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11/07/2024 | CJUE | N°C-601/22

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Umweltverband WWF Österreich e.a. contre Tiroler Landesregierung., 11/07/2024, C-601/22


 ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

11 juillet 2024 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Validité et interprétation – Conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages – Directive 92/43/CEE – Article 12, paragraphe 1 – Système de protection stricte des espèces animales – Annexe IV – Canis lupus (loup) – Égalité de traitement entre États membres – Article 16, paragraphe 1 – Autorisation nationale du prélèvement d’un spécimen d’animal sauvage de l’espèce canis lupus – Évaluation de l’é

tat de conservation des populations de l’espèce
concernée – Portée géographique – Détermination du dommage – Solution satis...

 ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

11 juillet 2024 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Validité et interprétation – Conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages – Directive 92/43/CEE – Article 12, paragraphe 1 – Système de protection stricte des espèces animales – Annexe IV – Canis lupus (loup) – Égalité de traitement entre États membres – Article 16, paragraphe 1 – Autorisation nationale du prélèvement d’un spécimen d’animal sauvage de l’espèce canis lupus – Évaluation de l’état de conservation des populations de l’espèce
concernée – Portée géographique – Détermination du dommage – Solution satisfaisante alternative »

Dans l’affaire C‑601/22,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Landesverwaltungsgericht Tirol (tribunal administratif régional du Tyrol, Autriche), par décision du 19 septembre 2022, parvenue à la Cour le 19 septembre 2022, dans la procédure

Umweltverband WWF Österreich,

ÖKOBÜRO – Allianz der Umweltbewegung,

Naturschutzbund Österreich,

Umweltdachverband,

Wiener Tierschutzverein

contre

Tiroler Landesregierung,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Arabadjiev (rapporteur), président de chambre, MM. T. von Danwitz, P. G. Xuereb, A. Kumin et Mme I. Ziemele, juges,

avocat général : Mme T. Ćapeta,

greffier : M. D. Dittert, chef d’unité,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 25 octobre 2023,

considérant les observations présentées :

– pour Umweltverband WWF Österreich et ÖKOBÜRO – Allianz der Umweltbewegung, puis pour Umweltdachverband, par Me G. K. Jantschgi, Rechtsanwältin,

– pour Wiener Tierschutzverein, par Mme M. Lehner, assistée de M. C. Pichler, en qualité d’expert,

– pour la Tiroler Landesregierung, par MM. J. Egger et C. Ranacher, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement autrichien, par M. A. Posch, Mmes J. Schmoll et A. Kögl, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement danois, par Mmes J. F. Kronborg et C. A.‑S. Maertens, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement français, par MM. R. Bénard et M. De Lisi, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement finlandais, par Mme H. Leppo, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement suédois, par Mmes F.-L. Göransson et H. Shev, en qualité d’agents,

– pour le Conseil de l’Union européenne, par Mmes T. Haas et A. Maceroni, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par MM. C. Hermes et M. Noll‑Ehlers, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 18 janvier 2024,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur la validité de l’article 12, paragraphe 1, de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JO 1992, L 206, p. 7), telle que modifiée par la directive 2013/17/UE du Conseil, du 13 mai 2013 (JO 2013, L 158, p. 193) (ci‑après la « directive “habitats”»), lu en combinaison avec l’annexe IV de cette directive, ainsi que sur l’interprétation de
l’article 16, paragraphe 1, de ladite directive.

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant plusieurs organisations de protection animale et de l’environnement, à savoir Umweltverband WWF Österreich, ÖKOBÜRO – Allianz der Umweltbewegung, Naturschutzbund Österreich, Umweltdachverband et Wiener Tierschutzverein, à la Tiroler Landesregierung (gouvernement du Land du Tyrol, Autriche) au sujet d’une dérogation temporaire, accordée par ce gouvernement, à l’interdiction de chasser un spécimen d’animal sauvage appartenant à
l’espèce canis lupus (loup).

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 L’article 1er de la directive « habitats », intitulé « Définitions », dispose :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

i) état de conservation d’une espèce : l’effet de l’ensemble des influences qui, agissant sur l’espèce, peuvent affecter à long terme la répartition et l’importance de ses populations sur le territoire visé à l’article 2 ;

“L’état de conservation” sera considéré comme “favorable”, lorsque :

– les données relatives à la dynamique de la population de l’espèce en question indiquent que cette espèce continue et est susceptible de continuer à long terme à constituer un élément viable des habitats naturels auxquels elle appartient

et

– l’aire de répartition naturelle de l’espèce ne diminue ni ne risque de diminuer dans un avenir prévisible

et

– il existe et il continuera probablement d’exister un habitat suffisamment étendu pour que ses populations se maintiennent à long terme ;

[...] »

4 L’article 2 de cette directive prévoit :

« 1.   La présente directive a pour objet de contribuer à assurer la biodiversité par la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages sur le territoire européen des États membres où le traité s’applique.

2.   Les mesures prises en vertu de la présente directive visent à assurer le maintien ou le rétablissement, dans un état de conservation favorable, des habitats naturels et des espèces de faune et de flore sauvages d’intérêt communautaire.

3.   Les mesures prises en vertu de la présente directive tiennent compte des exigences économiques, sociales et culturelles, ainsi que des particularités régionales et locales. »

5 L’article 12, paragraphe 1, de ladite directive énonce :

« Les États membres prennent les mesures nécessaires pour instaurer un système de protection stricte des espèces animales figurant à l’annexe IV point a), dans leur aire de répartition naturelle, interdisant :

a) toute forme de capture ou de mise à mort intentionnelle de spécimens de ces espèces dans la nature ;

b) la perturbation intentionnelle de ces espèces notamment durant la période de reproduction, de dépendance, d’hibernation et de migration ;

c) la destruction ou le ramassage intentionnels des œufs dans la nature ;

d) la détérioration ou la destruction des sites de reproduction ou des aires de repos. »

6 L’article 16, paragraphe 1, de la même directive est ainsi libellé :

« À condition qu’il n’existe pas une autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle, les États membres peuvent déroger aux dispositions des articles 12, 13, 14 et de l’article 15 points a) et b) :

a) dans l’intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels ;

b) pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l’élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d’autres formes de propriété ;

[...] »

7 L’article 19, paragraphe 2, de la directive « habitats » précise que « [l]es modifications nécessaires pour adapter au progrès technique et scientifique l’annexe IV de la présente directive sont arrêtées par le Conseil [de l’Union européenne], statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission [européenne] ».

8 Au nombre des espèces animales « présentant un intérêt communautaire et nécessitant une protection stricte », dont la liste est établie à l’annexe IV, sous a), de la directive « habitats », figure, notamment, le canis lupus (loup), « excepté les populations grecques au nord du 39e parallèle ; les populations estoniennes ; les populations espagnoles au nord du Duero ; les populations bulgares, lettones, lituaniennes, polonaises et slovaques et les populations finlandaises à l’intérieur de la zone
de gestion des rennes telle que définie au paragraphe 2 de la loi finlandaise no 848/90 du 14 septembre 1990 relative à la gestion des rennes ».

