La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/06/2024 | CJUE | N°C-35/23

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Père contre Mère., 20/06/2024, C-35/23


 ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

20 juin 2024 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière civile – Responsabilité parentale – Règlement (CE) no 2201/2003 – Articles 10 et 11 – Compétence en cas de déplacement illicite d’un enfant – Résidence habituelle de l’enfant dans un État membre avant le déplacement illicite – Procédure de retour entre un pays tiers et un État membre – Notion de “demande de retour” – Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement int

ernational d’enfants »

Dans l’affaire C‑35/23 [Greislzel] ( 1 ),

ayant pour objet une demande de décision préjudic...

 ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

20 juin 2024 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière civile – Responsabilité parentale – Règlement (CE) no 2201/2003 – Articles 10 et 11 – Compétence en cas de déplacement illicite d’un enfant – Résidence habituelle de l’enfant dans un État membre avant le déplacement illicite – Procédure de retour entre un pays tiers et un État membre – Notion de “demande de retour” – Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants »

Dans l’affaire C‑35/23 [Greislzel] ( 1 ),

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Oberlandesgericht Frankfurt am Main (tribunal régional supérieur de Francfort-sur-le-Main, Allemagne), par décision du 16 janvier 2023, parvenue à la Cour le 25 janvier 2023, dans la procédure

Père

contre

Mère,

en présence de :

Enfant L,

Avocate,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. C. Lycourgos, président de chambre, Mme O. Spineanu–Matei, MM. J.–C. Bonichot, S. Rodin et Mme L. S. Rossi (rapporteure), juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : Mme N. Mundhenke, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 7 décembre 2023,

considérant les observations présentées :

– pour le père, par Mes A. Hamerak et T. von Plehwe, Rechtsanwälte,

– pour le gouvernement allemand, par MM. J. Möller, M. Hellmann, R. Kanitz et Mme J. Simon, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, Mmes M. Kozak et S. Żyrek, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par MM. C. Vollrath et W. Wils, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 8 février 2024,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 10 et 11 du règlement (CE) no 2201/2003 du Conseil, du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) no 1347/2000 (JO 2003, L 338, p. 1).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant un ressortissant allemand résidant en Suisse, père de l’enfant mineur L, à la mère de celui-ci au sujet de la responsabilité parentale à l’égard de cet enfant.

Le cadre juridique

La convention de La Haye de 1980

3 Aux termes du préambule de la convention sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants, conclue à La Haye le 25 octobre 1980 (ci-après la « convention de La Haye de 1980 »), celle-ci vise à « protéger l’enfant, sur le plan international, contre les effets nuisibles d’un déplacement ou d’un non-retour illicites et établir des procédures en vue de garantir le retour immédiat de l’enfant dans l’État de sa résidence habituelle, ainsi que d’assurer la protection du droit de visite ».

4 L’article 6, premier alinéa, de cette convention énonce :

« Chaque État contractant désigne une [a]utorité centrale chargée de satisfaire aux obligations qui lui sont imposées par la [c]onvention. »

5 L’article 8, premier alinéa, de ladite convention stipule :

« La personne, l’institution ou l’organisme qui prétend qu’un enfant a été déplacé ou retenu en violation d’un droit de garde peut saisir soit l’[a]utorité centrale de la résidence habituelle de l’enfant, soit celle de tout autre État contractant, pour que celles-ci prêtent leur assistance en vue d’assurer le retour de l’enfant. »

6 Aux termes de l’article 12, premier alinéa, de la même convention :

« Lorsqu’un enfant a été déplacé ou retenu illicitement au sens de l’article 3 et qu’une période de moins d’un an s’est écoulée à partir du déplacement ou du non-retour au moment de l’introduction de la demande devant l’autorité judiciaire ou administrative de l’État contractant où se trouve l’enfant, l’autorité saisie ordonne son retour immédiat. »

7 L’article 13 de la convention de La Haye de 1980 prévoit :

« Nonobstant les dispositions de l’article précédent, l’autorité judiciaire ou administrative de l’État requis n’est pas tenue d’ordonner le retour de l’enfant, lorsque la personne, l’institution ou l’organisme qui s’oppose à son retour établit :

a) que la personne, l’institution ou l’organisme qui avait le soin de la personne de l’enfant n’exerçait pas effectivement le droit de garde à l’époque du déplacement ou du non-retour, ou avait consenti ou a acquiescé postérieurement à ce déplacement ou à ce non-retour ; ou

b) qu’il existe un risque grave que le retour de l’enfant ne l’expose à un danger physique ou psychique, ou de toute autre manière ne le place dans une situation intolérable.

[...] »

8 L’article 34 de la convention de La Haye de 1980 prévoit :

« [...] [L]a présente [c]onvention n’empêche pas qu’un autre instrument international liant l’État d’origine et l’État requis [...] ne soient invoqués pour obtenir le retour d’un enfant qui a été déplacé ou retenu illicitement ou pour organiser le droit de visite. »

Le règlement no 2201/2003

9 Les considérants 12, 17 et 18 du règlement no 2201/2003 sont ainsi libellés :

« (12) Les règles de compétence établies par le présent règlement en matière de responsabilité parentale sont conçues en fonction de l’intérêt supérieur de l’enfant et en particulier du critère de proximité. Ce sont donc en premier lieu les juridictions de l’État membre dans lequel l’enfant a sa résidence habituelle qui devraient être compétentes, sauf dans certains cas de changement de résidence de l’enfant ou suite à un accord conclu entre les titulaires de la responsabilité parentale.

[...]

(17) En cas de déplacement ou de non-retour illicite d’un enfant, son retour devrait être obtenu sans délai et à ces fins la convention de La Haye [de] 1980 devrait continuer à s’appliquer telle que complétée par les dispositions de ce règlement et en particulier de l’article 11. Les juridictions de l’État membre dans lequel l’enfant a été déplacé ou retenu illicitement devraient être en mesure de s’opposer à son retour dans des cas précis, dûment justifiés. Toutefois, une telle décision devrait
pouvoir être remplacée par une décision ultérieure de la juridiction de l’État membre de la résidence habituelle de l’enfant avant son déplacement ou non-retour illicites. Si cette décision implique le retour de l’enfant, le retour devrait être effectué sans qu’il soit nécessaire de recourir à aucune procédure pour la reconnaissance et l’exécution de ladite décision dans l’État membre où se trouve l’enfant enlevé.

