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22/12/2022 | CJUE | N°C-332/21

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Quadrant Amroq Beverages SRL contre Agenţia Naţională de Administrare Fiscală – Direcţia Generală de Administrare a Marilor Contribuabili., 22/12/2022, C-332/21


 ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

22 décembre 2022 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Harmonisation des législations fiscales – Directive 92/83/CEE – Harmonisation des structures des droits d’accises sur l’alcool et les boissons alcooliques – Droits d’accises – Alcool éthylique – Exonérations – Article 27, paragraphe 1, sous e) – Production d’arômes destinés à la préparation de denrées alimentaires et de boissons non alcooliques ayant un titre alcoométrique n’excédant pas 1,2 % en volume – Champ d’application –

Principes de proportionnalité et d’effectivité »

Dans l’affaire C‑332/21,

ayant pour objet une demande de décision pr...

 ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

22 décembre 2022 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Harmonisation des législations fiscales – Directive 92/83/CEE – Harmonisation des structures des droits d’accises sur l’alcool et les boissons alcooliques – Droits d’accises – Alcool éthylique – Exonérations – Article 27, paragraphe 1, sous e) – Production d’arômes destinés à la préparation de denrées alimentaires et de boissons non alcooliques ayant un titre alcoométrique n’excédant pas 1,2 % en volume – Champ d’application – Principes de proportionnalité et d’effectivité »

Dans l’affaire C‑332/21,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunalul Bucureşti (tribunal de grande instance de Bucarest, Roumanie), par décision du 9 décembre 2020, parvenue à la Cour le 27 mai 2021, dans la procédure

Quadrant Amroq Beverages SRL

contre

Agenţia Naţională de Administrare Fiscală – Direcţia Generală de Administrare a Marilor Contribuabili,

LA COUR (dixième chambre),

composée de M. D. Gratsias, président de chambre, MM. M. Ilešič (rapporteur) et I. Jarukaitis, juges,

avocat général : M. A. M. Collins,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour Quadrant Amroq Beverages SRL, par Me D.‑D. Dascălu, avocat,

– pour le gouvernement roumain, par Mmes E. Gane et A. Rotăreanu, en qualité d’agents,

– pour l’Irlande, par Mme M. Browne, MM. A. Joyce et M. Tierney, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

– pour la Commission européenne, par Mmes A. Armenia et C. Perrin, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 14 juillet 2022,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 27, paragraphe 1, sous e), de la directive 92/83/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant l’harmonisation des structures des droits d’accises sur l’alcool et les boissons alcooliques (JO 1992, L 316, p. 21), ainsi que des principes de proportionnalité et d’effectivité.

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Quadrant Amroq Beverages SRL à l’Agenţia Naţională de Administrare Fiscală – Direcţia Generală a Marilor Contribuabili (agence nationale de l’administration fiscale – direction générale pour l’administration des grands contribuables, Roumanie, ci-après l’« autorité fiscale compétente ») au sujet du remboursement de droits d’accises que cette société a acquittés sur de l’alcool éthylique.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive 92/83

3 Le vingt-deuxième considérant de la directive 92/83 énonce :

« considérant qu’il convient que les États membres disposent de moyens permettant d’éviter la fraude, l’évasion ou les abus éventuels dans le domaine des exonérations ».

4 L’article 19, paragraphe 1, de cette directive prévoit :

« Les États membres appliquent une accise à l’alcool éthylique conformément à la présente directive. »

5 L’article 20, premier tiret, de ladite directive dispose :

« Aux fins de la présente directive, on entend par alcool éthylique :

– tous les produits qui ont un titre alcoométrique acquis excédant 1,2 % vol et qui relèvent des codes NC 2207 et 2208, même lorsque ces produits font partie d’un produit relevant d’un autre chapitre de la nomenclature combinée, [figurant à l’annexe I du règlement (CEE) no 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO 1987, L 256, p. 1), telle que modifiée par le règlement d’exécution (UE) 2015/1754 de la Commission, du
6 octobre 2015 (JO 2015, L 285, p. 1) (ci-après la “NC”)] ».

6 L’article 27, paragraphe 1, sous e), et paragraphe 2, sous d), de la même directive est libellé comme suit :

« 1.   Les États membres exonèrent les produits couverts par la présente directive de l’accise harmonisée dans les conditions qu’ils fixent en vue d’assurer l’application correcte et directe de ces exonérations et d’éviter toute fraude, évasion ou abus, lorsqu’ils sont :

[...]

e) utilisés pour la production d’arômes destinés à la préparation de denrées alimentaires et de boissons non alcooliques ayant un titre alcoométrique n’excédant pas 1,2 % vol ;

[...]

2.   Les États membres peuvent exonérer les produits couverts par la présente directive de l’accise harmonisée dans les conditions qu’ils fixent en vue d’assurer l’application correcte et directe de ces exonérations et d’éviter toute fraude, évasion et abus, lorsqu’ils sont utilisés :

[...]

d) dans des procédés de fabrication pour autant que le produit fini ne contienne pas d’alcool ».

La directive 92/12/CEE

7 L’article 24 de la directive 92/12/CEE du Conseil, du 25 février 1992, relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise (JO 1992, L 76, p. 1), telle que modifiée par le règlement (CE) no 807/2003 du Conseil, du 14 avril 2003 (JO 2003, L 122, p. 36), disposait :

« 1.   La Commission [européenne] est assistée par un comité, dénommé “comité des accises”.

[...]

4.   Outre les mesures citées au paragraphe 2, le comité examine les questions évoquées par son président, soit à l’initiative de celui-ci, soit à la demande du représentant d’un État membre, et portant sur l’application des dispositions communautaires en matière de droits d’accises.

