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28/09/2023 | CJUE | N°C-692/20

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Commission européenne contre Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord., 28/09/2023, C-692/20


 ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

28 septembre 2023 ( *1 )

« Manquement d’État – Arrêt de la Cour constatant un manquement – Inexécution – Directive 95/60/CE – Marquage fiscal du gazole – Accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique – Protocole sur l’Irlande et l’Irlande du Nord – Persistance de l’infraction après la fin de la période de transition en ce qui concerne l’Irlande du Nord – Article 260, paragraph

e 2, TFUE – Sanctions pécuniaires – Somme
forfaitaire – Gravité de l’infraction – Capacité de paiement »

Dans ...

 ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

28 septembre 2023 ( *1 )

« Manquement d’État – Arrêt de la Cour constatant un manquement – Inexécution – Directive 95/60/CE – Marquage fiscal du gazole – Accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique – Protocole sur l’Irlande et l’Irlande du Nord – Persistance de l’infraction après la fin de la période de transition en ce qui concerne l’Irlande du Nord – Article 260, paragraphe 2, TFUE – Sanctions pécuniaires – Somme
forfaitaire – Gravité de l’infraction – Capacité de paiement »

Dans l’affaire C‑692/20,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 260, paragraphe 2, TFUE, introduit le 21 décembre 2020,

Commission européenne, représentée par Mme A. Armenia et M. P.‑J. Loewenthal, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, représenté initialement par Mme S. McCrory et M. F. Shibli, en qualité d’agents, assistés de M. O. Thomas, KC, et de M. P. Reynolds, barrister, puis par M. L. Baxter, Mme S. McCrory et M. F. Shibli, en qualité d’agents, assistés de M. O. Thomas, KC, et de M. P. Reynolds, barrister, puis par M. L. Baxter, en qualité d’agent, assisté de M. O. Thomas, KC, et de M. P. Reynolds, barrister, et, enfin, par M. S. Fuller, en qualité d’agent, assisté de
M. O. Thomas, KC, et de M. P. Reynolds, barrister,

partie défenderesse,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Arabadjiev, président de chambre, M. L. Bay Larsen, vice-président de la Cour, faisant fonction de juge de la première chambre, MM. P. G. Xuereb, A. Kumin (rapporteur) et Mme I. Ziemele, juges,

avocat général : M. A. M. Collins,

greffier : M. M. Longar, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 28 septembre 2022,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 8 décembre 2022,

rend le présent

Arrêt

1 Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour :

– de constater que, en ne prenant pas les mesures nécessaires à l’exécution de l’arrêt du 17 octobre 2018, Commission/Royaume-Uni (C‑503/17, ci-après l’ arrêt constatant le manquement , EU:C:2018:831), le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 260, paragraphe 1, TFUE, lu conjointement avec les articles 127 et 131 de l’accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de
la Communauté européenne de l’énergie atomique (JO 2020, L 29, p. 7, ci-après l’« accord de retrait ») ;

– de condamner le Royaume-Uni, au titre de l’article 260, paragraphe 2, TFUE, lu conjointement avec les articles 127 et 131 de l’accord de retrait, à verser à la Commission :

– une astreinte journalière d’un montant de 268878,50 euros par jour de retard dans l’exécution de l’arrêt constatant le manquement, à compter de la date du prononcé de l’arrêt dans la présente procédure jusqu’à la date de l’exécution complète de l’arrêt constatant le manquement ;

– une somme forfaitaire dont le montant est obtenu en multipliant le montant journalier de 35873,20 euros par le nombre de jours écoulés entre la date du prononcé de l’arrêt constatant le manquement et la date à laquelle cet État se conforme à cet arrêt, ou, à défaut de s’être conformé audit arrêt avant le prononcé de l’arrêt rendu dans la présente procédure, la date de ce prononcé, le minimum étant fixé à 8901000 euros, et

– de condamner le Royaume-Uni aux dépens.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

L’accord de retrait

2 L’accord de retrait, approuvé au nom de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique (CEEA) par la décision (UE) 2020/135 du Conseil, du 30 janvier 2020 (JO 2020, L 29, p. 1), est entré en vigueur le 1er février 2020.

3 L’article 86 de cet accord, intitulé « Affaires en instance devant la Cour de justice de l’Union européenne », dispose, à ses paragraphes 1 et 3 :

« 1.   La Cour de justice de l’Union européenne demeure compétente pour connaître de toute procédure introduite par ou contre le Royaume-Uni avant la fin de la période de transition. [...]

[...]

3.   Aux fins du présent chapitre, une procédure est considérée comme ayant été introduite devant la Cour de justice de l’Union européenne [...] au moment où l’acte introductif d’instance a été enregistré par le greffe de la Cour de justice [...] »

4 Conformément à l’article 126 dudit accord, la période de transition a commencé à la date d’entrée en vigueur de cet accord et a pris fin le 31 décembre 2020.

5 L’article 127 de l’accord de retrait, intitulé « Portée des dispositions transitoires », énonce :

« 1.   Sauf disposition contraire du présent accord, le droit de l’Union est applicable au Royaume-Uni et sur son territoire pendant la période de transition.

[...]

3.   Pendant la période de transition, le droit de l’Union applicable en vertu du paragraphe 1 produit à l’égard du Royaume-Uni et de son territoire les mêmes effets juridiques que ceux qu’il produit au sein de l’Union et de ses États membres, et est interprété et appliqué selon les mêmes méthodes et principes généraux que ceux applicables au sein de l’Union.

[...]

6.   Sauf disposition contraire du présent accord, pendant la période de transition, toute référence aux États membres dans le droit de l’Union applicable en vertu du paragraphe 1, y compris dans sa mise en œuvre et son application par les États membres, s’entend comme incluant le Royaume-Uni.

[...] »

6 Aux termes de l’article 131 de cet accord, intitulé « Surveillance et exécution » :

« Pendant la période de transition, les institutions, organes et organismes de l’Union disposent des pouvoirs qui leur sont conférés par le droit de l’Union à l’égard du Royaume-Uni et des personnes physiques et morales résidant ou établies au Royaume-Uni. En particulier, la Cour de justice de l’Union européenne est compétente dans les conditions prévues par les traités.

Le premier alinéa s’applique également pendant la période de transition en ce qui concerne l’interprétation et l’application du présent accord. »

7 Le protocole sur l’Irlande et l’Irlande du Nord, annexé à l’accord de retrait (ci-après le « protocole sur l’Irlande et l’Irlande du Nord »), comporte un article 8, intitulé « TVA et accise », qui prévoit, à son premier alinéa :

« Les dispositions du droit de l’Union énumérées à l’annexe 3 du présent protocole concernant les marchandises s’appliquent au Royaume-Uni et sur son territoire en ce qui concerne l’Irlande du Nord. »

8 L’article 12 du protocole sur l’Irlande et l’Irlande du Nord, intitulé « Mise en œuvre, application, surveillance et contrôle de l’application », dispose, à son paragraphe 1 :

« Sans préjudice du paragraphe 4, les autorités du Royaume-Uni sont responsables de la mise en œuvre et de l’application des dispositions du droit de l’Union rendues applicables par le présent protocole au Royaume-Uni et sur son territoire en ce qui concerne l’Irlande du Nord. »

9 L’annexe 3 de ce protocole vise, notamment, la directive 95/60/CE du Conseil, du 27 novembre 1995, concernant le marquage fiscal du gazole et du pétrole lampant (JO 1995, L 291, p. 46).

La directive 95/60

10 Les premier et troisième considérants de la directive 95/60 sont libellés comme suit :

« considérant que les mesures communautaires envisagées dans la présente directive sont non seulement nécessaires mais indispensables à la réalisation des objectifs du marché intérieur ; que ces objectifs ne peuvent être atteints individuellement par les États membres ; [...] que la présente directive est conforme au principe de la subsidiarité ;

[...]

considérant que le bon fonctionnement du marché intérieur requiert à présent l’établissement de règles communes pour le marquage fiscal du gazole et du pétrole lampant qui n’ont pas été taxés au taux normal applicable à ces huiles minérales utilisées comme carburant ».

11 L’article 1er de cette directive dispose, à son paragraphe 1 :

« Sans préjudice des dispositions nationales en matière de marquage fiscal, les États membres appliquent un système de marquage fiscal conforme aux dispositions de la présente directive :

– à tous les types de gazole relevant du code NC 27100069 qui ont été mis à la consommation [...] et qui ont été exonérés ou frappés d’un droit d’accise à un taux autre que celui prévu à l’article 5 paragraphe 1 de la directive 92/82/CEE [du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant le rapprochement des taux d’accises sur les huiles minérales (JO 1992, L 316, p. 19), abrogée et remplacée par la directive 2003/96/CE du Conseil, du 27 octobre 2003, restructurant le cadre communautaire de taxation des
produits énergétiques et de l’électricité (JO 2003, L 283, p. 51)],

[...] »

12 Aux termes de l’article 3 de ladite directive :

« Les États membres prennent les mesures nécessaires pour s’assurer que l’usage abusif des produits marqués est évité et notamment que les huiles minérales en question ne peuvent être utilisées comme carburant dans le moteur d’un véhicule destiné à circuler sur route, ou conservées dans son réservoir à moins qu’une telle utilisation ne soit permise dans des cas spécifiques déterminés par les autorités compétentes des États membres.

