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17/05/2023 | CJUE | N°C-402/22

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid contre M.A., 17/05/2023, C-402/22


 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. JEAN RICHARD DE LA TOUR

présentées le 17 mai 2023 ( 1 )

Affaire C‑402/22

Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid

contre

M.A.

[demande de décision préjudicielle formée par le Raad van State (Conseil d’État, Pays-Bas)]

« Renvoi préjudiciel – Directive 2011/95/UE – Normes relatives aux conditions d’octroi du statut de réfugié ou du statut conféré par la protection subsidiaire – Article 14, paragraphe 4, sous b), et paragraphe 5 – Refus

d’octroi du statut de réfugié – Ressortissant d’un pays tiers ayant commis un crime particulièrement grave – Notion de “crime particulière...

 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. JEAN RICHARD DE LA TOUR

présentées le 17 mai 2023 ( 1 )

Affaire C‑402/22

Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid

contre

M.A.

[demande de décision préjudicielle formée par le Raad van State (Conseil d’État, Pays-Bas)]

« Renvoi préjudiciel – Directive 2011/95/UE – Normes relatives aux conditions d’octroi du statut de réfugié ou du statut conféré par la protection subsidiaire – Article 14, paragraphe 4, sous b), et paragraphe 5 – Refus d’octroi du statut de réfugié – Ressortissant d’un pays tiers ayant commis un crime particulièrement grave – Notion de “crime particulièrement grave” »

I. Introduction

1. La présente demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 14, paragraphe 4, sous b), de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette
protection ( 2 ).

2. Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M.A., ressortissant d’un pays tiers, au Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid (secrétaire d’État à la Justice et à la Sécurité, Pays-Bas) (ci‑après le « secrétaire d’État »), au sujet de la décision de ce dernier de rejeter sa demande de protection internationale.

3. L’article 14, paragraphe 4, sous b), de la directive 2011/95 prévoit que les États membres peuvent révoquer le statut octroyé à un réfugié lorsque, ayant été condamné en dernier ressort pour un crime particulièrement grave, il constitue une menace pour la société de l’État membre dans lequel il se trouve.

4. En vertu de l’article 14, paragraphe 5, de cette directive, dans un tel cas, les États membres peuvent également décider de ne pas octroyer le statut de réfugié, lorsqu’une telle décision n’a pas encore été prise. La décision en cause au principal a été précisément adoptée sur la base de cette disposition.

5. Dans les conclusions que j’ai présentées dans les affaires AA (Réfugié ayant commis un crime grave) et Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides (Réfugié ayant commis un crime grave) ( 3 ), j’ai défendu l’interprétation selon laquelle l’article 14, paragraphe 4, sous b), de la directive 2011/95 pose deux conditions cumulatives à la possibilité dont dispose un État membre de révoquer le statut de réfugié. À cet égard, j’ai expliqué pourquoi je considère que l’existence d’une condamnation
définitive pour un crime particulièrement grave constitue une condition nécessaire, mais non suffisante, pour permettre à un État membre de révoquer ce statut.

6. Dans ces conclusions, j’ai également indiqué les raisons pour lesquelles j’estime que la menace que représente la personne condamnée, au moment où est prise une décision de révocation du statut de réfugié, doit être réelle, actuelle et suffisamment grave pour la société de l’État membre concerné. J’ai aussi précisé qu’une décision de révoquer le statut de réfugié doit, à mon avis, respecter le principe de proportionnalité et, plus largement, les droits fondamentaux de la personne concernée, tels
qu’ils sont garantis par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

7. En revanche, dans la mesure où aucune des questions posées par les juridictions de renvoi dans les affaires C-663/21 et C-8/22 ne portait directement sur la signification de la condition selon laquelle le ressortissant concerné d’un pays tiers doit avoir été « condamné en dernier ressort pour un crime particulièrement grave », je n’ai pas pris position sur cet aspect.

8. Dans la présente affaire, le Raad van State (Conseil d’État, Pays‑Bas) interroge expressément la Cour sur ledit aspect dans sa première question préjudicielle à propos d’une décision de rejet d’une demande de protection internationale.

9. À la demande de la Cour, les présentes conclusions seront ciblées sur cette première question préjudicielle, par laquelle la juridiction de renvoi cherche à obtenir de la Cour des précisions sur les critères permettant de définir la notion de « crime particulièrement grave », au sens de l’article 14, paragraphe 4, sous b), de la directive 2011/95.

10. J’exposerai, dans les développements qui suivent, les raisons pour lesquelles je considère que cette disposition devrait être interprétée en ce sens que constitue un « crime particulièrement grave », au sens de ladite disposition, une infraction pénale qui se caractérise par un degré de gravité exceptionnel. Je préciserai la méthode et les critères qui devraient, selon moi, permettre aux États membres d’apprécier l’existence d’un tel crime.

II. Le cadre juridique

A.   Le droit international

11. L’article 33 de la convention relative au statut des réfugiés ( 4 ), telle que complétée par le protocole relatif au statut des réfugiés ( 5 ) (ci-après la « convention de Genève »), prévoit :

« 1.   Aucun des États Contractants n’expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques.

2.   Le bénéfice de la présente disposition ne pourra toutefois être invoqué par un réfugié qu’il y aura des raisons sérieuses de considérer comme un danger pour la sécurité du pays où il se trouve ou qui, ayant été l’objet d’une condamnation définitive pour un crime ou délit particulièrement grave, constitue une menace pour la communauté dudit pays. »

B.   Le droit de l’Union

12. L’article 12, paragraphe 2, de la directive 2011/95 énonce :

« Tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride est exclu du statut de réfugié lorsqu’il y a des raisons sérieuses de penser :

a) qu’il a commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes ;

b) qu’il a commis un crime grave de droit commun en dehors du pays de refuge avant d’être admis comme réfugié, c’est-à-dire avant la date à laquelle le titre de séjour est délivré sur la base de l’octroi du statut de réfugié [...] ;

c) qu’il s’est rendu coupable d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies [...] »

13. L’article 14, paragraphes 4 et 5, de cette directive dispose :

« 4.   Les États membres peuvent révoquer le statut octroyé à un réfugié par une autorité gouvernementale, administrative, judiciaire ou quasi judiciaire, y mettre fin ou refuser de le renouveler,

a) lorsqu’il existe des motifs raisonnables de le considérer comme une menace pour la sécurité de l’État membre dans lequel il se trouve ;

b) lorsque, ayant été condamné en dernier ressort pour un crime particulièrement grave, il constitue une menace pour la société de cet État membre.

5.   Dans les situations décrites au paragraphe 4, les États membres peuvent décider de ne pas octroyer le statut de réfugié, lorsqu’une telle décision n’a pas encore été prise. »

14. L’article 17, paragraphe 1, sous b), de ladite directive est ainsi rédigé :

« Un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride est exclu des personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire s’il existe des motifs sérieux de considérer :

[...]

b) qu’il a commis un crime grave. »

15. L’article 21, paragraphes 1 et 2, de la même directive est libellé comme suit :

« 1.   Les États membres respectent le principe de non-refoulement en vertu de leurs obligations internationales.

