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26/01/2023 | CJUE | N°C-613/21

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Parlement européen contre Fernando Carbajo Ferrero., 26/01/2023, C-613/21


 ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

26 janvier 2023 ( *1 )

« Pourvoi – Fonction publique – Fonctionnaires – Procédure de nomination à un poste de directeur – Avis de vacance et avis de recrutement – Rejet de candidature à un poste et nomination d’un autre candidat – Irrégularité de la procédure de recrutement – Erreur manifeste d’appréciation – Transparence – Égalité de traitement »

Dans l’affaire C‑613/21 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l

’Union européenne, introduit le 1er octobre 2021,

Parlement européen, représenté par Mme C. González Argüelles, MM. R. Schia...

 ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

26 janvier 2023 ( *1 )

« Pourvoi – Fonction publique – Fonctionnaires – Procédure de nomination à un poste de directeur – Avis de vacance et avis de recrutement – Rejet de candidature à un poste et nomination d’un autre candidat – Irrégularité de la procédure de recrutement – Erreur manifeste d’appréciation – Transparence – Égalité de traitement »

Dans l’affaire C‑613/21 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 1er octobre 2021,

Parlement européen, représenté par Mme C. González Argüelles, MM. R. Schiano et I. Terwinghe, en qualité d’agents,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Fernando Carbajo Ferrero, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Me L. Levi, avocate,

partie demanderesse en première instance,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. M. Safjan, président de chambre, MM. N. Jääskinen et M. Gavalec (rapporteur), juges,

avocat général : Mme L. Medina,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 22 septembre 2022,

rend le présent

Arrêt

1 Par son pourvoi, le Parlement européen demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 14 juillet 2021, Carbajo Ferrero/Parlement (T‑670/19, non publié, ci-après l’ arrêt attaqué , EU:T:2021:435), par lequel celui-ci a, d’une part, annulé la décision du Parlement, du 10 décembre 2018, qui avait rejeté la candidature de M. Fernando Carbajo Ferrero et nommé A, un autre candidat, au poste de directeur des médias de la direction générale de la communication du Parlement (ci-après
la « décision litigieuse ») et, d’autre part, condamné le Parlement à lui verser, à titre de réparation du préjudice matériel, une somme de 40000 euros.

Les antécédents du litige

2 Les antécédents du litige sont exposés aux points 1 à 18 de l’arrêt attaqué et peuvent, pour les besoins de la présente procédure, être résumés de la manière suivante.

3 M. Carbajo Ferrero est entré au service du Parlement le 21 avril 1986 en qualité de fonctionnaire. Il a exercé diverses fonctions au sein du Parlement dans les domaines de la presse, de l’information, de la culture et des médias.

4 Afin de pourvoir au poste de directeur des médias de la direction générale de la communication (ci-après le « directeur des médias »), le Parlement a publié, le 27 février 2018, un avis de vacance au titre de l’article 29, paragraphe 1, sous a), du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après l’« avis de vacance »). La date limite pour le dépôt des candidatures était fixée au 23 mars 2018. M. Carbajo Ferrero a répondu à cet avis le 22 mars 2018.

5 Le Parlement a reçu trois candidatures en réponse à l’avis de vacance. Toutefois, afin d’élargir ses possibilités de choix pour pourvoir au poste de directeur des médias, il a publié, le 27 mars 2018, un avis de transfert au titre de l’article 29, paragraphe 1, sous b), du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après l’« avis de transfert »). En outre, le 13 avril 2018, il a publié au Journal officiel de l’Union européenne un avis de recrutement au titre de l’article 29, paragraphe 2,
du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (JO 2018, C 132 A, p. 1) (ci-après l’« avis de recrutement »).

6 L’avis de recrutement fixait la date limite de dépôt des candidatures au 27 avril 2018. Au total, seize candidats ont présenté leur candidature, dont trois en réponse à l’avis de vacance, un en réponse à l’avis de transfert et douze autres en réponse à l’avis de recrutement. Parmi ces candidats figurait A, qui a posé sa candidature en répondant à l’avis de recrutement le 26 avril 2018.

7 À partir du 1er juin 2018, dans l’attente de la nomination d’un directeur des médias, M. Carbajo Ferrero a assumé les responsabilités ad interim relatives à ce poste afin d’assurer la continuité du service de la direction des médias.

8 Dans le cadre de la procédure de nomination du directeur des médias, un comité consultatif pour la nomination des hauts fonctionnaires (ci‑après le « comité consultatif ») a été constitué conformément à la décision du bureau du Parlement (ci-après le « bureau »), du 16 mai 2000, fixant les différentes étapes de la procédure de sélection des hauts fonctionnaires, telle que modifiée par la décision du bureau du 18 février 2008 (ci‑après la « décision fixant les étapes de la procédure »).

9 Lors de sa réunion du 4 octobre 2018, le comité consultatif a adopté des critères d’analyse comparative des candidatures (ci-après les « critères d’analyse comparative »). Sur le fondement de ces critères, le comité consultatif a établi une liste de candidats et a recommandé au bureau ceux qu’il conviendrait d’inviter à un entretien. Le bureau a approuvé ces recommandations à l’unanimité. Parmi les candidats invités à un entretien figuraient M. Carbajo Ferrero, qui avait postulé au poste publié
dans l’avis de vacance, A, qui avait répondu à l’avis de recrutement, et B, la seule candidate à avoir répondu à l’avis de transfert. Avant d’entendre ces candidats, le comité consultatif a fixé sept sujets ou thèmes lui permettant de procéder, lors des entretiens, à une analyse des candidatures et à un classement des candidats à l’issue de ces entretiens.

10 Les entretiens se sont déroulés le 19 novembre 2018. Sur la base de ces entretiens, le comité consultatif a transmis au bureau un rapport motivé afin que ce dernier se prononce sur les candidatures. Dans ce rapport, les candidats étaient classés par ordre de mérite pour déterminer lesquels étaient les plus qualifiés pour occuper le poste de directeur des médias et y figurait une recommandation annexée audit rapport. Lors de sa réunion du 10 décembre 2018, le comité consultatif a proposé trois
candidats, par ordre de priorité, afin de pourvoir le poste vacant, A étant classé en première position, M. Carbajo Ferrero en deuxième position et B en troisième position. Le bureau, en sa qualité d’autorité investie du pouvoir de nomination (ci‑après l’« AIPN »), a décidé de suivre la recommandation du comité consultatif et a nommé A au poste concerné.

11 Le 11 décembre 2018, le directeur général de la direction générale de la communication du Parlement a informé l’ensemble du personnel de cette direction générale de l’issue des procédures de recrutement et a remercié M. Carbajo Ferrero pour les responsabilités qu’il avait assumées ad interim, depuis le 1er juin 2018, au sein de la direction des médias de cette direction générale.

