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17/11/2022 | CJUE | N°C-238/21

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Porr Bau GmbH contre Bezirkshauptmannschaft Graz-Umgebung., 17/11/2022, C-238/21


 ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

17 novembre 2022 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Environnement – Déchets – Directive 2008/98/CE – Article 3, point 1 – Article 5, paragraphe 1 – Article 6, paragraphe 1 – Matériaux d’excavation – Notions de “déchet” et de “sous-produit” – Cessation du statut de déchet »

Dans l’affaire C‑238/21,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Landesverwaltungsgericht Steiermark (tribunal administrat

if régional de Styrie, Autriche), par décision du 2 avril 2021, parvenue à la Cour le 13 avril 2021, dans la procédure

Porr Bau GmbH

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 ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

17 novembre 2022 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Environnement – Déchets – Directive 2008/98/CE – Article 3, point 1 – Article 5, paragraphe 1 – Article 6, paragraphe 1 – Matériaux d’excavation – Notions de “déchet” et de “sous-produit” – Cessation du statut de déchet »

Dans l’affaire C‑238/21,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Landesverwaltungsgericht Steiermark (tribunal administratif régional de Styrie, Autriche), par décision du 2 avril 2021, parvenue à la Cour le 13 avril 2021, dans la procédure

Porr Bau GmbH

contre

Bezirkshauptmannschaft Graz-Umgebung,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Arabadjiev (rapporteur), président de chambre, M. L. Bay Larsen, vice-président de la Cour, faisant fonction de juge de la première chambre, MM. P. G. Xuereb, A. Kumin et Mme I. Ziemele, juges,

avocat général : Mme L. Medina,

greffier : Mme S. Beer, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 23 mars 2022,

considérant les observations présentées :

– pour Porr Bau GmbH, par Me M. Walcher, Rechtsanwalt,

– pour le gouvernement autrichien, par Mmes F. Boldog, A. Kögl, M. A. Posch, Mmes J. Schmoll et E. Wolfslehner, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par Mme S. Bourgois, MM. C. Hermes et M. Ioan, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 22 juin 2022,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 novembre 2008, relative aux déchets et abrogeant certaines directives (JO 2008, L 312, p. 3).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Porr Bau GmbH (ci-après « Porr bau ») à la Bezirkshauptmannschaft Graz-Umgebung (autorité administrative du district de Graz-Umgebung) au sujet de la constatation, effectuée par cette dernière, selon laquelle des matériaux d’excavation déversés sur des surfaces agricoles constituaient des déchets.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 La directive 75/442/CEE du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets (JO 1975, L 194, p. 39), telle que modifiée par la directive 91/156/CEE du Conseil, du 18 mars 1991 (JO 1991, L 78, p. 32) (ci-après la « directive 75/442 »), avait, selon son troisième considérant, pour objectif essentiel la protection de la santé de l’homme et de l’environnement contre les effets préjudiciables causés par le ramassage, le transport, le traitement, le stockage et le dépôt des déchets. La directive 75/442
a été abrogée et remplacée par la directive 2006/12/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2006, relative aux déchets (JO 2006, L 114, p. 9), laquelle a été elle-même abrogée et remplacée par la directive 2008/98.

4 Les considérants 6, 8, 11, 22 et 29 de la directive 2008/98 énoncent :

« (6) L’objectif premier de toute politique en matière de déchets devrait être de réduire à un minimum les incidences négatives de la production et de la gestion des déchets sur la santé humaine et l’environnement. La politique dans le domaine des déchets devrait également viser à réduire l’utilisation de ressources et favoriser l’application pratique d’une hiérarchie des déchets.

[...]

(8) [...] En outre, il y a lieu d’encourager la valorisation des déchets et l’utilisation des matériaux de valorisation afin de préserver les ressources naturelles. [...]

[...]

(11) Le statut de déchet des sols non pollués et autres matériaux géologiques naturels excavés qui sont utilisés dans d’autres sites que celui de leur excavation devrait être apprécié conformément à la définition des déchets et aux dispositions concernant les sous-produits ou le statut de fin de la qualité de déchet au titre de la présente directive.

[...]

(22) [...] Pour clarifier certains aspects de la définition des déchets, la présente directive devrait préciser :

[...]

– à partir de quel moment certains déchets cessent d’être des déchets, en définissant des critères de « fin de la qualité de déchet » qui assurent un niveau élevé de protection de l’environnement et un avantage sur le plan environnemental et économique ; au nombre des catégories de déchets pour lesquels pourraient être élaborés des spécifications et des critères déterminant à partir de quel moment un déchet cesse de l’être, pourraient figurer notamment les déchets de construction et de
démolition [...] Aux fins de l’obtention du statut de fin de la qualité de déchet, une opération de valorisation peut simplement consister à contrôler le déchet pour vérifier s’il répond au critère déterminant à partir de quel moment un déchet cesse de l’être.

[...]

(29) Les États membres devraient soutenir l’utilisation des matières recyclées, telles que le papier recyclé, conformément à la hiérarchie des déchets et afin de mettre en place une société du recyclage, et, dans la mesure du possible, ne devraient pas soutenir la mise en décharge ou l’incinération des matières recyclables. »

5 Le chapitre I de cette directive, intitulé « Objet, champ d’application et définitions », comprend les articles 1er à 7 de celle-ci.

6 L’article 1er de ladite directive est ainsi libellé :

« La présente directive établit des mesures visant à protéger l’environnement et la santé humaine par la prévention ou la réduction des effets nocifs de la production et de la gestion des déchets, et par une réduction des incidences globales de l’utilisation des ressources et une amélioration de l’efficacité de cette utilisation. »

7 L’article 3 de la même directive, intitulé « Définitions », prévoit :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

1) “déchets” : toute substance ou tout objet dont le détenteur se défait ou dont il a l’intention ou l’obligation de se défaire ;

[...]

