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27/10/2022 | CJUE | N°C-389/21

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Banque centrale européenne contre Crédit lyonnais., 27/10/2022, C-389/21


 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NICHOLAS EMILIOU

présentées le 27 octobre 2022 ( 1 )

Affaire C‑389/21 P

Banque centrale européenne

contre

Crédit lyonnais

« Pourvoi – Politique économique et monétaire – Surveillance prudentielle des établissements de crédit – Article 4, paragraphe 1, sous d), et article 4, paragraphe 3, du règlement (UE) no 1024/2013 – Calcul du ratio de levier – Refus d’autoriser un établissement de crédit à exclure certaines expositions du calcul du ratio

de levier – Article 429, paragraphe 14, du règlement (UE) no 575/2013 – Erreur manifeste d’appréciation – Niveau de contrôle juridictionn...

 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NICHOLAS EMILIOU

présentées le 27 octobre 2022 ( 1 )

Affaire C‑389/21 P

Banque centrale européenne

contre

Crédit lyonnais

« Pourvoi – Politique économique et monétaire – Surveillance prudentielle des établissements de crédit – Article 4, paragraphe 1, sous d), et article 4, paragraphe 3, du règlement (UE) no 1024/2013 – Calcul du ratio de levier – Refus d’autoriser un établissement de crédit à exclure certaines expositions du calcul du ratio de levier – Article 429, paragraphe 14, du règlement (UE) no 575/2013 – Erreur manifeste d’appréciation – Niveau de contrôle juridictionnel – Évaluation technique complexe –
Pouvoir discrétionnaire politique »

I. Introduction

1. « Bâle III » est un ensemble de mesures convenues au niveau international par le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire en réaction à la crise financière des années 2007‑2009, visant à renforcer la réglementation, la surveillance et la gestion des risques des banques. L’un des éléments majeurs du dispositif de Bâle III, et de sa mise en œuvre dans l’Union européenne, est la mise en place d’un « ratio de levier », qui est calculé comme la mesure des fonds propres d’une banque divisée par la
mesure d’exposition totale de cette banque, exprimée en pourcentage. Le ratio de levier permet d’évaluer l’exposition des banques au risque de levier excessif qui peut les contraindre à devoir prendre des mesures correctives non prévues dans le plan de l’entreprise, y compris une vente en urgence d’actifs, pouvant se solder par des pertes significatives.

2. Par son pourvoi, la Banque centrale européenne (BCE) conteste l’arrêt du Tribunal du 14 avril 2021, Crédit lyonnais/BCE ( 2 ), qui a annulé sa décision refusant d’accorder à Crédit lyonnais SA une exemption totale des exigences relatives au ratio de levier en ce qui concerne ses expositions relatives à certain dépôts réglementés.

3. Le présent pourvoi soulève une question d’ordre systémique et constitutionnel : le niveau de contrôle exercé par le juge de l’Union dans le cadre de l’appréciation de la légalité des décisions administratives adoptées par d’autres institutions, lorsque celles-ci jouissent d’une marge d’appréciation.

4. Il a été dit que ce sujet n’était, à tout le moins pour les avocats de droit de l’Union, « pas pour les âmes sensibles » ( 3 ), dans la mesure où il fait l’objet de controverses considérables parmi les praticiens du droit et dans les milieux académiques ( 4 ). Ainsi, la présente affaire offre à la Cour l’occasion de fournir des éclaircissements supplémentaires sur cette question. En effet, bien qu’il existe une jurisprudence abondante (et, à mon sens, généralement solide) sur ce sujet, je pense
que certaines notions et certains principes clés concernant ce niveau de contrôle pourraient bénéficier de clarifications supplémentaires.

II. Antécédents du litige

5. Crédit lyonnais est une société anonyme de droit français agréée en tant qu’établissement de crédit. Elle est une filiale de Crédit agricole SA, et, en tant que telle, soumise à la surveillance prudentielle directe de la BCE.

6. Le 5 mai 2015, Crédit agricole a sollicité de la BCE l’autorisation, en son nom et en celui des entités du groupe Crédit agricole, dont fait partie Crédit lyonnais, d’exclure du calcul du ratio de levier les expositions constituées par les sommes relevant de produits réglementés ( 5 ) qu’elle était tenue de transférer à la Caisse des dépôts et consignations (CDC), un établissement public français. Cette demande a été introduite en application de l’article 429, paragraphe 14, du règlement (UE)
no 575/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement et modifiant le règlement (UE) no 648/2012 ( 6 ), tel qu’en vigueur à l’époque des faits ( 7 ).

7. Aux termes de l’article 429, paragraphe 14, du règlement no 575/2013, dans sa version en vigueur à l’époque :

« Les autorités compétentes peuvent autoriser un établissement à exclure de la mesure de l’exposition les expositions qui remplissent toutes les conditions suivantes :

a) elles portent sur une entité du secteur public ;

b) elles sont traitées conformément à l’article 116, paragraphe 4 ;

c) elles résultent de dépôts que l’établissement est légalement tenu de transférer à l’entité du secteur public visée [sous] a) afin de financer des investissements d’intérêt général. »

8. Le 24 août 2016, la BCE a adopté la décision ECB/SSM/2016‑969500TJ5KRTCJQWXH05/165 (ci-après la « décision de 2016 »), prise en application de l’article 4, paragraphe 1, sous d), et de l’article 10 du règlement (UE) no 1024/2013 du Conseil, du 15 octobre 2013, confiant à la [BCE] des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit ( 8 ), ainsi que de l’article 429, paragraphe 14, du règlement no 575/2013, par lequel elle a
refusé d’autoriser Crédit agricole à exclure du calcul du ratio de levier les expositions sur la CDC constituées par la partie des sommes déposées au titre de l’épargne réglementée qu’elle était tenue de transmettre à cet établissement.

9. Crédit agricole a attaqué la décision de 2016 devant le Tribunal de l’Union européenne qui, par arrêt du 13 juillet 2018 ( 9 ), a annulé cette décision. Le Tribunal a jugé que la BCE avait, lors de l’examen de la demande de Crédit agricole, commis, d’une part, une erreur de droit lors de l’application de l’article 429, paragraphe 14, du règlement no 575/2013 et, d’autre part, une erreur manifeste d’appréciation.

10. Le 26 juillet 2018, Crédit agricole, en son nom ainsi qu’en celui des différentes entités du groupe Crédit agricole, dont Crédit lyonnais, a de nouveau sollicité l’autorisation d’exclure du calcul du ratio de levier les sommes qu’elles étaient tenues de transférer à la CDC.

11. Le 3 mai 2019, la BCE a adopté la décision ECB‑SSM‑2019‑FRCAG-39 (ci-après la « décision litigieuse »), prise en application de l’article 4, paragraphe 1, sous d), et de l’article 10 du règlement no 1024/2013, ainsi que de l’article 429, paragraphe 14, du règlement no 575/2013. Par la décision litigieuse, la BCE a autorisé l’exclusion du calcul du ratio de levier de Crédit agricole et des entités du groupe de la partie des sommes déposées au titre de l’épargne réglementée qu’elles étaient tenues
de transmettre à la CDC, à l’exception de Crédit lyonnais, pour laquelle cette exemption n’a été accordée que pour un montant égal à 66 % de tels transferts obligatoires.

12. Au point 2.1 de la décision litigieuse, d’abord, la BCE a considéré que les conditions énoncées à l’article 429, paragraphe 14, sous a) à c), du règlement no 575/2013 étaient remplies. Ensuite, au point 2.2 de la décision litigieuse, la BCE a rappelé qu’elle disposait d’un pouvoir discrétionnaire pour accorder cette exemption et a illustré la méthodologie suivie dans le cadre de l’évaluation de la demande d’exemption. Cette méthodologie a pris en compte trois éléments : la qualité de crédit de
l’administration centrale, le risque de ventes en catastrophe et la concentration des expositions. Chacun de ces éléments s’est vu attribuer un pourcentage d’exemption, de sorte que la combinaison des trois indiquerait l’exemption globale à accorder.

13. S’agissant de la qualité de crédit de l’administration centrale française, la BCE a retenu, au point 2.2.1 de la décision litigieuse, qu’il n’existait pas de problèmes prudentiels spécifiques. Elle a, néanmoins, observé que la notation attribuée à la République française par les organismes externes d’évaluation du crédit n’était pas la plus élevée possible et que la cotation des contrats d’échange sur risque de crédit à cinq ans négociés par la République française était assortie d’une
probabilité de défaut qui n’était pas nulle.

14. S’agissant du risque de ventes en catastrophe, au point 2.2.2 de la décision litigieuse, la BCE a relevé que le délai d’ajustement des positions avec la CDC pouvait avoir comme conséquence qu’un établissement de crédit fût amené à procéder à de telles ventes pour rembourser les déposants, dans l’attente du transfert des fonds par la CDC. Elle a considéré que, si un délai de moins de cinq jours constituait un transfert quasi instantané ne comprenant qu’un risque limité de ventes en catastrophe,
le système décadaire d’ajustement des positions avec la CDC impliquait un délai pouvant aller jusqu’à dix jours. À cet égard, la BCE a noté que, lors des crises bancaires récentes, 10 à 30 % des dépôts d’un établissement de crédit avaient été retirés en moins de cinq jours et que l’épargne réglementée était plus liquide que les comptes d’épargne.

15. S’agissant de l’évaluation de la concentration des expositions sur la CDC, au point 2.2.3 de la décision litigieuse, la BCE a mis en exergue l’existence d’un mécanisme de solidarité au sein du groupe Crédit agricole impliquant une obligation légale entre les entités affiliées d’apporter un soutien sous forme de capital et de liquidités, lequel justifiait que le risque de concentration pour les entités affiliées fût évalué au niveau du groupe. Toutefois, la BCE a relevé que Crédit lyonnais ne
relevait pas de ce mécanisme de solidarité et, partant, s’agissant de cette société, le risque de concentration devait être examiné sur une base sous‑consolidée. Dans la mesure où le ratio des expositions sur la CDC au regard des fonds propres de catégorie 1 de Crédit lyonnais était de 134 % en 2015 et de 231 % en 2018, la BCE a retenu l’existence d’un risque de concentration des expositions sur la CDC.

16. La BCE a conclu qu’il était prudent, afin d’atténuer l’impact sur le capital d’un retrait massif des dépôts, d’inclure un certain niveau d’expositions à la CDC dans le calcul du ratio de levier de Crédit lyonnais, qu’elle a fixé à 34 %.

III. La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

17. Par requête déposée le 12 juillet 2019, Crédit lyonnais a introduit un recours en annulation contre la décision litigieuse. À l’appui de ce recours, Crédit lyonnais a soulevé trois moyens tirés, le premier, d’une violation de l’article 266 TFUE résultant d’une mauvaise exécution de l’arrêt de 2018 ( 10 ), le deuxième, d’une violation de l’article 429, paragraphe 14, et de l’article 400, paragraphe 1, sous a), du règlement no 575/2013 et, le troisième, d’une erreur manifeste d’appréciation
commise par la BCE lors de l’appréciation de sa demande.

18. Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné, en premier lieu, le premier moyen qu’il a divisé en trois branches. Le Tribunal a rejeté comme étant non fondées tant la première branche (relative à la qualité de crédit de l’État français) que la deuxième branche (relative au niveau de concentration des expositions) de ce moyen. S’agissant de la troisième branche de ce moyen (relative au risque de ventes en catastrophe), le Tribunal a rejeté certains arguments tout en considérant que d’autres
arguments seraient mieux appréciés conjointement avec ceux avancés dans le cadre du troisième moyen ( 11 ). Puis, le Tribunal a examiné et rejeté comme étant non fondé le deuxième moyen ( 12 ).

19. Par la suite, le Tribunal a examiné les arguments de Crédit lyonnais (avancés dans le cadre du premier et du troisième moyen) contestant l’appréciation par la BCE du risque de ventes en catastrophe. Le Tribunal a commencé son analyse en relevant que, à cet égard, la BCE s’était essentiellement fondée sur deux motifs pour conclure à l’existence d’un tel risque en ce qui concerne les fonds que Crédit lyonnais devait transférer à la CDC : la liquidité de l’épargne réglementée et l’expérience des
crises bancaires récentes. S’agissant du premier aspect, le Tribunal a relevé que, conformément aux constatations de l’arrêt de 2018, la BCE était tenue de procéder à une analyse tenant compte des caractéristiques de l’épargne réglementée ( 13 ).

20. Or, selon le Tribunal, la BCE s’est abstenue de le faire pour trois raisons. Premièrement, la BCE n’aurait pas tenu compte de la qualité de « valeur refuge » de l’épargne réglementée. Le Tribunal a considéré comme étant établi le fait que, lors d’une crise bancaire, les sommes placées sur l’épargne réglementée ont tendance à augmenter. Deuxièmement, le Tribunal a considéré que l’épargne réglementée était peu susceptible de contribuer à la constitution d’un levier excessif dès lors qu’elle doit
être transférée à la CDC et qu’elle ne peut pas être investie dans des actifs risqués ou non liquides. Troisièmement, le Tribunal a souligné que l’épargne réglementée bénéficiait d’une double garantie de l’État, tant pour les déposants que pour les établissements de crédit ( 14 ).

21. En second lieu, le Tribunal a estimé que la liquidité de l’épargne réglementée ne saurait, à elle seule, justifier les conclusions de la BCE relatives à la possibilité que la banque soit amenée à recourir à une vente d’actifs en catastrophe dans l’attente des transferts de fonds provenant de la CDC. À l’appui de ses conclusions sur ce point, la BCE s’était appuyée sur un exemple qui, selon le Tribunal, n’était pas pertinent dans la mesure où il concernait des produits qui n’étaient pas
comparables à ceux en cause en l’espèce ( 15 ).

22. Compte tenu de ces considérations, le Tribunal a conclu que la BCE n’avait pas pris en compte, à l’occasion de l’appréciation du risque de ventes en catastrophe, les caractéristiques de l’épargne réglementée (comme l’exige l’arrêt de 2018) et, plus largement, n’avait pas pris en compte tous les éléments pertinents du cas d’espèce, violant ainsi le principe de bonne administration. Le Tribunal a donc fait droit à la première branche du troisième moyen et à la troisième branche du premier moyen,
en annulant la décision litigieuse en tant qu’elle refusait à Crédit lyonnais l’autorisation d’exclure du calcul du ratio de levier 34 % de ses expositions sur la CDC et a condamné la BCE aux dépens.

