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24/11/2022 | CJUE | N°C-638/20

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, MCM contre Centrala studiestödsnämnden., 24/11/2022, C-638/20


 ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

24 novembre 2022 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Libre circulation des personnes – Article 45 TFUE – Égalité de traitement – Avantages sociaux – Règlement (UE) no 492/2011– Article 7, paragraphe 2 – Aide financière pour études supérieures dans un autre État membre – Condition de résidence – Condition alternative d’intégration sociale pour les étudiants non-résidents – Situation d’un étudiant ressortissant de l’État octroyant le soutien, résidant depuis sa naissance dans l’Ét

at des études »

Dans l’affaire C‑638/20,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article...

 ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

24 novembre 2022 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Libre circulation des personnes – Article 45 TFUE – Égalité de traitement – Avantages sociaux – Règlement (UE) no 492/2011– Article 7, paragraphe 2 – Aide financière pour études supérieures dans un autre État membre – Condition de résidence – Condition alternative d’intégration sociale pour les étudiants non-résidents – Situation d’un étudiant ressortissant de l’État octroyant le soutien, résidant depuis sa naissance dans l’État des études »

Dans l’affaire C‑638/20,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Överklagandenämnden för studiestöd (commission de recours en matière d’aides financières aux études, Suède), par décision du 14 octobre 2020, parvenue à la Cour le 25 novembre 2020, dans la procédure

MCM

contre

Centrala studiestödsnämnden,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de Mme A. Prechal, présidente de chambre, Mme M. L. Arastey Sahún, MM. F. Biltgen (rapporteur), N. Wahl et J. Passer, juges,

avocat général : Mme L. Medina,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour MCM, par lui-même,

– pour le gouvernement suédois, par Mmes H. Eklinder, C. Meyer-Seitz, A. Runeskjöld, M. Salborn Hodgson, R. Shahsavan Eriksson, H. Shev, MM. J. Lundberg, et O. Simonsson, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement danois, par M. J. Nymann‑Lindegren et Mme M. Søndahl Wolff, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement autrichien, par M. A. Posch, Mmes E. Samoilova et J. Schmoll, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par Mme P. Carlin et M. B.‑R. Killmann, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement norvégien, par Mmes E. S. Eikeland et T. H. Aarthun, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 7 avril 2022,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 45 TFUE ainsi que de l’article 7, paragraphe 2, du règlement (UE) no 492/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2011, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union (JO 2011, L 141, p. 1).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant MCM à la Centrala studiestödsnämnden (commission nationale d’aide aux étudiants, Suède) (ci-après la « CSN ») au sujet du droit de MCM de se voir octroyer un soutien financier de l’État suédois pour suivre des études en Espagne.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 L’article 7 du règlement no 492/2011 prévoit, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1.   Le travailleur ressortissant d’un État membre ne peut, sur le territoire des autres États membres, être, en raison de sa nationalité, traité différemment des travailleurs nationaux, pour toutes conditions d’emploi et de travail, notamment en matière de rémunération, de licenciement et de réintégration professionnelle ou de réemploi s’il est tombé au chômage.

2.   Il y bénéficie des mêmes avantages sociaux et fiscaux que les travailleurs nationaux. »

4 Aux termes de l’article 10, paragraphe 1, de ce règlement :

« Les enfants d’un ressortissant d’un État membre qui est ou a été employé sur le territoire d’un autre État membre sont admis aux cours d’enseignement général, d’apprentissage et de formation professionnelle dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État membre, si ces enfants résident sur son territoire. »

Le droit suédois

5 Conformément à l’article 23, premier alinéa, du chapitre 3 de la Studiestödslag (1999:1395) [loi (1999:1395) sur l’aide financière aux études, ci-après la « loi sur l’aide financière aux études »], le droit pour un étudiant de percevoir une aide financière pour suivre des études postsecondaires en dehors de Suède est subordonné à la condition que ce dernier a résidé en Suède pendant une période ininterrompue d’au moins deux ans au cours des cinq dernières années précédant la demande d’aide
(ci-après la « condition de résidence »).