(18) En cas de décision de non-retour rendue en vertu de l’article 13 de la convention de La Haye de 1980, la juridiction devrait en informer la juridiction compétente ou l’autorité centrale de l’État membre dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle avant son déplacement ou son non-retour illicites. Cette juridiction, si elle n’a pas encore été saisie, ou l’autorité centrale, devrait adresser une notification aux parties. Cette obligation ne devrait pas empêcher l’autorité centrale
d’adresser également une notification aux autorités publiques concernées conformément au droit national. »

10 L’article 2 de ce règlement, intitulé « Définitions », énonce :

« Aux fins du présent règlement on entend par :

[...]

7) “responsabilité parentale” l’ensemble des droits et obligations conférés à une personne physique ou une personne morale sur la base d’une décision judiciaire, d’une attribution de plein droit ou d’un accord en vigueur, à l’égard de la personne ou des biens d’un enfant. Il comprend notamment le droit de garde et le droit de visite ;

[...]

9) “droit de garde” les droits et obligations portant sur les soins de la personne d’un enfant, et en particulier le droit de décider de son lieu de résidence ;

[...]

11) “déplacement ou non-retour illicites d’un enfant” le déplacement ou le non-retour d’un enfant lorsque :

a) il a eu lieu en violation d’un droit de garde résultant d’une décision judiciaire, d’une attribution de plein droit ou d’un accord en vigueur en vertu du droit de l’État membre dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour

et

b) sous réserve que le droit de garde était exercé effectivement, seul ou conjointement, au moment du déplacement ou du non-retour, ou l’eût été si de tels événements n’étaient pas survenus. La garde est considérée comme étant exercée conjointement lorsque l’un des titulaires de la responsabilité parentale ne peut, conformément à une décision ou par attribution de plein droit, décider du lieu de résidence de l’enfant sans le consentement d’un autre titulaire de la responsabilité parentale. »

11 Le règlement no 2201/2003 comporte un chapitre II, intitulé « Compétence », qui contient, dans sa section 2, intitulée « Responsabilité parentale », les articles 8 à 15 de ce règlement.

12 L’article 8 dudit règlement, intitulé « Compétence générale », prévoit :

« 1.   Les juridictions d’un État membre sont compétentes en matière de responsabilité parentale à l’égard d’un enfant qui réside habituellement dans cet État membre au moment où la juridiction est saisie.

2.   Le paragraphe 1 s’applique sous réserve des dispositions des articles 9, 10 et 12. »

13 L’article 10 du même règlement, intitulé « Compétence en cas d’enlèvement d’enfant », dispose :

« En cas de déplacement ou de non-retour illicites d’un enfant, les juridictions de l’État membre dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour illicites conservent leur compétence jusqu’au moment où l’enfant a acquis une résidence habituelle dans un autre État membre et que

a) toute personne, institution ou autre organisme ayant le droit de garde a acquiescé au déplacement ou au non–retour

ou

b) l’enfant a résidé dans cet autre État membre pendant une période d’au moins un an après que la personne, l’institution ou tout autre organisme ayant le droit de garde a eu ou aurait dû avoir connaissance du lieu où se trouvait l’enfant, que l’enfant s’est intégré dans son nouvel environnement et que l’une au moins des conditions suivantes est remplie :

i) dans un délai d’un an après que le titulaire d’un droit de garde a eu ou aurait dû avoir connaissance du lieu où se trouvait l’enfant, aucune demande de retour n’a été faite auprès des autorités compétentes de l’État membre où l’enfant a été déplacé ou est retenu ;

ii) une demande de retour présentée par le titulaire d’un droit de garde a été retirée et aucune nouvelle demande n’a été présentée dans le délai fixé au point i) ;

iii) une affaire portée devant une juridiction de l’État membre dans lequel l’enfant avait sa résidence habituellement immédiatement avant son déplacement ou son non-retour illicites a été close en application de l’article 11, paragraphe 7 ;

iv) une décision de garde n’impliquant pas le retour de l’enfant a été rendue par les juridictions de l’État membre dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour illicites. »

14 L’article 11 du règlement no 2201/2003, intitulé « Retour de l’enfant », énonce :

« 1.   Lorsqu’une personne, institution ou autre organisme ayant le droit de garde demande aux autorités compétentes d’un État membre de rendre une décision sur la base de la convention de La Haye [de 1980] en vue d’obtenir le retour d’un enfant qui a été déplacé ou retenu illicitement dans un État membre autre que l’État membre dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour illicites, les paragraphes 2 à 8 sont d’application.

[...]

6.   Si une juridiction a rendu une décision de non-retour en vertu de l’article 13 de la convention de La Haye de 1980, cette juridiction doit immédiatement, soit directement soit par l’intermédiaire de son autorité centrale, transmettre une copie de la décision judiciaire de non-retour et des documents pertinents, en particulier un compte rendu des audiences, à la juridiction compétente ou à l’autorité centrale de l’État membre dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement
avant son déplacement ou son non-retour illicites, conformément à ce que prévoit le droit national. La juridiction doit recevoir tous les documents mentionnés dans un délai d’un mois à compter de la date de la décision de non-retour.

7.   À moins que les juridictions de l’État membre dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour illicites n’aient déjà été saisies par l’une des parties, la juridiction ou l’autorité centrale qui reçoit l’information visée au paragraphe 6 doit la notifier aux parties et les inviter à présenter des observations à la juridiction, conformément aux dispositions du droit national, dans un délai de trois mois à compter de la date de la
notification, afin que la juridiction examine la question de la garde de l’enfant.

Sans préjudice des règles en matière de compétence prévues dans le présent règlement, la juridiction clôt l’affaire si elle n’a reçu dans le délai prévu aucune observation.

8   Nonobstant une décision de non-retour rendue en application de l’article 13 de la convention de La Haye de 1980, toute décision ultérieure ordonnant le retour de l’enfant rendue par une juridiction compétente en vertu du présent règlement est exécutoire conformément au chapitre III, section 4, en vue d’assurer le retour de l’enfant. »

15 L’article 60 dudit règlement, intitulé « Relations avec certaines conventions multilatérales », énonce :

« Dans les relations entre les États membres, le présent règlement prévaut sur les conventions suivantes dans la mesure où elles concernent des matières réglées par le présent règlement :

[...]

e) convention de La Haye [de 1980]. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

16 L est née en Suisse en novembre 2014 et a la double nationalité allemande et polonaise. Son père, de nationalité allemande, réside en Suisse depuis le mois de juin 2013 pour des raisons professionnelles, tandis que sa mère, de nationalité polonaise, a vécu avec sa fille du mois de janvier 2015 au mois d’avril 2016 à Francfort-sur-le-Main (Allemagne), ville dans laquelle les parents de L se sont mariés.