Les États membres prévoient que l’utilisation des huiles minérales en question dans les cas indiqués au premier alinéa doit être considérée comme une infraction au droit interne de l’État membre considéré. Chaque État membre prend les mesures appropriées pour assurer la pleine application de toutes les dispositions de la présente directive et, notamment, détermine les sanctions à appliquer en cas de violation desdites mesures ; ces sanctions doivent avoir un caractère effectif, proportionné et
dissuasif. »

La directive 2003/96

13 Aux termes de l’article 14, paragraphe 1, de la directive 2003/96 :

« Outre les dispositions générales de la directive 92/12/CEE [du Conseil, du 25 février 1992, relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise (JO 1992, L 76, p. 1),] concernant les utilisations exonérées de produits imposables, et sans préjudice d’autres dispositions communautaires, les États membres exonèrent les produits suivants de la taxation, selon les conditions qu’ils fixent en vue d’assurer l’application correcte et claire de ces
exonérations et d’empêcher la fraude, l’évasion ou les abus :

[...]

c) les produits énergétiques fournis en vue d’une utilisation, comme carburant ou combustible pour la navigation dans des eaux communautaires (y compris la pêche), autre qu’à bord de bateaux de plaisance privés, et l’électricité produite à bord des bateaux.

[...] »

Le droit du Royaume-Uni

14 L’Hydrocarbon Oil Duties Act 1979 (loi de 1979 relative aux droits d’accise sur les huiles d’hydrocarbure), qui réglemente la taxation des carburants, a été notamment modifiée par la Finance Act 2012 (loi de finances de 2012). Le présent litige est, compte tenu de la date des faits litigieux, régi par cette loi de 1979, telle que modifiée par cette loi de 2012 (ci-après la « loi de 1979 »).

15 L’article 14E de la loi de 1979 réglementait la taxation du carburant utilisé dans le cadre de la navigation de plaisance privée. Il prévoyait:

« Huile lourde et mélange bio bénéficiant d’un taux réduit : bateaux de plaisance privés

1) Le présent article s’applique aux huiles lourdes ou aux mélanges bio bénéficiant d’un taux réduit.

2) Les huiles lourdes ou les mélanges bio ne peuvent être utilisés comme carburant pour la propulsion de bateaux de plaisance privés.

3) Si, lors de la fourniture d’une certaine quantité d’huile lourde ou de mélange bio par une partie (le “fournisseur”) à une autre, cette dernière effectue une déclaration adéquate au fournisseur :

a) le paragraphe 2 ne s’applique pas à cette huile lourde ou à ce mélange bio,

et

b) le fournisseur est tenu de verser à l’autorité fiscale, conformément à la réglementation, le montant prévu au paragraphe 4.

[...]

7A) Une déclaration adéquate doit comprendre la reconnaissance du fait qu’aucune disposition du présent article ou qu’aucun acte posé en vertu de celui-ci (y compris la déclaration elle-même) n’affecte les restrictions ou interdictions prévues par la législation d’un État membre autre que le Royaume-Uni en ce qui concerne l’utilisation d’huiles lourdes ou de mélanges bio comme carburants aux fins de la navigation en dehors des eaux territoriales du Royaume-Uni [...]

[...] »

16 L’article 14E de la loi de 1979 a été modifié par le Schedule 11 to Finance Act 2020 (annexe 11 de la loi de finances de 2020), entré en vigueur le 1er octobre 2021, afin, en substance, d’interdire l’utilisation, en Irlande du Nord, de carburant marqué pour la propulsion des bateaux de plaisance privés.

L’arrêt constatant le manquement

17 Par l’arrêt constatant le manquement, la Cour a jugé que, « [e]n autorisant l’utilisation de carburant marqué aux fins de la navigation de plaisance privée, même lorsque ce carburant ne fait l’objet d’aucune exonération ni d’une réduction de droits d’accise, le Royaume-Uni [...] a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la [directive 95/60]. »

La procédure précontentieuse

18 À la suite du prononcé de l’arrêt constatant le manquement, la Commission a demandé au Royaume-Uni, par une lettre du 22 octobre 2018, de lui communiquer, dans un délai de deux mois, les mesures qu’il envisageait de prendre pour se conformer à cet arrêt.

19 Par une lettre du 19 décembre 2018, le Royaume-Uni a indiqué qu’il avait l’intention, au cours des années 2019 et 2020, de modifier sa législation, notamment la loi de 1979 et la législation dérivée pertinente, afin d’interdire l’utilisation de carburant marqué pour la propulsion des bateaux de plaisance privés. Dans cette lettre, cet État a également précisé que, eu égard aux conséquences pratiques considérables de ces modifications, une consultation publique serait effectuée.

20 Considérant que le Royaume-Uni n’avait pas pris les mesures nécessaires pour se conformer à l’arrêt constatant le manquement, la Commission lui a, le 15 mai 2020, adressé, conformément à l’article 260, paragraphe 2, TFUE, une lettre de mise en demeure, l’invitant à présenter ses observations dans un délai de quatre mois à compter de la réception de cette lettre, soit au plus tard le 15 septembre 2020.

21 Le Royaume-Uni a répondu à la lettre de mise en demeure le 11 septembre 2020, en exposant les difficultés liées à l’exécution de l’arrêt constatant le manquement, notamment en raison des élections générales qui s’étaient tenues dans cet État au mois de décembre 2019. Ledit État a également relevé qu’une habilitation législative avait été incluse dans la loi de finances de 2020 et qu’elle était une étape préalable indispensable à l’adoption de la législation dérivée nécessaire pour se conformer à
cet arrêt. En outre, il a indiqué que des réformes plus vastes avaient été proposées s’agissant de la suppression du droit d’utiliser du carburant marqué dans la plupart des secteurs à partir du mois d’avril 2022. À cet égard, ce même État a précisé qu’une consultation sur ces réformes serait achevée le 1er octobre 2020 et que la décision concernant le délai de suppression du droit d’utiliser du carburant marqué pour la propulsion des bateaux de plaisance privés serait prise après cette
consultation, conjointement avec les décisions finales concernant les réformes plus vastes relatives à ce carburant.

22 C’est dans ces conditions que la Commission a décidé d’introduire le présent recours.

Les développements intervenus au cours de la présente procédure

23 La période de transition prévue à l’article 126 de l’accord de retrait ayant pris fin le 31 décembre 2020, les dispositions de la directive 95/60 ont cessé de s’appliquer, à compter du 1er janvier 2021, au Royaume-Uni, à l’exception cependant de l’Irlande du Nord où ces dispositions sont demeurées en vigueur, après cette date, en vertu de l’article 8 du protocole sur l’Irlande et l’Irlande du Nord, lu conjointement avec son annexe 3.

24 Le 21 mai 2021, le Royaume-Uni a adressé un courrier à la Commission, par lequel il l’a informée que la législation définitive interdisant l’utilisation de carburant marqué à taux réduit de droits d’accise pour la propulsion des bateaux de plaisance privés en Irlande du Nord serait adoptée par le Parlement du Royaume-Uni le 1er juillet 2021. Par ailleurs, le Royaume-Uni a indiqué que les fournisseurs privés de carburant étaient dans l’incapacité de construire, pendant la saison de navigation, les
infrastructures supplémentaires nécessaires pour permettre la fourniture de carburant diesel à taux plein de droits d’accise aux bateaux de plaisance privés et la fourniture de diesel à taux réduit de droits d’accise aux bateaux commerciaux, de sorte que cette interdiction entrerait en vigueur à la date du 1er octobre 2021.

25 Le Royaume‑Uni a donc actualisé, le 21 mai 2021, la notice sur les droits d’accise applicables au carburant utilisé pour les bateaux de plaisance privés, qui indique désormais, à son point 2.3, ce qui suit :

« À compter du 1er octobre 2021, les bateaux de plaisance privés en Irlande du Nord disposant d’un seul réservoir de carburant (pour la propulsion et pour les usages autres que la propulsion) ne peuvent pas utiliser de [carburant marqué], à moins qu’il n’ait été versé dans un réservoir de carburant soit en Irlande du Nord avant le 1er octobre 2021, soit dans un territoire dans lequel le [carburant marqué] peut toujours être légalement utilisé pour la propulsion [...] ».

26 La législation dérivée en cause a été adoptée le 28 juin 2021 et a permis l’entrée en vigueur des dispositions de la loi de finances de 2020, de sorte que, depuis le 1er octobre 2021, l’utilisation de carburant marqué par les utilisateurs de bateaux de plaisance privés pour la propulsion est interdite en Irlande du Nord.

27 Par une lettre du 11 février 2022, la Commission a informé la Cour qu’elle se désistait partiellement de son recours en ce qui concerne l’astreinte journalière, au motif que ce chef de conclusions était devenu sans objet avec l’entrée en vigueur, le 1er octobre 2021, des dispositions de la loi de finances de 2020. Néanmoins, elle a maintenu sa demande en ce qui concerne la condamnation du Royaume-Uni au paiement d’une somme forfaitaire d’un montant de 35873,20 euros par jour pour la période
allant du 17 octobre 2018 au 30 septembre 2021, comprise entre le prononcé de l’arrêt constatant le manquement et la date à laquelle cet État s’est conformé à cet arrêt.

Sur le manquement

Argumentation des parties

28 La Commission fait valoir que le Royaume-Uni n’a pas pris les mesures nécessaires à l’exécution de l’arrêt constatant le manquement. Cet État aurait disposé d’un délai de quatre mois pour présenter ses observations à compter de la réception de la lettre de mise en demeure, soit au plus tard le 15 septembre 2020. Or, il ressortirait clairement de la réponse à cette mise en demeure que, malgré l’adoption de certaines mesures législatives préalables, le droit d’utiliser du carburant marqué pour la
propulsion des bateaux de plaisance privés ne serait supprimé qu’au mois d’avril 2022. À cet égard, la Commission soutient qu’un État membre ne saurait invoquer les lenteurs du processus législatif ou des difficultés d’ordre interne afin de justifier l’inexécution en temps utile d’un arrêt de la Cour.

