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05/10/2023 | CJUE | N°C-355/22

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, BV Osteopathie Van Hauwermeiren contre Belgische Staat., 05/10/2023, C-355/22


 ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

5 octobre 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Fiscalité – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Maintien des effets d’une réglementation nationale incompatible avec le droit de l’Union »

Dans l’affaire C‑355/22,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le rechtbank van eerste aanleg Oost-Vlaanderen, afdeling Gent (tribunal de première instance de Flandre orientale, division de Gand

, Belgique), par décision du 30 mai 2022, parvenue à la Cour le 1er juin 2022, dans la procédure

Osteopathie...

 ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

5 octobre 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Fiscalité – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Maintien des effets d’une réglementation nationale incompatible avec le droit de l’Union »

Dans l’affaire C‑355/22,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le rechtbank van eerste aanleg Oost-Vlaanderen, afdeling Gent (tribunal de première instance de Flandre orientale, division de Gand, Belgique), par décision du 30 mai 2022, parvenue à la Cour le 1er juin 2022, dans la procédure

Osteopathie Van Hauwermeiren BV

contre

Belgische Staat,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. P. G. Xuereb, président de chambre, M. L. Bay Larsen (rapporteur), vice‑président de la Cour, et Mme I. Ziemele, juge,

avocat général : Mme T. Ćapeta,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour Osteopathie Van Hauwermeiren BV, par Mes B. Hermans, S. Lippens et L. Van Lembergen, advocaten,

– pour le gouvernement belge, par MM. P. Cottin, J.-C. Halleux et Mme C. Pochet, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement espagnol, par M. I. Herranz Elizalde, en qualité d’agent,

– pour la Commission européenne, par Mme J. Jokubauskaitė et M. W. Roels, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 267 TFUE.

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Osteopathie Van Hauwermeiren BV au Belgische Staat (État belge) au sujet d’un procès-verbal ainsi que d’un avis de perception et de recouvrement portant sur la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) due pour la période s’étendant de l’année 2013 à l’année 2019, d’une amende et d’intérêts.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 L’article 132, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1), prévoit :

« Les États membres exonèrent les opérations suivantes :

[...]

c) les prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre de l’exercice des professions médicales et paramédicales telles qu’elles sont définies par l’État membre concerné ».

Le droit belge

4 L’article 44 du code de la taxe sur la valeur ajoutée (Belgisch Staatsblad, 17 juillet 1969, p. 7046, ci-après le « code de la TVA ») prévoit que certaines prestations de services sont exemptées de TVA.

5 L’article 8 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle (Belgisch Staatsblad, 7 janvier 1989, p. 315) habilite la Cour constitutionnelle à maintenir certains effets d’une disposition qu’elle annule.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

6 Osteopathie Van Hauwermeiren est une société à responsabilité limitée qui a été assujettie à la TVA du 1er janvier 2006 au 30 septembre 2020 pour l’activité économique « autres activités pour la santé humaine ».

7 Par décision du 28 septembre 2017, le Grondwettelijk Hof (Cour constitutionnelle, Belgique) a posé des questions préjudicielles à la Cour en lien, notamment, avec le régime fiscal national applicable aux activités des ostéopathes et relatives à l’interprétation, entre autres, de l’article 132, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/112 ainsi qu’à la possibilité, pour une juridiction nationale, de faire usage d’une disposition nationale l’habilitant à maintenir certains effets d’un acte annulé
pour maintenir provisoirement l’effet de dispositions nationales qu’elle a jugées incompatibles avec cette directive jusqu’à leur mise en conformité avec ladite directive.

8 La Cour a répondu à ces questions dans son arrêt du 27 juin 2019, Belgisch Syndicaat van Chiropraxie e.a. (C‑597/17, EU:C:2019:544).

9 À la suite de cet arrêt, le Grondwettelijk Hof (Cour constitutionnelle) a, dans son arrêt du 5 décembre 2019, annulé l’article 44, paragraphe 1, du code de la TVA, en ce que cette disposition ne permettait pas d’accorder l’exonération de la TVA pour des services de chiropraxie ou d’ostéopathie à d’autres praticiens de professions médicales et paramédicales que celles qui étaient mentionnées dans ladite disposition, lorsque ces praticiens disposaient des qualifications nécessaires pour fournir des
prestations de soins à la personne dont le niveau de qualité était suffisamment élevé pour être considérées comme semblables à celles qui étaient proposées par les membres d’une profession médicale ou paramédicale réglementée.