6 Le gouvernement ou l’autorité désignée par ce dernier peut toutefois adopter des dispositions particulières permettant de déroger à la condition de résidence et prévoir des règles supplémentaires régissant les aides financières accordées aux étudiants scolarisés à l’étranger.

7 Ainsi, la loi sur l’aide financière aux études a été précisée par les Centrala studiestödsnämndens föreskrifter och allmänna råd om beviljning av studiemedel (CSNFS 2001:1) (instructions et conseils généraux pour la CSN sur l’octroi du financement des études, ci-après les « instructions et conseils généraux pour la CSN »). Ces instructions et conseils généraux disposent, à l’article 6 de leur chapitre 12, que la condition de résidence prévue à l’article 23 du chapitre 3 de cette loi ne s’applique
pas à une personne qui satisfaisait à cette condition lorsqu’elle a commencé à étudier à l’étranger en bénéficiant d’une aide aux études au sens de ladite loi ou d’une bourse de formation pour doctorants et qui poursuit ses études sans interruption en bénéficiant de ce soutien. L’article 6 a de ce chapitre 12 prévoit que la condition de résidence ne s’applique pas non plus à un ressortissant suédois qui séjourne à l’étranger pour cause de maladie s’il a résidé précédemment en Suède. Enfin,
l’article 6 b dudit chapitre 12 précise que, si des circonstances particulières le justifient, l’aide aux études peut être accordée à un étudiant même lorsqu’il ne satisfait pas à la condition de résidence.

8 Dans les cas particuliers où elle estime incompatible avec le droit de l’Union la condition de résidence, la CSN accorde une dérogation à celle‑ci en exigeant en revanche que la personne ait un lien avec la société suédoise. Ainsi, les Centrala studiestödsnämndens rättsliga ställningstaganden dnr 2013–113–9290 samt dnr 2014–112–8426 (instructions internes de la CSN no 2013–113–9290 et no 2014–112–8426) prévoient que la condition de résidence énoncée au premier alinéa de l’article 23 du chapitre 3
de la loi sur l’aide financière aux études n’est pas imposée, en raison de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 492/2011, aux personnes en Suède reconnues comme travailleurs migrants ou membres de leur famille par la CSN. En revanche, ces personnes, à l’exception des enfants, doivent avoir un lien avec la société suédoise pour que l’aide financière aux études soit accordée.

Le litige au principal et la question préjudicielle

9 MCM, ressortissant suédois, réside depuis sa naissance en Espagne.

10 Au mois de mars 2020, MCM a introduit auprès de la CSN une demande d’aide financière pour suivre des études universitaires en Espagne. MCM a indiqué que son père, également ressortissant suédois, qui vit et travaille en Suède depuis le mois de novembre 2011, avait exercé une activité en tant que travailleur migrant en Espagne pendant environ 20 ans.

11 La CSN a rejeté la demande au motif que MCM ne remplissait pas la condition de résidence en Suède prévue au premier alinéa de l’article 23 du chapitre 3 de la loi sur l’aide financière aux études et ne répondait à aucun des critères fixés par les dispositions dérogatoires prévues aux articles 6, 6 a et 6 b du chapitre 12 des instructions et conseils généraux pour la CSN, sur la base desquelles une telle aide aurait pu lui être accordée. En outre, elle a estimé que MCM ne pouvait prétendre à cette
aide en se fondant sur sa condition de membre de la famille d’un travailleur migrant, son père exerçant désormais une activité professionnelle en Suède, son État membre d’origine, et ne remplissait pas la condition alternative d’intégration dans la société suédoise permettant la levée de la condition de résidence.