17 Du mois de janvier 2015 au mois d’avril 2016, le père rendait régulièrement visite à la mère et à L en Allemagne.

18 Au mois de mai 2015, l’Office suisse des migrations a accepté la demande de regroupement familial formée par le père, à la suite de laquelle la mère a obtenu un permis de séjour temporaire en Suisse, valable jusqu’au 31 décembre 2019.

19 Le 9 avril 2016, la mère et L ont déménagé en Pologne. La mère a alors fait une déclaration de départ de toute la famille de Francfort-sur-le-Main, en indiquant l’adresse du père en Suisse. Durant l’été 2016, la mère a postulé à des emplois en Suisse. Elle travaille en Pologne depuis le mois de novembre 2016.

20 Dans un premier temps, le père a rendu visite à son épouse et à sa fille en Pologne. Toutefois, à partir du mois d’avril 2017, la mère a refusé au père l’exercice de son droit de visite à leur fille. Elle a inscrit cette dernière dans un jardin d’enfants en Pologne, sans le consentement du père. À la fin du mois de mai 2017, la mère a informé le père qu’elle restait en Pologne avec leur fille.

21 Le 7 juillet 2017, le père a adressé une demande de retour de l’enfant vers la Suisse par l’intermédiaire de l’autorité centrale suisse, à savoir l’Office fédéral de la justice à Berne, au titre de la convention de La Haye de 1980.

22 Par une décision du 8 décembre 2017, le Sąd Rejonowy dla Krakowa‑Nowej Huty w Krakowie (tribunal d’arrondissement de Cracovie‑Nowa Huta à Cracovie, Pologne) a rejeté cette demande, au motif que le père avait donné son consentement pour une durée indéterminée au déménagement de la mère et de leur fille en Pologne. En outre, cette juridiction a considéré qu’il existait un risque grave pour l’intérêt supérieur de l’enfant, au sens de l’article 13, premier alinéa, sous b), de la convention de La Haye
de 1980 en cas de retour de celui-ci, le père ayant reconnu avoir usé, à une reprise, de violence à l’égard de la mère.

23 L’appel formé par le père contre cette décision a été rejeté par le Sąd Okręgowy w Krakowie (tribunal régional de Cracovie, Pologne) par une décision du 17 avril 2018.

24 Le 27 septembre 2017, la mère a engagé une procédure de divorce en Pologne. Au mois d’octobre 2017, elle a également fait une déclaration de départ de L à la commune de X en Suisse.

25 Par une décision du 5 juin 2018, le Sąd Okręgowy w Krakowie (tribunal régional de Cracovie) a confié provisoirement à la mère la garde de L et a fixé l’obligation de pension alimentaire du père. La juridiction de renvoi indique que, au cours de l’année 2022, le père a rendu visite à l’enfant en Pologne en vertu d’une décision judiciaire prise dans cet État membre.

26 Le père n’a pas donné suite à une seconde demande de retour de l’enfant au titre de la convention de La Haye de 1980 qu’il avait déposée le 29 juin 2018 au Bundesamt für Justiz (Office fédéral de la justice) à Bonn (Allemagne).

27 Par une requête du 12 juillet 2018, introduite devant l’Amtsgericht Frankfurt am Main (tribunal de district de Francfort-sur-le-Main, Allemagne), le père a demandé la garde exclusive de l’enfant, le droit de déterminer la résidence de celui-ci ainsi que le retour de l’enfant chez lui, en Suisse, dès l’entrée en vigueur de la décision.

28 Le père a fait valoir que les parents de l’enfant auraient été convenus, au cours de l’année 2015, de vivre à l’avenir avec L en Suisse. Durant le mois d’avril 2016, la mère aurait décidé de rejoindre, pour une durée limitée, ses parents en Pologne. Le père y aurait marqué son accord, pour autant que ce séjour soit limité à deux ou à trois ans. Il aurait été convenu que l’enfant fréquente un jardin d’enfants en Suisse au plus tard à partir du mois de novembre 2017.

29 La mère s’est opposée à la demande. Elle a fait valoir que le père aurait donné son accord au déménagement en Pologne et aurait contribué à l’obtention du passeport polonais dans ce pays. Il n’y aurait eu, en revanche, ni accord sur un déménagement pour une durée limitée en Pologne ni, non plus, accord sur un déménagement en Suisse.

30 Par une décision du 3 juin 2019, l’Amtsgericht Frankfurt am Main (tribunal de district de Francfort-sur-le-Main) a rejeté la demande du père visant à ce que la garde exclusive de l’enfant lui soit attribuée, au motif que cette juridiction ne disposait pas de la compétence internationale pour statuer sur celle-ci.

31 Le père a formé un recours contre cette décision devant l’Oberlandesgericht Frankfurt am Main (tribunal régional supérieur de Francfort-sur-le-Main, Allemagne) en faisant valoir, en substance, que la compétence des juridictions allemandes découlerait de l’article 11, paragraphe 6, du règlement no 2201/2003, lu en combinaison avec le paragraphe 7 de cet article, ainsi que de l’article 10 de ce règlement.

32 À cet égard, la juridiction de renvoi relève, en premier lieu, que, à la date d’introduction de la requête du père en première instance, à savoir le 12 juillet 2018, L résidait habituellement en Pologne, de sorte que la compétence des juridictions allemandes ne peut pas être fondée sur l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 2201/2003.

33 En deuxième lieu, s’agissant de la compétence de ces juridictions qui découlerait, selon le père, des articles 10 et 11 du règlement no 2201/2003, la juridiction de renvoi considère que ces articles doivent être interprétés de manière combinée et rappelle que lesdits articles ne s’appliquent que dans les relations entre les États membres. C’est pourquoi, elle estime que, dans la procédure de retour engagée à la demande du père le 7 juillet 2017 par l’intermédiaire de l’Office fédéral de la
justice à Berne, qui visait à obtenir le retour de l’enfant en Suisse, les exigences découlant de l’article 11 du règlement no 2201/2003, relatives à la mise en œuvre de procédures au titre de la convention de La Haye de 1980, ne trouvent pas à s’appliquer, étant donné que la Confédération suisse n’est pas liée par le règlement no 2201/2003.

