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05/10/2023 | CJUE | N°C-84/23

CJUE | CJUE, Ordonnance de la Cour, SC Dinamel Trade SRL contre Ministerul Agriculturii şi Dezvoltării Rurale., 05/10/2023, C-84/23


 ORDONNANCE DE LA COUR (huitième chambre)

5 octobre 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Agriculture – Organisation commune des marchés – Grilles utilisées dans l’Union européenne pour le classement des carcasses de bovins, de porcs et d’ovins – Règlement délégué (UE) 2017/1182 – Dérogations à l’obligation générale de classement des carcasses – Abattoirs – Article 2, paragraphe 1 – Dérogations accordées aux petits établissements – Réglementation nationale ne prévo

yant pas la possibilité d’octroyer de telles
dérogations – Caractère obligatoire ou facultative de telles dérogations »
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 ORDONNANCE DE LA COUR (huitième chambre)

5 octobre 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Agriculture – Organisation commune des marchés – Grilles utilisées dans l’Union européenne pour le classement des carcasses de bovins, de porcs et d’ovins – Règlement délégué (UE) 2017/1182 – Dérogations à l’obligation générale de classement des carcasses – Abattoirs – Article 2, paragraphe 1 – Dérogations accordées aux petits établissements – Réglementation nationale ne prévoyant pas la possibilité d’octroyer de telles
dérogations – Caractère obligatoire ou facultative de telles dérogations »

Dans l’affaire C‑84/23,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Înalta Curte de Casație și Justiție – Secția de contencios administrativ și fiscal (Haute Cour de cassation et de justice – chambre du contentieux administratif et fiscal, Roumanie), par décision du 5 octobre 2022, parvenue à la Cour le 14 février 2023, dans la procédure

SC Dinamel Trade SRL

contre

Ministerul Agriculturii şi Dezvoltării Rurale,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. M. Safjan, président de chambre, MM. N. Jääskinen et M. Gavalec (rapporteur), juges,

avocat général : Mme L. Medina,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 2, paragraphe 1, du règlement délégué (UE) 2017/1182 de la Commission, du 20 avril 2017, complétant le règlement (UE) no 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil, en ce qui concerne les grilles utilisées dans l’Union pour le classement des carcasses de bovins, de porcs et d’ovins, ainsi que la communication des prix de marché pour certaines catégories de carcasses et d’animaux vivants (JO 2017, L 171, p. 74).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant SC Dinamel Trade SRL au Ministerul Agriculturii și Dezvoltării Rurale (ministère de l’Agriculture et du Développement rural, Roumanie) au sujet de l’octroi d’une dérogation à l’obligation générale de classement des carcasses de bovins et de porcs prévue par la réglementation nationale.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

Le règlement (UE) no 1308/2013

3 L’article 19 du règlement (UE) no 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) no 922/72, (CEE) no 234/79, (CE) no 1037/2001 et (CE) no 1234/2007 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 671), intitulé « Pouvoirs délégués », dispose, à son paragraphe 6 :

« Afin de tenir compte des évolutions techniques et des besoins des secteurs visés à l’article 10, ainsi que de la nécessité de normaliser la présentation des différents produits en vue d’améliorer la transparence des marchés, l’enregistrement des prix et l’application des mesures d’intervention sur les marchés, la Commission est habilitée, en conformité avec l’article 227, à adopter des actes délégués :

a) adaptant et actualisant les dispositions de l’annexe IV relatives aux grilles utilisées dans l’Union pour le classement, l’identification et la présentation des carcasses ;

b) fixant des dispositions supplémentaires concernant le classement, y compris par des classificateurs qualifiés, le calibrage y compris par des techniques automatisées, l’identification, la pesée et le marquage des carcasses et concernant le calcul des prix moyens de l’Union et les coefficients de pondération utilisés aux fins de ce calcul ;

c) établissant, dans le secteur de la viande bovine, des dérogations aux dispositions et des dérogations spécifiques pouvant être accordées par les États membres aux abattoirs dans lesquels un petit nombre de bovins est abattu, ainsi que des dispositions complémentaires pour les produits concernés, et notamment en ce qui concerne les classes de conformation et l’état d’engraissement, et, dans le secteur de la viande ovine, d’autres dispositions relatives au poids, à la couleur de la viande et à
l’état d’engraissement, ainsi que les critères de classification des agneaux légers ;

d) autorisant les États membres à ne pas appliquer la grille de classement pour les carcasses de porcs et à utiliser des critères d’évaluation supplémentaires autres que le poids et la teneur estimée en viande maigre ou fixant des dérogations à cette grille. »

4 L’article 227 de ce règlement, intitulé « Exercice de la délégation », prévoit :

« 1.   Le pouvoir d’adopter des actes délégués est conféré à la Commission sous réserve des conditions fixées au présent article.