12 MCM a formé un recours contre cette décision devant l’Överklagandenämnden för studiestöd (commission de recours en matière d’aides financières aux études, Suède), la juridiction de renvoi. Dans ses observations, la CSN a maintenu son appréciation. Elle a également indiqué que le refus d’accorder à MCM une aide financière aux études aurait pu dissuader le père de celui-ci d’émigrer en Espagne et, partant, constitue une entrave à la libre circulation de son père. Toutefois, elle s’est demandé, à
cet égard, si la situation en cause continue de relever du droit de l’Union, dès lors que le père de MCM a cessé de faire usage de sa liberté de circulation en tant que travailleur migrant depuis 2011. Elle a également douté qu’un travailleur migrant étant retourné dans son pays d’origine puisse invoquer sans limites dans le temps à l’égard de ce pays les garanties dont tant lui-même que les membres de sa famille bénéficient en vertu du règlement no 492/2011.

13 La juridiction de renvoi expose que les aides financières aux études peuvent être accordées aux ressortissants suédois et aux ressortissants d’autres États membres pour suivre des études postsecondaires à l’étranger.

14 Elle rappelle que, conformément au premier alinéa de l’article 23 du chapitre 3 de la loi sur l’aide financière aux études, le droit à une telle aide, qui n’est dépendant ni des revenus des parents du demandeur ni de toute autre situation sociale, est subordonné à la condition que l’étudiant demandeur ait résidé en Suède pendant une période ininterrompue d’au moins deux ans au cours des cinq dernières années. Si la condition de résidence ne peut être satisfaite, une aide peut néanmoins être
accordée lorsqu’il existe des circonstances particulières au sens de l’article 6 b du chapitre 12 des instructions et conseils généraux pour la CSN.

15 La juridiction de renvoi ajoute que, conformément à l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 492/2011, la condition de résidence n’est pas imposée aux travailleurs migrants ou aux membres de leur famille. Toutefois, et à l’exception du cas où le demandeur est un enfant d’un travailleur migrant, la CSN exige, en application de ses instructions internes, un lien de rattachement avec la société suédoise pour bénéficier de l’aide financière aux études.

16 Cette juridiction précise encore que la condition de résidence est également levée pour les personnes, y compris les ressortissants suédois, qui ne résident pas en Suède et qui demandent des aides financières pour suivre des études dans un autre État membre de l’Union. Dans ce cas, la CSN subordonne l’octroi d’une telle aide à une condition de lien avec la société suédoise, en se fondant sur l’arrêt de la Cour du 18 juillet 2013, Prinz et Seeberger (C‑523/11 et C‑585/11, EU:C:2013:524, point 38).

17 Elle se demande si une condition relative à l’existence d’un lien de rattachement avec l’État membre d’origine peut être imposée à l’enfant, résidant dans l’Union, d’un travailleur migrant qui a quitté l’État membre d’accueil dans lequel il exerçait une activité professionnelle pour vivre dans son État membre d’origine. En effet, selon cette juridiction, une telle condition peut être contraire à l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 492/2011 et dissuader certains parents ou futurs parents
d’exercer leur liberté de circulation en tant que travailleurs, au sens de l’article 45 TFUE.

18 Elle estime qu’une restriction à la libre circulation des travailleurs doit pouvoir être justifiée par des motifs tenant aux intérêts financiers de l’État membre d’origine. Elle se demande toutefois s’il y a lieu d’appliquer en l’espèce, par analogie, la jurisprudence permettant de justifier des restrictions à la libre circulation des citoyens au sens des articles 20 et 21 TFUE.