29 Le Royaume-Uni rétorque qu’il n’a pas manqué à son obligation d’exécuter l’arrêt constatant le manquement, la lettre de mise en demeure et le présent recours de la Commission ayant été prématurés. En effet, il pourrait être déduit de la jurisprudence de la Cour, issue, notamment, des arrêts du 4 juillet 2000, Commission/Grèce (C‑387/97, EU:C:2000:356, point 82), et du 25 juin 2013, Commission/République tchèque (C‑241/11, EU:C:2013:423, point 44), selon laquelle la mise en œuvre de l’exécution
d’un arrêt constatant un manquement doit aboutir dans les délais les plus brefs possibles, que la Cour doit examiner les difficultés pratiques auxquelles est confronté l’État membre concerné. Il ressortirait également de l’arrêt du 25 novembre 2003, Commission/Espagne (C‑278/01, EU:C:2003:635, point 30), que, pour constater un défaut d’exécution contraire à l’article 260, paragraphe 2, TFUE, la Cour doit considérer que l’exécution de l’arrêt en manquement en cause était possible à une date
antérieure à celle où elle s’est effectivement produite.

30 Dans ce contexte, il incomberait à la Commission d’analyser les difficultés pratiques qui doivent être surmontées par l’État membre concerné afin de se conformer à un arrêt constatant un manquement. Cette institution devrait établir que, malgré ces difficultés, il était raisonnablement possible pour cet État membre de se mettre en conformité dans le délai imparti dans la lettre de mise en demeure. Or, compte tenu de la complexité et de l’ampleur de la tâche de se conformer à l’arrêt constatant le
manquement, la période de 23 mois, entre la date du prononcé de cet arrêt et le terme du délai imparti dans cette lettre, aurait été manifestement insuffisante pour que le Royaume-Uni se conforme audit arrêt.

31 Par ailleurs, l’approche fondée sur la responsabilité objective ne serait pas applicable aux affaires introduites au titre de l’article 260 TFUE. La Commission aurait dû, le cas échéant, demander, conjointement avec le recours qu’elle a introduit sur la base de l’article 258 TFUE, que des sanctions financières soient infligées au Royaume-Uni conformément à l’article 260, paragraphe 3, TFUE, ce qu’elle n’aurait pas fait. Enfin, la Commission confondrait les difficultés pratiques auxquelles sont
confrontés les États membres, dont la Cour doit tenir compte, avec les problèmes juridiques ou politiques internes de ces États, qui ne pourraient être pris en considération.

32 En l’occurrence, le Royaume-Uni affirme qu’il a été confronté à des difficultés pratiques uniques pour mettre en œuvre la directive 95/60 et se conformer à l’arrêt constatant le manquement, ce dont il a informé la Commission. En effet, il aurait dû faire face à des difficultés liées, premièrement, aux caractéristiques géographiques particulières du Royaume-Uni en ce qui concerne la longueur des côtes ainsi que le nombre de ports et de rades, deuxièmement, à la grande variété dans la taille des
ports où les navires peuvent se ravitailler en carburant, troisièmement, aux contraintes matérielles auxquelles sont confrontés les petits ports afin de fournir à la fois du carburant non marqué et du carburant marqué, quatrièmement, à des préoccupations d’ordre économique et de sécurité, notamment, concernant la fraude fiscale, le risque de détérioration du diesel, l’installation de réservoirs secondaires temporaires, l’affectation des revenus touristiques et l’utilisation du carburant marqué à
des fins autres que la propulsion, et, cinquièmement, à la pandémie de COVID-19.

33 Dans sa réplique, la Commission relève, en premier lieu, que le Royaume-Uni ne conteste pas qu’il n’a pas exécuté l’arrêt constatant le manquement à la date du 15 septembre 2020.

34 En deuxième lieu, l’affirmation de cet État selon laquelle la Commission doit démontrer qu’il lui était raisonnablement possible d’exécuter cet arrêt avant cette date ne serait pas étayée par la jurisprudence.

35 En troisième lieu, la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle un État membre ne saurait invoquer des difficultés pratiques pour justifier le non-respect de l’article 260, paragraphe 1, TFUE ne se limiterait pas aux difficultés politiques et juridiques. En outre, en faisant valoir que l’approche fondée sur la responsabilité objective ne saurait être appliquée dans le cadre de la procédure visée à l’article 260 TFUE, le Royaume-Uni aurait confondu l’obligation qui lui incombe au titre de
l’article 260, paragraphe 1, TFUE et l’appréciation de la gravité du manquement au titre de l’article 260, paragraphe 2, TFUE.

36 En tout état de cause, les circonstances invoquées par le Royaume-Uni ne constitueraient pas des difficultés pratiques pouvant justifier l’inexécution de l’arrêt constatant le manquement. En effet, premièrement, en ce qui concerne les prétendus retards législatifs, l’obligation pour cet État de procéder à une évaluation des marinas et des ports commerciaux afin de déterminer les éventuelles mesures correctives nécessaires à l’exécution de cet arrêt ne saurait expliquer les raisons pour
lesquelles, plus de deux ans et demi après son prononcé, ledit État n’aurait pas adopté la législation dérivée nécessaire pour se conformer audit arrêt. Deuxièmement, s’agissant des difficultés résultant prétendument de l’infrastructure, telles que l’existence de ports éloignés ou de ports de très petite taille dans lesquels il n’y a pas suffisamment d’espace pour fournir du carburant marqué et du carburant non marqué, la Commission estime que ces éventuelles difficultés semblent être l’exception
plutôt que la règle. Par ailleurs, d’autres États membres auraient déjà surmonté des difficultés de même nature. Troisièmement, concernant la pandémie de COVID-19, la Commission aurait accordé au Royaume-Uni un délai exceptionnel de quatre mois pour répondre à la lettre de mise en demeure, alors que le délai ne serait habituellement que de deux mois. En outre, le nombre de cas de COVID-19 dans cet État se serait situé à l’un de ses niveaux les plus bas au cours de l’été 2020.

37 En quatrième lieu, contrairement à ce qu’affirme le Royaume-Uni, il ressortirait clairement de sa lettre du 11 septembre 2020 que le droit d’utiliser du carburant marqué ne serait supprimé, dans la plupart des secteurs, qu’à partir du mois d’avril 2022. La divergence entre les engagements pris par cet État d’exécuter en temps utile l’arrêt constatant le manquement et l’absence de résultats tangibles dans un avenir prévisible aurait conduit la Commission à engager la procédure prévue à
l’article 260, paragraphe 2, TFUE. Ce ne serait qu’après que celle-ci a introduit un recours sur le fondement de cette disposition que ledit État se serait engagé à adopter la législation dérivée nécessaire.

38 En cinquième lieu, c’est à tort que le Royaume-Uni invoquerait l’article 260, paragraphe 3, TFUE, dès lors que la procédure en manquement ayant conduit au prononcé de l’arrêt constatant le manquement aurait concerné la transposition incorrecte d’une directive, et non pas un défaut de communication des mesures de transposition.

39 Dans sa duplique, le Royaume-Uni rétorque, en premier lieu, que la loi de finances de 2020 lui a permis, dès son entrée en vigueur, le 1er octobre 2021, de se conformer à la directive 95/60.

40 En deuxième lieu, il soutient qu’un manquement à l’article 260, paragraphe 1, TFUE ne peut résulter du seul fait qu’il n’a pas adopté les mesures nécessaires avant l’expiration du délai fixé dans la lettre de mise en demeure, sauf à donner à la Commission le pouvoir, que ne lui confère pas cette disposition, de fixer le délai d’exécution d’un arrêt de la Cour constatant un manquement. Par ailleurs, dans le cadre de l’exercice de ses pouvoirs discrétionnaires, cette institution ne pourrait, sans
méconnaître les principes de sécurité juridique et de proportionnalité, saisir la Cour, en vertu de l’article 260, paragraphe 2, TFUE, quand elle le souhaite et sans examiner si l’exécution de l’arrêt de la Cour était « possible ». En outre, une violation du principe d’égalité de traitement devrait être admise en ce que les délais accordés par la Commission à d’autres États membres afin qu’ils se conforment à un arrêt de la Cour constatant un manquement auraient, dans certains cas, été
considérablement plus longs que celui accordé en l’occurrence.

41 En troisième et dernier lieu, la Commission aurait dénaturé les allégations du Royaume-Uni tirées des difficultés pratiques en cause et n’aurait pas traité de manière adéquate ces difficultés. En outre, elle aurait saisi la Cour sur le fondement d’une interprétation erronée de la lettre du 11 septembre 2020. Celle-ci n’indiquerait pas, contrairement à ce que soutient la Commission, que l’interdiction d’utiliser le carburant marqué pour les bateaux de plaisance privés ne s’appliquerait qu’à
compter du mois d’avril 2022, mais préciserait que des modifications allant au-delà des exigences résultant de l’arrêt constatant le manquement entreraient en vigueur à cette date.

