CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE
MME JULIANE KOKOTT
présentées le 30 novembre 2023 ( 1 )
Affaire C‑181/22 P
Nemea Bank plc,
contre
Banque centrale européenne (BCE)
« Pourvoi – Mécanisme de surveillance unique – Règlement (UE) no 1024/2013 – Missions spécifiques de surveillance confiées à la BCE – Décision de retrait de l’agrément de Nemea Bank plc pour l’accès à l’activité d’établissement de crédit – Article 24 – Procédure de réexamen administratif interne – Remplacement par une décision dont le contenu est identique – Recours en annulation – Disparition de l’objet du litige et de l’intérêt à agir – Non-lieu à statuer – Recours en indemnité – Irrecevabilité
manifeste – Protection juridictionnelle effective – Article 47 de la Charte »
I. Introduction
1. Par son pourvoi, la société maltaise Nemea Bank plc demande à la Cour d’annuler l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 20 décembre 2021, Niemelä e.a./BCE (T‑321/17, ci‑après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2021:942). Par l’ordonnance attaquée, le Tribunal a, d’une part, jugé qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur la demande de Nemea Bank en annulation de la décision ( 2 ) de la Banque centrale européenne (BCE) du 23 mars 2017 (ci-après la « décision litigieuse » ou la « décision
initiale »). D’autre part, il a rejeté la demande en indemnité de Nemea Bank comme étant manifestement irrecevable. Par la décision litigieuse, la BCE avait quant à elle décidé de retirer à Nemea Bank son agrément en tant qu’établissement de crédit (ci-après le « retrait de l’agrément »).
2. Nous avons déjà répondu aux questions de droit soulevées par les deuxième et troisième moyens dans nos conclusions dans les affaires Pilatus Bank/BCE (C‑750/21 P et C‑256/22 P), encore pendantes, qui concernent également le secteur bancaire maltais. Ces questions portaient sur l’exercice effectif des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective de la banque concernée par le conseil qu’elle avait mandaté ( 3 ). Nous sommes parvenus à la conclusion que ce conseil est
seul habilité à représenter les droits et les intérêts de cette banque tant dans la procédure administrative conduisant au retrait de l’agrément de celle-ci que dans la procédure contentieuse subséquente devant les juridictions de l’Union, pouvoir dont ne dispose pas l’administrateur de la banque nommé par les autorités nationales de surveillance.
3. Il n’a à ce jour pas été répondu à la question de droit sur laquelle est fondé le premier moyen du pourvoi. Elle porte sur les conditions dans lesquelles la banque concernée doit introduire un recours en annulation devant le Tribunal lorsqu’elle exerce son droit, conféré par l’article 24, paragraphe 5, du règlement (UE) no 1024/2013 ( 4 ), de demander que la décision de retrait de l’agrément fasse l’objet d’un réexamen administratif interne par la commission administrative de réexamen de la BCE.
Nemea Bank avait en effet introduit une telle demande dans la présente affaire, peu avant de former son recours en annulation contre la décision litigieuse. Elle a toutefois ensuite omis de former un recours devant le Tribunal, dans les formes et délais prescrits, contre la décision que la BCE a prise le 30 juin 2017 ( 5 ) à la suite de l’avis de la commission administrative de réexamen et dont le contenu est identique (ci-après la « seconde décision »), laquelle a remplacé la décision initiale.
Celle-ci est donc (éventuellement) devenue inattaquable et définitive. Selon le Tribunal, cette circonstance a eu pour conséquence que Nemea Bank a perdu son intérêt à agir et qu’il n’y a plus lieu de statuer sur sa demande en annulation de la première décision, au motif que la seconde décision a remplacé celle-ci avec effet rétroactif. Si l’analyse juridique du Tribunal est exacte, le retrait de l’agrément ne pourrait plus en l’espèce faire l’objet d’un contrôle de légalité, du moins dans le
cadre d’une procédure en annulation.
4. La présente procédure soulève donc des questions fondamentales au sujet de la protection juridictionnelle effective contre les actes des institutions, organes ou organismes de l’Union qui, en vertu du droit dérivé, peuvent faire l’objet d’une procédure administrative de réexamen ou de réclamation avant ou parallèlement à la mise en œuvre de la procédure de recours juridictionnel. Les juridictions de l’Union se sont déjà prononcées à plusieurs reprises dans leur jurisprudence sur de telles
dispositions de droit dérivé et sur leur rapport avec l’article 263 TFUE ( 6 ). Ce rapport n’a toutefois pas encore fait l’objet d’une clarification cohérente et transversale pour toutes les procédures administratives internes de réexamen ou de réclamation. Il convient en particulier d’éviter que de telles procédures ne créent des lacunes dans la protection juridictionnelle au lieu de l’améliorer. Cela ne serait pas conciliable avec le droit fondamental à une protection juridictionnelle effective
prévu à l’article 47, premier alinéa, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ainsi qu’avec l’article 263 TFUE.
5. Ces conclusions sont principalement consacrées à la question litigieuse du non‑lieu à statuer sur la demande en annulation en raison de la prétendue disparition de l’intérêt à agir de Nemea Bank, qui fait l’objet du premier moyen. Si la Cour devait suivre notre proposition de réponse à ce moyen et annuler l’ordonnance attaquée en raison du maintien de l’intérêt à agir de Nemea Bank, il ne serait plus nécessaire de traiter les deuxième et troisième moyens relatifs à l’exercice effectif des droits
de la défense ( 7 ) puisque ceux-ci sont également dirigés contre le non‑lieu à statuer prononcé par le Tribunal.
II. Le cadre juridique
6. Le considérant 64 du règlement no 1024/2013 prévoit notamment :
« La BCE devrait prévoir la possibilité pour des personnes physiques et morales de demander un réexamen des décisions arrêtées en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par le présent règlement et dont elles sont destinataires ou qui les concernent directement et individuellement. Ce réexamen devrait porter sur la conformité formelle et matérielle de ces décisions au présent règlement, tout en respectant le pouvoir d’appréciation laissé à la BCE pour ce qui est de juger de l’opportunité de
prendre ces décisions. À cet effet et pour des raisons de simplification de procédure, la BCE devrait mettre en place une commission administrative chargée de procéder à ces réexamens internes. [...] La procédure fixée pour ce réexamen devrait prévoir que le conseil de surveillance réexamine, le cas échéant, son ancien projet de décision. »
7. Sous l’intitulé « Missions confiées à la BCE », l’article 4, paragraphe 1, sous a), de ce règlement énonce :
« Dans le cadre de l’article 6, la BCE est, conformément au paragraphe 3 du présent article, seule compétente pour exercer, à des fins de surveillance prudentielle, les missions suivantes à l’égard de tous les établissements de crédit établis dans les États membres participants :
a) agréer les établissements de crédit et retirer les agréments des établissements de crédit, sous réserve de l’article 14 ;
[...] »
8. L’article 14, paragraphe 5, second alinéa, de ce règlement dispose :
« Lorsque l’autorité compétente nationale qui a proposé l’agrément conformément au paragraphe 1 estime que l’agrément doit être retiré en vertu du droit national, elle soumet une proposition en ce sens à la BCE. Dans ce cas, la BCE arrête une décision sur la proposition de retrait en tenant pleinement compte des motifs justifiant le retrait avancés par l’autorité compétente nationale. »
9. L’article 24 du règlement no 1024/2013, intitulé « Commission administrative de réexamen », prévoit notamment :
« 1. La BCE met en place une commission administrative de réexamen chargée de procéder, à la suite d’une demande présentée conformément au paragraphe 5, à un réexamen administratif interne des décisions prises par la BCE dans l’exercice des compétences que lui confère le présent règlement. Ce réexamen administratif interne porte sur la conformité formelle et matérielle desdites décisions au présent règlement.
