élections au Parlement européen et aux élections municipales.
102 Certes, ces directives, qui, ainsi qu’il ressort du cinquième considérant de la directive 93/109 et du quatrième considérant de la directive 94/80, n’effectuent pas une harmonisation exhaustive des régimes électoraux des États membres, ne contiennent pas de dispositions relatives aux conditions relatives à l’acquisition, par des citoyens de l’Union résidant dans un État membre sans en avoir la nationalité, de la qualité de membre de parti politique ou de mouvement politique.
103 Toutefois, le champ d’application de ces directives ne saurait, même implicitement, limiter la portée des droits et des obligations découlant de l’article 22 TFUE. À ce dernier titre, il convient, en effet, de relever que la règle spécifique de non-discrimination en raison de la nationalité figurant à cette disposition y est énoncée en des termes généraux et que, selon le libellé même de l’article 22 TFUE, seul l’exercice des droits de vote et d’éligibilité qui y sont consacrés est soumis aux
modalités arrêtées par le Conseil. Si ces modalités peuvent certes « prévoir des dispositions dérogatoires lorsque des problèmes spécifiques à un État membre le justifient », elles ne sauraient en revanche, en dehors de cette hypothèse particulière, avoir pour effet de compromettre de manière générale l’effet utile de ces droits.
104 À cet égard, si, en l’absence de dispositions spécifiques relatives aux conditions selon lesquelles des citoyens de l’Union résidant dans un État membre sans en avoir la nationalité peuvent devenir membres de partis politiques ou de mouvements politiques dans cet État membre, la détermination de ces conditions relève de la compétence des États membres, lors de l’exercice de cette compétence, ces derniers sont tenus de respecter les obligations qui découlent, pour eux, du droit de l’Union [voir,
par analogie, arrêts du 2 mars 2010, Rottmann, C‑135/08, EU:C:2010:104, point 41 et jurisprudence citée ; du 14 décembre 2021, Stolichna obshtina, rayon Pancharevo , C‑490/20, EU:C:2021:1008, point 38 ; du 5 juin 2023, Commission/Pologne (Indépendance et vie privée des juges), C‑204/21, EU:C:2023:442, point 63, ainsi que du 5 septembre 2023, Udlændinge- og Integrationsministeriet (Perte de la nationalité danoise), C‑689/21, EU:C:2023:626, point 30 et jurisprudence citée].
105 Ainsi, tout en se conformant aux modalités fixées par lesdites directives, un État membre ne saurait, en dehors des domaines réglementés par celles-ci, soumettre un citoyen de l’Union résidant dans cet État membre sans en avoir la nationalité à des dispositions nationales introduisant une différence de traitement dans l’exercice des droits que lui confère l’article 22 TFUE, sous peine de remettre en cause l’effet utile de la règle de non-discrimination en raison de la nationalité inscrite audit
article (voir par analogie, s’agissant de l’article 21, paragraphe 1, TFUE, arrêts du 12 mars 2014, O. et B., C‑456/12, EU:C:2014:135, point 54, ainsi que du 27 juin 2018, Altiner et Ravn, C‑230/17, EU:C:2018:497, point 26).
106 Par conséquent, ni l’absence, dans les directives 93/109 et 94/80, de dispositions relatives aux conditions selon lesquelles des citoyens de l’Union résidant dans un État membre sans en avoir la nationalité peuvent devenir membres de partis ou de mouvements politiques dans cet État membre, ni le principe selon lequel toute compétence non attribuée à l’Union dans les traités appartient aux États membres, consacré à l’article 4, paragraphe 1, et à l’article 5, paragraphe 2, TUE, ne permettent de
conclure que la détermination des conditions pour l’acquisition de la qualité de membre d’un parti ou d’un mouvement politique échappe au champ d’application de l’article 22 TFUE.