2.   Le pouvoir d’adopter des actes délégués visé dans le présent règlement est conféré à la Commission pour une période de sept ans à compter de 20 décembre 2013. La Commission élabore un rapport relatif à la délégation de pouvoir au plus tard neuf mois avant la fin de la période de sept ans. La délégation de pouvoir est tacitement prorogée pour des périodes d’une durée identique, sauf si le Parlement européen ou le Conseil s’oppose à cette prorogation trois mois au plus tard avant la fin de
chaque période.

3.   La délégation de pouvoir visée dans le présent règlement peut être révoquée à tout moment par le Parlement européen ou le Conseil. La décision de révocation met fin à la délégation de pouvoir qui y est précisée. La révocation prend effet le jour suivant celui de la publication de ladite décision au Journal officiel de l’Union européenne ou à une date ultérieure qui est précisée dans ladite décision. Elle ne porte pas atteinte à la validité des actes délégués déjà en vigueur.

4.   Aussitôt qu’elle adopte un acte délégué, la Commission le notifie au Parlement européen et au Conseil simultanément.

5.   Un acte délégué adopté en vertu du présent règlement n’entre en vigueur que si le Parlement européen ou le Conseil n’a pas exprimé d’objections dans un délai de deux mois à compter de la notification de cet acte au Parlement européen et au Conseil ou si, avant l’expiration de ce délai, le Parlement européen et le Conseil ont tous deux informé la Commission de leur intention de ne pas exprimer d’objections. Ce délai est prolongé de deux mois à l’initiative du Parlement européen ou du
Conseil. »

5 L’annexe IV dudit règlement, intitulée « Grilles utilisées dans l’Union pour le classement des carcasses visées à l’article 10 », est libellée comme suit :

« A Grille utilisée dans l’Union pour le classement des carcasses de bovins âgés de huit mois ou plus

[...]

V. Classement et identification

Les abattoirs agréés [...] prennent des mesures pour que toutes les carcasses et demi-carcasses des bovins âgés de huit mois ou plus qu’ils abattent [...] soient classées et identifiées conformément à la grille utilisée dans l’Union.

Avant l’identification par marquage, les États membres peuvent donner l’autorisation de faire procéder à l’émoussage des carcasses ou des demi-carcasses si leur état d’engraissement le justifie.

B. Grille utilisée dans l’Union pour le classement des carcasses de porcs

[...]

II. Classement

Les carcasses sont réparties en classes selon la teneur estimée en viande maigre, et leur classement est effectué en conséquence :

Classes Viande maigre en pourcentage du poids de la carcasse
S 60 ou plus
E 55 ou plus mais moins de 60
U 50 ou plus mais moins de 55
R 45 ou plus mais moins de 50
O 40 ou plus mais moins de 45
P moins de 40 »

Le règlement délégué 2017/1182

6 Le considérant 3 du règlement délégué 2017/1182 énonce :

« Afin de réduire la charge administrative, il convient que les États membres puissent accorder des dérogations à l’obligation générale de classement des carcasses aux petits établissements. Sur la base de l’expérience acquise en ce qui concerne l’application de la grille utilisée dans l’Union pour le classement, il y a lieu de prévoir de telles dérogations pour les abattoirs qui abattent, par semaine, en moyenne annuelle, moins de 150 bovins âgés de 8 mois ou plus, ou moins de 500 porcs.
Néanmoins, afin notamment de garantir la représentativité des prix communiqués, les États membres peuvent fixer des limites inférieures en fonction de leur situation nationale. »