Le droit autrichien

9 L’article 36, paragraphe 2, du Tiroler Jagdgesetz (loi du Land du Tyrol relative à la chasse), du 15 juin 2004 (LGBl. 41/2004), dans sa version du 30 juin 2022 applicable aux faits du litige au principal (ci-après le « TJG 2004 »), dispose, en substance, que, en dehors de la période de chasse fixée, aucune espèce sauvage ne doit être chassée.

10 L’article 52a du TJG 2004, intitulé « Mesures particulières pour la prévention des dommages causés par les ours, les loups et les lynx », prévoit, à son paragraphe 8, en substance, que, sur la base d’une recommandation du comité d’experts, le gouvernement du Land du Tyrol peut constater, par règlement, qu’un ours, un loup ou un lynx déterminé présente un danger immédiat pour la sécurité des personnes ou un important danger immédiat pour les animaux en pâturage, ainsi que les cultures et les
installations agricoles.

11 Aux termes de l’article 52a, paragraphe 9, du TJG 2004 :

« En cas d’adoption d’un règlement en vertu du paragraphe 8, le gouvernement du Land, pour autant qu’il existe une recommandation du comité d’experts, qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations de l’espèce concernée dans son aire de répartition naturelle, exclut certains ours, loups ou lynx par décision de l’interdiction énoncée à l’article 36, paragraphe 2, première phrase. Ces
dérogations peuvent uniquement être accordées :

a) pour la protection d’autres animaux et plantes sauvages, ainsi que la conservation de leurs habitats naturels ;

b) pour la prévention des dommages importants aux cultures et à l’élevage, ainsi qu’aux forêts, aux pêcheries, aux eaux, et à d’autres formes de propriété ;

c) dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques, ou pour d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, ou ayant un effet positif sur l’environnement, et

d) à des fins de recherche et d’enseignement. »

12 L’article 52a, paragraphe 10, du TJG 2004 dispose :

« La décision de dérogation adoptée au titre du paragraphe 9 précise en tout état de cause :

a) les fins auxquelles la dérogation est accordée ;

b) l’espèce animale visée par la dérogation ainsi que, le cas échéant, le sexe, l’âge, ou d’autres éléments d’identification du ou des spécimen(s) concerné(s) ;

c) la période pour laquelle la dérogation est accordée ;

d) la zone géographique pour laquelle la dérogation est accordée, et

e) les mesures autorisées par les dispositions de la présente loi et les règlements adoptés en vertu de celle-ci, telles que l’utilisation de certaines armes ou munitions, de certains dispositifs de capture ou l’application de certaines méthodes ;

f) le cas échéant, d’autres restrictions personnelles et matérielles auxquelles la dérogation est soumise. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

13 Dans un avis du 25 juillet 2022, un comité d’experts indépendant a relevé que, entre le 10 juin et le 2 juillet 2022, un loup identifié, à savoir le loup 158MATK, avait tué environ 20 moutons d’un troupeau se situant sur des pâturages non protégés au sein du Land du Tyrol. Estimant que ce loup représentait un important danger immédiat pour les animaux en pâturage et dès lors que les alpages en question étaient impossibles à protéger, ce comité a recommandé le prélèvement dudit loup.

14 À la suite de cet avis, le gouvernement du Land du Tyrol a, par règlement du 26 juillet 2022, constaté que le loup 158MATK représentait un important danger immédiat pour les animaux en pâturage, les cultures et les installations agricoles. Ce règlement est entré en vigueur le 29 juillet 2022 sans limitation dans le temps.

15 En conséquence, par décision du 29 juillet 2022, le gouvernement du Land du Tyrol a autorisé le prélèvement du loup 158MATK, en l’excluant de la protection permanente prévue par le TJG 2004. En outre, cette décision prévoit que la dérogation à la protection permanente de l’espèce du loup est limitée dans le temps, celle-ci prenant fin le 31 octobre 2022 et devenant caduque avant cette date si la présence du loup 158MATK bien à l’extérieur de la zone géographique concernée est établie à plusieurs
reprises par des techniques de biologie moléculaire.

16 En premier lieu, pour justifier cette dérogation, le gouvernement du Land du Tyrol a invoqué, dans la décision susmentionnée, trois catégories de dommages qui se sont produits ou risquent de se produire. Premièrement, il s’agit des dommages imputables au loup 158MATK sous la forme de pertes économiques directes et indirectes, liées à la perte des animaux tués, au surcoût de la descente d’alpage prématurée, à la perte de valeur pour l’élevage, à l’augmentation des frais d’entretien et
d’alimentation des animaux désormais gardés dans l’exploitation d’origine, et à la réduction, à long terme, de l’élevage dans les exploitations en cas de cessation du pâturage en alpage. Deuxièmement, sont concernés des dommages immatériels résultant de la perte de la joie d’élever du bétail et du stress psychologique subi par les exploitants des alpages concernés. Troisièmement, sont en cause des dommages indirects, qui ne sont pas imputables au loup 158MATK, et qui résultent des abandons
d’exploitation ainsi que de la réduction du nombre total d’animaux qui en découle. Cette situation trouverait son origine dans la non-utilisation du fourrage qui pousse en alpage, l’avancée des forêts, l’embroussaillement des alpages, l’érosion des sols ainsi que la perte de biodiversité et des paysages attractifs d’une grande importance pour les loisirs et le tourisme.

17 En deuxième lieu, dans sa décision du 29 juillet 2022, le gouvernement du Land du Tyrol constate l’absence d’alternative satisfaisante, précisant, d’une part, que le retrait d’un loup adulte de la nature pour le garder durablement en captivité ne constitue pas une mesure moins radicale adéquate compte tenu de la souffrance importante qu’elle causerait au loup qui, ayant jusque-là vécu en liberté, ne pourrait s’adapter à une vie en captivité. D’autre part, les mesures de protection des troupeaux
ne constitueraient pas davantage une autre solution satisfaisante.

18 En troisième lieu, en ce qui concerne l’état de conservation des populations de l’espèce concernée dans son aire de répartition naturelle, le gouvernement du Land du Tyrol a précisé que, en l’occurrence, le prélèvement d’un spécimen de l’espèce du loup n’a pas pour effet d’affecter l’état de conservation favorable de la population alpine de cette espèce et que, même si seul était pris en compte le territoire autrichien, sur lequel l’état de conservation n’est pas encore favorable, il n’y aurait
pas lieu de s’attendre à une aggravation de cet état ou à ce que le rétablissement dans un état de conservation favorable se trouve entravé.