34 Par conséquent, selon la juridiction de renvoi, après le rejet de la demande de retour, la juridiction polonaise n’avait aucune raison de procéder conformément à l’article 11, paragraphes 6 et 7, de ce règlement et d’informer les juridictions ou l’autorité centrale allemandes de la décision de non-retour. La juridiction de renvoi ajoute que la seconde demande de retour, que le père a déposée auprès de l’Office fédéral de la justice à Bonn peu avant l’introduction de sa demande de garde exclusive
à l’origine de la présente procédure, ne peut pas servir de base au maintien de la compétence juridictionnelle en vertu de l’article 10 dudit règlement, puisque le père n’a pas donné suite à cette demande de retour.

35 En troisième lieu, la juridiction de renvoi considère que, pour autant que l’article 10 du règlement no 2201/2003 soit applicable dans la présente affaire, les conditions d’application de l’article 10, sous b), i), de ce règlement, qui prévoit le maintien de la compétence des juridictions de l’État membre dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour illicites, ne seraient, en principe, pas réunies. En effet, alors que le père fait valoir
que l’enfant a été déplacé illicitement en Pologne au mois de mai 2017, sa demande relative au droit de garde n’a été formée que le 12 juillet 2018, de sorte que le délai d’un an prévu à l’article 10, sous b), i), dudit règlement ne serait pas respecté. Ce délai serait cependant susceptible d’être respecté s’il commençait à courir à la date à laquelle cet enfant aurait dû fréquenter, selon son père, un jardin d’enfants en Suisse, à savoir à compter du mois de novembre 2017.

36 La juridiction de renvoi relève néanmoins que l’exposé des faits présentés par le père à cet égard dans le cadre de la présente procédure diffère de celui qu’il a présenté lors de la procédure menée au titre de la convention de La Haye de 1980. Se poserait donc la question de savoir si le père est forclos à présenter des faits nouveaux quant à la date exacte du déplacement illicite et si les règles en matière de charge de la preuve applicables dans les procédures menées au titre de cette
convention sont transposables à la présente procédure. La juridiction de renvoi tend à considérer qu’elle n’est pas liée par la décision relative à la demande de retour rendue au titre de ladite convention et qu’elle doit apprécier les contradictions dans l’exposé des faits du père.

37 Enfin, en quatrième lieu, la juridiction de renvoi fait observer que, en cas de refus du retour de l’enfant en vertu de l’article 13 de la convention de La Haye de 1980, les règles de l’article 11, paragraphes 6 à 8, du règlement no 2201/2003 incitent à engager une procédure relative à la garde de l’enfant devant les juridictions de l’État membre dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour illicites. Toutefois, contrairement à ce que
fait valoir le père, la juridiction de renvoi considère que l’application des dispositions de cet article 11 présuppose impérativement la mise en œuvre d’une procédure au titre de la convention de La Haye de 1980 entre deux États membres liés par le règlement no 2201/2003, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

38 Dans ces conditions, l’Oberlandesgericht Frankfurt am Main (tribunal régional supérieur de Francfort-sur-le-Main) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« Dans quelle mesure le mécanisme réglementaire prévu aux articles 10 et 11 du règlement [no 2201/2003] est-il limité aux procédures entre États membres de l’Union ?

Plus précisément :

1) L’article 10 du règlement [no 2201/2003] trouve-t-il à s’appliquer, avec pour conséquence un maintien de la compétence des juridictions de l’ancien État [membre] de résidence, lorsque l’enfant avait sa résidence habituelle dans un État membre de l’Union (Allemagne) avant son déplacement et que la procédure de retour au titre de la convention de La Haye de 1980 [...] a été menée entre un État membre de l’Union (Pologne) et un État tiers (Suisse), le retour de l’enfant ayant été refusé dans le
cadre de cette procédure ?

En cas de réponse affirmative à la première question :

2) Dans le cadre de l’article 10, sous b), i), du règlement [no 2201/2003], quelles sont les exigences à remplir pour établir le maintien de la compétence [des juridictions de l’État membre de l’ancienne résidence habituelle de l’enfant] ?

3) L’article 11, paragraphes 6 à 8, du règlement [no 2201/2003] trouve-t-il à s’appliquer également lors de la mise en œuvre d’une procédure de retour en vertu de la convention de La Haye de 1980 entre un État tiers et un État membre de l’Union en tant qu’État dans lequel l’enfant a été déplacé, dans la mesure où celui-ci avait sa résidence habituelle dans un autre État membre de l’Union avant son déplacement ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

39 Selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la procédure de coopération entre les juridictions nationales et la Cour instituée à l’article 267 TFUE, il appartient à celle-ci de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. Dans cette optique, il incombe, le cas échéant, à la Cour de reformuler les questions qui lui sont soumises (arrêt du 30 janvier 2024, Direktor na Glavna direktsia  Natsionalna politsia  pri MVR – Sofia, C‑118/22,
EU:C:2024:97, point 31 ainsi que jurisprudence citée).

40 En l’occurrence, la première question a pour origine le fait que, selon la juridiction de renvoi, l’application de l’article 10 du règlement no 2201/2003 est subordonnée à la mise en œuvre d’une procédure de retour de l’enfant, engagée en vertu de la convention de La Haye de 1980, entre deux États membres, telle que cette procédure est complétée par les dispositions de l’article 11 de ce règlement. Or, dans la mesure où le père a, avant le litige dans la présente affaire, engagé une procédure de
retour de l’enfant par l’intermédiaire de l’autorité centrale de la Confédération suisse, pays tiers dont il est constant qu’il n’est pas lié par le règlement no 2201/2003, la juridiction de renvoi estime que ni les dispositions de cet article 11 ni, par voie de conséquence, celles de son article 10 ne sont applicables dans l’affaire au principal.

41 Dans de telles circonstances, la juridiction de renvoi nourrit des doutes quant au maintien de la compétence des juridictions allemandes en tant que juridictions de l’État membre de la résidence habituelle de l’enfant immédiatement avant son déplacement ou son non-retour illicites.

42 Il s’ensuit que, par sa première question, la juridiction de renvoi souhaite, en substance, savoir si l’article 10, sous b), i), du règlement no 2201/2003 doit être interprété en ce sens que cette disposition cesse d’être applicable au seul motif qu’une autorité centrale d’un pays tiers a été sollicitée afin de mettre en œuvre une procédure de retour de l’enfant au titre de la convention de La Haye de 1980, et que cette procédure a échoué.