7 L’article 1er de ce règlement, intitulé « Identification de l’âge et de la catégorie des bovins », prévoit :

« Aux fins de la détermination des catégories visées au point A.II de l’annexe IV du [règlement no 1308/2013], l’âge des bovins est vérifié sur la base des informations disponibles dans le système d’identification et d’enregistrement des bovins établi dans chaque État membre conformément au titre I du règlement (CE) no 1760/2000 [du Parlement européen et du Conseil, du 17 juillet 2000, établissant un système d’identification et d’enregistrement des bovins et concernant l’étiquetage de la viande
bovine et des produits à base de viande bovine, et abrogeant le règlement (CE) no 820/97 du Conseil (JO 2000, L 204, p. 1)]. »

8 L’article 2 dudit règlement, intitulé « Dérogations à l’obligation de classement des carcasses », dispose :

« 1.   Les États membres peuvent décider de ne pas rendre obligatoires les exigences relatives au classement des carcasses de bovins et de porcs, prévues respectivement aux points A.V et B.II de l’annexe IV du règlement (UE) no 1308/2013, pour les abattoirs qui abattent :

a) moins de 150 bovins âgés de 8 mois ou plus par semaine en moyenne annuelle ;

b) moins de 500 porcs par semaine en moyenne annuelle.

Les États membres peuvent fixer une limite inférieure, en particulier pour garantir la représentativité du relevé des prix visé à l’article 8, paragraphe 2, du règlement d’exécution (UE) 2017/1184 [de la Commission, du 20 avril 2017, fixant les modalités d’application du règlement no 1308/2013 (JO 2017, L 171, p. 103)].

2.   Les États membres peuvent décider de ne pas rendre obligatoires les exigences relatives au classement des carcasses de bovins et de porcs :

a) pour les carcasses de bovins et de porcs qui sont la propriété de l’abattoir si aucune transaction commerciale n’a lieu pour l’achat de ces animaux ;

b) pour les carcasses de porcs de races locales clairement définies ou faisant l’objet de modes de commercialisation particuliers si leur composition corporelle anatomique rend le classement homogène et standardisé des carcasses impossible.

3.   Les États membres qui appliquent le classement des carcasses d’ovins conformément à l’article 10, deuxième alinéa, du règlement (UE) no 1308/2013 peuvent décider, sur la base de critères objectifs et non discriminatoires, de ne pas rendre obligatoires les dispositions relatives au classement des carcasses d’ovins pour certains abattoirs.

4.   Les États membres notifient à la Commission leur décision d’appliquer l’une des dérogations prévues aux paragraphes 1, 2 et 3 du présent article. »

Le droit roumain

9 L’article 2, paragraphe 1, de l’Ordonanța Guvernului nr. 4/2019 privind reorganizarea sistemului național de clasificare a carcaselor de bovine, porcine și ovine, precum și monitorizarea, controlul și raportarea prețurilor de piață ale carcaselor și ale animalelor vii (ordonnance du gouvernement no 4/2019, relative à la réorganisation du système national de classement des carcasses de bovins, de porcs et d’ovins ainsi qu’au suivi, au contrôle et à la communication des prix de marché des carcasses
et des animaux vivants), du 30 janvier 2019 (Monitorul Oficial al României, partie I, no 81 du 31 janvier 2019, ci-après l’« OG no 4/2019 »), prévoit que le système national de classement assure l’application obligatoire des grilles utilisées dans l’Union pour le classement des carcasses de bovins, de porcs et d’ovins, conformément aux règlements de l’Union en matière de classement des carcasses, et de la législation nationale en vigueur, afin d’améliorer la transparence du marché et de fixer des
prix de marché comparables pour les carcasses tant au niveau national qu’au niveau de l’Union, celles-ci constituant la base pour la gestion des mesures y afférentes et pour l’application des mécanismes d’intervention de la Commission dans ce secteur.

10 Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, de l’Hotărârea Guvernului nr. 842/2021 privind modul de organizare și funcționare a sistemului național de clasificare a carcaselor de bovine, porcine și ovine (décision du gouvernement no 842/2021 concernant le mode d’organisation et de fonctionnement du système national de classement des carcasses de bovins, de porcs et d’ovins), du 11 août 2021 (Monitorul Oficial al României, partie I, no 810 du 24 août 2021, ci-après l’« HG no 842/2021 »),
l’application des grilles utilisées dans l’Union pour le classement des carcasses et la communication des prix de marché pour certaines catégories de ces carcasses et d’animaux vivants, telles que prévues par les règlements de l’Union, sont obligatoires et représentent :