19 Les requérantes au principal ont introduit un recours contre la décision du 29 juillet 2022 devant le Landesverwaltungsgericht Tirol (tribunal administratif régional du Tyrol, Autriche), à savoir la juridiction de renvoi, faisant valoir que cette décision ne répond pas aux exigences posées à l’article 16, paragraphe 1, de la directive « habitats ».

20 Cette juridiction précise, à titre liminaire, que, nonobstant le fait que la décision du 29 juillet 2022 du gouvernement du Land du Tyrol autorisant la chasse d’un spécimen de loup n’est en vigueur que jusqu’au 31 octobre 2022, une réponse à la présente demande de décision préjudicielle s’avère néanmoins pertinente dans le cadre du litige au principal étant donné que le règlement du Land du Tyrol sur lequel est fondée cette décision n’a pas, quant à lui, de limitation dans le temps, de sorte
qu’une nouvelle décision concernant le loup 158MATK pourrait être adoptée à tout moment.

21 Quant au fond, la juridiction de renvoi relève, tout d’abord, que, conformément à l’annexe IV de la directive « habitats », certaines populations de loups au sein de l’Union européenne, parmi lesquelles ne figure pas la population de l’espèce située sur le territoire autrichien, se trouvent exclues du système de protection stricte instauré à l’article 12 de cette directive. Or, considérant que la population de loups en Autriche s’est développée et, partant, ne peut plus être considérée comme
étant isolée, cette juridiction se demande si le maintien de cette population en Autriche sur la liste des espèces animales qui doivent être strictement protégées n’est pas contraire au principe d’égalité entre les États membres, tel que consacré à l’article 4, paragraphe 2, TUE, si et dans la mesure où les États membres, dont la République d’Autriche, se trouvent actuellement dans la même situation ou, à tout le moins, dans une situation comparable.

22 Ensuite, elle s’interroge sur l’étendue du territoire à prendre en considération aux fins de l’appréciation de l’état de conservation favorable de l’espèce du loup, telle qu’exigée au titre de l’octroi d’une dérogation fondée sur l’article 16, paragraphe 1, de la directive « habitats », dans la mesure où la Cour a indiqué, dans l’arrêt du 10 octobre 2019, Luonnonsuojeluyhdistys Tapiola (C‑674/17, EU:C:2019:851, point 58), que, dans le cadre d’une telle appréciation, « il appartient à l’autorité
nationale compétente de déterminer [cet état de conservation], notamment au niveau national ou, le cas échéant, au niveau de la région biogéographique visée lorsque les frontières de cet État membre chevauchent plusieurs régions biogéographiques, ou encore si l’aire de répartition naturelle de l’espèce l’exige et, dans la mesure du possible, sur le plan transfrontalier ».

23 La juridiction de renvoi souligne, en outre, qu’il ressort du document d’orientation sur la protection stricte des espèces animales d’intérêt communautaire en vertu de la directive « habitats » C(2021) 7301 final, communiqué par la Commission le 12 octobre 2021 (ci‑après le « document d’orientation »), que la notion de « dommages importants » tient compte des intérêts économiques, de sorte que cette juridiction se demande si un dommage économique futur indirect, non imputable à un spécimen de
loup, tel que la non-utilisation du fourrage qui pousse en alpage, l’avancée des forêts, l’embroussaillement des alpages, l’érosion des sols ainsi que la perte de biodiversité et des paysages attractifs d’une grande importance pour les loisirs et le tourisme, peut être pris en considération au titre de l’appréciation de cette notion.

24 Enfin, cette juridiction fait état de la situation spécifique du Land du Tyrol, caractérisée par des exploitations agricoles de petite taille et des alpages impossibles à protéger ou ne pouvant l’être par des mesures raisonnables et proportionnées de protection des troupeaux, telles que la construction de clôtures, l’utilisation de chiens de berger ou l’accompagnement des troupeaux par des bergers. Partant, elle s’interroge sur la possibilité de prendre en compte ces spécificités dans le cadre de
la détermination d’une « autre solution satisfaisante », au sens de l’article 16, paragraphe 1, de la directive « habitats ».

25 Dans ces conditions, le Landesverwaltungsgericht Tirol (tribunal administratif régional du Tyrol) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) L’article 12[, paragraphe 1,] de la directive [“habitats”], lu en combinaison avec l’annexe IV de cette directive, en vertu duquel le loup relève du système de protection stricte, mais des populations dans plusieurs États membres sont exceptées de ce régime, aucune exception en ce sens n’étant toutefois prévue en ce qui concerne [la République d’]Autriche, viole-t-il le “principe d’égalité de traitement des États membres” inscrit à l’article 4, paragraphe 2, TUE ?

2) Convient-il d’interpréter l’article 16, paragraphe 1, de la [directive “habitats”], en vertu duquel il n’est permis de déroger au système de protection stricte du loup qu’à condition, entre autres, que la dérogation ne nuise pas au maintien, “dans un état de conservation favorable”, des populations des espèces concernées “dans leur aire de répartition naturelle”, en ce sens que c’est non pas sur le territoire d’un État membre, mais sur l’aire de répartition naturelle d’une population, laquelle
peut couvrir une région biogéographique considérablement plus étendue qui dépasse les frontières d’un seul pays, que l’état de conservation favorable doit être maintenu ou rétabli ?

3) Convient-il d’interpréter l’article 16, paragraphe 1, sous b), de la [directive “habitats”], en ce sens qu’il convient de retenir, à titre de “dommage important”, outre le dommage direct causé par un loup déterminé, également le dommage indirect (futur) à l’économie nationale, qui ne peut être attribué à un loup déterminé ?

4) Convient-il d’interpréter l’article 16, paragraphe 1, de la [directive “habitats”], en ce sens qu’il convient d’examiner les “autres solutions satisfaisantes”, compte tenu de la topographie ainsi que de la structure de l’agriculture en alpage et des exploitations dans le Land du Tyrol, uniquement quant à leur faisabilité effective ou également au regard de critères économiques ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

26 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 12, paragraphe 1, de la directive « habitats », lu en combinaison avec l’annexe IV de cette directive, est valide au regard du principe d’égalité entre les États membres, tel que consacré à l’article 4, paragraphe 2, TUE, dans la mesure où cette annexe IV excepte les populations de loups situées sur le territoire de certains États membres du système de protection stricte mis en place à l’article 12 de ladite
directive, mais n’excepte pas la population de loups présente en Autriche.

27 En particulier, la juridiction de renvoi met en doute la validité de cet article 12 au motif que, eu égard à l’évolution de la situation depuis l’entrée en vigueur de la directive « habitats », la distinction entre, d’une part, les États membres dont la population de loups se trouve exceptée du système de protection stricte et, d’autre part, la République d’Autriche sur le territoire de laquelle cette espèce animale ne bénéficie pas d’une telle exception, ne serait plus justifiée étant donné que,
sur le territoire autrichien, la population de loups ne serait plus une population isolée par rapport aux autres populations de loups. Cette juridiction se demande, partant, si l’absence d’exception au système de protection stricte en ce qui concerne la République d’Autriche méconnaît le principe d’égalité de traitement.