[...]
5. Toute personne physique ou morale peut, dans les cas visés au paragraphe 1, demander le réexamen d’une décision prise par la BCE en vertu du présent règlement, dont elle est le destinataire ou qui la concerne directement et individuellement. Une demande de réexamen portant sur une décision du conseil des gouverneurs visée au paragraphe 7 n’est pas recevable.
6. Toute demande de réexamen est motivée et présentée par écrit auprès de la BCE dans un délai d’un mois à compter, suivant le cas, de la date de notification de la décision à la personne qui demande le réexamen ou, à défaut, à compter du jour où celle-ci en a eu connaissance.
7. Après avoir statué sur la recevabilité de la demande de réexamen, la commission administrative de réexamen émet un avis dans un délai raisonnable par rapport à l’urgence de l’affaire et au plus tard dans les deux mois à compter de la réception de la demande, et renvoie le dossier au conseil de surveillance en vue de l’élaboration d’un nouveau projet de décision. Le conseil de surveillance tient compte de l’avis de la commission administrative de réexamen et soumet rapidement un nouveau
projet de décision au conseil des gouverneurs. Le nouveau projet de décision abroge la décision initiale, la remplace par une décision dont le contenu est identique, ou la remplace par une décision modifiée. Le nouveau projet de décision est réputé adopté à moins que le conseil des gouverneurs ne s’y oppose dans un délai maximal de dix jours ouvrables.
8. La demande de réexamen introduite en application du paragraphe 5 n’a pas d’effet suspensif. Cependant, le conseil des gouverneurs peut, sur proposition de la commission administrative de réexamen, suspendre l’application de la décision contestée s’il estime que les circonstances l’exigent.
9. L’avis émis par la commission administrative de réexamen, le nouveau projet de décision soumis par le conseil de surveillance et la décision adoptée par le conseil des gouverneurs en application du présent article sont motivés et notifiés aux parties.
[...]
11. Le présent article ne porte pas atteinte au droit de former un recours devant la CJUE conformément aux traités. »
III. Les faits et la décision litigieuse
10. Les faits et la décision litigieuse sont exposés aux points 1 à 8 de l’ordonnance attaquée et peuvent être résumés comme suit.
11. La cinquième requérante en première instance, Nemea Bank, est un établissement de crédit moins important établi à Malte, soumis à la surveillance prudentielle directe de la Malta Financial Services Authority (MFSA, autorité maltaise des services financiers). Les troisième et quatrième requérantes en première instance, Nemea plc et Nevestor SA, sont des actionnaires directs de Nemea Bank. Les premier et deuxième requérants en première instance, MM. Niemelä et Lehto, n’en sont que des actionnaires
indirects, du fait de leur participation dans les troisième et quatrième requérantes, et sont également membres du conseil de direction de Nemea Bank.
12. Le 25 janvier 2017, après avoir consulté l’autorité nationale de résolution, la MFSA a transmis à la BCE une proposition de retrait de l’agrément de Nemea Bank.
13. Le 13 mars 2017, le conseil des gouverneurs de la BCE a approuvé un projet de décision de retrait de l’agrément et a invité Nemea Bank à présenter ses observations dans un délai de trois jours. Celle-ci a déféré à cette demande le 15 mars 2017.
14. Le 23 mars 2017, la BCE a adopté la décision litigieuse en vertu de l’article 4, paragraphe 1, sous a), et de l’article 14, paragraphe 5, du règlement no 1024/2013.
15. Le 22 avril 2022, Nemea Bank et les autres requérants en première instance ont demandé, devant la commission administrative de réexamen de la BCE, un réexamen administratif interne de la décision litigieuse, conformément à l’article 24, paragraphe 5, première phrase, du règlement no 1024/2013.
16. Le 22 mai 2017, les requérants en première instance ont introduit un recours devant le Tribunal contre la décision litigieuse.
17. Le 19 juin 2017, la commission administrative de réexamen a adopté un avis dans lequel elle a proposé de remplacer la décision litigieuse par une décision dont le contenu était identique.
18. Le 30 juin 2017, à la suite de l’avis de la commission administrative de réexamen et sur la base d’une proposition du conseil de surveillance, le conseil des gouverneurs a adopté la seconde décision, qui, selon son dispositif, remplace la décision initiale prévue à l’article 24, paragraphe 7, du règlement no 1024/2013.
19. Les parties requérantes en première instance ont omis d’introduire un recours en annulation, dans les formes et délais prescrits, contre cette seconde décision.
IV. La procédure devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée
20. Alors que le réexamen administratif interne était encore en cours, les parties requérantes en première instance ont, par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 mai 2017, introduit un recours contre la décision litigieuse (voir point 16 ci-dessus). Celui-ci tendait, d’une part, à l’annulation de cette décision et, d’autre part, à la réparation des préjudices que les parties requérantes en première instance prétendent avoir subis.
21. Eu égard à l’exception d’irrecevabilité soulevée par la BCE, le Tribunal a décidé, par ordonnance du 13 juillet 2018, de joindre au fond l’examen de la recevabilité, conformément à l’article 130, paragraphe 7, de son règlement de procédure.
22. À la demande de la Commission européenne, le président de la chambre compétente du Tribunal a, par décision du 23 juillet 2018, admis celle-ci à intervenir au soutien des conclusions de la BCE.
23. Par décision du président de la chambre compétente du Tribunal du 29 mars 2019, la procédure a été suspendue dans l’attente du prononcé de l’arrêt du 5 novembre 2019, BCE e.a./Trasta Komercbanka e.a. (C‑663/17 P, C‑665/17 P et C‑669/17 P, EU:C:2019:923). Après la reprise de la procédure, le Tribunal a renoncé à l’audience qui avait été initialement prévue, mais qui avait ensuite été différée. Par mesure d’organisation de la procédure du 2 juillet 2021, il a préféré inviter les parties à
présenter leurs observations sur la question de savoir, notamment, si, compte tenu du remplacement de la décision litigieuse par la seconde décision, la demande d’annulation était devenue sans objet, au sens de l’article 131, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, en sorte qu’il n’y aurait plus lieu de statuer.
24. Par l’ordonnance attaquée, le Tribunal a déclaré qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur la demande en annulation de la décision litigieuse, du fait de la disparition de son objet et de l’intérêt à agir des parties requérantes (point 1 du dispositif), et il a rejeté la demande en indemnité comme étant manifestement irrecevable (point 2 du dispositif). Il a en outre condamné les parties requérantes et la BCE à supporter leurs propres dépens relatifs à la demande en annulation (point 3 du
dispositif), et les parties requérantes à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la BCE en ce qui concerne la demande en indemnité (point 4 du dispositif), et la Commission à supporter ses propres dépens (point 5 du dispositif).
25. À l’appui de sa constatation de non‑lieu à statuer, le Tribunal a considéré, en substance, que la seconde décision, non attaquée par les parties requérantes, avait remplacé la décision litigieuse avec effet rétroactif à la date de sa prise d’effet et avait ainsi entraîné sa disparition totale et ex tunc de l’ordre juridique de l’Union, de sorte que son annulation par voie juridictionnelle ne produirait aucune conséquence juridique supplémentaire ( 8 ).
V. La procédure devant la Cour et les conclusions des parties
26. Par acte déposé au greffe de la Cour le 7 avril 2022, Nemea Bank a introduit le présent pourvoi.
27. La requérante conclut à ce qu’il plaise à la Cour :
– annuler l’ordonnance attaquée ;
– renvoyer l’affaire devant le Tribunal, devant une autre chambre composée de juges entièrement différents, et
– condamner la BCE aux dépens.