2.   Lorsque cela ne leur est pas interdit en vertu des obligations internationales visées au paragraphe 1, les États membres peuvent refouler un réfugié, qu’il soit ou ne soit pas formellement reconnu comme tel :

a) lorsqu’il y a des raisons sérieuses de considérer qu’il est une menace pour la sécurité de l’État membre où il se trouve ; ou

b) lorsque, ayant été condamné en dernier ressort pour un crime particulièrement grave, il constitue une menace pour la société de cet État membre. »

C.   Le droit néerlandais

16. Le paragraphe C2/7.10.1 de la Vreemdelingencirculaire 2000 (circulaire de 2000 sur les étrangers), intitulé « L’ordre public en tant que motif de refus », précise :

« Dans l’appréciation d’une demande de permis de séjour temporaire au titre de l’asile, l’Immigratie – en Naturalisatiedienst [service de l’immigration et de la naturalisation, Pays-Bas (ci‑après l’« IND »)] examine si le ressortissant étranger constitue une menace pour l’ordre public ou la sécurité nationale. Lorsque le ressortissant étranger est un réfugié au sens de la convention [de Genève], l’IND apprécie s’il existe un crime particulièrement grave [...]

L’IND apprécie s’il existe un crime (particulièrement) grave au cas par cas, sur la base de tous les éléments factuels et juridiques pertinents. À cet égard, il prend en tout cas en considération les circonstances particulières invoquées par le ressortissant étranger qui se rapportent à la nature et à la gravité de l’infraction ainsi que le temps qui s’est écoulé depuis les faits.

[...]

L’IND apprécie la question de l’existence d’un crime (particulièrement) grave en vérifiant si, au total, la somme des peines infligées s’élève à au moins la norme applicable. Dans ce cadre, il est accordé une grande importance aux circonstances individuelles, entre autres la question de savoir quelle est la proportion des infractions qui constituent une menace pour la société. En tout état de cause, au moins l’une des condamnations devra être liée à une infraction constituant une telle menace.

Aux fins de la question de savoir si la somme des peines infligées s’élève à la norme applicable, l’IND prend en tout cas en considération la partie exécutoire sans condition des peines.

Dans l’appréciation, il prend en considération la partie conditionnelle des peines si, et dans la mesure où, il est (aussi) question :

– d’infractions liées aux stupéfiants, d’infractions à caractère sexuel et d’infractions violentes ;

– de trafic des êtres humains ; ou

– de la commission, préparation ou facilitation d’une infraction terroriste.

Aux fins d’apprécier l’existence d’une menace pour l’ordre public ou la sécurité nationale, l’IND prend également en considération les condamnations à des peines de travail d’intérêt général. Il calcule la norme applicable sur la base des éléments suivants :

– la durée de la peine privative de liberté de substitution que le juge a prononcée ;

– la durée de la peine privative de liberté que le juge a prononcée pour le cas où le ressortissant étranger n’exécute pas comme il se doit une peine de travail d’intérêt général à laquelle il a été condamné ; et

– pour toute durée de deux heures [de travail d’intérêt général infligé] par ordonnance pénale : un jour de peine privative de liberté.

[...]

L’ordre public lorsque le ressortissant étranger est un réfugié au sens de la convention [de Genève]

L’IND n’accorde pas le permis de séjour temporaire au titre de l’asile à un ressortissant étranger qui réunit toutes les conditions suivantes :

– il remplit les conditions pour bénéficier d’un permis de séjour temporaire au titre de l’asile [...] ; et

– il a été condamné pour un “crime particulièrement grave” et constitue une “menace pour la société”.

L’existence d’un “crime particulièrement grave” est retenue lorsque toutes les conditions suivantes sont réunies :

– le ressortissant étranger a fait l’objet d’une condamnation définitive lui infligeant une peine ou mesure privative de liberté ; et

– la durée de la peine ou mesure infligée s’élève, au total, à au moins dix mois.

L’IND prend également en considération, dans cette appréciation, les infractions qui auront été commises à l’étranger. À cet égard, sur la base des informations fournies par l’Openbaar Ministerie [ministère public, Pays-Bas], l’IND apprécie quelles seraient les conséquences attachées à ces infractions en droit néerlandais si elles avaient été commises et punies aux Pays-Bas.

L’IND apprécie la menace pour la société au cas par cas ainsi que sur la base de tous les éléments factuels et juridiques pertinents.

Dans l’appréciation de la “menace pour la société” que constitue le ressortissant étranger, l’IND prend en tout cas, entre autres, en considération les aspects suivants :

– la nature de l’infraction ; et

– la peine infligée.

L’IND apprécie la menace que le ressortissant étranger constitue pour la société en se fondant sur la situation telle qu’elle se présente au moment de l’appréciation de la demande (appréciation “ex nunc”).

En tout état de cause, l’IND peut admettre une menace pour la société en cas :

– d’infractions liées aux stupéfiants, d’infractions à caractère sexuel et d’infractions violentes ;

– d’incendie criminel ;

– de trafic des êtres humains ;

– de trafic d’armes, de munitions et d’explosifs ; et

– de trafic d’organes et de tissus humains.

[...] »

III. Les faits du litige au principal et les questions préjudicielles

17. M.A. a introduit, le 5 juillet 2018, une quatrième demande de protection internationale aux Pays-Bas.

18. Le secrétaire d’État a rejeté cette demande par décision du 12 juin 2020. Dans cette décision, il a considéré que M.A. craignait avec raison d’être persécuté dans son pays d’origine, mais qu’il avait été condamné pour un crime particulièrement grave par une décision définitive et qu’il constituait, de ce fait, une menace pour la société.

19. Le secrétaire d’État s’est fondé, à cet égard, sur le fait que M.A. avait été condamné, au cours de l’année 2018, par un jugement devenu définitif, à une peine d’emprisonnement de 24 mois ( 6 ) pour avoir, au cours d’une même soirée, commis trois agressions sexuelles, une tentative d’agression sexuelle et un vol de téléphone portable.

20. M.A. a introduit un recours contre la décision du 12 juin 2020.

21. Par un jugement du 13 juillet 2020, le rechtbank Den Haag (tribunal de La Haye, Pays-Bas) a annulé cette décision, au motif que le secrétaire d’État n’avait pas motivé à suffisance, d’une part, que les actes commis par M.A. étaient d’une gravité telle qu’ils justifiaient le refus d’octroyer le statut de réfugié et, d’autre part, que M.A. constituait un danger réel, actuel et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société.

22. Le secrétaire d’État a interjeté appel de ce jugement devant le Raad van State (Conseil d’État). Au soutien de cet appel, il fait valoir, premièrement, que les faits reprochés à M.A. doivent être regardés comme une infraction unique constituant un crime particulièrement grave, au regard de la nature de ces faits, de la peine prononcée et de l’effet perturbateur desdits faits pour la société néerlandaise. Il soutient, deuxièmement, que la condamnation de M.A. pour un crime particulièrement grave
démontre en principe que celui-ci représente une menace pour la société.