[...] »

La directive 2008/118/CE

8 Le considérant 2 de la directive 2008/118/CE du Conseil, du 16 décembre 2008, relative au régime général d’accise et abrogeant la directive 92/12 (JO 2009, L 9, p. 12), énonce :

« Les conditions relatives à la perception de l’accise sur les produits relevant de la directive [92/12], ci-après dénommés “produits soumis à accise”, doivent rester harmonisées afin de garantir le bon fonctionnement du marché intérieur ».

9 L’article 1er, paragraphe 1, sous b), de la directive 2008/118 prévoit :

« La présente directive établit le régime général des droits d’accise frappant directement ou indirectement la consommation des produits suivants, ci-après dénommés “produits soumis à accise” :

[...]

b) l’alcool et les boissons alcoolisées relevant des directives [92/83] et 92/84/CEE [du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant le rapprochement des taux d’accises sur l’alcool et les boissons alcoolisées (JO 1992, L 316, p 29)] ».

10 Aux termes de l’article 4, points 1 et 9, de la directive 2008/118 :

« Aux fins de la présente directive et de ses modalités d’application, on entend par :

1) “entrepositaire agréé”, une personne physique ou morale autorisée par les autorités compétentes d’un État membre, dans l’exercice de sa profession, à produire, transformer, détenir, recevoir ou expédier des produits soumis à accise sous un régime de suspension de droits dans un entrepôt fiscal ;

[...]

9) “destinataire enregistré”, une personne physique ou morale autorisée par les autorités compétentes de l’État membre de destination, dans l’exercice de sa profession et dans les conditions fixées par ces autorités, à recevoir des produits soumis à accise circulant sous un régime de suspension de droits, en provenance d’un autre État membre ».

11 L’article 7, paragraphes 1 et 2, de cette directive énonce :

« 1.   Les droits d’accise deviennent exigibles au moment de la mise à la consommation et dans l’État membre où celle-ci s’effectue.

2.   Aux fins de la présente directive, on entend par “mise à la consommation” :

a) la sortie, y compris la sortie irrégulière, de produits soumis à accise, d’un régime de suspension de droits ;

b) la détention de produits soumis à accise en dehors d’un régime de suspension de droits pour lesquels le droit d’accise n’a pas été prélevé conformément aux dispositions communautaires et à la législation nationale applicables ;

c) la production, y compris la production irrégulière, de produits soumis à accise en dehors d’un régime de suspension de droits ;

d) l’importation, y compris l’importation irrégulière, de produits soumis à accise, sauf si les produits soumis à accise sont placés, immédiatement après leur importation, sous un régime de suspension de droits. »

La NC

12 Le chapitre 22 de la NC comprend les positions 2207 et 2208, qui sont libellées comme suit :

Code NC Désignation des marchandises
[...] [...]
2207 Alcool éthylique non dénaturé d’un titre alcoométrique volumique de 80 % vol ou plus ; alcool éthylique et eaux-de-vie dénaturés de tous titres :
[...] [...]
2208 Alcool éthylique non dénaturé d’un titre alcoométrique volumique de moins de 80 % vol ; eaux-de-vie, liqueurs et autres boissons spiritueuses :

13 Le chapitre 33 de la NC comprend la position suivante :

Code NC Désignation des marchandises
[...] [...]
3302 Mélanges de substances odoriférantes et mélanges (y compris les solutions alcooliques) à base d’une ou de plusieurs de ces substances, des types utilisés comme matières de base pour l’industrie ; autres préparations à base de substances odoriférantes, des types utilisés pour la fabrication de boissons :
[...] [...]

Les orientations adoptées lors de la réunion des 12, 13 et 14 novembre 2003

14 Aux termes du point 1 du document du comité des accises intitulé « Orientations adoptées lors de la réunion des 12, 13, et 14 novembre 2003 » (document CED no 458, du 19 novembre 2003), « [l]es délégations acceptent presque à l’unanimité que l’exonération visée à l’article 27, paragraphe 1, point e), de la directive [92/83] s’applique dès la production ou l’importation des arômes des codes NC 1302 1930, 2106 9020 et 3302, tels qu’ils sont en vigueur à la date d’adoption de[s] présente[s]
orientation[s] ».

Le droit roumain

15 L’article 20658, paragraphe 1, sous e), de la Legea nr. 571/2003 privind Codul fiscal (loi no 571/2003 portant code des impôts), du 22 décembre 2003 (Monitorul Oficial al României, partie I, no 927 du 23 décembre 2003, ci-après le « code des impôts de 2003 »), en vigueur jusqu’au 31 décembre 2015, disposait :

« L’alcool éthylique et les autres produits alcooliques visés à l’article 2062, sous a), sont exonérés des droits d’accises lorsqu’ils sont :

[...]

e) utilisés pour la production d’arômes alimentaires destinés à la préparation de denrées alimentaires ou de boissons non alcooliques ayant un titre alcoométrique n’excédant pas 1,2 % en volume ».

16 Le libellé de cette disposition a été repris à l’article 397, paragraphe 1, de la Legea nr. 227/2015 privind codul fiscal (loi no 227/2015 portant code des impôts), du 8 septembre 2015 (Monitorul Oficial al României, partie I, no 688 du 10 septembre 2015, ci-après le « code des impôts de 2015 »), entré en vigueur le 1er janvier 2016.

17 Les règles méthodologiques applicables à l’article 20658 du code des impôts de 2003 énonçaient :

« [...]

13. Dans tous les cas visés à l’article 20658, paragraphe 1, du code des impôts [de 2003], l’exonération des droits d’accises n’est accordée qu’à l’utilisateur, à la condition que l’approvisionnement soit fait directement auprès d’un entrepôt fiscal.

14. Lorsque l’utilisateur effectue des acquisitions intracommunautaires d’alcool éthylique en vue d’une utilisation aux fins visées à l’article 20658, paragraphe 1, sous b) à i), du code des impôts [de 2003], il doit avoir aussi la qualité de destinataire enregistré.