28. La BCE conclut à ce qu’il plaise à la Cour :
– rejeter le pourvoi et
– condamner la requérante aux dépens, y compris ceux exposés par la BCE.
29. La Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour :
– rejeter le pourvoi et
– condamner la requérante aux dépens.
30. Sur le fondement de l’article 76, paragraphe 2, de son règlement de procédure, la Cour a décidé de ne pas tenir d’audience de plaidoiries, car elle estime être suffisamment informée pour statuer.
VI. Appréciation
A. Sur l’objet du premier moyen
31. Par son premier moyen, la requérante invoque une violation de l’article 263, premier alinéa, TFUE. Elle estime que le Tribunal a commis une erreur de droit en déclarant qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur la demande en annulation, au lieu de se conformer à l’obligation qui lui incombe de contrôler la décision litigieuse. Seules les juridictions de l’Union sont compétentes, en vertu de l’article 263 TFUE, pour statuer sur la légalité des actes d’autres institutions de l’Union. L’effet ex
tunc qu’a reconnu le Tribunal et par lequel la seconde décision aurait remplacé la première décision est selon elle incompatible avec cette disposition. Selon la requérante, l’effet d’un tel remplacement ne saurait, en l’absence de contrôle juridictionnel de légalité, être assimilé à celui d’un arrêt d’annulation rendu par les juridictions de l’Union. Depuis son adoption, la première décision continue de produire, à l’égard de Nemea Bank, des effets juridiques préjudiciables, de sorte que cette
dernière conserve un intérêt à obtenir son annulation.
32. La BCE rétorque, notamment, que les parties requérantes en première instance auraient également dû attaquer la seconde décision devant le Tribunal. Le dispositif de cette seconde décision ordonne désormais de manière définitive le retrait de l’agrément de Nemea Bank. En outre, même en l’absence de recours en annulation préalable, les requérants pourraient introduire un recours en indemnité.
33. La Commission ne conteste pas le premier moyen.
34. Dans le cadre du premier moyen, il convient d’examiner, d’une part, si, après avoir mis en œuvre (à titre facultatif) le réexamen administratif interne, qui a débouché sur l’adoption d’une seconde décision dont le contenu est identique et qui a remplacé la décision initiale, une banque concernée peut renoncer à attaquer cette seconde décision devant le Tribunal alors qu’elle a déjà attaqué la première décision (sous B). Il convient de déterminer, d’autre part, si l’adoption de la seconde
décision et l’absence de contestation de celle-ci sont de nature à remettre en cause le maintien de l’intérêt à agir de cette banque contre la décision initiale. Dans ce contexte, il convient avant tout d’examiner si, comme le Tribunal l’a constaté dans l’ordonnance attaquée, la seconde décision remplace la décision initiale avec effet rétroactif ou uniquement pour l’avenir (sous C).
B. Existe-t-il une obligation d’introduire un recours en annulation supplémentaire contre la seconde décision ?
35. Le Tribunal ne pouvait juger, dans l’ordonnance attaquée, qu’il y avait disparition de l’intérêt à agir des parties requérantes en première instance à l’encontre de la décision litigieuse que si celles-ci devaient également attaquer la seconde décision dont le contenu était identique. Or, cette seconde décision pourrait être considérée comme un acte purement itératif ou confirmatif, dépourvu d’effets juridiques autonomes, de sorte qu’elle n’aurait été nullement susceptible de faire l’objet d’un
recours recevable.
36. Les règles prévues à l’article 24 du règlement no 1024/2013 doivent donc être interprétées au regard de leur libellé, de leurs finalités et de leur économie, notamment par rapport au droit d’introduire un recours en annulation au titre de l’article 263 TFUE.
1. La procédure facultative de réexamen administratif interne et la possibilité de recours contre la décision initiale ou la seconde décision
37. La procédure administrative de réexamen interne devant la commission administrative de réexamen de la BCE ne peut être menée, en vertu de l’article 24, paragraphes 1 et 5, du règlement no 1024/2013, qu’à la demande d’une personne physique ou morale qui est destinataire d’une décision de la BCE ou qui est directement et individuellement concernée par celle-ci ( 9 ). Comme cela s’est produit en l’espèce, une banque peut donc faire examiner par la commission administrative de réexamen une décision
de retrait d’agrément qui lui a été adressée. Le réexamen porte sur la conformité formelle et matérielle d’une décision aux dispositions de ce règlement.
38. Il en résulte que, d’une part, le contrôle administratif interne est de nature facultative et que, d’autre part, il vise à la protection juridictionnelle de la banque concernée.
39. Contrairement aux procédures internes de réexamen ou de réclamation visant des décisions prises par nombre d’organes ou organismes de l’Union, la mise en œuvre de la procédure de réexamen administratif interne n’est donc pas une condition de recevabilité de l’engagement d’un recours juridictionnel devant les juridictions de l’Union au sens de l’article 263, cinquième alinéa, TFUE ( 10 ).
40. À cet égard, la technique réglementaire choisie à l’article 24 du règlement no 1024/2013 se distingue notamment de celle prévue aux articles 28 et 29 du règlement (UE) 2019/942, instituant une agence de l’Union européenne pour la coopération des régulateurs de l’énergie (ACER) ( 11 ), qui est également fondée sur l’article 263, cinquième alinéa, TFUE. L’article 28 de ce règlement prévoit certes, pour les personnes physiques et morales directement et individuellement concernées, un droit de
recours analogue devant la commission de recours de l’ACER. L’article 29 du règlement 2019/942 précise cependant que « [l]es recours en annulation d’une décision prise par l’ACER au titre du présent règlement [...] ne peuvent être introduits devant la Cour de justice [de l’Union européenne] qu’après épuisement de la procédure de recours visée à l’article 28 [dudit règlement] » ( 12 ).
41. Le législateur de l’Union n’a pas prévu de règle analogue à l’article 24 du règlement no 1024/2013 pour la BCE, qui est une institution autonome de l’Union au sens de l’article 13, paragraphe 1, TUE. Au contraire, l’article 24, paragraphe 11, du règlement no 1024/2013 prévoit expressément que « [l]e présent article ne porte pas atteinte au droit de former un recours devant la C[our de justice de l’Union européenne] conformément aux traités », c’est-à-dire, notamment, d’exercer le droit de
recours prévu à l’article 263 TFUE.
42. Une banque dont l’agrément est retiré par décision de la BCE a donc en principe le choix soit de contester cette décision directement devant le Tribunal, soit d’y renoncer et de demander à la BCE la mise en œuvre de la procédure administrative interne de réexamen pour ensuite contester en justice la seconde décision de la BCE, soit encore de faire les deux.
43. La possibilité de renoncer à contester la décision initiale en cas de demande de réexamen administratif interne est confirmée par l’article 24, paragraphe 7, troisième phrase, du règlement no 1024/2013. Certes, en vertu de l’article 24, paragraphe 8, première phrase, de ce règlement, une telle demande n’a pas d’effet suspensif ( 13 ) et ne peut pas non plus faire obstacle à l’expiration du délai de recours prévu à l’article 263, sixième alinéa, TFUE. À l’issue de la procédure de réexamen, la BCE
doit toutefois adopter une seconde décision qui soit abroge, soit remplace la première décision. Ainsi, à supposer même que la première décision soit devenue entre-temps inattaquable en justice, la BCE est tenue de l’abroger ou de la remplacer. La banque concernée par le retrait de l’agrément peut donc se borner à attaquer la seconde décision. En effet, celle-ci est elle-même susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation, dès lors qu’elle produit des effets juridiques autonomes
(points 47 et suivants des présentes conclusions).