12 Par courrier électronique du 12 décembre 2018, le secrétaire général du Parlement a notifié à M. Carbajo Ferrero la décision litigieuse.

13 Le 8 mars 2019, M. Carbajo Ferrero a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») contre la décision litigieuse, qui a été rejetée le 21 juin 2019.

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

14 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 1er octobre 2019, M. Carbajo Ferrero a introduit un recours fondé sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation de la décision litigieuse et, d’autre part, à la réparation du préjudice qu’il aurait prétendument subi du fait de cette décision.

15 À l’appui de son recours, M. Carbajo Ferrero a soulevé cinq moyens.

16 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné la seconde branche du deuxième moyen, tirée de ce que la procédure de sélection suivie avait violé l’article 27 du statut ainsi que les principes de sécurité juridique, de transparence, de bonne administration et d’égalité de traitement.

17 À cet égard, le Tribunal a considéré, aux points 111 à 123 de l’arrêt attaqué, en substance, que le large pouvoir d’appréciation dont l’administration dispose quant aux modalités d’organisation de la procédure de sélection est encadré par le respect du principe d’égalité de traitement des candidats et de l’objectivité du choix entre ceux-ci qui exigent, d’une part, que les critères d’analyse comparative soient établis préalablement au recrutement concerné, et, d’autre part, que ces critères
d’analyse comparative ne doivent pas être modifiés pendant la procédure de sélection afin de prévenir le risque que lesdits critères puissent être adaptés en fonction des candidatures reçues. Le Tribunal a relevé, au point 119 de l’arrêt attaqué, que la décision fixant les étapes de la procédure prévoit l’adoption des critères d’évaluation comparative des mérites au début de la procédure, à savoir avant la réception des candidatures, et ne prévoit pas la possibilité que ces critères soient
modifiés au stade des entretiens.

18 Or, le Tribunal a constaté que, en l’espèce, si de tels critères avaient permis de classer les candidatures en vue de n’en retenir que certaines, ils n’avaient pas été appliqués lors des entretiens avec les candidats ni lors de l’analyse des réponses aux questions posées pendant les entretiens ayant abouti au classement des candidats par ordre de mérite. En effet, lors de la seconde étape de la procédure de sélection, le comité consultatif a fixé sept sujets ou thèmes de discussion destinés à
servir à évaluer les candidats, dont le classement par ordre de mérite a été effectué uniquement sur la base de leurs réponses aux questions portant sur ces sujets ou thèmes, abordés lors de ces entretiens.

19 Le Tribunal a estimé, aux points 124 et 125 de l’arrêt attaqué, que le Parlement n’avait pas établi que les mêmes critères d’analyse comparative des mérites avaient été utilisés pendant les différentes étapes de la procédure de sélection, ni que le bureau, en sa qualité d’AIPN, avait été informé du fait que les critères fixés par le comité consultatif avant la réception des candidatures n’avaient pas été utilisés pour comparer les mérites des candidats lors des entretiens. Dès lors, le Tribunal,
en accueillant la seconde branche du deuxième moyen du recours de M. Carbajo Ferrero, en ce qu’elle critiquait l’absence de transparence des différentes étapes de la procédure de recrutement et la violation consécutive du principe de bonne administration et du principe d’égalité de traitement, a considéré que la décision litigieuse avait été adoptée à la suite d’une procédure irrégulière.

20 Le Tribunal a également accueilli la seconde branche du troisième moyen et, partant, ce moyen dans son ensemble, en ce que le requérant faisait valoir, par cette branche, que la décision litigieuse était entachée d’une erreur manifeste d’appréciation, résultant du fait que la candidature de A avait été choisie sans que l’AIPN ait été correctement informée de l’expérience professionnelle de M. Carbajo Ferrero. Le Tribunal est parvenu à cette appréciation après avoir constaté, au point 139 de
l’arrêt attaqué, qu’il ne ressortait pas de l’extrait du rapport sur les entretiens avec les candidats, sur lequel l’AIPN s’était fondée pour l’adoption de la décision litigieuse, que le comité consultatif avait dûment pris en compte l’expérience professionnelle de M. Carbajo Ferrero au sein de la direction générale de la communication du Parlement, car ledit extrait indiquait uniquement que ce dernier était chef d’unité au sein de cette direction générale depuis 2009, le Parlement ne contestant
pas que celui-ci était, en réalité, chef d’unité au sein de ladite direction générale depuis 1999. En outre, ledit extrait ne mentionnait pas le fait que M. Carbajo Ferrero assumait ad interim les responsabilités liées au poste à pourvoir depuis le 1er juin 2018.

21 Dès lors, considérant que la décision litigieuse avait été adoptée à la suite d’une procédure irrégulière et qu’elle était entachée d’une erreur manifeste d’appréciation résultant de l’inexactitude des informations transmises à l’AIPN, le Tribunal a annulé cette décision sans examiner les autres arguments soulevés par M. Carbajo Ferrero à l’appui du troisième moyen, ni les quatrième et cinquième moyens.

22 En outre, le Tribunal a accueilli partiellement la demande en indemnité formulée par M. Carbajo Ferrero en ce qu’elle portait sur la réparation du préjudice matériel et a condamné le Parlement à verser à ce dernier, à titre de réparation de ce préjudice, une somme s’élevant à 40000 euros.

Les conclusions des parties devant la Cour

23 Par son pourvoi, le Parlement demande à la Cour :

– à titre principal, d’annuler l’arrêt attaqué, de renvoyer l’affaire au Tribunal et de réserver les dépens, et

– à titre subsidiaire, d’annuler l’arrêt attaqué, de rejeter le recours et de condamner M. Carbajo Ferrero à supporter l’ensemble des dépens.

24 M. Carbajo Ferrero demande à la Cour :

– de rejeter le pourvoi et

– de condamner le Parlement aux dépens.

Sur le pourvoi

25 À l’appui de son pourvoi, le Parlement soulève deux moyens. Par le premier moyen, il fait valoir que le Tribunal a commis des erreurs de droit et dénaturé des faits en jugeant que la procédure de sélection était entachée d’irrégularité. Par le second moyen, il soutient que le Tribunal a commis des erreurs de droit et a dénaturé des faits et des éléments de preuve lorsqu’il a considéré que la décision litigieuse était entachée d’une erreur manifeste d’appréciation. En outre, à titre subsidiaire,
le Parlement soulève un moyen tiré d’un défaut de motivation de l’arrêt attaqué et d’une violation du principe de proportionnalité concernant l’omission d’examiner les conséquences de l’annulation de la décision litigieuse.