23. M.A. fait, quant à lui, valoir que le secrétaire d’État a retenu à tort le niveau de la peine prononcée comme base de départ pour l’examen et l’appréciation de la question de savoir si l’infraction était particulièrement grave. Chaque cas devrait faire l’objet d’une appréciation individuelle, ce que la méthode suivie par le secrétaire d’État ne permettrait pas. M.A. souligne également que l’agression sexuelle constitue la forme la plus légère d’un attentat aux mœurs. En outre, s’agissant de la
condition relative à l’existence d’une menace pour la société, M.A. estime que l’appréciation retenue par le rechtbank Den Haag (tribunal de La Haye) est correcte.

24. La juridiction de renvoi considère que, en vue de statuer sur ledit appel, elle a besoin de précisions quant aux circonstances sur la base desquelles les États membres doivent déterminer si un ressortissant d’un pays tiers a été condamné en dernier ressort pour un crime particulièrement grave. Elle se demande, notamment, dans quelle mesure la solution retenue par la Cour dans l’arrêt du 13 septembre 2018, Ahmed ( 7 ), au sujet de l’article 17, paragraphe 1, sous b), de la directive 2011/95, peut
être transposée à l’article 14, paragraphe 4, sous b), de celle-ci, alors que le premier vise un « crime grave » quand le second mentionne un « crime particulièrement grave ».

25. Par ailleurs, au regard du désaccord entre les parties quant à la portée de la notion de « menace pour la société », la juridiction de renvoi fait siennes les questions préjudicielles posées par le Conseil d’État (Belgique) dans l’affaire C-8/22 ( 8 ).

26. Dans ces conditions, le Raad van State (Conseil d’État) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) a) Quand un crime est-il à ce point “particulièrement grave” au sens de l’article 14, paragraphe 4, initio et sous b), de la directive [2011/95] qu’un État membre peut refuser le statut de réfugié à une personne ayant besoin d’une protection internationale ?

b) Les critères qui s’appliquent au “crime grave” visé à l’article 17, paragraphe 1, initio et sous b), de la directive [2011/95], tels qu’énoncés au point 56 de l’arrêt [Ahmed], sont-ils pertinents dans l’appréciation de l’existence d’un “crime particulièrement grave” ? Dans l’affirmative, existe-t-il alors encore des critères complémentaires qui rendent un crime “particulièrement” grave ?

2) L’article 14, paragraphe 4, sous b), de la directive [2011/95] doit‑il être interprété comme prévoyant que la menace pour la société est établie par le seul fait que le bénéficiaire du statut de réfugié a été condamné en dernier ressort pour un crime particulièrement grave ou doit-il être interprété comme prévoyant que la seule condamnation en dernier ressort pour un crime particulièrement grave ne suffit pas pour établir l’existence d’une menace pour la société ?

3) Si la seule condamnation en dernier ressort pour un crime particulièrement grave ne suffit pas pour établir l’existence d’une menace pour la société, l’article 14, paragraphe 4, sous b), de la directive [2011/95] doit-il être interprété comme exigeant que l’État membre démontre que, depuis sa condamnation, le requérant continue de constituer une menace pour la société ? L’État membre doit-il établir que cette menace est réelle et actuelle ou l’existence d’une menace potentielle est-elle
suffisante ? L’article 14, paragraphe 4, sous b), de cette [directive], pris seul ou conjointement avec le principe de proportionnalité, doit-il être interprété comme ne permettant la révocation du statut de réfugié que si cette révocation est proportionnée et que la menace que représente le bénéficiaire de ce statut est suffisamment grave pour justifier cette révocation ?

4) Si l’État membre ne doit pas démontrer que, depuis sa condamnation, le requérant continue de constituer une menace pour la société et que cette menace est réelle, actuelle et suffisamment grave pour justifier la révocation du statut de réfugié, l’article 14, paragraphe 4, sous b), de la directive [2011/95] doit-il être interprété comme impliquant que la menace pour la société est établie, en principe, par le fait que le bénéficiaire du statut de réfugié a été condamné en dernier ressort pour
un crime particulièrement grave, mais que celui-ci peut démontrer qu’il ne constitue pas ou plus une telle menace ? »

27. Des observations écrites ont été déposées par M.A., par les gouvernements néerlandais et hongrois ainsi que par la Commission européenne.

IV. Analyse

28. Par sa première question préjudicielle, la juridiction de renvoi interroge la Cour sur la portée de l’article 14, paragraphe 4, sous b), de la directive 2011/95 en vue de déterminer selon quelle méthode et quels critères doit être définie la notion de « crime particulièrement grave », au sens de cette disposition.

29. Cette juridiction souhaite en particulier savoir si les exigences et les paramètres à prendre en considération pour conclure qu’une personne a commis un « crime grave », au sens de l’article 17, paragraphe 1, sous b), de la directive 2011/95, tels qu’ils ressortent notamment de l’arrêt Ahmed, sont également pertinents pour décider si une personne a commis un « crime particulièrement grave », au sens de l’article 14, paragraphe 4, sous b), de cette directive.

30. Je rappelle que l’existence d’un crime particulièrement grave constitue une condition nécessaire – bien que non suffisante – pour mettre en œuvre la faculté de révocation ou de refus d’octroi du statut de réfugié dont disposent les États membres en vertu de cette disposition ou de l’article 14, paragraphe 5, de la directive 2011/95.

31. Je relève que ni l’article 14, paragraphe 4, sous b), de la directive 2011/95 ni aucune autre disposition de celle-ci ne comportent de définition de la notion de « crime particulièrement grave ».

32. Il convient également de constater que l’article 14, paragraphe 4, sous b), de la directive 2011/95 ne renvoie pas au droit des États membres pour définir la notion de « crime particulièrement grave », figurant à cette disposition. Or, il découle des exigences tant de l’application uniforme du droit de l’Union que du principe d’égalité que les termes d’une disposition du droit de l’Union qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doivent
normalement trouver, dans toute l’Union, une interprétation autonome et uniforme ( 9 ).

33. Je précise, à cet égard, que retenir une interprétation autonome et uniforme de la notion de « crime particulièrement grave », au sens de l’article 14, paragraphe 4, sous b), de la directive 2011/95, ne doit pas conduire à priver les États membres de leur pouvoir d’appréciation en matière de définition de leurs politiques pénales respectives. Autrement dit, il ne s’agit pas de chercher à uniformiser les politiques pénales des États membres par une voie détournée. Une telle interprétation vise
uniquement à faire en sorte que l’appréciation de la condition relative à la particulière gravité d’un crime, qui figure à cette disposition, repose sur une méthode et des critères communs afin de garantir que l’exercice de la faculté de révocation ou de refus d’octroi du statut de réfugié soit enserré dans les mêmes limites dans tous les États membres.

34. En somme, il ne s’agit pas de nier les différences de conceptions en matière de politiques pénales qui peuvent exister entre les États membres. Il s’agit de fournir aux autorités compétentes les outils nécessaires pour établir, sur une base commune, la particulière gravité d’un crime.

35. Cela étant précisé, dès lors que la directive 2011/95 ne définit pas les termes « crime particulièrement grave », ceux-ci doivent être interprétés conformément à leur sens habituel dans le langage courant, tout en tenant compte du contexte dans lequel ils sont utilisés et des objectifs poursuivis par la réglementation dont ils font partie ( 10 ).