19 C’est dans ces conditions que l’Överklagandenämnden för studiestöd (commission de recours en matière d’aides financières aux études) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Nonobstant l’article 45 TFUE et l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 492/2011, un État membre (l’État membre d’origine) peut‑il, pour garantir ses intérêts financiers, subordonner l’octroi à l’enfant d’un travailleur migrant rentré dans son pays d’origine d’une aide financière aux études à l’étranger dans l’autre État membre de l’Union dans lequel le parent de cet enfant travaillait auparavant (l’État membre d’accueil) à la condition que l’enfant présente un lien avec l’État membre
d’origine dans une situation dans laquelle

1) après son retour de l’État membre d’accueil, le parent de l’enfant vit et travaille dans l’État membre d’origine depuis au moins huit ans ;

2) l’enfant n’a pas accompagné son parent dans l’État membre d’origine, mais vit depuis sa naissance dans l’État membre d’accueil, et

3) l’État membre d’origine soumet d’autres de ses ressortissants, qui ne remplissent pas la condition de résidence et qui sollicitent une aide financière pour étudier dans un autre pays de l’Union européenne, à la même condition relative à l’existence d’un lien de rattachement ? »

Sur la question préjudicielle

20 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 7 du règlement no 492/2011 et l’article 45 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation d’un État membre qui subordonne l’octroi, à l’enfant d’une personne qui a quitté l’État membre d’accueil dans lequel elle a travaillé pour retourner vivre dans le premier État membre dont elle est ressortissante, d’une aide financière destinée à suivre des études dans l’État membre d’accueil, à la
condition que l’enfant présente un lien de rattachement avec l’État membre d’origine, dans une situation dans laquelle, d’une part, l’enfant réside depuis sa naissance dans l’État membre d’accueil et, d’autre part, l’État membre d’origine soumet les autres ressortissants qui ne remplissent pas la condition de résidence et qui sollicitent une telle aide financière pour étudier dans un autre État membre à la condition tenant à l’existence d’un lien de rattachement.

21 Il convient de rappeler que l’article 45 TFUE interdit toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des États membres, en ce qui concerne l’emploi, la rémunération et les autres conditions de travail. Par ailleurs, dès lors que l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 492/2011 ne constitue que l’expression particulière dudit principe de non-discrimination dans le domaine spécifique des conditions d’emploi et de travail, il doit être interprété de la même façon que
l’article 45 TFUE (arrêts du 5 décembre 2013, Zentralbetriebsrat der gemeinnützigen Salzburger Landeskliniken, C‑514/12, EU:C:2013:799, point 23 et jurisprudence citée, ainsi que du 12 mai 2021, CAF, C‑27/20, EU:C:2021:383, point 24).

22 De même, l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 492/2011, qui prévoit que le travailleur ressortissant d’un État membre bénéficie, sur le territoire des autres États membres, des mêmes avantages sociaux et fiscaux que les travailleurs nationaux, reprend, dans le domaine spécifique de l’octroi d’avantages sociaux, le principe d’égalité de traitement consacré à l’article 45 TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 20 juin 2013, Giersch e.a., C‑20/12, EU:C:2013:411, point 35, ainsi que du 2 avril 2020,
PF e.a., C‑830/18, EU:C:2020:275, point 29).

23 La notion d’« avantage social », au sens de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 492/2011, comprend tous les avantages qui, liés ou non à un contrat d’emploi, sont généralement reconnus aux travailleurs nationaux, en raison principalement de leur qualité objective de travailleur ou du simple fait de leur résidence sur le territoire national (arrêt du 6 octobre 2020, Jobcenter Krefeld, C‑181/19, EU:C:2020:794, point 41).

24 Conformément à une jurisprudence constante, une aide accordée pour l’entretien et pour la formation, en vue de la poursuite d’études universitaires sanctionnées par une qualification professionnelle, constitue un avantage social au sens de cette disposition (voir, en ce sens, arrêt du 10 juillet 2019, Aubriet, C‑410/18, EU:C:2019:582, point 25 et jurisprudence citée).

25 En l’occurrence, il n’est pas contesté que la prestation en cause constitue un avantage social au sens de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 492/2011.