Sur le premier moyen

26 Le premier moyen comporte quatre branches, qu’il convient d’examinerconjointement.

Argumentation des parties

27 Par la première branche de son premier moyen, le Parlement fait valoir que le Tribunal, lorsqu’il a interprété la décision fixant les étapes de la procédure, a commis des erreurs de droit et a statué par des motifs contradictoires.

28 En premier lieu, il ressortirait du point 4 de la décision fixant les étapes de la procédure pour la sélection des hauts fonctionnaires que cette procédure comporte deux étapes, dont la première, facultative, consiste en l’analyse comparative des mérites des candidats sur la base des actes de candidature et l’établissement d’une liste de candidats et, la seconde, consiste en des entretiens avec les candidats figurant sur cette liste. Le Parlement précise que les critères d’analyse comparative ne
sont utilisés que lors de la première étape de celle-ci, car cette décision n’impose en aucun cas d’utiliser ces mêmes critères d’analyse comparative dans le cadre de la seconde étape, ni n’interdit d’adopter, éventuellement, de nouveaux critères. Il indique que, dans le cadre de la procédure de sélection en cause, le comité consultatif a adopté trois critères d’analyse comparative, puis a fixé sept sujets de discussion à aborder lors des entretiens avec les candidats. Le Parlement soutient que
le Tribunal, en ayant, aux points 117 à 119 de l’arrêt attaqué, estimé qu’il ne pouvait, lors de la seconde étape de la procédure de sélection et du classement par ordre de mérite des candidats, modifier les critères d’analyse comparative des candidatures qui avaient été utilisés lors de la première étape de sélection, a commis une erreur de droit. Ce faisant, le Tribunal aurait privé l’administration de son très large pouvoir d’appréciation quant à la détermination des modalités de la procédure
de sélection.

29 En deuxième lieu, le Parlement fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant, aux points 120 à 124 de l’arrêt attaqué, que c’est à tort que le comité consultatif n’a pas informé le bureau de l’absence d’utilisation des critères d’analyse comparative au stade des entretiens avec les candidats.

30 En troisième lieu, le Parlement invoque une contradiction dans la motivation de l’arrêt attaqué. Il rappelle que, au point 65 de celui-ci, le Tribunal a fait état d’un grief formulé par M. Carbajo Ferrero au soutien de son exception d’illégalité dirigée contre la décision fixant les étapes de la procédure, selon lequel « ladite décision ne prévoirait pas que le [c]omité consultatif se dote de critères pour la comparaison des mérites des candidats lors de leurs entretiens en vue d’un classement
par ordre de mérite, ni que ces critères soient communiqués à l’AIPN ». Or, il serait contradictoire que le Tribunal, sans se prononcer explicitement sur ce grief, ait rejeté dans son intégralité cette exception d’illégalité, mais que, aux points 120 à 124 de l’arrêt attaqué, il ait considéré l’absence de communication de critères d’analyse comparative des mérites au bureau comme étant constitutive d’une erreur de droit.

31 Par la deuxième branche de son premier moyen, le Parlement soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en ayant interprété, aux points 111 et 112 de l’arrêt attaqué, le principe d’égalité de traitement en ce sens qu’il découlerait de celui-ci une obligation générale d’adopter lesdits critères avant la réception des candidatures, assortie d’une interdiction de les modifier pendant la procédure de sélection.

32 À cet égard, le Parlement conteste la pertinence de l’arrêt du 3 mars 1993, Booss et Fischer/Commission (T‑58/91, EU:T:1993:15), sur lequel s’est fondé le Tribunal pour juger, aux points 111 et 112 de l’arrêt attaqué, que les critères d’analyse comparative ne doivent pas être modifiés pendant la procédure de sélection. Le Parlement souligne que l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt portait sur un avis de vacance publié au titre de l’article 29, paragraphe 1, sous a), du statut alors que, en
l’espèce, le bureau a décidé d’élargir ses possibilités de choix en publiant un avis de recrutement au titre de l’article 29, paragraphe 2, du statut. Or, cette dernière disposition prévoirait une procédure spéciale, au cours de laquelle l’AIPN peut appliquer des critères qui n’étaient pas indiqués dans l’avis de vacance. Le Parlement est d’avis que son argumentation est étayée par les arrêts du 19 mai 1983, Mavridis/Parlement (289/81, EU:C:1983:142, point 16), et du 19 mai 1983, Verros/Parlement
(306/81, EU:C:1983:143, point 16).

33 Le Parlement ajoute qu’une interdiction générale de modifier des critères d’analyse comparative au cours de la procédure de sélection n’est pas compatible avec l’article 5, premier et troisième alinéas, de l’annexe III du statut.

34 Le Parlement fait également grief au Tribunal d’avoir procédé à une application erronée du principe d’égalité de traitement au cas d’espèce. À cet égard, il relève, d’une part, que le Tribunal n’a jamais considéré qu’il avait méconnu le cadre légal fixé par les avis de vacance, de transfert et de recrutement. D’autre part, il estime que le Tribunal n’a pas vérifié si les sujets abordés lors des entretiens avec les candidats se rattachaient ou non aux conditions prévues par l’avis de recrutement
et si certains candidats avaient été avantagés par rapport à d’autres.

35 Par la troisième branche de son premier moyen, le Parlement fait valoir que le Tribunal, en ayant jugé, aux points 120 à 124 de l’arrêt attaqué, que le Parlement avait violé le principe de transparence en ce que le bureau, en sa qualité d’AIPN, n’avait pas été informé du prétendu remplacement des critères d’analyse comparative des mérites par les sept sujets ou thèmes fixés pour les entretiens avec les candidats, a commis une erreur de droit. De surcroît, le Parlement soutient que le Tribunal a
statué ultra petita, dès lors que, en première instance, M. Carbajo Ferrero invoquait une violation du principe de transparence à l’égard des candidats, et non du bureau.

36 Par la quatrième branche de son premier moyen, le Parlement soutient que le Tribunal a dénaturé les faits, en considérant, au point 119 de l’arrêt attaqué, que le classement par ordre de mérite ne saurait reposer « uniquement » sur des réponses fournies par les candidats sur les sept sujets ou thèmes de discussion abordés lors des entretiens. À cet égard, le Parlement souligne qu’aucun élément du dossier n’indique que, aux fins du classement, le bureau n’a pas pris en considération l’expérience
professionnelle et la compétence des candidats. Cette circonstance serait même reconnue par le Tribunal au point 12 de l’arrêt attaqué.

37 M. Carbajo Ferrero objecte qu’il y a lieu d’écarter ce moyen.

Appréciation de la Cour

38 Selon la jurisprudence de la Cour, si l’AIPN dispose d’une large marge d’appréciation dans la comparaison des mérites des candidats et peut l’exercer notamment lors de l’examen des candidatures au poste à pourvoir, elle est tenue de le faire dans le cadre qu’elle s’est imposé à elle-même par l’avis de vacance (voir, en ce sens, arrêt du 7 février 1990, Culin/Commission, C‑343/87, EU:C:1990:49, point 19 et jurisprudence citée).