10 Dans cet arrêt, cette juridiction a également décidé de faire usage de la faculté qui lui est reconnue par l’article 8 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle et de maintenir les effets de ladite disposition pour les faits imposables antérieurs au 1er octobre 2019. Elle a précisé, à cet égard, que des considérations impérieuses de sécurité juridique tenant à l’ensemble des intérêts en jeu, tant publics que privés, en particulier l’impossibilité concrète de rétrocéder la
TVA perçue indûment aux clients des livraisons de biens ou des prestations de services effectuées par l’assujetti ou encore de leur en réclamer le paiement en cas de non-assujettissement appliqué à tort, notamment lorsqu’il s’agit d’un grand nombre de personnes non identifiées, ou lorsque les redevables de la taxe ne disposent pas d’un système comptable leur permettant encore d’identifier lesdites livraisons de biens ou prestations de services et leur valeur, s’opposent à une application
rétroactive de l’arrêt d’annulation.

11 Le 19 juillet 2020, Osteopathie Van Hauwermeiren a déposé sa déclaration TVA pour le deuxième trimestre de 2020, dans laquelle elle a inscrit un montant de 45355,81 euros dans la partie relative aux régularisations de TVA en sa faveur et a demandé le remboursement de cette somme.

12 Le 2 septembre 2020, un procès-verbal a été établi par l’administration fiscale belge, dans lequel celle-ci a indiqué qu’Osteopathie Van Hauwermeiren était redevable de ce montant de TVA, d’une amende et d’intérêts.

13 Selon cette administration, dès lors que la Cour constitutionnelle a décidé de maintenir les effets de l’article 44, paragraphe 1, du code de la TVA pour les faits imposables antérieurs au 1er octobre 2019, les opérations d’Osteopathie Van Hauwermeiren pour lesquelles la TVA était due avant le 1er octobre 2019 ne relèvent pas de l’exonération prévue à cette disposition. Osteopathie Van Hauwermeiren n’aurait donc pas droit au remboursement de la TVA acquittée pour ces opérations.

14 Le 12 janvier 2021, Osteopathie Van Hauwermeiren a saisi le rechtbank van eerste aanleg Oost-Vlaanderen, afdeling Gent (tribunal de première instance de Flandre orientale, division de Gand, Belgique), qui est la juridiction de renvoi, d’un recours visant à faire constater, d’une part, l’illégalité et le caractère infondé, notamment, du procès‑verbal du 2 septembre 2020 et, d’autre part, qu’elle n’est pas redevable des sommes qui y sont indiquées, à savoir un montant de 45355,81 euros de TVA, une
amende de 4530 euros et des intérêts d’un montant s’élevant à 382,63 euros.

15 À cet égard, Osteopathie Van Hauwermeiren a fait valoir que l’arrêt du Grondwettelijk Hof (Cour constitutionnelle) du 5 décembre 2019 doit être écarté en raison de sa contrariété avec le droit de l’Union. Il s’ensuivrait qu’elle aurait droit au remboursement de la TVA qu’elle a versée pour la période antérieure au 1er octobre 2019.

16 Dans ces conditions, le rechtbank van eerste aanleg Oost-Vlaanderen, afdeling Gent (tribunal de première instance de Flandre orientale, division de Gand) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) L’arrêt du 8 avril 1976, [Defrenne (43/75, EU:C:1976:56)], doit-il être interprété en ce sens qu’il confère au juge national le pouvoir autonome de maintenir – de sa propre initiative et sans renvoi préjudiciel au titre de l’article 267 TFUE –, sur la base d’une disposition de droit purement interne, les effets pour le passé du régime national relatif à l’exemption de la TVA des services médicaux et paramédicaux lorsque ce juge, après avoir, dans le même litige, saisi la Cour de trois
demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, auxquelles la Cour a répondu par son arrêt du 27 juin 2019, [Belgisch Syndicaat van Chiropraxie e.a. (C‑597/17, EU:C:2019:544)], a constaté la contrariété de la disposition contestée avec le droit de l’Union et a annulé partiellement cette disposition, tout en maintenant les effets pour le passé de la disposition de droit interne contraire au droit de l’Union et en privant ainsi totalement les assujettis soumis à la TVA du
droit au remboursement de la TVA perçue en violation du droit de l’Union ?