« a) une nécessité pour le suivi, sur une base comparable, des prix de marché de la viande dans tous les États membres et pour calculer ces prix moyens de marché à l’échelle de l’Union, cette surveillance étant nécessaire dans le secteur de la viande bovine et dans celui de la viande de porc pour la gestion des mesures y afférentes, telles que l’intervention publique, le stockage privé et les restitutions à l’exportation ;

b) une condition d’éligibilité à l’intervention publique dans le secteur de la viande bovine ;

c) un instrument important pour déterminer la valeur d’une carcasse, qui contribue à la transparence du marché [...]. »

11 En vertu de l’article 5 de l’HG no 842/2021, les abattoirs sont essentiellement soumis aux obligations suivantes :

« [...]

b) conclure un contrat de prestation de services de classement des carcasses, pour chaque espèce d’animaux qu’ils abattent, uniquement avec des agents de classement des carcasses ou des classificateurs de carcasses indépendants agréés [...] ;

[...]

d) assurer à titre permanent dans l’établissement les conditions requises pour le déroulement et l’exécution par le prestataire de services de l’activité de classement de toutes les carcasses, selon les règles techniques de classement des carcasses, d’enregistrement et de déclaration des résultats de classement et de prix de la viande ;

[...]

g) prendre les mesures nécessaires pour assurer dans l’établissement l’exercice sans interruption de l’activité de classement des carcasses, lorsque [la personne] avec laquelle le contrat de prestation de services de classement a été conclu a été sanctionnée par l’Inspection de classement de carcasses sous la forme d’une suspension/annulation de l’autorisation de classement ou dans tout autre cas de modification/changement/résiliation du contrat de prestation de services de classement ;

h) communiquer le programme d’abattage des animaux à [la personne] avec laquelle le contrat de prestation de services de classement a été conclu, de sorte que cette dernière soit présente dans l’abattoir au début de l’abattage des animaux afin de classer les carcasses lors de la détermination du poids chaud de celles-ci et au plus tard de la fourchette fixée dans les normes techniques de classement, différenciées selon les espèces ;

i) mettre à disposition du classificateur, avant le début du classement, des documents contenant des informations conformes à la réalité, en vue de l’enregistrement de ces données dans l’application informatique et de l’établissement du rapport de classement [...] ;

[...]

m) maintenir dans les archives les documents complets, ordonnés chronologiquement par semaine de déclaration, pour une période de deux années civiles suivant la fin de l’année au cours de laquelle ils ont été élaborés, conformément aux prescriptions techniques de classement, différenciés par espèce ;

n) mettre à disposition de tous les fournisseurs/producteurs d’animaux ayant livré des animaux à l’abattage dans l’abattoir le rapport de classement édité par le classificateur de carcasses et authentifié par signature, dans un délai maximal de 48 heures après l’abattage des animaux ;

[...]

p) saisir le service régional d’inspection pour le classement des carcasses de toute non-conformité constatée en application, par le classificateur, des règles techniques de classement des carcasses et/ou chaque fois que ce dernier ne remplit pas les stipulations du contrat de prestation de services et/ou chaque fois qu’il résilie le contrat de prestation de services ;

[...]

r) permettre la réalisation des inspections [...] afin de permettre la vérification de la conformité à la réalité de l’enregistrement primaire des données des rapports de classement et de les collecter dans la base nationale des données de classement. »

Le litige au principal et la question préjudicielle

12 Dinamel Trade, qui exploite un petit abattoir, s’est vue contrainte de conclure des contrats de prestation de services de classement des carcasses, en vertu de l’OG no 4/2019 et de l’HG no 842/2021, afin de satisfaire à l’obligation générale de classement des carcasses de bovins et de porcs.

13 Dinamel Trade a introduit un recours devant le Tribunalul Brăila (tribunal de grande instance de Brăila, Roumanie) visant à condamner le ministère de l’Agriculture et du Développement rural à émettre un acte administratif ayant notamment pour objet de l’exempter de l’obligation de procéder à ces opérations de classement.

14 Ce recours ayant été rejeté par jugement du 9 avril 2014, Dinamel Trade a formé un pourvoi contre celui-ci devant la Curtea de Apel Galați (cour d’appel de Galați, Roumanie), qui a annulé ledit jugement et renvoyé l’affaire devant le Tribunalul Brăila (tribunal de grande instance de Brăila).