Appréciation de la Cour

42 En vertu de l’article 260, paragraphe 2, TFUE, si la Commission estime que l’État membre concerné n’a pas pris les mesures nécessaires que comporte l’exécution d’un arrêt de la Cour, elle peut saisir cette dernière, après avoir mis cet État en mesure de présenter ses observations, en indiquant le montant de la somme forfaitaire ou de l’astreinte à payer par ledit État qu’elle estime adapté aux circonstances.

43 Il convient de relever que, en ce qui concerne la procédure en manquement au titre de l’article 260, paragraphe 2, TFUE, il y a lieu de retenir comme date de référence pour apprécier l’existence d’un tel manquement celle de l’expiration du délai fixé dans la lettre de mise en demeure émise en vertu de cette disposition [arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Grèce (Récupération d’aides d’État – Ferronickel), C‑51/20, EU:C:2022:36, point 61 et jurisprudence citée].

44 Par ailleurs, il convient de rappeler que la procédure en manquement repose sur la constatation objective du non-respect par un État membre des obligations que lui imposent le traité ou un acte de droit dérivé [arrêt du 12 novembre 2019, Commission/Irlande (Parc éolien de Derrybrien), C‑261/18, EU:C:2019:955, point 92].

45 En l’occurrence, ainsi qu’il ressort du point 20 du présent arrêt, la Commission a, le 15 mai 2020, adressé une lettre de mise en demeure au Royaume-Uni au titre de la procédure prévue à l’article 260, paragraphe 2, TFUE. Partant, la date de référence mentionnée au point 43 du présent arrêt est celle de l’expiration du délai fixé dans cette lettre, à savoir le 15 septembre 2020.

46 Il est manifeste que, à cette date, le Royaume-Uni n’avait pas pris toutes les mesures nécessaires afin d’exécuter l’arrêt constatant le manquement. En effet, bien que, à ladite date, la loi de finances de 2020, qui comportait l’habilitation législative nécessaire pour que cet État se conforme à cet arrêt, avait été adoptée, celle-ci n’est entrée en vigueur que le 1er octobre 2021, de sorte que, avant cette dernière date, l’utilisation de carburant marqué pour la propulsion de bateaux de
plaisance privés était autorisée dans l’ensemble dudit État.

47 Ce constat n’est pas infirmé par les arguments du Royaume-Uni. En ce qui concerne, en premier lieu, l’argumentation de cet État selon laquelle la Commission doit démontrer qu’il lui était raisonnablement possible d’exécuter l’arrêt constatant le manquement avant la date de l’expiration du délai fixé dans la lettre de mise en demeure, il suffit de relever que, bien qu’il incombe à la Commission, dans le cadre d’une procédure au titre de l’article 260, paragraphe 2, TFUE, de fournir à la Cour les
éléments nécessaires pour déterminer l’état d’exécution par un État membre d’un arrêt en manquement (arrêt du 2 décembre 2014, Commission/Italie, C‑196/13, EU:C:2014:2407, point 48 et jurisprudence citée), il ne saurait être imposé à la Commission de prouver que l’exécution d’un arrêt constatant un manquement est possible à la date de l’expiration du délai fixé dans la lettre de mise en demeure envoyée par cette institution à l’État membre concerné.

48 S’agissant, en deuxième lieu, de l’argumentation du Royaume-Uni selon laquelle la lettre de mise en demeure et le présent recours étaient prématurés, notamment parce qu’il lui était impossible, en raison de difficultés pratiques, de se conformer pleinement à l’arrêt constatant le manquement avant l’expiration du délai fixé dans cette lettre, il convient de rappeler, premièrement, que, bien que l’article 260, paragraphe 1, TFUE ne précise pas le délai dans lequel l’exécution d’un arrêt constatant
un manquement doit intervenir, l’intérêt qui s’attache à une application immédiate et uniforme du droit de l’Union exige, selon une jurisprudence constante, que cette exécution soit entamée immédiatement et aboutisse dans des délais aussi brefs que possible [arrêt du 12 novembre 2019, Commission/Irlande (Parc éolien de Derrybrien), C‑261/18, EU:C:2019:955, point 123 et jurisprudence citée].

49 Deuxièmement, contrairement à ce qu’allègue le Royaume-Uni, il ne saurait être déduit de la jurisprudence que l’État membre concerné peut invoquer des difficultés pratiques pour justifier l’inexécution d’un arrêt de la Cour. En effet, selon une jurisprudence constante, un État membre ne saurait exciper de dispositions, de pratiques ou de situations de son ordre juridique interne pour justifier l’inobservation des obligations résultant du droit de l’Union [arrêt du 12 novembre 2019,
Commission/Irlande (Parc éolien de Derrybrien), C‑261/18, EU:C:2019:955, point 89 et jurisprudence citée].

50 Ainsi que M. l’avocat général l’a relevé aux points 18 et 20 de ses conclusions, il ne saurait être considéré que cette jurisprudence ne vise que les difficultés juridiques et politiques, de sorte que les difficultés pratiques pourraient justifier l’inexécution d’un arrêt de la Cour constatant un manquement au titre de l’article 258 TFUE.

51 Dans ces conditions, en l’occurrence, l’inexécution de l’arrêt constatant le manquement ne saurait être justifiée par les difficultés internes ou pratiques ni par les circonstances particulières, invoquées par le Royaume-Uni au cours de la phase précontentieuse et de la présente procédure, liées notamment à la procédure législative, aux élections générales, aux consultations publiques, aux caractéristiques géographiques, à la variété dans la taille des ports, aux difficultés de fournir à la fois
du carburant marqué et du carburant non marqué, à des préoccupations d’ordre économique et de sécurité ainsi qu’à la pandémie de COVID-19.

52 Il convient également de rejeter l’argumentation du Royaume-Uni selon laquelle la Commission a, d’une part, dénaturé ses allégations tirées des difficultés pratiques auxquelles il aurait dû faire face dans le cadre de l’exécution de cet arrêt et, d’autre part, traité de manière inadéquate ces difficultés.

53 En troisième lieu, quant à l’argumentation du Royaume-Uni selon laquelle le délai de quatre mois accordé par la Commission dans sa lettre de mise en demeure pour présenter ses observations concernant l’exécution de l’arrêt constatant le manquement était déraisonnable et insuffisant, il y a lieu de relever qu’il découle de la jurisprudence que les objectifs de la procédure précontentieuse, à savoir donner à l’État membre concerné l’occasion de se conformer à ses obligations découlant du droit de
l’Union et de faire utilement valoir ses moyens de défense contre des griefs formulés par la Commission, imposent à cette dernière de laisser un délai raisonnable aux États membres pour répondre à la lettre de mise en demeure et pour se conformer à l’arrêt en manquement en cause rendu au titre de l’article 258 TFUE ou, le cas échéant, pour préparer leur défense, le caractère raisonnable du délai fixé étant apprécié en tenant compte de l’ensemble des circonstances qui caractérisent la situation
d’espèce [voir, par analogie, arrêt du 16 juillet 2020, Commission/Roumanie (Lutte contre le blanchiment de capitaux), C‑549/18, EU:C:2020:563, point 70 et jurisprudence citée].

54 En l’occurrence, il convient de constater que le délai de quatre mois accordé par la Commission dans sa lettre de mise en demeure n’était ni déraisonnable ni insuffisant, notamment compte tenu du fait que, au total, près de 23 mois se sont écoulés entre le prononcé de l’arrêt constatant le manquement et l’expiration de ce délai.

55 En quatrième lieu, en ce que le Royaume-Uni fait valoir que le présent recours était prématuré, il suffit de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence que la Commission dispose en tant que gardienne des traités, en vertu de l’article 17, paragraphe 1, deuxième phrase, TUE, d’un pouvoir discrétionnaire pour décider de l’opportunité d’agir contre un État membre et du moment où elle engagera la procédure en manquement contre celui-ci, les motifs qui déterminent cette décision ne pouvant affecter la
recevabilité de l’action ni même faire l’objet d’un contrôle juridictionnel par la Cour [voir, en ce sens, arrêts du 13 janvier 2021, Commission/Slovénie (MiFID II),C‑628/18, EU:C:2021:1, points 47 et 48, ainsi que du 8 mars 2022, Commission/Royaume-Uni (Lutte contre la fraude à la sous-évaluation), C‑213/19, EU:C:2022:167, point 203 et jurisprudence citée].

56 Compte tenu de ce pouvoir discrétionnaire, il y a également lieu de rejeter l’argument du Royaume-Uni selon lequel la Commission aurait méconnu le principe d’égalité de traitement, dans la mesure où elle aurait accordé à d’autres États membres des délais considérablement plus longs que celui qu’elle lui a accordé afin d’exécuter l’arrêt constatant le manquement [voir, en ce sens, arrêt du 13 janvier 2021, Commission/Slovénie (MiFID II), C‑628/18, EU:C:2021:1, point 53].

57 En cinquième lieu, s’agissant de l’argument du Royaume-Uni selon lequel le présent recours repose sur une erreur d’interprétation de cette institution, qui aurait dénaturé la lettre du 11 septembre 2020, à supposer même que cette dernière n’indique pas, contrairement à ce que soutient la Commission, que l’interdiction d’utiliser le carburant marqué pour les bateaux de plaisance privés ne s’appliquerait qu’à compter du mois d’avril 2022, cette circonstance est sans pertinence aux fins de
l’appréciation du bien-fondé du présent recours et ne saurait remettre en cause le constat, figurant au point 46 du présent arrêt, selon lequel, le 15 septembre 2020, le Royaume-Uni n’avait pas pris toutes les mesures nécessaires afin d’exécuter l’arrêt constatant le manquement.

