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22/02/2024 | CJUE | N°C-661/22

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, « ABC Projektai » UAB contre Lietuvos bankas., 22/02/2024, C-661/22


 ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

22 février 2024 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Services de paiement dans le marché intérieur – Directive (UE) 2015/2366 – Article 4, points 3 et 5 – Service ou opération de paiement – Directive 2009/110/CE – Article 2, point 2 – Émission de monnaie électronique – Détention par un établissement de paiement des fonds des clients sans ordre de paiement spécifique – Qualification »

Dans l’affaire C‑661/22,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au t

itre de l’article 267 TFUE, introduite par le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Cour administrative suprême de Litua...

 ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

22 février 2024 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Services de paiement dans le marché intérieur – Directive (UE) 2015/2366 – Article 4, points 3 et 5 – Service ou opération de paiement – Directive 2009/110/CE – Article 2, point 2 – Émission de monnaie électronique – Détention par un établissement de paiement des fonds des clients sans ordre de paiement spécifique – Qualification »

Dans l’affaire C‑661/22,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Cour administrative suprême de Lituanie), par décision du 19 octobre 2022, parvenue à la Cour le 20 octobre 2022, dans la procédure

« ABC Projektai » UAB, anciennement « Bruc Bond » UAB,

contre

Lietuvos bankas,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. E. Regan, président de chambre, MM. Z. Csehi (rapporteur), M. Ilešič, I. Jarukaitis et D. Gratsias, juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour « ABC Projektai » UAB, anciennement « Bruc Bond » UAB, par Me J. Jarusevičius, advokatas, et M. P. Grendelis,

– pour le gouvernement lituanien, par Mmes V. Kazlauskaitė-Švenčionienė et E. Kurelaitytė, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement tchèque, par Mme J. Očková, MM. M. Smolek et J. Vláčil, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement allemand, par M. J. Möller et Mme A. Hoesch, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

– pour la Commission européenne, par Mme C. Auvret, M. S. L. Kalėda, Mmes A. Steiblytė et H. Tserepa-Lacombe, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 5 octobre 2023,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 4, points 3 et 5, de la directive (UE) 2015/2366 du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2015, concernant les services de paiement dans le marché intérieur, modifiant les directives 2002/65/CE, 2009/110/CE et 2013/36/UE et le règlement (UE) no 1093/2010, et abrogeant la directive 2007/64/CE (JO 2015, L 337, p. 35), ainsi que de l’article 2, point 2, de la directive 2009/110/CE du Parlement européen et du
Conseil, du 16 septembre 2009, concernant l’accès à l’activité des établissements de monnaie électronique et son exercice ainsi que la surveillance prudentielle de ces établissements, modifiant les directives 2005/60/CE et 2006/48/CE et abrogeant la directive 2000/46/CE (JO 2009, L 267, p. 7).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant « ABC Projektai » UAB, anciennement « Bruc Bond » UAB, à la Lietuvos bankas (Banque de Lituanie), au sujet du retrait de la licence d’établissement de paiement attribuée auparavant à ABC Projektai.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive 2009/110

3 Aux termes du considérant 7 de la directive 2009/110 :

« Il y a lieu de veiller à ce que la définition de la monnaie électronique soit claire afin qu’elle soit neutre sur le plan technique. Cette définition devrait couvrir toutes les situations dans lesquelles un prestataire de services de paiement émet en contrepartie de fonds une valeur stockée prépayée, qui peut être utilisée à des fins de paiement car elle est acceptée par des tiers en tant que paiement. »

4 L’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2009/110 dispose :

« La présente directive fixe les règles concernant l’exercice de l’activité d’émission de monnaie électronique, aux fins desquelles les États membres distinguent les catégories suivantes d’émetteurs de monnaie électronique :

a) les établissements de crédit au sens de l’article 4, point 1), de la directive 2006/48/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2006, concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et son exercice (JO 2006, L 177, p. 1)] [...] ;

b) les établissements de monnaie électronique au sens de l’article 2, point 1), de la présente directive [...] ;

c) les offices de chèques postaux [...] ;

d) la Banque centrale européenne et les banques centrales nationales [...] ;

e) les États membres ou leurs autorités régionales ou locales […]. »

5 L’article 2 de la directive 2009/110, intitulé « Définitions », dispose :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

1) “établissement de monnaie électronique”: une personne morale qui a obtenu, en vertu du titre II, un agrément l’autorisant à émettre de la monnaie électronique ;

2) “monnaie électronique” : une valeur monétaire qui est stockée sous une forme électronique, y compris magnétique, représentant une créance sur l’émetteur, qui est émise contre la remise de fonds aux fins d’opérations de paiement telles que définies à l’article 4, point 5), de la directive 2007/64/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 13 novembre 2007, concernant les services de paiement dans le marché intérieur, modifiant les directives 97/7/CE, 2002/65/CE, 2005/60/CE ainsi que 2006/48/CE
et abrogeant la directive 97/5/CE (JO 2007, L 319, p. 1),] et qui est acceptée par une personne physique ou morale autre que l’émetteur de monnaie électronique ;