[...]

16. L’exonération est accordée directement :

a) dans les cas visés à l’article 20658, paragraphe 1, sous d), f), g) et h), du code des impôts [de 2003] ;

b) dans les cas visés à l’article 20658, paragraphe 1, sous a), b), c) et e), du code des impôts [de 2003], pour les entrepositaires agréés opérant au sein d’un système intégré. On entend par “système intégré” l’utilisation, par l’entrepositaire, d’alcool éthylique et d’autres produits alcooliques dans la fabrication de produits finis destinés à être consommés en l’état, sans autre modification.

[...]

17. Dans tous les cas d’exonération directe, l’exonération est accordée sur la base de l’agrément d’utilisateur final. Cet agrément est délivré à tous les utilisateurs qui achètent des produits au titre du régime d’exonération des droits d’accises.

[...]

34. Dans tous les cas d’exonération directe, les produits sont livrés à des prix hors droits d’accises et doivent obligatoirement être accompagnés, dans leurs mouvements, de la version imprimée du document administratif électronique visé au point 91.

[...]

37. Dans les cas visés à l’article 20658, paragraphe 1, sous a), b), c), e) et i), du code des impôts [de 2003], l’exonération est accordée indirectement. Les produits sont livrés à des prix soumis à accise, et les opérateurs économiques qui les utilisent demandent ensuite la compensation ou le remboursement de l’accise, conformément aux dispositions du Codul de procedură fiscală [(code de procédure fiscale)].

38. Aux fins du remboursement de l’accise, les utilisateurs présentent chaque mois à l’autorité fiscale territoriale, au plus tard le 25 du mois suivant celui pour lequel le remboursement est demandé, la demande de remboursement de l’accise accompagnée :

a) d’une copie de la facture d’achat de l’alcool éthylique et/ou du produit alcoolique, sur laquelle l’accise doit être mentionnée séparément ;

b) de la preuve du paiement des droits d’accises au fournisseur, à savoir l’ordre de paiement confirmé par la banque auprès de laquelle l’utilisateur a son compte ;

c) de la preuve de la quantité utilisée aux fins desquelles l’exonération est accordée, à savoir un récapitulatif des quantités effectivement utilisées et des documents y afférents ».

18 Les règles méthodologiques applicables à l’article 397 du code des impôts de 2015 prévoient :

« [...]

81.   

1. Dans les cas d’exonération directe, pour les produits visés à l’article 397, paragraphe 1, du code des impôts [de 2015], l’exonération de l’accise n’est accordée qu’à l’utilisateur, à la condition que l’approvisionnement soit fait directement auprès d’un entrepôt fiscal ou par voie d’acquisitions intracommunautaires propres ou d’opérations d’importation propres.

2. Dans les cas d’exonération indirecte, pour les produits visés à l’article 397, paragraphe 1, du code des impôts [de 2015], l’exonération de l’accise n’est accordée qu’à l’utilisateur, à la condition que l’approvisionnement soit fait directement auprès d’un entrepôt fiscal ou d’un destinataire enregistré ou par voie d’opérations d’importation propres. Les destinataires enregistrés qui livrent des produits devant être utilisés à des fins exonérées de l’accise indiquent sur leur facture le
montant de l’accise versée au budget de l’État.

3. Lorsque l’utilisateur effectue des acquisitions intracommunautaires d’alcool éthylique en vue de l’utiliser aux fins visées à l’article 397, paragraphe 1, sous b) à i), du code des impôts [de 2015], il doit avoir aussi la qualité de destinataire enregistré.

4. Si l’alcool éthylique est importé d’un pays tiers en vue d’être utilisé aux fins visées à l’article 397, paragraphe 1, sous b) à i), du code des impôts [de 2015], l’importateur doit également être l’utilisateur de la matière première.

82.   

1. L’exonération de l’accise est accordée directement :

a) dans les cas visés à l’article 397, paragraphe 1, sous d) et f), du code des impôts [de 2015] ;

b) dans le cas visé à l’article 397, paragraphe 1, sous b), du code des impôts [de 2015], uniquement pour la production d’alcool sanitaire ;

c) dans les cas visés à l’article 397, paragraphe 1, sous a), c) et e), du code des impôts [de 2015].

2. Seuls les entrepositaires agréés opérant au sein d’un système intégré bénéficient de l’exonération directe prévue au paragraphe 1, sous b) et c). On entend par “système intégré” l’utilisation d’alcool éthylique et d’autres produits alcooliques, dans l’entrepôt fiscal où ceux-ci ont été produits, pour la fabrication de produits finis qui sont consommés en l’état, sans autre modification.

3. Dans tous les cas d’exonération directe, l’exonération est accordée sur la base de l’agrément d’utilisateur final. »

Le droit irlandais

19 L’article 77, sous a), iii), du Finance Act 2003 (la loi de finances de 2003) transpose dans l’ordre juridique irlandais l’article 27, paragraphe 1, sous e), de la directive 92/83. Il dispose ce qui suit :

« Sans préjudice de toute autre exonération de droits d’accises susceptible de s’appliquer et sous réserve des conditions que les Commissioners [(administration fiscale, Irlande)] peuvent prévoir ou, d’une quelconque autre manière, imposer, une exonération de la taxe sur les produits alcooliques est accordée sur tout produit alcoolique pour lequel il est assuré aux Commissioners [(administration fiscale)] que :

a) il est destiné à l’utilisation ou a été utilisé dans la fabrication :

[...]

iii) d’arômes pour la préparation de denrées alimentaires ou de boissons n’excédant pas 1,2 % en volume ».