36. Concernant le terme « crime », celui-ci doit être compris, à mon avis, comme se rapportant de façon générale à une infraction prévue par le droit pénal de l’État membre concerné, sans être limité à des catégories spécifiques d’infractions.

37. En réalité, le critère distinctif qui permet de limiter la portée de la notion de « crime particulièrement grave » est relatif au degré de gravité de l’infraction en cause. Ainsi, seuls des crimes qui atteignent un degré d’une particulière gravité sont susceptibles de permettre aux États membres de mettre en œuvre la faculté dont ils disposent de révoquer ou de refuser d’octroyer le statut de réfugié.

38. S’agissant du sens habituel de l’expression « particulièrement grave », celle-ci désigne dans le langage courant un degré de gravité qui présente, par son ampleur, un caractère inhabituel ou peu commun et qui peut, par conséquent, être qualifié d’« exceptionnel ». Cette expression est dès lors synonyme d’« exceptionnellement grave », « extraordinairement grave » ou « extrêmement grave ».

39. Il s’ensuit qu’un « crime particulièrement grave » est une infraction pénale qui se caractérise par certains traits spécifiques permettant de la situer dans la catégorie des crimes les plus graves.

40. Cela me conduit à considérer qu’un « crime particulièrement grave », au sens de l’article 14, paragraphe 4, sous b), de la directive 2011/95, est une infraction pénale qui se caractérise par la gravité exceptionnelle qui lui est reconnue dans l’État membre qui souhaite exercer sa faculté de révocation ou de refus d’octroi du statut de réfugié.

41. La prise en compte du contexte dans lequel s’inscrit cette disposition permet, selon moi, de confirmer ces premiers éléments d’analyse.

42. À cet égard, je relève que ce contexte doit conduire à retenir une interprétation stricte de ladite disposition.

43. En effet, je rappelle que le statut de réfugié doit être accordé à une personne lorsque celle-ci satisfait aux normes minimales établies par le droit de l’Union. Ainsi, en vertu de l’article 13 de la directive 2011/95, les États membres octroient le statut de réfugié à tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui remplit les conditions pour être considéré comme réfugié conformément aux chapitres II et III de cette directive.

44. Or, l’article 14, paragraphe 4, sous b), et paragraphe 5, de la directive 2011/95 énonce une cause de révocation ou de refus d’octroi du statut de réfugié qui constitue une exception à la règle générale posée à l’article 13 de cette directive et qui a pour effet de limiter les droits et les avantages énoncés au chapitre VII de ladite directive. Cette cause de révocation ou de refus d’octroi du statut de réfugié doit donc, selon moi, en tant que règle dérogatoire, être interprétée strictement, ce
qui signifie qu’elle ne peut être appliquée que lorsque l’autorité compétente démontre que le ressortissant concerné d’un pays tiers a été condamné définitivement pour un crime qui se caractérise par une gravité exceptionnelle.

45. La comparaison avec d’autres dispositions de la directive 2011/95 permet, à mon avis, de confirmer cette interprétation. Sont ainsi visées, parmi les causes d’exclusion du statut de réfugié, la commission d’un « crime grave de droit commun » à l’article 12, paragraphe 2, sous b), de cette directive et, parmi les causes d’exclusion du bénéfice de la protection subsidiaire, la commission d’un « crime grave » à l’article 17, paragraphe 1, sous b), de ladite directive. En visant un « crime
particulièrement grave » à l’article 14, paragraphe 4, sous b), de la même directive, le législateur de l’Union a manifestement voulu limiter le champ d’application de cette disposition en exigeant non seulement que le degré de gravité qui est requis par ladite disposition soit supérieur à celui qui est exigé pour la mise en œuvre des causes d’exclusion, mais également qu’il s’agisse d’un degré de gravité exceptionnel. Je remarque d’ailleurs que ce législateur a retenu l’expression
« particulièrement grave » et non pas « très grave ».

46. Par ailleurs, à l’instar de ce que la Cour a indiqué à propos du motif correspondant figurant à l’article 21, paragraphe 2, de la directive 2011/95, permettant de refouler un réfugié, il y a lieu de considérer que l’article 14, paragraphe 4, sous b), de cette directive soumet la révocation du statut de réfugié à des conditions rigoureuses puisque, en particulier, seul un réfugié ayant été condamné en dernier ressort pour un « crime particulièrement grave » peut être considéré comme constituant
une « menace pour la société de cet État membre » ( 11 ). Ces conditions rigoureuses sont à la mesure des conséquences importantes qu’emporte la révocation ou le refus d’octroi du statut de réfugié, à savoir que la personne concernée ne disposera pas, ou plus, de l’ensemble des droits et des avantages énoncés au chapitre VII de ladite directive, puisque ceux-ci sont associés à ce statut ( 12 ).

47. L’interprétation consistant à limiter le champ d’application de l’article 14, paragraphe 4, sous b), et paragraphe 5, de la directive 2011/95 aux crimes qui présentent un degré de gravité exceptionnel me paraît également cohérente avec celle qui est retenue de l’article 33, paragraphe 2, de la convention de Genève, qui dispose notamment que le principe de non-refoulement ne peut pas être invoqué par un réfugié « qui, ayant été l’objet d’une condamnation définitive pour un crime ou délit
particulièrement grave, constitue une menace pour la communauté [du pays où il se trouve] ». Je relève, à cet égard, que, même si cette disposition a un objet différent, puisqu’elle prévoit des exceptions au principe de non-refoulement, il est constant qu’elle a été la source des motifs de révocation ou de refus d’octroi du statut de réfugié mentionnés par le législateur de l’Union à l’article 14, paragraphes 4 et 5, de la directive 2011/95. Il me paraît donc approprié de prendre en compte
l’interprétation de l’article 33, paragraphe 2, de cette convention qui constitue, ainsi que cela ressort des considérants 4, 23 et 24 de cette directive, la pierre angulaire du régime juridique international de protection des réfugiés ( 13 ).

48. De façon plus générale, j’estime que, puisque les hypothèses visées à l’article 14, paragraphes 4 et 5, de la directive 2011/95, dans lesquelles les États membres peuvent procéder à la révocation ou au refus d’octroi du statut de réfugié, correspondent, en substance, à celles dans lesquelles les États membres peuvent procéder au refoulement d’un réfugié en vertu de l’article 21, paragraphe 2, de cette directive et de l’article 33, paragraphe 2, de la convention de Genève, les motifs mentionnés
dans ces dispositions devraient être interprétés de la même manière.

49. Or, l’interprétation de l’article 33, paragraphe 2, de la convention de Genève semble rejoindre celle que je préconise concernant l’article 14, paragraphe 4, sous b), de la directive 2011/95, à savoir qu’un crime « particulièrement grave » est un crime qui présente un degré de gravité exceptionnel.

50. S’agissant du terme « crime », j’ai déjà indiqué que celui-ci peut avoir des significations différentes dans les droits nationaux, ce qui a été mis en exergue dans le cadre de l’interprétation de l’article 33, paragraphe 2, de la convention de Genève ( 14 ). Ainsi, l’applicabilité de cette disposition dépend non pas du fait que l’acte pour lequel une personne a été condamnée soit classé dans telle ou telle catégorie du droit pénal national, mais plutôt du constat qu’il s’agit d’un acte
« particulièrement grave » et appréhendé comme tel par ce droit ( 15 ).