[...] »

6 Aux termes de l’article 10 de la directive 2009/110, intitulé « Interdiction d’émission de monnaie électronique » :

« Sans préjudice de l’article 18, les États membres interdisent à toute personne physique ou morale qui n’est pas un émetteur de monnaie électronique d’émettre de la monnaie électronique. »

La directive 2013/36/UE

7 L’article 9 de la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE (JO 2013, L 176, p. 338), intitulé « Interdiction aux personnes ou entreprises autres que des établissements de crédit d’exercer l’activité de réception de dépôts
ou d’autres fonds remboursables du public », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Les États membres interdisent aux personnes ou aux entreprises qui ne sont pas des établissements de crédit d’exercer l’activité de réception de dépôts ou d’autres fonds remboursables du public. »

La directive 2015/2366

8 L’article 1er de la directive 2015/2366, intitulé « Objet », dispose, à son paragraphe 1 :

« La présente directive fixe les règles selon lesquelles les États membres distinguent les six catégories suivantes de prestataires de services de paiement :

[...]

b) les établissements de monnaie électronique au sens de l’article 2, point 1), de la directive 2009/110/CE, y compris, conformément à l’article 8 de ladite directive et au droit national, une succursale d’un tel établissement, lorsque celle-ci est située dans l’Union [européenne] et son siège hors de l’Union, dans la mesure où les services de paiement fournis par ladite succursale sont liés à l’émission de monnaie électronique ;

[...]

d) les établissements de paiement ;

[...] »

9 L’article 4 de la directive 2015/2366, intitulé « Définitions », dispose, à ses points 3, 4, 5, 12 et 23 :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

3) “service de paiement”, une ou plusieurs des activités visées à l’annexe I exercées à titre professionnel ;

4) “établissement de paiement”, une personne morale qui, conformément à l’article 11, a obtenu un agrément l’autorisant à fournir et à exécuter des services de paiement dans toute l’Union ;

5) “opération de paiement”, une action, initiée par le payeur ou pour son compte ou par le bénéficiaire, consistant à verser, à transférer ou à retirer des fonds, indépendamment de toute obligation sous-jacente entre le payeur et le bénéficiaire ;

[...]

12) “compte de paiement”, un compte qui est détenu au nom d’un ou de plusieurs utilisateurs de services de paiement et qui est utilisé aux fins de l’exécution d’opérations de paiement ;

[...]

23) “prélèvement”, un service de paiement visant à débiter le compte de paiement d’un payeur, lorsqu’une opération de paiement est initiée par le bénéficiaire sur la base du consentement donné par le payeur au bénéficiaire, au prestataire de services de paiement du bénéficiaire ou au propre prestataire de services de paiement du payeur ».

10 L’article 10 de cette directive, intitulé « Exigences en matière de protection des fonds », est libellé comme suit :

« 1.   Les États membres ou les autorités compétentes exigent qu’un établissement de paiement qui fournit des services de paiement visés à l’annexe I, points 1 à 6, protège, de l’une des façons suivantes, l’ensemble des fonds qui ont été reçus soit des utilisateurs de services de paiement, soit par l’intermédiaire d’un autre prestataire de services de paiement pour l’exécution d’opérations de paiement :

a) ces fonds ne sont jamais mélangés avec les fonds de personnes physiques ou morales autres que les utilisateurs de services de paiement pour le compte desquels les fonds sont détenus et, lorsqu’à la fin du jour ouvrable suivant le jour où ils ont été reçus, ils sont encore détenus par l’établissement de paiement et n’ont pas encore été remis au bénéficiaire ou virés à un autre prestataire de services de paiement, ils sont déposés sur un compte distinct auprès d’un établissement de crédit ou
investis en actifs à faible risque, liquides et sûrs, tels que définis par les autorités compétentes de l’État membre d’origine ; conformément au droit national et dans l’intérêt de ces utilisateurs de services de paiement, ces fonds sont soustraits aux recours d’autres créanciers de l’établissement de paiement, notamment en cas d’insolvabilité ;

b) ces fonds sont couverts par une police d’assurance ou une autre garantie comparable d’une compagnie d’assurances ou d’un établissement de crédit n’appartenant pas au même groupe que l’établissement de paiement lui‑même pour un montant équivalent à celui qui aurait été cantonné en l’absence d’une police d’assurance ou d’une autre garantie comparable, payable en cas d’incapacité de l’établissement de paiement à faire face à ses obligations financières.