Le litige au principal et les questions préjudicielles

20 Concentrate Manufacturing Company Ireland Ltd (ci-après « CMCI ») est une filiale irlandaise de PepsiCo, une société multinationale qui produit des aliments et des boissons. CMCI utilise 100 % d’alcool éthylique non dénaturé, relevant de la position 2207 de la NC, pour fabriquer des arômes, relevant de la position 3302 de la NC. Ces arômes ont un titre alcoométrique acquis excédant 1,2 % en volume et sont destinés à la préparation de boissons non alcooliques.

21 CMCI produit lesdits arômes en Irlande et les vend à une autre filiale irlandaise de PepsiCo, Pepsi Cola International Cork (ci-après « Pepsi Irlande »). Cette dernière société a vendu des arômes à la requérante au principal, qui les utilise pour fabriquer des boissons rafraîchissantes en Roumanie. Les arômes en cause sont directement livrés par CMCI à la requérante au principal.

22 Cette dernière n’a pas la qualité de destinataire enregistré et Pepsi Irlande n’a pas celle d’entrepositaire agréé. En revanche, CMCI est un entrepositaire agréé.

23 Entre l’année 2011 et l’année 2014 ainsi qu’entre le mois de janvier et le mois d’août 2016, la requérante au principal a payé 3702961 lei roumains (RON) (environ 752787 euros) au titre d’accises sur les arômes en cause au principal. Au mois de septembre 2016, elle a demandé le remboursement de cette somme.

24 L’autorité fiscale compétente a rejeté cette demande au motif que l’article 20658 du code des impôts de 2003, devenu l’article 397 du code des impôts de 2015, prévoit l’exonération de l’accise uniquement pour l’alcool éthylique et les autres produits alcooliques utilisés pour la production d’arômes alimentaires destinés à la préparation de denrées alimentaires ou de boissons non alcooliques ayant un titre alcoométrique n’excédant pas 1,2 % en volume. Cette autorité estime que, dans la mesure où
la requérante au principal produit des boissons non alcooliques à base d’arômes alimentaires contenant de l’alcool, cette exonération n’est pas applicable.

25 En outre, selon ladite autorité, ladite exonération ne peut pas être accordée dès lors que la requérante au principal n’a pas la qualité de destinataire enregistré et que Pepsi Irlande n’a pas celle d’entrepositaire agréé.

26 Conformément à la législation fiscale irlandaise, l’alcool utilisé pour la production d’arômes destinés à la préparation de denrées alimentaires ou de boissons n’excédant pas 1,2 % en volume bénéficie de l’exonération prévue à l’article 77, sous a), iii), de la loi de finances de 2003, qui transpose l’article 27, paragraphe 1, sous e), de la directive 92/83 dans l’ordre juridique irlandais. Cette exonération s’applique à l’alcool éthylique utilisé non seulement lors de la production de ces
arômes, mais également lors de toutes ventes ultérieures.

27 Cependant, l’autorité fiscale compétente estime que lesdits arômes doivent être soumis à accise.

28 Après que, par une décision du 22 juin 2017, l’autorité fiscale compétente a rejeté une réclamation fiscale du 28 décembre 2016 introduite par la requérante au principal, cette dernière a introduit un recours contre cette décision devant la juridiction de renvoi, le Tribunalul Bucureşti (tribunal de grande instance de Bucarest, Roumanie). Cette juridiction s’interroge sur l’interprétation de l’article 27, paragraphe 1, sous e), et paragraphe 2, sous d), de la directive 92/83.

29 Dans ces conditions, le Tribunalul Bucureşti (tribunal de grande instance de Bucarest) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) L’article 27, paragraphe 1, sous e), de la directive [92/83] doit-il être interprété en ce sens que relèvent de l’exonération des droits d’accises les seuls produits de type “alcool éthylique” utilisés pour la production d’arômes employés à leur tour pour la production de boissons non alcooliques ayant un titre alcoométrique n’excédant pas 1,2 % en volume ou en ce sens que bénéficient également de ladite exonération les produits de type “alcool éthylique” qui ont déjà été utilisés pour la
production de tels arômes qui ont été ou seront utilisés pour la production de boissons non alcooliques ayant un titre alcoométrique n’excédant pas 1,2 % en volume ?

2) L’article 27, paragraphe 1, sous e), de la directive 92/83 doit-il, à la lumière des objectifs et de l’économie générale de ladite directive, être interprété en ce sens que, lorsque les produits de type “alcool éthylique” destinés à être commercialisés dans un autre État membre ont déjà été mis à la consommation dans un premier État membre, étant considérés comme exonérés de droits d’accises parce qu’ils sont employés pour la fabrication d’arômes qui seront utilisés pour la production de
boissons non alcooliques ayant un titre alcoométrique n’excédant pas 1,2 % en volume, l’État membre de destination doit leur réserver un traitement identique sur son territoire ?

3) L’article 27, paragraphe 1, sous e), et paragraphe 2, sous d), de la directive 92/83 ainsi que [les] principes d’effectivité et de [proportionnalité] doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils permettraient à un État membre d’imposer des conditions procédurales visant à subordonner l’application de l’exonération à la qualité de destinataire enregistré de l’utilisateur et [à] la qualité d’entrepositaire agréé du vendeur des produits soumis à accise, même si l’État membre dans lequel ces
produits sont achetés n’impose pas à l’agent économique qui les commercialise l’obligation d’avoir la qualité d’entrepôt fiscal ?