IV. La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

23. Dans le cadre de son pourvoi devant la Cour, déposé le 24 juin 2021, la BCE demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué et de condamner Crédit lyonnais aux dépens. Dans son mémoire en réponse, présenté le 7 septembre 2021, Crédit lyonnais demande à la Cour de rejeter le pourvoi comme étant infondé et de condamner la BCE aux dépens.

24. Le 23 novembre 2021, la BCE a déposé un mémoire en réplique et, le 17 janvier 2022, Crédit lyonnais a déposé un mémoire en duplique. La BCE et Crédit lyonnais ont également été entendues lors de l’audience devant la Cour, qui s’est tenue le 15 juin 2022.

V. Appréciation

25. La BCE soulève quatre moyens à l’appui de son pourvoi. Ces moyens concernent : le niveau de contrôle juridictionnel appliqué par le Tribunal lors de l’appréciation de la légalité de la décision litigieuse (section A), le caractère suffisant de la motivation contenue dans l’arrêt attaqué (section B), une prétendue dénaturation, par le Tribunal, de la décision litigieuse et des éléments de preuve qui lui ont été soumis (section C), ainsi que l’interprétation de l’article 4, paragraphe 1, point 94,
et de l’article 429, paragraphe 14, du règlement no 575/2013 (section D).

26. Les présentes conclusions se concentreront principalement sur le premier moyen, dans la mesure où non seulement il soulève la problématique qui se trouve au cœur de la présente procédure de pourvoi, mais, comme cela a déjà été mentionné dans l’introduction, il revêt également une importance systémique sur le plan constitutionnel. En revanche, le deuxième, le troisième et le quatrième moyen apparaissent plutôt « accessoires » au premier moyen dans la mesure où ils critiquent, en substance, la
manière dont, et l’intensité avec laquelle, le Tribunal a exercé son contrôle de la décision litigieuse. Ces trois moyens se recoupent donc, dans une large mesure, avec le premier moyen. Par conséquent, et étant donné que, selon moi, le premier moyen est fondé, ces trois moyens seront traités de manière plus concise.

A. Sur le niveau de contrôle juridictionnel (premier moyen)

1.   Argumentation des parties

27. Par son premier moyen, la BCE soutient que le Tribunal a outrepassé les limites du contrôle juridictionnel, méconnaissant ainsi le standard en vigueur en matière de contrôle énoncé dans une jurisprudence bien établie. Selon la BCE, le Tribunal a procédé à une appréciation ex novo de la situation et a méconnu la marge d’appréciation que le législateur lui a conférée en matière prudentielle.

28. En particulier, la BCE fait valoir que le Tribunal aurait procédé à une appréciation autonome des caractéristiques de l’épargne réglementée, différentes de celle de la BCE. Cette appréciation reposerait, en outre, sur une appréciation erronée tant de la décision litigieuse que de la situation factuelle sous-jacente. À cet égard, la BCE rappelle que, selon une jurisprudence constante, dans le cas d’appréciations économiques complexes, l’institution de l’Union concernée doit disposer d’une
certaine marge de manœuvre, de sorte que les actes qu’elle a adoptés font l’objet d’un contrôle juridictionnel restreint. Le juge de l’Union ne saurait substituer son appréciation de faits complexes à celle de l’institution compétente.

29. En outre, la BCE souligne que l’article 429, paragraphe 14, du règlement no 575/2013 lui accordait expressément un pouvoir discrétionnaire quant à la possibilité d’exclure certaines expositions du calcul du ratio de levier. L’existence d’un tel pouvoir discrétionnaire impliquait également, selon la BCE, l’exercice d’une certaine retenue par le Tribunal. La BCE fait valoir que, en soumettant la décision litigieuse à un niveau de contrôle particulièrement intrusif, le Tribunal l’a largement privée
de ce pouvoir discrétionnaire.

30. Crédit lyonnais, quant à elle, soutient que, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit, restant dans le cadre d’un contrôle juridictionnel admissible. Selon Crédit lyonnais, le Tribunal a constaté que la BCE n’avait pas tenu compte de certains éléments pertinents pour l’analyse et que les conclusions tirées dans la décision litigieuse n’étaient pas étayées par les éléments de preuve qui lui étaient soumis.

31. En particulier, le Tribunal a relevé, à juste titre selon Crédit lyonnais, que la BCE aurait dû prendre en considération le fait que, en cas de tension ou de crise, l’épargne réglementée est généralement considérée comme une « valeur refuge » grâce à l’existence d’une double garantie de l’État. Il s’agit là d’une caractéristique de l’épargne réglementée qui n’a pas été contestée par la BCE devant le Tribunal. En outre, le Tribunal a jugé, encore une fois à juste titre selon Crédit lyonnais, que
l’exemple concernant les risques encourus dans le cas de retraits massifs (bank run) n’était pas de nature à étayer les conclusions auxquelles la BCE est parvenue, dans la mesure où cet exemple concernait un autre type de dépôts.

2.   Analyse

32. Afin d’examiner au mieux les problématiques soulevées dans le cadre du présent moyen, je crois utile d’abord de décrire le cadre juridique pertinent. À cette fin, à titre liminaire, je rappellerai brièvement certains principes clés concernant le système institutionnel de l’Union qui apparaissent pertinents dans la présente affaire (sous-section a) et, par la suite, je retracerai le rôle et les pouvoirs de la BCE en matière de surveillance prudentielle (sous-section b). Ensuite, j’expliquerai les
grands principes et notions régissant le niveau de contrôle juridictionnel applicable aux domaines soumis au « contrôle marginal » (sous‑section c). Enfin, c’est au regard de ces principes que j’apprécierai les arguments avancés par les parties (sous-section d).

a)   Observations liminaires (I) : le cadre institutionnel de l’Union

33. D’emblée, je tiens à rappeler que, selon l’article 13, paragraphe 2, TUE, les institutions de l’Union « agi[ssent] dans les limites des attributions qui [leur] sont conférées dans les traités, conformément aux procédures, conditions et fins prévues par ceux‑ci » ( 16 ). Ainsi que la Cour l’a jugé, cette disposition « traduit le principe de l’équilibre institutionnel, caractéristique de la structure institutionnelle de l’Union, lequel implique que chacune des institutions exerce ses compétences
dans le respect de celles des autres » ( 17 ).

34. La BCE fait partie, avec les banques centrales nationales, du Système européen de banques centrales (SEBC) dont l’objectif premier est le maintien de la stabilité des prix. Sans préjudice de cet objectif, le SEBC apporte également son soutien aux politiques économiques générales dans l’Union, en vue de contribuer à la réalisation des objectifs de l’Union ( 18 ). À cette fin, l’article 132 TFUE et l’article 34 des statuts du SEBC et de la BCE habilitent la BCE à prendre, notamment, « les
décisions nécessaires à l’accomplissement des missions confiées au SEBC en vertu des traités et des statuts du SEBC et de la BCE ».

35. Les décisions de la BCE, tout comme tout autre acte des institutions de l’Union, jouissent, en principe, d’une présomption de légalité et produisent, dès lors, des effets juridiques aussi longtemps qu’ils n’ont pas été retirés, annulés dans le cadre d’un recours en annulation ou déclarés invalides à la suite d’un renvoi préjudiciel ou d’une exception d’illégalité ( 19 ). Il appartient à la Cour, en vertu de l’article 19, paragraphe 1, TUE et de l’article 35 des statuts du SEBC et de la BCE, de
« contrôler la légalité » de ces décisions.

b)   Observations liminaires (II) : la BCE et le contrôle prudentiel

36. L’une des missions fondamentales conférées au SEBC consiste à exercer un « contrôle prudentiel » ( 20 ), qui implique, dans une large mesure, une surveillance du système financier dans son ensemble, afin de prévenir ou d’atténuer les risques pour sa stabilité ainsi que la surveillance des établissements financiers individuels, afin d’assurer leur stabilité financière et un niveau élevé de protection des investisseurs et des déposants. Dans ce contexte, certaines missions spécifiques ont été
confiées à la BCE par le règlement no 1024/2013, dont le pouvoir de veiller au respect des actes qui imposent des exigences prudentielles aux établissements de crédit dans le domaine, notamment, de l’effet de levier (voir point 38 des présentes conclusions) ( 21 ).

37. Un autre instrument législatif fondamental à cet égard est le règlement no 575/2013 qui vise à renforcer les exigences prudentielles des établissements financiers de l’Union. Cela est fait, notamment, en imposant à ceux-ci de détenir suffisamment de fonds propres, de capacité d’absorption des pertes et de liquidités afin d’assurer leur solidité financière. L’objectif ultime est d’accroître la solidité et la résilience de ces établissements en période de stress économique ( 22 ).

38. Plus précisément, le règlement no 575/2013 vise à éviter les situations dans lesquelles les établissements financiers accumulent une exposition excessive par rapport à leurs fonds propres (ci-après l’« effet de levier ») ( 23 ). En effet, un effet de levier excessif est susceptible d’accroître leur vulnérabilité dès lors qu’il comporte le risque que ces établissements soient amenés à prendre des mesures correctives non prévues dans le plan de l’entreprise, y compris une vente en urgence d’actifs
pouvant se solder par des pertes ou une réévaluation des actifs restants ( 24 ).

39. À cet effet, le règlement no 575/2013 prévoit un ratio de levier contraignant, empêchant les banques de financer une partie trop importante de leurs activités avec des dettes. Toutefois, en vertu de l’article 429, paragraphe 14, de ce règlement, dans sa version en vigueur à l’époque des faits, un établissement pouvait demander aux autorités de pouvoir exclure des expositions pertinentes pour le calcul du ratio de levier certaines expositions qui remplissent les conditions énoncées à cette
disposition ( 25 ).

40. Il est constant entre les parties à la présente procédure que, s’agissant de telles demandes, la BCE disposait d’une marge d’appréciation. En effet, dans sa version en vigueur à l’époque des faits, l’article 429, paragraphe 14, du règlement no 575/2013 disposait que les « autorités compétentes peuvent autoriser un établissement à exclure [...] » ( 26 ). Pour cette raison, au vu des arguments avancés par la requérante, je me pencherai maintenant sur l’étendue du contrôle juridictionnel que la
Cour doit exercer lorsqu’est contestée la légalité d’un acte de l’Union pour l’adoption duquel l’institution de l’Union concernée dispose d’une marge d’appréciation.

c)   Grands principes et notions relatifs au niveau de contrôle juridictionnel

41. L’article 263 TFUE précise l’étendue du contrôle juridictionnel que la Cour doit exercer en cas de contestation de la légalité d’un acte de l’Union : un recours en annulation peut être introduit « pour incompétence, violation des formes substantielles, violation des traités ou de toute règle de droit relative à leur application, ou détournement de pouvoir ».

42. Toutefois, les traités ne précisent pas le niveau de contrôle juridictionnel à appliquer par le juge de l’Union. La notion de « niveau de contrôle » renvoie, de manière générale, à l’intensité du contrôle que le juge peut exercer dans le cadre du contrôle de légalité des actes attaqués. Examiné sous un autre angle, le niveau de contrôle correspond au degré de déférence accordé par les juridictions aux organes qui ont adopté les actes attaqués. Bien évidemment, plus l’intensité du contrôle est
élevée, plus le degré de déférence accordé à l’organisme en cause est faible, et vice versa.

43. À cet égard, il semble constant que, dans le système de l’Union, l’intensité du contrôle juridictionnel est la plus élevée ( 27 ) en ce qui concerne, premièrement, l’établissement de faits « simples » (ou « primaires »). Un fait est soit vrai, soit faux, et une éventuelle erreur à cet égard est soumise à un contrôle complet du juge de l’Union ( 28 ). Les institutions de l’Union autres que la Cour peuvent disposer d’une certaine marge de manœuvre dans l’application des règles de l’Union, mais non
lorsqu’elles les interprètent. En effet, il appartient à la Cour – en tant qu’interprète suprême du droit de l’Union – de « dire le droit » ( 29 ).

44. Toutefois, selon une jurisprudence bien établie, une certaine déférence est accordée aux institutions de l’Union lorsque celles-ci disposent d’un certain pouvoir discrétionnaire dans l’application des dispositions pertinentes. Dans ce contexte, je définirais le pouvoir discrétionnaire comme la marge de manœuvre conférée (explicitement ou implicitement) par le droit primaire ou dérivé de l’Union aux institutions de l’Union pour choisir entre différentes voies d’action licites lors de
l’application d’une norme donnée en vue de poursuivre un objectif déterminé.

45. À ma connaissance, une certaine forme de retenue judiciaire par le pouvoir judiciaire vis-à-vis de l’administration dans les cas où celle-ci dispose d’une marge d’appréciation existe dans chaque système juridique ( 30 ). Je peux difficilement imaginer qu’un système juridique puisse fonctionner correctement – du moins s’il est examiné du point de vue des démocraties occidentales actuelles qui sont fondées sur des principes tels que la séparation des pouvoirs et l’équilibre institutionnel – si le
pouvoir judiciaire est habilité à annuler et à remplacer toute décision prise par l’administration pour n’importe quel motif.

46. Pour revenir au système de l’Union, il me semble que, de manière générale, deux grandes catégories de pouvoir discrétionnaire peuvent être identifiées.

1) Catégories de « pouvoir discrétionnaire »

47. Premièrement, certaines dispositions de l’Union confèrent expressément aux institutions de l’Union concernées une certaine marge pour choisir si et/ou comment agir dans des circonstances spécifiques, sur la base de certaines considérations politiques (« policy » en langue anglaise). Je donnerai deux exemples à cet égard. En vertu de l’article 107, paragraphe 3, TFUE, la Commission européenne peut déclarer certaines aides d’État compatibles avec le marché intérieur, lorsque certaines conditions
sont remplies. Aux termes de l’article 215, paragraphe 2, TFUE, lorsqu’une décision, adoptée conformément au titre V, chapitre 2, TUE, le prévoit, le Conseil de l’Union européenne peut adopter des mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales, de groupes ou d’entités non étatiques. En vertu de ces deux dispositions, l’institution responsable se voit reconnaître la faculté de décider de la voie d’action la plus appropriée pour des raisons politiques. Tels sont les cas de
figure qui peuvent être qualifiés de « pouvoir discrétionnaire politique » (« policy discretion ») ( 31 ).