2.   Lorsqu’un établissement de paiement est tenu de protéger des fonds au titre du paragraphe 1 et qu’une partie de ces fonds doit être utilisée pour de futures opérations de paiement tandis que le montant restant doit être affecté à des services autres que des services de paiement, la partie des fonds qui doit être utilisée pour de futures opérations de paiement relève aussi des exigences du paragraphe 1. Si cette partie est variable ou ne peut être déterminée à l’avance, les États membres
peuvent autoriser les établissements de paiement à appliquer le présent paragraphe en supposant qu’une partie représentative des fonds servira aux services de paiement, à condition que, sur la base de données historiques, il soit raisonnablement possible d’estimer cette partie représentative d’une manière jugée satisfaisante par les autorités compétentes. »

11 L’article 11 de la directive 2015/2366, intitulé « Octroi de l’agrément », énonce, à son paragraphe 1 :

« Les États membres exigent des entreprises autres que celles visées à l’article 1er, paragraphe 1, points a), b), c), e) et f), et autres que des personnes physiques ou morales bénéficiant d’une dérogation conformé ment aux articles 32 ou 33, qui ont l’intention de fournir des services de paiement, qu’elles obtiennent l’agrément en tant qu’établissement de paiement avant de commencer à fournir des services de paiement. [...] »

12 L’article 18 de ladite directive, intitulé « Activités », prévoit, à ses paragraphes 1 à 5 :

« 1.   Outre la prestation de services de paiement, les établissements de paiement sont habilités à exercer les activités suivantes :

a) la prestation de services opérationnels et de services auxiliaires étroitement liés, tels que la garantie de l’exécution d’opérations de paiement, des services de change, des services de garde et l’enregistrement et le traitement de données ;

b) la gestion de systèmes de paiement, sans préjudice de l’article 35 ;

c) des activités autres que la prestation de services de paiement, dans le respect du droit de l’Union et du droit national applicables.

2.   Lorsque des établissements de paiement fournissent un ou plusieurs services de paiement, ils ne peuvent détenir que des comptes de paiement qui sont utilisés exclusivement pour des opérations de paiement.

3.   Les fonds reçus par des établissements de paiement de la part d’utilisateurs de services de paiement en vue de la prestation de services de paiement ne constituent pas des dépôts ou d’autres fonds remboursables au sens de l’article 9 de la directive 2013/36/UE, ni de la monnaie électronique au sens de l’article 2, point 2), de la directive 2009/110/CE.

4.   Les établissements de paiement ne peuvent octroyer des crédits liés aux services de paiement visés à l’annexe I, point 4 ou 5, que si toutes les conditions suivantes sont remplies :

a) le crédit a un caractère accessoire et est octroyé exclusivement dans le cadre de l’exécution d’une opération de paiement ;

b) nonobstant la réglementation nationale relative à l’octroi de crédits au moyen d’une carte de crédit, le crédit consenti dans le cadre d’un paiement et exécuté conformément à l’article 11, paragraphe 9, et à l’article 28 est remboursé dans un bref délai, qui n’excède en aucun cas douze mois ;

c) ce crédit n’est pas octroyé sur la base des fonds reçus ou détenus aux fins de l’exécution d’une opération de paiement ;

d) les fonds propres de l’établissement de paiement sont à tout moment, de l’avis des autorités de surveillance, appropriés au regard du montant global du crédit octroyé.

5.   Les établissements de paiement n’exercent pas l’activité de réception de dépôts ou d’autres fonds remboursables au sens de l’article 9 de la directive 2013/36/UE. »

13 L’article 78 de la directive 2015/2366, intitulé « Réception des ordres de paiement », est libellé comme suit :

« 1.   Les États membres veillent à ce que le moment de réception soit le moment où l’ordre de paiement est reçu par le prestataire de services de paiement du payeur.

Le compte du payeur n’est pas débité avant réception de l’ordre de paiement. Si le moment de réception n’est pas un jour ouvrable pour le prestataire de services de paiement du payeur, l’ordre de paiement est réputé avoir été reçu le jour ouvrable suivant. Le prestataire de services de paiement peut établir une heure limite proche de la fin d’un jour ouvrable au-delà de laquelle tout ordre de paiement reçu est réputé avoir été reçu le jour ouvrable suivant.

2.   Si l’utilisateur de services de paiement qui initie l’ordre de paiement et le prestataire de services de paiement conviennent que l’exécution de l’ordre de paiement commencera un jour donné, ou à l’issue d’une période déterminée, ou le jour où le payeur a mis les fonds à la disposition du prestataire de services de paiement, le moment de réception aux fins de l’article 83 est réputé être le jour convenu. Si le jour convenu n’est pas un jour ouvrable pour le prestataire de services de
paiement, l’ordre de paiement est réputé avoir été reçu le jour ouvrable suivant. »

14 L’article 83 de cette directive, intitulé « Opérations de paiement effectuées vers un compte de paiement », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Les États membres exigent du prestataire de services de paiement du payeur qu’il veille à ce que, après la réception visée à l’article 78, le montant de l’opération de paiement soit crédité sur le compte du prestataire de services de paiement du bénéficiaire au plus tard à la fin du premier jour ouvrable suivant. Ce délai peut être prolongé d’un jour ouvrable supplémentaire dans le cas des opérations de paiement initiées sur support papier. »