58 En sixième et dernier lieu, contrairement à ce que fait valoir le Royaume-Uni, la Commission ne pouvait, à l’occasion du recours qu’elle a introduit dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt constatant le manquement, demander à la Cour, en vertu de l’article 260, paragraphe 3, TFUE, d’infliger des sanctions pécuniaires à cet État. En effet, ce recours a été introduit non pas en raison de ce que ledit État avait manqué à son obligation de communication des mesures de transposition de la
directive 95/60, mais en raison d’une transposition incorrecte de cette directive. Or il n’appartient pas à la Cour d’examiner, dans le cadre de la procédure juridictionnelle engagée au titre de l’article 260, paragraphe 3, TFUE, si un État membre a correctement transposé une directive [voir, en ce sens, arrêt du 25 février 2021, Commission/Espagne (Directive données à caractère personnel – Domaine pénal), C‑658/19, EU:C:2021:138, point 30 et jurisprudence citée].

59 Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu de constater que, en n’ayant pas pris, à la date à laquelle a expiré le délai imparti dans la lettre de mise en demeure émise par la Commission, à savoir le 15 septembre 2020, toutes les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt constatant le manquement, le Royaume-Uni a manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 260, paragraphe 1, TFUE.

Sur la somme forfaitaire

Argumentation des parties

60 La Commission estime que chaque inexécution prolongée d’un arrêt de la Cour représente, en soi, une atteinte grave au principe de légalité et à la sécurité juridique, et, partant, elle demande, en se référant aux points 10 et suivants de sa communication SEC(2005) 1658, du 12 décembre 2005, intitulée « Mise en œuvre de l’article [260 TFUE] » (JO 2007, C 126, p. 15, ci-après la « communication de 2005 »), qu’une somme forfaitaire soit infligée au Royaume-Uni.

61 La Commission se fonde sur la communication de 2005 et la communication intitulée « Mise à jour des données utilisées pour le calcul des sommes forfaitaires et des astreintes que la Commission proposera à la Cour de justice de l’Union européenne dans le cadre des procédures d’infraction » (JO 2020, C 301, p. 1, ci-après la « communication de 2020 ») pour demander que cette somme forfaitaire soit calculée en multipliant le montant journalier de 35873,20 euros par le nombre de jours écoulés entre
la date du prononcé de l’arrêt constatant le manquement et la date à laquelle le Royaume-Uni s’est conformé à cet arrêt. Ce montant résulterait de la multiplication d’un forfait de base uniforme par un coefficient de gravité et un facteur « n ». La Commission précise que la somme forfaitaire, ainsi obtenue, ne saurait être inférieure à un montant de 8901000 euros.

62 En premier lieu, la Commission indique qu’il ressort de la communication de 2020, d’une part, que le forfait de base uniforme est fixé à 1052 euros et, d’autre part, que le facteur « n », pris en compte afin d’assurer l’effet dissuasif de la sanction, s’élève, pour le Royaume‑Uni, à 3,41.

63 En second lieu, en ce qui concerne la gravité de l’infraction, la Commission relève que l’objectif poursuivi par la directive 95/60 est de compléter la directive 2003/96 et de favoriser la réalisation ainsi que le bon fonctionnement du marché intérieur, en permettant l’identification facile et rapide du gazole non soumis au niveau de taxation normal. Or, en ne prenant pas les mesures nécessaires pour éviter l’usage abusif des produits marqués, cet État aurait rendu difficile, voire impossible,
pour les autorités des autres États membres, notamment ceux ayant des eaux voisines avec le Royaume-Uni, de déterminer si un bateau de plaisance privé qui s’approvisionne en carburant marqué dans les ports du Royaume-Uni et atteint ensuite les eaux de ces États membres transporte du carburant légalement taxé au taux plein au Royaume-Uni. En outre, il ressortirait du document du gouvernement du Royaume-Uni du 15 juillet 2019, intitulé « Implementation of the Court of Justice of the European Union
(CJEU) judgment on diesel fuel used in private pleasure craft » [exécution de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) concernant l’utilisation de gazole aux fins de la navigation de plaisance privée], par lequel une consultation publique a été lancée dans cet État, qu’un nombre considérable de bateaux de plaisance privés a été affecté par le fait que ledit État n’avait pas pris ces mesures nécessaires. Partant, il conviendrait de retenir un coefficient de gravité de 10 sur 20.

64 Le Royaume-Uni rétorque que, même dans l’hypothèse où la Cour viendrait à constater l’inexécution de l’arrêt constatant le manquement, aucune sanction pécuniaire ne devrait lui être infligée et, à titre subsidiaire, que cette sanction devrait se limiter à une somme forfaitaire ne dépassant pas 250000 euros.

65 S’agissant du degré de gravité de l’infraction et de la capacité de paiement de l’État membre, il y aurait lieu, conformément à la jurisprudence constante, de tenir compte, d’une part, des conséquences du défaut d’exécution de l’arrêt en manquement en cause sur les intérêts privés et publics et, d’autre part, de l’urgence qu’il y a à amener l’État membre concerné à se conformer à ses obligations (voir, en ce sens, arrêts du 12 juillet 2005, Commission/France, C‑304/02, EU:C:2005:444, point 104 ;
du 14 mars 2006, Commission/France, C‑177/04, EU:C:2006:173, point 62, et du 10 janvier 2008, Commission/Portugal, C‑70/06, EU:C:2008:3, point 39).

66 En ce qui concerne, en premier lieu, la gravité du défaut d’exécution, il ne pourrait s’agir que d’une infraction limitée et d’une gravité très modeste, de sorte qu’il conviendrait d’adopter une approche analogue à celle retenue par la Cour dans l’arrêt du 10 janvier 2008, Commission/Portugal (C‑70/06, EU:C:2008:3), et, partant, de retenir un facteur de gravité qui ne soit pas supérieur à 3.

67 Premièrement, le Royaume-Uni relève que la requête de la Commission ne contiendrait aucune analyse de l’importance de la règle de l’Union ayant fait l’objet de l’infraction en cause.

68 Deuxièmement, la Commission devrait établir non seulement l’existence d’une inexécution à un arrêt en manquement, mais aussi les conséquences de cette inexécution sur le marché intérieur et sur les intérêts généraux et particuliers. Or, selon le Royaume-Uni, les infractions à la directive 95/60 n’ont que des conséquences extrêmement limitées sur ces intérêts, compte tenu du système complet qu’il a instauré pour vérifier que les utilisateurs des bateaux de plaisance privés ont acquitté le montant
approprié de la taxe. Il n’y aurait donc pas de pertes fiscales ni de préjudice pour le marché intérieur. En outre, s’agissant des difficultés invoquées par la Commission concernant la vérification par les autres États membres que la taxe a été dûment acquittée au Royaume-Uni, cet État allègue, d’une part, que ces difficultés ne sont étayées par aucune preuve et, d’autre part, que le système de vérification qu’il a mis en place pouvait être utilisé par les autorités de ces autres États membres.

69 De surcroît, la non-conformité serait minime dans la mesure où moins de 0,2 % du carburant marqué aurait été utilisé au Royaume-Uni pour la propulsion des bateaux de plaisance privés pour la période allant de l’année 2017 à l’année 2019.

70 Dans ce contexte, il conviendrait également de tenir compte du fait que, depuis l’expiration de la période de transition, le 31 décembre 2020, l’obligation du Royaume-Uni de se conformer à l’arrêt constatant le manquement ne concerne plus que l’Irlande du Nord. Le Royaume-Uni fait valoir, à cet égard, que le nombre de bateaux de plaisance privés en Irlande du Nord est estimé à 1500 et que seuls 132 litres de carburant marqué auraient été fournis aux utilisateurs de ces bateaux pendant la période
comprise entre le 1er janvier et le 22 mars 2021.

71 Troisièmement, il découlerait de la jurisprudence de la Cour que celle-ci tient compte de la difficulté de la mise en conformité pour déterminer la gravité du manquement. Par ailleurs, en procédant à une consultation publique au cours de l’année 2019 et en adoptant la législation primaire en cause, le Royaume-Uni aurait réalisé des progrès significatifs depuis le prononcé de l’arrêt constatant le manquement. En outre, il aurait agi de bonne foi en ce qu’il a régulièrement tenu la Commission
informée des mesures prises. Il conviendrait également de tenir compte du fait qu’il s’agit du premier recours engagé contre cet État pour inexécution d’un arrêt de la Cour.

72 En ce qui concerne, en deuxième lieu, la durée du manquement, la période d’inexécution ne commencerait à courir qu’à partir du moment où la Cour estime qu’il était en pratique possible d’exécuter l’arrêt constatant le manquement. En effet, il découlerait de l’arrêt du 28 novembre 2013, Commission/Luxembourg (C‑576/11, EU:C:2013:773), qu’il convient de tenir compte des difficultés pratiques afin d’apprécier cette durée.

73 En troisième lieu, le Royaume-Uni indique que le facteur « n » de 3,41, qui a été retenu dans la communication de 2020, est excessif.