51. Par ailleurs, le caractère exceptionnel de la mise en œuvre de l’article 33, paragraphe 2, de la convention de Genève a pu être souligné ( 16 ). Dans cette optique, le « crime particulièrement grave » constitue une variante du « crime grave », limitée à des « cas exceptionnels » ( 17 ). L’exigence d’un « crime particulièrement grave », par la dimension limitative qu’elle exprime, est cohérente avec la nécessité de retenir un seuil d’applicabilité particulièrement élevé de l’exception au principe
de non-refoulement contenue à l’article 33, paragraphe 2, de la convention de Genève ( 18 ).

52. L’objectif principal de la directive 2011/95, qui est d’assurer que tous les États membres appliquent des critères communs pour l’identification des personnes qui ont réellement besoin de protection internationale et de garantir un niveau minimal d’avantages à ces personnes dans tous les États membres ( 19 ), milite également, à mon avis, en faveur d’une interprétation qui limite le champ d’application de l’article 14, paragraphe 4, sous b), et paragraphe 5, de celle-ci à des cas exceptionnels,
c’est-à-dire aux actes les plus sévèrement réprimés et aux formes les plus graves de criminalité au sein de l’État membre concerné.

53. Ces précisions étant faites, il convient à présent de se pencher sur la méthode et sur les critères qui permettent aux États membres d’établir l’existence d’un « crime particulièrement grave », au sens de l’article 14, paragraphe 4, sous b), de la directive 2011/95.

54. La jurisprudence de la Cour contient, à cet égard, un certain nombre d’enseignements qui me paraissent, dans une large mesure, pouvoir être appliqués par analogie, mais qui méritent cependant d’être complétés.

55. S’agissant de la méthode, il résulte de cette jurisprudence que l’autorité compétente de l’État membre concerné ne peut se prévaloir de la cause d’exclusion prévue à l’article 12, paragraphe 2, sous b), de la directive 2011/95 et à l’article 17, paragraphe 1, sous b), de cette directive, qui portent sur la commission, par le demandeur de protection internationale, d’un « crime grave », qu’après avoir procédé, pour chaque cas individuel, à une évaluation des faits précis dont elle a connaissance
en vue de déterminer s’il existe des raisons sérieuses de penser que les actes commis par l’intéressé, qui remplit par ailleurs les critères pour obtenir le statut demandé, relèvent de cette cause d’exclusion, l’appréciation de la gravité de l’infraction en cause nécessitant un examen complet de toutes les circonstances propres au cas individuel concerné ( 20 ).

56. La méthode ainsi définie me paraît compatible avec la fixation par les États membres, dans l’intérêt de la sécurité juridique, de seuils de peines minimaux pour permettre la mise en œuvre de la faculté de révocation ou de refus d’octroi du statut de réfugié dont ils disposent en vertu de l’article 14, paragraphe 4, sous b), et paragraphe 5, de la directive 2011/95 ( 21 ). Les États membres peuvent également décider de réserver l’usage de cette faculté à certains types d’infractions pénales. Dans
chaque cas, il importe toutefois d’exclure tout automatisme dans la mise en œuvre de ladite faculté ( 22 ). Dès lors, une évaluation de toutes les circonstances individuelles doit systématiquement être effectuée, qu’un seuil de peine soit ou non prévu par les États membres. Une telle évaluation est d’autant plus importante et difficile que c’est le criminel et non le crime qui est puni ( 23 ). Par ailleurs, une même qualification pénale peut couvrir un large éventail de comportements d’un degré
de gravité variable.

57. Les motifs du jugement de condamnation jouent, à mon avis, un rôle déterminant dans la conduite de l’évaluation qui doit être effectuée. Il convient donc d’examiner si la juridiction ayant condamné la personne en cause a qualifié les faits de « graves » ou de « particulièrement graves » et les éléments qu’elle a retenus à l’appui de cette qualification.

58. Comme je l’ai indiqué précédemment, il ne s’agit pas, dès lors, de définir un seuil de particulière gravité d’un crime au niveau de l’Union, car cela irait non seulement à l’encontre des différences qui existent entre les politiques pénales des États membres, mais serait également incompatible avec la méthode consistant à imposer un examen de toutes les circonstances propres à chaque cas individuel.

59. De plus, il y a lieu de préciser, à l’instar de la Commission, que, étant donné que le droit pénal matériel ne fait l’objet que d’une harmonisation limitée, les États membres conservent une certaine marge d’appréciation dans la définition de ce qui constitue un « crime particulièrement grave » aux fins de l’application de l’article 14, paragraphe 4, sous b), de la directive 2011/95.

60. Concernant maintenant les critères, la Cour a indiqué, dans l’arrêt Ahmed, que l’interprétation selon laquelle il est nécessaire de procéder à l’évaluation de l’ensemble des faits pertinents « est confortée par le rapport du Bureau européen d’appui en matière d’asile (EASO) [ ( 24 )] du mois de janvier 2016, intitulé “Exclusion : articles 12 et 17 de la directive Qualification (2011/95/UE)”, qui recommande, au point 3.2.2 relatif à l’article 17, paragraphe 1, sous b), de la directive 2011/95,
que la gravité du crime susceptible d’exclure une personne de la protection subsidiaire soit appréciée au regard d’une pluralité de critères tels que, notamment, la nature de l’acte en cause, les dommages causés, la forme de la procédure employée pour engager des poursuites, la nature de la peine encourue et la prise en compte de la question de savoir si la plupart des juridictions considèrent également l’acte en cause comme un crime grave. L’[AUEA] se réfère, à cet égard, à certaines décisions
prises par les juridictions suprêmes des États membres » ( 25 ).

61. Même si les critères mis en exergue par la Cour dans cet arrêt l’ont été à propos de la notion de « crime grave », au sens de l’article 17, paragraphe 1, sous b), de la directive 2011/95, j’estime que ces critères sont également utiles pour établir l’existence d’un « crime particulièrement grave », au sens de l’article 14, paragraphe 4, sous b), de cette directive ( 26 ), étant entendu que lesdits critères doivent, dans ce contexte, tendre à démontrer la gravité exceptionnelle du crime en cause,
ce qui constitue une différence de degré très importante par rapport au crime grave ( 27 ).

62. J’observe, à cet égard, que, parmi les facteurs pris en considération dans le cadre de l’application de l’article 33, paragraphe 2, de la convention de Genève, figurent la nature du crime, le dommage effectivement infligé, la forme de la procédure appliquée pour la poursuite pénale et la question de savoir si l’acte en question serait considéré comme grave dans la majorité des ordres juridiques ( 28 ).

63. Par conséquent, les critères suivants doivent, selon moi, être pris en compte afin de démontrer l’existence d’un « crime particulièrement grave », au sens de l’article 14, paragraphe 4, sous b), de la directive 2011/95 : la nature de l’acte en cause ( 29 ), les dommages causés ( 30 ), la forme de la procédure appliquée pour poursuivre et pour juger la personne en cause, la nature et la durée de la peine prononcée ( 31 ) ainsi que la prise en compte de la question de savoir si la plupart des
juridictions considèrent également l’acte en cause comme étant un crime particulièrement grave.