48. Deuxièmement, il existe des cas de figure – qui peuvent être qualifiés de « pouvoir discrétionnaire technique » (« technical discretion ») ( 32 ) – dans lesquels, du fait que les dispositions pertinentes du droit de l’Union nécessitent une appréciation technique complexe (par exemple, d’ordre économique ou scientifique), afin de garantir qu’une situation donnée soit couverte par une notion juridique spécifique (et relativement indéterminée), il existe une marge de manœuvre au profit des
institutions de l’Union concernées. Par exemple, un type d’aide donné est-il compatible avec le marché intérieur parce que cette aide répond « aux besoins de coordination des transports » au sens de l’article 93 TFUE ? Un ensemble de circonstances spécifiques entraîne-t-il « un risque de déficit excessif » dans un État membre au sens de l’article 126, paragraphe 3, TFUE ?

49. S’agissant de cette seconde catégorie de pouvoir discrétionnaire, j’en profite pour préciser une notion. À mon avis, une appréciation n’est pas « complexe » au seul motif que l’établissement des faits pertinents ne va pas de soi, nécessitant plutôt un processus difficile, chronophage et s’appuyant sur des connaissances spécifiques. En effet, il serait surprenant de penser que les juges peuvent s’abstenir d’accorder une protection juridictionnelle effective aux justiciables chaque fois que, d’un
point de vue factuel, une affaire n’est pas simple ( 33 ). La complexité factuelle ne peut pas être considérée comme une excuse justifiant l’inertie ou la superficialité des juges.

50. Une appréciation n’est, à mon sens, « complexe » que si le cadre factuel pertinent ne peut pas être établi de manière objective ou avec une certitude absolue ( 34 ), dès lors que des personnes raisonnables et avisées pourraient, du moins dans une certaine mesure, être en désaccord sur l’appréciation ou la qualification juridique des faits ( 35 ). Tel peut être le cas lorsque l’institution en cause est tenue, par exemple, de recourir à certains modèles ou hypothèses afin de déduire, d’un ensemble
de faits simples, certains faits complexes ( 36 ), ou de faire certains jugements de valeur pour qualifier les faits et/ou déterminer les conséquences juridiques qui en découlent ( 37 ).

51. La détermination des situations dans lesquelles les institutions en cause se voient accorder une certaine déférence remonte aux débuts de l’activité de la Cour ( 38 ). En particulier, dans l’arrêt de principe Meroni, la Cour a effectivement distingué les deux catégories de pouvoir discrétionnaire ( 39 ).

52. Cela étant dit, je reconnais que cette distinction n’est pas toujours aisée à faire. En effet, il pourrait être soutenu que l’utilisation par le législateur de notions particulièrement imprécises et à la formulation large revient, en pratique, à déléguer implicitement aux institutions en cause l’aptitude à effectuer certains choix politiques. Toutefois, pour les raisons exposées ci-dessus, je suis d’avis qu’il existe une différence conceptuelle entre ces deux catégories. D’une manière générale,
je dirais que le pouvoir discrétionnaire d’ordre technique concerne principalement le processus cognitif de l’auteur de la décision, alors que le pouvoir discrétionnaire d’ordre politique concerne avant tout un acte de volonté de la part de ce dernier ( 40 ).

53. Néanmoins, et cela est important pour la présente affaire, le juge de l’Union a adopté une approche relativement similaire en ce qui concerne le niveau de contrôle juridictionnel dans les deux cas de figure. Ce niveau de contrôle donne lieu à ce qui est souvent qualifié de « contrôle marginal ». Deux courants jurisprudentiels sont particulièrement pertinents à cet égard.

2) Contrôle marginal (ou contrôles marginaux) et erreurs manifestes

54. D’une part, selon une jurisprudence constante, les institutions de l’Union bénéficient d’un pouvoir d’appréciation relativement large dans des domaines qui impliquent de leur part des choix de nature politique, économique et sociale, et dans lesquels elles sont appelées à mettre en balance des considérations politiques. Dans ces cas de figure, les mesures adoptées ne peuvent être affectées que si elles sont manifestement inappropriées par rapport à l’objectif que l’institution compétente entend
poursuivre ( 41 ).

55. D’autre part, s’agissant d’appréciations techniques complexes, la Cour a constamment jugé que le contrôle juridictionnel « se limite [...] à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, ainsi que de l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation des faits et de détournement de pouvoir » ( 42 ). À cet égard, la Cour a également ajouté que l’existence d’une marge d’appréciation en matière technique n’impliquait pas que le juge de l’Union
doive s’abstenir de contrôler l’évaluation, par les institutions, de données de nature technique. En effet, le juge de l’Union doit, notamment, non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées ( 43 ).

56. Ces deux courants jurisprudentiels, malgré une certaine différence terminologique – sur le sens de laquelle je reviendrai plus tard ( 44 ) – ont un élément important en commun. En ce qui concerne le bien-fondé de l’acte attaqué, le juge de l’Union est autorisé à sanctionner l’institution en cause seulement en cas d’erreurs manifestes.

57. Cela étant dit, je voudrais ajouter que je trouve quelque peu malheureux l’utilisation du terme « manifeste » dans ce contexte. En effet, ce terme pourrait évoquer l’idée que des erreurs qui ne sont pas suffisamment évidentes ne seront pas sanctionnées par le juge de l’Union ( 45 ). Selon moi, il s’agirait d’une compréhension erronée de cette notion. Une telle approche en matière de contrôle juridictionnel ne serait guère compatible avec, tout d’abord, l’article 47 de la charte des droits
fondamentaux de l’Union européenne, qui ne limite pas le droit à un recours effectif aux cas de violations flagrantes des droits et libertés des justiciables.

58. À mon sens, le terme « manifeste » doit plutôt être compris comme se référant à l’obligation pour le requérant de prouver, à suffisance ( 46 ), que l’analyse effectuée par l’institution en cause était déraisonnable ou que les conclusions ne sont pas plausibles ( 47 ). Ainsi que cela a été mentionné au point 43 des présentes conclusions, du moins en théorie, une erreur commise par une institution dans l’exposé des faits ou dans l’interprétation du droit est une situation « dichotomique »
(c’est-à-dire correcte ou erronée). En revanche, lorsque l’institution compétente dispose d’un certain pouvoir d’appréciation quant aux modalités d’application d’une règle, il existe une série d’options (plus ou moins importantes selon les circonstances) que cette institution peut légitimement choisir. Par conséquent, une erreur d’appréciation n’existe que lorsque l’institution a choisi une ligne qui ne relève pas de l’éventail d’applications autorisées du droit.

59. Ces considérations m’amènent au point suivant.

3) Absence de contrôle ex novo

60. En vertu des articles 263, 267 et 277 TFUE, le juge de l’Union « contrôle la légalité » des actes de l’Union, ce qui implique un contrôle de leur légalité, et non pas de leur opportunité. Le juge de l’Union se limite à contrôler si l’acte attaqué a été adopté dans le respect des règles de procédure et de fond pertinentes, au regard des moyens présentés par la partie qui conteste la légalité de cet acte et des éléments de preuve apportés par celui-ci ( 48 ).

61. Les juges ne réexaminent pas l’ensemble de l’affaire afin de déterminer quelle aurait été, selon eux, la meilleure ligne de conduite pour l’institution concernée dans les circonstances données. En effet, non seulement une procédure juridictionnelle est inadaptée à toute forme de contrôle ex novo ( 49 ), mais, plus important encore, il existe une raison constitutionnelle militant contre un contrôle juridictionnel complet des choix discrétionnaires effectués par l’administration. Dans de tels cas,
le pouvoir de procéder à ces choix a été expressément confié à une institution autre que la Cour ( 50 ). Une forme trop intrusive de contrôle juridictionnel empiéterait sur la marge d’appréciation reconnue aux institutions pour exercer leurs compétences de manière efficace, allant ainsi à l’encontre du principe d’attribution des compétences aux institutions et portant atteinte au principe de l’équilibre institutionnel ( 51 ).

62. Dès lors, ainsi que l’avocate générale Kokott l’a pertinemment relevé, il ne suffit pas, pour établir une erreur manifeste d’appréciation, que les juges se contentent d’adopter une opinion différente de celle de l’auteur de l’acte faisant l’objet du contrôle. Si les éléments de fait et de preuve permettent raisonnablement d’effectuer des appréciations différentes, rien ne s’oppose en droit à ce que cette institution opte pour l’une d’entre elles à laquelle le juge de l’Union n’aurait pas donné
sa préférence. L’institution concernée ne commet une erreur d’appréciation manifeste que lorsque les faits et les éléments de preuve suggèrent que ses conclusions ne sont plus défendables, c’est-à-dire lorsque, malgré la marge d’appréciation de l’institution, aucune base raisonnable susceptible de les étayer ne peut être identifiée ( 52 ).

4) Détermination du standard spécifique dans chaque cas

63. Cela étant précisé, il y a lieu d’admettre que la détermination, dans chaque cas, des limites exactes de la marge d’appréciation dont peut disposer une institution – et, en conséquence, de l’intensité du contrôle juridictionnel – peut, parfois, être une tâche difficile. La marge de manœuvre dont dispose une institution pour prendre une décision donnée varie évidemment d’un cas à l’autre, en fonction de plusieurs variables. Les variables les plus importantes sont, à mon avis, les suivantes.

64. Premièrement, les deux courants jurisprudentiels mentionnés aux points 54 et 55 des présentes conclusions suggèrent que les institutions se voient accorder une plus grande marge de manœuvre lorsqu’elles agissent en qualité de législateur que lorsqu’elles agissent dans le cadre de leurs fonctions administratives ( 53 ). Comme l’avocat général Léger l’a souligné à juste titre dans l’affaire Rica Foods, lors de l’adoption d’actes de portée générale, les institutions « doivent généralement opérer
des arbitrages entre des intérêts divergents et prendre ainsi des options dans le cadre des choix politiques qui relèvent de leurs responsabilités. Le pouvoir discrétionnaire de nature “politique” correspond ainsi aux responsabilités politiques qu’une disposition [de l’Union] confie à une institution » ( 54 ).

65. Selon l’article 10, paragraphe 1, TUE, « [l]e fonctionnement de l’Union est fondé sur la démocratie représentative » ( 55 ). Il ne saurait donc appartenir au juge de l’Union de mettre en doute les choix politiques opérés par les institutions de l’Union qui, en raison de leur légitimité démocratique, ont été dotées du pouvoir d’adopter des actes législatifs. En revanche, lorsqu’un acte a principalement un caractère exécutif et ne vise à déployer ses effets qu’à l’égard d’une ou de plusieurs
personnes, il y a un plus grand besoin, pour le juge de l’Union, de protéger les droits de ces personnes contre une éventuelle action administrative illégale.

66. Deuxièmement, cette jurisprudence suggère également qu’un pouvoir discrétionnaire politique implique généralement une plus grande marge de manœuvre pour l’institution concernée ( 56 ). Ce point de vue est, à mon sens, également raisonnable. En effet, en cas de pouvoir discrétionnaire politique, l’institution concernée se voit expressément reconnaître le pouvoir de choisir entre différentes lignes d’action, toutes légitimes, sur la base de sa propre évaluation des circonstances pertinentes. Au
contraire, le pouvoir discrétionnaire technique est généralement plus étroit dans la mesure où il n’est que la conséquence (voulue ou non) du fait qu’une institution est, aux fins de l’application de la loi, tenue d’apprécier des situations complexes dans lesquelles certains des éléments pertinents sont par nature incertains, spéculatifs ou subjectifs ( 57 ). En outre, j’observe que, dans la plupart des cas, l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire politique implique également l’exercice d’un
certain pouvoir discrétionnaire technique ( 58 ), mais l’inverse n’est pas (nécessairement) vrai ( 59 ).

67. Troisièmement, et surtout, la marge d’appréciation reconnue aux institutions de l’Union dépend surtout du libellé et de l’objectif des dispositions pertinentes. C’est en effet le législateur (constitutionnel ou ordinaire) de l’Union qui, par l’adoption des dispositions légales pertinentes, délègue certains pouvoirs aux institutions et détermine les limites dans lesquelles elles peuvent exercer ces pouvoirs ( 60 ).

68. Un examen superficiel des diverses dispositions de l’Union montre les choix profondément différents faits par le législateur de l’Union à cet égard. S’agissant du pouvoir discrétionnaire politique, les dispositions laissent parfois à l’institution en charge une liberté d’appréciation sans limites ( 61 ), tandis que, dans d’autres circonstances, ce pouvoir discrétionnaire est encadré, à des degrés divers, en énonçant les éléments que l’institution doit prendre en considération ( 62 ). En ce qui
concerne le pouvoir discrétionnaire technique, la marge de manœuvre dont dispose l’institution est notamment fonction, d’une part, de la complexité de la situation à établir ou à évaluer et, d’autre part, du degré d’abstraction ou de généralisation de la notion juridique à laquelle cette situation doit être rattachée. Là encore, ces deux aspects peuvent varier fortement. Par exemple, la Cour a souligné ( 63 ) que les analyses prospectives ( 64 ) sont par nature différentes des appréciations
d’événements passés ou présents ( 65 ). En outre, la mission de qualification juridique des faits peut nécessiter une appréciation essentiellement empirique ( 66 ), ou encore certains jugements de valeur ( 67 ).

69. Quatrièmement, l’intensité du contrôle de l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire doit également dépendre de la nature et du degré d’ingérence dans le droit invoqué par le requérant. Comme la Cour l’a jugé dans l’arrêt Digital Rights Ireland, « dès lors que des ingérences dans des droits fondamentaux sont en cause, l’étendue du pouvoir d’appréciation [de l’institution de l’Union concernée] peut s’avérer limitée en fonction d’un certain nombre d’éléments, parmi lesquels figurent, notamment, [...]
la nature du droit en cause garanti par la [charte des droits fondamentaux], la nature et la gravité de l’ingérence ainsi que la finalité de celle-ci ». Des ingérences graves dans des aspects essentiels des droits fondamentaux implique que « le pouvoir d’appréciation [de l’institution] s’avère réduit de sorte qu’il convient de procéder à un contrôle strict » ( 68 ).