39 Sur ce fondement, le Tribunal a relevé, à bon droit, au point 139 de l’arrêt du 28 septembre 2017, Hristov/Commission et EMA (T‑495/16 RENV I et T‑495/16 RENV II, non publié, EU:T:2017:676), que l’AIPN dispose, en particulier lorsque le poste à pourvoir est très élevé, d’un large pouvoir d’appréciation dans la comparaison des mérites des candidats à un tel poste. Ce large pouvoir d’appréciation doit s’exercer dans le respect le plus complet de toutes les réglementations pertinentes, c’est‑à‑dire
non seulement de l’avis de vacance, mais également d’éventuelles règles de procédure dont l’autorité se serait dotée pour l’exercice de son pouvoir d’appréciation. Ainsi, les règles applicables à la procédure de nomination constituent également une partie du cadre légal que l’AIPN doit respecter rigoureusement dans l’exercice de son large pouvoir d’appréciation.

40 Ainsi que le souligne, en substance, Mme l’avocate générale aux points 48 à 52 de ses conclusions, la décision fixant les étapes de la procédure fait partie de ces réglementations pertinentes et lesdites étapes, liées entre elles, forment une procédure de sélection unique. Conformément au caractère unique de cette procédure, l’adoption des critères d’analyse comparative par le comité consultatif, prévue au point 4, sous a), de cette décision, constitue le socle de l’ensemble de ladite procédure
et tout sujet ou thème utilisé lors des entretiens avec les candidats, prévus au point 4, sous e), de cette même décision, doit découler de ces critères, pour que le comité consultatif puisse apprécier l’aptitude des candidats ayant été invités aux entretiens au regard de chaque critère.

41 Il convient, dès lors, de constater que le Tribunal n’a pas procédé à une interprétation erronée du point 4 de la décision fixant les étapes de la procédure, en considérant, aux points 111, 112, 114 et 119 de l’arrêt attaqué, que le large pouvoir d’appréciation de l’administration, dont celle-ci dispose quant aux modalités d’organisation de la procédure de sélection, est encadré de telle sorte que, d’une part, les critères d’analyse comparative doivent être établis, sur la base des avis de
vacances, de transfert et de recrutement, lors de la première étape de la procédure de sélection, préalablement au recrutement concerné, soit avant la réception des candidatures ; et, d’autre part, ces critères ne doivent pas être modifiés pendant la procédure de sélection.

42 Aussi, c’est à juste titre que le Tribunal a estimé, au point 118 de l’arrêt attaqué, que les questions posées lors des entretiens avec les candidats ne devaient pas devenir de nouveaux critères d’analyse comparative des mérites adoptés après la présélection des candidats à convoquer auxdits entretiens.

43 Le Tribunal s’est d’ailleurs fondé, à juste titre, aux points 111 et 112 de l’arrêt attaqué, sur le point 67 de l’arrêt du 3 mars 1993, Booss et Fischer/Commission (T‑58/91, EU:T:1993:15), qui renvoie aux points 38 à 40 de l’arrêt du 30 octobre 1974, Grassi/Conseil (188/73, EU:C:1974:112), et aux points 20 à 22 de l’arrêt du 7 février 1990, Culin/Commission (C‑343/87, EU:C:1990:49), selon lesquels le principe d’égalité de traitement lors du déroulement d’une procédure de sélection de
fonctionnaires impose que des critères d’analyse comparative soient établis préalablement au recrutement concerné et ne soient pas modifiés au cours de la procédure.

44 Le Parlement invoque les arrêts du 19 mai 1983, Mavridis/Parlement (289/81, EU:C:1983:142, point 16), et du 19 mai 1983, Verros/Parlement (306/81, EU:C:1983:143, point 16), selon lesquels, dans le cadre de la procédure spéciale prévue à l’article 29, paragraphe 2, du statut ou lorsque un comité de sélection auquel l’AIPN a délégué son pouvoir de sélection a été désigné, cette dernière n’est pas tenue d’appliquer les dispositions de l’annexe III du statut concernant les avis de concours et peut
aussi appliquer, au cours de la procédure, des critères non fixés par l’avis de vacance. Toutefois, ces arrêts n’ont pas été rendus dans le contexte d’une procédure de sélection pour laquelle une décision, adoptée spécialement en vue de fixer les étapes de cette procédure, a prévu que des critères d’analyse comparative devaient être établis par le comité consultatif sur la base du texte de l’avis de recrutement. Dès lors, lesdits arrêts ne permettent pas de soutenir l’argumentation du Parlement
selon laquelle il était possible de modifier les critères d’analyse comparative au cours de la procédure de sélection en cause.

45 En conséquence, le Parlement ne saurait soutenir que, aux points 117 à 119 de l’arrêt attaqué, le Tribunal, en considérant que le comité consultatif avait omis d’informer le bureau, en sa qualité d’AIPN, du fait que les critères d’analyse comparative des mérites établis pour la première étape de la procédure de sélection n’avaient pas été utilisés pour comparer les mérites des candidats lors des entretiens, a privé le bureau d’une modalité propre d’organisation de la procédure de sélection,
relevant de son très large pouvoir d’appréciation. En effet, à ces points, le Tribunal s’est limité à préciser que la modalité en cause ne répondait pas à l’exigence selon laquelle l’appréciation comparative des qualifications et des compétences des candidats doit être effectuée en se fondant sur des critères d’analyse comparative des mérites établis, préalablement à la réception des candidatures, sur la base des avis de vacance, de transfert et de recrutement, et insusceptibles d’être modifiés
au cours de la procédure de sélection.

46 De même, il convient d’écarter les arguments du Parlement selon lesquels le Tribunal aurait commis des erreurs de droit aux points 120 à 124 de l’arrêt attaqué.

47 Premièrement, le Parlement n’est pas fondé à soutenir que le Tribunal a commis une erreur de droit en ayant considéré que c’était à tort que le comité consultatif n’avait pas communiqué au bureau, en sa qualité d’AIPN, le fait que, lors des entretiens, les critères d’analyse comparative des mérites initialement établis n’avaient pas été utilisés.