15) “valorisation” : toute opération dont le résultat principal est que des déchets servent à des fins utiles en remplaçant d’autres matières qui auraient été utilisées à une fin particulière, ou que des déchets soient préparés pour être utilisés à cette fin, dans l’usine ou dans l’ensemble de l’économie. L’annexe II énumère une liste non exhaustive d’opérations de valorisation ;

16) “préparation en vue du réemploi” : toute opération de contrôle, de nettoyage ou de réparation en vue de la valorisation, par laquelle des produits ou des composants de produits qui sont devenus des déchets sont préparés de manière à être réutilisés sans autre opération de prétraitement ;

[...]

19) “élimination” : toute opération qui n’est pas de la valorisation même lorsque ladite opération a comme conséquence secondaire la récupération de substances ou d’énergie. L’annexe I énumère une liste non exhaustive d’opérations d’élimination ;

[...] »

8 L’article 4 de la directive 2008/98, intitulé « Hiérarchie des déchets », est libellé comme suit :

« 1.   La hiérarchie des déchets ci-après s’applique par ordre de priorité dans la législation et la politique en matière de prévention et de gestion des déchets :

a) prévention ;

b) préparation en vue du réemploi ;

c) recyclage ;

d) autre valorisation, notamment valorisation énergétique ; et

e) élimination.

2.   Lorsqu’ils appliquent la hiérarchie des déchets visée au paragraphe 1, les États membres prennent des mesures pour encourager les solutions produisant le meilleur résultat global sur le plan de l’environnement [...]

[...] »

9 L’article 5 de cette directive, intitulé « Sous-produits », énonce, à son paragraphe 1 :

« Une substance ou un objet issu d’un processus de production dont le but premier n’est pas la production dudit bien ne peut être considéré comme un sous-produit et non comme un déchet au sens de l’article 3, point 1, que si les conditions suivantes sont remplies :

a) l’utilisation ultérieure de la substance ou de l’objet est certaine ;

b) la substance ou l’objet peut être utilisé directement sans traitement supplémentaire autre que les pratiques industrielles courantes ;

c) la substance ou l’objet est produit en faisant partie intégrante d’un processus de production ; et

d) l’utilisation ultérieure est légale, c’est-à-dire que la substance ou l’objet répond à toutes les prescriptions pertinentes relatives au produit, à l’environnement et à la protection de la santé prévues pour l’utilisation spécifique et n’aura pas d’incidences globales nocives pour l’environnement ou la santé humaine. »

10 Aux termes de l’article 6 de ladite directive, intitulé « Fin de statut de déchet » :

« 1.   Certains déchets cessent d’être des déchets au sens de l’article 3, point 1, lorsqu’ils ont subi une opération de valorisation ou de recyclage et répondent à des critères spécifiques à définir dans le respect des conditions suivantes :

a) la substance ou l’objet est couramment utilisé à des fins spécifiques ;

b) il existe un marché ou une demande pour une telle substance ou un tel objet ;

c) la substance ou l’objet remplit les exigences techniques aux fins spécifiques et respecte la législation et les normes applicables aux produits ; et

d) l’utilisation de la substance ou de l’objet n’aura pas d’effets globaux nocifs pour l’environnement ou la santé humaine.

Les critères comprennent des valeurs limites pour les polluants, si nécessaire, et tiennent compte de tout effet environnemental préjudiciable éventuel de la substance ou de l’objet.

[...]

4.   Si aucun critère n’a été défini au niveau communautaire au titre de la procédure visée aux paragraphes 1 et 2, les États membres peuvent décider au cas par cas si certains déchets ont cessé d’être des déchets en tenant compte de la jurisprudence applicable. [...] »

11 L’article 11 de même directive, intitulé « Réemploi et recyclage », prévoit, à son paragraphe 2 :

« Afin de se conformer aux objectifs de la présente directive et de tendre vers une société européenne du recyclage, avec un niveau élevé de rendement des ressources, les États membres prennent les mesures nécessaires pour parvenir aux objectifs suivants :

[...]

b) d’ici 2020, la préparation en vue du réemploi, le recyclage et les autres formules de valorisation de matière, y compris les opérations de remblayage qui utilisent des déchets au lieu d’autres matériaux, des déchets non dangereux de construction et de démolition, à l’exclusion des matériaux géologiques naturels définis dans la catégorie 17 05 04 de la liste des déchets, passent à un minimum de 70 % en poids. »

12 Au nombre des opérations de valorisation énumérées à l’annexe II de la directive 2008/98 figure, notamment, celle d’« [é]pandage sur le sol au profit de l’agriculture ou de l’écologie ».

Le droit autrichien

13 L’article 2, paragraphe 1, de l’Abfallwirtschaftsgesetz 2002 (loi fédérale relative à la gestion des déchets de 2002) prévoit :

« Aux fins de la présente loi fédérale, on entend par déchets, des biens meubles :

1. dont le détenteur a l’intention de se défaire ou s’est défait, ou

2. dont la collecte, le stockage, le transport et le traitement en tant que déchets sont nécessaires afin de ne pas porter atteinte aux intérêts publics (article 1er, paragraphe 3). »

14 Aux termes de l’article 5, paragraphe 1, de cette loi :

« Sauf disposition contraire prévue dans un règlement visé au paragraphe 2 ou dans un règlement visé à l’article 6, paragraphe 2, de la directive 2008/98 relative aux déchets, les substances usagées sont réputées être des déchets jusqu’à ce qu’elles-mêmes ou les substances qui en sont tirées soient directement utilisées comme substituts de matières premières ou de produits obtenus à partir de matières premières primaires. En cas de préparation en vue du réemploi au sens de l’article 2,
paragraphe 5, point 6, la fin du statut de déchet intervient à la fin de cette opération de valorisation. »

Les faits du litige au principal et les questions préjudicielles

15 Plusieurs agriculteurs se sont adressés à Porr Bau afin d’obtenir d’elle des matériaux d’excavation en vue d’une remise en culture de sols ou d’une amélioration de surfaces agricoles en production. À ce moment, il n’était pas certain que cette entreprise serait en mesure de satisfaire à leur demande. Cette dernière a conduit Porr Bau à sélectionner, par la suite, un projet de construction approprié et à en extraire ces matériaux. Cette société a ainsi fourni les matériaux demandés, à savoir des
matériaux d’excavation non contaminés de la classe de qualité A 1, qui est, en vertu du droit autrichien, la classe de qualité la plus élevée pour les excavations de sol. Conformément à ce droit, l’utilisation de tels matériaux est appropriée pour de tels aménagements de terrain et licite.