70. Dernier point, et non des moindres, il me semble que le contexte juridique et factuel dans lequel s’inscrit l’adoption d’un acte peut également avoir une influence sur la marge d’appréciation dont dispose l’institution en cause et, par voie de conséquence, sur le contrôle du juge de l’Union de l’exercice effectif de ce pouvoir.

71. S’agissant du premier aspect, je pense, notamment, au principe de précaution dans le domaine de la santé publique ou de la protection de l’environnement ( 69 ), ou encore au principe de la présomption d’innocence dans le domaine du droit de la concurrence ( 70 ). À mon avis, l’application de ces principes pourrait, dans certains cas, faire pencher la balance vers l’action ou l’inaction, ou donner plus de marge de manœuvre à l’institution concernée pour un type d’intervention déterminé par
rapport à un autre.

72. S’agissant du second aspect, il y a lieu de considérer que la manière dont les institutions font usage de leur pouvoir discrétionnaire est influencée par les conditions qui prévalent au moment de l’adoption de leurs actes. Par exemple, le paysage pertinent pour les choix à effectuer dans le domaine de la politique énergétique de l’Union peut avoir brusquement et sensiblement changé depuis le 24 février 2022, date à laquelle la Fédération de Russie a envahi l’Ukraine.

73. Les considérations qui précèdent m’amènent à penser qu’il n’y a pas d’intensité du contrôle juridictionnel unique et spécifique valable dans tous les cas où les institutions de l’Union disposent d’un certain pouvoir discrétionnaire (politique ou technique) quant à la manière dont une règle donnée devrait être appliquée ( 71 ). Je ne pense pas non plus qu’un critère ou une formule facile puissent être conçus à cet égard ( 72 ). Le contrôle « marginal » auquel le juge de l’Union a généralement
fait allusion peut être plus ou moins marginal en fonction des circonstances spécifiques de chaque affaire. Il appartient ainsi au juge de l’Union de déterminer, au cas par cas, en fonction de l’ensemble des circonstances pertinentes, l’intensité spécifique du contrôle à exercer dans le cadre du contrôle de l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire par une institution ( 73 ).

74. Naturellement, l’absence d’un critère clair pourrait être considérée par certains comme une source d’insécurité juridique. Or, ainsi que cela a été mentionné plus haut dans les présentes conclusions, l’intensité adéquate du contrôle peut être déterminée en examinant la marge d’appréciation dont dispose l’institution en cause, et certaines indications à cet égard peuvent être tirées des règles et principes généraux du droit institutionnel de l’Union.

75. C’est au regard de ces règles et principes que je vais maintenant examiner les arguments avancés par les parties dans le cadre du premier moyen avancé par la BCE.

d)   Évaluation

76. En substance, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que la BCE avait commis une erreur manifeste d’appréciation en refusant de faire droit à la demande de Crédit lyonnais d’exclure la totalité de son exposition à la CDC du calcul de son ratio de levier.

77. Afin de répondre au premier moyen de la BCE, il convient donc d’examiner le point de savoir si, pour parvenir à cette conclusion, le Tribunal a appliqué un niveau de contrôle adéquat. Le Tribunal a-t-il procédé – comme le soutient la BCE – à une appréciation ex novo de la situation en cause, en méconnaissance de la marge d’appréciation que le législateur de l’Union a accordée à cette institution en matière prudentielle ? Ou bien le Tribunal a-t-il simplement vérifié, comme le soutient Crédit
lyonnais, que la BCE n’avait pas adopté la décision litigieuse sur la base d’informations matériellement exactes, fiables et cohérentes ?

78. Je suis sensible aux arguments avancés par Crédit lyonnais. À première vue, le texte de l’arrêt attaqué peut effectivement être lu en ce sens que le Tribunal a exercé sa mission de contrôle de la légalité de la décision litigieuse conformément à la jurisprudence bien établie mentionnée au point 55 des présentes conclusions, laquelle a été dûment rappelée aux points 98 et 99 de l’arrêt attaqué. Si l’on prend l’arrêt attaqué au pied de la lettre, le Tribunal s’est borné à constater que : i) dans
le cadre de son analyse, la BCE a ignoré ou a omis d’évaluer correctement certains éléments qui était pertinents au cas d’espèce (la qualité de « valeur refuge » de l’épargne réglementée, le transfert obligatoire des fonds à la CDC, l’existence d’une double garantie de l’État), et ii) les éléments principaux mentionnés dans la décision litigieuse (la liquidité de l’épargne réglementée et l’exemple concernant les crises bancaires récentes) n’étayaient pas la conclusion à laquelle est parvenue
la BCE.

79. Toutefois, un examen plus approfondi de l’arrêt attaqué révèle que, comme le soutient la BCE, le Tribunal est allé au-delà d’un simple contrôle de légalité de la décision litigieuse, procédant de facto à un contrôle autonome de la situation en cause, substituant en définitive sa propre appréciation à celle de la BCE.

80. Dans les sections suivantes, j’expliquerai pourquoi, dans un cas tel que celui qui est en cause ici, une forme de contrôle juridictionnel particulièrement intrusive sur le fond de la décision de la BCE n’était, à mon sens, pas appropriée. Après avoir fait ce constat, je me tournerai vers les passages spécifiques de l’arrêt attaqué qui démontrent, à mon sens, le niveau de contrôle erroné appliqué par le Tribunal dans la présente affaire.

1) Sur la large marge d’appréciation reconnue à la BCE

81. J’ai la ferme conviction que le législateur de l’Union a entendu conférer à la BCE un important pouvoir discrétionnaire au titre de l’article 429, paragraphe 14, du règlement no 575/2013 (tel qu’applicable au moment des faits).

82. Premièrement, il est constant que cette disposition confère à la BCE tant un pouvoir discrétionnaire politique qu’un pouvoir discrétionnaire technique pour décider si et, le cas échéant, dans quelle mesure une exemption doit être accordée dans une situation donnée.

83. Deuxièmement, le libellé des dispositions pertinentes indique l’existence d’une marge de manœuvre importante dans ces deux cas. D’une part, la BCE se voit reconnaître le pouvoir discrétionnaire d’autoriser l’exemption (« peuvent »), sans que ce pouvoir ait été encadré par des facteurs ou des paramètres spécifiques que l’institution est tenue de prendre en considération lors de son appréciation. Il appartient ainsi à la BCE de déterminer le niveau approprié de protection des intérêts en présence
(notamment le niveau de risque pouvant être jugé acceptable) et de concevoir la grille d’analyse qu’elle juge la plus appropriée à cette fin.

84. D’autre part, en ce qui concerne le pouvoir discrétionnaire technique, la BCE est tenue de procéder non seulement à une analyse prospective, mais également à une analyse fondée sur plusieurs jugements de valeur et prévisions hautement spéculatifs et aléatoires. En cas de retraits massifs, quel est le montant des dépôts qui sera retiré et dans quel délai ? Cette banque sera-t-elle en mesure d’honorer ces retraits sans devoir recourir à des mesures correctrices d’urgence ? Quel est le montant des
fonds propres de cette banque qui peut être raisonnablement exigé pour couvrir des pertes inattendues dans ces situations ( 74 ) ?

85. Troisièmement, l’objectif poursuivi par la réglementation en cause (d’assurer, en premier lieu, la solidité des établissements de crédit et de protéger les investisseurs et les déposants et, par extension, la stabilité du système financier dans son ensemble) ( 75 ) revêt une importance significative. En revanche, l’ingérence dans les libertés économiques des banques concernées découlant d’un refus au titre de l’article 429, paragraphe 14, du règlement no 575/2013 est relativement limitée dans la
mesure où ces banques peuvent librement adopter diverses mesures commerciales visant à réduire un levier excessif.

86. Quatrièmement, il résulte de ce qui précède que les erreurs de type I commises par la BCE (c’est-à-dire de faux positifs conduisant à une rigueur excessive) seraient beaucoup moins graves que les erreurs de type II (c’est-à-dire de faux négatifs conduisant à une clémence excessive). Il va donc de soi que, dans des situations particulièrement incertaines ou lorsqu’il apparaît qu’il s’agit d’un « cas limite », la BCE se voit accorder une plus grande marge de manœuvre lorsqu’elle décide de
privilégier la sécurité et donc d’appliquer strictement les dispositions pertinentes. Cette approche est cohérente avec le fait que la réglementation en cause fait partie du paquet de mesures adoptées en réponse à la crise financière des années 2007‑2009, dans le but même d’éviter, dans toute la mesure du possible, la survenance de situations similaires à l’avenir ( 76 ).

87. Les observations qui précèdent m’amènent à considérer que, lors de l’adoption d’une décision au titre de l’article 429, paragraphe 14, du règlement no 575/2013, la BCE disposait d’une marge d’appréciation assez large, tant dans l’appréciation des circonstances pertinentes que dans la détermination d’une exemption et d’un quantum ( 77 ). Si tel est le cas, il en résulte que le contrôle juridictionnel ne saurait être trop intrusif au regard des éléments matériels de la décision litigieuse (niveau
de protection approprié contre les risques de levier excessif, identité et poids des éléments pris en considération pour établir un tel risque, choix effectués dans des situations limites, etc.), sous peine d’empiéter sur cette marge d’appréciation.

88. Les points de l’arrêt attaqué qui seront maintenant examinés montrent pourquoi le Tribunal a, à mon sens, commis une erreur de droit à cet égard.

2) Sur la qualité de « valeur refuge » de l’épargne réglementée

89. Tant dans le cadre du présent pourvoi que dans le cadre de la procédure de première instance, Crédit lyonnais a accordé une importance considérable à la qualité de « valeur refuge » de l’épargne réglementée, élément que la BCE aurait ignoré. Le Tribunal s’est montré d’accord avec Crédit lyonnais sur ce point. Aux points 107 à 110 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a reproché à la BCE de ne pas avoir mentionné cette caractéristique de l’épargne réglementée dans la décision litigieuse. Le Tribunal a
jugé que Crédit lyonnais avait démontré à suffisance de droit que, pendant les crises bancaires, au lieu de diminuer en raison des retraits des déposants, les volumes investis dans l’épargne réglementée en France tendaient à augmenter, les déposants la considérant comme une valeur refuge ( 78 ).

90. Toutefois, il existe un certain décalage entre le raisonnement suivi par le Tribunal dans l’arrêt attaqué et la logique de la décision examinée dans cet arrêt.

91. Dans la décision litigieuse, la BCE n’a pas procédé à une appréciation abstraite des risques prudentiels posés par l’épargne réglementée. La BCE a examiné concrètement la situation spécifique de Crédit lyonnais. En effet, une appréciation au cas par cas semble s’imposer au titre de l’article 429, paragraphe 14, du règlement no 575/2013 ( 79 ).

92. Ainsi que la BCE l’a indiqué au point 2.2 de la décision litigieuse, « [l]a BCE accorde une exemption en tenant compte du risque prudentiel global lié à la situation spécifique des entités soumises à la surveillance prudentielle et en tenant compte des spécificités du régime d’épargne réglementé » ( 80 ). En effet, la BCE a pris en compte, notamment, l’importance et la croissance au fil du temps de l’exposition de Crédit lyonnais sur la CDC et le fait que cette banque n’était pas couverte par le
mécanisme de solidarité du groupe Crédit agricole.

93. La qualité de « valeur refuge » de l’épargne réglementée – que la BCE n’a contesté ni devant le Tribunal ( 81 ) ni devant la Cour – peut très bien conduire à une augmentation générale des dépôts pendant des périodes de crise économique et/ou financière, ainsi que le Tribunal l’a constaté. Or, en soi, cela n’exclut pas la possibilité qu’une banque spécifique puisse subir des retraits massifs, par exemple une banque dont la situation se détériore au point que ses déposants commencent à craindre
qu’elle puisse bientôt devenir insolvable.

94. La BCE a souligné ce point lorsqu’elle a fait remarquer que rien ne s’opposait à ce que les déposants qui s’inquiètent du bon fonctionnement d’une banque donnée retirent les fonds qu’ils ont investis dans l’épargne réglementée de cette banque et effectuent un nouveau dépôt, toujours en épargne réglementée, dans une autre banque qui serait perçue comme « plus saine ». Toutefois, le Tribunal n’a pas examiné un tel argument.

95. Plus généralement, le Tribunal n’a pas procédé à un examen approfondi de la manière dont la perception par les déposants de la qualité de valeur refuge de l’épargne réglementée pourrait effectivement influencer leur comportement pendant une période de stress particulier pour Crédit lyonnais. Il ne va pas de soi que les appréciations du Tribunal quant à la qualité de valeur refuge de l’épargne réglementée rendent nécessairement les considérations de la BCE concernant les risques pour Crédit
lyonnais, eu égard à sa situation concrète, peu plausibles ou déraisonnables. Les éléments de preuve mentionnés dans l’arrêt attaqué sur ce point ( 82 ) ne semblent pas non plus apporter d’élément supplémentaire à cet égard.

3) Sur la probabilité que l’épargne réglementée contribue à la constitution d’un levier excessif

96. Aux points 111 à 113 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré qu’il était peu probable que l’épargne réglementée contribue à la constitution d’un levier excessif. Selon le Tribunal, c’est parce que ces dépôts ne sont pas laissés à la libre disposition de l’établissement de crédit, qui pourrait les investir comme elle l’entend, y compris dans des actifs non liquides ou risqués, mais doivent être nécessairement transférés à la CDC.

97. Or, une fois encore, je ne vois pas en quoi une telle constatation invalide le raisonnement de la BCE. Le fait que les expositions de Crédit lyonnais en cause trouvent leur origine dans des dépôts devant être transférés à une entité du secteur public fait partie des conditions requises pour que l’article 429, paragraphe 14, du règlement no 575/2013 devienne applicable en premier lieu. Néanmoins, ainsi que cela a déjà été mentionné, l’application de cette disposition n’est pas automatique : la
BCE n’est pas tenue d’accorder l’exemption chaque fois que ces conditions sont remplies, dès lors qu’elle dispose d’un pouvoir discrétionnaire à cet égard.