64. En outre, il convient de tenir compte de ce que la Cour a jugé dans l’arrêt Ahmed, à propos de la peine encourue, à savoir que l’article 17, paragraphe 1, sous b), de la directive 2011/95 s’oppose à une législation nationale prévoyant qu’un demandeur de protection internationale peut être considéré comme ayant commis un crime grave sur la seule base de la peine encourue pour un crime donné selon le droit de cet État membre ( 32 ). Cet arrêt reconnaît, néanmoins, que le critère de la peine
encourue revêt une importance particulière pour apprécier la gravité d’un crime ( 33 ).

65. Dans le contexte d’une peine prononcée et non plus seulement encourue, le critère relatif à la nature et à la durée de la peine me paraît devoir jouer un rôle encore plus important ( 34 ).

66. Je reconnais, cependant, par analogie avec ce que la Cour a jugé dans l’arrêt Ahmed, que le critère de la peine prononcée ne doit pas être utilisé seul et de façon automatique pour examiner si un crime est particulièrement grave. Ce critère, comme celui de la nature du crime, doit être complété par une appréciation de toutes les circonstances, incluant un examen du contexte dans lequel l’infraction a été commise et du comportement de la personne en cause ( 35 ), cette appréciation devant, en
particulier, prendre appui sur les motifs figurant dans le jugement de condamnation.

67. En effet, dès lors que l’article 14, paragraphe 4, sous b), de la directive 2011/95 se réfère à une condamnation définitive, il y a lieu de considérer que la juridiction ayant prononcé une telle condamnation a pris en compte l’ensemble des circonstances individuelles en vue de prononcer la peine qu’elle a estimé être appropriée. À cet égard, le caractère déterminant des motifs du jugement de condamnation et de l’appréciation effectuée par la juridiction pénale ayant prononcé ce jugement, que
j’ai souligné précédemment, me paraît découler de la différence qui existe entre les causes d’exclusion du statut de réfugié ou du bénéfice de la protection subsidiaire, mentionnées à l’article 12, paragraphe 2, sous b), et à l’article 17, paragraphe 1, sous b), de cette directive, qui visent le fait d’avoir « commis » un crime grave, et la cause de révocation ou de refus d’octroi du statut de réfugié figurant à l’article 14, paragraphe 4, sous b), et paragraphe 5, de ladite directive, qui vise
le fait d’avoir été « condamné en dernier ressort ».

68. Par ailleurs, il me paraît particulièrement pertinent, dans le cadre de l’évaluation qui doit être effectuée, de comparer la peine infligée avec le maximum légal encouru pour l’infraction en cause ( 36 ). En outre, il convient d’examiner le positionnement de la peine prononcée dans l’échelle des peines en vigueur dans l’État membre concerné ( 37 ).

69. J’ajoute également les critères suivants, qui me semblent devoir faire partie du faisceau de ceux qui sont utiles pour apprécier si un crime revêt un degré de gravité exceptionnel :

– le caractère prépondérant des circonstances aggravantes ou, au contraire, des circonstances atténuantes, et

– la nature de l’intérêt juridique auquel il a été porté atteinte ( 38 ).

70. Il convient aussi de préciser que l’article 14, paragraphe 4, sous b), de la directive 2011/95 se réfère à la circonstance qu’un réfugié a été « condamné en dernier ressort pour un crime particulièrement grave » ( 39 ). L’utilisation du singulier ainsi que la nécessité de retenir une interprétation restrictive de cette disposition excluent, à mon avis, que cette cause de révocation ou de refus d’octroi du statut de réfugié puisse être appliquée en se fondant sur un cumul des peines prononcées
pour plusieurs infractions pénales dont aucune, prise isolément, ne peut être qualifiée de « crime particulièrement grave » ( 40 ).

71. Il incombe à la juridiction de renvoi d’apprécier, au vu de la méthode et des critères que je viens de décrire, si elle peut qualifier la condamnation qui a été prononcée contre M.A. comme étant relative à un « crime particulièrement grave ». Cette juridiction devra notamment tenir compte de la nature et du niveau de la peine qui a été prononcée contre M.A., en l’occurrence une peine d’emprisonnement de 24 mois. Ladite juridiction devra également vérifier si cette peine est assortie d’un sursis
de huit mois, comme cela semble ressortir des observations écrites de M.A. et du gouvernement néerlandais.

72. En outre, ainsi que je l’ai déjà indiqué, la méthode consistant à retenir dans la réglementation néerlandaise un niveau de durée de la peine ou mesure privative de liberté infligée, en l’occurrence de dix mois, comme seuil minimal susceptible de permettre à un État membre de mettre en œuvre la faculté de révocation ou de refus d’octroi du statut de réfugié dont il dispose, ne me paraît pas contestable dans son principe. Cette méthode doit cependant inclure une appréciation de toutes les
circonstances propres à chaque situation individuelle, ce qu’il revient à la juridiction de renvoi de vérifier.

73. De plus, comme l’indique à juste titre la Commission, il me paraîtrait contraire à l’article 14, paragraphe 4, sous b), de la directive 2011/95 que la réglementation néerlandaise permette à l’autorité compétente d’additionner plusieurs peines prononcées pour plusieurs infractions pénales afin de vérifier si ce seuil minimal est dépassé. À cet égard, il me semble pertinent de faire une distinction selon que le droit pénal d’un État membre prévoit, en cas de concours d’infractions, le cumul des
peines ou bien le non-cumul des peines avec infliction de la peine la plus grave encourue. Il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si la peine infligée à M.A. procède de l’une ou de l’autre de ces hypothèses, la première ne pouvant pas conduire l’autorité compétente, en additionnant plusieurs peines prononcées pour plusieurs infractions, à retenir la qualification de « crime particulièrement grave », au sens de cette disposition.

V. Conclusion

74. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre à la première question préjudicielle posée par le Raad van State (Conseil d’État, Pays-Bas) de la manière suivante :

L’article 14, paragraphe 4, sous b), de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection,

doit être interprété en ce sens que :

– un « crime particulièrement grave », au sens de cette disposition, désigne une infraction pénale qui se caractérise par un degré de gravité exceptionnel ;

– un État membre ne peut se prévaloir de la cause de révocation ou de refus d’octroi du statut de réfugié prévue à l’article 14, paragraphe 4, sous b), ou paragraphe 5, de la directive 2011/95 qu’après avoir procédé, pour chaque cas individuel, à une évaluation des faits précis dont il a connaissance en vue de déterminer s’il existe des raisons sérieuses de penser que les actes commis par la personne en cause relèvent de cette cause de révocation ou de refus d’octroi, l’appréciation du degré de
gravité exceptionnel du crime pour lequel cette personne a été condamnée en dernier ressort nécessitant un examen complet de toutes les circonstances propres au cas individuel concerné ;