16 Le 4 mai 2018, Porr Bau a demandé à l’autorité administrative du district de Graz-Umgebung de constater que les matériaux d’excavation qu’elle avait fournis ne constituaient pas des déchets et, à titre subsidiaire, que les travaux envisagés ne constituaient pas une activité soumise à une obligation de contribution pour site contaminé.

17 Par une décision du 14 septembre 2020, cette autorité a constaté que lesdits matériaux constituaient des déchets, au sens de l’article 2, paragraphe 1, de la loi fédérale relative à la gestion des déchets de 2002, et que leur statut de déchet n’avait pas pris fin, au motif principal que des critères formels prévus par le plan fédéral de gestion des déchets n’avaient pas été respectés.

18 Saisi par Porr Bau d’un recours contre cette décision, le Landesverwaltungsgericht Steiermark (tribunal administratif régional de Styrie, Autriche) se demande si les matériaux d’excavation en cause doivent être qualifiés de « déchets » au sens de la directive 2008/98. En outre, cette juridiction relève que, dans cette hypothèse, elle devra examiner si ce statut a pris fin.

19 Ladite juridiction souligne que lesdits matériaux ont été soumis à une opération de contrôle, de telle sorte qu’ils peuvent être directement utilisés. Elle indique que, en l’occurrence, ils ont été utilisés dans un but d’amélioration de la structure agricole, qu’il existait un besoin en matériaux, que les exigences techniques ont été respectées et que, par ailleurs, il n’y a pas eu d’effets nocifs sur l’environnement ou sur la santé. En outre, une telle approche aurait pour but la prévention des
déchets et la substitution de tels matériaux à des matières premières.

20 La juridiction de renvoi indique que, selon le droit autrichien, seules deux activités mettent fin au statut de déchet, à savoir, d’une part, la préparation en vue du réemploi par contrôle, nettoyage ou réparation, et, d’autre part, l’utilisation effective des matériaux concernés afin de se substituer à des matières premières. Concernant les matériaux d’excavation, les critères applicables seraient plus restrictifs, la préparation en vue du réemploi ne mettant pas fin à leur statut de déchet.
Ainsi, cette juridiction considère que, selon l’état du droit actuellement en vigueur en Autriche et selon l’interprétation communément retenue, la fin du statut de déchet est restreinte de manière contraire au droit de l’Union.

21 En effet, bien que les matériaux d’excavation en cause relèvent de la classe de qualité la plus élevée et qu’ils soient appropriés, au niveau technique et juridique, aux fins de l’amélioration des surfaces agricoles en cause, les critères formels prévus par le plan fédéral de gestion des déchets, interprétés strictement, pourraient faire obstacle à la cessation du statut de déchet de ces matériaux.

22 Ce faisant, selon la juridiction de renvoi, une activité, telle qu’une amélioration de surfaces agricoles à l’aide de matériaux d’excavation, qui sert à la substitution de matières premières et s’impose en vertu de la hiérarchie des déchets prévue par la directive 2008/98, est empêchée. Cela créerait une incitation, contraire aux objectifs poursuivis par cette directive, à utiliser des matières premières primaires et à mettre en décharge des matières premières secondaires, telles que des
matériaux d’excavation, parfaitement appropriées à la valorisation.

23 Dans ces conditions, le Landesverwaltungsgericht Steiermark (tribunal administratif régional de Styrie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Une réglementation nationale en vertu de laquelle le statut de déchet prend fin seulement lorsque les déchets ou les substances usagées ou encore les substances qui en sont tirées sont directement utilisés comme substituts à des matières premières ou à des produits obtenus à partir de matières premières primaires ou lorsqu’ils ont été préparés en vue d’un réemploi est-elle contraire à l’article 6, paragraphe 1, de la directive [2008/98] ?

En cas de réponse négative à la première question :

2) Une réglementation nationale en vertu de laquelle, s’agissant de matériaux d’excavation, le statut de déchet peut prendre fin au plus tôt par la substitution de matières premières ou de produits fabriqués à partir de matières premières primaires est-elle contraire à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2008/98 ?

En cas de réponse négative aux première et/ou deuxième questions :

3) Une réglementation nationale qui prévoit, s’agissant de matériaux d’excavation, que le statut de déchet ne peut pas prendre fin à défaut de respect, total ou partiel, de critères formels (notamment d’obligations en matière de relevés et de documents) qui sont dépourvus d’incidence environnementale pertinente sur la mesure mise en œuvre, et ce bien que ces matériaux d’excavation soient de manière avérée inférieurs aux valeurs limites (classe de qualité) à respecter pour l’usage concret prévu,
est-elle contraire à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2008/98 ? »

Sur les questions préjudicielles

24 À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la procédure de coopération entre les juridictions nationales et la Cour, instituée à l’article 267 TFUE, il appartient à celle-ci de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. Dans cette optique, il incombe, le cas échéant, à la Cour de reformuler la question qui lui est soumise. En outre, la Cour peut être amenée à prendre en considération
des normes du droit de l’Union auxquelles le juge national n’a pas fait référence dans l’énoncé de sa question (arrêt du 1er août 2022, Uniqa Asigurări, C‑267/21, EU:C:2022:614, point 21 et jurisprudence citée).

25 Il incombe également à la Cour de répondre aux questions posées en se fondant sur la réglementation nationale et le cadre factuel définis par la juridiction de renvoi, seule compétente à cet égard, et de lui fournir tous les éléments d’interprétation relevant du droit de l’Union qui peuvent lui permettre d’apprécier la conformité de cette réglementation avec les dispositions de la directive concernée (voir, en ce sens, arrêt du 10 février 2022, Philips Orăştie, C‑487/20, EU:C:2022:92, point 21 et
jurisprudence citée).