74 Premièrement, la capacité de paiement ne pourrait plus être fondée sur le produit intérieur brut (PIB) du Royaume‑Uni dans son ensemble, les obligations imposées par la directive 95/60 et l’article 260 TFUE ne s’appliquant plus, depuis la fin de la période de transition, au Royaume‑Uni qu’en ce qui concerne l’Irlande du Nord. Or, l’économie nord-irlandaise aurait représenté environ 2,28 % de l’économie du Royaume-Uni au titre de l’année 2018, de sorte que le facteur « n » devrait être ajusté de
manière proportionnelle. À cet égard, il conviendrait de distinguer la présente affaire de celle ayant donné lieu à l’arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne (C‑610/10,EU:C:2012:781), dans lequel la Cour a rejeté l’argument du Royaume d’Espagne selon lequel seul le PIB du Pays basque devait être pris en compte puisque la violation des règles de l’Union concernait uniquement cette partie du Royaume d’Espagne. En effet, dans cette affaire, les règles de l’Union s’appliquaient à cet État
membre dans son ensemble, alors que, en l’espèce, la directive 95/60 ne s’applique plus au Royaume-Uni qu’en ce qui concerne l’Irlande du Nord. Par ailleurs, dans la mesure où la Commission a considéré que le facteur « n » devrait être recalculé après la fin de la période de transition, il serait contradictoire de persister à utiliser le PIB total du Royaume-Uni après cette période.

75 Deuxièmement, il conviendrait de tenir compte du fait que le Royaume-Uni ne dispose plus d’aucun siège au Parlement européen.

76 Troisièmement, la Cour devrait prendre en compte les informations les plus récentes en matière de PIB. À cet égard, le représentant du Royaume-Uni a précisé, lors de l’audience, que, concernant l’année 2020, le PIB de cet État s’élevait à 2156073 millions de livres sterling (GBP) (environ 2423426 millions d’euros).

77 Dans sa réplique, la Commission relève que la Cour peut imposer au Royaume-Uni une sanction plus élevée que celle qu’elle a proposée.

78 En premier lieu, concernant la gravité du manquement, la Commission rappelle que la clarté de l’obligation violée joue un rôle important pour apprécier la gravité de l’infraction. De même, la question serait non pas de savoir si le Royaume-Uni a respecté la finalité de la directive 2003/96, mais plutôt de savoir s’il s’est conformé à l’obligation claire et indispensable prévue par la directive 95/60 de supprimer le droit des bateaux de plaisance privés d’utiliser du carburant marqué. Par
ailleurs, il n’incomberait pas à la Commission de démontrer que les conséquences de l’infraction se sont effectivement matérialisées.

79 En outre, selon la Commission, seul importe le fait que les bateaux de plaisance privés ont eu accès aux eaux de plusieurs États membres avec du carburant marqué, dont les autorités de ces États ont pu légitimement supposer qu’il n’avait pas été taxé.

80 Par ailleurs, le Royaume-Uni aurait retardé à deux reprises l’adoption de la législation dérivée pertinente. En outre, ce n’est seulement qu’après l’introduction du présent recours que cet État aurait anticipé cette adoption. Enfin, la Commission aurait tenu compte du fait qu’il s’agit de la première procédure pour inexécution d’un arrêt de la Cour contre ledit État.

81 Lors de l’audience, la Commission a fait valoir qu’il ne convenait pas de diminuer le facteur de gravité en raison de la réduction de la portée territoriale de l’infraction dès lors que cette réduction résultait de l’accord de retrait, et non de mesures adoptées par le Royaume-Uni pour exécuter l’arrêt constatant le manquement.

82 En deuxième lieu, s’agissant de la durée de l’infraction, il n’y aurait pas lieu de tenir compte de difficultés pratiques ni du fait que le Royaume-Uni a accompli des efforts de bonne foi.

83 En troisième lieu, en ce qui concerne le facteur « n », la Commission rappelle, premièrement, que la présente procédure a été introduite avant la fin de la période de transition et que, en vertu des articles 127 et 131 de l’accord de retrait, le Royaume-Uni restait responsable, dans son ensemble, de l’application et du respect du droit de l’Union pendant ladite période.

84 Deuxièmement, le nombre de sièges dont dispose un État membre au Parlement serait utilisé comme variable pour déterminer le facteur « n » car il constituerait un indicateur utile de la taille de cet État membre, de sorte que le fait que le Royaume-Uni ne détient plus de siège au Parlement serait dénué de pertinence et serait, d’ailleurs, une conséquence directe de l’accord de retrait qu’il a signé. La Commission fait valoir, en tout état de cause, que cet État était représenté au Parlement au
moment où le manquement a été constaté, au cours de l’année 2018.

85 Troisièmement, en ce qui concerne l’allégation du Royaume-Uni selon laquelle le facteur « n » devrait être réduit pour des raisons économiques, la Commission a indiqué, lors de l’audience, que les chiffres communiqués par le Royaume-Uni concernant l’année 2020 pouvaient être considérés comme fiables. En outre, selon la communication de la Commission intitulée « Ajustement du calcul des sommes forfaitaires et des astreintes journalières proposées par la Commission dans le cadre des procédures
d’infraction devant la Cour de justice de l’Union européenne à la suite du retrait du Royaume-Uni » (JO 2021, C 129, p. 1, ci-après la « communication de 2021 »), le facteur « n » devrait, désormais, être fixé à 3,70 en ce qui concerne les infractions commises par cet État et la somme forfaitaire minimale devrait être fixée à 8215000 euros.

86 Dans sa duplique, le Royaume-Uni indique qu’il se sera conformé à la directive 95/60 le 1er octobre 2021. La Commission ne saurait donc conclure au prononcé de sanctions pécuniaires, dès lors qu’il ressortirait de l’arrêt du 7 septembre 2016, Commission/Grèce (C‑584/14, EU:C:2016:636, point 70), que celles-ci visent à encourager l’exécution rapide d’un arrêt de la Cour constatant un manquement, en cas de persistance de ce manquement.

87 En premier lieu, s’agissant de la gravité du manquement, cet État réfute l’argument de la Commission selon lequel il ressortirait du premier considérant de la directive 95/60 que les obligations résultant de cette directive doivent être considérées comme importantes. En effet, d’une part, ainsi qu’il ressortirait de l’arrêt du 25 juin 2013, Commission/République tchèque (C‑241/11, EU:C:2013:423, point 54), les indications d’un considérant auraient une faible valeur analytique pour apprécier
l’importance relative d’une règle par rapport à d’autres règles de l’Union et, d’autre part, de nombreuses directives comprendraient des termes équivalents.

88 De surcroît, il importerait de tenir compte de l’objectif final poursuivi par la directive 95/60 de mettre en œuvre un système harmonisé d’imposition des droits d’accise sur le gazole. En outre, la Commission confondrait la question de la conformité à cette directive et celle des facteurs pertinents pour apprécier la gravité d’une non-conformité.

89 Par ailleurs, la circonstance que le carburant marqué fourni aux utilisateurs de bateaux de plaisance privés au Royaume-Uni représentait 0,2 % du carburant marqué distribué dans cet État et que le carburant marqué fourni à ces utilisateurs en Irlande du Nord s’élevait à 0,02 % du marché du Royaume-Uni au cours des mois allant de juin à août 2019 serait déterminante.

90 De même, le fait que la Commission a uniquement fait référence à des extraits de presse non étayés concernant des amendes infligées, dans un unique État membre, à des utilisateurs de bateaux de plaisance privés du Royaume-Uni et qu’elle n’a fourni aucune preuve de l’infliction d’une telle amende depuis le mois de mai 2018 démontrerait l’incidence limitée de la non‑conformité à la directive 95/60. Or, il découlerait de l’arrêt du 10 septembre 2009, Commission/Portugal (C‑457/07, EU:C:2009:531,
point 98), que lorsque, comme dans la présente affaire, un État membre a produit des informations détaillées montrant l’effet limité ou l’absence d’effet d’une infraction, il appartient à la Commission de démontrer les raisons pour lesquelles la Cour devrait retenir sa position. Enfin, la Commission ne saurait se fonder sur le manquement initial pour contester sa bonne foi.

91 En second lieu, en ce qui concerne le facteur « n », il conviendrait de tenir compte du fait que le droit de l’Union ne s’applique plus au Royaume-Uni qu’en ce qui concerne l’Irlande du Nord, qui, ainsi que l’a affirmé le Royaume-Uni lors de l’audience, représentait 2,25 % du PIB du Royaume-Uni en 2020. En effet, la Cour devrait se fonder sur la taille de l’économie du territoire auquel s’applique le droit de l’Union à la date de l’arrêt qui sera rendu dans la présente affaire.

92 Lors de l’audience, le Royaume-Uni a également fait valoir que, depuis son retrait de l’Union, il se trouvait dans une situation différente par rapport aux États membres, de sorte qu’il conviendrait de lui appliquer un traitement différent, notamment en ce qui concerne le facteur « n », et de réduire le montant de la somme forfaitaire.

Appréciation de la Cour

93 À titre liminaire, il y a lieu de constater que, si, le 1er octobre 2021, le Royaume-Uni a mis fin au manquement à son obligation d’exécuter pleinement l’arrêt constatant le manquement et, partant, que, en l’occurrence, le manquement ne perdure pas jusqu’à l’examen des faits par la Cour, la Commission a, ainsi qu’il ressort du point 27 du présent arrêt, maintenu sa demande visant à la condamnation de cet État au paiement d’une somme forfaitaire.

94 Or, il y a lieu de relever, à cet égard, qu’une requête par laquelle la Commission demande l’imposition d’une somme forfaitaire ne saurait être rejetée au seul motif qu’elle a pour objet un manquement qui, tout en ayant perduré dans le temps, a pris fin à la date à laquelle la Cour examine les faits litigieux [arrêt du 13 janvier 2021, Commission/Slovénie (MiFID II), C‑628/18, EU:C:2021:1, point 70].