15 À nouveau saisi de l’affaire, ce dernier a néanmoins décliné sa compétence en faveur de la Curtea de Apel Galați (cour d’appel de Galați) qui a, par arrêt du 30 juin 2016, rejeté le recours de Dinamel Trade.

16 Cette dernière a formé un pourvoi contre cet arrêt devant la juridiction de renvoi, l’Înalta Curte de Casație și Justiție – Secția de contencios administrativ și fiscal (Haute Cour de cassation et de justice – chambre du contentieux administratif et fiscal, Roumanie), qui l’a rejeté comme étant non fondé par arrêt du 4 février 2020.

17 Dinamel Trade a saisi la juridiction de renvoi d’un recours en révision, au motif que, dans son arrêt du 4 février 2020, la juridiction de renvoi n’avait pas pris en considération le règlement délégué 2017/1182, au motif que ce dernier n’était pas en vigueur au moment du prononcé de l’arrêt de la Curtea de Apel Galați (cour d’appel de Galați) du 30 juin 2016.

18 La juridiction de renvoi a accueilli ce recours en révision, annulé son arrêt du 4 février 2020 et renvoyé l’affaire au rôle pour qu’il soit statué sur le pourvoi lors d’une nouvelle audience.

19 Le 24 mai 2022, Dinamel Trade a introduit une demande devant la juridiction de renvoi visant à ce que celle-ci saisisse la Cour d’une demande de décision préjudicielle. Dinamel Trade soutient en effet que l’OG no 4/2019 et l’HG no 842/2021 ne prévoient pas de dérogation pour les petits établissements, le classement des carcasses de bovins et de porcs étant obligatoire quel que soit le nombre de têtes abattues par semaine, alors qu’il résulte du préambule du règlement délégué 2017/1182 que, bien
que les États membres ne soient pas contraints de le faire, il convient que ces derniers puissent accorder des dérogations à l’obligation générale de classement des carcasses aux petits établissements, afin de réduire leur charge administrative.

20 Tout en indiquant être une juridiction dont les décisions ne sont pas susceptibles de recours, entraînant l’application de l’article 267, troisième alinéa, TFUE et l’obligation de saisir la Cour, la juridiction de renvoi estime qu’il lui apparaît évident que le législateur de l’Union a laissé à la discrétion de chaque État membre la décision de prévoir ou non, dans leur droit national, des dérogations à l’obligation de classement des carcasses de bovins et de porcs et que la Roumanie a opté pour
une obligation générale de classement, sans dérogation.

21 Toutefois, selon cette juridiction, si la Commission indique, au considérant 3 du règlement délégué 2017/1182, qu’il conviendrait « que les États membres puissent accorder des dérogations à l’obligation générale de classement des carcasses aux petits établissements », ce qui laisserait effectivement à penser que les États membres demeurent libres d’accorder de telles dérogations, cette institution y précise également qu’« il y a lieu de prévoir de telles dérogations pour les abattoirs qui
abattent, par semaine, en moyenne annuelle, moins de 150 bovins âgés de 8 mois ou plus, ou moins de 500 porcs », ce qui se lirait plutôt comme une obligation à leur charge.

22 Selon la juridiction de renvoi, dans l’exercice du pouvoir d’appréciation relatif à l’octroi des dérogations à l’obligation de classement des carcasses, en choisissant de n’accorder aucune dérogation et, concrètement, d’ignorer les critères d’analyse énoncés par le règlement délégué 2017/1182, l’OG no 4/2019 et l’HG no 842/2021 s’écartent des principes de la réglementation de l’Union.

23 Il conviendrait donc de déterminer si la réglementation nationale ne prévoyant aucune dérogation à ladite obligation est compatible avec le règlement délégué 2017/1182 et, de même, si la manière dont les autorités nationales exercent leur marge d’appréciation est conforme à ce règlement.