26 En l’occurrence, la juridiction de renvoi exprime des doutes quant à la question de savoir si les matériaux d’excavation en cause au principal constituent des « déchets », au sens de l’article 3, point 1, de la directive 2008/98. Cette juridiction relève, en effet, que l’un des objets du litige dont elle est saisie est de savoir si des matériaux d’excavation non contaminés, relevant, en vertu de la réglementation nationale, de la classe de qualité la plus élevée doivent être qualifiés de
« déchets ».

27 Le gouvernement autrichien fait valoir que, en vertu du droit autrichien, lorsque des matériaux sont excavés ou démolis au cours d’un projet de construction, le promoteur de la construction a généralement pour objectif principal de réaliser ce projet sans être gêné par ces matériaux, de sorte que ces derniers seraient enlevés du site en cause dans l’intention de s’en défaire.

28 Porr Bau considère que tel n’est pas le cas en l’occurrence et fait valoir que les matériaux d’excavation en cause au principal pourraient répondre aux conditions prévues à l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2008/98 et ainsi être qualifiés de « sous-produits ».

29 Dans l’hypothèse où ces matériaux devraient néanmoins être qualifiés de « déchets », la juridiction de renvoi indique qu’il conviendra de soumettre ceux-ci à une contribution pour site contaminé ainsi que d’examiner si et, le cas échéant, à quel moment, le statut de déchet desdits matériaux a pris fin.

30 Il convient, à cet égard, de constater que, aux termes du considérant 11 de la directive 2008/98, le statut de déchet des sols non pollués et autres matériaux géologiques naturels excavés qui sont utilisés dans d’autres sites que celui de leur excavation devrait être apprécié conformément à la définition des déchets et aux dispositions concernant les sous-produits ou le statut de fin de la qualité de déchet au titre de la même directive.

31 Partant, afin de fournir une réponse utile à la juridiction de renvoi, il convient de considérer que, par ses questions, qu’il convient de traiter ensemble, cette juridiction demande, en substance, si l’article 3, point 1, l’article 5, paragraphe 1, et l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2008/98 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale en vertu de laquelle des matériaux d’excavation non contaminés, relevant, en vertu du droit national, de la
classe de qualité la plus élevée, d’une part, doivent être qualifiés de « déchets » alors même qu’il serait constaté que ces matériaux relèvent de la notion de « sous-produits » et, d’autre part, ne perdent ce statut de déchet que lorsqu’ils sont directement utilisés comme substituts et que leur détenteur satisfait à des critères formels dépourvus de pertinence aux fins de la protection de l’environnement.

Sur la qualification des matériaux d’excavation en tant que « déchet » ou en tant que « sous-produit »

32 L’article 3 de la directive 2008/98 définit la notion de « déchet » comme étant toute substance ou tout objet dont le détenteur se défait ou dont il a l’intention ou l’obligation de se défaire.

33 À cet égard, la Cour a itérativement jugé que la qualification de « déchet » résulte avant tout du comportement du détenteur et de la signification des termes « se défaire » (arrêt du 14 octobre 2020, Sappi Austria Produktion et Wasserverband « Region Gratkorn-Gratwein », C‑629/19, EU:C:2020:824, point 42 ainsi que jurisprudence citée).

34 S’agissant de l’expression « se défaire », il découle d’une jurisprudence constante que cette expression doit être interprétée en tenant compte de l’objectif de la directive 2008/98, lequel consiste, selon le considérant 6 de celle-ci, en la réduction à un minimum des incidences négatives de la production et de la gestion des déchets sur la santé humaine et l’environnement, ainsi qu’à la lumière de l’article 191, paragraphe 2, TFUE, qui dispose que la politique de l’Union dans le domaine de
l’environnement vise un niveau de protection élevé et est fondée, notamment, sur les principes de précaution et d’action préventive. Il s’ensuit que les termes « se défaire », et donc la notion de « déchet », au sens de l’article 3, point 1, de la directive 2008/98, ne sauraient être interprétés de manière restrictive (arrêt du 4 juillet 2019, Tronex, C‑624/17, EU:C:2019:564, point 18 et jurisprudence citée).

35 Plus spécifiquement, l’existence d’un « déchet », au sens de la directive 2008/98, doit être vérifiée au regard de l’ensemble des circonstances, dont certaines peuvent constituer des indices de l’existence d’une action, d’une intention ou d’une obligation de se défaire d’une substance ou d’un objet, au sens de l’article 3, point 1, de la directive 2008/98 (voir, en ce sens, arrêt du 14 octobre 2020, Sappi Austria Produktion et Wasserverband  Region Gratkorn-Gratwein , C‑629/19, EU:C:2020:824,
point 45 ainsi que jurisprudence citée).

36 Parmi les circonstances pouvant constituer de tels indices figure le fait que la substance considérée est un résidu de production ou de consommation, à savoir un produit qui n’a pas été recherché comme tel, et dont l’utilisation éventuelle doit se faire dans des conditions particulières de précaution en raison du caractère dangereux de sa composition pour l’environnement (arrêt du 14 octobre 2020, Sappi Austria Produktion et Wasserverband  Region Gratkorn-Gratwein , C‑629/19, EU:C:2020:824,
points 46 et 47 ainsi que jurisprudence citée).

37 En outre, il ressort de la jurisprudence de la Cour que la méthode de traitement ou le mode d’utilisation d’une substance ne sont pas déterminants pour la qualification ou non de « déchet » de cette substance et que la notion de « déchet » n’exclut pas les substances ni les objets susceptibles de réutilisation économique. Le système de surveillance et de gestion établi par la directive 2008/98 vise, en effet, à couvrir toutes les substances et tous les objets dont le propriétaire se défait, même
s’ils ont une valeur commerciale et sont collectés à titre commercial aux fins de recyclage, de récupération ou de réutilisation (arrêt du 14 octobre 2020, Sappi Austria Produktion et Wasserverband  Region Gratkorn-Gratwein , C‑629/19, EU:C:2020:824, point 48 ainsi que jurisprudence citée).