107 En ce qui concerne, en deuxième lieu, le contexte dans lequel s’inscrit l’article 22 TFUE, il convient de se référer tant aux autres dispositions du traité FUE qu’aux dispositions de même rang, figurant notamment dans le traité UE et la Charte.
108 À cet égard, il y a lieu de relever, premièrement, que l’article 22 TFUE se situe dans la deuxième partie du traité FUE, comportant les dispositions relatives à la non-discrimination et à la citoyenneté de l’Union.
109 L’article 20 TFUE confère à toute personne ayant la nationalité d’un État membre le statut de citoyen de l’Union, lequel a vocation, selon une jurisprudence constante, à être le statut fondamental des ressortissants des États membres [arrêts du 20 septembre 2001, Grzelczyk, C‑184/99, EU:C:2001:458, point 31 ; du 18 janvier 2022, Wiener Landesregierung (Révocation d'une assurance de naturalisation), C‑118/20, EU:C:2022:34, point 38 et jurisprudence citée, ainsi que du 9 juin 2022, Préfet du Gers
et Institut national de la statistique et des études économiques, C‑673/20, EU:C:2022:449, point 49].
110 L’article 22 TFUE, lu en combinaison avec l’article 20, paragraphe 2, TFUE, rattache le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales ainsi qu’au Parlement européen au statut de citoyen de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 9 juin 2022, Préfet du Gers et Institut national de la statistique et des études économiques, C‑673/20, EU:C:2022:449, points 49 à 51 ainsi que jurisprudence citée, et du 18 avril 2024, Préfet du Gers et Institut national de la statistique et des études
économiques, C‑716/22, EU:C:2024:339, points 40 et 41).
111 Le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales ainsi qu’au Parlement européen est ainsi conféré par la citoyenneté de l’Union et, contrairement à ce que fait valoir la République tchèque, ne saurait, dès lors, être appréhendé en tant qu’exception à une prétendue règle selon laquelle seuls les ressortissants d’un État membre peuvent participer à la vie politique de cet État, commandant une interprétation restrictive de l’article 22 TFUE. Une telle interprétation serait contraire au
statut fondamental que la citoyenneté de l’Union a vocation à être pour lesdits ressortissants.
112 Par ailleurs, conformément à l’article 20, paragraphe 2, et à l’article 21 TFUE, la citoyenneté de l’Union confère à chaque citoyen de l’Union un droit fondamental et individuel de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, sous réserve des limitations et des restrictions fixées par le traité FUE et des mesures adoptées en vue de leur application (arrêt du 9 juin 2022, Préfet du Gers et Institut national de la statistique et des études économiques, C‑673/20,
EU:C:2022:449, point 50).
113 Il existe ainsi un lien entre, d’une part, le droit de libre circulation et de séjour ainsi que, d’autre part, le droit de vote et d’éligibilité des citoyens de l’Union résidant dans un État membre sans en avoir la nationalité aux élections municipales et au Parlement européen. Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général aux points 68 et 69 de ses conclusions, ce lien a été établi dès la consécration de ce droit de vote et d’éligibilité par le traité de Maastricht, en rattachant ledit droit à celui
de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres.
114 Deuxièmement, aux termes de l’article 10, paragraphe 1, TUE, le fonctionnement de l’Union est fondé sur la démocratie représentative, laquelle concrétise la valeur de démocratie. Celle-ci constitue, en vertu de l’article 2 TUE, l’une des valeurs sur lesquelles l’Union est fondée (voir, en ce sens, arrêts du 19 décembre 2019, Puppinck e.a./Commission, C‑418/18 P, EU:C:2019:1113, point 64, ainsi que du 19 décembre 2019, Junqueras Vies, C‑502/19, EU:C:2019:1115, point 63).
115 L’article 10, paragraphes 2 et 3, TUE reconnaît le droit des citoyens de l’Union d’être directement représentés au Parlement européen et de participer à la vie démocratique de l’Union.