24 C’est dans ces conditions que l’Înalta Curte de Casație și Justiție – Secția de contencios administrativ și fiscal (Haute Cour de cassation et de justice – chambre du contentieux administratif et fiscal) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’article 2, paragraphe 1, de l’[OG no 4/2019], l’article 3, paragraphe 1, et l’article 5 de l’[HG no 842/2021], qui régissent le système national de classement des carcasses et qui disposent que le classement des carcasses [de bovins et de porcs] est obligatoire indépendamment du nombre de têtes abattues, [...] sont-ils contraires à l’article 2, paragraphe 1, sous a) et b), du [règlement délégué 2017/1182] qui considère qu’il est opportun et nécessaire d’écarter l’obligation de classement des
carcasses pour les petits abattoirs qui abattent moins de 150 bovins par semaine en moyenne annuelle et moins de 500 porcs par semaine en moyenne annuelle, en utilisant les termes : “les États membres peuvent décider de ne pas rendre obligatoires les exigences relatives au classement [des carcasses de bovins et de porcs] pour les abattoirs qui abattent un nombre limité de bovins et de porcs” ? »

Sur la question préjudicielle

25 En vertu de l’article 99 de son règlement de procédure, la Cour peut, notamment lorsque la réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence ou lorsque la réponse à une telle question ne laisse place à aucun doute raisonnable, décider à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée.

26 Il y a lieu de faire application de cette disposition dans le cadre de la présente affaire.

27 Selon une jurisprudence constante de la Cour, dans le cadre de la procédure de coopération entre les juridictions nationales et la Cour instituée à l’article 267 TFUE, il appartient à celle-ci de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. Dans cette optique, il incombe, le cas échéant, à la Cour de reformuler les questions qui lui sont soumises (arrêt du 26 octobre 2021, PL Holdings, C‑109/20, EU:C:2021:875, point 34 et jurisprudence
citée).

28 Il y a également lieu de rappeler qu’il n’appartient pas à la Cour de se prononcer, dans le cadre de la procédure préjudicielle, sur la compatibilité de dispositions du droit national avec les règles du droit de l’Union [ordonnance du 16 mai 2022, Staatsanwaltschaft Köln (Enfant déplacé en Roumanie), C‑724/21, EU:C:2022:393, point 18 et jurisprudence citée].

29 Dans ces conditions, il convient de considérer que, par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2, paragraphe 1, premier alinéa, sous a) et b), du règlement délégué 2017/1182 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle les exigences relatives au classement des carcasses de bovins et de porcs, prévues respectivement aux points A.V et B.II de l’annexe IV du règlement no 1308/2013, s’imposent à l’ensemble des
abattoirs établis sur le territoire national, quel que soit le nombre de têtes abattues par semaine.

30 Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement délégué 2017/1182, les États membres peuvent décider de ne pas rendre obligatoires les exigences relatives au classement des carcasses de bovins et de porcs, prévues respectivement aux points A.V et B.II de l’annexe IV du règlement no 1308/2013, pour les abattoirs qui abattent soit moins de 150 bovins âgés de 8 mois ou plus par semaine en moyenne annuelle, soit moins de 500 porcs par semaine en moyenne annuelle.

31 L’article 2, paragraphe 1, second alinéa, de ce règlement délégué dispose que les États membres peuvent fixer une limite inférieure, en particulier pour garantir la représentativité du relevé des prix visé à l’article 8, paragraphe 2, du règlement d’exécution 2017/1184.

32 Conformément à la jurisprudence constante de la Cour, il convient, pour interpréter une disposition du droit de l’Union, de tenir compte non seulement des termes de cette disposition, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie [arrêt du 28 janvier 2020, Commission/Italie (Directive lutte contre le retard de paiement), C‑122/18, EU:C:2020:41, point 39 et jurisprudence citée].

33 En ce qui concerne, tout d’abord, le libellé de l’article 2, paragraphe 1, du règlement délégué 2017/1182, il ressort sans équivoque des termes « Les États membres peuvent décider de ne pas rendre obligatoires les exigences », qui figurent à son premier alinéa, que cette disposition prévoit non pas une obligation, mais la faculté pour les États membres de ne pas rendre obligatoires, dans leur réglementation nationale, ces exigences relatives au classement des carcasses de bovins et de porcs.

34 Ladite disposition précise expressément, à son second alinéa, la marge d’appréciation dont dispose l’État membre qui déciderait de prévoir, dans sa réglementation nationale, des dérogations auxdites obligations de classement, ce qui confirme encore le caractère facultatif de celles-ci.

35 Il découle donc du libellé de l’article 2, paragraphe 1, du règlement délégué 2017/1182 que les États membres sont libres d’instituer ou non de telles dérogations dans leur réglementation nationale, dans les limites fixées par cette disposition.