38 Il convient, en outre, de prêter une attention particulière à la circonstance que la substance ou l’objet en question n’a pas ou n’a plus d’utilité pour son détenteur, de telle sorte que cette substance ou cet objet constitue une charge dont ce détenteur chercherait à se défaire. Si tel est effectivement le cas, il existe un risque de voir ce détenteur se défaire de la substance ou de l’objet en sa possession d’une manière susceptible de causer un préjudice à l’environnement, notamment en
l’abandonnant, en le rejetant ou en l’éliminant d’une manière incontrôlée. En relevant de la notion de « déchet », au sens de la directive 2008/98, cette substance ou cet objet est soumis aux dispositions de cette directive, ce qui implique que la valorisation ou l’élimination de ladite substance ou dudit objet devra être effectuée de manière à ce que la santé de l’homme ne soit pas mise en danger et sans que soient utilisés des procédés ou des méthodes susceptibles de porter préjudice à
l’environnement (arrêt du 14 octobre 2020, Sappi Austria Produktion et Wasserverband  Region Gratkorn-Gratwein , C‑629/19, EU:C:2020:824, point 49 ainsi que jurisprudence citée).

39 À cet égard, le degré de probabilité de réutilisation d’une substance ou d’un objet sans opération de transformation préalable constitue un critère pertinent aux fins d’apprécier s’ils constituent ou non un déchet au sens de la directive 2008/98. Si, au-delà de la simple possibilité de réutiliser la substance ou l’objet concerné, il existe un avantage économique pour le détenteur à le faire, la probabilité d’une telle réutilisation est forte. Dans une telle hypothèse, la substance ou l’objet en
cause peut être analysé non plus comme une charge dont le détenteur chercherait à « se défaire », mais comme un authentique produit (voir, en ce sens, arrêt du 14 octobre 2020, Sappi Austria Produktion et Wasserverband  Region Gratkorn-Gratwein , C‑629/19, EU:C:2020:824, point 50 ainsi que jurisprudence citée).

40 En effet, dans certaines situations, une substance ou un objet résultant d’un processus d’extraction ou de fabrication qui n’est pas destiné principalement à le produire peut constituer non pas un résidu, mais un sous-produit, dont le détenteur ne cherche pas à « se défaire », au sens de l’article 3, point 1, de la directive 2008/98, mais qu’il entend exploiter ou commercialiser – y compris, le cas échéant, pour les besoins d’opérateurs économiques autres que celui qui l’a produit – dans des
conditions avantageuses pour lui, dans un processus ultérieur, à la condition que cette réutilisation soit non pas seulement éventuelle mais certaine, sans transformation préalable, et dans la continuité du processus de production (voir, en ce sens, arrêt du 14 octobre 2020, Sappi Austria Produktion et Wasserverband  Region Gratkorn-Gratwein , C‑629/19, EU:C:2020:824, point 51 ainsi que jurisprudence citée).

41 Ainsi que la Cour l’a jugé, il ne serait en effet aucunement justifié de soumettre aux exigences de la directive 2008/98, qui visent à assurer que les opérations de valorisation et d’élimination des déchets soient mises en œuvre sans mettre en danger la santé de l’homme et sans que soient utilisés des procédés ou des méthodes susceptibles de porter préjudice à l’environnement, des substances ou des objets que le détenteur entend exploiter ou commercialiser dans des conditions avantageuses,
indépendamment d’une quelconque opération de valorisation. Cependant, eu égard à l’obligation de procéder à une interprétation large de la notion de « déchet », il convient de considérer que seules sont ainsi visées les situations dans lesquelles la réutilisation de la substance ou de l’objet en question est non pas seulement éventuelle, mais certaine, sans qu’il soit nécessaire à cette fin de recourir au préalable à l’un des procédés de valorisation des déchets visés à l’annexe II de la
directive 2008/98, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier (voir, en ce sens, arrêt du 14 octobre 2020, Sappi Austria Produktion et Wasserverband  Region Gratkorn-Gratwein , C‑629/19, EU:C:2020:824, point 52 ainsi que jurisprudence citée).

42 Il ressort en effet de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2008/98 qu’un « sous-produit » est une substance ou un objet issu d’un processus de production dont le but premier n’est pas de produire cette substance ou cet objet et qui remplit un certain nombre de conditions énumérées à cet article 5, paragraphe 1, sous a) à d).

43 Ainsi qu’il découle de cette disposition, une substance ou un objet issu d’un processus de production dont le but premier n’est pas la production de cette substance ou de ce produit peut être considéré comme étant non pas un « déchet », au sens de l’article 3, point 1, de cette directive, mais un « sous-produit », uniquement si les conditions cumulatives suivantes sont remplies. Premièrement, l’utilisation ultérieure de la substance ou de l’objet doit être certaine. Deuxièmement, la substance ou
l’objet doit pouvoir être utilisé directement sans traitement supplémentaire autre que les pratiques industrielles courantes. Troisièmement, la substance ou l’objet doit être produit en faisant partie intégrante d’un processus de production. Quatrièmement, l’utilisation ultérieure doit être légale, c’est-à-dire que la substance ou l’objet doit répondre à toutes les prescriptions pertinentes relatives au produit, à l’environnement et à la protection de la santé prévues pour l’utilisation
spécifique et n’aura pas d’incidences globales nocives pour l’environnement ou la santé humaine.

44 Une substance ou un objet qui constitue un « sous-produit », au sens de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2008/98, n’est pas considéré comme étant un déchet relevant du champ d’application de cette directive. Ainsi, selon cette disposition, la qualité de « sous-produit » et le statut de « déchet » s’excluent mutuellement (voir, en ce sens, arrêt du 14 octobre 2020, Sappi Austria Produktion et Wasserverband  Region Gratkorn-Gratwein , C‑629/19, EU:C:2020:824, point 71).