116 Ainsi que l’a indiqué, en substance, M. l’avocat général au point 74 de ses conclusions, cet article 10 TUE met en évidence, en ce qui concerne les élections au Parlement européen, le lien entre le principe de démocratie représentative au sein de l’Union et le droit de vote et d’éligibilité aux élections au Parlement européen attaché à la citoyenneté de l’Union, garanti par l’article 22, paragraphe 2, TFUE.
117 Troisièmement, l’article 12, paragraphe 1, de la Charte consacre le droit de toute personne à la liberté d’association à tous les niveaux, notamment dans les domaines politique, syndical et civique.
118 Ledit droit correspond à celui garanti à l’article 11, paragraphe 1, de la CEDH et doit donc se voir reconnaître le même sens et la même portée que ce dernier, conformément à l’article 52, paragraphe 3, de la Charte [voir, en ce sens, arrêt du 18 juin 2020, Commission/Hongrie (Transparence associative), C‑78/18, EU:C:2020:476, point 111], ce qui ne fait pas obstacle à ce que le droit de l’Union accorde une protection plus étendue [arrêt du 22 juin 2023, K.B. et F.S. (Relevé d’office dans le
domaine pénal), C‑660/21, EU:C:2023:498, point 41].
119 Dans ce contexte, il ressort de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme que le droit à la liberté d’association constitue l’un des fondements essentiels d’une société démocratique et pluraliste, en ce qu’il permet aux citoyens d’agir collectivement dans des domaines d’intérêt commun et de contribuer, ce faisant, au bon fonctionnement de la vie publique (voir, en ce sens, Cour EDH, 17 février 2004, Gorzelik e.a. c. Pologne, CE:ECHR:2004:0217JUD004415898, §§ 88, 90 et 92).
120 Or, le rôle primordial des partis politiques dans l’expression de la volonté des citoyens de l’Union est reconnu, s’agissant des partis politiques au niveau européen, à l’article 10, paragraphe 4, TUE et à l’article 12, paragraphe 2, de la Charte.
121 Les partis politiques, dont l’une des fonctions est de présenter des candidats aux élections (voir, par analogie, Cour EDH, 8 juillet 2008, Parti travailliste géorgien c. Géorgie, CE:ECHR:2008:0708JUD000910304, § 142), assument ainsi une fonction essentielle dans le système de démocratie représentative, sur lequel est fondé le fonctionnement de l’Union, conformément à l’article 10, paragraphe 1, TUE.
122 Il s’ensuit que la qualité de membre d’un parti ou d’un mouvement politique contribue substantiellement à l’exercice effectif du droit d’éligibilité, tel que conféré par l’article 22 TFUE.
123 En troisième lieu, en ce qui concerne l’objectif de l’article 22 TFUE, cet article vise, premièrement, à conférer aux citoyens de l’Union résidant dans un État membre sans en avoir la nationalité le droit de participation au processus électoral démocratique de cet État membre. Ce droit s’étend, ainsi qu’il a été relevé au point 94 du présent arrêt, à la participation à ce processus par le droit de vote et d’éligibilité aux niveaux européen et local.
124 Deuxièmement, ledit article vise à garantir l’égalité de traitement entre les citoyens de l’Union, ce qui implique, afin que le droit d’éligibilité des citoyens de l’Union résidant dans un État membre sans en avoir la nationalité puisse être exercé de manière effective, un accès égal aux moyens existant dans l’ordre juridique national dont disposent des ressortissants dudit État membre aux fins de l’exercice de ce droit s’agissant des élections municipales et au Parlement européen.
125 Il résulte, troisièmement, du lien entre, d’une part, la liberté de circulation et de séjour et, d’autre part, le droit de vote et d’éligibilité à ces élections, évoqué au point 113 du présent arrêt, que ce dernier droit tend, notamment, à favoriser l’intégration progressive du citoyen de l’Union concerné dans la société de l’État membre d’accueil [arrêts du 14 novembre 2017, Lounes, C‑165/16, EU:C:2017:862, point 56, et du 18 janvier 2022, Wiener Landesregierung (Révocation d’une assurance de
naturalisation), C‑118/20, EU:C:2022:34, point 42].