36 Cette interprétation découlant du texte clair de l’article 2, paragraphe 1, du règlement délégué 2017/1182 est renforcée, ensuite, par le contexte dans lequel s’inscrivent cette disposition et la réglementation dont elle fait partie.

37 Premièrement, il résulte des paragraphes 2 et 3 dudit article 2 que les États membres sont libres de dispenser, dans les conditions qu’ils prévoient, certains types d’abattoirs des obligations relatives au classement des carcasses de bovins, de porcs et d’ovins.

38 Deuxièmement, il convient d’avoir égard au libellé de l’article 2, paragraphe 4, du règlement délégué 2017/1182, aux termes duquel les États membres notifient à la Commission leur décision d’appliquer l’une des dérogations prévues aux paragraphes 1 à 3 de ce même article.

39 En effet, d’une part, il découle clairement de ce libellé que ce sont les États membres qui décident d’appliquer ou non l’une des dérogations prévues à cet article 2.

40 D’autre part, s’il fallait considérer que les États membres sont tenus de prévoir de telles dérogations, leur notification n’aurait aucune raison d’être.

41 Troisièmement, il y a lieu de rappeler que le règlement délégué 2017/1182 a été adopté par la Commission sur le fondement de l’habilitation qui lui a été conférée à l’article 227 du règlement no 1308/2013. Or, l’article 19, paragraphe 6, sous c), de ce dernier règlement dispose notamment que « la Commission est habilitée [...] à adopter des actes délégués [...] établissant [...] des dérogations spécifiques pouvant être accordées par les États membres aux abattoirs dans lesquels un petit nombre de
bovins est abattu ».

42 Cette habilitation ne prévoit pas, en revanche, que la Commission pourrait adopter un règlement délégué dont les dispositions prévoiraient que les États membres seraient tenus d’accorder de telles dérogations.

43 Dès lors, les limites de ladite habilitation confirment l’interprétation de l’article 2, paragraphe 1, premier alinéa, sous a) et b), du règlement délégué 2017/1182, telle qu’elle ressort de son libellé.

44 Quatrièmement, il convient d’ajouter que cette interprétation est encore confirmée par le libellé de certaines dispositions du règlement no 1249/2008 de la Commission, du 10 décembre 2008, portant modalités d’application des grilles communautaires de classement des carcasses de bovins, de porcins et d’ovins et de la communication des prix y afférents (JO 2008, L 337, p. 3). En effet, les articles 5 et 20 de ce règlement disposent, respectivement, quant aux bovins et aux porcs, que les États
membres peuvent décider de ne pas rendre obligatoires, dans les limites définies par ce règlement, les dispositions relatives au classement des carcasses.

45 Certes, le règlement no 1249/2008 a été abrogé et remplacé par le règlement délégué 2017/1182 et ne serait pas applicable ratione temporis au litige au principal, ainsi qu’il ressort de la demande de décision préjudicielle.

46 Il n’en demeure pas moins que le libellé clair de ces dispositions du règlement no 1249/2008, duquel il ne ressort aucunement que les États membres auraient été tenus de prévoir, dans leur réglementation nationale, des dérogations aux exigences relatives au classement des carcasses de bovins et de porcs, constitue un indice de la portée des dispositions correspondantes du règlement délégué 2017/1182.

47 En ce qui concerne, enfin, les objectifs poursuivis par l’article 2, paragraphe 1, du règlement délégué 2017/1182, la volonté exprimée par la Commission, telle qu’elle ressort des termes du considérant 3 de ce règlement délégué, ne s’oppose pas non plus à une interprétation selon laquelle les États membres demeurent libres d’instituer ou non des dérogations aux exigences relatives au classement des carcasses de bovins et de porcs, dans les limites fixées par cette disposition.

48 En effet, la Commission expose, dans ce considérant, les situations dans lesquelles elle estimerait opportun que les États membres fassent usage de la faculté qui leur est laissée de prévoir, dans leur réglementation nationale, des dérogations aux obligations relatives au classement des carcasses.