48 À cet égard, il ressort du point 123 de l’arrêt attaqué, dont le contenu n’est pas contesté dans le cadre de la procédure de pourvoi, que, si le Parlement a soutenu, en première instance, que la liste des sujets ou thèmes abordés lors des entretiens avec les candidats avait été communiquée au bureau en sa qualité d’AIPN, les critères d’analyse comparative des mérites des candidats initialement établis n’avaient pas été appliqués lors des entretiens ou lors de l’analyse des réponses aux questions
posées pendant les entretiens ayant abouti au classement des candidats par ordre de mérite, et que le comité consultatif n’avait pas informé le bureau de l’absence d’application de ces critères. Or, le Tribunal a constaté, au point 113 de l’arrêt attaqué, que les critères d’analyse comparative des mérites devaient être transmis à l’AIPN afin de lui permettre de connaître et de comprendre la manière dont les mérites des candidats avaient été appréciés tant lors de la sélection des candidats à
inviter pour un entretien que lors des entretiens avec les candidats aux fins de leur classement selon un ordre de préférence. Par conséquent, à défaut d’avoir démontré devant le Tribunal que les sujets ou thèmes fixés aux fins des entretiens correspondaient aux critères d’analyse comparative des mérites des candidats initialement établis et s’inscrivaient dans le prolongement de ceux-ci, le Parlement ne saurait critiquer le Tribunal pour avoir vérifié, aux points 120 à 124 de l’arrêt attaqué, si
le bureau, en sa qualité d’AIPN, avait été informé du fait que les critères d’analyse comparative des mérites n’avaient pas été appliqués lors des entretiens avec les candidats.

49 Deuxièmement, c’est à tort que le Parlement soutient que le Tribunal a statué ultra petita, aux points 120 à 124 de l’arrêt attaqué, pour ce qui est de la méconnaissance du principe de transparence. Le Tribunal a constaté une telle méconnaissance dans le contexte d’une violation du principe de bonne administration, relative au non‑respect de l’obligation d’informer le bureau, d’une part, des liens entre les thèmes ou sujets à aborder lors des entretiens avec les candidats et les critères
d’analyse comparative établis avant la réception des candidatures ainsi que, d’autre part, de l’absence d’utilisation de ces critères lors des entretiens.

50 Troisièmement, contrairement à ce que soutient le Parlement, il n’existe pas une contradiction de motivation entre les points 66 à 73, d’une part, et les points 120 à 124, d’autre part, de l’arrêt attaqué. En effet, aux points 66 à 73 de l’arrêt attaqué, le Tribunal se borne à constater que la décision fixant les étapes de la procédure établit le cadre général de la procédure de sélection et que le fait que cette décision n’établit pas en détail la manière dont la recommandation est rédigée et ne
précise pas davantage que les dossiers des candidats sont mis à la disposition du bureau ensemble avec le rapport sur les entretiens et la recommandation ne suffit pas pour considérer que ladite décision enfreint les principes de bonne administration, d’égalité de traitement et de non-discrimination. Ainsi que le relève Mme l’avocate générale au point 61 de ses conclusions, à ce stade de son raisonnement, le Tribunal n’a pas encore examiné la question de la cohérence des critères appliqués au
cours de la procédure de sélection ni celle de l’obligation d’informer le bureau, de sorte que la constatation figurant au point 74 de l’arrêt attaqué ne remet pas en cause le constat opéré aux points 120 à 124 de celui-ci.

51 Quant à l’argument, invoqué par le Parlement pour démontrer une interprétation erronée du principe d’égalité de traitement, selon lequel une interdiction de modifier des critères d’analyse comparative au cours de la procédure de sélection n’est pas compatible avec l’article 5, premier et troisième alinéas, de l’annexe III du statut, il y a lieu de relever, à l’instar de M. Carbajo Ferrero, que cette annexe III ne s’applique pas aux procédures fondées sur l’article 29, paragraphe 2, du statut.

52 S’agissant du grief se rapportant à l’application du principe d’égalité de traitement au cas d’espèce, il convient de constater, tout d’abord, qu’il est inopérant en ce qu’il y est considéré que le Tribunal n’a pas examiné, voire jugé, que le Parlement avait méconnu le cadre légal fixé par les avis de vacance, de transfert et de recrutement. En effet, ainsi qu’il ressort du point 112 de l’arrêt attaqué, la modification des critères d’analyse comparative des mérites comporte le risque que ces
critères puissent être adaptés en fonction des candidats ayant postulé au poste à pourvoir. Or, à cet égard, est sans pertinence l’examen de la question de savoir si une telle modification méconnaît ledit cadre.

53 Ensuite, cette même appréciation s’impose concernant l’examen portant sur le point de savoir si les sept sujets ou thèmes fixés pour les entretiens avec les candidats, et exclusivement suivis lors de ceux-ci, ont été fixés sur la base de l’avis de recrutement. De surcroît, étant donné que le Parlement n’a pas expressément invoqué ni, a fortiori, n’a démontré en première instance une telle correspondance, il ne saurait soutenir que le Tribunal a commis une erreur de droit en n’ayant pas effectué
cet examen.

54 Enfin, en ce qui concerne le risque que les critères d’analyse comparative des mérites puissent être adaptés en fonction des candidats ayant postulé au poste à pourvoir, le Parlement avance, en substance, qu’un tel risque hypothétique ne suffit pas en soi et que, partant, le Tribunal aurait dû vérifier si les sujets ou thèmes abordés lors des entretiens ont effectivement avantagé certains candidats. À l’appui de son argument, le Parlement se fonde sur les arrêts du 6 février 1986, Vlachou/Cour
des comptes (143/84, EU:C:1986:55), ainsi que du 13 juillet 1989, Caturla-Poch et de la Fuente Pascual/Parlement (361/87 et 362/87, EU:C:1989:317), dont il découlerait que, lorsqu’un jury établit des critères d’appréciation après avoir reçu la liste des candidats admis aux épreuves, une violation du principe d’égalité de traitement ne peut être constatée qu’après avoir examiné si ces critères sont objectivement de nature à avantager certains candidats et à en défavoriser d’autres.

55 Or, ainsi que le souligne Mme l’avocate générale au point 63 de ses conclusions, d’une part, il ne ressort pas de cette jurisprudence que, pour constater une violation du principe d’égalité de traitement dans une procédure de sélection, il est nécessaire, dans chaque cas d’espèce, d’examiner si certains candidats ont été avantagés et d’autres désavantagés. D’autre part, les affaires ayant donné lieu à ces deux arrêts soulevaient une question différente de celle au cœur de la présente affaire, à
savoir la relation existant entre les critères d’analyse comparative des mérites et les sujets ou thèmes à aborder lors des entretiens avec ceux-ci, fixés aux fins de retenir le candidat le plus apte.