2) Appartient-il au juge national de maintenir – de manière autonome et sans renvoi préjudiciel au titre de l’article 267 TFUE – l’effet pour le passé d’une disposition nationale jugée contraire à la directive [2006/112] en se fondant de manière générale sur des “considérations impérieuses de sécurité juridique tenant à l’ensemble des intérêts en jeu, tant publics que privés” et sur “l’impossibilité concrète” alléguée “de rétrocéder la TVA perçue indûment aux clients des livraisons de biens ou
des prestations de services effectuées par l’assujetti ou encore de leur en réclamer le paiement en cas de non-assujettissement appliqué à tort, notamment lorsqu’il s’agit d’un grand nombre de personnes non identifiées, ou lorsque les redevables de la taxe ne disposent pas d’un système comptable leur permettant encore d’identifier lesdites livraisons de biens ou prestations de services et leur valeur” si la possibilité n’est même pas donnée aux assujettis de démontrer qu’il ne peut être
question d’une telle “impossibilité concrète” ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la seconde question

17 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la procédure de coopération entre le juge national et la Cour instituée à l’article 267 TFUE, il appartient à celle-ci de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. Dans cette optique, il incombe, le cas échéant, à la Cour de reformuler les questions qui lui sont soumises (arrêt du 25 mai 2023, Danish Fluid System Technologies, C‑368/22,
EU:C:2023:427, point 31 et jurisprudence citée).

18 Ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, la seconde question posée par la juridiction de renvoi vise notamment l’hypothèse d’un non‑assujettissement à la TVA appliqué à tort.

19 Or, il convient de relever qu’une telle circonstance est étrangère à l’affaire en cause au principal. En effet, il ressort de la décision de renvoi que cette affaire concerne la situation inverse, à savoir une situation d’assujettissement qui, selon la requérante au principal, aurait été appliqué à tort.

20 Dans ces conditions, il convient de considérer que, par sa seconde question, qu’il y a lieu d’examiner en premier lieu, la juridiction de renvoi demande, en substance, si une juridiction nationale peut faire usage d’une disposition nationale l’habilitant à maintenir certains effets d’une disposition de droit national qu’elle a jugée incompatible avec la directive 2006/112, en se fondant sur une impossibilité alléguée de rétrocéder la TVA perçue indûment aux clients des prestations effectuées par
un assujetti, notamment en raison du nombre important de personnes concernées ou lorsque ces personnes ne disposent pas d’un système comptable leur permettant d’identifier ces prestations et leur valeur.

Sur la recevabilité

21 Le gouvernement belge fait valoir que la seconde question est irrecevable.

22 D’une part, par cette question, la juridiction de renvoi se prononcerait sur les motifs énoncés par le Grondwettelijk Hof (Cour constitutionnelle) dans son arrêt du 5 décembre 2019, alors qu’elle ne serait pas, en application des règles procédurales nationales, habilitée à réexaminer ces motifs. D’autre part, la réponse à ladite question supposerait une appréciation des faits et dépasserait donc la compétence conférée à la Cour par l’article 267 TFUE.

23 À cet égard, il convient de rappeler que, dans le cadre de la procédure visée à l’article 267 TFUE, fondée sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour, le juge national est seul compétent pour constater et apprécier les faits du litige au principal ainsi que pour interpréter et appliquer le droit national (arrêt du 31 janvier 2023, Puig Gordi e.a., C‑158/21, EU:C:2023:57, point 61 ainsi que jurisprudence citée).

24 Dès lors, il n’appartient pas à la Cour, dans le cadre d’une procédure préjudicielle visée à l’article 267 TFUE, de vérifier si la décision de renvoi a été prise conformément aux règles nationales d’organisation et de procédure judiciaires (voir, en ce sens, arrêt du 29 mars 2022, Getin Noble Bank, C‑132/20, EU:C:2022:235, point 70).

25 En outre, s’il est vrai que, dans le cadre de cette procédure, le juge national est seul compétent pour constater et apprécier les faits du litige au principal (arrêt du 31 janvier 2023, Puig Gordi e.a., C‑158/21, EU:C:2023:57, point 61 ainsi que jurisprudence citée), il ressort des termes de la seconde question que, par celle-ci, la juridiction de renvoi invite la Cour à interpréter le droit de l’Union, sans solliciter de sa part une application de ce droit aux faits en cause au principal.