49 Plus précisément, la Commission indique, dans la première phrase dudit considérant, qu’il convient que les États membres « puissent accorder des dérogations à l’obligation générale de classement des carcasses aux petits établissements », afin de réduire la charge administrative pesant sur ceux-ci. Ces termes témoignent ainsi sans ambiguïté de l’intention de la Commission de laisser aux États membres la possibilité de prévoir ces dérogations. En revanche, il est vrai que, dans la deuxième phrase
du même considérant, cette institution précise qu’« il y a lieu de prévoir » de telles dérogations pour les abattoirs qui abattent, par semaine, en moyenne annuelle, « moins de 150 bovins âgés de 8 mois ou plus, ou moins de 500 porcs » et que les États membres « peuvent fixer » des limites inférieures en fonction de la situation nationale, ce qui pourrait laisser penser le contraire.

50 Il ne saurait pour autant en être déduit que la Commission aurait entendu, en adoptant l’article 2, paragraphe 1, du règlement délégué 2017/1182, instituer non pas une faculté, mais une obligation imposant aux États membres de prévoir des dérogations aux exigences relatives au classement des carcasses de bovins et de porcs.

51 En effet, outre ce qui résulte des termes clairs de la première phrase du considérant 3 de ce règlement, il convient de rappeler que le préambule d’un acte de l’Union n’a pas de valeur juridique contraignante et ne saurait être invoqué ni pour déroger aux dispositions mêmes de l’acte concerné ni pour interpréter ces dispositions dans un sens manifestement contraire à leur libellé (arrêt du 13 septembre 2018, Česká pojišťovna, C‑287/17, EU:C:2018:707, point 33 et jurisprudence citée).

52 En l’occurrence, ainsi qu’il a été exposé aux points précédents de la présente ordonnance, l’article 2, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement délégué 2017/1182 n’établit aucune obligation à charge des États membres. Cette disposition ne saurait, partant, être interprétée en sens contraire au motif que la deuxième phrase de son considérant 3 pourrait, quant à elle, être comprise dans un tel sens.

53 Eu égard aux motifs qui précèdent, l’article 2, paragraphe 1, premier alinéa, sous a) et b), du règlement délégué 2017/1182 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale en vertu de laquelle les exigences relatives au classement des carcasses de bovins et de porcs, prévues respectivement aux points A.V et B.II de l’annexe IV du règlement no 1308/2013, s’imposent à l’ensemble des abattoirs établis sur le territoire national, quel que soit le nombre de têtes
abattues par semaine.

Sur les dépens

54 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

  Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit :

  L’article 2, paragraphe 1, premier alinéa, sous a) et b), du règlement délégué (UE) 2017/1182 de la Commission, du 20 avril 2017, complétant le règlement (UE) no 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil, en ce qui concerne les grilles utilisées dans l’Union pour le classement des carcasses de bovins, de porcs et d’ovins, ainsi que la communication des prix de marché pour certaines catégories de carcasses et d’animaux vivants,

  doit être interprété en ce sens que :

  il ne s’oppose pas à une réglementation nationale en vertu de laquelle les exigences relatives au classement des carcasses de bovins et de porcs, prévues respectivement aux points A.V et B.II de l’annexe IV du règlement (UE) no 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) no 922/72, (CEE) no 234/79, (CE) no 1037/2001 et (CE) no 1234/2007 du Conseil, s’imposent à l’ensemble des
abattoirs établis sur le territoire national, quel que soit le nombre de têtes abattues par semaine.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le roumain.


Synthèse
Formation : Huitième chambre
Numéro d'arrêt : C-84/23
Date de la décision : 05/10/2023
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par Înalta Curte de Casaţie şi Justiţie – Secția de contencios administrativ și fiscal.

Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Agriculture – Organisation commune des marchés – Grilles utilisées dans l’Union européenne pour le classement des carcasses de bovins, de porcs et d’ovins – Règlement délégué (UE) 2017/1182 – Dérogations à l’obligation générale de classement des carcasses – Abattoirs – Article 2, paragraphe 1 – Dérogations accordées aux petits établissements – Réglementation nationale ne prévoyant pas la possibilité d’octroyer de telles dérogations – Caractère obligatoire ou facultative de telles dérogations.

Agriculture et Pêche


Parties
Demandeurs : SC Dinamel Trade SRL
Défendeurs : Ministerul Agriculturii şi Dezvoltării Rurale.

Composition du Tribunal
Avocat général : Medina
Rapporteur ?: Gavalec

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2023:752

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