126 Ainsi que l’a souligné M. l’avocat général au point 75 de ses conclusions, l’article 22 TFUE vise ainsi à assurer la représentativité des citoyens de l’Union résidant dans un État membre sans en avoir la nationalité en tant que corollaire de leur intégration dans la société de l’État membre d’accueil.
127 Par conséquent, il y a lieu de considérer que l’article 22 TFUE, interprété à la lumière des articles 20 et 21 TFUE, de l’article 10 TUE ainsi que de l’article 12 de la Charte, exige que, afin que les citoyens de l’Union résidant dans un État membre sans en avoir la nationalité puissent exercer de manière effective leur droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales ainsi qu’au Parlement européen dans cet État membre, ils bénéficient d’un accès égal aux moyens dont disposent les
ressortissants dudit État membre aux fins de l’exercice effectif de ces droits.
– Sur l’existence d’une différence de traitement interdite par l’article 22 TFUE
128 Ainsi qu’il ressort du point 90 du présent arrêt, la législation tchèque établit une différence de traitement en raison de la nationalité quant à la possibilité de devenir membre d’un parti ou d’un mouvement politique.
129 La République tchèque, soutenue par la République de Pologne, considère cependant, à titre subsidiaire, que cette différence de traitement n’est pas contraire à l’article 22 TFUE dès lors que, premièrement, le droit tchèque confère aux citoyens de l’Union résidant en République tchèque sans en avoir la nationalité la possibilité de recourir à toutes les formes de candidature disponibles, y compris à la candidature sur une liste proposée par un parti politique ou par un mouvement politique,
l’inscription sur une telle liste n’étant pas subordonnée à l’appartenance de cette personne à un quelconque parti ou mouvement politique.
130 Deuxièmement, la Commission n’aurait pas démontré que l’interdiction pour de tels citoyens de l’Union de devenir membres d’un parti ou d’un mouvement politique limiterait l’exercice de leur droit d’éligibilité aux élections municipales et au Parlement européen, ni que les candidats sans affiliation politique se trouveraient dans une position moins favorable que celle des candidats membres d’un parti ou d’un mouvement politique, une telle allégation étant d’ailleurs réfutée par les données
statistiques fournies par la République tchèque.
131 À ce dernier égard, il importe de rappeler que, ainsi qu’il résulte d’une jurisprudence constante de la Cour, il incombe à la Commission de prouver l’existence des manquements qu’elle allègue, sans qu’elle puisse se fonder sur une présomption quelconque [arrêt du 18 juin 2020, Commission/Hongrie (Transparence associative), C‑78/18, EU:C:2020:476, point 36 et jurisprudence citée].
132 Cependant, l’existence d’un manquement peut être prouvée, dans le cas où celui‑ci trouve son origine dans l’adoption d’une mesure législative ou réglementaire dont l’existence et l’application ne sont pas contestées, au moyen d’une analyse juridique des dispositions de cette mesure [arrêts du 18 juin 2020, Commission/Hongrie (Transparence associative), C‑78/18, EU:C:2020:476, point 37 et jurisprudence citée, ainsi que du 16 novembre 2021, Commission/Hongrie (Incrimination de l’aide aux
demandeurs d’asile), C‑821/19, EU:C:2021:930, point 106].
133 En l’espèce, le manquement que la Commission impute à la République tchèque trouve son origine dans l’adoption d’une mesure législative, et notamment de l’article 1er et de l’article 2, paragraphe 3, de la loi relative aux partis et mouvements politiques, dont cet État membre ne conteste ni l’existence ni l’application et dont les dispositions font l’objet d’une analyse juridique dans la requête introductive d’instance.