44. En revanche, on ne discerne pas clairement si, comme dans la présente affaire, la banque concernée doit également, après une demande de réexamen administratif interne, former un recours juridictionnel contre la seconde décision qui en découle, afin d’éliminer les effets juridiques du retrait de l’agrément, lorsque cette seconde décision est matériellement identique à la décision initiale et que cette dernière fait déjà l’objet d’un recours en annulation introduit par cette banque.
45. Ni l’article 24, paragraphe 7, troisième phrase, du règlement no 1024/2013, selon lequel la seconde décision adoptée à l’issue d’une procédure de réexamen administratif interne et « dont le contenu est identique »« remplace » la première décision, ni d’autres dispositions de ce règlement ne sont à cet égard éclairants. Il convient donc d’examiner plus en détail les éventuels effets juridiques de cette seconde décision.
2. Existe-t-il une obligation d’attaquer la seconde décision en dépit du recours formé contre la première décision ?
46. Certes, la seconde décision remplit, en principe, par analogie avec la décision initiale, les conditions d’une décision obligatoire pour son destinataire, au sens de l’article 288, quatrième alinéa, TFUE. La question se pose toutefois de savoir si, de par son caractère purement itératif ou confirmatif, cette décision est elle-même de nature à produire des effets juridiques obligatoires autonomes pour la banque concernée, dès lors que cette dernière s’est déjà vu retirer son agrément sous l’effet
de la décision initiale dont le contenu est identique [sous a)]. Si tel était le cas, les parties requérantes en première instance auraient éventuellement omis de former un recours devant le Tribunal contre la seconde décision dans les délais [sous b)]. En revanche, si la seconde décision devait être considérée comme un acte purement confirmatif, elle n’aurait nullement pu faire l’objet d’un recours en annulation recevable [sous c)].
a) La seconde décision est-elle un acte en principe attaquable ?
47. Seul un acte produisant des effets de droit obligatoires et affectant les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique, est susceptible de faire l’objet d’un recours juridictionnel. Pour déterminer s’il produit de tels effets et est, partant, susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation, il y a lieu de s’attacher à des critères objectifs et à la substance de cet acte. À cet égard, il convient également de tenir compte du contexte de son adoption et
des pouvoirs de l’institution qui en est l’auteur ( 14 ).
48. Au regard de l’effet de remplacement qu’exerce la seconde décision, tel que prévu à l’article 24, paragraphe 7, troisième phrase, du règlement no 1024/2013, il ne nous paraît faire aucun doute que cette décision produit des effets juridiques autonomes. En effet, qu’il ait une portée rétroactive ou ex nunc (points 66 et suivants des présentes conclusions), le remplacement qu’ordonne expressément le législateur de l’Union a pour conséquence que subsistent les effets de droit produits par le
retrait de l’agrément qu’ordonne la décision initiale (remplacée). Comme elle est remplacée, la décision initiale ne peut quant à elle tout au plus produire ces effets que jusqu’à la date de prise d’effet de la seconde décision, mais plus pour l’avenir. Cela implique une modification caractérisée de la situation juridique de la banque concernée, même si la décision initiale et la seconde décision ont un contenu identique.
49. Aussi la seconde décision est-elle en principe susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation au titre de l’article 263, premier alinéa, TFUE. Elle peut donc devenir inattaquable après l’expiration du délai de recours prévu à l’article 263, sixième alinéa, TFUE.
b) La non‑introduction d’un recours contre la seconde décision
50. Les parties requérantes en première instance ont toutefois omis d’introduire un recours en annulation contre la seconde décision dans les formes et délais prescrits ( 15 ). Celle-ci est donc devenue inattaquable et définitive.
51. En effet, il ne ressort ni des dispositions du règlement no 1024/2013 ni de la jurisprudence que le recours en annulation contre la décision initiale s’étend automatiquement à la seconde décision qui vient la remplacer et dont le contenu est identique. Pour ce faire, il aurait au contraire fallu adapter la requête dans les délais, conformément à l’article 86 du règlement de procédure du Tribunal, ou introduire un nouveau recours ( 16 ). Or, le délai de recours, qui, selon une jurisprudence
constante, n’est susceptible ni de dérogation ni de prorogation ( 17 ), a en l’espèce expiré. En l’absence de cas fortuit ou de force majeure au sens de l’article 45, second alinéa, du statut de la Cour de justice, il n’y a pas non plus lieu de procéder à un relevé de forclusion ( 18 ).
52. Dans le contexte du retrait et du remplacement d’un acte, la Cour a certes déjà jugé que, afin d’assurer une bonne administration de la justice, il était loisible au Tribunal de demander à la requérante si, à la suite de l’acte de remplacement, elle entendait adapter ses conclusions et les diriger également contre celui-ci, comme le prévoit l’article 86 du règlement de procédure du Tribunal ( 19 ). Or, en l’espèce, le Tribunal y a renoncé et n’a interrogé les parties qu’après l’expiration du
délai de recours en ce qui concerne la seconde décision, afin de savoir si l’intérêt à agir des requérants en première instance subsistait en ce qui concerne la première décision et si, le cas échéant, il n’y avait plus lieu de statuer sur la demande en nullité.
53. Une telle approche est difficilement conciliable avec le principe de bonne administration de la justice et le devoir de diligence et d’information du Tribunal à l’égard des parties ( 20 ). Il n’en demeure pas moins que la non‑introduction d’un recours contre la seconde décision est au premier chef imputable aux requérants en première instance, qui étaient représentés par un avocat. Ceux-ci avaient librement engagé la procédure de réexamen administratif interne parallèlement à leur demande en
annulation de la décision initiale. On pouvait donc raisonnablement attendre d’eux qu’ils recueillent les informations nécessaires sur la situation juridique et prennent les mesures requises pour s’assurer que la seconde décision ne devienne pas définitive à leur égard.
54. Il est donc constant que la requérante ne peut plus remédier au retrait de son agrément par un recours en annulation dirigé contre la seconde décision, à tout le moins pour la période postérieure à la prise d’effet de celle-ci.
c) La seconde décision est-elle un acte confirmatif non susceptible de recours ?
55. La jurisprudence relative à l’irrecevabilité des recours dirigés contre des actes purement confirmatifs ne nous paraît pas conduire à une conclusion différente.
56. Il ressort certes de cette jurisprudence qu’un recours dirigé contre un acte confirmatif est irrecevable lorsque celui-ci ne contient aucun élément juridique ou factuel nouveau par rapport à l’acte antérieur ( 21 ). La condition est toutefois que l’acte antérieur soit devenu définitif à l’égard de l’intéressé, faute d’avoir fait l’objet d’un recours introduit dans les délais requis. En effet, pour des raisons de sécurité juridique, il convient d’éviter qu’un recours dirigé contre l’acte
confirmatif ne permette de contourner le délai de recours expiré en ce qui concerne l’acte antérieur et, partant, prive celui-ci de son caractère définitif ( 22 ). Or, en l’espèce, les requérants en première instance avaient introduit un recours contre la première décision dans les délais impartis, de sorte que celle-ci n’est pas devenue définitive.
57. Il s’ensuit qu’un recours contre la seconde décision, dont le contenu est identique, est recevable. En effet, dans de telles circonstances, un requérant est en droit d’attaquer soit la décision confirmée, soit la décision confirmative, soit l’une et l’autre de ces décisions ( 23 ).