43 Sans remettre en cause la recevabilité de cette question, le gouvernement polonais fait valoir que cet article 10 n’est pas applicable au litige au principal dans la mesure où une juridiction polonaise a rejeté la demande du père de L d’ordonner le retour de son enfant, en vertu de la convention de La Haye de 1980, en jugeant qu’il n’y avait pas eu de déplacement ou de non-retour illicites de cet enfant.

44 À cet égard, il suffit de constater que, ainsi que cela est confirmé par l’article 11, paragraphe 8, du règlement no 2201/2003, la décision d’une juridiction d’un État membre refusant de faire droit à une demande de retour, au titre de la convention de La Haye de 1980, n’exclut pas qu’une juridiction d’un autre État membre puisse s’estimer compétente sur le fondement de l’article 10 de ce règlement.

45 Sous le bénéfice de cette précision, il importe de rappeler que, en vertu de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 2201/2003, la compétence générale en matière de responsabilité parentale est attribuée aux juridictions de l’État membre dans lequel l’enfant a sa résidence habituelle au moment où la juridiction est saisie. En effet, du fait de leur proximité géographique, ces juridictions sont généralement les mieux placées pour apprécier les mesures à adopter dans l’intérêt de l’enfant [arrêt
du 14 juillet 2022, CC (Transfert de résidence habituelle de l’enfant vers un État tiers), C‑572/21, EU:C:2022:562, point 27 et jurisprudence citée].

46 Toutefois, conformément à l’article 8, paragraphe 2, de ce règlement, cette compétence générale est applicable « sous réserve des dispositions des articles 9, 10 et 12 » dudit règlement.

47 L’article 10 du règlement no 2201/2003 prévoit que les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour illicites conservent leur compétence jusqu’à ce que l’enfant ait acquis une résidence habituelle dans un autre État membre.

48 Le transfert de compétence aux juridictions de cet autre État membre est subordonné à la condition, prévue au point a) de cet article 10, qu’une personne ayant le droit de garde ait donné son accord à ce déplacement ou à ce non-retour, ou à celles prévues au point b) dudit article 10. Au titre de ce point b), il est requis, premièrement, que l’enfant ait résidé dans cet État membre pendant une période d’au moins un an après que la personne, l’institution ou tout autre organisme ayant le droit de
garde a eu ou aurait dû avoir connaissance du lieu où se trouvait l’enfant, deuxièmement, que l’enfant se soit intégré dans son nouvel environnement et, troisièmement, qu’il remplisse l’une des quatre autres conditions fixées aux points i) à iv) de cette disposition. La condition fixée au point i) de celle-ci prévoit que, dans un délai d’un an après que le titulaire d’un droit de garde a eu ou aurait dû avoir connaissance du lieu où se trouvait l’enfant, « aucune demande de retour n’a été faite
auprès des autorités compétentes de l’État membre où l’enfant a été déplacé ou est retenu ».

49 Par ailleurs, il importe de rappeler que, en vertu de l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 2201/2003, lorsqu’une personne ayant le droit de garde demande aux autorités compétentes d’un État membre de rendre une décision sur la base de la convention de La Haye de 1980 en vue d’obtenir le retour d’un enfant qui a été déplacé ou est retenu illicitement dans un État membre autre que l’État membre dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son
non-retour illicites, les paragraphes 2 à 8 dudit article 11 s’appliquent.

50 Il résulte clairement du libellé de cet article 11 que cette disposition ne s’applique que lorsqu’une procédure de retour d’un enfant illicitement déplacé ou retenu a été engagée au titre de la convention de La Haye de 1980 entre des États membres.

51 Toutefois, rien dans le libellé ni dans l’économie de l’article 10 de ce règlement ou dans les objectifs poursuivis par celui-ci ne permet de soutenir que la règle de compétence spéciale prévue audit article 10 consistant, en principe, à maintenir la compétence des juridictions de l’État membre dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour illicites devient inapplicable au motif qu’une procédure de retour a été engagée, sans succès, en
vertu de la convention de La Haye de 1980 entre les autorités centrales ou juridictionnelles d’un pays tiers et d’un État membre.

52 En effet, en premier lieu, il importe de rappeler que la règle de compétence prévue à l’article 10 du règlement no 2201/2003 est fondée sur « le déplacement ou le non-retour illicites d’un enfant », entendu comme étant, conformément à l’article 2, point 11, de ce règlement, un déplacement ou un non-retour effectué en violation d’un droit de garde résultant d’une décision judiciaire, d’une attribution de plein droit ou d’un accord en vigueur en vertu du droit de l’État membre dans lequel l’enfant
avait sa résidence habituelle immédiatement avant ce déplacement et sous réserve que le droit de garde était exercé effectivement, seul ou conjointement, au moment du déplacement ou du non-retour, ou l’eût été si de tels événements n’étaient pas survenus (voir, en ce sens, arrêt du 2 août 2021, A, C‑262/21 PPU, EU:C:2021:640, point 44).

53 Cette définition du déplacement ou du non-retour illicites d’un enfant se borne ainsi à faire référence à une violation du droit de garde d’un des titulaires de la responsabilité parentale en vertu du droit de l’État membre de la résidence habituelle de l’enfant immédiatement avant ce déplacement ou ce non-retour. Elle ne dépend donc pas de l’engagement, nécessairement subséquent et éventuel, par le titulaire du droit de garde d’une procédure de retour de l’enfant, fondée sur la convention de
La Haye de 1980.

54 Une telle interprétation est corroborée par l’objectif poursuivi par l’article 10 du règlement no 2201/2003 qui consiste à éviter de procurer un avantage procédural à l’auteur de l’enlèvement illicite de l’enfant qui découlerait du fait que les juridictions de l’État membre dans lequel cet enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant cet enlèvement perdraient automatiquement leur compétence au seul motif que cet enfant réside désormais de manière habituelle avec l’auteur de cet
enlèvement dans un autre État membre [voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2023, TT (Déplacement illicite de l’enfant), C‑87/22, EU:C:2023:571, point 36 et jurisprudence citée].