56 À l’égard du grief soulevé par le Parlement dirigé contre le motif figurant au point 119 de l’arrêt attaqué, selon lequel aucun document du dossier n’indique que le classement par ordre de mérite des candidats ait reposé « uniquement » sur les réponses fournies lors des entretiens, il suffit de relever que l’utilisation de ce terme s’inscrit dans l’appréciation effectuée par le Tribunal. En effet, le Tribunal a employé le terme « uniquement » en raison, d’une part, du fait que, au point 118 de
cet arrêt, il a estimé que les questions posées aux candidats lors d’un entretien ne devaient pas devenir de nouveaux critères d’analyse comparative des mérites, adoptés au cours de la procédure de sélection, après que les candidatures avaient déjà été reçues et « triées », et, d’autre part, du fait que, au point 123 de l’arrêt attaqué, il a constaté que les critères d’analyse comparative des mérites des candidats n’avaient pas été appliqués lors des entretiens et lors de l’analyse des réponses
aux questions posées pendant ceux-ci ayant abouti au classement des candidats par ordre de mérite.

57 Eu égard à ces considérations, il convient d’écarter le premier moyen.

Sur le second moyen

58 Le second moyen comporte deux branches. Par la première branche de ce moyen, le Parlement soutient que le Tribunal a commis des erreurs de droit lorsqu’il a estimé que la décision litigieuse était entachée d’une erreur manifeste d’appréciation résultant de l’inexactitude des informations fournies au bureau sur le parcours professionnel de M. Carbajo Ferrero. Par la seconde branche dudit moyen, il fait valoir que cette prétendue erreur manifeste d’appréciation procède d’une dénaturation des
éléments de fait et de preuve.

59 Il convient d’examiner en premier lieu la seconde branche du second moyen.

Sur la seconde branche du second moyen

– Argumentation des parties

60 Par la seconde branche du second moyen, le Parlement considère que le Tribunal a dénaturé des faits et des éléments de preuve aux points 132, 139 et 176 de l’arrêt attaqué.

61 Premièrement, le Parlement soutient, d’une part, que le motif figurant au point 139 de l’arrêt attaqué, selon lequel l’expérience professionnelle de M. Carbajo Ferrero au sein de la direction générale de la communication n’a pas été dûment prise en compte, ne reprend pas fidèlement la phrase introductive de la partie du rapport du comité consultatif sur les entretiens concernant M. Carbajo Ferrero et, d’autre part, que la formulation « est à présent [c]hef d’[u]nité à la [direction générale de la
communication] depuis 2009 », dans cette partie du rapport, se limite seulement à reproduire la position de M. Carbajo Ferrero à la date de l’introduction de sa candidature.

62 Deuxièmement, selon le Parlement, le Tribunal a commis une dénaturation manifeste des éléments de preuve en constatant, au point 132 de l’arrêt attaqué, que, « lors de l’audience, le Parlement a reconnu que l’extrait du rapport sur les entretiens contenait une inexactitude en ce qui concerne la date à laquelle M. Carbajo Ferrero a été nommé chef d’unité au sein de la [direction générale de la communication] ». Il soutient, en se fondant sur l’enregistrement de l’audience, qu’il n’a pas confirmé
l’existence d’une telle inexactitude.

63 Troisièmement, le Parlement, en contestant le motif figurant au point 176 de l’arrêt attaqué, selon lequel il s’était opposé à la mesure d’organisation de la procédure concernant la production de la version complète du rapport sur les entretiens et de la recommandation établis par le comité consultatif, fait valoir que, lors de l’audience, il avait expressément indiqué être disposé à fournir une version anonymisée du rapport sur les entretiens et que sa volonté s’était heurtée à la réponse du
Tribunal qui a considéré qu’une telle transmission s’avérait tardive. Le Parlement souligne que, en vertu de l’article 88, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, l’utilité des mesures d’organisation de la procédure et la décision à leur égard relèvent du pouvoir discrétionnaire du Tribunal.

64 M. Carbajo Ferrero objecte qu’il y a lieu d’écarter la seconde branche du second moyen.

– Appréciation de la Cour

65 Il convient tout d’abord de relever que le Tribunal a indiqué, au point 139 de l’arrêt attaqué, que M. Carbajo Ferrero « était chef d’unité de la DG “Communication” depuis 2009 », alors qu’il ressort de l’extrait du rapport sur les entretiens annexé à la décision de rejet de la réclamation que celui-ci « est à présent » chef d’unité de cette direction générale depuis 2009. Cette erreur est toutefois sans incidence sur le constat, effectué au même point 139, selon lequel « le requérant [a
précisé], sans être contesté sur ce point par le Parlement, avoir été chef d’unité de ladite direction générale depuis 1999 ».

66 Ensuite, c’est en vain que le Parlement invoque l’enregistrement sonore de l’audience tenue devant le Tribunal, afin de démontrer qu’il n’a pas confirmé, lors de cette audience, que l’extrait du rapport sur les entretiens contenait une inexactitude relative à la date à laquelle M. Carbajo Ferrero a été nommé chef d’unité au sein de la direction générale de la communication.

67 En effet, à supposer même que le Parlement n’ait pas reconnu, lors de l’audience, que l’extrait du rapport sur les entretiens contenait une telle inexactitude, il ne remet pas en cause le constat, effectué par le Tribunal au point 139 de l’arrêt attaqué, quant à la date à laquelle M. Carbajo Ferrero a été nommé chef d’unité au sein de cette direction générale. Eu égard à la circonstance que cet élément de preuve a été apporté par M. Carbajo Ferrero dès sa requête introductive d’instance,
notamment aux points 7, 94, 99, à la note en bas de page no 21 et à l’annexe A.5 de celle-ci, et que le Parlement ne démontre pas l’avoir expressément réfuté en première instance, ce dernier ne saurait soutenir que le Tribunal s’est fondé à tort sur l’existence de ladite inexactitude en dénaturant un élément de preuve.

68 Enfin, le dernier grief de la seconde branche du second moyen ne saurait non plus prospérer. En effet, il découle du point 177 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a motivé le refus d’ordonner la mesure d’organisation de la procédure, sollicitée par M. Carbajo Ferrero, au motif que les éléments mis à sa disposition étaient suffisants pour apprécier la légalité de la décision litigieuse, et non pas en raison d’une quelconque opposition du Parlement.

69 Dans ces conditions, cette branche du second moyen doit être écartée.

Sur la première branche du second moyen

– Argumentation des parties

70 Par la première branche du second moyen, le Parlement soutient que le Tribunal a, aux points 139, 143 et 146 de l’arrêt attaqué, commis des erreurs de droit lorsqu’il a estimé que la décision litigieuse était entachée d’une erreur manifeste d’appréciation résultant de l’inexactitude des informations fournies aux membres du bureau sur le parcours professionnel de M. Carbajo Ferrero.

71 Tout d’abord, selon le Parlement, le Tribunal a méconnu le rôle du rapport sur les entretiens, qui est d’informer le bureau des prestations des candidats lors des entretiens et non pas de fournir à celui-ci des éléments relatifs à l’expérience professionnelle des candidats. Il rappelle que les informations concernant les compétences et l’expérience professionnelle des candidats avaient déjà été communiquées au bureau dans le cadre de la première étape de la procédure de sélection et que ces
informations sont restées à la disposition de celui-ci tout au long de cette procédure. Ce serait la raison pour laquelle le rapport sur les entretiens ne reprend qu’à titre introductif la fonction exercée et indiquée par les candidats lors du dépôt de leurs candidatures.