58. Afin d’éliminer totalement les effets juridiques du retrait de l’agrément, les requérants en première instance ne pouvaient donc pas se borner à contester uniquement la décision initiale devant le Tribunal.
59. Il y a toutefois lieu de rejeter l’argument de la BCE selon lequel les requérants auraient dû également attaquer la seconde décision afin de justifier du maintien de leur intérêt à agir contre la décision initiale. La seconde décision ordonne certes désormais de manière définitive le retrait de l’agrément de la requérante. Mais cela ne signifie pas nécessairement que la requérante n’aurait plus d’intérêt à agir en ce qui concerne l’annulation de la décision initiale. En effet, contrairement à ce
qu’estime le Tribunal, la première décision pourrait avoir affecté les intérêts de la requérante jusqu’à la prise d’effet de la seconde décision. Ce serait le cas si la seconde décision n’avait remplacé la décision initiale qu’ex nunc. Or, en l’espèce, le Tribunal a répondu par la négative ( 24 ).
60. Dans la suite des présentes conclusions, nous examinerons donc si le Tribunal a commis une erreur de droit dans l’appréciation des conditions de la disparition de l’intérêt à agir au regard des effets juridiques éventuels de la première décision.
C. Y a-t-il maintien de l’intérêt à agir en ce qui concerne la décision initiale ?
1. Les critères du maintien de l’intérêt à agir
61. Selon une jurisprudence constante, un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale n’est recevable que dans la mesure où cette dernière a un intérêt à voir annuler l’acte attaqué. Tel est le cas si l’annulation est susceptible de lui procurer un bénéfice. Cet intérêt à agir doit perdurer, en tant que condition essentielle de recevabilité du recours, jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle. Il n’y a sinon plus lieu de statuer sur le recours ( 25 ).
62. La décision litigieuse a certes été remplacée par la seconde décision, dont le contenu est identique, conformément à l’article 24, paragraphe 7, troisième phrase, du règlement no 1024/2013. L’intérêt à agir d’un requérant ne disparaît pas nécessairement lorsque l’acte qu’il attaque a cessé de produire des effets en cours d’instance. Un requérant peut, au contraire, conserver un intérêt à voir déclarer l’illégalité de cet acte pour la période au cours de laquelle il était applicable et a produit
des effets. Un tel intérêt peut notamment persister au regard d’un éventuel recours en responsabilité ( 26 ).
63. Il convient donc d’examiner si la décision litigieuse a produit des effets juridiques à l’égard de la requérante jusqu’à la prise d’effet de la seconde décision (sous 2). Enfin, nous examinerons si et dans quelle mesure une annulation de la décision initiale est susceptible de lui procurer un bénéfice et justifie ainsi la persistance de son intérêt à agir (sous 3).
2. Le remplacement de la décision initiale par la seconde décision produit-il un effet ex tunc ?
64. La requérante ne peut continuer à faire valoir un intérêt à agir contre la décision initiale que si celle-ci a produit des effets juridiques à son détriment jusqu’à ce que celle-ci soit remplacée par la seconde décision.
65. Il est constant que Nemea Bank s’est vu retirer son agrément avec effet immédiat dès que la décision litigieuse a été notifiée aux requérants en première instance.
66. La question de savoir si et dans quelle mesure la décision initiale a produit des effets juridiques jusqu’à l’adoption de la seconde décision qui l’a remplacée et dont le contenu est identique, conformément à l’article 24, paragraphe 7, troisième phrase, du règlement no 1024/2013, dépend elle-même des effets juridiques de ce « remplacement ».
67. L’appréciation du Tribunal selon laquelle le remplacement a eu un effet rétroactif et a fait disparaître ex tunc la première décision de l’ordre juridique de l’Union, à l’instar de l’effet qu’aurait un arrêt d’annulation en vertu de l’article 264, paragraphe 1, TFUE, ne ressort ni du libellé des dispositions de l’article 24 du règlement no 1024/2013 ni de leurs objectifs ou de leur économie.
68. L’article 24, paragraphe 7, troisième phrase, du règlement no 1024/2013 se borne à indiquer que « [l]e nouveau projet de décision abroge la décision initiale ou la remplace par une décision dont le contenu est identique, ou la remplace par une décision modifiée ». Le libellé n’atteste donc nullement d’un remplacement ou d’une modification rétroactive.
69. En outre, il n’apparaît pas qu’une seconde décision devrait avoir des effets dans le temps différents selon qu’elle abroge la première décision ou la remplace en confirmant ou en modifiant le contenu de celle-ci. En effet, même une annulation ou un remplacement modificatif ne saurait effacer le retrait de l’agrément, tel qu’il est déjà intervenu dans sa forme initiale, et encore moins ses conséquences négatives pour la banque concernée, notamment la perte de confiance des clients et des
investisseurs.
70. Dans l’hypothèse d’un effet ex tunc, une banque concernée ne pourrait plus, en l’absence d’intérêt à agir, attaquer par un recours en annulation les effets juridiques défavorables de la décision initiale qui se sont déjà produits pour elle dans toutes ces situations. Elle en serait réduite à devoir former un recours en indemnité, dans le cadre duquel le contrôle de légalité est soumis à un critère plus strict ( 27 ). En effet, un recours en annulation dirigé uniquement contre la seconde décision
modificative serait inopérant dans la mesure où une banque souhaiterait s’opposer aux parties modifiées de la décision initiale qui a été remplacée. Une telle lacune en matière de protection juridictionnelle serait incompatible avec les exigences du droit à une protection juridictionnelle effective prévu à l’article 47, premier alinéa, de la charte des droits fondamentaux.
71. En outre, l’article 24, paragraphe 11, du règlement no 1024/2013 prévoit que « [l]es dispositions du présent article ne portent pas atteinte au droit de former un recours devant la C[our de justice de l’Union européenne] conformément aux traités ». Comme le soutient la requérante, le contrôle définitif et contraignant de la légalité des décisions de la BCE de retirer l’agrément d’une banque est réservé, en vertu de l’article 263 TFUE, aux juridictions de l’Union. Or, un effet ex tunc de la
seconde décision permettrait à la BCE de restreindre le contrôle juridictionnel de la décision initiale en la remplaçant. Cela serait incompatible avec l’idée fondamentale selon laquelle la procédure de réexamen administratif interne vise à la protection juridique (voir points 37 et suivants des présentes conclusions). En l’absence de disposition expresse en ce sens, il y a donc lieu de considérer ( 28 ) que les juridictions de l’Union sont seules compétentes pour annuler rétroactivement la
décision initiale en vertu de l’article 264, premier alinéa, TFUE ( 29 ).
72. Le remplacement prévu à l’article 24, paragraphe 7, troisième phrase, du règlement no 1024/2013 ne peut donc avoir qu’un effet ex nunc. La décision initiale n’est pas éliminée rétroactivement de l’ordre juridique de l’Union par l’adoption de la seconde décision qui la remplace et dont le contenu est identique, mais est simplement confirmée par celle-ci et, en quelque sorte, « absorbée », en produisant des effets pour l’avenir.
73. Cette technique réglementaire est analogue à celle utilisée en droit de la fonction publique de l’Union à propos du rejet d’une réclamation introduite contre une décision de l’employeur faisant grief au fonctionnaire ( 30 ) et à celle utilisée pour le traitement des réclamations par la commission de recours de l’ACER (voir point 40 des présentes conclusions) ( 31 ), avec cette différence que, dans les deux cas, le recours doit être précédé d’une procédure de réclamation ; elle correspond
également à celle de certains recours administratifs dans les États membres ( 32 ).