55 En deuxième lieu, tandis que, afin de faire cesser la compétence des juridictions de l’ancienne résidence habituelle de l’enfant, l’article 10, sous b), fait référence à l’absence de toute demande de retour auprès des autorités compétentes de l’État membre sur le territoire duquel l’enfant a été déplacé ou est retenu illicitement, cette disposition ne spécifie aucunement qu’une telle demande doit avoir été présentée au titre de la convention de La Haye de 1980 ni n’exclut qu’elle ait pu être
présentée par l’entremise d’une autorité centrale d’un pays tiers.

56 En revanche, la prémisse sur laquelle la juridiction de renvoi se fonde reviendrait à obliger le titulaire de la responsabilité parentale, dont le droit de garde a été violé au sens de l’article 2, point 11, de ce règlement, à se prévaloir des stipulations de la convention de La Haye de 1980 pour demander le retour de l’enfant concerné.

57 Or, d’une part, il importe de rappeler que ces stipulations ne priment pas, conformément à l’article 60 du règlement no 2201/2003, les dispositions de ce règlement dans les relations entre les États membres dans les matières réglées par ce dernier [voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2023, TT (Déplacement illicite de l’enfant), C‑87/22, EU:C:2023:571, point 58].

58 D’autre part, l’allégation de l’existence d’une obligation de se prévaloir des stipulations de la convention de La Haye de 1980 pour demander le retour d’un enfant qui fait l’objet d’un enlèvement international a déjà été rejetée par la Cour dans l’arrêt du 19 septembre 2018, C.E. et N.E. (C‑325/18 PPU et C‑375/18 PPU, EU:C:2018:739, points 49 et 51). Ainsi qu’il ressort de l’article 34 de cette convention, une procédure de retour peut, en effet, être fondée sur d’autres règles ou d’autres
stipulations conventionnelles, notamment bilatérales. À cet égard, la Cour a également précisé, au point 53 de cet arrêt, que le titulaire de la responsabilité parentale peut demander la reconnaissance et l’exécution, conformément aux dispositions du chapitre III du règlement no 2201/2003, d’une décision relative à l’autorité parentale et au retour d’enfants, adoptée par une juridiction compétente aux termes du chapitre II, section 2, de ce règlement, même s’il n’a pas présenté de demande de
retour fondée sur la convention de La Haye de 1980.

59 Dès lors, la seule circonstance que le parent dont le droit de garde a été méconnu a engagé, sans succès, une procédure en application de la convention de La Haye de 1980 visant au retour de l’enfant déplacé ou retenu illicitement par l’intermédiaire de l’autorité centrale d’un pays tiers et transmise, par la suite, aux autorités compétentes d’un État membre, est sans incidence sur l’application, à une telle situation, de la règle de compétence prévue à l’article 10 du règlement no 2201/2003.

60 En troisième lieu, contrairement à ce que soutient la juridiction de renvoi, l’arrêt du 24 mars 2021, MCP (C‑603/20 PPU, EU:C:2021:231), par lequel la Cour a considéré que l’article 10 de ce règlement ne s’applique pas à une situation dans laquelle un enfant a acquis, à la date d’introduction de la demande relative à la responsabilité parentale, sa résidence habituelle dans un pays tiers à la suite d’un enlèvement vers ce pays, est sans pertinence sur l’interprétation qui précède. En effet, il
est constant, dans l’affaire au principal, que le déplacement prétendument illicite s’est réalisé entre deux États membres, situation qui relève bien du champ d’application de cette disposition.

61 Enfin, en quatrième lieu, contrairement à ce que fait valoir le gouvernement allemand, il ne saurait être admis, dans le silence du règlement no 2201/2003, que l’application de la règle de compétence juridictionnelle en matière de responsabilité parentale, prévue à l’article 10 de ce règlement, soit subordonnée à l’application de règles procédurales, telles que celles énoncées à l’article 11, paragraphes 6 et 7, dudit règlement, ayant principalement pour objet de régir la transmission des
informations relatives à une décision de non-retour, adoptée en vertu de l’article 13 de la convention de La Haye de 1980, devant être communiquées à la juridiction compétente de l’État membre dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant le déplacement ou le non-retour illicites et de déterminer les modalités de notification de ces informations (voir, en ce sens, arrêt du 9 janvier 2015, RG, C‑498/14 PPU, EU:C:2015:3, point 46).

62 Eu égard à ces considérations, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 10, sous b), i), du règlement no 2201/2003 doit être interprété en ce sens que cette disposition ne cesse pas d’être applicable au seul motif qu’une autorité centrale d’un pays tiers a été sollicitée afin de mettre en œuvre une procédure de retour d’un enfant au titre de la convention de La Haye de 1980 et que cette procédure a échoué.

Sur la deuxième question

63 Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, de manière générale, quelles sont les conditions qui doivent être satisfaites afin de constater le maintien de la compétence des juridictions de l’État membre dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour illicites.

64 Il ressort de la motivation et des circonstances factuelles exposées dans la demande de décision préjudicielle que cette question porte plus précisément sur deux points relatifs, notamment, à la notion de « demande de retour », telle que visée à l’article 10, sous b), i), de ce règlement. D’une part, la juridiction de renvoi considère que la demande de retour introduite par le père de L, le 7 juillet 2017, ne constitue pas une « demande de retour », au sens de cet article 10, sous b), i), au
motif qu’elle visait à obtenir le retour de l’enfant dans un pays tiers, à savoir la Confédération suisse. D’autre part, cette juridiction estime que la demande de garde introduite par le père, le 12 juillet 2018, peut être assimilée à une « demande de retour », au sens dudit article 10, sous b), i). Elle relève toutefois que cette demande aurait été introduite après le délai d’un an fixé par cette disposition si le dies a quo de ce délai devait être identique à celui qui était applicable dans le
cadre de la demande de retour introduite le 7 juillet 2017 eu égard aux prétentions du père. Dans ce contexte, la juridiction de renvoi s’interroge également sur la question de savoir si le titulaire du droit de garde dispose de la faculté d’apporter des éléments nouveaux par rapport à ceux qu’il a fait valoir dans le cadre de ladite procédure et quelles sont, à cet égard, les règles relatives à la charge de la preuve.