72 Ensuite, le Parlement considère que le Tribunal a méconnu sa propre jurisprudence selon laquelle la détention par l’AIPN de l’intégralité des dossiers des candidats à un emploi à pourvoir suffit pour écarter un moyen tiré de l’existence d’éventuelles erreurs dans les qualifications d’un candidat figurant dans une recommandation transmise par un comité de sélection à l’AIPN.

73 Enfin, selon le Parlement, c’est à tort que le Tribunal a jugé, au point 139 de l’arrêt attaqué, que le comité consultatif n’avait pas dûment pris en compte l’expérience de M. Carbajo Ferrero afin d’apprécier sa candidature pour le poste à pourvoir, en ayant omis de prendre en considération son expérience en tant que responsable ad interim de la direction des médias au sein de la direction générale de la communication depuis le 1er juin 2018. Or, ce dernier n’aurait pas indiqué dans son acte de
candidature cette expérience, qui avait débuté après la date limite prévue pour le dépôt des candidatures.

74 M. Carbajo Ferrero objecte qu’il y a lieu d’écarter cette branche du second moyen.

– Appréciation de la Cour

75 À l’égard du premier grief du Parlement, il convient de relever, d’une part, que, ainsi qu’il ressort du point 137 de l’arrêt attaqué, il appartenait au Tribunal d’examiner si l’administration n’avait pas usé de manière manifestement erronée de son pouvoir d’appréciation quant aux mérites de M. Carbajo Ferrero. D’autre part, ainsi qu’il ressort du point 90 de l’arrêt attaqué, décrivant le contenu de la décision de rejet de la réclamation introduite par ce dernier, le bureau a adopté sa décision
en ayant disposé, en salle, de l’ensemble des documents utiles, à savoir des dossiers personnels de tous les candidats (curriculum vitæ et lettres de motivation), d’un tableau qui résumait leurs candidatures et du rapport sur les entretiens établi par le comité consultatif, de sorte que les membres du bureau qui l’auraient souhaité avaient été en mesure de consulter ces documents avant la réunion de celui-ci.

76 Toutefois, dès lors que les membres du bureau avaient uniquement la possibilité de consulter lesdits documents, au cas où ils l’auraient souhaité, mais, ainsi qu’il ressort du point 143 de l’arrêt attaqué, que le Parlement n’a pas démontré qu’ils avaient fait usage de cette possibilité s’agissant du dossier de M. Carbajo Ferrero, c’est à bon droit que le Tribunal a considéré qu’il convenait de déterminer, au regard du rapport sur les entretiens, si l’AIPN avait été correctement informée par le
comité consultatif de l’expérience professionnelle de M. Carbajo Ferrero. Ce grief n’est donc pas fondé.

77 En ce qui concerne le deuxième grief, le Parlement ne saurait invoquer l’arrêt du 13 décembre 1990, Kalavros/Cour de justice (T‑160/89 et T‑161/89, EU:T:1990:86). En effet, dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, contrairement à la présente espèce, d’une part, le document comportant de prétendues erreurs avait été soumis à l’AIPN dans le cadre d’un premier examen des candidatures et le requérant dans cette affaire figurait parmi les candidats retenus au terme de cette première sélection, de
sorte que ces erreurs, à les supposer établies, n’avaient pas été de nature à lui faire grief. D’autre part, dans ladite affaire, ainsi qu’il ressort du point 53 dudit arrêt, lors de la sélection finale, les membres du comité administratif, puis de la Cour, disposaient du dossier complet de chacun des candidats, ce qui ne correspond pas à une situation dans laquelle seule une simple possibilité de consultation avant la réunion de l’AIPN existe, contrairement à ce qui a été constaté dans le cas
d’espèce au point 90 de l’arrêt attaqué. Partant, ce grief n’est pas fondé.

78 S’agissant du troisième grief, la Cour a déjà jugé que, en principe, il appartient aux candidats de fournir au jury tous les renseignements qu’ils estiment utiles aux fins de l’examen de leur candidature (arrêt du 12 juillet 1989, Belardinelli e.a./Cour de justice, 225/87, EU:C:1989:309 point 24). Ainsi, il appartenait à M. Carbajo Ferrero d’indiquer expressément son expérience en tant que responsable ad interim de la direction des médias au sein de la direction générale de la communication, ce
d’autant plus que cette expérience avait débuté après la date limite prévue pour le dépôt des candidatures. De surcroît, il importe de relever que M. Carbajo Ferrero était en mesure de faire référence à ladite expérience lors de son entretien avec le comité consultatif.

79 Pour autant, si le Parlement est fondé à soutenir que le Tribunal a, à tort, considéré que le comité consultatif n’avait pas dûment pris en compte l’expérience de M. Carbajo Ferrero dans le poste à pourvoir en tant que responsable ad interim sur ce poste depuis le 1er juin 2018, cette absence de prise en compte n’est pas de nature à remettre en cause le motif figurant au point 145 de l’arrêt attaqué, selon lequel la décision litigieuse est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation, résultant
du fait que la candidature de A a été choisie sans que l’AIPN ait été correctement informée de l’expérience professionnelle de M. Carbajo Ferrero. En conséquence, ce grief est inopérant.

80 En effet, ainsi qu’il ressort des points 132 et 139 de l’arrêt attaqué, l’extrait du rapport sur les entretiens indiquait que M. Carbajo Ferrero était chef d’unité au sein de la direction générale de la communication depuis 2009, alors que celui-ci avait été nommé chef d’unité au sein de ladite direction générale en 1999.

81 Dans ces conditions, cette branche du second moyen et, partant, ce moyen dans son ensemble doivent être écartés.

Sur le moyen soulevé à titre subsidiaire

Argumentation des parties

82 Par ce moyen, le Parlement fait valoir que, dans la mesure où la décision litigieuse bénéficie à un tiers, le juge de l’Union a l’obligation de vérifier, au préalable, sur la base d’un examen au cas par cas, si une sanction d’annulation n’est pas excessive. Cet examen devrait tenir compte de la nature de l’illégalité commise, des intérêts du requérant, de ceux des tiers et de ceux du service, le juge étant tenu, en outre, de mettre en balance les intérêts en présence. Le Parlement s’appuie à cet
égard, notamment, sur l’arrêt du 5 décembre 2017, Spadafora/Commission, (T‑250/16 P, non publié, EU:T:2017:866, point 110), et souligne que l’absence d’un tel examen dans l’arrêt attaqué constitue un défaut de motivation et une violation du principe de proportionnalité.