– afin d’établir l’existence d’un « crime particulièrement grave », au sens de l’article 14, paragraphe 4, sous b), de la directive 2011/95, l’État membre concerné doit fonder son examen notamment sur les critères suivants : la nature de l’acte en cause, les dommages causés, la forme de la procédure appliquée pour poursuivre et pour juger la personne en cause, la nature et la durée de la peine prononcée, en comparant cette peine avec le maximum légal encouru pour l’infraction en cause et en
examinant le positionnement de ladite peine dans l’échelle des peines en vigueur dans cet État membre, la prise en compte de la question de savoir si la plupart des juridictions considèrent également l’acte en cause comme étant un crime particulièrement grave, le caractère prépondérant des circonstances aggravantes ou, au contraire, des circonstances atténuantes, ainsi que la nature de l’intérêt juridique auquel il a été porté atteinte ;

– il ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui fixe un seuil minimal de durée de la peine prononcée, à partir duquel une infraction pénale peut être qualifiée de « crime particulièrement grave », au sens de l’article 14, paragraphe 4, sous b), de la directive 2011/95, à condition, d’une part, que la prise en compte de ce seuil minimal s’accompagne d’une appréciation de toutes les circonstances propres à chaque situation individuelle et, d’autre part, que cette réglementation ne permette
pas d’additionner plusieurs peines prononcées pour plusieurs infractions pénales, dont aucune, prise isolément, n’atteint le degré de gravité exceptionnelle requis par cette disposition, afin de déterminer si ledit seuil minimal est dépassé.

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( 1 ) Langue originale : le français.

( 2 ) JO 2011, L 337, p. 9.

( 3 ) C‑663/21 et C‑8/22, EU:C:2023:114.

( 4 ) Signée à Genève le 28 juillet 1951 [Recueil des traités des Nations unies, vol. 189, p. 150, no 2545 (1954)] et entrée en vigueur le 22 avril 1954.

( 5 ) Conclu à New York le 31 janvier 1967 et entré en vigueur le 4 octobre 1967.

( 6 ) Dont huit mois avec sursis, ainsi que cela semble ressortir des observations présentées par M.A. et par le gouvernement néerlandais.

( 7 ) C‑369/17, ci-après l’« arrêt Ahmed », EU:C:2018:713.

( 8 ) Voir note en bas de page 3 des présentes conclusions.

( 9 ) Voir, notamment, arrêts Ahmed (point 36 et jurisprudence citée) ; du 31 mars 2022, Bundesamt für Fremdenwesen und Asyl e.a. (Placement d’un demandeur d'asile dans un hôpital psychiatrique) (C‑231/21, EU:C:2022:237, point 42 et jurisprudence citée), ainsi que du 12 janvier 2023, TP (Monteur audiovisuel pour la télévision publique) (C‑356/21, EU:C:2023:9, point 34 et jurisprudence citée).

( 10 ) Voir, notamment, arrêt du 12 janvier 2023, TP (Monteur audiovisuel pour la télévision publique) (C‑356/21, EU:C:2023:9, point 35 et jurisprudence citée).

( 11 ) Voir arrêt du 24 juin 2015, T. (C‑373/13, EU:C:2015:413, point 72).

( 12 ) Voir arrêt du 14 mai 2019, M e.a. (Révocation du statut de réfugié) (C‑391/16, C‑77/17 et C‑78/17, EU:C:2019:403, point 99).

( 13 ) Voir, notamment, arrêt du 14 mai 2019, M e.a. (Révocation du statut de réfugié) (C‑391/16, C‑77/17 et C‑78/17, EU:C:2019:403, point 81 ainsi que jurisprudence citée). Voir, également, en ce qui concerne la nécessité d’interpréter les dispositions de la directive 2011/95 dans le respect de la convention de Genève, arrêt Ahmed (point 41 et jurisprudence citée).

( 14 ) Voir, à propos de l’article 33, paragraphe 2, de la convention de Genève, « The refugee Convention, 1951 : the Travaux préparatoires analysed with a Commentary by Dr Paul Weis », p. 246, disponible à l’adresse Internet suivante : https://www.unhcr.org/protection/travaux/4ca34be29/refugee-convention-1951-travaux-preparatoires-analysed-commentary-dr-paul.html. L’auteur indique que, « [e]n ce qui concerne les activités criminelles, le terme “crimes” ne doit pas être compris dans le sens
technique d’un code pénal, mais signifie seulement une infraction pénale grave » (traduction libre). Voir, également, à propos de l’article 1er, section F, sous b), de la convention de Genève, Haut‑Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), Handbook on Procedures and Criteria for Determining Refugee Status and Guidelines on International Protection under the 1951 Convention and the 1967 Protocol relating to the Status of Refugees, point 155, p. 36, dans lequel il est indiqué que « le
terme “crime” a des connotations différentes dans les différents systèmes juridiques. Dans certains pays, le mot “crime” désigne seulement des infractions graves. Dans d’autres pays, il peut comprendre tout ce qui va du vol mineur au meurtre » (traduction libre).

( 15 ) Voir, à propos de l’article 33, paragraphe 2, de la convention de Genève, commentaire de cette convention publié en 1997 par la Division de la protection internationale du HCR, disponible à l’adresse Internet suivante : https://www.unhcr.org/3d4ab5fb9.pdf (p. 142). De ce point de vue, la différence entre, d’une part, la version en langue française de l’article 33, paragraphe 2, de la convention de Genève, qui fait mention d’un « crime ou délit », et, d’autre part, la version en langue
anglaise, qui utilise le terme « crime », doit être relativisée, dans la mesure où ce qui importe est l’existence d’une condamnation pour une infraction pénale particulièrement grave.

( 16 ) Voir Grahl-Madsen, A., « Expulsion of Refugees », dans Macalister-Smith, P., et Alfredsson, G., The Land Beyond : Collected Essays on Refugee Law and Policy, Martinus Nijhoff Publishers, La Haye, 2001, p. 7 à 16. Selon l’auteur, « [i]l est possible d’affirmer avec certitude que le refoulement d’un réfugié en vertu de l’article 33 [de la convention de Genève] est une mesure exceptionnelle à laquelle il ne devrait être recouru qu’en cas de circonstances exceptionnelles » (traduction libre)
(p. 14).

( 17 ) Voir Handbook on Procedures and Criteria for Determining Refugee Status and Guidelines on International Protection under the 1951 Convention and the 1967 Protocol relating to the Status of Refugees, cité à la note en bas de page 14 des présentes conclusions, p. 36, point 154.

( 18 ) Voir Chetail, V., « Le principe de non-refoulement et le statut de réfugié en droit international », dans La Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés 50 ans après : bilan et perspectives, Bruylant, Bruxelles, 2001, p. 3 à 61, en particulier p. 44.

( 19 ) Voir considérant 12 de la directive 2011/95.

( 20 ) Voir, notamment, arrêts du 2 avril 2020, Commission/Pologne, Hongrie et République tchèque (Mécanisme temporaire de relocalisation de demandeurs de protection internationale) (C‑715/17, C‑718/17 et C‑719/17, EU:C:2020:257, point 154 et jurisprudence citée), ainsi que du 22 septembre 2022, Országos Idegenrendészeti Főigazgatóság e.a. (C‑159/21, EU:C:2022:708, point 92).