4) Les principes de proportionnalité et d’effectivité s’opposent-ils, au regard de l’article 27, paragraphe 1, sous e), de la directive 92/83, à la lumière des objectifs et de l’économie générale de ladite directive, au refus d’accorder l’exonération prévue [à] cette disposition à un contribuable d’un État membre de destination qui a reçu des produits de type “alcool éthylique” et qui s’est fondé sur le fait que ces produits avaient été considérés comme exonérés conformément à une interprétation
officielle de ces dispositions par les autorités fiscales de l’État membre d’origine, [interprétation qui a été] constante pendant une longue période, transposée en droit national et appliquée dans la pratique, mais qui s’est avéré erronée par la suite, lorsque l’existence d’une fraude ou d’une évasion aux droits d’accises est exclue eu égard aux circonstances de l’espèce ? »

Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

30 Le gouvernement roumain conteste la recevabilité de la demande de décision préjudicielle au motif que la juridiction de renvoi n’a pas fourni à la Cour les informations requises par l’article 94, sous c), du règlement de procédure de la Cour.

31 Selon la jurisprudence constante de la Cour, la procédure instituée à l’article 267 TFUE est un instrument de coopération entre la Cour et les juridictions nationales, grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui leur sont nécessaires pour la solution du litige qu’elles sont appelées à trancher (arrêts du 20 juin 2013, Impacto Azul, C‑186/12, EU:C:2013:412, point 26 et jurisprudence citée, ainsi que du 1er août 2022, Vyriausioji tarnybinės
etikos komisija, C‑184/20, EU:C:2022:601, point 47 et jurisprudence citée).

32 Il importe de rappeler, à cet égard, que, dans le cadre de cette procédure, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige au principal et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de chaque affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. Par conséquent, dès lors que les questions posées portent sur
l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer. Il s’ensuit que les questions portant sur le droit de l’Union bénéficient d’une présomption de pertinence. Le rejet par la Cour d’une demande formée par une juridiction nationale n’est ainsi possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore
lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêt du 3 juin 2021, BalevBio, C‑76/20, EU:C:2021:441, point 46 et jurisprudence citée).

33 Il résulte également d’une jurisprudence constante que la nécessité de parvenir à une interprétation du droit de l’Union qui soit utile pour le juge national exige que celui-ci définisse le cadre factuel et réglementaire dans lequel s’insèrent les questions qu’il pose ou que, à tout le moins, il explique les hypothèses factuelles sur lesquelles ces questions sont fondées. La décision de renvoi doit, en outre, indiquer les raisons précises qui ont conduit le juge national à s’interroger sur
l’interprétation du droit de l’Union et à estimer nécessaire de poser une question préjudicielle à la Cour (arrêt du 1er août 2022, Roma Multiservizi et Rekeep, C‑332/20, EU:C:2022:610, point 43 ainsi que jurisprudence citée).

34 En l’occurrence, bien que la décision de renvoi contienne certaines lacunes, la Cour considère que la juridiction de renvoi a exposé de manière suffisamment claire les raisons qui l’ont conduite à s’interroger sur l’interprétation de certaines dispositions et de certains principes du droit de l’Union. En outre, les informations contenues dans la décision de renvoi ont permis aux gouvernements des États membres ainsi qu’aux autres intéressés de présenter des observations.

35 Il s’ensuit que la demande de décision préjudicielle est recevable.

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

36 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 27, paragraphe 1, sous e), de la directive 92/83 doit être interprété en ce sens que tant l’alcool éthylique qui est utilisé pour la production d’arômes employés à leur tour pour la préparation de boissons non alcooliques ayant un titre alcoométrique n’excédant pas 1,2 % en volume que l’alcool éthylique qui a déjà été utilisé pour la production de tels arômes relèvent de l’exonération prévue à cette
disposition.

37 La directive 92/83, qui procède à une harmonisation des structures des droits d’accises sur l’alcool et les boissons alcooliques, prévoit, à son article 27, paragraphe 1, sous e), que les États membres exonèrent les produits couverts par cette directive de l’accise harmonisée dans les conditions qu’ils fixent en vue d’assurer l’application correcte et directe de ces exonérations et d’éviter toute fraude, évasion ou abus, lorsqu’ils sont utilisés pour la production d’arômes destinés à la
préparation de denrées alimentaires et de boissons non alcooliques ayant un titre alcoométrique n’excédant pas 1,2 % en volume.

38 Aux termes de l’article 20, premier tiret, de ladite directive, la notion d’ « alcool éthylique » vise, notamment, « tous les produits qui ont un titre alcoométrique acquis excédant 1,2 % [en volume] et qui relèvent des [positions] 2207 et 2208 [de la NC], même lorsque ces produits font partie d’un produit relevant d’un autre chapitre de la [NC] ».

39 Par ailleurs, il y a lieu de relever qu’il découle du libellé même de l’article 27 de la directive 92/83 que seuls les produits relevant du champ d’application de cette directive peuvent bénéficier d’une exonération au titre de cet article 27. En revanche, il importe peu que ces produits fassent partie d’une marchandise qui, en tant que telle, ne relève pas du champ d’application de ladite directive [arrêt du 7 avril 2022, Y GmbH (Oléorésine de vanille), C‑668/20, EU:C:2022:270, point 65 et
jurisprudence citée].

40 Il en résulte que tout produit relevant des positions 2207 et 2208 de la NC et ayant un titre alcoométrique acquis excédant 1 ,2 % en volume est visé par la notion d’ « alcool éthylique », au sens de l’article 20, premier tiret, de la directive 92/83, quand bien même il ferait partie d’un arôme relevant de la position 3302 de la NC. Partant, en vertu de l’article 19, paragraphe 1, de cette directive, un tel produit devrait, en principe, être soumis à l’accise harmonisée prévue par ladite
directive, sous réserve toutefois des exonérations prévues à l’article 27, paragraphe 1, de la même directive.

41 À cet égard, ainsi que M. l’avocat général l’a également, en substance, relevé au point 30 de ses conclusions, le libellé de l’article 27, paragraphe 1, sous e), de la directive 92/83 n’est cependant pas dépourvu d’ambiguïté.