74. Aussi le Tribunal a-t-il commis une erreur de droit en jugeant que la seconde décision a remplacé rétroactivement la première décision et l’a éliminée de l’ordre juridique de l’Union, en sorte qu’un arrêt d’annulation ne serait plus susceptible de produire des effets juridiques supplémentaires.
3. L’intérêt à agir en ce qui concerne la première décision subsiste‑t-il ?
75. Examinons maintenant pour finir si le Tribunal pouvait néanmoins conclure que les parties requérantes en première instance ne pouvaient plus faire valoir d’intérêt à agir en ce qui concerne la décision initiale.
76. Ce n’est toutefois selon nous manifestement pas le cas.
77. D’une part, il n’apparaît pas exclu qu’un contrôle de la légalité de la décision initiale dans le cadre du recours introduit par les requérants en première instance débouche sur l’annulation de celle-ci. Non seulement cela entraînerait l’annulation rétroactive de la première décision en vertu de l’article 264, premier alinéa, TFUE, mais la BCE serait également tenue, en vertu de l’article 266, premier alinéa, TFUE, de « prendre les mesures que comporte l’exécution » de l’arrêt d’annulation. Dans
la mesure où la seconde décision a le même contenu que la décision initiale, nous estimons même que, à la suite d’une telle annulation, la BCE serait tenue, en vertu de l’article 266, premier alinéa, TFUE, de retirer la seconde décision, entachée des mêmes erreurs de droit, nonobstant son caractère inattaquable et l’absence de base juridique pour ce faire dans le règlement no 1024/2013, et de se prononcer à nouveau sur le retrait de l’agrément ( 33 ). Par conséquent, l’annulation de la première
décision est bien susceptible de produire des effets juridiques et de procurer un bénéfice à la requérante.
78. D’autre part, il ressort d’une jurisprudence bien établie que le maintien de l’intérêt à agir peut être fondé sur le fait qu’un arrêt d’annulation permet de préparer un recours en responsabilité ( 34 ). L’éventualité de l’introduction d’un recours en indemnité suffit à fonder un tel intérêt à agir, pour autant que celui-ci ne soit pas hypothétique ( 35 ).
79. Les parties requérantes en première instance ont certes déjà introduit, parallèlement à leur demande en annulation, une demande en indemnité. Le Tribunal a toutefois rejeté cette demande en indemnité comme étant manifestement irrecevable au motif que les conditions formelles reconnues à cet effet par la jurisprudence n’étaient pas remplies. Or, indépendamment de la question de savoir si le Tribunal était en droit de parvenir à cette conclusion, question qui fait l’objet des quatrième et
cinquième moyens (points 87 à 89 des présentes conclusions), il ne semble pas exclu que la requérante introduise devant le Tribunal une nouvelle demande en indemnité tirée de la prétendue illégalité de la décision litigieuse. C’est d’autant plus évident qu’elle attribue l’effet préjudiciable essentiel à l’adoption de la décision initiale, par laquelle elle s’est vu retirer son agrément avec effet immédiat et qui a rendu l’exercice de son activité économique impossible à compter de cette date.
80. L’introduction d’un recours devant le Tribunal a également, au moins jusqu’à la clôture de la présente procédure de pourvoi, interrompu le délai de prescription de cinq ans prévu à l’article 46, premier alinéa, seconde phrase, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne pour l’introduction d’une action en responsabilité non contractuelle. Un nouveau recours en indemnité demeure donc possible.
81. L’annulation de la décision litigieuse procurerait donc un bénéfice à la requérante.
D. Conclusion intermédiaire sur le premier moyen du pourvoi
82. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, nous parvenons à la conclusion que l’intérêt à agir de la requérante a subsisté en ce qui concerne l’élimination des effets juridiques qui ont affecté sa situation juridique et ont immédiatement découlé de la décision litigieuse, ainsi qu’en ce qui concerne les mesures que doit prendre celle-ci au regard d’une déclaration de nullité en vertu de l’article 266, premier alinéa, TFUE et la préparation d’un recours en responsabilité. C’est ce
qu’a méconnu le Tribunal. Il s’ensuit qu’il n’aurait pas dû prononcer un non‑lieu à statuer sur la demande en annulation de cette décision. Le fait que les parties requérantes en première instance n’ont pas formé de recours en annulation contre la seconde décision dans les formes et délais prescrits est à cet égard sans incidence.
83. Le premier moyen doit donc être accueilli, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les deuxième et troisième moyens, qui sont également dirigés contre la constatation de non‑lieu à statuer effectuée par le Tribunal au point 1 du dispositif de l’ordonnance attaquée (points 2 et 5 des présentes conclusions).
84. Il y a donc lieu de renvoyer l’affaire devant le Tribunal ( 36 ) pour qu’il statue au fond sur la demande en annulation et sur les moyens soulevés au soutien de celle-ci.
85. Il ne saurait toutefois être fait droit à la demande de la requérante tendant à ce que l’affaire soit renvoyée devant le Tribunal dans une composition différente, en l’absence d’éléments témoignant de sa partialité ( 37 ). La violation de l’obligation de diligence et d’information du Tribunal à l’égard des requérants en première instance, évoquée aux points 52 et 53 des présentes conclusions, ne suffit pas à susciter des doutes sérieux quant à son impartialité et à ébranler la confiance des
justiciables à cet égard ( 38 ).
86. Enfin, il y a lieu d’annuler la décision sur les dépens figurant au point 3 du dispositif de l’ordonnance attaquée en ce qui concerne la demande en annulation. Étant donné que la question du non‑lieu à statuer sur la demande en annulation constitue une partie dissociable de la procédure contentieuse, sur laquelle il est permis de statuer définitivement, nous proposons, à cet égard, que la BCE soit condamnée à supporter ses dépens ainsi que ceux exposés par la requérante.
E. Sur les quatrième et cinquième moyens relatifs à la demande en indemnité
87. S’agissant des quatrième et cinquième moyens, il suffit de relever que c’est à bon droit que, par application de l’article 126 de son règlement de procédure, le Tribunal a rejeté la demande en indemnité des parties requérantes en première instance comme étant manifestement irrecevable ( 39 ).
88. En effet, contrairement à des exigences formelles reconnues par une jurisprudence constante, la requête introduite devant le Tribunal ne contient qu’une demande en indemnité d’un montant de 10 millions d’euros, que les requérants ont même porté à 100 millions d’euros dans la réplique. Ainsi que le Tribunal l’a jugé sans commettre d’erreur de droit ( 40 ), cette demande n’est toutefois pas assortie d’une motivation suffisante, et moins encore d’une preuve de la réunion des conditions cumulatives
d’engagement de la responsabilité non contractuelle de la BCE, au titre de l’article 340, troisième alinéa, TFUE, en ce qui concerne la décision discrétionnaire qu’a prise celle-ci de retirer l’agrément à Nemea Bank, conditions qui sont une illégalité constituée par une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit conférant des droits aux particuliers, l’étendue du préjudice invoqué et l’existence d’un lien de causalité suffisamment direct entre cette illégalité et ce préjudice ( 41
).
89. Aussi convient-il de rejeter les quatrième et cinquième moyens comme étant manifestement non fondés.
VII. Conclusion
90. Nous proposons donc à la Cour d’accueillir le premier moyen du pourvoi et d’annuler l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 20 décembre 2021, Niemelä e.a./BCE (T‑321/17, EU:T:2021:942) en tant que le Tribunal a ordonné qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur la demande en annulation et a réparti les dépens y relatifs entre la requérante et la Banque centrale européenne (BCE) (points 1 et 3 du dispositif), de renvoyer l’affaire devant le Tribunal conformément à l’article 61 du statut
de la Cour de justice de l’Union européenne et, en tout état de cause, de condamner la BCE aux dépens relatifs au non‑lieu à statuer constaté par le Tribunal sur la demande en annulation.