98. En tout état de cause, le fait que les sommes transférées à la CDC ne puissent pas être librement investies en actifs non liquides ou risqués, un point que le Tribunal a souligné, revêt une importance relative dans ce contexte. En effet, pour le calcul du ratio de levier, les expositions ne sont pas pondérées pour risque individuellement, mais sont toutes incluses dans la mesure de l’exposition ( 83 ). Par défaut, toutes les expositions devraient être prises en compte, indépendamment de leur
profil de risque. Ce n’est qu’à titre exceptionnel que certaines expositions peuvent être exemptées du calcul du ratio de levier ( 84 ), lorsque ces expositions sont réputées présenter un risque particulièrement faible ( 85 ), dans les circonstances particulières de l’espèce ( 86 ). Une lecture différente de cette disposition irait à l’encontre de la logique et de la finalité inhérente au ratio de levier et méconnaîtrait le fait que, en tant qu’exception à une règle générale, l’article 429,
paragraphe 14, du règlement no 575/2013 devait être interprété strictement.

99. Toutefois, ainsi que cela a été mentionné ci-dessus, il ne ressort pas de l’arrêt attaqué que le Tribunal ait apprécié le point de savoir si l’épargne réglementée, dans la situation spécifique de Crédit lyonnais, pouvait être considérée comme présentant un risque particulièrement faible.

100. Dès lors, s’agissant de l’importance de cet élément (le fait que les dépôts sont obligatoirement transférés à la CDC), le Tribunal semble avoir effectué sa propre appréciation, sans expliquer en quoi ses constatations à cet égard s’inscrivent dans l’économie de la décision litigieuse. C’est surprenant, d’autant plus que le bien-fondé de la méthodologie globale adoptée par la BCE pour examiner la demande d’exemption de Crédit agricole semble avoir été validé par le Tribunal ( 87 ).

4) Sur l’existence d’une double garantie de l’État

101. Au point 114 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que, à la différence des dépôts ordinaires, l’épargne réglementée bénéficie d’une double garantie de l’État.

102. Ce point n’est pas contesté et, en effet, il a été expressément mentionné dans la décision litigieuse ( 88 ). Néanmoins, le Tribunal s’est de nouveau abstenu d’expliquer en quoi cet élément contredisait l’analyse de la BCE. Si je comprends correctement le point 114 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a simplement entendu mettre en avant un autre élément rendant improbable, selon lui, le risque de retraits massifs (bank run) à l’égard de l’épargne réglementée : en raison de la double garantie de
l’État, il n’y aurait aucune raison de retirer des fonds même dans une situation de crise pour Crédit lyonnais ( 89 ).

103. Si tel est le cas, le Tribunal aurait dû, sans doute, expliquer les raisons pour lesquelles l’on peut raisonnablement s’attendre à ce que la plupart des déposants ayant investi dans l’épargne réglementée agissent de manière rationnelle dans une situation qui, du moins pour les déposants ordinaires, aurait pu donner lieu à des retraits massifs. Mon sentiment est que l’expérience récente, tant en Europe qu’ailleurs, a montré qu’un tel comportement rationnel était loin d’être certain ( 90 ). Dans
les situations de panique croissante parmi les épargnants, où les médias montrent des images de longues files de personnes qui attendent de retirer leurs dépôts, il semble qu’il existe un certain risque d’un effet boule de neige incontrôlé. Néanmoins, indépendamment de mon sentiment personnel – provenant probablement de mon expérience directe de la crise financière chypriote des années 2012‑2013 –, dans la mesure où cet élément n’avait pas été pris en considération par la BCE, il incombait au
Tribunal de le traiter expressément et d’étayer ses conclusions avec les preuves nécessaires.

104. En outre, je pense qu’il aurait fallu apporter certaines explications en ce qui concerne la manière dont l’affirmation laconique du Tribunal figurant au point 114 de l’arrêt attaqué peut être conciliée avec ses constatations précédentes concernant le fait que, dans la décision litigieuse, la BCE avait dûment examiné le risque de défaillance de l’administration centrale, en relevant que la notation de la France n’était pas la plus élevée possible et que, dans le cadre des contrats d’échange de
risque de crédit, son risque de défaillance était considéré comme faible, mais non pas inexistant ( 91 ).

105. Certes, le Tribunal aurait pu considérer que la BCE avait erronément évalué ce risque de défaillance. Toutefois, bien que Crédit lyonnais ait présenté quelques arguments sur ce point, le Tribunal n’a pas pris position à cet égard ( 92 ).

106. Ainsi, sur cet élément, également, le Tribunal semble avoir procédé à une évaluation autonome des caractéristiques de l’épargne réglementée et de leur importance au sens de l’article 429, paragraphe 14, du règlement no 575/2013, quelque peu détachée du texte et de la logique de la décision litigieuse.

5) Sur la « liquidité » de l’épargne réglementée

107. Aux points 115 et 116 de l’arrêt attaqué, le Tribunal conclut que, eu égard à ses constatations relatives aux caractéristiques de l’épargne réglementée, le caractère liquide de l’épargne réglementée ne permet pas, à lui seul, de démontrer le bien-fondé de la conclusion de la BCE tirée du risque de ventes en catastrophe. Le Tribunal a précisé que, tout en permettant aux épargnants de retirer leurs dépôts, cette liquidité contribue également à ce qu’ils considèrent l’épargne réglementée comme une
valeur refuge.

108. À cet égard, je suis d’accord avec le Tribunal sur le fait que les déposants puissent librement et immédiatement retirer leurs fonds de la banque n’est pas, à lui seul, un élément déterminant pour établir l’existence d’un risque de vente en catastrophe. Toutefois, comme je l’ai expliqué précédemment, je ne suis pas convaincu par la critique du Tribunal à l’égard des autres éléments dont la BCE n’avait, ou n’avait pas, tenu compte.

109. Surtout, la manière dont le Tribunal a caractérisé et résumé le raisonnement suivi par la BCE dans la décision litigieuse est tout à fait curieuse. À la lecture de l’arrêt attaqué, on peut avoir l’impression que la liquidité de l’épargne réglementée avait constitué un élément clé permettant à la BCE de justifier sa conclusion.

110. Or, il s’agirait là d’une lecture plutôt inexacte de la décision litigieuse. Le raisonnement suivi par la BCE dans cette décision est, en substance, que, en cas de retrait massif des dépôts, comme dans le cas d’un « bank run », Crédit lyonnais pourrait avoir des difficultés à honorer les retraits, sans devoir adopter des mesures d’urgence, parce qu’une partie importante de ses dépôts est transférée à la CDC, qui dispose d’un délai d’ajustement de dix jours pendant lequel la banque reste
responsable des retraits.

111. Dans ce contexte, le fait que l’épargne réglementée soit particulièrement liquide, et puisse donc être facilement et immédiatement retirée par les épargnants, constitue certainement un élément pertinent pour l’analyse. À l’évidence, le risque de ventes en catastrophe serait beaucoup plus faible s’il existait des obstacles juridiques ou pratiques aux retraits immédiats des fonds par les déposants. Toutefois, il ne s’agit pas d’un élément central de l’analyse. Pour formuler les choses plus
simplement, je dirais que la liquidité n’est pas l’une des sources de risque, mais un élément qui le favorise. La référence (de manière relativement incidente) à la liquidité figurant au point 2.2.2 de la décision litigieuse est tout à fait révélatrice à cet égard.

112. En outre, l’approche du Tribunal pourrait s’avérer correcte en ce que la liquidité de l’épargne réglementée est l’une des raisons qui la rende intéressante pour les épargnants en période d’incertitude financière ( 93 ). Néanmoins, sur ce point également, il semble qu’il manque un élément dans le raisonnement du Tribunal : ce sentiment général de « sécurité » des déposants en matière d’épargne réglementée suffit-il à les empêcher de retirer leurs fonds de manière précipitée si, par exemple,
certains problèmes spécifiques relatifs à la stabilité financière de Crédit lyonnais devaient apparaître ?

113. En toute logique, la réflexion du Tribunal sur ce point semble être une « arme à double tranchant » classique. Si la liquidité de l’épargne réglementée contribue à un sentiment de sécurité pour les épargnants parce qu’elle leur permet de retirer librement leurs fonds à tout moment, cela n’implique-t-il pas que ces épargnants voudraient effectivement retirer ces fonds lorsque la situation de leur banque se détériore ?

114. L’appréciation du Tribunal sur ce point apparaît donc incomplète. Cela démontre une fois de plus que, au lieu de contrôler la motivation contenue dans la décision litigieuse, le Tribunal a procédé à sa propre appréciation de la situation.

6) Sur l’exemple concernant l’expérience des crises bancaires récentes

115. Aux points 117 à 122 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a critiqué la déclaration de la BCE selon laquelle l’expérience des crises bancaires récentes montre que des retraits massifs peuvent avoir lieu en moins de cinq jours. Le Tribunal a constaté que la BCE ne s’était fondée que sur un seul exemple à cet égard (ci-après l’« exemple en cause »), et cet exemple concernait des dépôts ordinaires, qui se distinguaient donc de l’épargne réglementée à plusieurs égards. Le Tribunal en a conclu que le
prétendu risque de retraits massifs déclenchant potentiellement une vente en catastrophe par Crédit lyonnais n’était pas suffisamment étayé par des éléments de preuve.

116. Je peux partager le point de vue du Tribunal selon lequel la décision litigieuse n’est certainement pas un modèle de clarté ni de précision à cet égard. Toutefois, la critique du Tribunal sur ce point semble découler d’une lecture erronée de cette décision.

117. La BCE n’a pas entendu opérer de comparaison entre l’exemple en cause et la situation de Crédit lyonnais. La référence à l’expérience récente visait simplement à illustrer la rapidité avec laquelle des retraits massifs peuvent avoir lieu lorsque des doutes sérieux concernant la stabilité d’une banque surviennent et, par conséquent, la raison pour laquelle le potentiel retard de dix jours entre les retraits par les épargnants et le remboursement des sommes par la CDC pourrait, dans certaines
circonstances, être problématique.

118. En effet, dans la décision litigieuse, la BCE a reconnu qu’aucun retrait massif ne s’était produit récemment en ce qui concerne des formes d’épargne similaires. Cela étant, la BCE a souligné qu’elle n’était pas tenue de limiter ses préoccupations prudentielles aux types de risques déjà réalisés dans le passé ( 94 ).

119. Partant, il est possible que le Tribunal ait raison en ce qui concerne la comparabilité limitée des deux situations. Cependant, cela ne suffit pas à infirmer les considérations de la BCE sur ce point. En effet, le Tribunal n’a pas, premièrement, contesté l’exactitude des données fournies par la BCE, deuxièmement, expliqué pourquoi, selon lui, le délai de cinq jours ne pouvait pas s’appliquer dans le cas de Crédit lyonnais, et, troisièmement, remis en cause la matrice utilisée par la BCE dans ce
contexte, en distinguant le pourcentage d’exemption selon le délai de remboursement par l’entité publique concernée (moins de cinq jours, entre cinq et dix jours, entre dix et un mois, et plus d’un mois) ( 95 ).

120. En outre, l’arrêt attaqué ne contient aucune explication quant à la raison pour laquelle une approche prudente et une vigilance accrue de la BCE ne seraient pas justifiées. En réalité, il me semble que, au regard de l’objectif fondamental poursuivi par la réglementation de l’Union en cause (empêcher que de nouvelles crises financières ne se produisent) ainsi que de l’objectif des dispositions spécifiques en cause (assurer la solidité et la stabilité des établissements financiers en limitant
leur levier), ne pas limiter l’évaluation prudentielle aux seuls risques qui se sont concrétisés par le passé constitue une application raisonnable de la loi.

7) Sur l’absence de fondement du refus d’une exemption totale

121. Je considère comme fondée la critique de la BCE portant sur le point 126 de l’arrêt attaqué dans lequel le Tribunal a d’abord indiqué que, « [c]ompte tenu de la méthodologie appliquée par la BCE », les motifs « portant respectivement sur la qualité de crédit de l’administration centrale et sur le niveau de concentration des expositions sur la CDC –, à les supposer exempts d’illégalité, ne permettaient pas de justifier le refus opposé à la requérante ». Le Tribunal a ensuite précisé que « sur la
base de ladite méthodologie, la prise en compte de ces seuls motifs n’aurait pas conduit au refus d’accorder à la requérante l’entier bénéfice de la dérogation envisagée à l’article 429, paragraphe 14, du règlement no 575/2013 » ( 96 ).

122. Ces déclarations fermes et directes sont quelque peu surprenantes. Premièrement, le Tribunal ne précise nulle part la conséquence globale de son évaluation individuelle des différents éléments que, selon lui, la BCE avait ignorés ou n’avait pas correctement appréciés, au regard du niveau (faible, particulièrement faible, de facto inexistant ?) du risque de ventes en catastrophe par Crédit lyonnais. Deuxièmement, à supposer même que le Tribunal l’ait fait, l’arrêt attaqué ne contient aucune
explication concrète quant à la manière dont ses constatations relatives au risque de vente en catastrophe auraient dû être reflétées dans la méthodologie de la BCE. Le silence de l’arrêt attaqué à cet égard est remarquable, dès lors que les affirmations figurant au point 126 de celui-ci constituent le fondement de l’annulation de la décision litigieuse ( 97 ). Troisièmement, le Tribunal semble prendre position sur ce que la BCE aurait fait – et non pas sur ce que la BCE aurait dû ou n’aurait
pas dû faire – si ces éléments avaient été appréciés correctement. Cette différence n’est pas une question de terminologie. Le Tribunal n’établit pas les limites de l’action administrative de la BCE, mais semble « prendre la place » de la BCE, en ignorant la large marge d’appréciation dont cette institution dispose en ce qui concerne les appréciations de fond au titre de l’article 429, paragraphe 14, du règlement no 575/2013.