Sur la recevabilité

28 À titre liminaire, il convient de relever que, lors de l’audience, Umweltverband WWF Österreich, ÖKOBÜRO – Allianz der Umweltbewegung et Umweltdachverband ont fait valoir que la première question était irrecevable dès lors que la réponse à cette question n’aurait aucune influence sur l’issue du litige au principal. Selon le Conseil, ladite question serait irrecevable dès lors que le litige au principal concernerait uniquement l’article 16 de la directive « habitats », et non pas l’article 12 de
celle-ci, sur lequel porte la même question. La Commission s’est, en substance, ralliée à cette argumentation du Conseil.

29 À cet égard, il convient de rappeler que, dès lors que les questions préjudicielles posées par le juge national, sous sa propre responsabilité, portent sur la validité d’une règle de droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer, à moins que, notamment, les exigences concernant le contenu de la demande de décision préjudicielle figurant à l’article 94 du règlement de procédure de la Cour ne soient pas respectées, qu’il apparaisse de manière manifeste que l’interprétation ou
l’appréciation de la validité d’une telle règle n’ont aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, ou que le problème soit de nature hypothétique (arrêt du 9 juin 2022, Préfet du Gers et Institut national de la statistique et des études économiques, C‑673/20, EU:C:2022:449, point 87 ainsi que jurisprudence citée).

30 Or, en l’occurrence, il suffit de constater, ainsi que le relève Mme l’avocate générale aux points 40 et 41 de ses conclusions, que, si la Cour constatait que l’article 12, paragraphe 1, de la directive « habitats », lu en combinaison avec l’annexe IV de cette directive, est invalide, cela aurait une influence sur le litige au principal en ce que celui-ci porte sur l’article 16, paragraphe 1, de ladite directive. En effet, cette dernière disposition constitue une dérogation à cet article 12. Or,
une dérogation ne saurait exister en l’absence de règle principale. En d’autres termes, dans un tel cas de figure, il conviendrait d’abord de déterminer le nouveau contenu de l’article 12 de la directive« habitats », lu en combinaison avec l’annexe IV de cette directive, avant d’apprécier si la dérogation figurant à l’article 16, paragraphe 1, de ladite directive est applicable au litige au principal, voire s’il est encore nécessaire de recourir à cette dérogation.

31 Eu égard à ce qui précède, la première question est recevable.

Sur le fond

32 Il convient de rappeler que l’article 4, paragraphe 2, TUE prévoit que l’Union respecte l’égalité des États membres devant les traités.

33 Par ailleurs, le principe général d’égalité de traitement exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’une telle différenciation ne soit objectivement justifiée (voir, en ce sens, arrêt du 18 avril 2024, Dumitrescu e.a./Commission et Cour de justice, C‑567/22 P à C‑570/22 P, EU:C:2024:336, point 67 ainsi que jurisprudence citée).

34 Selon une jurisprudence constante, la violation du principe d’égalité de traitement du fait d’un traitement différencié présuppose que les situations visées sont comparables eu égard à l’ensemble des éléments qui les caractérisent. Les éléments qui caractérisent différentes situations et ainsi leur caractère comparable doivent, notamment, être déterminés et appréciés à la lumière de l’objet des dispositions en cause et du but poursuivi par celles-ci, étant entendu qu’il doit être tenu compte, à
cet effet, des principes et des objectifs du domaine dont relève l’acte en cause (arrêt du 30 novembre 2023, MG/BEI, C‑173/22 P, EU:C:2023:932, point 46 et jurisprudence citée).

35 Afin de répondre à la première question posée par la juridiction de renvoi, il convient d’emblée de rappeler que la validité d’un acte de l’Union doit être appréciée par rapport aux éléments dont le législateur de l’Union disposait à la date d’adoption de la réglementation en cause (arrêt du 22 février 2022, Stichting Rookpreventie Jeugd e.a., C‑160/20, EU:C:2022:101, point 67 ainsi que jurisprudence citée).

36 En l’occurrence, la directive « habitats » a été adoptée le 21 mai 1992 et a été modifiée par l’acte relatif aux conditions d’adhésion de la République d’Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (JO 1994, C 241, p. 21, et JO 1995, L 1, p. 1) à la suite de l’adhésion de la République d’Autriche à l’Union le 1er janvier 1995.

37 À cet égard, ainsi qu’il ressort des éléments du dossier soumis à la Cour, il y a lieu de constater que la République d’Autriche n’a formulé, à cette dernière date, aucune réserve quant à l’inscription à l’annexe IV de la directive « habitats » de la population de loups présente sur son territoire ni apporté aucun élément de preuve de nature à démontrer qu’elle se trouvait dans une situation comparable à celle des autres États membres dont la population de loups était, à la même date, exceptée du
système de protection stricte.

38 Force est également de constater que tant le gouvernement du Land du Tyrol que le gouvernement autrichien se limitent à remettre en cause, dans leurs observations, la validité de l’article 12, paragraphe 1, de la directive « habitats », lu en combinaison avec l’annexe IV de cette directive en raison de l’évolution favorable qu’aurait connue la population de loups sur le territoire autrichien depuis l’adhésion de la République d’Autriche à l’Union, telle qu’exposée au point 27 du présent arrêt, ce
qui correspond précisément à l’un des objectifs poursuivis par ladite directive, tels qu’énoncés à son article 2.

39 En outre, il ressort de la même directive que celle-ci permet de prendre en considération les évolutions susceptibles d’intervenir dans le domaine dont relève la directive « habitats », celui de la politique de l’Union en matière d’environnement, dont l’article 191, paragraphe 2, TFUE dispose qu’elle vise un « niveau de protection élevé, en tenant compte de la diversité des situations dans les différentes régions de l’Union » et qu’elle est notamment fondée sur les principes de précaution et
d’action préventive. En effet, afin d’adapter ce cadre technique complexe à caractère évolutif, le législateur de l’Union a inséré, à l’article 19, paragraphe 2, de cette directive, une clause d’évolution, permettant au Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission, d’adapter l’annexe IV de ladite directive au progrès technique et scientifique.

40 À cet égard, il importe de relever que le gouvernement autrichien fait, en substance, valoir que le législateur de l’Union aurait dû recourir à l’article 19, paragraphe 2, de la directive « habitats » afin de retirer la population de loups en Autriche du système de protection stricte prévu à l’article 12 de cette directive.

41 Ce faisant, il y a lieu de considérer que ce gouvernement ne remet pas en cause la validité en tant que telle de ladite directive, mais conteste, en réalité, une éventuelle inaction du législateur de l’Union. Or, ainsi que la Cour l’a déjà jugé, une juridiction nationale ne saurait demander à la Cour de constater, à titre préjudiciel, la carence d’une institution de l’Union, carence qui ne peut être établie que dans le cadre d’un recours en ce sens introduit par un État membre, sur le fondement
de l’article 265 TFUE, contre une institution, un organe, un organisme ou une agence de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 26 novembre 1996, T. Port, C‑68/95, EU:C:1996:452, point 53). Ainsi que le gouvernement autrichien l’a précisé lors de l’audience, la République d’Autriche n’a pas, à ce jour, introduit un tel recours.