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( 1 ) Langue originale : l’allemand.
( 2 ) ECB/SSM/2017‑213800JENPXTUY75VSO/1 WHD-2017‑0003.
( 3 ) Conclusions dans les affaires Pilatus Bank/BCE (C‑750/21 P et C‑256/22 P, EU:C:2023:431, points 59 et suiv.).
( 4 ) Règlement du Conseil du 15 octobre 2013 confiant à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit (JO 2013, L 287, p. 63).
( 5 ) ECB/SSM/2017‑213800JENPXTUY75VS 07/2.
( 6 ) Les questions de droit à traiter dans cette affaire ont également été en partie soulevées dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 7 septembre 2023, Versobank/BCE (C‑803/21 P, non publié, EU:C:2023:630). Dans cette affaire, la banque concernée avait toutefois également attaqué la seconde décision devant le Tribunal dans les formes et délais prescrits. Pour une situation analogue, voir arrêt du Tribunal du 7 septembre 2022, BNetzA/ACER (T‑631/19, EU:T:2022:509, points 16 à 28). Voir aussi
arrêts du 25 juin 2020, CSUE/KF (C‑14/19 P, EU:C:2020:492, points 58 et suiv.), et du 27 avril 2016, European Dynamics Luxembourg e.a./EUIPO (T‑556/11, EU:T:2016:248) (également définitifs).
( 7 ) Voir, à cet égard, nos conclusions dans les affaires Pilatus Bank/BCE (C‑750/21 P et C‑256/22 P, EU:C:2023:431, points 59 et suiv.).
( 8 ) Points 45 et 51 de l’ordonnance attaquée. Voir, également, motivation analogue du Tribunal dans son arrêt du 6 octobre 2021, Ukrselhosprom PCF et Versobank/BCE (T‑351/18 et T‑584/18, EU:T:2021:669, points 80 à 92). Faute de pertinence, cette motivation n’a pas été remise en cause par la Cour dans son arrêt du 7 septembre 2023, Versobank/BCE (C‑803/21 P, non publié, EU:C:2023:630, points 159 et suiv.).
( 9 ) Voir, également, libellé similaire du considérant 64 du règlement no 1024/2013.
( 10 ) Voir, en particulier, procédures de recours des offices ou agences autonomes de l’Union qui sont doté de chambres de recours et qui sont visés à l’article 58 bis du statut de la Cour de justice de l’Union européenne (Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle, Office communautaire des variétés végétales, Agence européenne des produits chimiques et Agence de l’Union européenne pour la sécurité aérienne).
( 11 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 instituant une agence de l’Union européenne pour la coopération des régulateurs de l’énergie (JO 2019, L 158, p. 22).
( 12 ) Voir, à cet égard, arrêt définitif du Tribunal du 7 septembre 2022, BNetzA/ACER (T‑631/19, EU:T:2022:509, points 16 à 28).
( 13 ) Un recours en annulation contre la décision initiale n’aurait pas non plus d’effet suspensif, conformément à l’article 278, première phrase, TFUE. La décision initiale produit donc, en principe, ses effets juridiques dès sa notification au destinataire, nonobstant un éventuel recours juridictionnel, sauf à ce que les requérants introduisent avec succès une demande tendant à la suspension de ceux-ci sur le fondement de l’article 278, seconde phrase, TFUE ou de l’article 24, paragraphe 8,
seconde phrase, du règlement no 1024/2013.
( 14 ) En ce sens, arrêts du 3 juin 2021, Hongrie/Parlement (C‑650/18, EU:C:2021:426, points 37 et 38 ainsi que jurisprudence citée), et du 12 juillet 2022, Nord Stream 2/Parlement et Conseil (C‑348/20 P, EU:C:2022:548, points 62 et 63). Voir, également, nos conclusions dans les affaires jointes BEI/ClientEarth et Commission/BEI (C‑212/21 P et C‑223/21 P, EU:C:2022:1003, point 47).
( 15 ) Ainsi qu’il ressort de la réponse des parties requérantes en première instance à la question écrite du Tribunal évoquée au point 23 des présentes conclusions, celles-ci avaient, par un email informel adressé au greffe du Tribunal, et, partant, de façon non conforme, introduit une demande en annulation de la seconde décision, à laquelle le Tribunal n’a cependant pas répondu.
( 16 ) Tel n’est pas nécessairement le cas dans les ordres juridiques comme le droit allemand, où la seconde décision « absorbe » en quelque sorte la décision initiale (voir note 32 des présentes conclusions). L’arrêt du Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale, Allemagne) du 11 novembre 2020 – 8 C 22/19, Neue Zeitschrift für Verwaltungsrecht (NVwZ) 2021, p. 564, avec une note d’Alexander Milstein, est à cet égard très révélateur. Selon cet arrêt, le délai de recours prévu à
l’article 74, paragraphe 1, première phrase, de la Verwaltungsgerichtsordnung (code de justice administrative) doit certes en principe être également respecté en cas d’adaptation de la requête à la suite d’une décision modificative remplaçant la décision initialement attaquée, car, hors du champ d’application des dispositions spéciales de l’article 96, paragraphe 1, du Sozialgesetzbuch (code de la sécurité sociale) et de l’article 68 de la Finanzgerichtsordnung (code de procédure fiscale), il n’y a
pas d’adaptation de plein droit du recours lorsque la décision initiale est complétée ou remplacée par une nouvelle décision (points 21 à 23 dudit arrêt). Il n’en va toutefois pas de même lorsque, en cas d’inclusion d’une décision modifiant ou remplaçant la décision attaquée, les éléments réglementaires encore contestés après la modification ou le remplacement sont indivisibles en vertu du droit matériel. Transposé au (présent) cas du remplacement de la décision initiale par une seconde décision
dont le contenu est identique, l’on pourrait considérer, en droit allemand, que l’on est en présence d’une telle indivisibilité, de sorte que le respect du délai de recours n’aurait pas été nécessaire pour adapter la requête.
( 17 ) Article 61, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal et article 52, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour.
( 18 ) Voir ordonnances du 16 novembre 2010, Internationale Fruchtimport Gesellschaft Weichert/Commission (C‑73/10 P, EU:C:2010:684, point 41), et du 20 octobre 2022, Mendes de Almeida/Conseil (C‑576/21 P, non publiée, EU:C:2022:826, point 52 et jurisprudence citée).
( 19 ) En ce sens, voir arrêt du 31 mai 2017, DEI/Commission (C‑228/16 P, EU:C:2017:409, point 42).
( 20 ) Voir déjà note 15 des présentes conclusions. Au point 32 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal relève lui-même que ces requérants se sont plaints de n’avoir reçu aucune information de sa part quant à la nécessité d’introduire un recours contre la seconde décision. Pour un cas comparable d’une demande prétendument irrégulière d’adaptation des conclusions au cours de l’audience, voir arrêt du 9 novembre 2017, HX/Conseil (C‑423/16 P, EU:C:2017:848, points 18 et suiv.).
( 21 ) Arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission (C‑183/17 P et C‑184/17 P, EU:C:2019:78, point 67 et jurisprudence citée) ; dans le même sens, voir arrêts du 3 avril 2014, Commission/Pays-Bas et ING Groep (C‑224/12 P, EU:C:2014:213, point 69), et du 31 mai 2017, DEI/Commission (C‑228/16 P, EU:C:2017:409, point 33).