8) Conclusion sur le premier moyen

123. On peut normalement s’attendre à ce que, dans le système du « contrôle de légalité » instauré par les traités de l’Union, le point de départ de l’analyse effectuée par le juge saisi d’un cas tel que celui de l’espèce soit le texte même de l’acte contesté. Cette analyse tiendrait généralement compte de la logique et de la structure de cet acte, et examinerait par la suite la série d’arguments avancés par l’institution en cause pour étayer la conclusion finalement retenue. La question cruciale
devrait être celle de savoir si l’institution qui a adopté la décision litigieuse a procédé, au regard de la marge d’appréciation dont elle disposait, à une application raisonnable de la disposition pertinente.

124. Pour les raisons exposées dans les sections précédentes, il me semble difficile de trouver les éléments d’une telle approche en l’espèce.

125. La critique de l’analyse de la BCE est exprimée principalement dans quelques brefs passages de l’arrêt attaqué, qui ignorent parfois la complexité des questions en cause. Le Tribunal substitue alors à cette analyse sa propre analyse, laquelle se fonde sur une autre évaluation de certains éléments de fait, souvent en s’appuyant sur des déclarations ou des éléments de preuve non étayés ou dont la valeur probante est loin d’être évidente. Surtout, le Tribunal semble avoir apprécié ces éléments de
manière isolée, sans vraiment les relier entre eux : ne pas avoir évalué l’interaction entre ces éléments et, surtout, ne pas avoir expliqué comment son évaluation de ces éléments se traduirait dans le résultat final lorsqu’elle est intégrée dans la méthodologie utilisée par la BCE, qui, comme il peut être utile de le souligner à nouveau, n’a pas été critiquée par le Tribunal.

126. En particulier, comme le souligne à juste titre la BCE, le Tribunal s’est exclusivement concentré sur l’appréciation de la probabilité de retraits massifs dans un bref délai, sans tenir compte des conséquences que la réalisation de ce risque pourrait avoir sur la situation financière de Crédit lyonnais, compte tenu du niveau de son exposition sur la CDC. À cet égard, on pourrait affirmer que, tout au plus, le Tribunal a fait la « moitié du travail » en examinant les caractéristiques de
l’épargne réglementée en général, mais, contrairement à la BCE dans la décision litigieuse ( 98 ), il a omis d’effectuer l’autre « moitié du travail », qui était d’examiner la situation spécifique de Crédit lyonnais.

127. Pour conclure, je suis d’avis que le Tribunal a exercé une forme de contrôle particulièrement intrusive de certains éléments de l’analyse effectuée par la BCE (niveau de risque acceptable, identité et nature des éléments pris en considération pour évaluer ce risque, etc.), sans que ses constatations à cet égard soient étayées par une motivation adéquate et des éléments de preuve appropriés.

128. Au lieu de démontrer que, dans la décision litigieuse, la BCE n’avait pas fait une application raisonnable de l’article 429, paragraphe 14, du règlement no 575/2013, le Tribunal a procédé à une appréciation ex novo de la demande d’exemption de Crédit agricole, en substituant son propre point de vue à celui de la BCE, empiétant ainsi sur la marge d’appréciation que le législateur de l’Union lui a accordée sur ce point.

129. Le Tribunal ayant appliqué un niveau de contrôle erroné à l’égard de la décision litigieuse, il y a lieu de considérer le premier moyen comme fondé et d’annuler l’arrêt attaqué.

B. Sur le caractère suffisant de la motivation (deuxième moyen)

1.   Argumentation des parties

130. Par son deuxième moyen, la BCE fait valoir que le Tribunal a violé son obligation de motivation. Selon elle, l’arrêt attaqué n’explique pas suffisamment de quelle manière elle aurait commis une erreur dans l’appréciation de l’impact de la double garantie de l’État dont bénéficie l’épargne réglementée.

131. Crédit lyonnais soutient que le raisonnement du Tribunal à cet égard est clairement exposé dans l’arrêt attaqué. En particulier, il se réfère aux points 59 et 114 à 122 de cet arrêt. En résumé, le Tribunal a considéré que l’analyse de la BCE selon laquelle l’existence d’une double garantie de l’État octroyée dans le cadre de l’épargne réglementée ne pouvait pas empêcher tout risque de retrait massif des dépôts par les épargnants en un bref délai n’était pas étayée.

2.   Analyse

132. Je suis d’avis que ce moyen n’est pas fondé.

133. La motivation contenue dans l’arrêt attaqué quant à la portée de la double garantie de l’État en ce qui concerne le risque de ventes d’actifs en catastrophe par Crédit lyonnais est en effet brève et, dans une certaine mesure, non explicite. Toutefois, ainsi que cela a été mentionné au point 102 des présentes conclusions, la portée de l’argumentation du Tribunal sur ce point apparaît plus clairement lorsque les passages pertinents de l’arrêt attaqué sont lus dans le contexte plus large dans
lequel ils s’inscrivent. En substance, le Tribunal a considéré que l’existence d’une double garantie de l’État en ce qui concerne l’épargne réglementée rend peu probable les retraits massifs de cette épargne.

134. Le raisonnement du Tribunal est donc suffisamment clair. La question de savoir si ce point de vue est étayé par les éléments de preuve nécessaires porte sur le bien-fondé de l’analyse du Tribunal, et non pas sur son caractère suffisant.

C. Sur la dénaturation des éléments de preuve (troisième moyen)

1.   Argumentation des parties

135. Par son troisième moyen, la BCE soutient que le Tribunal a dénaturé les éléments de preuve qui lui ont été soumis au cours du litige. Selon elle, le Tribunal a fait une lecture manifestement erronée de certains passages de la décision litigieuse, et a dénaturé la méthodologie appliquée pour apprécier la demande d’exemption de Crédit agricole.

136. En particulier, la BCE soutient qu’elle a bien pris en compte la qualité de « valeur refuge » de l’épargne réglementée et l’existence d’une double garantie de l’État. S’agissant de la dénaturation de la méthodologie utilisée dans la décision litigieuse, la BCE reproche au Tribunal de ne pas avoir tenu compte des conséquences que la réalisation de ce risque pourrait avoir sur la situation financière de Crédit lyonnais, compte tenu du niveau élevé de concentration. Pour le formuler simplement, le
risque lui-même peut être assez faible, mais, dans l’hypothèse où ce risque se réaliserait, les conséquences pourraient être très graves pour la banque.

137. En outre, selon la BCE, le Tribunal a dénaturé l’exemple utilisé dans la décision litigieuse en en faisant une condition de l’appréciation du risque de retraits massifs dans un bref délai, alors que cet exemple avait pour seul objectif d’illustrer les conséquences potentielles de la réalisation d’un tel risque. Enfin, la BCE fait valoir que le Tribunal a procédé à tort à un examen individuel des critères qu’elle a pris en compte dans sa méthodologie, alors que ces critères devaient être lus
comme étant interdépendants.

138. Crédit lyonnais estime que les allégations avancées par la BCE au soutien de son troisième moyen doivent être rejetées comme non fondées. Crédit lyonnais souligne que, dans la décision litigieuse, il n’est fait aucune mention de la qualité de « valeur refuge » de l’épargne réglementée. S’agissant de la critique formulée à l’encontre des appréciations effectuées par le Tribunal sur la méthodologie utilisée par la BCE, Crédit lyonnais soutient que le Tribunal a correctement appliqué la condition
posée dans l’arrêt de 2018, qui imposait à la BCE d’examiner si de tels retraits massifs sont envisageables compte tenu des caractéristiques de l’épargne réglementée.

139. Crédit lyonnais fait également valoir que le caractère prétendument illustratif de l’exemple en question n’exonère pas la BCE de son obligation de se fonder sur des éléments soumis au contrôle juridictionnel. En outre, selon Crédit lyonnais, il ressort du point 126 de l’arrêt attaqué que le Tribunal n’a pas omis d’examiner le caractère interdépendant des critères utilisés par la BCE dans sa méthodologie.

2.   Analyse

140. Ce moyen ne me convainc pas.

141. Je partage certaines des critiques formulées par la BCE concernant la lecture que fait le Tribunal de la décision litigieuse et de la manière dont le Tribunal a examiné les éléments de preuve apportés par les parties dans le cadre de la procédure de première instance. Néanmoins, je ne perçois aucune dénaturation des éléments de preuve.

142. Selon une jurisprudence constante, une telle dénaturation consiste en une interprétation d’un document contraire à son contenu. Une telle dénaturation doit ressortir de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves. À cet égard, il ne suffit pas de démontrer qu’un document pourrait faire l’objet d’une interprétation différente de celle retenue par le Tribunal : ce dernier doit avoir manifestement dépassé les
limites d’une appréciation raisonnable des éléments de preuve ( 99 ).

143. Tel n’est pas le cas en l’espèce. Selon moi, le problème en ce qui concerne l’arrêt attaqué ne réside pas dans le résultat final du contrôle du Tribunal. En effet, il n’y a pas de constatation matérielle qui apparaît manifestement erronée sur la base des informations et des documents versés au dossier.

144. Les erreurs commises par le Tribunal découlent de la manière dont il a effectué ce contrôle. Ainsi que cela a été exposé précédemment, le Tribunal a procédé à une appréciation ex novo de divers éléments de l’analyse, ainsi que des conséquences de cette analyse, au regard de l’affaire dont est saisie la BCE. Elle l’a fait en accordant peu d’attention aux évaluations effectuées et à la méthodologie employée par la BCE, et, plus généralement, à la logique sous‑tendant la décision litigieuse.

D. Sur l’article 4, paragraphe 1, point 94, et sur l’article 429, paragraphe 14, du règlement no 575/2013 (quatrième moyen)

1.   Argumentation des parties

145. Par son quatrième moyen, la BCE soutient que le Tribunal a interprété de manière erronée l’article 4, paragraphe 1, point 94, et l’article 429, paragraphe 14, du règlement no 575/2013.

146. S’agissant de la première disposition, la BCE fait valoir que le Tribunal a commis une erreur en ajoutant, à la définition du risque de levier excessif, certains critères qui ne sont pas prévus par les dispositions pertinentes (à savoir la libre disposition des dépôts ou la possibilité d’investir dans des actifs non liquides ou risqués). S’agissant de cette dernière disposition, la BCE soutient que l’interprétation retenue par le Tribunal a pour effet de la priver de la marge de manœuvre
discrétionnaire qui lui a été octroyée par le législateur en ce qui concerne l’évaluation de la question de savoir si certaines expositions peuvent être exonérées du calcul du ratio de levier.

147. Crédit lyonnais conteste les arguments de la BCE. S’agissant de l’article 4, paragraphe 1, point 94, du règlement no 575/2013, elle rejette l’argument selon lequel le Tribunal a ajouté des critères qui ne sont pas prévus par cette disposition : selon elle, le Tribunal a simplement constaté que la BCE n’avait pas pris en compte certaines caractéristiques de l’épargne réglementée, en indiquant que ces dépôts présentaient un niveau de risque particulièrement faible.

148. S’agissant de l’argument de la BCE relatif à l’article 429, paragraphe 14, du règlement no 575/2013, Crédit lyonnais affirme que l’interprétation de cette disposition retenue par le Tribunal ne prive nullement la BCE de son pouvoir discrétionnaire. Selon Crédit lyonnais, la BCE aurait été en droit de refuser l’application de l’exemption (en tout ou en partie) lorsque, par exemple, l’épargne réglementée ne disposait pas de garanties de l’État ou si elle avait établi la vraisemblance d’un risque
de défaut de paiement de l’État.

2.   Analyse

149. En ce qui concerne ce moyen, je partage de nouveau l’avis de Crédit lyonnais.

150. L’article 4, paragraphe 1, point 94, du règlement no 575/2013 définit le « risque de levier excessif » comme « le risque de vulnérabilité d’un établissement, résultant d’un levier ou d’un levier éventuel pouvant nécessiter la prise de mesures correctives non prévues [dans le plan de l’]entreprise, y compris une vente en urgence d’actifs pouvant se solder par des pertes ou une réévaluation des actifs restants ».

151. Je ne vois pas en quoi le Tribunal aurait fait une application erronée de la notion de « risque de levier excessif » dans la présente affaire. Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est borné à constater que, selon lui, la BCE avait erronément examiné les circonstances pertinentes pour l’octroi de l’exemption, en ignorant ou en omettant d’évaluer correctement certaines caractéristiques de l’épargne réglementée.

152. Par ailleurs, l’interprétation par le Tribunal de l’article 429, paragraphe 14, du règlement no 575/2013 ne prive pas la BCE de sa marge de manœuvre. En effet, les constatations du Tribunal concernaient un type spécifique de dépôt qui, selon lui, n’était pas susceptible de donner lieu à des retraits massifs en raison de plusieurs caractéristiques de ceux-ci, qui amènent les épargnants à considérer ces dépôts comme ayant un caractère particulièrement sûr. Rien dans l’arrêt attaqué suggère que la
BCE ne dispose pas d’une marge de manœuvre pour prendre des décisions en ce qui concerne d’autres types de dépôts.

VI. Conséquences de l’appréciation

153. Le premier moyen est, à mon avis, fondé. En conséquence, l’arrêt attaqué doit être annulé.

154. Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, la Cour peut, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, soit renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue, soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé.

155. En l’espèce, je suis d’avis que le litige est en état d’être jugé et que la Cour peut statuer elle-même définitivement dans l’affaire.

156. L’arrêt attaqué a rejeté comme non fondées la première et la deuxième branche du premier moyen ainsi que le deuxième moyen. Crédit lyonnais n’a pas formé de pourvoi contre cet arrêt, de sorte que les appréciations portées par le Tribunal sur ces questions sont revêtues de l’autorité de la chose jugée.

157. Il appartient à la Cour d’examiner, d’une part, la troisième branche du premier moyen et la première branche du troisième moyen, en appliquant un niveau de contrôle juridictionnel adéquat (section A). D’autre part, il appartient également à la Cour d’examiner la deuxième et la troisième branche du troisième moyen, sur lesquelles le Tribunal ne s’est pas prononcé (section B).

A. Sur la troisième branche du premier moyen et la première branche du troisième moyen

158. Les arguments avancés par Crédit lyonnais dans le cadre de la troisième branche du premier moyen et de la première branche du troisième moyen ne me paraissent pas convaincants.