95 À titre principal, il convient de rappeler qu’il appartient à la Cour, dans chaque affaire et en fonction des circonstances de l’espèce dont elle se trouve saisie ainsi que du niveau de persuasion et de dissuasion qui lui paraît requis, d’arrêter les sanctions pécuniaires appropriées, notamment pour prévenir la répétition d’infractions analogues au droit de l’Union [arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Grèce (Récupération d’aides d’État – Ferronickel), C‑51/20, EU:C:2022:36, point 86 et
jurisprudence citée].

96 La condamnation au paiement d’une somme forfaitaire et la fixation du montant éventuel de cette somme doivent, dans chaque cas d’espèce, demeurer fonction de l’ensemble des éléments pertinents ayant trait tant aux caractéristiques du manquement constaté qu’à l’attitude propre à l’État membre concerné par la procédure engagée sur le fondement de l’article 260 TFUE. À cet égard, ce dernier investit la Cour d’un large pouvoir d’appréciation afin de décider de l’infliction ou non d’une telle sanction
et de déterminer, le cas échéant, son montant. En outre, il appartient à la Cour, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, de fixer le montant de cette somme forfaitaire de telle sorte qu’elle soit, d’une part, adaptée aux circonstances et, d’autre part, proportionnée à l’infraction commise. Figurent notamment au rang des facteurs pertinents à cet égard des éléments tels que la gravité de l’infraction constatée, la période durant laquelle celle-ci a persisté depuis le prononcé de l’arrêt
l’ayant constatée ainsi que la capacité de paiement de l’État membre en cause [voir, en ce sens, arrêt du 12 novembre 2019, Commission/Irlande (Parc éolien de Derrybrien), C‑261/18, EU:C:2019:955, points 113 et 114 ainsi que jurisprudence citée].

97 En premier lieu, s’agissant de la gravité de l’infraction, il convient de rappeler l’importance de la règle violée pour l’établissement du marché intérieur qui, ainsi qu’il découle de l’arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Grèce (Récupération d’aides d’État – Ferronickel) (C‑51/20, EU:C:2022:36, point 98), constitue l’une des missions essentielles conférée à l’Union en vertu de l’article 3, paragraphe 3, TUE.

98 À cet égard, ainsi qu’il ressort des points 44 et 46 de l’arrêt constatant le manquement, d’une part, en vertu de l’article 1er de la directive 95/60, lu à la lumière de son troisième considérant, les États membres sont tenus d’appliquer un système de marquage fiscal tel que prévu par cette directive, notamment, au gazole qui n’est pas taxé au taux plein et, d’autre part, l’objectif poursuivi par ladite directive, à savoir compléter la directive 2003/96 et favoriser la réalisation et le bon
fonctionnement du marché intérieur, en permettant l’identification facile et rapide du gazole non soumis au niveau de taxation normal, ne pourrait être atteint s’il était permis aux États membres d’autoriser l’utilisation du marquage fiscal également pour le gazole destiné à des usages soumis au taux normal de taxation.

99 Par ailleurs, les mesures envisagées dans la directive 95/60 sont, conformément à son premier considérant, non seulement nécessaires, mais aussi indispensables à la réalisation des objectifs du marché intérieur.

100 Certes, le Royaume-Uni fait valoir qu’il a instauré un système complet permettant de vérifier que le montant approprié de la taxe a été acquitté par les utilisateurs de bateaux de plaisance privés et que ce système pourrait également être utilisé par les autorités des États membres, lors de vérifications ultérieures, lesquelles, en tout état de cause, ne constituent pas l’objectif principal de la directive 95/60.

101 Cela étant, il suffit de rappeler, à cet égard, que, aux points 52 et 53 de l’arrêt constatant le manquement, la Cour a considéré que le marquage fiscal du gazole exonéré ou taxé à un taux réduit, prévu par la directive 95/60, vise, précisément, à faciliter les contrôles du paiement effectif des droits d’accise appropriés dans l’État membre de la mise à la consommation par les autorités fiscales d’un autre État membre et qu’il importe peu qu’il existe d’autres moyens de contrôle, tels que la
production d’un reçu attestant du paiement de la différence de droits d’accise, suggérée par le Royaume-Uni.

102 Par ailleurs, il y a également lieu de rappeler que l’obligation d’adopter les mesures nationales pour assurer la transposition complète d’une directive constitue une obligation essentielle des États membres afin d’assurer la pleine effectivité du droit de l’Union et que le manquement à cette obligation doit, dès lors, être considéré comme étant d’une gravité certaine [voir, par analogie, arrêt du 25 février 2021, Commission/Espagne (Directive données à caractère personnel – Domaine pénal),
C‑658/19, EU:C:2021:138, point 64 et jurisprudence citée].

103 En ce que le Royaume-Uni allègue que la gravité de l’infraction est minime en raison du fait que le carburant marqué fourni aux utilisateurs de bateaux de plaisance privés au Royaume-Uni représentait 0,2 % du carburant marqué distribué dans cet État, il convient de constater, à l’instar de la Commission, que le manquement en cause était susceptible de pénaliser un nombre considérable d’utilisateurs de bateaux de plaisance privés et, partant, de porter atteinte aux intérêts privés et publics
concernés. En effet, tant les citoyens britanniques qui voulaient se rendre dans les eaux des États membres voisins du Royaume-Uni que les citoyens de ces États membres voisins qui voulaient se rendre dans les eaux du Royaume-Uni et devaient s’y ravitailler en carburant marqué avant de retourner dans les eaux desdits États membres risquaient d’être exposés à des difficultés lors des contrôles par les autorités de ces États membres et, notamment, de se voir infliger des amendes par ces autorités.

104 En outre, le Royaume-Uni a lui-même indiqué dans ses observations écrites qu’une interdiction du carburant marqué pour la propulsion de ces bateaux avait des conséquences pratiques considérables, ce qui serait dénué de sens si la quantité de carburant marqué fourni à cette fin était négligeable. Par ailleurs, il ressort du document du 15 juillet 2019, intitulé « Implementation of the Court of Justice of the European Union (CJEU) judgment on diesel fuel used in private pleasure craft », par
lequel une consultation publique a été lancée au Royaume-Uni, que cet État disposait d’un nombre considérable de bateaux de plaisance privés et qu’une quantité importante de carburant marqué était utilisée pour la propulsion de ces bateaux.

105 S’agissant des éventuelles circonstances atténuantes invoquées par le Royaume-Uni, premièrement, eu égard aux points 49 à 51 du présent arrêt, il convient de rejeter l’argumentation de cet État selon laquelle le présent manquement est d’une gravité très modeste en raison des difficultés pratiques en cause. En effet, la Cour a itérativement rappelé, dans le cadre de l’appréciation de la gravité du manquement, qu’un État membre ne saurait exciper de dispositions, de pratiques ou de situations de
son ordre juridique interne pour justifier l’inobservation des obligations résultant du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 4 décembre 2014, Commission/Suède, C‑243/13, EU:C:2014:2413, point 53 ; du 13 juillet 2017, Commission/Espagne, C‑388/16, EU:C:2017:548, point 41, et du 25 juillet 2018, Commission/Espagne, C‑205/17, EU:C:2018:606, point 62).

106 Deuxièmement, en ce qui concerne le fait que le Royaume-Uni a, au cours de la procédure précontentieuse, régulièrement communiqué à la Commission les mesures qu’il envisageait de prendre afin de se conformer à l’arrêt constatant le manquement, il convient de rappeler qu’une obligation de coopération loyale avec la Commission incombe de toute manière aux États membres en vertu de l’article 4, paragraphe 3, TUE, ce qui implique que tout État membre est tenu de faciliter à cette institution
l’accomplissement de sa mission consistant, conformément à l’article 17 TUE, à veiller, en tant que gardienne des traités, à l’application du droit de l’Union sous le contrôle de la Cour [arrêt du 8 mars 2022, Commission/Royaume-Uni (Lutte contre la fraude à la sous-évaluation), C‑213/19, EU:C:2022:167, point 527].

107 Partant, seule une coopération avec la Commission se caractérisant par des démarches témoignant de l’intention de se conformer dans les plus brefs délais à l’arrêt en manquement en cause rendu au titre de l’article 258 TFUE pourrait être prise en compte en tant que circonstance atténuante dans le cadre de l’appréciation de la gravité de l’infraction.

108 Or, en l’occurrence, contrairement à ce que le Royaume-Uni avait indiqué à la Commission dans sa lettre du 19 décembre 2018, il n’a pas procédé, au cours des années 2019 et 2020, aux modifications législatives nécessaires afin de se conformer à l’arrêt constatant le manquement. Par ailleurs, en ce que cet État a indiqué, dans sa lettre du 11 septembre 2020, que la décision concernant le délai de suppression du droit d’utiliser du carburant marqué pour la propulsion des bateaux de plaisance
privés serait seulement prise après une consultation publique afférente à la suppression de ce droit pour des secteurs autres que pour la propulsion de ces bateaux, il a admis que l’exécution de cet arrêt aurait pu être réalisée plus rapidement.

109 Dans ces conditions, la coopération du Royaume-Uni avec la Commission au cours de la procédure précontentieuse ne saurait être prise en compte en tant que circonstance atténuante.

110 En revanche, troisièmement, il convient de retenir, en tant que circonstance atténuante, le fait que le Royaume-Uni a pris un certain nombre de mesures tant avant l’introduction du présent recours qu’en cours d’instance afin d’exécuter l’arrêt constatant le manquement et, en particulier, qu’il a mis un terme au manquement reproché avec l’entrée en vigueur, le 1er octobre 2021 des dispositions de la loi de finances de 2020 (voir, par analogie, arrêt du 31 mars 2011, Commission/Grèce, C‑407/09,
EU:C:2011:196, point 41).