134 Il convient donc d’examiner le bien-fondé de cette analyse en vérifiant si la différence de traitement instaurée par l’article 1er et l’article 2, paragraphe 3, de la loi relative aux partis et mouvements politiques conduit à ce que les citoyens de l’Union qui résident en République tchèque sans en avoir la nationalité ne bénéficient pas d’un accès égal aux moyens dont disposent les ressortissants de cet État membre aux fins de l’exercice effectif de leur droit d’éligibilité, en violation de
l’article 22 TFUE.
135 En ce qui concerne les élections au Parlement européen, l’article 21, paragraphe 1, de la loi relative aux élections au Parlement européen prévoit que les listes des candidats à ces élections peuvent être présentées par des partis et des mouvements politiques enregistrés ainsi que par leurs coalitions. Conformément à l’article 22, paragraphes 2 et 3, de cette loi, les ressortissants d’un État membre autre que la République tchèque peuvent figurer sur la liste des candidats ainsi présentée.
136 S’agissant des élections municipales, conformément à l’article 20, paragraphe 1, de la loi relative aux élections aux conseils municipaux, peuvent constituer un parti électoral en vertu de cette loi les partis et mouvements politiques enregistrés ainsi que leurs coalitions, les candidats indépendants, les associations de candidats indépendants ou les associations de partis ou mouvements politiques et de candidats indépendants.
137 Il s’ensuit que, aux élections au Parlement européen, seuls les partis et mouvements politiques, ainsi que leurs coalitions, peuvent présenter des candidats et, s’agissant des élections municipales, ces partis et mouvements politiques font partie des formations habilitées à présenter les candidats à ces élections.
138 Conformément à l’article 22, paragraphes 2 et 3, de la loi relative aux élections au Parlement européen, les ressortissants d’un État membre autre que la République tchèque peuvent figurer sur la liste des candidats présentée par les partis et mouvements politiques enregistrés ainsi que par leurs coalitions. La République tchèque affirme, sans que cela soit contesté par la Commission, qu’une telle candidature est également possible dans le cadre des élections municipales, sur une liste présentée
par un parti ou mouvement politique ou leur coalition, et que, en tout état de cause, les candidats indépendants peuvent constituer un parti électoral afin de se présenter à ces élections municipales.
139 S’il est donc possible, ainsi que le fait valoir la République tchèque, qu’un candidat qui n’est pas membre d’un parti ou d’un mouvement politique figure sur une liste de candidats présentée par un parti ou par un mouvement politique, ou par leur coalition, il convient de relever, d’une part, que le fait, pour un citoyen de l’Union résidant en République tchèque sans en avoir la nationalité qui souhaite prendre part à ces élections, de ne pas pouvoir devenir membre d’un parti ou d’un mouvement
politique, en application de l’article 1er et de l’article 2, paragraphe 3, de la loi relative aux partis et mouvements politiques, risque de l’exclure d’une participation à la décision dudit parti ou mouvement quant à son inscription sur cette liste de candidats ainsi qu’à la place qu’il pourrait occuper sur celle-ci, ou à tout le moins de limiter cette participation.
140 S’agissant des candidats potentiels qui partagent les idées politiques d’un parti ou d’un mouvement politique, l’interdiction de devenir membres de ces derniers, si elle ne rend pas leur inscription sur une liste d’un parti ou d’un mouvement politique impossible, complique à tout le moins celle-ci, dès lors que, en principe, ce sont les membres d’un parti ou d’un mouvement politique qui choisissent les candidats qui seront inscrits sur leurs listes ainsi que la place qu’ils occuperont sur
celles-ci, laquelle peut avoir une influence sur leurs chances d’être élus.
141 Cette circonstance place les citoyens de l’Union résidant en République tchèque sans en avoir la nationalité dans une situation moins favorable que celle des ressortissants tchèques, membres d’un parti ou d’un mouvement politique dans cet État membre, quant à la possibilité de se porter candidats aux élections municipales et au Parlement européen sur la liste d’un tel parti ou d’un tel mouvement politique, ou de leur coalition.