15 L’article 87 de ladite directive, intitulé « Date de valeur et disponibilité des fonds », dispose, à son paragraphe 1 :

« Les États membres veillent à ce que, pour le compte de paiement du bénéficiaire, la date de valeur du crédit ne soit pas postérieure à celle du jour ouvrable au cours duquel le montant de l’opération de paiement est crédité sur le compte du prestataire de services de paiement du bénéficiaire. »

16 L’annexe I de la directive 2015/2366, intitulée « Services de paiement [visés à l’article 4, point 3] », énonce la liste des activités considérées comme telles :

« 1.   Les services permettant de verser des espèces sur un compte de paiement et toutes les opérations qu’exige la gestion d’un compte de paiement.

2.   Les services permettant de retirer des espèces d’un compte de paiement et toutes les opérations qu’exige la gestion d’un compte de paiement.

3.   L’exécution d’opérations de paiement, y compris les transferts de fonds sur un compte de paiement auprès du prestataire de services de paiement de l’utilisateur ou auprès d’un autre prestataire de services de paiement:

a) l’exécution de prélèvements, y compris de prélèvements autorisés unitairement ;

b) l’exécution d’opérations de paiement à l’aide d’une carte de paiement ou d’un dispositif similaire ;

c) l’exécution de virements, y compris d’ordres permanents.

4.   L’exécution d’opérations de paiement dans le cadre desquelles les fonds sont couverts par une ligne de crédit accordée à l’utilisateur de services de paiement :

a) l’exécution de prélèvements, y compris de prélèvements autorisés unitairement ;

b) l’exécution d’opérations de paiement à l’aide d’une carte de paiement ou d’un dispositif similaire ;

c) l’exécution de virements, y compris d’ordres permanents.

5.   L’émission d’instruments de paiement et/ou l’acquisition d’opérations de paiement.

6.   Les transmissions de fonds.

7.   Les services d’initiation de paiement.

8.   Les services d’information sur les comptes. »

Le droit lituanien

17 La directive 2015/2366 a été transposée en droit lituanien par le Lietuvos Respublikos mokėjimų įstatymas (loi de la République de Lituanie sur les paiements), telle que modifiée par la loi no XIII-1092, du 17 avril 2018 (TAR, 2018, no 2018-6727) (ci-après la « loi sur les paiements »), et le Lietuvos Respublikos mokėjimo įstaigų įstatymas (loi de la République de Lituanie sur les établissements de paiement), telle que modifiée par la loi no XI-549, du 17 avril 2018 (TAR, 2018, no 2018-6729).

18 L’article 46, paragraphe 1, de la loi sur les paiements prévoit que le prestataire de services de paiement du payeur veille à ce que, après la réception de l’ordre de paiement, le montant d’une opération de paiement en euros effectuée en Lituanie et à destination d’un autre État membre soit crédité sur le compte du prestataire de services de paiement du bénéficiaire au plus tard à la fin du premier jour ouvrable suivant, sauf dans le cas visé au paragraphe 3 de cet article. Ce délai peut être
prolongé d’un jour ouvrable supplémentaire lorsque l’opération de paiement est initiée sur support papier.

19 La directive 2009/110 a été transposée en droit lituanien par le Lietuvos Respublikos elektroninių pinigų ir elektroninių pinigų įstaigų įstatymas (loi de la République de Lituanie sur la monnaie électronique et les établissements de monnaie électronique), dans sa version applicable aux faits au principal, entrée en vigueur le 1er août 2018 (TAR, 2018, no 2018-6730).

20 L’article 5 de cette loi interdit à toute personne physique ou morale qui n’est pas un émetteur de monnaie électronique d’émettre de la monnaie électronique.

Le litige au principal et la question préjudicielle

21 ABC Projektai, société succédant en droit à Bruc Bond, a obtenu de la Lietuvos bankas (Banque de Lituanie), le 13 octobre 2016, une licence l’habilitant à fournir des services de paiement.

22 Elle était ainsi autorisée à fournir les services de paiement suivants : les opérations de paiement, y compris les transferts de fonds sur un compte de paiement auprès du prestataire de services de paiement de l’utilisateur ou auprès d’un autre prestataire de services de paiement ; les prélèvements, y compris les prélèvements autorisés de manière unitaire, et les opérations de paiement à l’aide d’une carte de paiement ou d’un dispositif similaire et/ou de virements, y compris les ordres
permanents et les transmissions de fonds.

23 Le 16 avril 2020, la Banque de Lituanie a retiré cette licence en invoquant dix motifs, dont un seul est concerné par la présente demande de décision préjudicielle, à savoir l’émission, par ABC Projektai, de monnaie électronique sans avoir la qualité d’émetteur d’une telle monnaie, violant ainsi l’article 5 de la loi de la République de Lituanie sur la monnaie électronique et les établissements de monnaie électronique, dans sa version applicable aux faits au principal.