42 Partant, à supposer même que le législateur de l’Union ait été tenu d’agir en adaptant, sur le fondement de l’article 19 de la directive « habitats », l’annexe IV de celle-ci afin de retirer le loup présent en Autriche du système de protection stricte, il n’en demeure pas moins que l’éventuelle carence du législateur de l’Union à cet égard ne saurait constituer, ainsi que le souligne Mme l’avocate générale au point 60 de ses conclusions, un motif d’invalidité de l’article 12, paragraphe 1, de
cette directive, lu en combinaison avec ladite annexe IV.

43 En tout état de cause, il importe de souligner, d’une part, que le classement du loup a été maintenu dans la liste des espèces visées à l’annexe II de la convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe, signée le 19 septembre 1979 à Berne (JO 1982, L 38, p. 3), faisant l’objet d’une protection stricte en vertu de cette convention, à laquelle l’Union est partie et qui la lie au titre du droit international, ainsi que l’ont observé le Conseil et la
Commission et tel que l’a également souligné Mme l’avocate générale au point 56 de ses conclusions.

44 D’autre part, ainsi que la Cour l’a déjà jugé, il résulte des objectifs de la directive « habitats », visant à assurer le maintien ou le rétablissement, dans un état de conservation favorable, des habitats naturels et des espèces de faune et de flore sauvages d’intérêt pour l’Union, que, dans la mesure où cette directive vise également le « maintien » d’un état de conservation favorable, il convient de considérer que les espèces qui ont atteint un tel état de conservation doivent être protégées
contre toute détérioration de cet état. Partant, l’article 12, paragraphe 1, de ladite directive ne saurait être interprété en ce sens que la protection que cette disposition prévoit cesse de s’appliquer aux espèces qui ont atteint un état de conservation favorable (voir, en ce sens, arrêt du 4 mars 2021, Föreningen Skydda Skogen, C‑473/19 et C‑474/19, EU:C:2021:166, points 65 et 66).

45 Or, en l’occurrence, ainsi qu’il ressort du dossier soumis à la Cour, si la population de loups est, certes, de retour sur le territoire autrichien, il n’en demeure pas moins que, comme le gouvernement autrichien l’a lui‑même admis dans ses observations et l’a confirmé lors de l’audience, cette population ne s’y trouve pas dans un état de conservation favorable.

46 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que l’examen de celle-ci n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité de l’article 12, paragraphe 1, de la directive « habitats », lu en combinaison avec l’annexe IV de cette directive.

Sur la deuxième question

47 Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 16, paragraphe 1, de la directive « habitats » doit être interprété en ce sens que la condition qui y est énoncée, selon laquelle la dérogation accordée au titre de cette disposition ne doit pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle, doit être appréciée en tenant compte uniquement du territoire local et national
de l’État membre concerné ou en se fondant sur l’ensemble de la région biogéographique, laquelle dépasse les frontières nationales.

48 En particulier, la juridiction de renvoi tend à considérer que, eu égard à l’arrêt du 10 octobre 2019, Luonnonsuojeluyhdistys Tapiola (C‑674/17, EU:C:2019:851), il conviendrait, dans le cadre de l’examen à effectuer au titre de l’article 16, paragraphe 1, de la directive « habitats », de prendre en compte une région géographique plus étendue que celle du territoire de la République d’Autriche, de sorte que le risque de détérioration de l’état de conservation favorable de l’espèce du loup qui
prévaut dans cette région serait écarté.

49 À cet égard, il convient, tout d’abord, de rappeler que, selon une jurisprudence constante, si l’article 16, paragraphe 1, de la directive « habitats » autorise les États membres à déroger aux dispositions des articles 12 à 14 ainsi que de l’article 15, sous a) et b), de celle-ci, une dérogation adoptée sur ce fondement est soumise, dans la mesure où elle permet à ces États membres d’échapper aux obligations qu’implique le système de protection stricte des espèces naturelles, à la condition qu’il
n’existe pas une autre solution satisfaisante et que cette dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle (arrêt du 11 juin 2020, Alianța pentru combaterea abuzurilor, C‑88/19, EU:C:2020:458, point 24 et jurisprudence citée).

50 Il importe de souligner, ensuite, que l’article 16, paragraphe 1, de la directive « habitats », qui définit de façon précise et exhaustive les conditions dans lesquelles les États membres peuvent déroger aux articles 12 à 14 ainsi qu’à l’article 15, sous a) et b), de celle-ci, constitue une exception au système de protection prévu par ladite directive, qui doit être interprétée de manière restrictive et qui fait peser la charge de la preuve de l’existence des conditions requises, pour chaque
dérogation, sur l’autorité qui en prend la décision (arrêt du 11 juin 2020, Alianța pentru combaterea abuzurilor, C‑88/19, EU:C:2020:458, point 25 et jurisprudence citée).

51 Enfin, la Cour a précisé qu’une dérogation fondée sur l’article 16, paragraphe 1, de la directive « habitats » ne peut constituer qu’une application concrète et ponctuelle pour répondre à des exigences précises et à des situations spécifiques (arrêt du 10 octobre 2019, Luonnonsuojeluyhdistys Tapiola, C‑674/17, EU:C:2019:851, point 41 et jurisprudence citée).

52 Ainsi qu’il ressort du point 49 du présent arrêt, figure, au titre des conditions énoncées à l’article 16, paragraphe 1, de la directive « habitats », celle selon laquelle la dérogation ne saurait nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, aux populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle. En effet, l’état de conservation favorable desdites populations dans leur aire de répartition naturelle est une condition nécessaire et préalable à l’octroi des
dérogations que ledit article 16, paragraphe 1, prévoit (arrêt du 10 octobre 2019, Luonnonsuojeluyhdistys Tapiola, C‑674/17, EU:C:2019:851, point 55 et jurisprudence citée).

53 À cet égard, il convient de rappeler que l’article 1er, sous i), de la directive « habitats » qualifie un état de conservation comme étant favorable lorsque, premièrement, les données relatives à la dynamique de la population de l’espèce en question indiquent que cette espèce continue et est susceptible de continuer à long terme à constituer un élément viable des habitats naturels auxquels elle appartient, deuxièmement, l’aire de répartition naturelle de l’espèce ne diminue ni ne risque de
diminuer dans un avenir prévisible et, troisièmement, il existe et il continuera probablement d’exister un habitat suffisamment étendu pour que ses populations se maintiennent à long terme (arrêt du 10 octobre 2019, Luonnonsuojeluyhdistys Tapiola, C‑674/17, EU:C:2019:851, point 56).