142 D’autre part, le fait que les ressortissants tchèques peuvent choisir de se porter candidats soit en tant que membres d’un parti ou d’un mouvement politique soit en tant que candidats indépendants, tandis que les citoyens de l’Union qui résident en République tchèque sans en avoir la nationalité ne disposent que de cette dernière possibilité, démontre, comme l’a indiqué M. l’avocat général au point 109 de ses conclusions, que ces citoyens de l’Union ne peuvent pas exercer leur droit
d’éligibilité à ces élections dans les mêmes conditions que les ressortissants tchèques.
143 La différence de traitement établie par l’article 1er et l’article 2, paragraphe 3, de la loi relative aux partis et mouvements politiques conduit donc à ce que les citoyens de l’Union qui résident en République tchèque sans en avoir la nationalité ne bénéficient pas d’un accès égal aux moyens dont disposent les ressortissants de cet État membre aux fins de l’exercice effectif de leur droit d’éligibilité aux élections municipales et au Parlement européen.
144 La République tchèque fait cependant valoir que les candidats sans affiliation politique sont nombreux, ne sont pas désavantagés et que l’appartenance à un parti ou à un mouvement politique n’affecte pas les chances des candidats d’être élus, celles-ci étant déterminées par l’activité et la personnalité de ceux-ci. Les données statistiques produites par cet État membre attesteraient ainsi de l’absence d’incidence négative de la législation en cause pour les citoyens de l’Union résidant dans
ledit État membre sans en avoir la nationalité, souhaitant se porter candidats aux élections municipales et au Parlement européen.
145 Or, des données statistiques qui reflètent la proportion de candidats indépendants aux élections municipales et au Parlement européen en général ne sont pas de nature à remettre en cause le constat, opéré au point 143 du présent arrêt, selon lequel la différence de traitement instaurée par la législation tchèque visée par le recours de la Commission prive les citoyens de l’Union qui résident en République tchèque sans en avoir la nationalité d’un accès égal aux moyens dont disposent les
ressortissants de cet État membre aux fins de l’exercice effectif de leur droit d’éligibilité aux élections municipales et au Parlement européen.
146 Certes, ces données permettent de constater que, s’agissant des élections au Parlement européen, la majeure partie des candidats et des élus ont été des membres d’un parti politique ou d’un mouvement politique, bien qu’une partie non négligeable de candidats et d’élus s’étaient présentés à ces élections en tant qu’indépendants. De plus, s’agissant des élections municipales, il est possible de déduire desdites données que, lors des quatre élections auxquelles elles se rapportent, la part de
candidats et d’élus membres de partis politiques était moindre que celle représentée par les candidats et élus indépendants.
147 Toutefois, ainsi que le soutient la Commission, ces constats ne permettent de tirer aucun enseignement décisif en ce qui concerne la situation spécifique des citoyens de l’Union résidant en République tchèque sans en avoir la nationalité s’agissant de l’exercice effectif de leur droit d’éligibilité aux élections municipales et au Parlement européen.
148 D’une part, ces citoyens bénéficient en général d’une notoriété moindre que les ressortissants de leur État membre de résidence et peuvent ainsi avoir davantage intérêt que ces ressortissants à bénéficier des structures et de l’image d’un parti en vue de mieux se faire connaître et de renforcer leurs chances d’être élus. D’autre part, les statistiques produites par la République tchèque ne fournissent aucune comparaison entre les citoyens de l’Union résidant dans cet État membre sans en avoir la
nationalité et les ressortissants de ce dernier concernant leurs chances respectives d’être admis en tant que candidats indépendants sur des listes présentées par un parti politique ou par un mouvement politique.