83 M. Carbajo Ferrero objecte qu’il y a lieu d’écarter ce moyen.

Appréciation de la Cour

84 Il convient de relever que le point 110 de l’arrêt du 5 décembre 2017, Spadafora/Commission, (T‑250/16 P, non publié, EU:T:2017:866), invoqué par le Parlement, d’une part, énonce le principe du rétablissement de la situation juridique dans laquelle le requérant se trouvait antérieurement à l’irrégularité commise par le comité de sélection et une exception à ce principe, lorsque l’annulation d’actes destinés à des tiers et étant favorables à ceux-ci, impliquée par ce rétablissement, constituerait
une sanction excessive de l’irrégularité commise. D’autre part, ce point fait référence à l’arrêt du 31 mars 2004, Girardot/Commission (T‑10/02, EU:T:2004:94), et, indirectement, à l’arrêt du 5 juin 1980, Oberthür/Commission (24/79, EU:C:1980:145).

85 S’agissant de cette exception, il convient de rappeler que, dans ce dernier arrêt, la Cour a constaté que la procédure de promotion de quarante fonctionnaires avait été entachée d’une irrégularité en ce qui concernait la requérante de l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, au motif que son rapport de notation n’avait pas encore été établi au moment où le comité de promotion avait été saisi des propositions de promotion, tandis que les rapports de notation pour la même période relatifs à d’autres
fonctionnaires promouvables avaient été soumis à ce comité ainsi qu’à l’AIPN, ce qui mettait la requérante dans une situation moins favorable que celle de ces autres fonctionnaires promouvables. Toutefois, la Cour a jugé que l’annulation des promotions des quarante fonctionnaires effectivement promus constituerait une sanction excessive de l’irrégularité commise et que l’allocation d’une indemnité pour le dommage moral subi par la requérante dans cette affaire constituait la forme de réparation
qui correspondait le mieux à la fois aux intérêts de la requérante et aux exigences du service (arrêt du 5 juin 1980, Oberthür/Commission, 24/79, EU:C:1980:145, points 13 et 14).

86 En conformité avec cette jurisprudence, le Tribunal, dans l’arrêt du 31 mars 2004, Girardot/Commission (T‑10/02, EU:T:2004:94, point 87), a considéré, tout en retenant le motif selon lequel la Commission était restée en défaut d’établir qu’elle avait dûment examiné les mérites de la requérante avant de rejeter ses candidatures à huit emplois permanents et de retenir huit autres candidats, que l’annulation des décisions portant nomination aux emplois en cause constituerait une sanction excessive
de l’illégalité commise par la Commission, étant donné qu’il serait contraire aux principes de proportionnalité et de protection de la confiance légitime, comme à l’intérêt du service, de priver les candidats retenus, devenus fonctionnaires, du bénéfice de leur nomination pour ce seul motif.

87 Sans qu’il soit besoin de préciser les contours de la portée de cette exception, susceptible de varier en fonction des particularités de chaque affaire, il y a lieu de constater que ladite exception n’avait pas vocation à s’appliquer en l’espèce et que le Tribunal, eu égard aux spécificités du litige dont il était saisi, n’était pas tenu d’examiner le caractère éventuellement excessif de l’annulation de la décision de nommer A au poste de directeur des médias.

88 En effet, il importe de relever que, ainsi qu’il ressort des points 123, 124, 144 et 145 de l’arrêt attaqué, l’irrégularité de la procédure de sélection résultant de l’absence d’application des critères d’analyse comparative des mérites des candidats lors des entretiens avec ceux-ci, d’une part, et l’erreur manifeste d’appréciation et la comparaison erronée des mérites des candidats résultant de l’inexactitude des informations transmises à l’AIPN, d’autre part, affectaient non pas uniquement
l’évaluation de la candidature de M. Carbajo Ferrero, mais également celle de la candidature de A.

89 De plus, il y a lieu de constater que l’intérêt de M. Carbajo Ferrero à bénéficier de l’annulation de la décision litigieuse est évident et que c’est uniquement l’intérêt de A qui est affecté par cette annulation, alors que ce dernier ne saurait se prévaloir d’une confiance légitime au maintien de sa nomination, dès lors que cette décision a été contestée dans les délais de recours par M. Carbajo Ferrero.

90 S’agissant de l’intérêt du service, il convient de relever que le Parlement ne soutient pas avoir avancé des arguments visant à démontrer que l’annulation de la décision litigieuse se heurterait à des difficultés particulières. En tout état de cause, il est constant que, à partir du 1er juin 2018, dans l’attente de la nomination d’un directeur des médias, M. Carbajo Ferrero s’est vu attribuer les responsabilités ad interim relatives à ce poste afin d’assurer la continuité du service de la
direction des médias. Aucun élément du dossier ne permet de considérer que l’exercice ad interim des fonctions de directeur des médias impliquerait l’existence d’une quelconque difficulté au sein de cette direction.

91 Étant donné que, dans les circonstances de l’espèce, il n’était pas nécessaire que le Tribunal examine si l’annulation de la décision litigieuse n’était pas disproportionnée au regard de la nature des irrégularités constatées, de l’intérêt de A et de l’intérêt du service, et que, partant, l’arrêt attaqué ne souffre pas d’un défaut de motivation à cet égard, il y a lieu d’écarter le moyen soulevé à titre subsidiaire.

92 Aucun moyen du présent pourvoi n’ayant prospéré, celui-ci doit être rejeté dans son ensemble.

Sur les dépens

93 En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. Conformément à l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

94 M. Carbajo Ferrero ayant conclu à la condamnation du Parlement et celui-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de condamner ce dernier à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par M. Carbajo Ferrero.

  Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) déclare et arrête :

  1) Le pourvoi est rejeté.

  2) Le Parlement européen est condamné à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par M. Fernando Carbajo Ferrero.

Safjan

Jääskinen

Gavalec

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 janvier 2023.
 
Le greffier

A. Calot Escobar

Le président de chambre

M. Safjan

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( *1 ) Langue de procédure : le français.


Synthèse
Formation : Huitième chambre
Numéro d'arrêt : C-613/21
Date de la décision : 26/01/2023
Type d'affaire : Pourvoi - non fondé
Type de recours : Recours de fonctionnaires

Analyses

Pourvoi – Fonction publique – Fonctionnaires – Procédure de nomination à un poste de directeur – Avis de vacance et avis de recrutement – Rejet de candidature à un poste et nomination d’un autre candidat – Irrégularité de la procédure de recrutement – Erreur manifeste d’appréciation – Transparence – Égalité de traitement.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Parlement européen
Défendeurs : Fernando Carbajo Ferrero.

Composition du Tribunal
Avocat général : Medina
Rapporteur ?: Gavalec

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2023:51

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