54 Une dérogation au titre de l’article 16, paragraphe 1, de la directive « habitats » doit ainsi être fondée sur des critères définis de manière à assurer la préservation à long terme de la dynamique et de la stabilité sociale de l’espèce visée (arrêt du 10 octobre 2019, Luonnonsuojeluyhdistys Tapiola, C‑674/17, EU:C:2019:851, point 57).

55 Il s’ensuit que, lors de l’appréciation de l’octroi d’une dérogation fondée sur ledit article 16, paragraphe 1, il appartient à l’autorité nationale compétente de déterminer, notamment au niveau national ou, le cas échéant, au niveau de la région biogéographique visée lorsque les frontières de cet État membre chevauchent plusieurs régions biogéographiques, ou encore si l’aire de répartition naturelle de l’espèce l’exige et, dans la mesure du possible, sur le plan transfrontalier, dans un premier
temps, l’état de conservation des populations des espèces concernées et, dans un second temps, les impacts géographiques et démographiques que les dérogations envisagées sont susceptibles de produire sur celui-ci (arrêt du 10 octobre 2019, Luonnonsuojeluyhdistys Tapiola, C‑674/17, EU:C:2019:851, point 58).

56 En outre, l’évaluation de l’impact d’une dérogation au niveau du territoire d’une population locale est généralement nécessaire afin de déterminer son incidence sur l’état de conservation de la population en cause à plus grande échelle. En effet, dans la mesure où une telle dérogation doit répondre à des exigences précises et à des situations spécifiques, ainsi que cela ressort du point 51 du présent arrêt, les conséquences d’une telle dérogation seront généralement ressenties de manière la plus
immédiate dans la zone locale visée par celle-ci (arrêt du 10 octobre 2019, Luonnonsuojeluyhdistys Tapiola, C‑674/17, EU:C:2019:851, point 59).

57 Il découle de ce qui précède, en ce qui concerne la première étape de l’appréciation de la dérogation fondée sur l’article 16, paragraphe 1, de la directive « habitats », telle que décrite au point 55 du présent arrêt, que, ainsi que l’a relevé, en substance, Mme l’avocate générale aux points 73 et 75 de ses conclusions, l’état de conservation favorable de l’espèce animale concernée doit exister et être évalué, en premier lieu et nécessairement, au niveau local et national, de sorte qu’un état de
conservation défavorable sur le territoire d’un État membre ou une partie de celui-ci ne soit pas dissimulé par l’effet d’une évaluation effectuée au seul niveau transfrontalier dont il ressortirait que ladite espèce se trouverait dans un état de conservation favorable.

58 Ainsi, ce n’est que lorsque l’état de conservation de l’espèce animale concernée s’avère favorable sur le plan local et national que l’évaluation peut, en second lieu, si les données disponibles le permettent, être envisagée au niveau transfrontalier. En effet, ainsi que l’a souligné Mme l’avocate générale au point 78 de ses conclusions, la prise en considération de l’état de conservation à ce dernier niveau vise à éviter que ne soit accordée, au titre de l’article 16, paragraphe 1, de la
directive « habitat », une dérogation en faveur d’un État membre, sur le territoire duquel l’état de conservation de ladite espèce serait favorable, alors même que cet état de conservation serait défavorable au niveau transfrontalier.

59 Cette interprétation vaut également en ce qui concerne la seconde étape de l’appréciation à effectuer au titre de cette disposition, telle qu’énoncée au point 55 du présent arrêt, à savoir la détermination de l’incidence d’une telle dérogation sur l’état de conservation de l’espèce animale concernée.

60 Partant, conformément à la jurisprudence citée aux points 55 et 56 du présent arrêt, il y a lieu de considérer que l’évaluation de l’incidence d’une dérogation accordée au titre de l’article 16, paragraphe 1, de la directive « habitats » devra être effectuée, en premier lieu, au niveau local et national et, dans l’éventualité d’un état de conservation favorable à ce niveau, dans la mesure du possible, en second lieu, sur le plan transfrontalier.

61 Une telle conclusion est, en outre, confortée par la lecture du point 3-64 du document d’orientation dans lequel la Commission indique, d’une part, que, eu égard notamment au libellé de l’article 16 de la directive « habitats » qui évoque les « populations des espèces concernées », l’évaluation susmentionnée « devra dans la plupart des cas intervenir à un niveau inférieur [(par exemple, au niveau du site, de la population)] à celui de la région biogéographique afin qu’elle soit utile sur le plan
écologique » et qu’elle réponde à des problèmes spécifiques. D’autre part, il y est précisé que « [l]’évaluation à un niveau inférieur devrait ensuite être mise en parallèle avec la situation à une plus grande échelle (par exemple biogéographique, transfrontalière ou nationale) afin d’obtenir une vue d’ensemble complète de la situation ».

62 En revanche, il convient, ensuite, de relever que la Cour a déjà jugé qu’il ne saurait être tenu compte, aux fins de cette évaluation, de la partie de l’aire de répartition naturelle de la population concernée s’étendant à certaines parties du territoire d’un État tiers, qui n’est pas tenu par les obligations de protection stricte des espèces d’intérêt pour l’Union (arrêt du 10 octobre 2019, Luonnonsuojeluyhdistys Tapiola, C‑674/17, EU:C:2019:851, point 60).

63 En l’occurrence, ainsi que le soulignent le gouvernement du Land du Tyrol et le gouvernement autrichien, les territoires de la Confédération suisse et de la Principauté du Liechtenstein pourraient, dans l’éventualité visée aux points 58 et 60 du présent arrêt ainsi que sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, être pris en considération, dans le cadre de l’évaluation, au niveau transfrontalier, de l’incidence de la dérogation accordée au titre de l’article 16, paragraphe 1, de la
directive « habitats » sur l’état de conservation du loup étant donné que ces États tiers sont soumis au respect des dispositions de la convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe, signée le 19 septembre 1979 à Berne.

64 Enfin, il importe également de souligner que, conformément au principe de précaution consacré à l’article 191, paragraphe 2, TFUE, si l’examen des meilleures données scientifiques disponibles laisse subsister une incertitude sur le point de savoir si une telle dérogation nuira ou non au maintien ou au rétablissement des populations d’une espèce menacée d’extinction dans un état de conservation favorable, l’État membre doit s’abstenir de l’adopter ou de la mettre en œuvre (arrêt du 10 octobre
2019, Luonnonsuojeluyhdistys Tapiola, C‑674/17, EU:C:2019:851, point 66).

65 Dès lors, aux fins de l’application de l’article 16, paragraphe 1, de la directive « habitats », il incombe à la juridiction de renvoi d’examiner, en particulier, si la population de loups se trouve dans un état de conservation favorable, en premier lieu, au niveau du Land du Tyrol ainsi qu’au niveau national et, le cas échéant, compte tenu des données disponibles, en second lieu, au niveau transfrontalier.