149 Quant aux arguments visant à relativiser l’intérêt de se porter candidat sur une liste d’un parti ou d’un mouvement politique lors des élections municipales, compte tenu des modalités du scrutin qui autorisent les électeurs à voter pour des candidats sur des listes différentes, ils ne permettent de tirer aucune conclusion quant à l’accès à une candidature sur une liste proposée par un parti ou par un mouvement politique par les citoyens de l’Union résidant en République tchèque sans en avoir la
nationalité.
150 En outre, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 111 de ses conclusions, la Commission, sans être contredite sur ce point par la République tchèque, fait valoir à juste titre que l’accès à une candidature indépendante est soumis à l’obligation légale de déposer une pétition signée par les électeurs, le nombre de signatures étant déterminé par la taille de la commune dans laquelle le candidat se présente, tandis que les candidats des partis ou des mouvements politiques ne sont pas
soumis à une telle obligation.
151 Enfin, si l’effet que produisent auprès des électeurs la personnalité des candidats aux élections et leurs activités ne saurait être sous-estimé, leur appartenance à un parti ou à un mouvement politique, qui, par essence, cherche à obtenir pour ses candidats un résultat favorable aux élections et dont les structures organisationnelles ainsi que les ressources humaines, administratives et financières sont dédiées à la poursuite de cet objectif, est de nature à favoriser leur élection.
152 Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de constater que la différence de traitement instaurée par l’article 1er et l’article 2, paragraphe 3, de la loi relative aux partis et mouvements politiques conduit à ce que les citoyens de l’Union qui résident en République tchèque sans en avoir la nationalité ne bénéficient pas d’un accès égal aux moyens dont disposent les ressortissants de cet État membre aux fins de l’exercice effectif de leur droit d’éligibilité aux élections municipales et au
Parlement européen et constitue donc une différence de traitement interdite, en principe, par l’article 22 TFUE.
– Sur le respect de l’identité nationale
153 Il convient encore d’examiner les arguments de la République tchèque selon lesquels l’article 1er et l’article 2, paragraphe 3, de la loi relative aux partis et mouvements politiques visent à assurer la protection du système politique et constitutionnel au niveau national et garantissent donc le respect de l’identité nationale, au sens de l’article 4, paragraphe 2, TUE, en réservant aux seuls citoyens tchèques le droit de devenir membre d’un parti ou d’un mouvement politique, dans la mesure où
ces derniers doivent être regardés comme une « plateforme clé » pour l’activité politique au niveau national.
154 À cet égard, il y a lieu de relever, premièrement, que l’organisation de la vie politique nationale, à laquelle contribuent les partis et les mouvements politiques, fait partie de l’identité nationale, au sens de l’article 4, paragraphe 2, TUE.
155 Toutefois, deuxièmement, dès lors que le droit de vote et d’éligibilité conféré aux citoyens de l’Union résidant dans un État sans en avoir la nationalité par l’article 22 TFUE concerne les élections municipales et au Parlement européen dans ledit État membre, cette disposition n’implique ni l’obligation, pour cet État membre, de faire bénéficier ces citoyens du droit de vote et d’éligibilité lors des élections nationales ni une interdiction, pour ce même État membre, d’adopter des règles
particulières relatives à la prise de décisions au sein d’un parti ou d’un mouvement politique quant à l’investiture des candidats aux élections nationales, qui excluraient que les membres du parti ou du mouvement qui ne sont pas des ressortissants dudit État participent à une telle prise de décision.
156 L’argument de la République tchèque selon lequel limiter l’activité ou la participation des citoyens de l’Union résidant dans un État membre sans en avoir la nationalité aux aspects liés exclusivement aux élections municipales ou au Parlement européen ne serait pas envisageable, dès lors qu’une telle réglementation serait contraire au principe fondamental de l’égalité de traitement des membres d’un parti ou d’un mouvement politique, ne saurait être accueilli.