( 21 ) De tels seuils sont prévus de façon différente par certains États membres, tandis que d’autres privilégient une analyse au cas par cas. Voir, notamment, rapport de la Commission, intitulé « Evaluation of the application of the recast Qualification Directive (2011/95/EU) », 2019, p. 135, disponible à l’adresse Internet suivante : https://www.statewatch.org/media/documents/news/2019/feb/eu-ceas-qualification-directive-application-evaluation-1-19.pdf. Pour les États membres prévoyant des seuils
de peines dans leurs droits nationaux, la Commission évoque des seuils de peines allant de trois à dix ans d’emprisonnement.

( 22 ) Comme l’indique à juste titre la Commission dans ses observations écrites, le rejet des automatismes et la nécessité d’une évaluation individuelle sur la base de toutes les circonstances pertinentes sont constants dans la jurisprudence de la Cour relative à la directive 2011/95 : voir, notamment, arrêts du 9 novembre 2010, B et D (C‑57/09 et C‑101/09, EU:C:2010:661, points 87, 88, 93 et 94) ; du 24 juin 2015, T. (C‑373/13, EU:C:2015:413, points 86 à 89) ; Ahmed (points 48 à 50), ainsi que du
22 septembre 2022, Országos Idegenrendészeti Főigazgatóság e.a. (C‑159/21, EU:C:2022:708, points 80, 81 et 92).

( 23 ) Voir « The refugee Convention, 1951 : the Travaux préparatoires analysed with a Commentary by Dr Paul Weis », op. cit., p. 246.

( 24 ) Devenu l’Agence de l’Union européenne pour l’asile (AUEA) [voir règlement (UE) 2021/2303 du Parlement européen et du Conseil, du 15 décembre 2021, relatif à l’Agence de l’Union européenne pour l’asile et abrogeant le règlement (UE) no 439/2010 (JO 2021, L 468, p. 1)].

( 25 ) Voir arrêt Ahmed (point 56).

( 26 ) Voir, à cet égard, AUEA, Judicial analysis : Ending international protection, 2e éd., 2021, p. 62.

( 27 ) Voir, à titre d’exemple, à propos des critères retenus par le Conseil du contentieux des étrangers (Belgique), Hardy, J., et Mathues, G., « Retrait du statut de réfugié pour motifs d’ordre public – “Constituer un danger pour la société du fait qu’il a été condamné définitivement pour une infraction particulièrement grave” », Revue du droit des étrangers, Association pour le droit des étrangers, Bruxelles, 2020, no 207, p. 5 à 14, en particulier p. 6 à 9.

( 28 ) Voir Prise de position du HCR sur l’initiative populaire fédérale « pour le renvoi des criminels étrangers » (initiative sur le renvoi), 10 septembre 2008, point 21, p. 11.

( 29 ) La circonstance qu’un acte soit caractérisé par un degré élevé de cruauté peut constituer un indice qu’un crime est particulièrement grave, tout comme le caractère intentionnel ou non de l’acte sanctionné.

( 30 ) Peuvent entrer dans cette catégorie les effets concrets de l’infraction dans la société, à savoir la nature et l’ampleur des inconvénients pour les victimes et plus largement pour la société : perturbation sociale, prise en compte des inquiétudes et des mesures prises pour pallier celles-ci. Voir Hinterhofer, H., « Das “besonders schwere Verbrechen” iS des § 6 Abs 1 Z 4 AsylG – Ein konkretisierender Auslegungsvorschlag aus strafrechtlicher Sicht », Fremden- und asylrechtliche Blätter : FABL :
Jahrgangsband mit Judikatursammlung, Sramek, Vienne, 2009, no 1, p. 38 à 41.

( 31 ) Le constat selon lequel une peine privative de liberté est assortie ou non d’un sursis revêt, à mon avis, une importance certaine.

( 32 ) Voir arrêt Ahmed (point 58).

( 33 ) Voir arrêt Ahmed (point 55).

( 34 ) Voir, sur le critère de la peine, Kraft, I., « Article 14, Revocation of, ending of or refusal to renew refugee status », dans Hailbronner, K. et Thym, D., EU Immigration and Asylum Law : A Commentary, 2e éd., C. H. Beck, Munich, 2016, p. 1225 à 1233, en particulier p. 1231. L’auteur relève qu’« un crime particulièrement grave dans le contexte de l’article 33, paragraphe 2, de la convention de Genève est en général admis si une personne est condamnée pour des crimes punis par des peines
d’emprisonnement de longue durée tels que le meurtre, le viol, le vol à main armée, l’incendie volontaire, le terrorisme international, etc. » (traduction libre).

( 35 ) Voir, à propos de l’article 33, paragraphe 2, de la convention de Genève, Goodwin-Gill, G. S., et McAdam, J., The refugee in international law, 3e éd., Oxford University Press, Oxford, 2007, p. 239, et Hathaway, J. C., The Rights of Refugees under International Law, Cambridge University Press, Cambridge, 2021, p. 413 à 416.

( 36 ) Plus la peine d’emprisonnement infligée se rapproche de la peine maximale, plus l’autorité compétente pourra considérer qu’il s’agit d’un crime particulièrement grave (voir Hinterhofer, H., op. cit).

( 37 ) Si la peine prononcée se situe dans la partie supérieure de l’échelle des peines, cela peut constituer un indice que le crime en cause est particulièrement grave.

( 38 ) Il convient d’examiner s’il s’agit d’atteintes aux biens ou aux personnes : des violences contre des personnes pourraient apparaître plus fréquemment comme particulièrement graves. Par ailleurs, le retentissement médiatique d’un crime peut être un indice du caractère fondamental de l’intérêt juridique auquel il a été porté atteinte.

( 39 ) Italique ajouté par mes soins.

( 40 ) Voir Hardy, J. et Mathues, G., op. cit., qui considèrent que « [d]e très nombreuses condamnations pour des faits qui ne revêtent pas une gravité exceptionnelle, ne devraient a priori pas suffire, même s’ils attestent d’une tendance irrépressible à compromettre l’ordre public » (p. 9). Voir, également, Neusiedler, M., « Der Asylaberkennungsgrund des “besonders schweren Verbrechens” », Migralex : Zeitschrift für Fremden- und Minderheitenrecht, Braumüller, Vienne, 2021, no 1, p. 8 à 14 ; et
analyse juridique de l’AUEA citée à la note en bas de page 26 des présentes conclusions, p. 62, point 5.3.


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : C-402/22
Date de la décision : 17/05/2023
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Renvoi préjudiciel – Directive 2011/95/UE – Normes relatives aux conditions d’octroi du statut de réfugié ou du statut conféré par la protection subsidiaire – Article 14, paragraphe 4, sous b) – Révocation du statut de réfugié – Ressortissant d’un pays tiers condamné en dernier ressort pour un crime particulièrement grave – Menace pour la société – Contrôle de proportionnalité.

Espace de liberté, de sécurité et de justice

Politique d'asile


Parties
Demandeurs : Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid
Défendeurs : M.A.

Composition du Tribunal
Avocat général : Richard de la Tour

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2023:420

Source

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