66 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la deuxième question que l’article 16, paragraphe 1, de la directive « habitats » doit être interprété en ce sens que la condition qui y est énoncée, selon laquelle la dérogation accordée au titre de cette disposition ne doit pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle, peut être appréciée en tenant compte, au regard
des données disponibles, du niveau de la région biogéographique, laquelle dépasse les frontières nationales, uniquement lorsqu’il a été constaté au préalable que cette dérogation ne nuit pas au maintien d’un tel état de conservation favorable au niveau du territoire local et national de l’État membre concerné.

Sur la troisième question

67 Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 16, paragraphe 1, sous b), de la directive « habitats » doit être interprété en ce sens que la notion de « dommages importants », énoncée à cette disposition, couvre les dommages indirects futurs qui ne sont pas imputables au spécimen de l’espèce animale qui fait l’objet de la dérogation accordée au titre de ladite disposition.

68 En particulier, cette juridiction s’interroge sur les dommages indirects, qui ne sont pas imputables au seul loup à l’origine des attaques de moutons sur le territoire du Land du Tyrol et qui résultent des abandons d’exploitation ainsi que de la réduction du nombre total d’animaux d’élevage qui en découle.

69 À cet égard, il convient d’emblée de rappeler que, aux termes de l’article 16, paragraphe 1, sous b), de la directive « habitats », les États membres peuvent déroger à l’article 12 de celle-ci afin de prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l’élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d’autres formes de propriété.

70 Ainsi, il ressort du libellé même de l’article 16, paragraphe 1, sous b), de la directive « habitats » que cette disposition n’exige pas la survenance de dommages importants comme étant préalable à l’adoption des mesures dérogatoires (arrêt du 14 juin 2007, Commission/Finlande, C‑342/05, EU:C:2007:341, point 40). En effet, ladite disposition visant à prévenir des dommages importants, la forte probabilité que ceux-ci se produisent s’avère suffisante à cet égard.

71 Toutefois, encore faut-il, ainsi que le relève, en substance, la Commission au point 3-24 de son document d’orientation, que, d’une part, ce dommage à venir ne soit pas purement hypothétique, ce qui doit être démontré par des éléments de preuve, et, d’autre part, qu’il soit, au moins en grande partie, imputable à l’espèce animale visée par la dérogation.

72 Or, en l’occurrence, ainsi qu’il a été indiqué au point 68 du présent arrêt, la catégorie de dommages exposée par la juridiction de renvoi dans le cadre de la troisième question vise non pas des intérêts économiques spécifiques, mais d’éventuelles évolutions macroéconomiques à long terme, de sorte qu’elle s’apparente davantage à un risque abstrait dont la forte probabilité de survenance n’est pas démontrée.

73 En outre, admettre que de tels dommages, qui ne sont pas imputables au spécimen de la population de loups qui fait l’objet de la dérogation visée à l’article 16, paragraphe 1, sous b), de la directive « habitats » et qui sont susceptibles de trouver leur origine dans des causes diverses et multiples, puissent relever du champ d’application de cette disposition reviendrait à faire abstraction de l’exigence, évoquée au point 71 du présent arrêt, d’un lien de causalité entre, d’une part, l’octroi de
la dérogation et, d’autre part, le dommage causé par l’espèce animale concernée par cette dérogation.

74 Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la notion de « dommages importants », telle que visée à l’article 16, paragraphe 1, sous b), de la directive « habitats », ne couvre pas les dommages indirects futurs qui ne sont pas imputables au spécimen de l’espèce animale qui fait l’objet de la dérogation accordée au titre de ladite disposition.

75 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la troisième question que l’article 16, paragraphe 1, sous b), de la directive « habitats » doit être interprété en ce sens que la notion de « dommages importants », énoncée à cette disposition, ne couvre pas les dommages indirects futurs qui ne sont pas imputables au spécimen de l’espèce animale qui fait l’objet de la dérogation accordée au titre de ladite disposition.

Sur la quatrième question

76 Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 16, paragraphe 1, de la directive « habitats » doit être interprété en ce sens que, dans le cadre de la détermination de l’existence d’une « autre solution satisfaisante », au sens de cette disposition, les autorités nationales compétentes sont tenues d’apprécier uniquement la faisabilité technique des autres mesures alternatives ou si elles doivent également tenir compte de critères économiques.

77 À cet égard, la juridiction de renvoi s’interroge sur le point de savoir si les mesures de protection des troupeaux, parmi lesquelles figurent la mise en place de clôtures, l’utilisation de chiens de berger ou l’accompagnement des troupeaux par des bergers, constituent une mesure alternative à l’abattage du loup à l’origine des attaques qui soit satisfaisante, au sens de l’article 16, paragraphe 1, de la directive « habitats », lorsque la mise en œuvre de telles mesures entraîne des coûts
particulièrement élevés.

78 Afin de répondre à ladite question, il convient d’emblée de rappeler qu’une dérogation ne peut être octroyée au titre de l’article 16, paragraphe 1, de la directive « habitats » qu’en l’absence d’une mesure alternative permettant d’atteindre l’objectif poursuivi de manière satisfaisante, tout en respectant les interdictions prévues par cette directive (arrêt du 10 octobre 2019, Luonnonsuojeluyhdistys Tapiola, C‑674/17, EU:C:2019:851, point 47).

79 En outre, la Cour a jugé que cette disposition impose aux États membres de fournir une motivation précise et adéquate relative à l’absence d’une autre solution satisfaisante permettant d’atteindre les objectifs invoqués à l’appui de la dérogation en cause. Ainsi, il incombe aux autorités nationales compétentes d’établir que, compte tenu notamment des meilleures connaissances scientifiques et techniques pertinentes, ainsi qu’à la lumière des circonstances tenant à la situation spécifique en cause,
il n’existe aucune autre solution satisfaisante permettant d’atteindre l’objectif poursuivi (arrêt du 10 octobre 2019, Luonnonsuojeluyhdistys Tapiola, C‑674/17, EU:C:2019:851, points 49 et 51).

80 La condition relative à l’absence d’une autre solution satisfaisante aux fins de justifier l’octroi d’une dérogation au titre de l’article 16, paragraphe 1, de la directive « habitats » constitue dès lors une expression spécifique du principe de proportionnalité, qui, en tant que principe général du droit de l’Union, exige que les actes adoptés ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause,
étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir, en ce sens, arrêt du 16 février 2022, Hongrie/Parlement et Conseil, C‑156/21, EU:C:2022:97, point 340 ainsi que jurisprudence citée).