159. Premièrement, il me semble clair que, dans son appréciation de la demande d’exemption de Crédit agricole, la BCE a tenu compte des caractéristiques spécifiques de l’épargne réglementée. En effet, la méthodologie globale adoptée à cette fin ainsi que l’évaluation effectuée au regard des éléments spécifiques pris en compte dans ce contexte démontrent que, dans le cadre de son appréciation, la BCE a examiné la façon dont les spécificités de l’épargne réglementée pouvaient avoir une incidence sur
les considérations prudentielles.

160. En particulier, la BCE a bien tenu compte, dans la décision litigieuse, de l’existence d’une double garantie de l’État, du risque de défaut de l’État français et de la question de savoir si les retraits massifs « présentent un volume et une soudaineté tels » qu’ils justifient les risques allégués.

161. Je suis donc d’avis que Crédit lyonnais n’a avancé aucun argument convaincant pour considérer que la BCE n’avait pas tiré les conséquences nécessaires de l’arrêt de 2018 et, en particulier, du point 81 de cet arrêt. En outre, pour les raisons exposées ci-dessus, je ne décèle aucune erreur manifeste de la BCE dans le cadre de l’appréciation des circonstances pertinentes pour sa décision de n’accorder qu’une exemption partielle au titre de l’article 429, paragraphe 14, du règlement no 575/2013.
Crédit lyonnais n’a pas établi que la conclusion tirée à cet égard ne relevait pas de la marge d’appréciation dont devrait bénéficier la BCE à ce sujet. La décision de la BCE n’apparaît pas, au regard des circonstances de l’espèce, et compte tenu de l’objectif poursuivi par les dispositions en cause, déraisonnable ou non plausible.

162. Par conséquent, je conclus au rejet de la troisième branche du premier moyen et de la première branche du troisième moyen.

B. Sur la deuxième branche et la troisième branche du troisième moyen

163. Dans le cadre de son recours devant le Tribunal, Crédit lyonnais fait valoir que la BCE a commis une erreur manifeste d’appréciation en ce qui concerne la qualité de crédit de l’administration centrale (point 2.2.1 de la décision litigieuse), et le niveau de concentration de ses expositions sur la CDC (point 2.2.3 de la décision litigieuse).

164. À mon avis, ces moyens ne justifient pas un examen approfondi.

165. S’agissant de la deuxième branche du troisième moyen, dans un bref passage de sa requête devant le Tribunal, Crédit lyonnais reprochait à la BCE de n’avoir apporté aucun élément permettant d’étayer l’existence d’un risque éventuel de défaut de l’État français. Par la suite, dans son mémoire en réplique, Crédit lyonnais réitérait son argument en indiquant qu’elle ne niait pas l’existence d’un risque minimal de défaut de paiement de l’État français, mais faisait valoir qu’un tel risque ne saurait
justifier un refus au titre de l’article 429, paragraphe 14, du règlement no 575/2013.

166. En tout état de cause, quelle que soit la formulation précise de l’argument, il apparaît manifestement infondé.

167. Premièrement, ainsi que cela est mentionné, dans la décision litigieuse, la BCE a relevé que les organismes externes d’évaluation du crédit n’avaient pas attribué à l’État français la notation la plus élevée possible et que les contrats d’échange sur risque de crédit à cinq ans négociés par l’État français présentaient une probabilité non négligeable de défaut. Deuxièmement, la probabilité d’un défaut de l’État français n’est évidemment pas le motif (ou l’un des motifs) justifiant un refus
partiel d’exemption à l’égard de Crédit lyonnais. En effet, les autres établissements de crédit appartenant au groupe Crédit agricole ont obtenu une exemption totale en ce qui concerne l’épargne réglementée. Troisièmement, dans la mesure où l’un des principaux arguments sur lesquels Crédit lyonnais a insisté était la caractéristique de valeur de refuge attachée à l’épargne réglementée en raison de la double garantie d’État, le fait que le risque de défaut de l’État français a été considéré
comme non négligeable apparaît comme un élément doté d’une certaine pertinence.

168. En ce qui concerne la troisième branche du troisième moyen, je ne perçois pas, dans les conclusions de Crédit lyonnais en première instance ou en pourvoi, d’argument supplémentaire et distinct de ceux que le Tribunal a examinés et rejetés aux points 73 à 88 de l’arrêt attaqué.

169. Sur la base de ce qui précède, j’estime qu’il y a lieu de rejeter le recours en annulation formé par Crédit lyonnais.

VII. Sur les dépens

170. Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour de justice, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, celle-ci statue sur les dépens.

171. L’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement, dispose que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

172. En l’espèce, la BCE a conclu à la condamnation aux dépens. Dès lors qu’il conviendrait d’accueillir le pourvoi et de rejeter le recours, il y a lieu de condamner Crédit lyonnais aux dépens exposés aussi bien en première instance que dans le cadre du pourvoi.

VIII. Conclusion

173. Au vu des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de statuer comme suit :

– annuler l’arrêt du 14 avril 2021, Crédit lyonnais/BCE (T‑504/19, EU:T:2021:185) ;

– rejeter le recours en annulation introduit par Crédit lyonnais ;

– condamner Crédit lyonnais aux dépens exposés aussi bien en première instance que dans le cadre du pourvoi.

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( 1 ) Langue originale : l’anglais.

( 2 ) T‑504/19, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2021:185.

( 3 ) Kalintri, A., « What’s in name ? The marginal standard of review of “complex economic assessments” in EU competition enforcement », Common Market Law Review, 2016, p. 1283 et 1284.

( 4 ) Pour un ouvrage qui met également en évidence le caractère très controversé de ce sujet, voir Gippini-Fournier, E., Castillo de la Torre, F., Evidence, Proof and Judicial Review in EU Competition Law, Edward Elgar Publishing, 2017, p. 275.

( 5 ) Les produits concernés sont : le livret A, régi par les articles L.221‑1 à L.221‑9 du code monétaire et financier (CMF), le livret d’épargne populaire, régi par les articles L.221‑13 à L.221‑17‑2 du CMF, et le livret de développement durable et solidaire, régi par l’article L.221‑27 du CMF. Dans les présentes conclusions, ces trois produits seront ci-après désignés ensemble par le terme « l’épargne réglementée ».

( 6 ) JO 2013, L 176, p. 1, corrigé dans JO 2013, L 208, p. 68, et JO 2013, L 321, p. 6.

( 7 ) Cette disposition a été modifiée par le règlement (UE) 2019/876 du Parlement européen et du Conseil, du 20 mai 2019, modifiant le règlement (UE) no 575/2013 en ce qui concerne le ratio de levier, le ratio de financement stable net, les exigences en matière de fonds propres et d’engagements éligibles, le risque de crédit de contrepartie, le risque de marché, les expositions sur contreparties centrales, les expositions sur organismes de placement collectif, les grands risques et les exigences de
déclaration et de publication, et le règlement (UE) no 648/2012 (JO 2019, L 150, p. 1).

( 8 ) JO 2013, L 287, p. 63.

( 9 ) Arrêt du 13 juillet 2018, Crédit agricole/BCE, T‑758/16, ci-après l’ arrêt de 2018 , EU:T:2018:472.

( 10 ) Aux termes de l’article 266 TFUE, l’institution dont émane l’acte annulé est tenue « de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne ».

( 11 ) Points 34 à 69 de l’arrêt attaqué.

( 12 ) Points 70 à 96 de l’arrêt attaqué.

( 13 ) Points 97 à 106 de l’arrêt attaqué.

( 14 ) Points 107 à 114 de l’arrêt attaqué.

( 15 ) Points 115 à 123 de l’arrêt attaqué.

( 16 ) Mise en italique par mes soins.

( 17 ) Voir, par exemple, arrêt du 28 juillet 2016, Conseil/Commission (C‑660/13, EU:C:2016:616, point 32). Mise en italique par mes soins.

( 18 ) Article 127, paragraphe 1, TFUE, ainsi que articles 1er et 2 du protocole (no 4) sur les statuts du Système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne (ci-après les « statuts du SEBC et de la BCE »). Protocole annexé aux versions consolidées du traité sur l’Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (JO 2010, C 83, p. 230).

( 19 ) Voir, notamment, arrêt du 10 septembre 2019, HTTS/Conseil (C‑123/18 P, EU:C:2019:694, point 100 et jurisprudence citée).

( 20 ) Voir respectivement article 3.3 et article 25 des statuts du SEBC et de la BCE.

( 21 ) Voir article 4, paragraphe 1, sous d), et article 4, paragraphe 3, du règlement no 1024/2013.

( 22 ) Voir, notamment, considérants 7 et 32 ainsi que article 1er du règlement no 575/2013.

( 23 ) Voir considérant 90 et article 4, paragraphe 1, point 93, de ce règlement.

( 24 ) Voir article 4, paragraphe 1, point 94, de ce règlement.

( 25 ) Voir point 7 des présentes conclusions.

( 26 ) Mise en italique par mes soins.

( 27 ) En dehors des circonstances exceptionnelles dans lesquelles le juge de l’Union peut exercer sa compétence de pleine juridiction : voir article 261 TFUE et, notamment, article 31 du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité (JO 2003, L 1, p. 1).

( 28 ) Voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Tizzano dans l’affaire Commission/Tetra Laval (C‑12/03 P, EU:C:2004:318, points 85 et 86).

( 29 ) De manière générale, à cet égard, voir arrêt du 8 décembre 2011, KME Germany e.a./Commission (C‑272/09 P, EU:C:2011:810, point 102).

( 30 ) Pour une comparaison approfondie entre le régime de l’Union et celui de certains États membres, voir Schwarze, J., European Administrative Law, 1re éd. révisée, Sweet & Maxwell, 2006, p. 261 à 503. Voir, également, Mendes, J., « Bounded Discretion in EU Law : A Limited Judicial Paradigm in a Changing EU », Modern Law Review, 2017, p. 451 à 462. Pour une comparaison avec le système des États-Unis d’Amérique, voir Shapiro, M., « Codification of Administrative Law : The US and the Union »,
European Law Journal, 1996, p. 26 à 47. Pour les approches suivies en la matière par, notamment, la Cour européenne des droits de l’homme et la Cour internationale de justice, voir Gruszczynski, L., Werner, W. (éd.), Deference in International Courts and Tribunals : Standard of Review and Margin of Appreciation, Oxford University Press, 2014, chapitres 13 et 17.

( 31 ) Dans la doctrine, ces cas de figure sont parfois qualifiés de pouvoir discrétionnaire « classique », « pur » ou « adéquat ».

( 32 ) Certains auteurs préfèrent ne pas utiliser le terme « pouvoir discrétionnaire » dans ce contexte et parlent de « marge d’appréciation ».

( 33 ) Voir, dans le même sens, conclusions de l’avocat général Jacobs dans l’affaire Technische Universität München (C‑269/90, EU:C:1991:317, point 13).

( 34 ) Par exemple, dans une affaire ancienne, la Cour a fait référence à de « complexes jugements de valeur qui, par leur nature même, ne sont pas susceptibles d’une vérification objective » : voir arrêt du 17 mars 1971, F./Commission (29/70, EU:C:1971:29, point 7). Pour des positions analogues à celles défendues dans les présentes conclusions, voir Forwood, N., « The Commission’s “More Economic Approach” – Implications for the role of the EU Courts, the treatment of economic evidence and the scope
of judicial review », dans Ehlermann, C. D., Marquis, M. (éd.), European Competition Law Annual 2009 : Evaluation of evidence and its judicial review in competition cases, Hart Publishing, Londres, 2011, p. 13, et Bellamy, C., dans « Judicial Enforcement of Competition Law », Policy Roundtables, OCDE, Paris, 1996, p. 106.

( 35 ) Voir, pour des considérations analogues, Vesterdorf, B., « Standard of Proof in Merger cases : Reflections in the Light of Recent Case Law of the Community Courts », European Competition Journal, 2005, p. 17.

( 36 ) Il en est ainsi lorsqu’il s’agit d’envisager divers enchaînements de cause à effet dans une analyse prospective : voir arrêt du 16 janvier 2019, Commission/United Parcel Service (C‑265/17 P, EU:C:2019:23, point 32).

( 37 ) Tel est le cas, par exemple, lorsqu’il s’agit de déterminer si une situation donnée atteint le seuil de gravité, d’importance ou de grandeur prévu par une disposition spécifique. Par exemple, l’article 66 TFUE permet au Conseil « [l]orsque, dans des circonstances exceptionnelles, les mouvements de capitaux [...] causent ou menacent de causer des difficultés graves pour le fonctionnement de l’Union économique et monétaire [de] prendre [...] des mesures de sauvegarde [nécessaires] » (mise en
italique par mes soins).

( 38 ) Voir, par exemple, arrêts du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission (56/64 et 58/64, EU:C:1966:41, p. 501), et du 14 mars 1973, Westzucker (57/72, EU:C:1973:30, points 4 à 17). Cette jurisprudence trouve très probablement son origine dans l’article 33, premier alinéa, du traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) (alors en vigueur) qui, dans le cadre d’un recours en annulation dirigé contre des décisions de la Haute Autorité, s’opposait, sauf
exceptions, à ce que l’examen de la Cour porte « sur l’appréciation de la situation découlant des faits ou circonstances économiques au vu de laquelle sont intervenues [les] décisions ou recommandations [de la Haute Autorité] ».

( 39 ) Arrêt du 13 juin 1958, Meroni/Haute Autorité (9/56, EU:C:1958:7, p. 43 et 46). Plus récemment, voir arrêt du 22 janvier 2014, Royaume-Uni/Parlement et Conseil (C‑270/12, EU:C:2014:18, points 41 à 54).

( 40 ) Voir Giannini, M. S., Il Potere Discrezionale della Pubblica Amministrazione, Concetto e Problemi, Giuffrè, 1939, p. 42 et 43.

( 41 ) Voir, notamment, arrêts du 1er mars 2016, National Iranian Oil Company/Conseil (C‑440/14 P, EU:C:2016:128, point 77 et jurisprudence citée), ainsi que du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU (C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 117 et jurisprudence citée).

( 42 ) Voir, récemment, arrêt du 7 mai 2020, BTB Holding Investments et Duferco Participations Holding/Commission (C‑148/19 P, EU:C:2020:354, point 56 et jurisprudence citée). Mise en italique par mes soins.