65 Compte tenu de ces précisions et eu égard à la jurisprudence de la Cour mentionnée au point 39 du présent arrêt, il y a lieu de reformuler la deuxième question de telle sorte que la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 10, sous b), i), du règlement no 2201/2003 doit être interprété en ce sens que relève de la notion de « demande de retour », au sens de cette disposition, une demande tendant au retour de l’enfant dans un État autre que l’État membre dans lequel l’enfant avait
sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour illicites ou une demande de garde de cet enfant introduite devant les juridictions de cet État membre. En cas de réponse affirmative, la juridiction de renvoi demande si, d’une part, afin d’établir que le titulaire du droit de garde a introduit une demande de retour dans le délai fixé par ladite disposition, celui-ci dispose de la faculté d’apporter des éléments nouveaux par rapport aux éléments qu’il a fait valoir au
cours de la procédure menée au titre de la convention de La Haye de 1980 et, d’autre part, les règles en matière de charge de la preuve sont identiques à celles applicables dans le cadre de cette procédure.

66 S’agissant, en premier lieu, du point de savoir si, comme le soutient notamment la Commission, une demande de retour de l’enfant vers un État, y compris vers un pays tiers, distinct de l’État membre dans lequel cet enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour illicites, relève de l’article 10, sous b), i), du règlement no 2201/2003, il y a lieu de constater que ce règlement ne spécifie pas ce qu’il convient d’entendre par « demande de retour ».

67 Selon une jurisprudence constante, il y a lieu, pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie [voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2023, TT (Déplacement illicite de l’enfant), C‑87/22, EU:C:2023:571, point 39 et jurisprudence citée].

68 À cet égard, tout d’abord, rien, dans le libellé de l’article 10 du règlement no 2201/2003, ne permet d’inférer que l’expression « demande de retour » désigne une action autre que celle par laquelle une personne sollicite qu’un enfant revienne dans l’État membre sur le territoire duquel il avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour illicites.

69 Ensuite, s’agissant du contexte de l’article 10 de ce règlement, il importe de rappeler que cet article prévoit une règle spéciale de compétence par rapport à la règle générale énoncée à l’article 8, paragraphe 1, dudit règlement. Cet article 10 énonce ainsi les circonstances dans lesquelles la compétence au profit des juridictions de l’État membre dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour illicites est maintenue ou, au contraire, est
transférée aux juridictions de l’État membre dans lequel l’enfant a acquis une résidence habituelle à la suite d’un déplacement ou d’un non-retour illicites.

70 Il est dès lors logique et conforme à l’économie des règles de compétence en matière de responsabilité parentale prévues par le règlement no 2201/2003 que, d’une part, la « demande de retour », visée à l’article 10 de ce règlement, doive être adressée aux autorités compétentes de l’État membre sur le territoire duquel l’enfant a été déplacé illicitement et se trouve physiquement et, d’autre part, cette même demande vise à obtenir le retour de cet enfant dans l’État membre sur le territoire duquel
il avait sa résidence habituelle immédiatement avant le déplacement illicite, et dont les juridictions sont, ainsi que la Cour l’a déjà jugé, du fait de leur proximité géographique, généralement les mieux placées pour apprécier les mesures à adopter dans l’intérêt dudit enfant [voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2023, TT (Déplacement illicite de l’enfant), C‑87/22, EU:C:2023:571, point 33 et jurisprudence citée]. Or, une demande visant à ce que l’enfant soit emmené vers un autre État, qui plus
est un pays tiers, sur le territoire duquel il n’a pas résidé de manière habituelle avant son déplacement illicite, ne répond pas à cette logique.

71 Enfin, cette interprétation est corroborée par l’objectif du règlement no 2201/2003. En effet, celui-ci vise à dissuader les enlèvements d’enfants entre États et, en cas d’enlèvement, à obtenir le retour immédiat de l’enfant dans l’État de sa résidence habituelle (arrêt du 19 septembre 2018, C.E. et N.E., C‑325/18 PPU et C‑375/18 PPU, EU:C:2018:739, point 47).

72 Par ailleurs, la Cour a déjà jugé, à propos de l’interprétation de l’article 11 du règlement no 2201/2003 que l’un des objectifs de cette disposition est le rétablissement du statu quo ante, c’est-à-dire de la situation qui existait antérieurement au déplacement ou au non-retour illicites de l’enfant [voir, en ce sens, arrêt du 16 février 2023, Rzecznik Praw Dziecka e.a. (Suspension de la décision de retour), C‑638/22 PPU, EU:C:2023:103, point 69 et jurisprudence citée].

73 Quand bien même, ainsi qu’il a été jugé aux points 51 à 62 du présent arrêt, la compétence instituée à l’article 10 du règlement no 2201/2003 n’est pas subordonnée à la circonstance qu’une procédure de retour soit initiée au titre de la convention de La Haye de 1980, telle que cette procédure est complétée, entre les États membres, par les dispositions de l’article 11 de ce règlement, il n’en demeure pas moins que le rétablissement du statu quo ante constitue nécessairement un objectif commun des
demandes de retour visées aux articles 10 et 11 dudit règlement.

74 Partant, l’ensemble de ces objectifs serait compromis si une « demande de retour » s’entendait comme étant une demande de transférer l’enfant vers un État sur le territoire duquel cet enfant n’avait pas sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour illicites (voir, en ce sens, arrêt du 8 juin 2017, OL, C‑111/17 PPU, EU:C:2017:436, point 38).

75 Cette interprétation est corroborée par la convention de La Haye de 1980. En effet, s’il est vrai, comme le soutient la Commission, que l’article 8, premier alinéa, de cette convention autorise le titulaire du droit de garde à adresser une demande de retour par l’intermédiaire de l’autorité centrale de toute Partie Contractante, le préambule de ladite convention indique toutefois que cette dernière vise à protéger l’enfant, sur le plan international, contre les effets nuisibles d’un déplacement
ou d’un non-retour illicites et à établir des procédures en vue de garantir le retour immédiat de l’enfant dans l’État de sa résidence habituelle [voir, en ce sens, arrêt du 16 février 2023, Rzecznik Praw Dziecka e.a. (Suspension de la décision de retour), C‑638/22 PPU, EU:C:2023:103, point 64].

76 Il résulte ainsi de l’interprétation littérale, contextuelle et téléologique de l’article 10, sous b), i), du règlement no 2201/2003 que la notion de « demande de retour », au sens de cette disposition, désigne une demande par laquelle une personne sollicite qu’un enfant revienne dans l’État membre sur le territoire duquel il avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour illicites.

77 Inversement, une demande visant à obtenir que l’enfant rejoigne l’un de ses parents dans un pays tiers dans lequel cet enfant n’avait pas sa résidence habituelle immédiatement avant qu’il n’ait été déplacé illicitement ne constitue pas une « demande de retour », au sens de cet article 10, sous b), i).