42 Toutefois, selon une jurisprudence constante, aux fins de l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie [arrêt du 8 septembre 2022, Ministerstvo životního prostředí (Perroquets Ara hyacinthe), C‑659/20, EU:C:2022:642, point 37 et jurisprudence citée].

43 Dans ces conditions, il convient d’examiner le contexte dans lequel s’inscrit l’article 27, paragraphe 1, sous e), de la directive 92/83 ainsi que les objectifs poursuivis par cette dernière.

44 Il ressort de la jurisprudence que l’élément qui détermine l’exonération prévue à cette disposition est l’utilisation finale qui est faite de l’alcool éthylique (voir, par analogie, arrêt du 9 décembre 2010, Repertoire Culinaire, C‑163/09, EU:C:2010:752, point 49).

45 En l’occurrence, cette utilisation finale consiste, d’une part, en la production d’arômes contenant eux-mêmes de l’alcool éthylique et, d’autre part, en la production de boissons non alcooliques ayant un titre alcoométrique n’excédant pas 1,2 % en volume.

46 Dans ce contexte, il convient de rappeler également que la Cour a déjà jugé que, d’une part, l’exonération des produits visés à l’article 27, paragraphe 1, de la directive 92/83 constitue le principe et le refus d’une telle exonération l’exception, et, d’autre part, la faculté reconnue aux États membres par cette disposition de fixer des conditions ayant pour objectif « d’assurer l’application correcte et directe de ces exonérations et d’éviter toute fraude, évasion ou abus » ne saurait remettre
en cause le caractère inconditionnel de l’obligation d’exonération prévue à ladite disposition (arrêt du 9 décembre 2010, Repertoire Culinaire, C‑163/09, EU:C:2010:752, point 51 et jurisprudence citée).

47 L’objectif poursuivi par les exonérations prévues par la directive 92/83 est, notamment, de neutraliser l’incidence des accises sur l’alcool en tant que produit intermédiaire entrant dans la composition d’autres produits commerciaux ou industriels (arrêts du 9 décembre 2010, Repertoire Culinaire, C‑163/09, EU:C:2010:752, point 48, et du 15 octobre 2015, Biovet, C‑306/14, EU:C:2015:689, point 21).

48 En ce sens, le point 1 du document du comité des accises, intitulé « Orientations adoptées lors de la réunion des 12, 13, et 14 novembre 2003 », indique d’ailleurs que les délégations des États membres acceptent presque à l’unanimité que l’exonération prévue à l’article 27, paragraphe 1, sous e), de la directive 92/83 s’applique dès la production ou l’importation des arômes relevant, notamment, de la position 3302 de la NC.

49 Ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 33 de ses conclusions, si l’interprétation défendue par l’autorité fiscale compétente, résumée au point 24 du présent arrêt, devait prévaloir, cela signifierait que l’alcool éthylique destiné à la production de tels arômes serait exonéré de droits d’accises, tandis que l’alcool éthylique déjà incorporé dans ces arômes ne le serait pas. Elle donnerait lieu au résultat incohérent selon lequel l’alcool éthylique, qui était exonéré de droits d’accises
au stade où il était destiné à la production d’arômes, serait de nouveau soumis à ceux-ci après avoir été utilisé pour produire ces mêmes arômes. Un tel résultat ne permettrait pas d’atteindre l’objectif de neutraliser l’incidence des droits d’accises sur l’alcool utilisé pour la production d’arômes destinés à la préparation de boissons non alcooliques ayant un titre alcoométrique n’excédant pas 1,2 % en volume.

50 Eu égard aux considérations qui précèdent il y a lieu de répondre à la première question que l’article 27, paragraphe 1, sous e), de la directive 92/83 doit être interprété en ce sens que tant l’alcool éthylique qui est utilisé pour la production d’arômes employés à leur tour pour la préparation de boissons non alcooliques ayant un titre alcoométrique n’excédant pas 1,2 % en volume que l’alcool éthylique qui a déjà été utilisé pour la production de tels arômes relèvent de l’exonération prévue à
cette disposition.

Sur la deuxième question

51 Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 27, paragraphe 1, sous e), de la directive 92/83 doit être interprété en ce sens que, lorsque de l’alcool éthylique mis à la consommation dans un État membre dans lequel il est exonéré de droits d’accises, au motif qu’il a été utilisé pour la production d’arômes destinés à la préparation de boissons non alcooliques ayant un titre alcoométrique n’excédant pas 1,2 % en volume, est ensuite commercialisé dans un
autre État membre, ce dernier est tenu de réserver un traitement identique à cet alcool éthylique.

52 La Cour a déjà jugé que l’application uniforme des dispositions de la directive 92/83 implique que la soumission ou non d’un produit à accise ou l’exonération d’un produit dans un État membre doit, en principe, être reconnue par les autres États membres (arrêt du 9 décembre 2010, Repertoire Culinaire, C‑163/09, EU:C:2010:752, point 41).

53 Une interprétation contraire compromettrait la réalisation de l’objectif poursuivi par cette directive et serait susceptible d’entraver la libre circulation des marchandises (arrêt du 9 décembre 2010, Repertoire Culinaire, C‑163/09, EU:C:2010:752, point 42).

54 Cependant, un État membre ne saurait être privé de la possibilité, reconnue par le vingt-deuxième considérant et l’article 27 de cette directive, d’adopter des mesures visant à éviter toute fraude, évasion ou abus éventuels dans le domaine des exonérations ainsi qu’à assurer l’application correcte et directe de ces dernières (arrêt du 9 décembre 2010, Repertoire Culinaire, C‑163/09, EU:C:2010:752, point 43).

55 Cela étant, l’adoption de telles mesures doit reposer sur des éléments concrets, objectifs et vérifiables (arrêt du 9 décembre 2010, Repertoire Culinaire, C‑163/09, EU:C:2010:752, point 44).