81 Il s’ensuit que l’appréciation de cette condition requiert une mise en balance de l’ensemble des intérêts en cause et des critères à prendre en considération, tels que les avantages et les inconvénients écologiques, économiques et sociaux, afin de déterminer la solution optimale. À cet effet, ainsi que la Commission le propose, en substance, au point 3-51 de son document d’orientation, les autorités nationales compétentes doivent examiner la possibilité de recourir à des moyens préventifs non
létaux consistant, notamment, dans la mise en œuvre de mesures préventives des atteintes aux troupeaux, telles que, entre autres, celles visées au point 77 du présent arrêt, ainsi que l’adoption de mesures visant à adapter, lorsque cela est possible, les pratiques humaines qui sont à l’origine des conflits, afin de favoriser une culture de la coexistence entre la population de loups, les troupeaux et les éleveurs, dont le gouvernement autrichien a reconnu la nécessité lors de l’audience.

82 À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 2, paragraphe 3, de la directive « habitats », les mesures prises en vertu de cette directive tiennent compte des exigences économiques, sociales et culturelles, ainsi que des particularités régionales et locales, de sorte que les coûts économiques d’une mesure alternative techniquement réalisable peuvent notamment être pris en compte au titre de l’un des critères à pondérer sans pour autant revêtir un caractère déterminant. En
effet, il ne saurait être admis qu’une autre solution satisfaisante puisse être d’emblée rejetée au seul motif que le coût économique de sa mise en œuvre serait particulièrement élevé.

83 Il convient de préciser, à ce titre, que l’appréciation de la proportionnalité de la mesure alternative sur le plan du coût économique doit s’effectuer, ainsi que l’a souligné Mme l’avocate générale aux points 108, 112 et 114 de ses conclusions, à l’aune des obligations des États membres d’élaborer, au titre de l’article 12 de la directive « habitats », des mesures et des plans de gestion systémiques nécessaires à la protection stricte de l’espèce animale concernée, lesquels peuvent faire l’objet
de programmes de financement notamment au niveau de l’Union. En particulier, la mise en œuvre de ces programmes et de ces plans de gestion est susceptible d’introduire des changements dans les activités agricoles concernées, tels que ceux mentionnés au point 81 du présent arrêt, qui s’accompagnent nécessairement de certains coûts et qui, compte tenu des objectifs de la directive « habitats », rappelés au point 44 du présent arrêt, visant à assurer le maintien ou le rétablissement, dans un état de
conservation favorable, des habitats naturels et des espèces de faune et de flore sauvages d’intérêt pour l’Union, ne sauraient constituer un motif suffisant pour permettre, au titre de l’article 16, paragraphe 1, sous b), de la directive « habitats », de déroger aux interdictions prévues à l’article 12 de cette directive (voir, en ce sens, arrêt du 15 mars 2012, Commission/Pologne, C‑46/11, EU:C:2012:146, point 31).

84 Ainsi, il importe, aux fins de la réalisation des objectifs poursuivis par la directive « habitats », que le coût économique d’une mesure alternative au prélèvement d’un spécimen d’une espèce animale strictement protégée soit mis en balance avec le coût écologique de ce prélèvement. À cet égard, il convient de préciser que, en l’occurrence, le gouvernement du Land du Tyrol a relevé, lors de l’audience, l’échec de la mesure de prélèvement consistant dans l’abattage du spécimen du loup en cause.

85 Partant, il incombera à la juridiction de renvoi de s’assurer que le gouvernement du Land du Tyrol a, dans le cadre de sa décision du 29 juillet 2022, correctement évalué, sur la base des meilleures connaissances scientifiques et techniques disponibles, les autres solutions envisageables, telles que des mesures de protection des alpages, en tenant compte, notamment, de leurs implications économiques, sans que celles-ci revêtent un caractère déterminant, et en les mettant en balance avec
l’objectif général de maintien ou de rétablissement, dans un état de conservation favorable, de la population de loups sur son territoire.

86 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la quatrième question que l’article 16, paragraphe 1, de la directive « habitats » doit être interprété en ce sens que, dans le cadre de la détermination de l’existence d’une « autre solution satisfaisante », au sens de cette disposition, les autorités nationales compétentes sont tenues d’apprécier, sur la base des meilleures connaissances scientifiques et techniques disponibles, les autres solutions envisageables
en tenant compte, notamment, de leurs implications économiques, sans que celles-ci revêtent un caractère déterminant, et en les mettant en balance avec l’objectif général de maintien ou de rétablissement, dans un état de conservation favorable, de l’espèce animale concernée.

Sur les dépens

87 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

  1) L’examen de la première question n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité de l’article 12, paragraphe 1, de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, telle que modifiée par la directive 2013/17/UE du Conseil, du 13 mai 2013, lu en combinaison avec l’annexe IV de la directive 92/43, telle que modifiée par la directive 2013/17.

  2) L’article 16, paragraphe 1, de la directive 92/43, telle que modifiée par la directive 2013/17, doit être interprété en ce sens que la condition qui y est énoncée, selon laquelle la dérogation accordée au titre de cette disposition ne doit pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle, peut être appréciée en tenant compte, au regard des données disponibles, du niveau de la région biogéographique,
laquelle dépasse les frontières nationales, uniquement lorsqu’il a été constaté au préalable que cette dérogation ne nuit pas au maintien dans un tel état de conservation favorable au niveau du territoire local et national de l’État membre concerné.

  3) L’article 16, paragraphe 1, sous b), de la directive 92/43, telle que modifiée par la directive 2013/17, doit être interprété en ce sens que la notion de « dommages importants », énoncée à cette disposition, ne couvre pas les dommages indirects futurs qui ne sont pas imputables au spécimen de l’espèce animale qui fait l’objet de la dérogation accordée au titre de ladite disposition.

  4) L’article 16, paragraphe 1, de la directive 92/43, telle que modifiée par la directive 2013/17, doit être interprété en ce sens que, dans le cadre de la détermination de l’existence d’une « autre solution satisfaisante », au sens de cette disposition, les autorités nationales compétentes sont tenues d’apprécier, sur la base des meilleures connaissances scientifiques et techniques disponibles, les autres solutions envisageables en tenant compte, notamment, de leurs implications économiques, sans
que celles-ci revêtent un caractère déterminant, et en les mettant en balance avec l’objectif général de maintien ou de rétablissement, dans un état de conservation favorable, de l’espèce animale concernée.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : C-601/22
Date de la décision : 11/07/2024
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Landesverwaltungsgericht Tirol.

Renvoi préjudiciel – Validité et interprétation – Conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages – Directive 92/43/CEE – Article 12, paragraphe 1 – Système de protection stricte des espèces animales – Annexe IV – Canis lupus (loup) – Égalité de traitement entre États membres – Article 16, paragraphe 1 – Autorisation nationale du prélèvement d’un spécimen d’animal sauvage de l’espèce canis lupus – Évaluation de l’état de conservation des populations de l’espèce concernée – Portée géographique – Détermination du dommage – Solution satisfaisante alternative.

Environnement


Parties
Demandeurs : Umweltverband WWF Österreich e.a.
Défendeurs : Tiroler Landesregierung.

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Arabadjiev

Origine de la décision
Date de l'import : 13/07/2024
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2024:595

Source

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