26 Il s’ensuit que la seconde question est recevable.

Sur le fond

27 À titre liminaire, il convient de rappeler qu’il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que, en vertu du principe de coopération loyale prévu à l’article 4, paragraphe 3, TUE, les États membres sont tenus d’effacer les conséquences illicites d’une violation du droit de l’Union et qu’une telle obligation incombe, dans le cadre de ses compétences, à chaque organe de l’État membre concerné (arrêt du 27 juin 2019, Belgisch Syndicaat van Chiropraxie e.a., C‑597/17, EU:C:2019:544, point 54
ainsi que jurisprudence citée).

28 Dès lors, lorsqu’elles constatent qu’une réglementation nationale est incompatible avec le droit de l’Union, les autorités de l’État membre concerné doivent, tout en conservant le choix des mesures à prendre, veiller à ce que, dans les meilleurs délais, le droit national soit mis en conformité avec le droit de l’Union et qu’il soit donné plein effet aux droits que les justiciables tirent du droit de l’Union (arrêt du 27 juin 2019, Belgisch Syndicaat van Chiropraxie e.a., C‑597/17, EU:C:2019:544,
point 55 ainsi que jurisprudence citée).

29 Dans ce contexte, il appartient aux juridictions nationales valablement saisies d’un recours contre une réglementation nationale incompatible avec la directive 2006/112 de prendre, sur le fondement du droit national, des mesures tendant à écarter la mise en œuvre de cette réglementation (arrêt du 27 juin 2019, Belgisch Syndicaat van Chiropraxie e.a., C‑597/17, EU:C:2019:544, point 56).

30 Seule la Cour peut, à titre exceptionnel et pour des considérations impérieuses de sécurité juridique, accorder une suspension provisoire de l’effet d’éviction exercé par une règle du droit de l’Union à l’égard du droit national contraire à celle-ci. Une telle limitation dans le temps des effets de l’interprétation de ce droit donnée par la Cour ne peut être accordée que dans l’arrêt même qui statue sur l’interprétation sollicitée (arrêt du 6 octobre 2020, La Quadrature du Net e.a., C‑511/18,
C‑512/18 et C‑520/18, EU:C:2020:791, point 216 ainsi que jurisprudence citée).

31 Il serait porté atteinte à la primauté et à l’application uniforme du droit de l’Union si des juridictions nationales avaient le pouvoir de donner aux dispositions nationales la primauté par rapport au droit de l’Union auquel ces dispositions contreviennent, serait-ce même à titre provisoire (arrêt du 6 octobre 2020, La Quadrature du Net e.a., C‑511/18, C‑512/18 et C‑520/18, EU:C:2020:791, point 217 ainsi que jurisprudence citée).

32 Il importe également de rappeler qu’un arrêt rendu dans le cadre de la procédure de renvoi préjudiciel prévue à l’article 267 TFUE lie le juge national quant à l’interprétation du droit de l’Union pour la solution du litige dont il est saisi [voir, en ce sens, arrêt du 22 février 2022, RS (Effet des arrêts d’une cour constitutionnelle), C‑430/21, EU:C:2022:99, point 74].

33 En outre, dès lors que l’interprétation que la Cour donne d’une règle de droit de l’Union, dans l’exercice de la compétence que lui confère l’article 267 TFUE, éclaire et précise, lorsque besoin en est, la signification et la portée de cette règle telle qu’elle doit ou aurait dû être comprise et appliquée depuis le moment de son entrée en vigueur, il y a lieu de considérer qu’une juridiction de droit commun est tenue, en vue d’assurer la pleine efficacité des règles de droit de l’Union,
d’écarter, dans un litige dont elle est saisie, les appréciations d’une cour constitutionnelle nationale qui refuse de donner suite à un arrêt rendu à titre préjudiciel par la Cour, même lorsque cet arrêt ne procède pas d’une demande préjudicielle introduite, en lien avec ce litige, par cette juridiction de droit commun [arrêt du 22 février 2022, RS (Effet des arrêts d’une cour constitutionnelle), C‑430/21, EU:C:2022:99, point 77].

34 Dans ce contexte, il y a lieu de relever que la Cour a jugé, au point 63 de l’arrêt du 27 juin 2019, Belgisch Syndicaat van Chiropraxie e.a. (C‑597/17, EU:C:2019:544), que, dans des circonstances telles que celles en cause dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, une juridiction nationale ne peut pas faire usage d’une disposition nationale l’habilitant à maintenir certains effets d’un acte annulé pour maintenir provisoirement l’effet de dispositions nationales qu’elle a jugées incompatibles
avec la directive 2006/112 jusqu’à leur mise en conformité avec cette directive, en vue, notamment, de limiter les risques d’insécurité juridique résultant de l’effet rétroactif de cette annulation.