45 À cet égard, la Cour a considéré que ne constituait pas un déchet, au sens de cette directive, du coke de pétrole produit volontairement, ou résultant de la production simultanée d’autres substances combustibles pétrolières, dans une raffinerie de pétrole et utilisé avec certitude comme combustible pour les besoins énergétiques de cette raffinerie et ceux d’autres industriels. Des effluents d’élevage peuvent, dans les mêmes conditions, échapper à la qualification de « déchets », s’ils sont
utilisés comme fertilisants des sols dans le cadre d’une pratique légale d’épandage sur des terrains bien identifiés et si le stockage dont ils font l’objet est limité aux besoins de ces opérations d’épandage (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2005, Commission/Espagne, C‑121/03, EU:C:2005:512, points 59 et 60 ainsi que jurisprudence citée).

46 Il appartient à la juridiction de renvoi, seule compétente pour apprécier les faits de l’affaire dont elle est saisie, de vérifier si, au regard des considérations rappelées aux points 32 à 39 du présent arrêt, Porr Bau avait effectivement l’intention de se « défaire » des matériaux d’excavation en cause au principal, de sorte qu’ils constitueraient des déchets, au sens de l’article 3, point 1, de la directive 2008/98.

47 Il incombe, en particulier, à cette juridiction de vérifier si ces matériaux d’excavation constituaient une charge dont cette entreprise de construction cherchait à se défaire, de sorte qu’il existerait un risque que ce dernier s’en défasse d’une manière susceptible de causer un préjudice à l’environnement, notamment en les abandonnant, en les rejetant ou en les éliminant d’une manière incontrôlée.

48 Cela étant, il revient à la Cour de fournir à ladite juridiction toute indication utile afin de résoudre le litige qui lui est soumis (voir, en ce sens, arrêt du 14 octobre 2020, Sappi Austria Produktion et Wasserverband  Region Gratkorn-Gratwein , C‑629/19, EU:C:2020:824, point 53 ainsi que jurisprudence citée).

49 En l’occurrence, il ressort des éléments portés à la connaissance de la Cour que, avant même l’excavation des matériaux en cause au principal, il existait une demande expresse, formulée par les exploitants agricoles locaux, de fourniture de tels matériaux. Après que des projets de construction appropriés se sont présentés, rendant les matériaux d’excavation demandés disponibles, cette demande aurait abouti à un engagement, de la part de Porr Bau, de mettre à disposition ces matériaux
d’excavation, assorti d’une convention en vertu de laquelle cette entreprise exécuterait, au moyen de ceux-ci, des travaux de remise en culture et d’amélioration de terres et de surfaces agricoles dûment identifiées. De tels éléments, s’ils sont avérés, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer, ne paraissent pas de nature à établir l’intention de l’entreprise de construction concernée de se défaire desdits matériaux.

50 Il convient dès lors d’examiner si les matériaux d’excavation en cause au principal doivent être qualifiés de « sous-produit », au sens de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2008/98.

51 C’est à la juridiction de renvoi qu’il appartient de vérifier que l’ensemble des conditions prévues à cette disposition, rappelées au point 43 du présent arrêt, sont satisfaites.

52 Pour ce qui concerne, en premier lieu, la condition énoncée à l’article 5, paragraphe 1, sous a), de cette directive, selon laquelle l’utilisation ultérieure de la substance ou de l’objet est certaine, il incombera en l’occurrence à cette juridiction de vérifier que les exploitants agricoles concernés se sont fermement engagés, auprès de Porr Bau, à prendre livraison des matériaux d’excavation en cause au principal aux fins de s’en servir pour réaliser des travaux de remise en culture et
d’amélioration de terres et de surfaces agricoles, mais également que ces matériaux ainsi que les quantités livrées ont effectivement été destinés à la réalisation desdits travaux et strictement limités aux besoins de celle-ci.

53 Dans l’hypothèse où lesdits matériaux n’auraient pas été fournis immédiatement, il convient d’admettre un stockage d’une durée raisonnable permettant leur entreposage temporaire, jusqu’à la réalisation des travaux auxquels ils sont destinés. Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence rappelée au point 45 du présent arrêt, cette durée de stockage ne doit toutefois pas excéder ce qui est requis pour que l’entreprise concernée soit à même d’exécuter ses obligations contractuelles (voir, en ce sens,
arrêt du 3 octobre 2013, Brady, C‑113/12, EU:C:2013:627, point 45 et jurisprudence citée).

54 En ce qui concerne, en deuxième lieu, la condition prévue à l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive 2008/98, selon laquelle la substance ou l’objet doit pouvoir être utilisé directement sans traitement supplémentaire autre que les pratiques industrielles courantes, il y a lieu de rappeler qu’il ressort de la décision de renvoi que les matériaux d’excavation en cause au principal ont fait l’objet d’un contrôle de qualité attestant qu’il s’agit de matériaux non contaminés relevant de la
classe de qualité la plus élevée et sont reconnus comme tels par le droit national. Il appartient néanmoins à la juridiction de renvoi de s’assurer que ces matériaux n’ont nécessité aucune transformation ou traitement avant leur utilisation ultérieure.

55 En troisième lieu, quant à la condition prévue à l’article 5, paragraphe 1, sous c), de la directive 2008/98 et à la question de savoir si lesdits matériaux font partie intégrante du processus de production de Porr Bau, il convient, à l’instar de Mme l’avocate générale aux points 41 et 47 de ses conclusions, de relever que les sols d’excavation résultent de l’une des premières étapes habituellement entreprises dans une opération de construction en tant qu’activité économique ayant pour
conséquence la transformation des terres.

56 S’agissant, en quatrième lieu, de la condition selon laquelle l’utilisation ultérieure de la substance ou de l’objet en cause doit être légale, l’article 5, paragraphe 1, sous d), de la directive 2008/98 exige notamment que la substance ou l’objet réponde à toutes les prescriptions pertinentes relatives au produit, à l’environnement et à la protection de la santé prévues pour l’utilisation spécifique et n’ait pas d’incidences globales nocives pour l’environnement ou la santé humaine.