24 Selon la Banque de Lituanie, ABC Projektai a conservé les fonds de clients au-delà de la durée nécessaire à l’exécution d’opérations de paiement. Elle a considéré que le fait de porter des fonds reçus de clients au crédit des comptes pour paiements reçus sans destination concrète et de les conserver pendant plusieurs jours, voire, parfois, plusieurs mois, sans effectuer de transfert des fonds vers les comptes des destinataires de ces paiements constitue de fait une émission de monnaie
électronique.

25 À cet égard, la Banque de Lituanie s’est appuyée sur la Lietuvos banko Priežiūros tarnybos pozicija dėl mokėjimo sąskaitose laikomų lėšų (position du conseil de surveillance de la Banque de Lituanie concernant les fonds détenus sur des comptes de paiement), telle qu’approuvée par le Lietuvos banko Priežiūros tarnybos direktoriaus 2016 m. vasario 29 d. sprendimas Nr. 241‑53 (décision no 241‑53 du directeur du conseil de surveillance de la Banque de Lituanie, du 29 février 2016). Il ressort de
cette position, adoptée, selon la Banque de Lituanie, en concertation avec la Commission européenne, qu’un établissement de paiement peut recevoir des fonds sur un compte de paiement ouvert auprès de lui uniquement s’ils sont accompagnés d’un ordre de paiement, lequel doit être exécuté dans les délais fixés par la loi sur les paiements et que l’établissement de paiement doit prendre des mesures suffisantes pour garantir que les fonds versés par des tiers sur le compte de paiement d’un client ne
soient pas détenus au-delà de la durée nécessaire à l’exécution des paiements. Dans l’hypothèse où ces exigences ne seraient pas respectées, les fonds se trouvant sur un compte de paiement de l’établissement de paiement seraient à considérer comme étant des dépôts, d’autres fonds remboursables ou de la monnaie électronique.

26 ABC Projektai a contesté la décision lui retirant la licence d’établissement de paiement devant le Vilniaus apygardos administracinis teismas (tribunal régional administratif de Vilnius, Lituanie). Cette juridiction ayant rejeté le recours, ABC Projektai s’est pourvue en cassation devant le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Cour administrative suprême de Lituanie), la juridiction de renvoi.

27 ABC Projektai soutient que la juridiction de première instance a commis une erreur de droit dans l’interprétation des conditions d’émission de monnaie électronique et que, ainsi, cette juridiction n’a pas suivi les enseignements découlant de l’arrêt du 16 janvier 2019, Paysera LT (C‑389/17, EU:C:2019:25). Il découlerait de cet arrêt que, lorsque le service de paiement n’est pas fourni par un établissement de monnaie électronique et que sa fourniture n’a pas pour but d’émettre ni de rembourser la
valeur nominale de services électroniques, ce service de paiement ne peut être considéré comme une activité liée à l’émission de monnaie électronique.

28 La juridiction de renvoi fait observer qu’il ressort du point 29 dudit arrêt que l’émission de monnaie électronique n’est pas une activité « spontanée » et a lieu, au contraire, dans le but de permettre le remboursement de la valeur nominale de la monnaie électronique. Or, en l’espèce, ABC Projektai n’aurait pas eu pour objectif d’émettre de la monnaie électronique. Toutefois, comme certains clients n’avaient pas indiqué la destination des paiements qu’ils souhaitaient effectuer, les fonds
nécessaires pour exécuter ces derniers auraient été conservés par celle-ci au-delà de la durée nécessaire à l’exécution des opérations de paiement et n’auraient été restitués aux clients qu’après quelque temps.

29 Cette juridiction précise que la Cour, dans ledit arrêt, s’est prononcée sur la question de savoir si des services de paiement fournis par un établissement de services électroniques devaient être considérés comme étant des services liés à l’émission de monnaie électronique, sans toutefois examiner ce qui distinguait l’activité des établissements de paiement de celle des établissements de monnaie électronique.

30 Dans ces conditions, le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Cour administrative suprême de Lituanie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Dans des circonstances telles que celles qui se présentent dans la présente affaire, à savoir lorsqu’un établissement de paiement reçoit des fonds sans ordre de paiement précis de les transférer le jour même ou le jour ouvrable suivant et que les fonds restent, au-delà du délai fixé par la législation pour la prestation du service de paiement, sur un compte de l’établissement de paiement, destiné à l’exécution d’opérations de paiement, les actes de l’établissement de paiement doivent-ils être
qualifiés

a) d’élément d’un service de paiement ou d’une opération de paiement fournie ou effectuée par l’établissement de paiement, au sens de l’article 4, points 3 et 5, de la directive 2015/2366, ou bien

b) d’émission de monnaie électronique, au sens de l’article 2, point 2, de la directive 2009/110 ? »