56 Il découle des considérations qui précèdent que, dans la mesure où, ainsi qu’il ressort du dossier dont dispose la Cour, les arômes en cause au principal ont été mis à la consommation, au sens de la directive 2008/118, dans l’État membre de leur production, à savoir l’Irlande, et où cet État membre a appliqué à ces arômes l’exonération prévue à l’article 77, sous a), iii), de la loi de finances de 2003, qui transpose l’article 27, paragraphe 1, sous e), de la directive 92/83, l’État membre de
destination desdits arômes était tenu de réserver à ceux-ci un traitement identique dès leur arrivée sur son territoire, à moins qu’il existât des motifs justifiant la constatation d’une application erronée de cette exonération ou de l’existence éventuelle d’une fraude, d’une évasion ou d’un abus.

57 Or, d’une part, il résulte de la réponse à la première question que l’application, par l’Irlande, de ladite exonération aux arômes en cause au principal était correcte. D’autre part, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, il ne ressort pas du dossier dont dispose la Cour que le refus de l’autorité fiscale compétente d’appliquer à ces arômes la même exonération était justifié par l’existence d’indices de fraude, d’évasion ou d’abus.

58 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la deuxième question que l’article 27, paragraphe 1, sous e), de la directive 92/83 doit être interprété en ce sens que lorsque de l’alcool éthylique mis à la consommation dans un État membre dans lequel il est exonéré de droits d’accises, au motif qu’il a été utilisé pour la production d’arômes destinés à la préparation de boissons non alcooliques ayant un titre alcoométrique n’excédant pas 1,2 % en volume, est ensuite
commercialisé dans un autre État membre, ce dernier est tenu de réserver un traitement identique à cet alcool éthylique sur son territoire, dès lors que le premier État membre a appliqué correctement l’exonération prévue à cette disposition et qu’il n’existe pas d’indices de fraude, d’évasion ou d’abus.

Sur la troisième question

59 À titre liminaire, il y a lieu de relever que, si la juridiction de renvoi a visé, dans la troisième question, l’article 27, paragraphe 2, sous d), de la directive 92/83, elle n’a fait référence, dans sa demande de décision préjudicielle, ni à une éventuelle législation nationale mettant en œuvre cette disposition ni à d’éventuelles circonstances susceptibles de justifier la pertinence de ladite disposition pour la solution du litige au principal.

60 Dans ces conditions, il convient de considérer que, par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 27, paragraphe 1, sous e), de la directive 92/83 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation d’un État membre subordonnant l’octroi, à un opérateur économique commercialisant sur son territoire des produits achetés à un vendeur situé sur le territoire d’un autre État membre, dans lequel ils ont été fabriqués, mis à la consommation et
exonérés de droits d’accises conformément à cette disposition, du bénéfice de l’exonération prévue à ladite disposition aux conditions que cet opérateur ait la qualité de destinataire enregistré et que ce vendeur ait celle d’entrepositaire agréé.

61 À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 27, paragraphe 1, de la directive 92/83 prévoit que les États membres peuvent fixer des conditions ayant pour objectif d’assurer l’application correcte et directe des exonérations prévues à cette disposition ainsi que d’éviter toute fraude, évasion ou abus. Or, ainsi que cela est rappelé au point 46 du présent arrêt, la Cour a déjà jugé que cette faculté reconnue aux États membres ne saurait remettre en cause le caractère inconditionnel de
l’obligation d’exonération prévue à ladite disposition (arrêt du 9 décembre 2010, Repertoire Culinaire, C‑163/09, EU:C:2010:752, point 51 et jurisprudence citée).

62 Il en résulte que, dans le cadre de l’exercice de ladite faculté, il incombe à l’État membre concerné d’invoquer des éléments concrets, objectifs et vérifiables étayant l’existence d’un risque sérieux de fraude, d’évasion ou d’abus et que les conditions fixées par cet État membre au titre de la faculté qui lui est ainsi reconnue ne sauraient aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre ledit objectif (arrêt du 9 décembre 2010, Repertoire Culinaire, C‑163/09, EU:C:2010:752, point 52 et
jurisprudence citée).

63 Par conséquent, les États membres ne sauraient subordonner l’application de l’exonération prévue à l’article 27, paragraphe 1, sous e), de la directive 92/83 au respect de conditions dont il n’est pas établi, sur le fondement d’éléments concrets, objectifs et vérifiables, qu’elles sont nécessaires pour assurer l’application correcte et directe de cette exonération ainsi que pour éviter des fraudes, des évasions ou des abus (voir, par analogie, arrêt du 9 décembre 2010, Repertoire Culinaire,
C‑163/09, EU:C:2010:752, point 53).

64 Or, il semble ressortir des éléments dont dispose la Cour que les conditions prévues par la réglementation nationale en cause au principal, à savoir que l’opérateur économique commercialisant, sur le territoire de l’État membre concerné, des produits achetés à un vendeur situé sur le territoire d’un autre État membre ait la qualité de destinataire enregistré et que ce vendeur ait celle d’entrepositaire agréé, ne sont nécessaires ni pour assurer l’application correcte et directe de l’exonération
prévue à l’article 27, paragraphe 1, sous e), de la directive 92/83 ni pour éviter des fraudes, des évasions ou des abus.

65 Certes, le gouvernement roumain a fait valoir, dans ses observations écrites, que, si les arômes en cause au principal étaient autorisés à circuler en dehors d’un régime de suspension de droits, il existerait un risque qu’ils soient transformés en boissons alcooliques destinées à la consommation sur lesquelles les droits d’accises ne seraient pas acquittés.