26 Toutefois, il convient de souligner qu’il ressort du libellé tant de l’article 7 du règlement no 492/2011, en vertu duquel le travailleur migrant ne peut pas être traité différemment sur le territoire « des autres États membres », que de l’article 10 de ce règlement, selon lequel les enfants du travailleur migrant sont traités sur le territoire « d’un autre État membre » dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État, que ces articles visent à protéger contre les discriminations
auxquelles le travailleur migrant et les membres de sa famille pourraient être confrontés dans l’État membre d’accueil.

27 Ainsi que l’a également relevé, en substance, Mme l’avocate générale aux points 56 et 57 de ses conclusions, si le travailleur migrant et les membres de sa famille peuvent se prévaloir du droit à l’égalité de traitement à l’égard des autorités de l’État membre d’accueil, tel n’est cependant pas le cas lorsque la situation, qui est susceptible d’être constitutive d’une discrimination, concerne l’État membre d’origine du travailleur.

28 Or, dans l’affaire au principal, le droit à l’égalité de traitement étant invoqué à l’égard des autorités de l’État membre d’origine, l’article 7 du règlement no 492/2011 n’est pas applicable.

29 Toutefois, nonobstant le fait que la situation en cause au principal ne relève pas du champ d’application de l’article 7 du règlement no 492/2011, il convient d’examiner cette situation au regard de l’article 45 TFUE qui interdit non seulement toute discrimination fondée sur la nationalité entre les travailleurs des États membres, mais également toute autre mesure susceptible de constituer une entrave à la libre circulation des travailleurs.

30 À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’ensemble des dispositions du traité FUE relatives à la libre circulation des personnes, ainsi que celles du règlement no 492/2011, visent à faciliter, pour les ressortissants des États membres, l’exercice d’activités professionnelles de toute nature sur le territoire de l’Union et s’opposent aux mesures qui pourraient défavoriser ces ressortissants lorsqu’ils souhaitent exercer une activité salariée sur le territoire d’un autre État membre (arrêt du
10 octobre 2019, Krah, C‑703/17, EU:C:2019:850, point 40 et jurisprudence citée).

31 Dans ce contexte, les ressortissants des États membres disposent, en particulier, du droit qu’ils tirent directement du traité de quitter leur État membre d’origine pour se rendre sur le territoire d’un autre État membre et y séjourner, afin d’y exercer une activité. En conséquence, l’article 45 TFUE s’oppose à toute mesure nationale qui est susceptible de gêner ou de rendre moins attrayant l’exercice, par les ressortissants de l’Union, de la liberté fondamentale garantie par cet article (arrêt
du 10 octobre 2019, Krah, C‑703/17, EU:C:2019:850, point 41 et jurisprudence citée).

32 En effet, ainsi que l’a rappelé Mme l’avocate générale au point 47 de ses conclusions, l’article 45 TFUE peut être invoqué à l’égard d’un État membre par ses propres ressortissants en ce qui concerne les mesures susceptibles d’empêcher ou de dissuader ces ressortissants de quitter leur pays d’origine.

33 Dans l’affaire au principal, le travailleur en cause, après avoir quitté son État membre d’origine pour travailler dans un autre État membre et y résider avec sa famille, est retourné vivre et travailler dans son État membre d’origine. Son enfant, en revanche, n’a jamais résidé dans ce dernier État membre, mais vit depuis sa naissance dans l’État membre d’accueil. En application de la réglementation de l’État membre d’origine, l’enfant d’un tel travailleur ne peut se voir octroyer, par ce dernier
État membre, une aide financière pour suivre des études dans l’État membre d’accueil que s’il présente un lien de rattachement avec l’État membre d’origine.