57 Il convient, à cet égard, de rappeler que, selon les indications figurant dans la décision de renvoi, les matériaux d’excavation en cause au principal avaient été classés, à la suite d’une analyse de qualité effectuée avant leur réemploi, comme relevant de la classe de qualité la plus élevée de matériaux d’excavation non contaminés, telle que définie par la législation autrichienne, notamment dans le cadre du plan fédéral de gestion des déchets, qui prévoit des exigences spécifiques concernant la
réduction des quantités de déchets, de leurs polluants et de leurs effets nocifs sur l’environnement et la santé humaine. Ce plan prévoirait également que l’utilisation de matériaux d’excavation non contaminés de la classe de qualité la plus élevée est appropriée et autorisée aux fins de remise en culture et d’amélioration de terres.

58 Cette utilisation est, en principe, conforme aux objectifs de la directive 2008/98. Il y a lieu, en effet, de relever que l’utilisation de terres de déblais et d’excavation sous forme de matériaux de construction, dans la mesure où celles-ci répondent à de strictes exigences de qualité, présente un avantage significatif pour l’environnement car elle contribue, ainsi que l’exige l’article 11, paragraphe 2, sous b), de cette directive, à la réduction des déchets, à la préservation des ressources
naturelles ainsi qu’au développement d’une économie circulaire.

59 En outre, ainsi que Mme l’avocate générale l’a relevé au point 73 de ses conclusions, il y a lieu de considérer que l’utilisation de matériaux d’excavation relevant de la classe de qualité la plus élevée, aux fins de remise en culture et d’amélioration de terres agricoles, permet de respecter la hiérarchie des déchets établie à l’article 4 de ladite directive.

60 Dans l’hypothèse inverse, où elle parviendrait à la conclusion selon laquelle les matériaux d’excavation en cause au principal constituent des « déchets », au sens de l’article 3, point 1, de la directive 2008/98, la juridiction de renvoi demande si l’article 6, paragraphe 1, de cette directive doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle le statut de déchet de tels matériaux ne prend fin que lorsqu’ils sont directement utilisés comme
substituts et que leur détenteur satisfait à des critères formels dépourvus de pertinence aux fins de la protection de l’environnement.

Sur la fin du statut de déchet des matériaux d’excavation

61 En vertu de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2008/98, certains déchets déterminés cessent d’être des déchets lorsqu’ils ont subi une opération de valorisation ou de recyclage. La fin du statut de déchet est également subordonnée à des critères spécifiques devant être définis dans le respect de plusieurs conditions. Premièrement, la substance ou l’objet en cause doit être couramment utilisé à des fins spécifiques. Deuxièmement, il doit exister un marché ou une demande pour une telle
substance ou un tel objet. Troisièmement, la substance ou l’objet doit remplir les exigences techniques aux fins spécifiques et respecter la législation et les normes applicables aux produits. Quatrièmement, l’utilisation de la substance ou de l’objet ne doit pas avoir d’effets globaux nocifs pour l’environnement ou la santé humaine.

62 La juridiction de renvoi relève que l’article 5, paragraphe 1, de la loi fédérale relative à la gestion des déchets de 2002 prévoit que le statut de déchet des substances usagées ou des substances qui en sont tirées prend fin lorsque ces substances sont directement utilisées comme substituts à des matières premières ou à des produits obtenus à partir de matières premières primaires, ou au terme de leur préparation en vue du réemploi.

63 Cependant, en ce qui concerne les matériaux d’excavation, cette juridiction souligne que ce statut de déchet ne prend fin que lorsque ces matériaux ont été utilisés comme substituts à des matières premières ou à des produits obtenus à partir de matières premières primaires.

64 Par ailleurs, ladite juridiction relève, d’une part, que la valorisation par préparation en vue du réemploi ne met pas fin au statut de déchet de tels matériaux. D’autre part, pour que ce statut prenne fin, des exigences formelles, telles que des obligations en matière de relevés et de documents, qui seraient dépourvues de pertinence aux fins de la protection de l’environnement, devraient être remplies, conformément au plan fédéral de gestion des déchets.

65 Il convient donc de vérifier si l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2008/98 s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle le statut de déchet de matériaux d’excavation non contaminés, relevant, en vertu du droit national, de la classe de qualité la plus élevée prend fin uniquement lorsqu’ils ont été utilisés comme substitut à des matières premières et après qu’il a été satisfait à de telles exigences formelles.

66 En premier lieu, il convient de relever que, si, au nombre des opérations de valorisation énumérées à l’annexe II de la directive 2008/98 figure celle d’« [é]pandage sur le sol au profit de l’agriculture ou de l’écologie », il ressort du considérant 22 de cette directive que, aux fins de l’obtention du statut de fin de la qualité de déchet, une opération de valorisation peut simplement consister à contrôler le déchet pour vérifier s’il répond au critère déterminant à partir de quel moment un
déchet cesse de l’être.

67 Ainsi que Mme l’avocate générale l’a relevé au point 65 de ses conclusions, ce considérant trouve son expression à l’article 3, point 16, de la directive 2008/98, qui définit la notion de « préparation en vue du réemploi » comme toute opération de « contrôle, de nettoyage ou de réparation » en vue de la valorisation, par laquelle des produits ou des composants de produits qui sont devenus des déchets sont préparés de manière à être réutilisés sans autre opération de prétraitement. Cette
disposition qualifie expressément de valorisation les opérations de « préparation en vue du réemploi ».

68 Dès lors, il y a lieu de considérer qu’un examen visant à déterminer la qualité et la présence de pollution ou de contamination dans des matériaux d’excavation peut être qualifié d’« opération de contrôle » relevant de la notion de « préparation en vue du réemploi », telle que définie à l’article 3, point 16, de la directive 2008/98. Partant, les déchets faisant l’objet d’une telle opération de « préparation en vue du réemploi » peuvent être considérés comme ayant subi une opération de
valorisation, au sens de l’article 6, paragraphe 1, de cette directive, si leur réutilisation ne nécessite aucune autre opération de prétraitement.