( 22 ) Voir, en ce sens, arrêt du 20 mai 2021, Dickmanns/EUIPO (C‑63/20 P, non publié, EU:C:2021:406, point 30 et jurisprudence citée).
( 23 ) Arrêt du 31 mai 2017, DEI/Commission (C‑228/16 P, EU:C:2017:409, point 35 et jurisprudence citée). Il en irait d’ailleurs de même dans l’hypothèse où la première décision serait devenue inattaquable en l’absence d’introduction d’un recours dans les délais. En effet, avant d’adopter la seconde décision, la commission administrative de réexamen doit, en vertu de l’article 24, paragraphe 1, troisième phrase, du règlement no 1024/2013, procéder à un réexamen de la situation de la banque
concernée. Dans de telles circonstances, un recours dirigé contre l’acte confirmatif est recevable ; voir arrêt du 20 mai 2021, Dickmanns/EUIPO (C‑63/20 P, non publié, EU:C:2021:406, point 34 et jurisprudence citée).
( 24 ) Voir points 45 et 51 de l’ordonnance attaquée.
( 25 ) Voir, par analogie, arrêt du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission (C‑33/14 P, EU:C:2015:609, points 55 à 58 et jurisprudence citée).
( 26 ) En ce sens, arrêts du 7 novembre 2018, BPC Lux 2 e.a./Commission (C‑544/17 P, EU:C:2018:880, point 42 et jurisprudence citée), et du 6 mai 2021, Bayer CropScience et Bayer/Commission (C‑499/18 P, EU:C:2021:367, point 40) ; voir, dans le même sens, arrêt du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission (C‑33/14 P, EU:C:2015:609, points 69 et 70).
( 27 ) En particulier, compte tenu de la décision discrétionnaire de la BCE de retirer l’agrément [voir, à cet égard, mes conclusions dans les affaires Pilatus Bank/BCE (C‑750/21 P et C‑256/22 P, EU:C:2023:431, points 106 et suiv.)], elle devrait démontrer une « violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit conférant des droits aux particuliers » ; voir arrêts du 4 avril 2017, Médiateur/Staelen (C‑337/15 P, EU:C:2017:256, points 31 et suiv.) ; du 27 avril 2023, Fondazione Cassa di
Risparmio di Pesaro e.a./Commission (C‑549/21 P, non publié, EU:C:2023:340, point 113), et du 6 juillet 2023, RQ/Conseil et Commission (C‑7/22 P, non publié, EU:C:2023:541, points 55 et suiv.).
( 28 ) Une telle disposition expresse figure en revanche à l’article 27, paragraphe 3, du code des douanes [règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 9 octobre 2013, établissant le code des douanes de l’Union (JO 2013, L 269, p. 1)], qui autorise l’annulation rétroactive des décisions, tandis que la révocation prévue à l’article 28 de ce code ne vaut que pour l’avenir ; une telle disposition existe également dans les ordres juridiques des États membres. Ainsi,
l’article 240‑1 français du code des relations entre le public et l’administration opère une distinction explicite entre, d’une part, l’abrogation d’un acte pour l’avenir et, d’autre part, le retrait d’un acte, qui vaut également pour le passé. En vertu de l’article 48, paragraphe 1, et de l’article 49, paragraphes 1 à 3, du Bundesverwaltungsverfahrensgesetz (loi portant code fédéral de procédure administrative), des actes administratifs illégaux aussi bien que des actes administratifs légaux
peuvent, sous certaines conditions, être retirés ou révoqués, soit pour l’avenir, soit pour le passé.
( 29 ) Même dans d’autres cas de figure, comme en matière d’aides d’État, la Cour n’a jusqu’à présent admis aucun retrait rétroactif d’une décision par la Commission ; voir arrêt du 31 mai 2017, DEI/Commission (C‑228/16 P, EU:C:2017:409, points 32 et suiv.). La jurisprudence de la Cour citée par le Tribunal au point 50 de l’ordonnance attaquée à l’appui de sa thèse contraire n’est pas pertinente à cet égard.
( 30 ) Voir, par exemple, arrêts du 20 mai 2021, Dickmanns/EUIPO (C‑63/20 P, non publié, EU:C:2021:406, points 29 et suiv.), et du 3 mars 2022, WV/SEAE (C‑162/20 P, EU:C:2022:153).
( 31 ) Voir articles 28 et 29, du règlement 2019/942.
( 32 ) Voir, par exemple, article 79, paragraphe 1, point 1, du code de justice administrative, selon lequel l’acte administratif initial, dans la forme que lui a donnée la décision rendue sur réclamation, fait l’objet du recours en annulation devant le Verwaltungsgericht (tribunal administratif). De même, l’article 66, paragraphe 4, de l’Allgemeines Verwaltungsverfahrensgesetz 1991 autrichien (loi générale sur la procédure administrative de 1991) prévoit que l’autorité d’appel statue elle‑même sur
le fond et est autorisée à substituer son analyse à celle de l’autorité hiérarchiquement inférieure, tant en ce qui concerne le dispositif que la motivation, et à modifier en tout sens la décision attaquée.
( 33 ) Sur la recevabilité générale du retrait des actes illégaux en droit de l’Union, voir conclusions de l’avocat général Campos Sánchez-Bordona dans l’affaire Repower/EUIPO (C‑281/18 P, EU:C:2019:426, points 28 et suiv., et jurisprudence citée). Au point 32, il rappelle notamment qu’il convient de concilier les principes de sécurité juridique et de légalité, qui sont en tension. Or, l’on ne voit en l’espèce aucun élément qui viendrait expliquer les raisons pour lesquelles, à la suite d’une
annulation de la décision initiale, dont le contenu est identique, la seconde décision devrait être maintenue pour des raisons de sécurité juridique. Sur la possibilité de procéder au retrait d’actes illégaux inattaquables, voir, également, par exemple, article 48 du Bundesdeutsches Verwaltungsverfahrensgesetz (loi fédérale allemande sur la procédure administrative).
( 34 ) Arrêts du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission (C‑33/14 P, EU:C:2015:609, points 69 et 70) ; du 7 novembre 2018, BPC Lux 2 e.a./Commission (C‑544/17 P, EU:C:2018:880, point 42), et du 6 mai 2021, Bayer CropScience et Bayer/Commission (C‑499/18 P, EU:C:2021:367, point 40).
( 35 ) Voir arrêts du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission (C‑33/14 P, EU:C:2015:609, point 79), et du 7 novembre 2018, BPC Lux 2 e.a./Commission (C‑544/17 P, EU:C:2018:880, point 43).
( 36 ) Article 61 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.
( 37 ) Voir arrêts du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a. (C‑341/06 P et C‑342/06 P, EU:C:2008:375, points 44 et suiv.), et du 19 février 2009, Gorostiaga Atxalandabaso/Parlement (C‑308/07 P, EU:C:2009:103, points 41 et suiv.).
( 38 ) En ce sens, voir arrêt du 26 mars 2020, Réexamen Simpson/Conseil et HG/Commission (C‑542/18 RX‑II et C‑543/18 RX‑II, EU:C:2020:232, point 57 et jurisprudence citée).
( 39 ) Point 3 du dispositif et points 59 et suiv. de l’ordonnance attaquée.
( 40 ) Point 62 de l’ordonnance attaquée.
( 41 ) En ce sens, voir arrêt du 3 mai 2018, EUIPO/European Dynamics Luxembourg e.a. (C‑376/16 P, EU:C:2018:299, points 91 et 92 ainsi que jurisprudence citée) ; voir, également, jurisprudence citée à la note en bas de page 27 des présentes conclusions.