111 De même, quatrièmement, si, certes, la taille de l’État membre concerné n’est pas en soi pertinente dans le cadre de l’appréciation de la gravité du manquement, il convient, toutefois, de tenir compte du fait que, depuis le 1er janvier 2021, la directive 95/60 n’est plus applicable au Royaume-Uni qu’en ce qui concerne l’Irlande du Nord, de sorte que la conséquence du manquement est réduite depuis cette date.

112 Enfin, cinquièmement, il y a lieu de prendre en compte, en tant que circonstance atténuante, le fait que le Royaume-Uni n’avait, auparavant, jamais omis d’exécuter un arrêt rendu par la Cour au titre de l’article 258 TFUE (voir arrêt du 30 mai 2013, Commission/Suède, C‑270/11, EU:C:2013:339, point 55).

113 S’agissant, en deuxième lieu, de la durée de l’infraction, il suffit de rappeler que celle-ci doit être évaluée en prenant en considération la période qui s’est écoulée entre, d’une part, la date du prononcé de l’arrêt en manquement en cause rendu au titre de l’article 258 TFUE et, d’autre part, le moment auquel la Cour apprécie les faits ou la date à laquelle l’État membre concerné se conforme à cet arrêt si cette dernière date intervient avant [voir, en ce sens, arrêts du 31 mars 2011,
Commission/Grèce, C‑407/09, EU:C:2011:196, point 35, et du 12 novembre 2019, Commission/Irlande (Parc éolien de Derrybrien), C‑261/18, EU:C:2019:955, point 122].

114 En l’occurrence, il convient de constater que 1079 jours et, donc, presque trois ans se sont écoulés entre le prononcé de l’arrêt constatant le manquement et l’exécution de celui-ci par le Royaume-Uni.

115 En troisième lieu, s’agissant de la capacité de paiement, il ressort de la jurisprudence qu’il y a lieu de s’appuyer sur le PIB de l’État membre concerné en tant que facteur prédominant, aux fins de l’appréciation de sa capacité de paiement et de la fixation de sanctions suffisamment dissuasives et proportionnées, afin de prévenir de manière effective la répétition future d’infractions analogues au droit de l’Union [voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Grèce (Récupération
d’aides d’État – Ferronickel), C‑51/20, EU:C:2022:36, points 116 et 130].

116 À cet égard, le Royaume-Uni fait valoir, premièrement, qu’il y a lieu de s’appuyer exclusivement sur le PIB de l’Irlande du Nord pour l’ensemble de la période d’infraction, tandis que la Commission est d’avis qu’il convient de prendre en compte le PIB du Royaume-Uni dans son ensemble pour cette période.

117 En l’occurrence, si, certes, conformément à l’article 127, paragraphe 1, de l’accord de retrait, le droit de l’Union s’appliquait au Royaume-Uni dans son ensemble pendant la période de transition, à savoir jusqu’au 31 décembre 2020, le manquement en cause ne concerne plus que l’Irlande du Nord depuis le 1er janvier 2021.

118 Cela étant, il ressort de l’article 12, paragraphe 1, du protocole sur l’Irlande et l’Irlande du Nord, que ce sont les autorités du Royaume-Uni, et non celles de l’Irlande du Nord, qui sont responsables de la mise en œuvre et de l’application des dispositions du droit de l’Union rendues applicables par ce protocole au Royaume-Uni et sur son territoire en ce qui concerne l’Irlande du Nord. Dans ce contexte, contrairement à ce que prétend le Royaume-Uni, le fait que ce dernier n’est plus un État
membre depuis le 1er février 2020 est sans incidence sur l’appréciation de sa capacité de paiement, de sorte qu’il ne convient pas de lui appliquer un traitement différent de celui réservé aux États membres à cet égard.

119 De surcroît, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence exposée au point 115 du présent arrêt, la capacité de paiement est prise en compte afin de fixer des sanctions suffisamment dissuasives et proportionnées, et ce dans l’objectif de prévenir de manière effective la répétition future d’infractions analogues au droit de l’Union. Or, une sanction à l’égard du Royaume-Uni calculée, s’agissant de l’appréciation de la capacité de paiement, en tenant compte du seul PIB de l’Irlande du Nord, en ce qui
concerne la persistance du manquement après la fin de la période de transition, ne serait pas suffisamment dissuasive et, partant, ne saurait permettre d’atteindre cet objectif.

120 Par ailleurs, dans la mesure où, ainsi qu’il ressort du point 111 du présent arrêt, le fait que le droit de l’Union n’est plus applicable au Royaume-Uni qu’en ce qui concerne l’Irlande du Nord depuis la fin de la période de transition est une circonstance atténuante qui joue un rôle dans le cadre de l’appréciation de la gravité du manquement, il n’est pas justifié de tenir à nouveau compte de cette circonstance s’agissant de l’appréciation de la capacité de paiement du Royaume-Uni.

121 Eu égard à ce qui précède, il convient de prendre en compte le PIB du Royaume-Uni pris dans son ensemble pour toute la période de l’infraction afin de déterminer la capacité de paiement de cet État.

122 Cette appréciation n’est pas remise en question par les arguments avancés par le Royaume-Uni. En effet, s’il convient de tenir compte de l’évolution récente du PIB conformément à la jurisprudence de la Cour [arrêt du 12 novembre 2019, Commission/Irlande (Parc éolien de Derrybrien), C‑261/18, EU:C:2019:955, point 124 et jurisprudence citée], il ne saurait être déduit de cette jurisprudence, contrairement aux allégations du Royaume-Uni, que la Cour doit uniquement tenir compte du PIB du territoire
auquel s’applique le droit de l’Union à la date de l’examen des faits par la Cour.

123 Par ailleurs, en ce que, d’une part, la Commission fait valoir que, conformément à la communication de 2021, le facteur « n » devrait être fixé à 3,70 en ce qui concerne les infractions commises par le Royaume-Uni et la somme forfaitaire minimale à 8215000 euros et, d’autre part, cet État soutient que l’argumentation de cette institution concernant sa capacité de paiement et cette communication de 2021 se contredisent, il suffit de rappeler que des lignes directrices telles que celles contenues
dans les communications de la Commission ne lient pas la Cour, mais contribuent à garantir la transparence, la prévisibilité et la sécurité juridique de l’action menée par la Commission elle-même lorsque cette institution fait des propositions à la Cour [arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Grèce (Récupération d’aides d’État – Ferronickel), C‑51/20, EU:C:2022:36, point 95 et jurisprudence citée].

124 Deuxièmement, s’agissant de l’argument du Royaume-Uni selon lequel le facteur « n » avancé par la Commission repose sur le nombre de sièges dont dispose un État membre au Parlement alors que le Royaume-Uni ne dispose plus d’aucun siège dans cette institution, la Cour a déjà jugé que la prise en compte du poids institutionnel de l’État membre concerné n’apparaît pas indispensable pour garantir une dissuasion suffisante et amener cet État membre à modifier son comportement actuel ou futur [arrêt
du 20 janvier 2022, Commission/Grèce (Récupération d’aides d’État – Ferronickel), C‑51/20, EU:C:2022:36, point 115].

125 Troisièmement, ainsi qu’il a été dit au point 122 du présent arrêt, il ressort de la jurisprudence qu’il convient de prendre en compte l’évolution récente du PIB de l’État membre concerné, telle qu’elle se présente à la date de l’examen des faits par la Cour [arrêt du 12 novembre 2019, Commission/Irlande (Parc éolien de Derrybrien), C‑261/18, EU:C:2019:955, point 124 et jurisprudence citée].

126 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il est fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en fixant à 32000000 euros le montant de la somme forfaitaire que le Royaume-Uni devra acquitter pour la période allant du 17 octobre 2018 au 30 septembre 2021.

127 Il convient, par conséquent, de condamner le Royaume-Uni à payer à la Commission une somme forfaitaire de 32000000 euros.

Sur les dépens

128 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du Royaume-Uni et le manquement ayant été constaté, il y a lieu de condamner ce dernier aux dépens.

  Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête :

  1) En n’ayant pas pris, à la date à laquelle a expiré le délai imparti dans la lettre de mise en demeure émise par la Commission européenne, à savoir le 15 septembre 2020, toutes les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du 17 octobre 2018, Commission/Royaume-Uni (C‑503/17, EU:C:2018:831), le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 260, paragraphe 1, TFUE.

  2) Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord est condamné à verser à la Commission européenne une somme forfaitaire de 32000000 euros.

  3) Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord est condamné aux dépens.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : C-692/20
Date de la décision : 28/09/2023
Type de recours : Recours en constatation de manquement

Analyses

Manquement d’État – Arrêt de la Cour constatant un manquement – Inexécution – Directive 95/60/CE – Marquage fiscal du gazole – Accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique – Protocole sur l’Irlande et l’Irlande du Nord – Persistance de l’infraction après la fin de la période de transition en ce qui concerne l’Irlande du Nord – Article 260, paragraphe 2, TFUE – Sanctions pécuniaires – Somme forfaitaire – Gravité de l’infraction – Capacité de paiement.

Fiscalité


Parties
Demandeurs : Commission européenne
Défendeurs : Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord.

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Kumin

Origine de la décision
Date de l'import : 30/09/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2023:707

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