Sur la question préjudicielle

31 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 4, point 3, de la directive 2015/2366 et l’article 2, point 2, de la directive 2009/110 doivent être interprétés en ce sens que l’activité d’un établissement de paiement consistant à recevoir des fonds de la part d’un utilisateur d’un service de paiement, sans que ces fonds soient immédiatement accompagnés d’un ordre de paiement, de sorte qu’ils restent disponibles sur un compte de paiement, au sens de l’article 4,
point 12, de la directive 2015/2366, géré par cet établissement, constitue un service de paiement fourni par cet établissement de paiement, au sens de l’article 4, point 3, de la directive 2015/2366, ou une opération d’émission de monnaie électronique, au sens de l’article 2, point 2, de la directive 2009/110 .

32 L’article 4, point 3, de la directive 2015/2366 définit la notion de « service de paiement » comme étant une ou plusieurs des activités visées à l’annexe I de cette directive, exercées à titre professionnel. Conformément à cette annexe, ces activités comprennent, notamment, les services permettant de verser des espèces sur un compte de paiement et de les retirer ainsi que toutes les opérations qu’exige la gestion d’un compte de paiement, l’exécution d’opérations de paiement, y compris des
opérations de paiement dans le cadre desquelles les fonds sont couverts par une ligne de crédit accordée à l’utilisateur de services de paiement, plus particulièrement l’exécution de prélèvements, y compris de prélèvements autorisés de manière unitaire, l’exécution d’opérations de paiement à l’aide d’une carte de paiement ou d’un dispositif similaire et l’exécution de virements, y compris d’ordres permanents.

33 Selon l’article 4, point 5, de ladite directive, il y a lieu d’entendre par « opération de paiement » une action, initiée par le payeur, ou pour son compte ou par le bénéficiaire, consistant à verser, à transférer ou à retirer des fonds, indépendamment de toute obligation sous-jacente entre le payeur et le bénéficiaire.

34 Il en résulte que, lorsqu’un utilisateur de services de paiement met à la disposition d’un établissement de paiement des fonds et que ces fonds sont crédités sur un compte de paiement détenu par cet établissement au nom de cet utilisateur, ces opérations doivent, en principe, être considérées comme constituant une opération liée à la gestion d’un compte de paiement au sens de l’article 4, point 12, de la directive 2015/2366 et donc comme faisant partie d’un service de paiement, au sens de son
article 4, point 3.

35 Or, ces opérations ne sauraient perdre une telle qualification au seul motif que les fonds reçus sur ledit compte de paiement ne sont pas accompagnés d’un ordre de paiement le jour même ou le jour ouvrable suivant.

36 Certes, la directive 2015/2366 soumet les prestataires de services de paiement à diverses obligations, notamment en ce qui concerne le délai d’exécution des ordres de paiement ou les dates de référence à utiliser. En particulier, conformément à l’article 83, paragraphe 1, de la directive 2015/2366, les États membres exigent du prestataire de services de paiement du payeur qu’il veille à ce que, après la réception de l’ordre de paiement, laquelle intervient dans les conditions fixées à
l’article 78 de cette directive, le montant de l’opération de paiement soit crédité sur le compte du prestataire de services de paiement du bénéficiaire au plus tard à la fin du premier jour ouvrable suivant, ce délai pouvant être prolongé d’un jour ouvrable supplémentaire dans le cas d’opérations de paiement initiées sur support papier. S’agissant de la date de valeur à laquelle le montant de l’opération de paiement est crédité sur le compte du bénéficiaire, l’article 87, paragraphe 1, de la
directive 2015/2366 exige que cette date ne soit pas postérieure à celle du jour ouvrable au cours duquel le montant de l’opération de paiement est crédité sur le compte du prestataire de services de paiement du bénéficiaire.

37 En revanche, aucune disposition de cette directive n’exclut que des fonds soient crédités à l’avance sur un compte de paiement en vue de l’exécution d’ordres de paiement futurs, y compris d’ordres de paiement non encore spécifiés, ni ne fixe de délai dans lequel, après qu’un tel compte a été crédité d’un certain montant, ce montant doit être utilisé aux fins d’une opération de paiement.

38 Tout au contraire, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé, en substance, au point 55 de ses conclusions, la directive 2015/2366 vise des hypothèses de services de paiement dont la bonne exécution nécessite que des fonds soient crédités à l’avance sur un compte de paiement sans être accompagnés d’un ordre de versement.

39 En effet, l’article 4, point 23, de cette directive envisage expressément l’exécution de prélèvements à partir d’un compte de paiement, initiés par le bénéficiaire sur la base du consentement donné à ce dernier par le payeur. Or, la bonne exécution d’une telle opération de paiement suppose la disponibilité, à l’avance, des fonds nécessaires à cette opération sur le compte de paiement du payeur.