( 43 ) Voir, en ce sens, arrêt du 10 juillet 2014, Telefónica et Telefónica de España/Commission (C‑295/12 P, EU:C:2014:2062, point 54 et jurisprudence citée). Voir également conclusions de l’avocat général Tizzano dans l’affaire Commission/Tetra Laval (C‑12/03 P, EU:C:2004:318, points 87 et 88).

( 44 ) Voir points 64 à 66 des présentes conclusions.

( 45 ) Tel semble être l’avis de l’avocat général Poiares Maduro dans ses conclusions dans l’affaire Arcelor Atlantique et Lorraine e.a. (C‑127/07, EU:C:2008:292, point 39). Je ne partage pas cet avis.

( 46 ) Ainsi que cela a été mentionné au point 35 des présentes conclusions, les actes de l’Union jouissent d’une présomption de légalité jusqu’à ce qu’ils soient annulés ou déclarés invalides ou inapplicables par la Cour. C’est à la partie qui se prévaut de l’illégalité de l’acte attaqué qu’il appartient d’apporter la preuve des faits sur lesquels sont fondées ses prétentions. Sur ce point, voir, récemment, conclusions de l’avocat général Szpunar dans l’affaire PlasticsEurope/ECHA (C‑119/21 P,
EU:C:2022:655, points 55 à 60).

( 47 ) Voir conclusions de l’avocat général Szpunar dans l’affaire PlasticsEurope/ECHA (C‑119/21 P, EU:C:2022:655, point 69).

( 48 ) Sauf, évidemment, les vices qui affectent éventuellement l’acte et qui, en tant que questions d’ordre public, peuvent être soulevés d’office par le juge de l’Union.

( 49 ) Les raisons qui motivent cette position ayant été expliquées en détail par d’autres collègues éminents et des universitaires, il n’y a pas lieu de les réitérer ici. Je me contenterai de renvoyer le lecteur notamment aux conclusions de l’avocat général Jacobs dans l’affaire Technische Universität München (C‑269/90, EU:C:1991:317, points 15 et 16), ainsi qu’à Craig, P., EU Administrative Law, 3e éd., Oxford University Press, 2018, p. 472 à 474.

( 50 ) Voir conclusions de l’avocat général Poiares Maduro dans l’affaire Commission/max.mobil (C‑141/02 P, EU:C:2004:646, point 78).

( 51 ) Voir point 33 des présentes conclusions.

( 52 ) Voir, en ce sens, conclusions de l’avocate générale Kokott dans l’affaire Commission/Alrosa (C‑441/07 P, EU:C:2009:555, point 84).

( 53 ) En effet, le premier courant jurisprudentiel concernait, principalement, des recours dirigés contre des actes législatifs de l’Union, alors que la seconde ligne jurisprudentielle concernait, de façon générale, des décisions administratives des institutions de l’Union. Sur ce point, voir, également, Schwarze, J., European Administrative Law, op. cit., p. 298.

( 54 ) Conclusions de l’avocat général Léger dans l’affaire Rica Foods/Commission (C‑40/03 P, EU:C:2005:93, point 45). Mise en italique par mes soins.

( 55 ) Mise en italique par mes soins. Voir également article 2 TUE.

( 56 ) Le critère de ce qui est « manifestement inapproprié [...] par rapport à l’objectif [poursuivi] » énoncé dans le premier courant jurisprudentiel semble placer la barre plutôt haut pour les requérants. En revanche, dans le second courant jurisprudentiel, le juge de l’Union a expliqué que le critère de l’« erreur manifeste » ne permet pas au juge de l’Union de, notamment, vérifier le caractère complet et la fiabilité des éléments de preuve ainsi que la cohérence entre les éléments de preuve et
les conclusions qui en sont tirées. Ce passage de la jurisprudence pointe, sans doute, vers une forme de contrôle plus rigoureux en ce qui concerne les cas où est exercé un pouvoir discrétionnaire de nature purement technique. Pour paraphraser M. Jaeger, je dirais que la jurisprudence suggère une certaine « marginalisation » du contrôle marginal en cas de pouvoir discrétionnaire technique. Voir Jaeger, M., « The Standard of Review in Competition Cases Involving Complex Economic Assessments : Towards
the Marginalisation of the Marginal Review ? », Journal of European Competition Law & Practice, 2011, p. 295 à 314.

( 57 ) Cela étant précisé, il convient d’admettre qu’il est tout à fait possible que certaines formes de pouvoir discrétionnaire politique strictement encadré confèrent à l’institution concernée une marge de manœuvre moins importante que celle découlant des appréciations techniques requises par des dispositions légales qui emploient une ou plusieurs notions indéterminées.

( 58 ) Il s’agit de l’évaluation des paramètres, des critères ou des éléments sur la base desquels l’institution se prononce sur la meilleure ligne de conduite à adopter dans les circonstances concrètes.

( 59 ) Souvent, les dispositions légales exigent d’adopter une certaine ligne d’action (l’institution « doit ») lorsque les conditions qui y sont énoncées sont remplies.

( 60 ) Voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Poiares Maduro dans l’affaire Commission/max.mobil (C‑141/02 P, EU:C:2004:646, point 79). Cela découle très logiquement du principe d’attribution des compétences aux institutions consacré à l’article 13, paragraphe 2, TUE : voir point 33 des présentes conclusions. Tel est le cas, par exemple, de la décision de la Commission d’engager une procédure en manquement à l’encontre d’un État membre au titre des articles 258 et 260 TFUE.

( 61 ) Tel est le cas, par exemple, de la décision de la Commission d’engager une procédure en manquement à l’encontre d’un État membre au titre des articles 258 et 260 TFUE. Voir, à cet égard, arrêt du 8 mars 2022, Commission/Royaume-Uni (Lutte contre la fraude à la sous‑évaluation) (C‑213/19, EU:C:2022:167, point 203, et jurisprudence citée).

( 62 ) Voir, par exemple, article 101, paragraphe 3, TFUE et article 107, paragraphe 3, TFUE.

( 63 ) Voir, notamment, arrêt du 15 février 2005, Commission/Tetra Laval (C‑12/03 P, EU:C:2005:87, point 42).

( 64 ) Par exemple, l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (règlement CE sur les concentrations) (JO 2004, L 24, p. 1), impose à la Commission d’interdire les projets de concentration entre entreprises qui, s’ils sont mis en œuvre, « entraveraient de manière significative une concurrence effective dans le marché commun ou une partie substantielle de celui-ci ».

( 65 ) À titre d’exemple : est-ce que l’application des règles de concurrence de l’Union à une entreprise chargée de la gestion de certains services d’intérêt économique général dans un État membre ferait « échec à l’accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui [lui] a été impartie » au sens de l’article 106, paragraphe 2, TFUE ?

( 66 ) Par exemple : une région connaît-elle un « niveau de vie » anormalement bas ou un « grave sous-emploi » au sens de l’article 107, paragraphe 3, sous a), TFUE ?

( 67 ) Par exemple : un État membre connaît-il des difficultés ou une menace sérieuse de graves difficultés en raison de catastrophes naturelles ou d’événements exceptionnels échappant à son contrôle au sens de l’article 122, paragraphe 2, TFUE ?

( 68 ) Arrêt du 8 avril 2014, Digital Rights Ireland e.a. (C‑293/12 et C‑594/12, EU:C:2014:238, points 47 et 48).

( 69 ) Voir, par exemple, arrêt du 16 juin 2022, SGL Carbon e.a./Commission (C‑65/21 P et C‑73/21 P à C‑75/21 P, EU:C:2022:470, points 95 et 96 ainsi que jurisprudence citée).

( 70 ) Voir, notamment, arrêt du 22 novembre 2012, E.ON Energie/Commission (C‑89/11 P, EU:C:2012:738, points 71 et 72).

( 71 ) En ce sens, voir Lefèvre, S., Prek, M., « “Administrative Discretion”, “Power of Appraisal” and “Margin of Appraisal” in the Judicial Review Proceedings before the General Court », Common Market Law Review, 2016, p. 377, et Craig, P., op. cit., p. 445.

( 72 ) C’est peut-être l’une des raisons pour lesquelles le juge de l’Union n’a pas beaucoup développé ces questions, adoptant une approche relativement « pragmatique » ou « souple » à cet égard. Voir Schwarze, J., « Judicial Review of European Administrative Procedure », Law and Contemporary Problems, 2004, p. 100 et 101 ; et Mendes, J., op. cit., p. 5.

( 73 ) De même, voir conclusions de l’avocat général Cosmas dans l’affaire France/Ladbroke Racing et Commission (C‑83/98 P, EU:C:1999:577, point 16). Voir, également, considérations développées par Gippini-Fournier au sujet de l’absence d’un « niveau de preuve » clair devant les juridictions de l’Union, dont certaines pourraient, mutatis mutandis, s’appliquer également en ce qui concerne l’absence d’un « niveau de contrôle » clair : Gippini-Fournier, E., « The Elusive Standard of Proof in EU
Competition Cases », World Competition, 2010, p. 187 à 207.

( 74 ) Voir, en ce sens, considérants 90 et 91 ainsi qu’article 4, paragraphe 1, point 94, du règlement no 575/2013.

( 75 ) Voir points 36 à 38 des présentes conclusions.

( 76 ) Il a en effet été établi qu’un levier excessif constituait l’un des principaux facteurs de cette crise financière (et de nombreuses crises passées également). Voir, notamment, considérant 90 du règlement no 575/2013.

( 77 ) Au point 30 de l’arrêt de 2018, le Tribunal a évoqué un « large pouvoir d’appréciation » à cet égard.

( 78 ) Le Tribunal a de nouveau mentionné cet élément au point 116 de l’arrêt attaqué.

( 79 ) Voir, notamment, considérants 19, 39, 44, 46 et 60 de ce règlement ainsi que point 51 de l’arrêt de 2018.

( 80 ) Pages 5 et 6 de la décision litigieuse. Mise en italique par mes soins.

( 81 ) Voir point 59 de l’arrêt attaqué.

( 82 ) Je relève, au passage, que les constatations du Tribunal en ce qui concerne la perception par les déposants de la qualité de valeur refuge de l’épargne réglementée ne reposent que sur deux documents qui, compte tenu de leur faible nombre, de leur caractère général et de leur contenu relativement élémentaire, semblent constituer un cadre probatoire quelque peu « léger » (voir point 109 de l’arrêt attaqué).

( 83 ) Voir, en particulier, considérants 91 à 93, article 4, paragraphe 1, point 93, et article 429, paragraphes 1 à 11, du règlement no 575/2013. Voir également point 42 de l’arrêt de 2018.

( 84 ) Voir, par analogie, article 116, paragraphe 4, du règlement no 575/2013, visé au point 49 de l’arrêt de 2018.

( 85 ) Voir, en ce sens, points 43 et 50 de l’arrêt de 2018.

( 86 ) Voir, en ce sens, point 51 de l’arrêt de 2018.

( 87 ) Voir, notamment, points 43, 50, 66, 68, 84 et 89 à 96 de l’arrêt attaqué.

( 88 ) Voir observations no 2 et no 4 (p. 2 et 3) de l’évaluation par la BCE des observations de Crédit agricole sur le projet de décision. Ce document était annexé à la décision litigieuse et en faisait partie intégrante.

( 89 ) Voir, à cet égard, points 115 et 116 de l’arrêt attaqué, sur lesquels je reviendrai plus tard.

( 90 ) Pour les personnes intéressées, une recherche rapide sur Internet peut fournir des références à une littérature économique abondante qui, étudiant le comportement des déposants tout au long de l’histoire, identifie les éléments qui ont déclenché des retraits massifs.

( 91 ) Points 43 à 45 de l’arrêt attaqué.

( 92 ) Voir point 46 de l’arrêt attaqué, dans lequel le Tribunal indique que cet aspect serait, le cas échéant, examiné dans le cadre du troisième moyen, avec les points 97 et suiv. de cet arrêt (et, en particulier, son point 114) lorsque, dans le cadre de l’examen du troisième moyen, il n’est pas fait référence à l’argumentation de Crédit lyonnais à cet égard. J’examinerai ces arguments aux points 165 à 168 des présentes conclusions.

( 93 ) De nouveau, les éléments évoqués par le Tribunal à l’appui de sa conclusion à cet égard n’apparaissent pas particulièrement fournis (voir référence faite au point 116 de l’arrêt attaqué).

( 94 ) Voir observation no 2 (p. 2) sur l’évaluation par la BCE des observations de Crédit agricole sur le projet de décision.

( 95 ) Voir tableau figurant à la fin du point 2.2 de la décision litigieuse.

( 96 ) Mise en italique par mes soins.

( 97 ) À cet égard, il n’est guère besoin de rappeler que, si l’appréciation différente des divers éléments examinés par le Tribunal était sans incidence sur les conclusions finales de la BCE, la décision litigieuse aurait dû être maintenue.

( 98 ) Voir points 15, 91 et 92 des présentes conclusions. Il est intéressant de noter que, eu égard à leur situation particulière, la BCE a accordé aux autres banques appartenant au groupe Crédit agricole une exemption totale en ce qui concerne leurs expositions sur la CDC.

( 99 ) Voir, en ce sens, arrêt du 28 janvier 2021, Qualcomm et Qualcomm Europe/Commission (C‑466/19 P, EU:C:2021:76, points 43 et 44 ainsi que jurisprudence citée).


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : C-389/21
Date de la décision : 27/10/2022
Type d'affaire : Pourvoi
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Pourvoi – Politique économique et monétaire – Surveillance prudentielle des établissements de crédit – Règlement (UE) no 575/2013 – Calcul du ratio de levier – Mesure de l’exposition – Article 429, paragraphe 14 – Exclusion des expositions remplissant certaines conditions – Refus partiel d’autorisation – Pouvoir discrétionnaire de la Banque centrale européenne (BCE) – Recours en annulation – Erreur manifeste d’appréciation – Contrôle juridictionnel.

Politique économique et monétaire


Parties
Demandeurs : Banque centrale européenne
Défendeurs : Crédit lyonnais.

Composition du Tribunal
Avocat général : Emiliou

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2022:844

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