69 Il appartient, en second lieu, à la juridiction de renvoi d’apprécier si, dans l’affaire au principal, les critères spécifiques définis dans le respect des conditions énoncées à cet article 6, paragraphe 1, sont respectés à l’issue de l’opération de contrôle.

70 En ce qui concerne les critères formels prévus par le plan fédéral de gestion des déchets auxquels ont été soumis les matériaux d’excavation en cause au principal, il y a lieu de relever que, conformément à l’article 6, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 2008/98, les critères relatifs à la fin du statut de déchet comprennent des valeurs limites pour les polluants, si nécessaire, et tiennent compte de tout effet environnemental préjudiciable éventuel de la substance ou de l’objet. En
outre, les États membres disposent, dans le cadre prévu à l’article 6, paragraphe 4, de cette directive, d’une marge d’appréciation quant à la définition de ces critères.

71 Dès lors, si des critères formels tels que ceux évoqués par la juridiction de renvoi peuvent s’avérer nécessaires, notamment, aux fins de garantir la qualité et l’innocuité de la substance en cause, ils doivent être définis de manière à atteindre leurs objectifs sans compromettre la réalisation de ceux de la directive 2008/98.

72 En l’occurrence, il ressort du dossier dont dispose la Cour que, selon la décision visée au point 17 du présent arrêt, l’appréciation selon laquelle le statut de déchet des matériaux d’excavation en cause au principal n’avait pas pris fin était essentiellement imputable au non-respect de critères formels dépourvus de pertinence aux fins de la protection de l’environnement.

73 Or, les objectifs visés par la directive 2008/98 risqueraient d’être méconnus si, nonobstant leur respect des critères spécifiques définis conformément aux conditions énoncées à l’article 6, paragraphe 1, de cette directive, des matériaux d’excavation non contaminés de la classe de qualité la plus élevée, dont les propriétés peuvent servir à améliorer les structures agricoles, n’étaient pas considérés comme ayant perdu le statut de déchet à l’issue d’un contrôle de qualité permettant de s’assurer
de l’innocuité de leur utilisation sur l’environnement ou la santé humaine.

74 En effet, si, ainsi que le relève la juridiction de renvoi, le réemploi de tels matériaux d’excavation était entravé par des critères formels, qui sont dépourvus de pertinence aux fins de la protection de l’environnement, ces derniers devraient être considérés comme allant à l’encontre des objectifs poursuivis par la directive 2008/98, qui, comme il ressort des considérants 6, 8 et 29 de celle-ci, consistent à encourager l’application de la hiérarchie des déchets prévue à l’article 4 de cette
directive ainsi que la valorisation des déchets et l’utilisation des matériaux de valorisation afin de préserver les ressources naturelles et de permettre la mise en place d’une économie circulaire. Le cas échéant, de telles mesures porteraient atteinte à l’effet utile de cette directive.

75 Il ne saurait être admis que de tels critères formels aient pour effet de compromettre la réalisation des objectifs de la directive 2008/98. C’est à la juridiction de renvoi, seule compétente pour interpréter les dispositions de son droit national, qu’il incombe d’examiner si tel est le cas en l’occurrence.

76 Il découle de ces considérations que, si les matériaux d’excavation en cause au principal ont fait l’objet d’une opération de valorisation et répondent à l’ensemble des critères spécifiques définis dans le respect des conditions énoncées à l’article 6, paragraphe 1, sous a) à d), de la directive 2008/98, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, il y aurait lieu de considérer que le statut de déchet de ces matériaux a pris fin.

77 Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux questions posées que l’article 3, point 1, et l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2008/98 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale en vertu de laquelle des matériaux d’excavation non contaminés, relevant, en vertu du droit national, de la classe de qualité la plus élevée :

– doivent être qualifiés de « déchets » alors que leur détenteur n’a ni l’intention ni l’obligation de s’en défaire et que ces matériaux répondent aux conditions prévues à l’article 5, paragraphe 1, de cette directive pour être qualifiés de « sous-produits », et

– ne perdent ce statut de déchet que lorsqu’ils sont directement utilisés comme substituts et que leur détenteur a satisfait à des critères formels dépourvus de pertinence aux fins de la protection de l’environnement, si ces derniers ont pour effet de compromettre la réalisation des objectifs de ladite directive.

Sur les dépens

78 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

  L’article 3, point 1, et l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 novembre 2008, relative aux déchets et abrogeant certaines directives,

  doivent être interprétés en ce sens que :

  ils s’opposent à une réglementation nationale en vertu de laquelle des matériaux d’excavation non contaminés, relevant, en vertu du droit national, de la classe de qualité la plus élevée :

  – doivent être qualifiés de « déchets » alors que leur détenteur n’a ni l’intention ni l’obligation de s’en défaire et que ces matériaux répondent aux conditions prévues à l’article 5, paragraphe 1, de cette directive pour être qualifiés de « sous-produits », et

  – ne perdent ce statut de déchet que lorsqu’ils sont directement utilisés comme substituts et que leur détenteur a satisfait à des critères formels dépourvus de pertinence aux fins de la protection de l’environnement, si ces derniers ont pour effet de compromettre la réalisation des objectifs de ladite directive.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : C-238/21
Date de la décision : 17/11/2022
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Landesverwaltungsgericht Steiermark.

Renvoi préjudiciel – Environnement – Déchets – Directive 2008/98/CE – Article 3, point 1 – Article 5, paragraphe 1 – Article 6, paragraphe 1 – Matériaux d’excavation – Notions de “déchet” et de “sous-produit” – Cessation du statut de déchet.

Déchets

Environnement


Parties
Demandeurs : Porr Bau GmbH
Défendeurs : Bezirkshauptmannschaft Graz-Umgebung.

Composition du Tribunal
Avocat général : Medina
Rapporteur ?: Arabadjiev

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2022:885

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