40 En outre, l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2015/2366 oblige les établissements de paiement à protéger, selon les modalités que cette disposition prévoit à ses points sous a) et b), l’ensemble des fonds qui ont été reçus soit des utilisateurs de services de paiement, soit par l’intermédiaire d’un autre prestataire de services de paiement pour l’exécution d’opérations de paiement. Or, les modalités de protection prévues à l’article 10, paragraphe 1, sous a), de cette directive visent
expressément la situation dans laquelle ces fonds sont encore détenus, à la fin du jour ouvrable suivant le jour où ils ont été reçus, par l’établissement de paiement et n’ont pas encore été remis au bénéficiaire ou virés à un autre prestataire de services de paiement.

41 L’article 10, paragraphe 2, de la directive 2015/2366 confirme également une telle interprétation. En effet, cette disposition vise expressément le cas de figure selon lequel certains fonds de l’utilisateur doivent être utilisés pour de futures opérations de paiement, y compris lorsque le montant de tels fonds est variable ou ne peut être déterminé à l’avance.

42 En outre, la circonstance que l’article 18, paragraphe 4, de cette directive permet, sous certaines conditions, aux établissements de paiement d’octroyer des crédits à caractère accessoire s’accorderait difficilement avec une stricte obligation de faire accompagner chaque ordre de paiement du transfert des sommes correspondantes sur le compte à partir duquel l’ordre de paiement concerné sera exécuté.

43 Cela étant, il importe de préciser que le transfert de fonds sur un compte de paiement doit toujours être effectué en vue de l’exécution d’ordres de paiement, que ces ordres soient déjà ou non encore spécifiés. En effet, conformément à l’article 18, paragraphe 2, de la directive 2015/2366, les établissements de paiement, lorsqu’ils fournissent un ou plusieurs services de paiement, ne peuvent détenir que des comptes de paiement qui sont utilisés exclusivement pour des opérations de paiement.

44 En outre, conformément à l’article 18, paragraphe 3, de cette directive, les fonds reçus par des établissements de paiement de la part d’utilisateurs de services de paiement en vue de la prestation de services de paiement ne constituent pas des dépôts ou d’autres fonds remboursables, au sens de l’article 9 de la directive 2013/36, ni de la monnaie électronique, au sens de l’article 2, point 2, de la directive 2009/110. De même, aux termes de son article 18, paragraphe 5, les établissements de
paiement n’exercent pas l’activité de réception de tels dépôts ou de tels autres fonds remboursables.

45 Il s’ensuit que, afin d’éviter la requalification d’actes de réception de fonds en activité de réception de dépôts ou d’autres fonds remboursables, les comptes sur lesquels ces fonds sont crédités doivent, conformément à l’article 4, point 12, de la directive 2015/2366, être utilisés exclusivement aux fins de l’exécution d’opérations de paiement.

46 S’agissant d’une éventuelle requalification d’opérations, telles que celles en cause au principal, en émissions de monnaie électronique, au sens de l’article 2, point 2, de la directive 2009/110, ainsi qu’envisagée par la juridiction de renvoi et préconisée par le gouvernement lituanien, il convient de rappeler, tout d’abord, que la notion de « monnaie électronique », au sens de cette disposition, est définie comme étant une valeur monétaire stockée sous une forme électronique, y compris
magnétique, représentant une créance sur l’émetteur, qui est émise contre la remise de fonds aux fins d’opérations de paiement et qui est acceptée par une personne physique ou morale autre que l’émetteur de monnaie électronique. En outre, eu égard à l’interdiction générale en ce sens énoncée à l’article 10 de cette directive, les établissements de paiement ne sont pas autorisés à émettre de la monnaie électronique.

47 Or, si une inscription en compte de paiement représente également une créance, exprimée en valeur monétaire, sur l’établissement concerné vis-à-vis d’un utilisateur de ses services ayant été émise contre la remise de fonds, il se déduit de cette définition de la monnaie électronique donnée par l’article 2, point 2, de la directive 2009/110 que l’émission de monnaie électronique se distingue de la simple inscription sur un compte de paiement en ce que, notamment, avant d’être utilisée aux fins
d’un tel paiement, celle-ci doit être « stockée » sous une forme électronique, ce qui implique qu’elle ait été préalablement émise, c’est-à-dire transformée en un actif monétaire distinct des fonds remis, et que son utilisation, comme moyen de paiement, soit acceptée par une personne physique ou morale autre que l’émetteur de monnaie électronique.

48 Ainsi que l’a souligné M. l’avocat général aux points 66 à 69 de ses conclusions, il est à tout le moins nécessaire, pour qu’une activité relève de l’émission de « monnaie électronique », au sens de l’article 2, point 2, de cette directive, qu’il existe un accord contractuel entre l’utilisateur et l’émetteur de monnaie électronique selon lequel ces parties conviennent expressément que cet émetteur émettra un actif monétaire distinct à concurrence de la valeur monétaire des fonds versés par
l’utilisateur. Or, transférer et maintenir des fonds sur un compte de paiement sans ordonner immédiatement des opérations de paiement à hauteur de la valeur de ces fonds ne signifie pas que l’utilisateur du service de paiement ait donné son accord, exprès ou tacite, à l’émission de monnaie électronique.