157 En effet, il découle de l’article 22 TFUE que les citoyens de l’Union qui résident en République tchèque sans en avoir la nationalité ne se trouvent pas dans une situation comparable à celle des ressortissants de cet État membre en ce qui concerne l’exercice du droit de vote et l’éligibilité aux élections nationales, ce qui est susceptible de justifier un traitement différent des premiers par rapport aux seconds à cet égard.
158 Troisièmement, l’article 4, paragraphe 2, TUE doit être lu en tenant compte des dispositions de même rang, notamment les articles 2 et 10 TUE, et ne saurait dispenser les États membres du respect des exigences découlant de celles-ci [voir, en ce sens, arrêt du 5 juin 2023, Commission/Pologne (Indépendance et vie privée des juges), C‑204/21, EU:C:2023:442, point 72].
159 À cet égard, il importe de rappeler que le principe de démocratie et le principe d’égalité de traitement constituent des valeurs sur lesquelles l’Union est fondée, conformément à l’article 2 TUE (voir, en ce sens, arrêt du 3 juin 2021, Hongrie/Parlement, C‑650/18, EU:C:2021:426, point 94).
160 L’article 2 TUE ne constitue pas une simple énonciation d’orientations ou d’intentions de nature politique, mais contient des valeurs qui relèvent de l’identité même de l’Union en tant qu’ordre juridique commun, valeurs qui sont concrétisées dans des principes comportant des obligations juridiquement contraignantes pour les États membres (arrêts du 16 février 2022, Hongrie/Parlement et Conseil, C‑156/21, EU:C:2022:97, point 232, ainsi que du 16 février 2022, Pologne/Parlement et Conseil,
C‑157/21, EU:C:2022:98, point 264).
161 En outre, ainsi qu’il ressort du point 114 du présent arrêt, aux termes de l’article 10, paragraphe 1, TUE, le fonctionnement de l’Union est fondé sur le principe de démocratie représentative, qui concrétise la valeur de démocratie mentionnée à l’article 2 TUE (arrêt du 19 décembre 2019, Junqueras Vies, C‑502/19, EU:C:2019:1115, point 63 et jurisprudence citée).
162 En garantissant aux citoyens de l’Union résidant dans un État membre sans en avoir la nationalité le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales ainsi qu’au Parlement européen dans ledit État membre, et ce dans les mêmes conditions qu’aux ressortissants de celui-ci, l’article 22 TFUE concrétise les principes de démocratie de même que, comme il a été relevé au point 97 du présent arrêt, d’égalité de traitement des citoyens de l’Union, lesquels principes relèvent de l’identité et des
valeurs communes de l’Union, auxquels adhèrent les États membres et dont ils doivent veiller à assurer le respect sur leur territoire.
163 Par conséquent, admettre que de tels citoyens de l’Union deviennent membres d’un parti ou d’un mouvement politique dans leur État membre de résidence afin de mettre pleinement en œuvre les principes de démocratie et d’égalité de traitement ne saurait être considéré comme portant atteinte à l’identité nationale de cet État membre.
164 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que, en refusant aux citoyens de l’Union qui n’ont pas la nationalité tchèque mais qui résident en République tchèque le droit de devenir membre d’un parti politique ou d’un mouvement politique, la République tchèque a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 22 TFUE.
Sur les dépens
165 En vertu de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens. La République tchèque ayant succombé dans le cadre du présent recours, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.
166 Aux termes de l’article 140, paragraphe 1, de ce règlement, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Par conséquent, la République de Pologne supportera ses propres dépens.
Par ces motifs, la Cour (grande chambre) déclare et arrête :
1) En refusant aux citoyens de l’Union qui n’ont pas la nationalité tchèque mais qui résident en République tchèque le droit de devenir membre d’un parti politique ou d’un mouvement politique, la République tchèque a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 22 TFUE.
2) La République tchèque est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.
3) La République de Pologne supporte ses propres dépens.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : le tchèque.