34 S’agissant de la question de savoir si une telle réglementation est susceptible de gêner ou de rendre moins attrayant l’exercice, par le travailleur concerné, de sa liberté de circulation, liberté fondamentale garantie par l’article 45 TFUE, il importe d’observer, comme l’a fait en substance valoir Mme l’avocate générale aux points 49 et 50 de ses conclusions, que, si ce travailleur souhaitait exercer cette liberté, l’octroi d’une aide financière aux études postsecondaires à l’étranger ne
dépendrait pas uniquement de ses choix, mais serait fonction également des choix de son enfant éventuellement à venir et d’une succession d’éléments futurs hypothétiques et aléatoires, à savoir en particulier que le travailleur ait effectivement un enfant à l’avenir, que son enfant choisisse de rester dans l’État membre d’accueil même si son parent décide de retourner dans son État membre d’origine, que son enfant ne soit pas intégré dans la société de ce dernier État membre et que son enfant
décide, le moment venu, d’entamer des études postsecondaires.

35 Par conséquent, une telle situation, qui repose sur un ensemble de circonstances trop aléatoires et indirectes, n’est pas en mesure d’exercer une influence sur le choix du travailleur d’exercer sa liberté de circulation et ne peut pas être considérée comme étant de nature à entraver la libre circulation des travailleurs (voir, en ce sens, arrêt du 13 mars 2019, Gemeinsamer Betriebsrat EurothermenResort Bad Schallerbach, C‑437/17, EU:C:2019:193, point 40 et jurisprudence citée).

36 Il découle de ce qui précède que la réglementation en cause au principal ne saurait être qualifiée d’entrave à la libre circulation des travailleurs, prohibée au titre de l’article 45 TFUE.

37 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 45 TFUE et l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 492/2011 doivent être interprétés en ce sens que ces dispositions ne s’opposent pas à une réglementation d’un État membre qui subordonne l’octroi, à l’enfant d’une personne qui a quitté l’État membre d’accueil dans lequel elle a travaillé pour retourner vivre dans le premier État membre dont elle est ressortissante, d’une aide
financière destinée à suivre des études dans l’État membre d’accueil, à la condition que l’enfant présente un lien de rattachement avec l’État membre d’origine, dans une situation dans laquelle, d’une part, l’enfant réside depuis sa naissance dans l’État membre d’accueil et, d’autre part, l’État membre d’origine soumet les autres ressortissants qui ne remplissent pas la condition de résidence et qui sollicitent une telle aide financière pour étudier dans un autre État membre à la condition tenant
à l’existence d’un lien de rattachement.

Sur les dépens

38 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit :

  L’article 45 TFUE et l’article 7, paragraphe 2, du règlement (UE) no 492/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2011, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union,

  doivent être interprétés en ce sens que :

  ces dispositions ne s’opposent pas à une réglementation d’un État membre qui subordonne l’octroi, à l’enfant d’une personne qui a quitté l’État membre d’accueil dans lequel elle a travaillé pour retourner vivre dans le premier État membre dont elle est ressortissante, d’une aide financière destinée à suivre des études dans l’État membre d’accueil, à la condition que l’enfant présente un lien de rattachement avec l’État membre d’origine, dans une situation dans laquelle, d’une part, l’enfant réside
depuis sa naissance dans l’État membre d’accueil et, d’autre part, l’État membre d’origine soumet les autres ressortissants qui ne remplissent pas la condition de résidence et qui sollicitent une telle aide financière pour étudier dans un autre État membre à la condition tenant à l’existence d’un lien de rattachement.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : le suédois.


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : C-638/20
Date de la décision : 24/11/2022
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par l'Överklagandenämnden för studiestöd.

Renvoi préjudiciel – Libre circulation des personnes – Article 45 TFUE – Égalité de traitement – Avantages sociaux – Règlement (UE) no 492/2011 – Article 7, paragraphe 2 – Aide financière pour études supérieures dans un autre État membre – Condition de résidence – Condition alternative d’intégration sociale pour les étudiants non-résidents – Situation d’un étudiant ressortissant de l’État octroyant le soutien, résidant depuis sa naissance dans l’État des études.

Libre circulation des travailleurs


Parties
Demandeurs : MCM
Défendeurs : Centrala studiestödsnämnden.

Composition du Tribunal
Avocat général : Medina
Rapporteur ?: Biltgen

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2022:916

Source

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