78 En second lieu, une demande de garde auprès des juridictions de l’État membre sur le territoire duquel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour illicites ne saurait être considérée comme équivalant à une demande de retour au sens de l’article 10, sous b), i), du règlement no 2201/2003.

79 En effet, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé, en substance, au point 61 de ses conclusions, il ressort de l’article 10, sous b), de ce règlement qu’une demande de retour d’un enfant et une demande d’attribution de la garde d’un enfant ne sont pas interchangeables, ces deux demandes ayant des fonctions différentes. D’une part, contrairement à une demande visant à obtenir la garde d’un enfant, qui nécessite un examen approfondi du fond du litige en matière de responsabilité parentale, une
demande de retour fait l’objet, par nature, d’une procédure expéditive, dès lors qu’elle vise à assurer, ainsi que l’énonce le considérant 17 du règlement no 2201/2003, le retour sans délai de l’enfant [voir, en ce sens, arrêt du 16 février 2023, Rzecznik Praw Dziecka e.a. (Suspension de la décision de retour), C‑638/22 PPU, EU:C:2023:103, points 68 et 70]. D’autre part, la Cour a déjà jugé qu’une décision sur le retour ou le non-retour de l’enfant ne règle pas la question de la garde de
celui-ci, étant entendu que l’impossibilité de bénéficier d’une procédure de retour est sans préjudice de la faculté pour le parent dont le droit de garde a été méconnu de faire valoir ses droits concernant le fond de la responsabilité parentale portée devant les juridictions compétentes pour en connaître en vertu des dispositions du règlement no 2201/2003 (voir, en ce sens, arrêt du 8 juin 2017, OL, C‑111/17 PPU, EU:C:2017:436, point 65 et jurisprudence citée).

80 Dès lors que ni une demande de retour d’un enfant vers un État sur le territoire duquel cet enfant n’avait pas sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour illicites ni une demande de garde formulée à l’égard de cet enfant ne peuvent être qualifiées de « demande[s] de retour », au sens de l’article 10, sous b), i), du règlement no 2201/2003, il n’y a pas lieu d’examiner les questions mentionnées dans la dernière phrase du point 65 du présent arrêt.

81 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la deuxième question que l’article 10, sous b), i), du règlement no 2201/2003 doit être interprété en ce sens que ne relèvent pas de la notion de « demande de retour », au sens de cette disposition, ni une demande tendant au retour de l’enfant dans un État autre que l’État membre dans lequel cet enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour illicites ni une demande de garde dudit
enfant introduite devant les juridictions de cet État membre.

Sur la troisième question

82 Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 11, paragraphes 6 à 8, du règlement no 2201/2003 doit être interprété en ce sens que cette disposition s’applique lors de la mise en œuvre d’une procédure de retour d’un enfant en vertu de la convention de La Haye de 1980 entre un pays tiers et un État membre sur le territoire duquel se trouve cet enfant à la suite d’un déplacement ou d’un non-retour illicites, dans la mesure où celui-ci avait sa résidence
habituelle dans un autre État membre avant son déplacement.

83 Ainsi qu’il a été précisé au point 50 du présent arrêt, il résulte du libellé de l’article 11 de ce règlement que celui-ci ne s’applique qu’en combinaison avec les stipulations de la convention de La Haye de 1980 dans les relations entre les États membres.

84 Il s’ensuit que, comme l’ont fait valoir à juste titre les gouvernements allemand et polonais ainsi que la Commission, les obligations d’information et de notification prévues à l’article 11, paragraphes 6 et 7, dudit règlement ainsi que le caractère exécutoire de la décision visée à l’article 11, paragraphe 8, du même règlement ne s’appliquent pas dans le cadre d’une procédure de retour de l’enfant qui a été mise en œuvre entre une autorité centrale d’un pays tiers et les autorités de l’État
membre dans lequel se trouve cet enfant à la suite d’un déplacement ou d’un non-retour illicites.

85 Eu égard à ces considérations, il y a lieu de répondre à la troisième question que l’article 11, paragraphes 6 à 8, du règlement no 2201/2003 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’applique pas lors de la mise en œuvre d’une procédure de retour d’un enfant, en vertu de la convention de La Haye de 1980, entre un pays tiers et un État membre sur le territoire duquel se trouve cet enfant à la suite d’un déplacement ou d’un non-retour illicites.

Sur les dépens

86 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :

  1) L’article 10, sous b), i), du règlement (CE) no 2201/2003 du Conseil, du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) no 1347/2000,

doit être interprété en ce sens que :

cette disposition ne cesse pas d’être applicable au seul motif qu’une autorité centrale d’un pays tiers a été sollicitée afin de mettre en œuvre une procédure de retour d’un enfant au titre de la convention sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants, conclue à La Haye le 25 octobre 1980, et que cette procédure a échoué.

  2) L’article 10, sous b), i), du règlement no 2201/2003

doit être interprété en ce sens que :

ne relèvent pas de la notion de « demande de retour », au sens de cette disposition, ni une demande tendant au retour de l’enfant dans un État autre que l’État membre dans lequel cet enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour illicites ni une demande de garde dudit enfant introduite devant les juridictions de cet État membre.

  3) L’article 11, paragraphes 6 à 8, du règlement no 2201/2003

doit être interprété en ce sens que :

il ne s’applique pas lors de la mise en œuvre d’une procédure de retour d’un enfant, en vertu de la convention sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants, conclue à La Haye le 25 octobre 1980, entre un pays tiers et un État membre sur le territoire duquel se trouve cet enfant à la suite d’un déplacement ou d’un non-retour illicites.

  Signatures

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.

( 1 ) Le nom de la présente affaire est un nom fictif. Il ne correspond au nom réel d’aucune partie à la procédure.


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : C-35/23
Date de la décision : 20/06/2024
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par l'Oberlandesgericht Frankfurt am Main.

Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière civile – Responsabilité parentale – Règlement (CE) no 2201/2003 – Articles 10 et 11 – Compétence en cas de déplacement illicite d’un enfant – Résidence habituelle de l’enfant dans un État membre avant le déplacement illicite – Procédure de retour entre un pays tiers et un État membre – Notion de demande de retour – Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants.

Espace de liberté, de sécurité et de justice

Coopération judiciaire en matière civile


Parties
Demandeurs : Père
Défendeurs : Mère.

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Rossi

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2024
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2024:532

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award