49 Il ne ressort pas du dossier qu’ABC Projektai a converti certains des fonds qu’il recevait en monnaie stockée sous forme électronique, y compris magnétique, utilisable par un réseau de clients qui l’accepteraient volontairement. Tout semble au contraire indiquer qu’il s’agissait de fonds déposés sur des comptes de paiement et qui étaient utilisables uniquement pour exécuter les ordres de paiement des utilisateurs concernés.

50 Ensuite, l’arrêt du 16 janvier 2019, Paysera LT (C‑389/17, EU:C:2019:25), mentionné dans la décision de renvoi, n’est pas directement pertinent dans ce contexte. En effet, dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, la requérante au principal était un établissement de monnaie électronique et le litige au principal portait sur les règles de calcul de fonds propres des établissements de monnaie électronique. Or, dans la présente affaire, la requérante au principal n’a pas une telle qualité et
semble n’avoir jamais eu l’intention d’émettre de monnaie électronique.

51 Enfin, et en tout état de cause, à supposer qu’ABC Projektai ait méconnu certaines des exigences réglementaires qui s’appliquent dans le cadre de l’exécution des ordres de paiement ou qu’elle ait violé des dispositions contractuelles applicables à la gestion du compte de paiement en cause au principal, cela ne ferait pas nécessairement des opérations réalisées par ce prestataire, des émissions de monnaie électronique, au sens de l’article 2, point 2, de la directive 2009/110. En effet, sous
réserve d’une requalification de l’opération pour les raisons mentionnées aux points 44 et 47 du présent arrêt, la méconnaissance par le prestataire de services de paiement de certaines exigences réglementaires ou contractuelles pourrait certes engager sa responsabilité, mais de telles irrégularités n’auraient pas, en elles-mêmes, pour conséquence de faire sortir l’opération en cause du champ d’application de la directive 2015/2366.

52 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que l’article 4, point 3, de la directive 2015/2366 et l’article 2, point 2, de la directive 2009/110 doivent être interprétés en ce sens que l’activité d’un établissement de paiement consistant à recevoir des fonds de la part d’un utilisateur d’un service de paiement, sans que ces fonds soient immédiatement accompagnés d’un ordre de paiement, de sorte qu’ils restent disponibles sur un compte de paiement, au
sens de l’article 4, point 12, de la directive 2015/2366, géré par cet établissement, constitue un service de paiement fourni par cet établissement de paiement, au sens de l’article 4, point 3, de la directive 2015/2366, et non une opération d’émission de monnaie électronique, au sens de l’article 2, point 2, de la directive 2009/110.

Sur les dépens

53 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit :

  L’article 4, point 3, de la directive (UE) 2015/2366 du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2015, concernant les services de paiement dans le marché intérieur, modifiant les directives 2002/65/CE, 2009/110/CE et 2013/36/UE et le règlement (UE) no 1093/2010, et abrogeant la directive 2007/64/CE, et l’article 2, point 2, de la directive 2009/110/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, concernant l’accès à l’activité des établissements de monnaie électronique et son
exercice ainsi que la surveillance prudentielle de ces établissements, modifiant les directives 2005/60/CE et 2006/48/CE et abrogeant la directive 2000/46/CE,

  doivent être interprétés en ce sens que :

  l’activité d’un établissement de paiement consistant à recevoir des fonds de la part d’un utilisateur d’un service de paiement, sans que ces fonds soient immédiatement accompagnés d’un ordre de paiement, de sorte qu’ils restent disponibles sur un compte de paiement, au sens de l’article 4, point 12, de la directive 2015/2366, géré par cet établissement, constitue un service de paiement fourni par cet établissement de paiement, au sens de l’article 4, point 3, de la directive 2015/2366, et non une
opération d’émission de monnaie électronique, au sens de l’article 2, point 2, de la directive 2009/110.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le lituanien.


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : C-661/22
Date de la décision : 22/02/2024
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas.

Renvoi préjudiciel – Services de paiement dans le marché intérieur – Directive (UE) 2015/2366 – Article 4, points 3 et 5 – Service ou opération de paiement – Directive 2009/110/CE – Article 2, point 2 – Émission de monnaie électronique – Détention par un établissement de paiement des fonds des clients sans ordre de paiement spécifique – Qualification.

Libre circulation des capitaux

Droit d'établissement

Rapprochement des législations

Marché intérieur - Principes


Parties
Demandeurs : « ABC Projektai » UAB
Défendeurs : Lietuvos bankas.

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Csehi

Origine de la décision
Date de l'import : 24/02/2024
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2024:148

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