66 Toutefois, il y a lieu de rappeler, à l’instar de M. l’avocat général au point 36 de ses conclusions que, ainsi qu’il ressort du document CED no 364 rev 1, du 22 janvier 2003, le comité des accises a considéré que les arômes sont principalement utilisés comme concentrés pour la préparation de boissons rafraîchissantes, qu’ils sont relativement onéreux, coûtant plus que l’alcool le moins cher du marché dans la plupart des États membres et, enfin, qu’il est coûteux de distiller des arômes afin d’en
extraire de l’alcool éthylique. Au vu de ces caractéristiques, le comité des accises a conclu que l’octroi de l’exonération prévue à l’article 27, paragraphe 1, sous e), de la directive 92/83 au moment de la fabrication des arômes ne serait pas de nature à engendrer un risque de fraude fiscal.

67 Ces considérations sont de nature à jeter un doute sérieux sur l’existence du risque de transformation des arômes en boissons alcooliques destinées à la consommation, évoqué par le gouvernement roumain, ainsi que sur la nécessité des conditions prévues par la réglementation en cause au principal pour assurer l’application correcte et directe de cette exonération ainsi que pour éviter des fraudes, des évasions ou des abus.

68 Néanmoins, il appartient à la juridiction de renvoi, qui est saisie du litige au principal et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, de vérifier, sur le fondement des éléments concrets, objectifs et vérifiables dont elle dispose, si les conditions auxquelles la réglementation roumaine subordonne l’application de l’exonération prévue à l’article 27, paragraphe 1, sous e), de la directive 92/83 sont nécessaires pour assurer l’application correcte et directe
de cette exonération ainsi que pour éviter des fraudes, des évasions ou des abus.

69 Eu égard aux considérations qui précèdent il y a lieu de répondre à la troisième question que l’article 27, paragraphe 1, sous e), de la directive 92/83 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation d’un État membre subordonnant l’octroi, à un opérateur économique commercialisant sur son territoire des produits achetés à un vendeur situé sur le territoire d’un autre État membre, dans lequel ils ont été fabriqués, mis à la consommation et exonérés de droits d’accises
conformément à cette disposition, du bénéfice de l’exonération prévue à ladite disposition aux conditions que cet opérateur ait la qualité de destinataire enregistré et que ce vendeur ait celle d’entrepositaire agréé, à moins qu’il résulte d’éléments concrets, objectifs et vérifiables que ces conditions sont nécessaires pour assurer l’application correcte et directe de cette exonération ainsi que pour éviter toute fraude, évasion ou abus.

Sur la quatrième question

70 La quatrième question vise l’hypothèse selon laquelle un État membre a appliqué de manière incorrecte l’exonération prévue à l’article 27, paragraphe 1, sous e), de la directive 92/83.

71 Or, il ressort de la réponse apportée à la première question, que, en l’occurrence, l’Irlande a correctement appliqué cette exonération aux arômes en cause au principal. Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de répondre à la quatrième question.

Sur les dépens

72 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) dit pour droit :

  1) L’article 27, paragraphe 1, sous e), de la directive 92/83/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant l’harmonisation des structures des droits d’accises sur l’alcool et les boissons alcooliques,

doit être interprété en ce sens que :

tant l’alcool éthylique qui est utilisé pour la production d’arômes employés à leur tour pour la préparation de boissons non alcooliques ayant un titre alcoométrique n’excédant pas 1,2 % en volume que l’alcool éthylique qui a déjà été utilisé pour la production de tels arômes relèvent de l’exonération prévue à cette disposition.

  2) L’article 27, paragraphe 1, sous e), de la directive 92/83

doit être interprété en ce sens que :

lorsque de l’alcool éthylique a été mis à la consommation dans un État membre dans lequel il est exonéré de droits d’accises, au motif qu’il a été utilisé pour la production d’arômes destinés à la préparation de boissons non alcooliques ayant un titre alcoométrique n’excédant pas 1,2 % en volume, est ensuite commercialisé dans un autre État membre, ce dernier est tenu de réserver un traitement identique à cet alcool éthylique sur son territoire, dès lors que le premier État membre a appliqué
correctement l’exonération prévue à cette disposition et qu’il n’existe pas d’indices de fraude, d’évasion ou d’abus.

  3) L’article 27, paragraphe 1, sous e), de la directive 92/83,

doit être interprété en ce sens que :

il s’oppose à une réglementation d’un État membre subordonnant l’octroi, à un opérateur économique commercialisant sur son territoire des produits achetés à un vendeur situé sur le territoire d’un autre État membre, dans lequel ils ont été fabriqués, mis à la consommation et exonérés de droits d’accises conformément à cette disposition, du bénéficie de l’exonération prévue à ladite disposition aux conditions que cet opérateur ait la qualité de destinataire enregistré et que ce vendeur ait celle
d’entrepositaire agréé, à moins qu’il résulte d’éléments concrets, objectifs et vérifiables que ces conditions sont nécessaires pour assurer l’application correcte et directe de cette exonération ainsi que pour éviter toute fraude, évasion ou abus.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le roumain.


Synthèse
Formation : Dixième chambre
Numéro d'arrêt : C-332/21
Date de la décision : 22/12/2022
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Tribunalul Bucureşti.

Renvoi préjudiciel – Harmonisation des législations fiscales – Directive 92/83/CEE – Harmonisation des structures des droits d’accises sur l’alcool et les boissons alcooliques – Droits d’accises – Alcool éthylique – Exonérations – Article 27, paragraphe 1, sous e) – Production d’arômes destinés à la préparation de denrées alimentaires et de boissons non alcooliques ayant un titre alcoométrique n’excédant pas 1,2 % en volume – Champ d’application – Principes de proportionnalité et d’effectivité.

Fiscalité

Droits d'accise


Parties
Demandeurs : Quadrant Amroq Beverages SRL
Défendeurs : Agenţia Naţională de Administrare Fiscală – Direcţia Generală de Administrare a Marilor Contribuabili.

Composition du Tribunal
Avocat général : Collins
Rapporteur ?: Ilešič

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2022:1031

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