35 Les éléments évoqués par la juridiction de renvoi dans la présente affaire ne sauraient justifier une conclusion différente.

36 Est ainsi alléguée l’impossibilité de rétrocéder la TVA perçue indûment aux clients des prestations effectuées par un assujetti, notamment lorsqu’un nombre important de personnes est concerné ou lorsque ces personnes ne disposent pas d’un système comptable leur permettant d’identifier ces prestations et leur valeur. Cela étant, une telle considération relève de difficultés administratives et pratiques auxquelles peuvent être confrontés les autorités nationales compétentes et les opérateurs
économiques dans le cadre du remboursement de la TVA indûment acquittée aux clients des prestations.

37 Or, la Cour a précisé que, à supposer même que des considérations impérieuses de sécurité juridique soient de nature à conduire, à titre exceptionnel, à la suspension provisoire de l’effet d’éviction exercé par une règle de droit de l’Union directement applicable à l’égard du droit national contraire à celle-ci, la simple évocation de difficultés budgétaires et administratives qui pourraient résulter de l’annulation des dispositions contestées ne saurait suffire à caractériser des considérations
impérieuses de sécurité juridique (arrêt du 27 juin 2019, Belgisch Syndicaat van Chiropraxie e.a., C‑597/17, EU:C:2019:544, points 59 et 60 ainsi que jurisprudence citée).

38 En outre, il ressort de la jurisprudence de la Cour que les difficultés administratives et pratiques auxquelles peuvent être confrontées les autorités nationales compétentes ou les opérateurs économiques dans le cadre, notamment, de l’identification des personnes susceptibles de bénéficier d’un remboursement ne sont pas susceptibles, en soi, d’établir un risque de troubles graves et, partant, l’existence de considérations impérieuses de sécurité juridique (voir, en ce sens, arrêts du 5 octobre
2006, Nádasdi et Németh, C‑290/05 et C‑333/05, EU:C:2006:652, points 65 et 70, ainsi que du 22 septembre 2016, Microsoft Mobile Sales International e.a., C‑110/15, EU:C:2016:717, points 63 et 64).

39 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la seconde question qu’une juridiction nationale ne peut pas faire usage d’une disposition nationale l’habilitant à maintenir certains effets d’une disposition de droit national qu’elle a jugée incompatible avec la directive 2006/112, en se fondant sur une impossibilité alléguée de rétrocéder la TVA perçue indûment aux clients des prestations effectuées par un assujetti, notamment en raison du nombre important de
personnes concernées ou lorsque ces personnes ne disposent pas d’un système comptable leur permettant d’identifier ces prestations et leur valeur.

Sur la première question

40 Au vu de la réponse à la seconde question, il n’y a pas lieu de répondre à la première question, laquelle vise à déterminer les conditions procédurales dans lesquelles une juridiction nationale pourrait, le cas échéant, faire usage d’une disposition de son droit national lui permettant de maintenir provisoirement les effets d’une disposition de droit national qu’elle annulerait en raison de son incompatibilité avec le droit de l’Union.

Sur les dépens

41 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit :

  Une juridiction nationale ne peut pas faire usage d’une disposition nationale l’habilitant à maintenir certains effets d’une disposition de droit national qu’elle a jugée incompatible avec la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, en se fondant sur une impossibilité alléguée de rétrocéder la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) perçue indûment aux clients des prestations effectuées par un assujetti, notamment en raison du nombre
important de personnes concernées ou lorsque ces personnes ne disposent pas d’un système comptable leur permettant d’identifier ces prestations et leur valeur.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le néerlandais.


Synthèse
Formation : Sixième chambre
Numéro d'arrêt : C-355/22
Date de la décision : 05/10/2023
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Rechtbank van eerste aanleg Oost-Vlaanderen Afdeling Gent.

Renvoi préjudiciel – Fiscalité – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Maintien des effets d’une réglementation nationale incompatible avec le droit de l’Union.

Fiscalité

Principes, objectifs et mission des traités

Taxe sur la valeur ajoutée


Parties
Demandeurs : BV Osteopathie Van Hauwermeiren
Défendeurs : Belgische Staat.

Composition du Tribunal
Avocat général : Ćapeta
Rapporteur ?: Bay Larsen

Origine de la décision
Date de l'import : 07/10/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2023:737

Source

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